FR15CR34

AS (2015) CR 34

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-quatrième séance

Jeudi 1er octobre 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Flego, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. L’abus de la détention provisoire dans les Etats Parties
à la Convention européenne des droits de l’homme

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Agramunt, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur «L’abus de la détention provisoire dans les Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme» (Doc. 13863).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à midi. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 20, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport que je vous présente aujourd’hui est le résultat d’un travail strictement juridique, même s’il ne faut pas négliger sa dimension politique.

Au cours de ces trois années de travail, ne pouvant me rendre dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, j’ai dû opérer un certain nombre de choix. Ces choix ont été réalisés en fonction de l’analyse statistique des violations constatées par la Cour européenne des droits de l’homme, et notamment du nombre de violations de l’article 5 de la Convention. Ainsi, je me suis rendu en Fédération de Russie, en Turquie et en Géorgie, où j’ai retrouvé un peu les mêmes schémas d’abus de la détention provisoire, pour des motifs qui dépassent la simple application du droit pénal. Mais je dois reconnaître que ces problèmes existent également en Azerbaïdjan – je connais bien sa situation puisque je suis rapporteur pour ce pays au titre de la commission de suivi.

Plusieurs exemples ont été choisis en fonction de critères objectifs, avec l’accord de la commission des questions juridiques.

D’après les statistiques officielles, dans nombre de nos pays, la détention provisoire est trop souvent utilisée et pour des durées trop longues. Dans mon rapport, je fais référence à l’article 5 de la Convention, qui prévoit les conditions de la détention provisoire, laquelle est souvent un problème pour le détenu mais également pour sa famille, voire pour la société. Il faut par ailleurs prendre en considération d’éventuels cas de «contamination criminelle» de personnes innocentes et maintenues en détention pendant des mois, et même des années, dans des conditions souvent pires que si elles étaient détenues dans des établissements pénitentiaires destinés à des personnes, elles, condamnées.

Les critiques contenues dans le rapport s’adressent pratiquement à tous nos pays dans une plus ou moins grande mesure. Nous devons donc aborder cette question parce qu’elle touche au respect des droits de l’homme.

J’ai également relevé des exemples d’abus délibérés de détention provisoire, obéissant à des motifs clairement illégaux au regard de la Convention. Je précise avoir scrupuleusement veillé à ne pas dépasser les compétences qui m’étaient attribuées en tant que rapporteur. Il ne nous incombe pas, en effet, de nous faire juges et de décider de l’innocence ou de la culpabilité de tel ou tel détenu. Au cours de mes visites, il est arrivé que les deux parties s’efforcent de me convaincre que le détenu était soit coupable, soit innocent.

Par exemple, en Géorgie, le procureur général m’a montré des vidéos exposant les crimes commis –
selon lui – par certains officiels de haut rang désormais en prison. De hauts dignitaires, parmi lesquels le ministre de la Justice, ont traité publiquement leurs opposants de criminels, de monstres avant même qu’ils n’aient été arrêtés et, éventuellement, condamnés. On m’a même indiqué publiquement que l’objectif de ce ministre était de détruire le parti d’opposition «Mouvement national uni». Tous ces détenus provisoires ne sont pas forcément innocents mais j’ai du mal à croire que tous les dirigeants de l’opposition soient des criminels patentés. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont également relevé que la détention provisoire est ici utilisée comme un moyen de faire taire les opposants. De fortes pressions ont été exercées sur l’assemblée des ambassadeurs d’Etats membres de notre Assemblée, ce qui confirme que l’impression ressentie lors de mes visites était fondée et que ces détentions ont bel et bien une motivation politique. Interpol a ainsi annulé des mandats d’arrestation lancés contre des membres de l’opposition géorgienne vivant à l’étranger, mandats là aussi obéissant de toute évidence à des motivations politiques.

On m’a accusé d’avoir des préjugés parce que je suis président du Groupe du Parti populaire européen. Lisez donc mon rapport de façon impartiale. J’ai été dûment désigné rapporteur par les membres de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Mes conclusions se fondent sur la jurisprudence de la Cour européenne. Il est vrai que j’ai critiqué les autorités géorgiennes qui mettent en prison ceux que le ministre de la Justice appelle mes «amis politiques»; mais j’ai également critiqué les autorités d’autres pays, à Bakou, à Moscou, à Ankara pour avoir abusé de la détention provisoire à l’encontre de manifestants, de journalistes, de membres de la «société civile», de blogueurs, de militants, les pays concernés exerçant bien souvent une pression inacceptable sur les juges qui refusent d’emprisonner ces personnes. C’est une question de crédibilité pour moi-même et pour l’Assemblée: j’ai critiqué aussi bien mes amis qui ont emprisonné ceux qui n’auraient pas dû l’être que ceux qui ont illégalement emprisonné mes amis.

L’Assemblée parlementaire se doit d’appeler un chat un chat: si nous fermons les yeux sur ces pratiques, nous perdrons toute crédibilité; c’est pourquoi je vous demande de bien vouloir adopter le projet de résolution et le projet de recommandation tels qu’ils sont rédigés. Il s’agira par-là d’envoyer un message fort au Comité des Ministres afin qu’il se saisisse de cette question et améliore la protection qui doit être accordée toute personne avant qu’elle ne soit mise en détention provisoire.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 4 minutes 30 pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme SOTNYK (Ukraine) porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, je remercie le rapporteur pour son très important travail en faveur de la défense des droits de l’homme. Pour bien montrer l’importance du sujet, je citerai seulement un chiffre: une personne détenue sur cinq a souffert de tortures, a été arrêtée arbitrairement. De nombreuses personnes souffrent de la violation systématique de leurs droits fondamentaux pendant leur détention provisoire. Il s’agit malheureusement d’une pratique fréquente. La détention provisoire souffre de très graves carences, si bien qu’on constate, depuis cinq ans, une augmentation sensible des suicides et des décès en prison.

Nous devons tenir compte de considérations à la fois morales et juridiques.

Il faut en effet respecter les lois, qu’existent des mécanismes indépendants permettant de vérifier que les procédures sont bien suivies: les griefs doivent être formulés dans la langue de l’accusé; de véritables preuves doivent être présentées; enfin doivent être fournies toutes les garanties de procédure et donner, le cas échéant, aux personnes, les soins dont ils ont besoin et informer les familles. Des juges doivent vérifier la légalité de toute arrestation et libérer immédiatement ceux dont les droits auront été violés. La détention préventive ne doit pas être utilisée comme un instrument pour influencer, intimider les gens.

Se pose en outre la question de la durée de la détention préventive. Il convient de dénoncer les détentions excessivement longues – on songe aux opposants politiques géorgiens. Cet outil est également utilisé de manière choquante en Russie – notre collègue Nadiia Savchenko en est victime. On exerce sur ce type de détenus des pressions morales et physiques.

J’en viens aux considérations morales. Nous devons nous montrer très prudents s’agissant de la mise en détention des personnes: il peut être question de vie ou de mort.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens * – Au nom du Groupe des conservateurs européens, je voudrais féliciter M. Agramunt pour son rapport fondamental. Il n’existe pas de question plus importante pour notre Assemblée que celle que nous examinons maintenant. L’abus de la détention provisoire est dommageable non seulement pour les individus et leurs familles, mais aussi pour les pays. Il ne s’agit pas ici de donner des leçons à certains pays. Le Royaume-Uni lui-même a été exposé à ce problème pendant des siècles, depuis notre première charte des droits à la fin du XVIIe siècle. Certains cas continuent de poser problème actuellement dans mon pays, même si nous respectons généralement les principes de la Convention européenne des droits de l’homme. Une personne doit être détenue sans avoir été condamnée par une décision de justice définitive uniquement si elle représente un danger grave pour la population.

Au niveau européen, la situation est malheureusement mitigée en matière de détention provisoire. Le rapport témoigne de différences importantes selon les pays s’agissant du nombre de détentions provisoires pour 100 000 habitants, la Turquie affichant le chiffre le plus élevé (89). Plutôt que de stigmatiser certains pays, nous devons examiner les affaires au cas par cas. On entend parfois que les débats de l’Assemblée ne sont que des mots, mais ces mots résonnent dans nos différents pays, et notamment en Russie, avec les affaires concernant MM. Khodorkovski et Magnitski. Mais de nouveaux cas d’abus de détention provisoire continuent d’être constatés. En Ukraine, un député, M. Mosiychuk, n’a été jugé qu’il y a peu, après une longue détention provisoire. Il est aujourd’hui écarté du pouvoir politique. De nombreuses affaires se poursuivent malgré notre volonté affichée de défendre les principes de la Convention. Nous devons continuer à dénoncer chaque abus de détention provisoire. Notre Assemblée a un rôle essentiel à jouer.

M. KÜRKÇÜ (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le projet de résolution invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre des mesures pour limiter la détention provisoire et libérer les détenus emprisonnés pour des raisons injustifiées. Nous ne pouvons que nous féliciter d’un tel message, mais c’est à la fois trop tard et trop peu pour que l’Assemblée puisse aider à surmonter la faille structurelle majeure de certains Etats. La détention provisoire témoigne de l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique. Certains juristes parlent du retour d’un «droit pénal ennemi» en opposition au «droit pénal des citoyens» y compris dans les pays de tradition démocratique. Il s’agit d’une nouvelle forme de totalitarisme, à visage humain, qui dépouille le droit pénal de sa forme libérale. Certes, des procédures améliorées pourraient constituer une piste de solution, mais une menace grave demeurera tant que la suprématie de l’Etat sur la société civile ne sera pas contrecarrée par des contrôles des citoyens à tous les niveaux des organes de l’Etat.

C’est en 2012, lorsque des arrestations massives se sont produites en Turquie, que le rapporteur a été saisi de la question des abus de la détention provisoire dans les Etats membres de l’Organisation. On peut regretter qu’il n’indique pas, dans les paragraphes consacrés à ce pays, que ces arrestations visaient des activistes kurdes. Entre 2009 et 2013, 6 000 membres de notre parti, parmi lesquels 6 députés élus, 31 maires, 94 journalistes et 36 juristes ont été placés en détention provisoire. Or le rapport n’en fait nullement mention. Un tel oubli est inacceptable alors que de nouvelles arrestations ont lieu en Turquie. Depuis juillet, à Cizre, les 9 journées de couvre-feu imposées par les autorités ont abouti à 23 morts de civils sans qu’aucune poursuite ne soit engagée. Le fait que le rapport se refuse à aborder ce conflit politique le disqualifie.

J’appelle l’Assemblée à se pencher sur le cas de M. Gregory Petrenko, un de nos anciens collègues, membre du Groupe pour la gauche unitaire européenne, en détention provisoire en République de Moldova depuis le 6 septembre pour avoir participé à des manifestations publiques contre le gouvernement. Mme Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien, est également détenue depuis le 4 avril 2015 à Ramallah à la suite d’une injonction d’un tribunal militaire israélien. M. Abdullah Demirbas, l’ancien maire kurde de la vieille ville de Diyarbakir, est lui aussi en détention provisoire pour des accusations de corruption sans fondement après des années de mandat, sans parler de six militants anonymes ukrainiens emprisonnés depuis le 2 mai 2014. Les responsables politiques ne sont certes pas à l’abri de poursuites légales mais ils doivent éviter d’instrumentaliser la justice pour servir leurs ambitions de pouvoir.

M. JAPARIDZE (Géorgie), porte-parole du Groupe socialiste* – J’ai l’honneur d’intervenir au nom du Groupe socialiste, mais je n’en suis pas moins Géorgien. Nous condamnons sans réserve l’abus de la détention provisoire à des fins politiques. Je remercie le rapporteur pour sa présentation mais il me semble que ceux qui peuvent vraiment se montrer reconnaissants à l’égard de son travail sont les membres de sa famille politique. Ils verront leur vision partisane reprise intégralement dans ce rapport, qui se veut pourtant objectif. Il y a quinze jours, la Cour constitutionnelle de Géorgie a rendu un arrêt historique pour limiter la détention provisoire à neuf mois. Cet arrêt comble le vide d’une loi adoptée en 2010 par un gouvernement de la même appartenance politique que celle du rapporteur! Ce gouvernement a réussi à convaincre de nombreuses personnes, dont M. Agramunt, que c’est notre gouvernement était à l’origine de ce vide!

Notre gouvernement a tenté de répondre aux appels de la communauté internationale en vue d’une réforme du système judiciaire géorgien. Nous acceptons les critiques quand elles sont justifiées, mais critiquer la décision d’un tribunal indépendant, qui a incarcéré une personne accusée de graves crimes est tout à fait choquant et contraire aux valeurs européennes.

La Géorgie respecte ses obligations. Nous ne sommes sans doute pas encore une démocratie modèle mais nous avons la volonté de devenir une démocratie qui fonctionne et dans laquelle la justice est rendue avec équité. Vous ne pouvez pas juger ainsi un pays qui est en voie de la démocratisation.

M. Bosić, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Flego au fauteuil présidentiel.

M. FEIST (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Merci au rapporteur; son travail étant indispensable, pour trois raisons.

D’abord, le rapport montre combien il est dangereux de détourner à des fins politiques l’instrument qu’est la détention provisoire. Pour avoir passé la moitié de ma vie dans un pays qui n’existe plus, la RDA, je sais combien il importe de défendre ceux qui sont poursuivis et détenus préventivement à des fins politiques.

Ensuite, vous avez indiqué, Monsieur le rapporteur, que, n’ayant pu visiter les 47 Etats membres, vous vous êtes concentré sur trois d’entre eux. Il est d’autant plus heureux qu’aujourd’hui, en commission, nous nous soyons mis d’accord sur le fait que ces trois pays sont des cas d’école mais que les principes qui ressortent de l’étude valent pour tous les pays. Quelqu’un a regretté que certains pays seulement soient cloués au pilori, mais il convient d’être attentif à la manière dont la situation a évolué dans chaque pays.

Voilà qui m’amène à mon troisième argument: les pays que le rapport cite en exemple ont déjà pris certaines initiatives pour remédier aux travers ici dénoncés. Ces pays, mais aussi tous les autres, le Conseil de l’Europe doit les accompagner et les aider.

Nous devrons continuer de dénoncer l’utilisation à des fins politiques de la détention provisoire, notamment au sein de notre sous-commission des droits de l’homme: ce rapport n’est pas le mot de la fin. Mais M. Agramunt aura posé des jalons utiles pour l’avenir, et je me réjouis d’avance que nous poursuivions notre collaboration sur ce dossier.

Mme BESELIA (Géorgie)* – L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est et doit rester le garant des droits de l’homme. Elle doit respecter le principe de la prééminence du droit et l’égalité de tous à cet égard: personne ne peut être au-dessus du droit.

Après 2012, lorsque la société géorgienne a remplacé le régime violent de M. Saakachvili, la Géorgie a commencé à prêter attention aux droits de l’homme et à suivre les recommandations du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, ainsi qu’à mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment l’arrêt Enukidze et Girgvliani c. Géorgie. De nouvelles enquêtes ont été ouvertes et ceux qui violaient les droits de l’homme ont dû en répondre devant les tribunaux.

Après 2012, le nombre de personnes en détention provisoire en Géorgie a baissé de 34 %, le nombre de détenus de 60 %, et le pays a promulgué de nouvelles lois plus humaines, obligeant la Cour à revoir les détentions provisoires tous les deux mois. Selon une décision rendue le 16 septembre dernier par la Cour constitutionnelle de Géorgie, la durée de la détention provisoire sera désormais limitée à neuf mois. Les détenus ne sont plus torturés dans les prisons géorgiennes comme ils l’étaient systématiquement sous Saakachvili.

Le projet de résolution est biaisé. M. Agramunt y considère que ses amis politiques, membres de l’ancien parti au pouvoir en Géorgie, le Mouvement national uni (MNU), devraient rester au-dessus des lois. Bref, M. Agramunt estime que ceux qui ont torturé et tué ne devraient pas être jugés. Cette attitude est inadmissible au sein du Conseil de l’Europe. Le texte d’une résolution ne peut reposer sur des sympathies personnelles. Cela nuira à la réputation du Conseil de l’Europe parmi la population géorgienne.

Après 2012, les tribunaux géorgiens sont devenus indépendants. Je vous invite à respecter un niveau élevé d’exigence en matière de droits de l’homme et à amender un projet de résolution qui contient beaucoup d’erreurs.

M. ARIEV (Ukraine)* – Au cours de l’histoire, la détention provisoire a longtemps été utilisée comme une sanction. Certains Etats ont déjà modifié cette pratique, d’autres non, d’autres encore sont en train de le faire. Il est essentiel de déterminer pourquoi et dans quels cas nous devrions y recourir, à titre d’exception et non de règle. En effet, pour que quelqu’un se retrouve derrière les barreaux sans avoir été définitivement jugé, il faut que ce soit pour de bonnes raisons, car cela peut porter atteinte à sa vie privée, professionnelle et sociale.

La détention provisoire est fondée s’agissant de crimes graves et de personnes qui pourraient influencer l’enquête. L’Ukraine a adopté ces dernières années des mesures offrant de nouvelles possibilités de limiter la liberté des suspects, dont l’obligation d’une caution et l’assignation à résidence. La justice ukrainienne y recourt déjà et plusieurs projets de loi sont destinés à clarifier les raisons qui justifient une détention provisoire.

Afin de lutter contre la corruption, nous envisageons également de recourir à la détention provisoire pour ceux qui sont suspectés de corruption à un haut niveau. Le Président Porochenko a demandé au Parlement de soutenir ce projet. En effet, il est facile pour certains de payer la caution, puis d’user de leur influence pour ne pas avoir à faire face à leurs responsabilités. Deux cas l’ont montré le mois dernier.

Tout d’abord, le président de l’Agence nationale pour l’emploi, accusé d’avoir perçu des pots-de-vin: ce haut fonctionnaire risquait de faire pression sur les enquêteurs. Le second exemple est celui du député Igor Mosiychuk, filmé à plusieurs reprises par les services de sécurité en train de toucher des pots-de-vin. Il a pu être arrêté immédiatement. Dans son cas, la détention provisoire est justifiée par son comportement très agressif vis-à-vis de la police et de ses adversaires.

En revanche, il ne faut pas recourir à la détention provisoire pour des raisons politiques comme l’a fait le gouvernement précédent, notamment vis-à-vis de Youri Lutsenko et de Ioulia Timochenko, et comme l’a fait la Russie vis-à-vis de notre collègue Nadiia Savchenko, du réalisateur Oleg Sentsov, du militant Mykola Karpiouk et d’autres.

Je remercie M. Agramunt de ce rapport. L’adoption de la proposition de résolution devrait influencer les législations nationales des Etats membres.

M. LE BORGN’ (France) – Le rapport qui nous est présenté ce matin par le président Pedro Agramunt est d’une grande importance. En effet, il touche à la fois au meilleur de ce que notre Organisation produit, à savoir la consolidation des droits et libertés individuelles, et aux limites de notre action, lorsqu’un ou plusieurs Etats membres passent malheureusement par pertes et profits tout ou partie de ces obligations. Cela nous ramène d’ailleurs au débat d’hier sur le rapport de notre ami Klaas de Vries concernant les difficultés d’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Sur la détention provisoire, c’est moins la législation de nos Etats qui pose problème que son application par les autorités de poursuite et par les tribunaux.

Comment ne pas être inquiet du nombre très élevé de personnes en détention provisoire en Europe, révélé par le rapport de Pedro Agramunt? Rappelons-le, la détention provisoire n’est légitime que pour empêcher un suspect de prendre la fuite, d’influencer les témoins ou de porter atteinte aux éléments de preuve.

Elle ne l’est pas s’il s’agit de poursuivre d’autres buts, à l’évidence abusifs, comme contraindre des personnes à avouer une infraction, neutraliser des opposants politiques, en particulier dans les périodes électorales, ou encore intimider la société civile en alimentant un climat de peur et de crainte. Permettez-moi ici d’avoir une pensée pour notre collègue ukrainienne Nadiia Savchenko, détenue illégalement en Russie depuis des mois. Je pense aussi à Leyla Yunus et à son mari Arif, défenseurs des droits en Azerbaïdjan, dont la détention provisoire prolongée a été une torture et dont la condamnation récente est une réelle insulte aux droits de l’homme et à cette Organisation.

Il faut dénoncer l’usage systématique de la détention provisoire, au mépris de la présomption d’innocence. Trop de nos pays souffrent encore de déséquilibres entre les moyens du ministère public et ceux à la disposition de la défense. Je suis partisan, à titre personnel et depuis longtemps, du transfert à des juridictions collégiales des décisions à prendre en matière de détention provisoire. Je souhaite aussi que nous nous engagions, dans chacun de nos Etats, en faveur d’une réelle égalité entre le ministère public et la défense.

Prenons exemple en particulier sur la réforme intervenue en Allemagne en 2010. Le détenu y a désormais le droit d’être assisté par un avocat dès le premier jour de détention au lieu du délai de trois mois en vigueur auparavant. L’avocat doit avoir accès au dossier durant toute la période de détention et non à la fin de l’enquête seulement. Enfin, et c’est fondamental, le prévenu doit être informé de ses droits dès le début de la détention, par écrit et dans une langue qu’il peut comprendre.

C’est ce type de législation et de pratique qu’il nous faut valoriser et encourager au sein du Conseil de l’Europe.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Agramunt pour un rapport courageux.

Que nous soyons dans la majorité ou dans l’opposition, il est difficile d’admettre que l’on puisse lutter contre l’opposition par le biais la détention préventive. Il importe non seulement de voter des résolutions et d’adopter des recommandations, mais aussi que chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe comprenne que la détention préventive ne doit pas être utilisée pour lutter contre les opposants politiques.

C’était le cas dans mon pays il y a quatre ou cinq ans. Mme Timochenko a ainsi passé deux ans en prison jusqu’à la décision de la Cour suprême de l’Ukraine et les excuses présentées par le Gouvernement ukrainien. Mais le plus important à retenir est que les juges qui avaient décidé de la placer en détention provisoire sont toujours en exercice en Ukraine et continuent de rendre des jugements et des décisions à l’encontre d’autres personnes.

Il me semble donc important d’analyser un autre cas mentionné par M. Agramunt dans son rapport: lorsque des chapitres du code pénal relatifs à la mise en détention provisoires sont utilisés contre des personnes et que d’autres articles sont interprétés à cette même fin, et que dans les deux cas, il est contesté que ces articles s’appliquent à une détention préventive, on peut s’interroger sur la méthode appliquée par la justice russe.

En effet, notre collègue Nadiia Savchenko est détenue depuis treize mois dans une prison de la Fédération de Russie et ce n’est qu’aujourd’hui, alors que des officiers de l’armée régulière russe ont été arrêtés sur notre territoire et qu’une procédure est engagée contre eux, que la Fédération de Russie commence à remettre en question certains des faits ayant entraîné l’emprisonnement de notre collègue. Un autre cas est celui de Mykola Karpyuk dont les amis ont été arrêtés et placés en détention provisoire sur le territoire de la Fédération de Russie.

Il importe de se fonder sur des faits et de mettre fin à de telles formes de pression contre l’opposition politique. En adoptant la résolution et la recommandation qui nous sont proposées, nous disposerons d’instruments à cet effet.

LE PRÉSIDENT* – M. Xuclà, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. ROUQUET (France) – L’abus de la détention provisoire est un mal endémique dans de nombreux Etats membres, et je tiens à saluer le rapport de M. Agramunt sur ce sujet, qui vient à point nommé.

Comme souligne le rapport, les conséquences de ces abus sont souvent néfastes tant pour les détenus que pour la société elle-même. J’ai ainsi, entre autres, noté le coût budgétaire élevé par rapport à d’autres mesures de contrainte, la désocialisation du détenu et de sa famille, les risques de propagation de maladies infectieuses et la violence régnant en prison.

Il n’est en effet pas normal que 25 % des personnes détenues en Europe le soient à titre provisoire. Peu de pays sont à l’abri des reproches. Examinant les chiffres 2013 d’Eurostat pour l’Union européenne, j’ai relevé des chiffres élevés de détentions provisoires en France, bien sûr, au Luxembourg et en Italie encore plus élevés, et des chiffres bien plus raisonnables en la Finlande et en Suède. Le rapport nous indique que ce taux est particulièrement élevé, atteignant 89,2 pour 100 000 en Turquie.

Les abus ordinaires, si je puis dire, de la détention provisoire sont totalement inacceptables. Ils le sont encore plus lorsqu’elle est motivée par des considérations politiques – ainsi, en Azerbaïdjan, en Géorgie, en Russie ou en Turquie. Même si le rapporteur souligne que ces trois derniers pays ont réussi, globalement, à diminuer le nombre de détentions provisoires, on atteint des chiffres très excessifs en Azerbaïdjan.

Il est certain que les causes de cet abus, en mettant à part les persécutions politiques, sont liées à une culture valorisant la fermeté affichée au détriment de la présomption d’innocence.

La solution est également culturelle et ne peut se limiter à des réformes de la législation, pour bienvenues qu’elles soient. Je ne peux qu’approuver les mesures préconisées mais, dans l’univers médiatique et instantané dans lequel nous vivons, la présomption de culpabilité est très forte. Remarquons que la mise en cause d’une quelconque personnalité, politique, économique ou culturelle, fait l’objet d’une couverture maximale alors que son éventuelle mise hors de cause ne suscite souvent aucun intérêt des medias.

Ajoutons que l’accès à la justice et à la défense est, hélas, inégal en fonction des revenus.

Une interrogation, Monsieur le rapporteur, que pensez-vous du système de la caution en vigueur aux Etats-Unis d’Amérique?

En conclusion, je formule le vœu que notre Assemblée suive de près, à intervalles réguliers, l’évolution de la situation en matière de détention provisoire, tant elle est au cœur des droits de l’homme et des libertés publiques.

Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, des réponses que vous voudrez bien m’apporter.

M. ROCHEBLOINE (France) – Dans un pays démocratique, la détention provisoire d’une personne poursuivie se justifie lorsqu’il existe des motifs sérieux de penser qu’elle envisage de se soustraire à l’action de la justice ou de faire disparaître des éléments susceptibles d’étayer les poursuites diligentées contre elle. Elle se justifie encore si le maintien en liberté de la personne poursuivie est susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public. Ces motivations font alors l’objet d’un examen contradictoire effectif.

Dans un pays démocratique, le prolongement excessif d’une détention provisoire, même fondé sur l’un des motifs que je viens de rappeler, peut conduire à considérer que la personne poursuivie n’a pas eu droit à un procès équitable. Par définition, une détention provisoire ne peut durer.

La méconnaissance de ces règles n’est jamais anodine. Elle peut prendre des formes plus ou moins graves.

L’abus de la détention provisoire, y compris dans les Etats réellement démocratiques, peut ainsi traduire l’inadaptation de l’organisation judiciaire. C’est aussi, dans certains cas, une facilité que l’on s’accorde.

Toutefois, les situations qui ont principalement retenu l’attention de notre rapporteur ne me semblent pas du même ordre. Il est profondément déplorable que, dans un trop grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, la détention provisoire soit en réalité une forme déguisée d’internement administratif purement arbitraire.

J’aimerais signaler à l’attention de M. Agramunt, qui, je le sais, n’y sera pas insensible, le cas de Mme Khadija Ismayilova, journaliste indépendante de nationalité azérie. Mme Ismayilova a été placée le 5 décembre 2014 en détention provisoire par décision d’un tribunal de Bakou, dont l’effet a été prolongé à plusieurs reprises. L’accumulation des chefs d’accusation qui sont reprochés à Mme Ismayilova est en elle-même, par son invraisemblance, le signe d’un procès politique truqué, dont la détention provisoire dont elle est victime est la triste préface. N’y aurait-il pas un rapport entre le sort subi par cette personne courageuse et le fait qu’elle enquêtait sur la corruption qui gangrène notoirement le régime azéri?

Je m’associe de tout cœur à celles et ceux qui réclament la cessation de la persécution dont Mme Ismayilova est victime, et je m’étonne que M. Agramunt n’ait pas jugé utile d’inclure l’Azerbaïdjan parmi les pays à l’égard desquels il y aurait lieu d’exercer une vigilance particulière. Aussi, je souhaite vivement que cet oubli soit réparé dans la mise en œuvre de la résolution que nous allons voter.

Je compte sur vous, Monsieur Agramunt, vous qui allez présider dans quelques mois notre Assemblée.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – M. Agramunt nous a rendu un fier service en soulignant un certain nombre de faits qu’il expose dans son rapport, même s’il est vrai que, dans ce genre d’exercice, on ne parle que des personnes les plus en vue.

Chacun sait comment se comportent les Russes en matière de détention provisoire. La Russie et d’autres pays sont continuellement présentés comme de mauvais exemples, mais en fait, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne peuvent faire des progrès. Au Royaume-Uni, même pour des crimes très graves comme le meurtre, la détention provisoire est limitée à cinq mois, et certains considèrent que c’est encore trop. M. Rouquet et M. Rochebloine ont constaté – et je les en remercie – qu’il y avait aussi des échecs en France. L’un de mes compatriotes, par exemple, a passé deux en détention préventive à Lyon en raison du système inquisitoire à la française. Cela ne reflète pas un bon fonctionnement de la justice. À Malte, l’un de mes électeurs est resté en détention pendant deux ans, puis a été placé en résidence surveillée après le paiement d’une caution. On a fini par l’autoriser à rentrer au Royaume-Uni après qu’il a dû s’engager à revenir régulièrement à Malte pour répondre aux juges, et cela toujours sans la moindre mise en accusation officielle.

Ce sont là des exemples pris parmi des Etats membres du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres, que j’ai sollicité, ne fait rien. Nous restons inertes, et pas seulement quand il s’agit de personnalités en vue: nous ignorons toute une série de cas de citoyens obscurs. J’ai l’impression que nous observons la paille dans l’œil du voisin et pas la poutre dans le nôtre. M. Kolokovic, l’électeur dont je parlais, a perdu son travail et sa maison à cause des autorités maltaises. Heureusement, sa femme ne l’a pas abandonné. Elle est tout ce qui lui reste.

Monsieur Agramunt fixe un cadre très strict pour l’application de la détention provisoire. Dans la plupart des cas, d’ailleurs, les lois sont bonnes en la matière; c’est leur application par le parquet qui pose problème. Nous devons dénoncer tous les cas de détention provisoire abusive, et pas seulement quand elles touchent des personnalités en vue.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – La première loi votée en Espagne après la dictature de Franco a été une réforme pénitentiaire. Cette loi de progrès a été rédigée par d’anciens prisonniers politiques qui avaient lutté contre Franco et connaissaient donc parfaitement ses méthodes.

Moi-même, je connais bien la prison. J’ai été détenu lors de la lutte contre la dictature franquiste. Je m’y suis également rendu en tant que Défenseur du peuple espagnol, puis en tant que magistrat – je rends parfois visite, à Noël, aux personnes que j’ai moi-même envoyées là-bas.

La prison détruit les êtres humains. On ne peut pas dire qu’elle permette de réhabiliter, de rééduquer, sauf très exceptionnellement ;dans l’immense majorité des cas, je le répète, les prisons détruisent les êtres humains. C’est la raison pour laquelle nul ne devrait être mis en prison, à moins qu’un certain nombre de personnes impartiales, indépendantes à l’égard de tout pouvoir – public ou privé – ait réuni des preuves montrant que telle ou telle personne doit être maintenue en prison parce que la société doit réprimer sa conduite et se défendre contre elle. Mais, tant qu’il n’y a pas eu de sentence en bonne et due forme, on ne doit pas être maintenu en détention. Cette situation doit rester exceptionnelle, limitée aux cas où la personne en question pourrait quitter le pays, détruire des preuves ou encore nuire à autrui. Or, dans un certain nombre de pays, elle est habituelle. La proportion de personnes en détention provisoire monte jusqu’à 25 % et même parfois 80 %.

L’essentiel du problème pour les pays de l’ancien bloc communiste – et c’est là la question que je voudrais poser au rapporteur –, n’est-il pas qu’il est bien difficile d’y trouver un pouvoir judiciaire indépendant? Là-bas, chez un certain nombre de personnes, l’idée est bien ancrée qu’elles sont des fonctionnaires, mais pas des fonctionnaires indépendants. Par conséquent, elles ne luttent pas réellement afin de réduire la détention provisoire et sa durée. Pour ce faire, il faut des autorités judiciaires réellement indépendantes, qui sachent dire non. Même si je ne suis pas particulièrement fier de la situation en Espagne, puisque la durée moyenne de la détention provisoire y est de deux ans, il y a d’abord un juge, puis trois autres qui doivent procéder à une évaluation. Ce n’est peut-être pas idéal, mais il y a tout de même quatre juges qui participent à l’élaboration de la décision et qui constituent un pouvoir judiciaire réellement indépendant, évaluant le comportement de la personne concernée.

En résumé, la question qui se pose est la suivante: que faudrait-il faire pour que le pouvoir judiciaire dans les ex-pays communistes devienne réellement indépendant, plutôt que de continuer à faire ce qu’on lui intime de faire?

M. BAKRADZE (Géorgie)* – Il est toujours regrettable que les membres d’une délégation nationale évoquent leurs problèmes internes dans cet hémicycle, mais je voudrais vous exposer un problème qui est absolument fondamental pour la Géorgie, à savoir le nombre des prisonniers politiques. Le rapporteur a d’ailleurs évoqué la dimension du problème: presque tous les dirigeants du parti de l’opposition ont été soit arrêtés, soit mis en examen, soit forcés à quitter le pays. Cela exclut toute possibilité d’établir les responsabilités individuelles.

Ainsi, la détention préventive a été appliquée à l’ancien Premier ministre, à l’ancien ministre de la Défense et même à l’ancien Président de la Géorgie. Le maire de Tbilissi a été arrêté au beau milieu d’une campagne électorale pour des élections locales. Appréhendé quelques jours avant les élections, comme s’il y avait urgence, il a croupi neuf mois en prison, placé en détention préventive sans que le parquet parvienne à établir la moindre culpabilité contre lui. Alors que la Constitution géorgienne dispose clairement que la détention préventive ne peut durer plus de neuf mois, le parquet, au bout des neuf mois, a demandé une deuxième détention préventive applicable à la même personne. Ainsi, l’un des grands leaders politiques du pays est arrêté quelques jours avant des élections et passe quinze mois en prison sans que le procureur n’ait quoi que ce soit à retenir contre lui. C’est tout de même un vrai problème!

Je vous pose donc la question: si cela arrivait dans l’un de vos pays, cela serait-il un problème pour vous? Evidemment oui! C’est arrivé en Géorgie, et c’est un problème pour la Géorgie. Soyons honnêtes et engagés lorsque nous parlons des problèmes que connaît la Géorgie.

J’entends les représentants du gouvernement et du parti au pouvoir affirmer que cela s’est arrangé. Nous ne parlons pas de la situation générale en Géorgie: en dépit du fait que je représente l’opposition, je suis disposé à soutenir tout ce qui est positif, parce que tel est le rôle d’une opposition responsable et crédible. Mais je veux pouvoir m’exprimer et je vous demande de ne pas fermer les yeux sur les vrais problèmes existant dans mon pays, parce que tel est aussi le rôle d’une opposition responsable.

L’avis de cet hémicycle a toujours été utile pour pousser la Géorgie dans la bonne direction. Nous avons été au pouvoir pendant neuf ans, avec beaucoup de réussites et également d’erreurs. Chaque avis rendu par cette Organisation nous a permis de nous améliorer et de nous diriger dans la bonne direction. Restez engagés, mais restez honnêtes aussi. Maintenez la crédibilité de cette Organisation en votant pour ce rapport et en poussant la Géorgie dans la bonne direction, sans prisonnier politique ni justice politique!

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Les valeurs européennes, qui prévoient notamment le respect des institutions démocratiques et l’égalité devant la loi, ont malheureusement été systématiquement violées en Géorgie jusqu’au 1er octobre 2012. Aujourd’hui, la Géorgie aspire à s’intégrer davantage dans la famille européenne. Ce faisant, elle entend protéger ses valeurs et personne, ni le président, ni un ministre, ni un maire, ni un dirigeant politique n’est au-dessus des lois.

Nous respectons les normes européennes. Depuis que nous sommes au pouvoir, nos équipes ont eu pour ambition de respecter les valeurs suprêmes des droits de l’homme. Voilà pourquoi nous avons profondément réformé le système judiciaire. Dans ce contexte, les conclusions du rapport et du projet de résolution de M. Agramunt n’ont rien à voir avec la situation actuelle en Géorgie, ce qui est très regrettable. Le document, plein de préjugés, est proche des thèses du Mouvement national uni. En outre, le texte de la résolution ignore le fonctionnement réel de la justice en Géorgie. L’adoption de cette résolution décrédibiliserait les valeurs européennes.

Les anciens dirigeants dont il est question dans le rapport ont été condamnés pour des crimes graves selon le code pénal géorgien. Il n’y a pas de persécution politique ni d’utilisation abusive de la détention préventive. Ainsi, M. Ougoulava, l’ancien maire de Tbilissi, a été placé en détention préventive par un tribunal lorsqu’il a été démontré qu’il cherchait à fuir le pays; dans un arrêt définitif rendu par le tribunal de Tbilissi récemment, M. Ougoulava a été condamné pour avoir détourné 4 millions de dollars au profit de son parti politique.

En prétendant que des membres du Mouvement national uni ont été victimes d’accusations politiques, vous défendez des gens qui ont commis des crimes financiers avérés et qui ont négligé les valeurs démocratiques. Un statut met-il quelqu’un au-dessus des lois? Malheureusement, la résolution de M. Agramunt ne répond pas à cette question; voilà pourquoi, dans leur majorité, les députés géorgiens ne voteront pas la résolution et vous demandent d’adopter les amendements qu’ils ont déposés. Nous ne pouvons pas accepter le texte en l’état.

M. LEYDEN (Irlande)* – Je souhaite féliciter le rapporteur, M. Pedro Agramunt, pour son excellent rapport. Je saisis cette occasion pour lui souhaiter tout le succès possible lorsque, je l’espère, il assumera la présidence de cette Assemblée. Je félicite également le Secrétaire général de l’Assemblée pour sa réélection.

Dans son travail, le rapporteur a identifié les pays qui enfreignent les principes de votre Organisation. La détention préventive est totalement inacceptable dans une démocratie. La Fédération de Russie, la Géorgie, la Turquie et bien d’autres ne respectent pas ces principes. La détention préventive est le moyen le plus simple de réduire ses opposants au silence, mais c’est pourtant totalement contradictoire avec les principes défendus par cette Assemblée.

L’Irlande, membre fondateur de cette Assemblée en 1949, ne peut bien entendu tolérer une telle situation. Sir Roger Gale a d’ailleurs rappelé la situation au Royaume-Uni, lequel, dans les années 1970, avait recouru à cette méthode en Irlande du Nord. Nous sommes heureusement parvenus à des accords mais chaque pays doit tirer les enseignements de ses erreurs et partager cette expérience avec les autres pays. Au nom de la délégation irlandaise, je peux dire que la République d’Irlande n’a jamais eu recours à la détention préventive pour des motifs politiques; il en va différemment pour les crimes et les délits, mais nous nous fondons sur la présomption d’innocence dans tous les cas de figure.

Merci infiniment, Monsieur Agramunt, pour ce travail. J’invite mes collègues à accepter ce rapport et je lance un appel à la Fédération de Russie, à la Géorgie et à la Turquie afin que ces pays libèrent les prisonniers politiques actuellement placés en détention préventive sans avoir été jugés.

M. FOURNIER (France) – Les projets de résolution et de recommandation que nous soumet aujourd’hui M. Agramunt visent le cœur même des valeurs du Conseil de l’Europe. Dans un Etat de droit, la présomption d’innocence est primordiale en matière pénale et la détention provisoire ne doit être utilisée que de manière exceptionnelle.

Je salue le rapport de notre collègue qui met en lumière les limites auxquelles se heurte cette affirmation de principe et qui rappelle que, malheureusement, le nombre élevé de personnes en détention provisoire en Europe signe le détournement de la procédure pénale et son instrumentalisation à des fins politiques.

En France, le recours à la détention provisoire et ses conditions d’utilisation ont pu, aussi, susciter des interrogations parmi les responsables politiques et dans l’opinion publique.

Aussi le phénomène fait-il désormais l’objet d’un suivi spécifique par une commission composée de sept membres, dont deux parlementaires, mise en place par une importante loi de juin 2000.

Ce texte a renforcé la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes et parachève toute une série de réformes engagées depuis les années 1970, dont l’objectif commun vise à réduire le nombre et la durée des détentions provisoires. Désormais, la liberté de la personne mise en examen constitue le principe, et les restrictions ou la privation de liberté sont des exceptions.

Naturellement, ce principe s’accompagne de la possibilité de mettre en œuvre des mesures nécessaires au maintien du mis en examen à la disposition de la justice. La mise en détention ne peut être ordonnée que si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisantes. De même, l’accusé ou le prévenu doit encourir une peine privative de liberté significative, c’est-à-dire supérieure ou égale à trois ans. La détention provisoire doit aussi répondre aux objectifs limitativement énumérés par la loi et ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention.

Le point le plus délicat concerne sans doute la durée de la détention provisoire. Le principe général est celui d’une durée raisonnable. De fait, sa durée moyenne est de 4,3 mois, mais de 15 mois pour les personnes majeures faisant l’objet d’un renvoi en cour d’assises et de 7,5 mois en matière correctionnelle, soit bien plus que la durée raisonnable recommandée. Toutefois, sur une période récente, on constate un arrêt de la croissance du nombre de personnes mises en cause par les services de police ou de gendarmerie.

Enfin, les personnes en détention provisoire bénéficient de droits spécifiques dont l’exercice est précisé dans le référentiel d’application des règles pénitentiaires européennes, en vigueur depuis 2008, et dans les différents aspects de la procédure: préparation de la défense, correspondance, visites, accès aux soins, accès au travail, accès aux activités socio-culturelles et sportives, accès à l’assistance spirituelle.

Aussi, il me semble que les préoccupations de notre Assemblée sur le recours à la détention provisoire sont prises en compte par la législation française.

LE PRÉSIDENT* – Mme Al-Astal, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. VLASENKO (Ukraine)* – Merci à M. Agramunt pour son rapport très objectif et pour ses conclusions qui tombent à point nommé.

Ce rapport fait suite à celui présenté hier par M. de Vries, relatif à la mise en œuvre ou à la non-exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous savons, en effet, que nombre de requêtes forment des affaires pendantes devant la Cour européenne des droits de l’homme, constituant des violations de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous nous sommes interrogés hier en conclusion sur ce qu’il fallait entreprendre pour faire évoluer la situation. Nous avons souligné la nécessité d’améliorer les législations nationales. Mais que faire si les gouvernements y sont réticents?

L’exécution doit être assurée. Pour ce faire, il convient d’imaginer un nouveau mécanisme d’exécution des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme afin de maîtriser la situation dans les pays concernés. Je pense à la Fédération de Russie ou à l’Ukraine il y a trois ans.

Je veux maintenant revenir plus particulièrement sur deux affaires précédemment évoquées dans le débat.

Tout d’abord, celle de Ioulia Timochenko qui a fait l’objet d’une violation directe de la détention provisoire, ainsi que l’a indiqué l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Il y est affirmé la violation de l’article 5 et de l’article 18, autrement dit la présence de motivations politiques dans les chefs d’accusation du ministère public. Le régime ukrainien précédent n’a pas souhaité mettre en œuvre cet arrêt, avançant de multiples raisons pour ne pas l’exécuter.

J’évoquerai ensuite, le cas de Nadiia Savchenko, que je remplace au sein de notre Assemblée. Elle a été placée sans preuves en détention provisoire en Russie, non depuis treize mois, mais depuis quinze mois. Elle n’est pas déclarée coupable. Le procès a lieu actuellement à Donetsk, près de Rostov-sur-le-Don. La défense présente des preuves irréfutables de son innocence, mais la Russie refuse de mettre en œuvre les décisions de Cour européenne des droits de l’homme, qu’il s’agisse de Nadiia Savchenko d’ailleurs ou d’autres personnes.

Si aucune mesure ou aucun instrument interne n’est mis en place, comment pousser un pays à mettre en œuvre les décisions de la Cour européenne? Sans mesures adéquates, nous échouerons dans notre démarche.

M. KHADER (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – La détention provisoire pose problème au regard des droits fondamentaux des détenus et a des effets négatifs sur le système judiciaire dans son ensemble. C’est vrai pour les Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme, comme pour les Etats ayant un statut spécial auprès du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire.

Sous occupation israélienne, la détention provisoire de la plupart des Palestiniens est la règle plus que l’exception. L’une de nos collègues, membre de la délégation palestinienne auprès de notre Assemblée et membre élue du Parlement palestinien, est victime de cette pratique. Détenue, elle attend son procès depuis plus de quatre mois selon un rapport publié au mois de juin par l’ONG des droits de l’homme israélienne B’Tselem.

Les procédures devant les tribunaux militaires débouchent sur des solutions extra-judiciaires et sur un taux de condamnations très élevé. La détention provisoire par les Israéliens se fait dans les mêmes conditions que pour les prisonniers condamnés. Des centaines de Palestiniens, y compris des mineurs, attendent d’être déférés devant un juge. La détention provisoire dure souvent plus longtemps que la peine encourue, poussant les détenus à négocier leur condamnation, même s’ils sont innocents.

Votre rapport très pertinent sur l’abus de la détention provisoire et ses conclusions doivent être partagées avec tous les Etats ayant un statut spécial au sein du Conseil de l’Europe.

J’en appelle à l’Assemblée afin qu’elle informe les autorités israéliennes de ce rapport et que soit soulignée la nécessité de ne plus abuser de la détention provisoire dans les territoires palestiniens occupés.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

Nous en arrivons à la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole de 4 minutes 30.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Je souhaite en premier lieu remercier tous les parlementaires de leurs interventions, de leur soutien comme de leurs critiques. Cela dit, je peux en accepter certaines, d’autres non.

M. Japaridze a porté des accusations à mon encontre. Je lui réponds que je m’enorgueillis d’appartenir au Groupe du Parti populaire européen. J’ai expliqué dans mon intervention liminaire que je m’étais efforcé d’être objectif.

Je ne conteste pas le fait que vous interveniez au nom du Groupe socialiste même si, appartenant au parti actuellement au pouvoir, vous réclamez un débat plus équilibré.

Monsieur Kürkçü, ce rapport ne concerne pas uniquement la Turquie. Je l’ai dit, je ne pouvais pas me rendre dans les 47 pays du Conseil de l’Europe mais l’Azerbaïdjan est un pays dans lequel je me suis rendu à maintes reprises.

Plusieurs orateurs, dont M. Rouquet, l’ont rappelé: une peine de prison ne peut être appliquée qu’après une sentence prononcée par un tribunal. La détention provisoire ne doit être utilisée que pour des motifs bien précis: si la personne risque de se soustraire à la justice ou de détruire des éléments de preuve. D’autres sanctions existent: la caution, l’assignation à résidence, le bracelet électronique, etc. L’Assemblée parlementaire doit s’efforcer de réduire l’application de la détention provisoire aux cas extrêmes.

Les parlementaires géorgiens ont également été très critiques et je les comprends. Je remercie le Gouvernement géorgien de m’avoir permis de rencontrer certains membres de l’ancien gouvernement qui sont actuellement en prison: l’ancien Premier ministre, l’ancien ministre de la Défense, le maire de Tbilissi, etc. Cependant, le fait que la moitié de l’ancien gouvernement soit détenu et que l’autre soit recherchée pour être arrêtée n’est pas normal.

Monsieur Díaz Tejera, l’abus de détention provisoire est un problème qui se pose dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe – en France, au Royaume-Uni notamment –, mais il faut reconnaître que les abus sont plus nombreux et plus manifestes dans les pays de l’ex-Union soviétique. Cette mesure est-elle utilisée pour faire taire des opposants? Nous pouvons nous poser la question. Cela étant, le projet de résolution s’applique bien à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Je voudrais remercier le secrétariat de la commission qui m’a beaucoup aidé dans l’élaboration de ce rapport.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Monsieur le Président, je tiens à féliciter M. Agramunt pour un travail très dur, qui a débouché sur un rapport traitant d’un sujet important. Il a été très attentif et très soigneux dans la préparation de ce rapport, en analysant de nombreuses informations pour parvenir à des conclusions fondamentales.

Les personnes ont droit à leur liberté en attendant leur procès, à moins que des raisons sérieuses poussent les juges à leur retirer cette liberté. Dans des cas évoqués par le rapporteur, il semble que ce droit n’a pas été respecté. Le rapporteur fait état de faits bien précis. La seule conclusion que l’on puisse proposer à partir de ces faits est celle qu’il nous propose. D’ailleurs, personne n’a tenté de présenter une autre interprétation.

M. Agramunt a identifié des cas d’abus de détention graves, où les normes juridiques n’ont pas été respectées. Cette question concerne l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, comme il l’a justement rappelé.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution sur lequel 13 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur les amendements est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 10.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Il convient, dans le paragraphe 7.1, de mentionner le cas de certains dirigeants du MNU, tels que l’ancien Premier ministre, qui a passé 9 mois en détention provisoire. Le rapporteur en a parlé et a pu lui rendre visite en prison.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par M. Agramunt, au nom de la commission des questions juridiques, du sous-amendement oral suivant: substituer aux mots «du MNU» les mots «de l’opposition». Ce qui donnerait le texte suivant: «… et certains cas de dirigeants de l’opposition en Géorgie…».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Il est préférable de ne pas citer précisément un parti de l’opposition mais de parler de «dirigeants de l’opposition».

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Je suis contre à la fois le sous-amendement oral et l’amendement 10. En effet, aucune preuve n’a établi que des pressions ont été exercées sur le maire pour qu’il passe aux aveux. L’amendement se fonde sur des hypothèses et l’imagination de son auteur.

La décision du tribunal de placer ces dirigeants en détention provisoire se fonde sur des faits. Le maire avait un faux passeport qu’il avait déjà utilisé pour quitter le pays. Il a tenté d’intimider le directeur de la police afin que celui-ci ne témoigne pas contre lui. La détention provisoire était donc tout à fait justifiée et conforme au droit.

KANDELAKI (Géorgie)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable au sous-amendement

Le sous-amendement oral est adopté.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement ainsi amendé.

L’amendement 10, ainsi modifié, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5. S’il est adopté, l’amendement 11 deviendra sans objet.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – La détention provisoire n’est utilisée en Géorgie que comme une mesure exceptionnelle, en dernier recours. Les enquêtes qui impliquent d’anciens représentants du gouvernement ont été lancées sur la base d’une recommandation de différentes organisations non gouvernementales ou inter-gouvernementales, tel le Conseil de l’Europe. Nous souhaitons par conséquent supprimer, au paragraphe 7.2, les mots concernant le Mouvement national uni de Géorgie.

M. KROSS (Estonie)* – Adopter cet amendement modifierait l’esprit du rapport dont les conclusions sur la Géorgie sont en effet capitales. Cela vaut pour d’autres amendements présentés par les délégués géorgiens qui souhaitent retirer les références à leur pays. Il ne resterait pas grand-chose du texte si nous les adoptions. Je suis donc tout à fait contre.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission émet un avis défavorable.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 11.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je le retire.

L’amendement 11 est retiré.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4

M. DİŞLİ (Turquie)* – En Turquie, un outrage au Président de la République constitue une infraction au droit. Le garçon mentionné dans le projet de résolution, âgé de 16 ans, a été placé en détention provisoire en conséquence pendant deux jours. Les tribunaux jugent au cas par cas et, en l’occurrence, la détention provisoire ne saurait être considérée comme un outil de pression.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Même si, dans le cas présent, la détention provisoire fut très courte, de 48 heures, apparemment, il s’agit d’un jeune de 16 ans détenu pour avoir publié un tweet ! Il s’agit de toute évidence d’un abus de détention provisoire – laquelle, je le répète, doit être réservée à des crimes graves.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Selon les statistiques officielles, depuis les élections de 2012, le nombre de personnes en détention provisoire a baissé de 60 % en Géorgie. En 2014, il était de 32,3 %.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – J’ai déjà expliqué devant la commission que Mme Kobakhidze a raison de souligner ce fait et je rappelle au paragraphe suivant les nets progrès accomplis par la Géorgie en matière de détention provisoire. Il ne paraît donc pas nécessaire de le répéter dans deux paragraphes successifs.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je le retire.

L’amendement 3 est retiré.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Aucun fait ne vient étayer la teneur du paragraphe 11.4. Selon la législation adoptée en 2015 en Géorgie, un juge est contraint de vérifier tous les deux mois le bien-fondé des détentions provisoires qu’il a prononcées.

M. KROSS (Estonie)* – Le rapporteur a apporté la preuve qu’en Turquie, en Géorgie et en Russie les juges ne sont pas indépendants. Retirer la Géorgie des pays cités jetterait la suspicion sur le rapport. Je m’oppose donc à cet amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable à cet amendement.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1

M. DİŞLİ (Turquie)* – Il convient de supprimer la référence à la Turquie au paragraphe 11.4.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Encore une fois, nous donnons ici des exemples. Nous devons maintenir le texte en l’état.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable à l’amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8. S’il est adopté, l’amendement 12 devient sans objet.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Les décisions sur la détention provisoire, en Géorgie, sont rendues par des tribunaux et non par le ministère public. L’indépendance du pouvoir judiciaire s’est sensiblement accrue dans mon pays. L’utilisation de la détention provisoire, je l’ai dit, a diminué depuis 2012. Dans cet esprit, le 16 septembre 2015, la Cour constitutionnelle de Géorgie a rendu un arrêt pour limiter à neuf mois maximum la détention provisoire, période au cours de laquelle doit être menée une enquête et engagé un procès.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Je suis contre cet amendement. Nous allons revenir dans un instant sur ce point à l’amendement 12, sur lequel j’ai déposé un sous-amendement. Permettez-moi de préciser que l’arrêt en question remonte à seulement quinze jours.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable à l’amendement.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 12.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Cet amendement introduit un exemple précis, ce qui permet d’améliorer le texte.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission des questions juridiques du sous-amendement oral suivant:

«Rédiger ainsi l’alinéa 2 de l’amendement 12: ‟ dans les cas de M. Ugulava et de M. Akhalaia, avant la décision de la Cour constitutionnelle de Géorgie en septembre 2015. ˮ»

Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Nous ne sommes pas favorables à ce sous-amendement oral, qui se fonde sur une mauvaise interprétation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Géorgie. Avant ce jugement, la détention provisoire a été appliquée conformément au droit interne. M. Ugulava a été immédiatement libéré une fois toutes les formalités remplies. Quant à M. Akhalaia, il a été considéré coupable par la Cour européenne des droits de l’homme elle-même.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Je suis favorable au sous-amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable au sous-amendement et à l’amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

L’amendement 12, ainsi modifié, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par M. Agramunt, au nom de la commission des questions juridiques, de l’amendement oral suivant:

«Supprimer le paragraphe 12.2.»

Je considère que cet amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Je précise que si cet amendement oral est adopté, l’amendement 2 devient sans objet.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – Il s’agit de supprimer ici la référence à la Fédération de Russie, à la Turquie et à la Géorgie afin que le texte s’applique à tous les pays du Conseil de l’Europe.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable.

L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 2 devient sans objet.

Je suis saisi de l’amendement 9.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – L’Assemblée parlementaire n’a pas les compétences pour s’immiscer dans la législation nationale des tribunaux et pour demander la libération de certains prévenus. La Cour européenne des droits de l’homme n’intervient elle-même que dans des cas exceptionnels. Le texte va à l’encontre du principe d’indépendance du pouvoir judiciaire. Nous proposons donc un nouveau libellé.

M. AGRAMUNT (Espagne), rapporteur* – L’adoption de l’amendement oral précédent permet de ne cibler aucun pays en particulier. Je suis surpris par ailleurs que l’on puisse s’opposer à la libération de détenus abusivement emprisonnés. Ce serait un contre-sens que d’ôter à notre Assemblée la possibilité de demander la libération de détenus.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable à l’amendement.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 13.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Cet amendement permet de clarifier la conclusion du projet de résolution en soulignant qu’aucune procédure abusive ne doit être utilisée.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – L’amendement ne nous semble pas pertinent.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable à l’amendement.

L’amendement 13 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13863, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (89 voix pour, 10 voix contre et 4 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous procédons maintenant au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13863.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (95 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions).

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, prend place au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE* – Mes chers collègues, j’aimerais vous rappeler que c’est au mois d’octobre que se tiennent dans nos différents Etats membres et dans le monde entier des campagnes de sensibilisation au cancer du sein, l’une des formes de cancer les plus fréquentes et les plus meurtrières pour les femmes, malgré les campagnes de dépistage et les progrès en matière de traitements. Il est donc très important de poursuivre les campagnes pour intensifier encore le dépistage. Je vous remercie par conséquent de bien vouloir arborer le ruban rose, comme le Secrétaire général et moi-même, et de soutenir dans vos pays toutes les manifestations qui seront organisées pour développer encore la prévention et le dépistage. Cela permettra de sauver davantage de vies et de lutter encore mieux contre cette maladie épouvantable qui cause des souffrances indicibles aux femmes, en particulier aux jeunes femmes.

2. Discours de M. Vučić, Premier ministre de la Serbie

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Vučić, Premier ministre de la Serbie.

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous souhaiter chaleureusement la bienvenue dans cet hémicycle. Dobrodošli! Je suis très heureuse que vous ayez accepté mon invitation à venir à Strasbourg, que j’ai formulée lors de ma visite en Serbie au mois de mars. J’ai en mémoire votre hospitalité et l’ouverture d’esprit dont nos interlocuteurs ont fait preuve dans un pays qui a encore énormément de défis à relever et qui joue d’ailleurs un rôle clé dans la crise actuelle des réfugiés.

Ayant décidé au début de l’année de m’intéresser plus particulièrement à la situation des Balkans, je suis allée en Serbie, mais aussi en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. J’y ai vu de mes yeux les progrès réalisés par tous les pays de la région, notamment tout ce qui a été fait depuis 20 ans. Vous avez joué un rôle moteur dans les réformes et l’engagement de la Serbie en faveur de l’agenda européen est incontestable. Mais vous avez sans doute encore besoin de soutien, d’aide, d’expertise, de savoir-faire et de réformes politiques.

Votre pays, comme les pays voisins, est confronté à deux problèmes graves. D’abord, la crise des réfugiés et toutes ses conséquences; ensuite, la coopération intrarégionale et la poursuite des criminels de guerre en ex-Yougoslavie. Sur tous ces points, nous voulons travailler avec vous dans le cadre d’une approche stratégique.

Monsieur le Premier ministre, vous pouvez compter sur le soutien du Conseil de l’Europe. Votre venue à Strasbourg est une bonne occasion de définir les modalités de notre coopération accrue à l’avenir. C’est évidemment aussi l’occasion de parler plus généralement de tous les problèmes de la région.

Cette année, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie jouent un rôle éminent sur la scène européenne, l’une au sein du Conseil de l’Europe, l’autre à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. C’est l’occasion de mieux coordonner l’action de nos deux organisations, de créer des synergies nouvelles et de relever ensemble les défis de l’heure.

C’est donc avec un vif intérêt que nous allons vous écouter, monsieur le Premier ministre. Nous sommes impatients de connaître votre point de vue sur la situation en Europe.

M. VUČIĆ, Premier ministre de la Serbie* – Madame Brasseur, Mesdames et Messieurs, c’est un grand honneur pour moi de pouvoir m’adresser à vous dans cet hémicycle du Conseil de l’Europe. Je tâcherai toutefois d’être aussi bref que possible pour réserver un maximum de temps à mes réponses à vos questions.

J’ai lu un certain nombre de discours tenus par mes prédécesseurs et je sais que le sujet imposé, si je puis dire, est de présenter sous un éclairage le plus favorable possible le pays que l’on vient représenter. Je m’efforcerai, quant à moi, d’être le plus objectif possible, de brosser un tableau aussi précis que possible de la Serbie d’aujourd’hui et de vous présenter nos objectifs pour l’avenir.

La Serbie se veut un pays européen. Elle est candidate à l’Union européenne et, si certains pays sont un peu las d’attendre de pouvoir entrer dans les instances européennes, pour notre part, nous sommes toujours enthousiastes: les Serbes expriment une forte volonté de rejoindre l’Union européenne et les dirigeants serbes continuent de penser que la meilleure voie à suivre pour le pays est la voie européenne. En fait, nous devons répondre à une question clé: quel pays souhaitons-nous laisser à nos concitoyens? La réponse est claire, nous voulons créer un pays stable, ancré dans les instances européennes, notamment dans l’Union européenne. Telle est la voie que nous nous proposons de suivre.

Dans cette optique, je traiterai trois sujets. Tout d’abord, j’évoquerai la crise des migrants, car je sais combien vous êtes passionnés par cette grave question qui met en jeu des valeurs fondamentales de solidarité et de droits de l’homme. Je parlerai ensuite d’économie et de bonne gouvernance. Enfin, allant dans le sens de Mme Brasseur, je traiterai de la coopération comme source de stabilité.

Je dirai pour commencer que l’on entend énormément de rumeurs défavorables, dans mon pays comme ailleurs en Europe, à propos du sort des migrants. Je ne suis pas là pour condamner quiconque ni pour me plaindre de quiconque, pas plus que pour tendre la main et demander plus de fonds. Je ne viens pas ici pour pleurer et me lamenter. Je rappellerai cependant que nous avons reçu un nombre considérable pour ne pas dire record de migrants, car nous sommes sur la route qui mène de la Grèce, de la Macédoine et de la Bulgarie vers d’autres pays qui sont les buts ultimes des migrants.

Pendant près de cinq mois, les migrants qui passaient par chez nous allaient en Hongrie. Aujourd’hui, le flux s’est réorienté vers la Croatie mais, nous, nous acceptons tout le monde et essayons de faciliter la vie de ces personnes.

Il est vrai que cela pose quelques problèmes. Nous recevons en particulier de nombreux syriens, plus de 200 000, d’après les estimations. Nous en avons, en tout cas, enregistré plus de 160 000. Nous nous efforçons de les aider et de leur apporter quelques soins, nous prenons aussi leurs empreintes digitales. Bref, nous faisons ce que doit faire un Etat souverain, tout en les traitant le plus humainement possible. Nous n’avons pas lancé la moindre grenade lacrymogène, ni tiré de coup de feu. Nous les accueillons aussi bien que possible. Une fois chez nous, ils peuvent circuler librement. Il est vrai qu’ils ne souhaitent pas rester en Serbie et qu’ils traversent le pays en deux ou trois jours, mais il est faux de dire que ces personnes posent des problèmes, même s’il y a eu deux ou trois affaires criminelles. Ce sont des gens honnêtes.

La Serbie, je l’ai dit, ne se plaint pas, elle n’en fait pas une montagne. Nous avons l’habitude d’accueillir des réfugiés depuis très longtemps. L’accueil de réfugiés n’est pas un phénomène récent chez nous. Cela remonte à des décennies, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mon pays a toujours été accueillant et le restera à l’avenir.

Cela ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de mauvaises nouvelles en provenance de Serbie, mais, sachez-le, nous nous efforçons de conserver des relations de bon voisinage. Pour l’instant, nous n’avons aucun problème avec la Macédoine ou la Bulgarie à propos des migrants. Nous n’avons rien fait à l’encontre de ces pays dans cette affaire, et nous ne le ferons jamais. Nous cherchons au contraire à coopérer avec ces pays voisins.

Avec la Hongrie, je pense pouvoir affirmer que nous entretenons de bonnes relations, même si les Hongrois se plaignent car il est vrai que, pendant cinq mois, la Serbie a été une voie de transit vers la Hongrie. Cela ne nous satisfaisait pas, mais c’était une situation de fait. En tout cas, nous n’avons pas cherché à créer de problèmes aux Hongrois. Quant aux difficultés qui ont surgi tout récemment avec nos voisins croates, elles sont à présent surmontées. Ces migrants doivent traverser nos territoires. Nous ne nous plaignons pas, car nous n’avons pas de problèmes avec ces personnes qui se dirigent vers les pays de l’Union européenne. Nous essayons de les accompagner et de leur apporter un soutien.

Tout le monde, ou presque, se plaint aujourd’hui de la crise des migrants. Pourtant, seuls l’Allemagne et les pays scandinaves pourraient vraiment se plaindre, car ils sont le but ultime et ce sont eux qui, finalement, accueillent le maximum de personnes.

Vraiment, je ne comprends pas que certains se présentent comme des héros pour avoir accueilli pendant deux ou trois jours plusieurs milliers de personnes. Pour un pays, ce n’est tout de même pas impossible. Là encore, la Serbie me semble se démarquer en refusant d’adopter cette attitude plaintive. Nous voulons présenter une Europe à visage humain et, pardonnez-moi de vous le dire ici, il me semble que nous avons été plus européens dans notre réaction vis-à-vis de ces personnes que bien des pays de l’Union européenne.

J’ai rencontré dernièrement Mme Merkel, qui jouit d’un prestige incontestable dans mon pays, où on la considère comme une grande dirigeante. Pour notre part, si nous ne sommes pas membres de l’Union européenne, nous sommes disposés à accepter un quota de réfugiés. Je le dis ici, je le dis aussi dans mon pays – peu importe les réactions.

Il est vrai que, lorsque j’ai rencontré certains migrants, cela a suscité toutes sortes de commentaires négatifs. Peu m’importe: je fais mon travail et je considère qu’il est de mon devoir de rencontrer ces migrants. Je le fais régulièrement et continuerai à le faire; cela me paraît normal. C’est une bonne chose pour mon pays et l’on devrait faire la même chose ailleurs. J’espère que, sur ce sujet, une solution européenne globale sera trouvée.

Nous consacrons beaucoup de temps et d’efforts à la recherche de la stabilité régionale, laquelle est une condition sine qua non du redressement économique. Je remercie une fois encore Mme Brasseur, M. Jagland et tous les collaborateurs du Conseil de l’Europe qui nous aident à relever les défis, qui sont nombreux dans la péninsule des Balkans.

À cet égard, je crois que la Serbie est aujourd’hui un pilier de la stabilité régionale. En tout cas, nous n’entendons plus de critiques sévères nous reprochant de ne pas avoir fait le nécessaire pour éviter des dissensions. Nous avons fait le maximum pour créer un environnement pacifique. Cela ne veut pas dire, évidemment, que toutes les difficultés ont été résolues, loin de là: la région reste fragile. De toute évidence, il y aura toujours des problèmes dans la mise en œuvre des différentes politiques et des différents agendas. Mais, à mes yeux, ce n’est pas ce qui compte le plus.

À la mi-octobre, nous allons reprendre contact avec les autorités de Pristina et nous espérons continuer à discuter pour résoudre pacifiquement nos problèmes bilatéraux – chez nous ou à Bruxelles. Nous ne ménageons pas nos efforts pour résoudre les problèmes.

Nous aidons la Bosnie à se stabiliser. Nous savons très bien que la moindre étincelle dans ce pays pourrait déclencher un incendie dans toute la région. Nous sommes donc extrêmement prudents s’agissant de nos relations avec la Bosnie-Herzégovine. Nous faisons très attention au choix des mots que nous employons quand nous parlons de nos voisins bosniaques. Il est vrai que, aujourd’hui encore, des discours incendiaires sont tenus dans ce pays. Pour notre part, nous essayons vraiment d’éviter tout incendie.

En ce qui concerne l’Albanie, si j’étais intervenu devant l’Assemblée l’année dernière, je vous aurais dit que, depuis soixante-dix ans, il n’y avait plus de contacts entre les dirigeants de nos deux pays. Depuis, les choses ont changé: M. Rama et moi-même nous voyons souvent et j’irai sans doute en Albanie lorsque ce fameux match de football interrompu sera rejoué. J’espère que, cette fois-ci, il n’y aura pas d’incident. L’année dernière, le Premier ministre albanais et moi-même nous sommes vus à cinq ou six reprises. Nous parlons de tous les sujets. Dans nos relations bilatérales, il n’y a pas de gros problème en suspens – le seul litige reste le Kosovo. Notre coopération bilatérale s’améliore quotidiennement.

Je crois donc pouvoir affirmer que nos relations avec nos voisins sont meilleures que jamais. Le seul problème que j’entrevois encore – mais j’espère que nous le surmonterons – est l’épisode fâcheux qui est intervenu avec nos voisins croates. J’espère qu’après les élections nous pourrons recoller les morceaux aussi bien que possible. Nous ne ménagerons pas notre peine pour y parvenir.

Tous ces efforts, disais-je, sont une condition sine qua non du rétablissement économique du pays. Comme vous le savez, nous avons été victimes l’année dernière de très graves inondations. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous remercier toutes et tous pour l’aide que vous nous avez apportée lors de cette calamité. De la Russie et des pays du Caucase à la Norvège, en passant par l’Union européenne, une fantastique mobilisation s’est produite en notre faveur. Je ne l’oublierai jamais.

Nous avons adopté des réformes pour relancer l’économie. Des lois sur le droit du travail et la construction, notamment, ont été prises pour que l’économie serbe fonctionne mieux. Nous avons commencé par essayer de consolider le budget en réduisant certaines prestations, notamment les retraites. Nous nous sommes plutôt bien tirés d’affaire. Nous entrons dans une deuxième phase de notre accord avec le FMI et nous avons réussi à réduire de moitié le déficit budgétaire, lequel passera de 6 % l’année dernière à 3 % à la fin de 2015.

Le déficit de l’Etat central sera bientôt quasiment nul. Il y a encore de gros problèmes avec les collectivités locales, mais nous espérons pouvoir engager l’année prochaine une nouvelle phase de consolidation.

D’une certaine façon, cette évolution est miraculeuse, même s’il est vrai que, par notre action, nous avons un peu réduit la consommation. Cela dit, dans l’ensemble, la situation s’est redressée. Même si les observateurs internationaux tablaient sur une légère récession, la croissance sera certainement positive et nous pourrons poursuivre nos réformes l’année prochaine. Car il y a encore beaucoup à faire, notamment s’agissant des entreprises nationales: un certain nombre d’entre elles doivent être privatisées.

Plus généralement, il faut susciter plus d’esprit d’entreprise dans le pays, car cela nous manque à l’heure actuelle, ce qui constitue un gros problème pour notre économie. Quoi qu’il en soit, nous allons travailler avec la BERD, la Banque mondiale et toutes les grandes instances compétentes en la matière. Je n’ai aucun doute: demain, la Serbie sera un pays économiquement prospère.

En ce qui concerne le reste de notre action, sachez que nous pratiquons la tolérance zéro contre la corruption et la criminalité.

Je ne suis pas pour autant satisfait de tout ce qui se passe dans mon pays. Par exemple, la situation de la justice ne me convient pas du tout. La justice devrait être rendue de manière beaucoup plus efficace.

Nous avons commis un certain nombre d’erreurs sur des sujets importants – moi-même j’en ai fait, je le reconnais, notamment s’agissant de la coopération avec les ONG et avec certaines institutions indépendantes. Mais nous avons tiré les leçons de nos erreurs et nous coopérons aujourd’hui avec toutes ces organisations. Je suis reconnaissant aux ONG qui nous ont aidés à surmonter certaines crises. Nous espérons que les choses se passeront bien à l’avenir.

Pour tout ce qui touche aux droits de l’homme, nous avons évidemment joui d’un soutien important du Conseil de l’Europe.

Nous sommes prêts à évoluer. Il n’y a rien de honteux pour nous à reconnaître nos erreurs et à essayer de changer nos mentalités et nos comportements. Je vous remercie pour l’attention que vous portez à la Serbie et je suis là pour répondre à toutes vos questions.

De nombreux événements ont débuté dans notre région d’Europe. Les Balkans, où ont pris naissance toute une série d’événements historiques, ont aujourd’hui besoin de votre soutien, du soutien de l’Union européenne. Aidez-nous autant que possible afin de protéger la stabilité régionale, condition sine qua non de la paix et du redressement économique, et de nous permettre d’être un pays décent et normal.

Nous espérons bien entendu être le prochain pays accueilli au sein de l’Union européenne; mais, au préalable, nous ferons nos devoirs à la maison car le plus important est de faire de notre pays un pays prospère, décent et normal.

LA PRÉSIDENTE* – Merci infiniment, Monsieur le Premier ministre, pour votre intervention à laquelle nous avons tous été extrêmement sensibles. Vous avez reconnu que vous aviez commis des erreurs et cela devrait être un enseignement pour nous tous: si nous commettons tous des erreurs – c’est humain, c’est naturel –ce qui l’est moins, c’est d’en faire état publiquement. Il faut reconnaître que l’on fait des erreurs, en tirer des enseignements et progresser. Merci beaucoup pour ce message que vous nous délivrez: ce n’est pas si évident et je vous remercie pour cette franchise. Vous avez indiqué que vous feriez vos devoirs à la maison: sachez que vous pouvez compter sur nous. Nous continuerons à vous soutenir et à être à vos côtés dans cet exercice.

Plusieurs de nos collègues ont exprimé le souhait de poser une question. Nous commençons par les porte-parole des groupes politiques.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur le Premier ministre, 200 000 réfugiés ont traversé votre pays ces derniers mois, libres mais dans une forme d’organisation. L’hiver approche, la pluie et le froid les guettent: ils auront besoin de plus de 72 heures comme à l’heure actuelle. Comment comptez-vous accueillir ces réfugiés et leur proposer une aide médicale? Ils seront en effet encore des milliers à arriver et ils resteront probablement un peu plus longtemps qu’actuellement.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Beaucoup gonflent les chiffres: il n’y a pas 10 000 réfugiés par jour, même s’il nous est arrivé d’en accueillir 9 000 en une journée et qu’un autre pays en a comptabilisé 10 000. Pour une raison que j’ignore, on exagère toujours avec les statistiques.

Cela dit, vous avez raison: l’hiver arrive et les conditions seront difficiles en raison de la pluie et de la neige. Ces personnes resteront donc plus de deux ou trois jours sur notre sol, et nous nous y préparons. Nous bénéficions de l’appui de certaines organisations humanitaires allemandes, nous recevons l’aide de la Norvège, nous pouvons compter sur l’Autriche comme sur d’autres pays et sur l’aide de la Commission européenne. Nous sommes en train de construire des centres d’accueil et nous allons accroître nos capacités de réception. Nous allons prendre en charge ces personnes: c’est notre devoir.

Pour vous dire à quel point on exagère, seuls 1 750 réfugiés ont traversé la frontière dans la journée d’hier: ce n’est pas rien, mais souvent les médias en rajoutent en publiant des chiffres énormes – des milliers et des milliers, parfois, je le répète, jusqu’à 10 000 personnes! Or ce n’est pas le cas, comme le prouvent les chiffres du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, qui sont identiques à ceux des autorités serbes.

Nous ne cachons aucune donnée: nous avons inscrit 164 000 personnes et nous nous attendons à ce que 200 000 personnes traversent la frontière. Il est impossible que 220 000 personnes aient traversé la frontière avec la Hongrie et 60 000 autres la frontière avec la Croatie: elles n’étaient pas si nombreuses! Quoi qu’il en soit, je laisse ces jeux d’accusation mutuelle aux pays de l’Union européenne.

De nombreuses personnes se déplacent, bien entendu. Beaucoup d’entre elles, du reste, arrivent d’Afghanistan en sus de la Syrie. Au début, nous comptions 71,29 % de Syriens; nous en sommes à présent à 58 %, de plus en plus de personnes provenant d’Afghanistan. D’autres encore viennent du Pakistan, en utilisant des passeports afghans pour rejoindre le flux de migrants et de réfugiés. Voilà un problème à prendre en compte à l’avenir.

Nous avons besoin d’une solution globale au niveau européen pour prendre en charge ces personnes. Nous sommes prêts à assumer notre part de responsabilité en accueillant 1 000 ou 2 000 personnes, si les pays voisins font de même. Nous souhaitons jouer notre rôle au sein de la société européenne. Il ne s’agit pas simplement d’une question de fonds européens en l’occurrence: nous n’avons pas nécessairement ce que les autres pays possèdent en Europe, mais ce que nous avons, nous souhaitons l’utiliser par solidarité et envoyer ainsi un message très fort. Nous faisons partie de la même équipe, même dans des circonstances extrêmement délicates, et nous sommes prêts à assumer cette charge chez nous.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du parti populaire européen* – À l’instar de M. Schennach, je souhaite évoquer cet afflux massif de réfugiés venant du Moyen-Orient. Le Gouvernement de Serbie continuera-t-il à assumer ses responsabilités à l’égard de ces réfugiés? Avez-vous pu dialoguer avec les autorités de l’Union européenne? Que pourrait-être, à votre avis, la solution?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – La chancelière Merkel m’a invité à une séance de réflexion lorsque nous avons proposé une assistance à l’Union européenne.

Cela s’est toujours inscrit dans le contexte d’une solution globale, à laquelle nous voulons participer. La Serbie tiendra ses promesses et honorera tous ses engagements.

Nous avons engagé des débats fructueux avec de nombreux dirigeants. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous arrivons, pour le moins, à surmonter les difficultés liées à la crise des réfugiés auxquelles nous étions confrontés. De bonnes relations lient la Serbie et la Croatie. Johannes Hahn s’est rendu en Serbie. Je me suis également entretenu avec Frederica Mogherini. Nous sommes pour notre part prêts à accepter toutes les requêtes et remarques même venant de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, des amis qui ont fait l’éloge des efforts que nous avons consentis. Peut-être méritons-nous de recevoir davantage de compliments pour nos efforts économiques plutôt que pour notre action dans le cadre de cette crise des réfugiés. Mais il est certain que nous continuerons à coopérer très étroitement avec nos partenaires européens.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* –
Monsieur le Premier ministre, au nom de l’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe, je vous souhaite la bienvenue. J’ai été positivement impressionné par votre ampleur de vue face à l’afflux des migrants.

Je vous interrogerai sur le système judiciaire. Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion d’assister à un séminaire de la Commission de Venise sur le thème « Lustration passée et présente: similitude, différences, normes applicables ». Au cours de ce séminaire, comme vous-même au cours de votre propos liminaire, vous avez procédé à certaines autocritiques et rappelé les réformes qui s’imposaient dans le système judiciaire de votre pays. Pourriez-vous fournir quelques éléments sur les progrès enregistrés et les objectifs de votre gouvernement sur la réforme du judiciaire?

M. LE PREMIER MINISTRE DE SERBIE* – La loi sur la lustration remonte, selon mes souvenirs, à 2001. C’est un système dont la durée a été limitée à dix ans pour faire face aux conséquences des violations des droits de l’homme par le passé.

Très récemment, un parti régional de Vojvodine a présenté une proposition, dont nous débattons au Parlement actuellement. La question ne me préoccupe pas particulièrement. Nous verrons les propositions qui émaneront de nos collègues à la suite du débat ainsi que les observations de la Commission de Venise et de l’Union européenne.

Je suis très mécontent de constater l’inefficacité de notre système judiciaire. Des affaires datant de 1996 et 1997 restent pendantes. De quelle justice est-il question si des affaires sont en suspens depuis vingt ans? Ce n’est plus d’une quête de justice qu’il s’agit, mais d’une tout autre chose. La justice doit être rendue de façon ponctuelle. Après vingt ans, il ne s’agit même plus de justice. Voilà ce qu’il faut modifier: nous devons faire évoluer nos habitudes. C’est sur ce point que notre approche ne me satisfait pas.

Un diagnostic est aujourd’hui établi. Nous allons engager la première phase par l’examen des chapitres 23 et 24 au début de l’année prochaine. J’espère que nous serons en mesure d’avancer main dans la main avec nos partenaires européens et en mesure d’obtenir de bien meilleurs résultats qui nous permettront de progresser. Cela dit, je reste préoccupé. D’aucuns pourraient toujours nous reprocher de nous immiscer dans le fonctionnement de la justice, censée être indépendante. A cet égard, je ne peux intervenir ouvertement. Mais je conçois ce que peut percevoir le citoyen serbe lambda.

Je vous remercie, vous et vos collègues, d’appeler mon attention sur cette question. Nous allons essayer de mieux gérer la justice. En tout premier lieu, les citoyens serbes doivent être plus largement satisfaits du système – tout comme nous.

M. David DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Premier ministre, êtes-vous d’accord avec moi pour dire que le Gouvernement hongrois peut décider de qui a le droit ou non de pénétrer dans le pays? Selon moi, les Hongrois ont le droit de se défendre de personnes vociférantes qui leur jettent des pierres. Un dirigeant européen devrait encourager les réfugiés à rester dans les camps mis à leur disposition en Turquie ou au Liban au lieu de s’embarquer pour un voyage dangereux jusqu’en Europe.

M. LE PREMIER MINISTRE DE SERBIE* – Je n’évoquais pas la souveraineté des Etats, mais des attitudes affichées par les uns et les autres lors de cette crise.

Je ne suis pas entièrement d’accord avec votre propos. Je ne m’oppose pas à la volonté de mes voisins de mettre fin aux flux des réfugiés. La Serbie aurait pu agir de même. Mais une solution globale aurait été nécessaire, car l’on ne peut se contenter de savoir que tout le monde est bloqué en Macédoine. Que se passerait-il si tout le monde agissait de la même façon? Je préconise la recherche d’une solution paneuropéenne, d’une solution d’ensemble.

Lorsque j’ai rencontré Viktor Orbán, nous étions d’accord sur certains points et en désaccord sur d’autres. Mais je puis vous assurer que nos relations sont excellentes. Il comprend la position de la Serbie et je fais de mon mieux pour comprendre la sienne, même si je ne suis pas très satisfait de l’édification de ce grand grillage aux frontières de la Hongrie. Mais il protège son pays à sa manière, que nous devons respecter.

Nous sommes plus intéressés par une solution globale européenne, à laquelle nous nous plierons.

Je suis d’accord avec vous pour reconnaître que l’on aurait dû régler les choses sur les lieux d’origine des crises: la Syrie, la Turquie, la Jordanie, le Liban. Mais la Serbie est un petit pays et vous comprendrez que nous ne pouvons contribuer qu’à notre mesure à ces solutions. Cela dit, nous serons toujours disposés à faire de notre mieux.

Dites-nous quelle est votre solution d’ensemble concernant la crise des migrants et nous nous adapterons.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Premier ministre, j’ai écouté votre discours avec beaucoup d’intérêt ainsi que vos réponses. Je vous remercie d’avoir évoqué les relations problématiques qui existent entre la Serbie et le Kosovo; relations que vous cherchez à améliorer, notamment en mettant en place des accords avec Pristina.

Quels sont les enseignements que nous pouvons tirer de la façon dont vous cherchez à surmonter les écueils qui se présentent avec cette région sécessionniste? Quelles leçons peuvent tirer d’autres régions qui se séparent de leur pays et qui sont pour l’instant des «trous noirs»?

Pourriez-vous expliquer à l’Assemblée parlementaire comment vous cherchez une solution à ces problèmes qui semblent impossibles à résoudre à premier vue?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Lorsque nous avons gagné les dernières élections, deux semaines plus tard, nous avons été victimes d’inondations catastrophiques. Si j’avais, à ce moment-là, présenté à la population des réformes économiques difficiles ou si j’avais poursuivi les discussions avec les Albanais du Kosovo, sa réaction aurait été négative. Je lui ai donc simplement expliqué que la route serait longue et difficile pendant deux ou trois ans, mais qu’ensuite je tiendrai mes promesses.

Au mois d’août, nous avons signé quatre accords avec Pristina et le 13 octobre les pourparlers reprendront. J’ai par ailleurs confirmé que des élections se tiendront.

Nous ne devons pas agir en fonction des réactions de l’opinion publique. Quand je me déplace, quand je vais à la rencontre des réfugiés, j’entends les réactions négatives de la population, mais je n’y prête pas attention. Quand un parti d’extrême droite a voulu manifester contre les migrants, j’ai interdit ces manifestations. Je lui ai dit qu’il pouvait, s’il le souhaitait, organiser des manifestations contre mon gouvernement ou moi-même, mais certainement pas contre les migrants. Ne pas prêter attention à ces réactions négatives est la seule façon d’obtenir des résultats dans le domaine social.

C’est aussi la raison pour laquelle j’ai insisté sur la question de la stabilité régionale: si je suis inquiet quant à une éventuelle déstabilisation régionale, je n’ai pas peur du travail qui nous attend pour faire redémarrer le pays. Mon pays n’est pas riche et il ne le sera pas plus dans 10 ans, mais, pas à pas, nous faisons ce qui est nécessaire et nous maintiendrons le cap.

M. BADEA (Roumanie)* – Bienvenue, Monsieur le Premier ministre. Je voudrais vous féliciter, vous et votre gouvernement, pour avoir amélioré des relations bilatérales avec la Roumanie. La Serbie évolue dans le bon sens, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

En Serbie, un certain nombre de personnes souhaitent parler une nouvelle langue: le valaque. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Je vous remercie d’avoir rappelé que nous faisions tout pour entretenir les meilleures relations possibles avec nos amis roumains. Car il est vrai qu’après la Seconde Guerre mondiale, nos relations n’étaient pas optimales.

Je ne suis pas certain que tout le monde comprenne nos échanges concernant les langues valaque et roumaine. Cette question intéresse une minorité et le Conseil de l’Europe s’est doté de normes à ce sujet: la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Avec votre Premier ministre, j’ai rendu visite à des communautés minoritaires parlant le roumain, le valaque, et il n’y a pas eu de problème.

Je suis disposé à accueillir mes amis à tout moment pour envisager l’amélioration des conditions de vie de ces communautés et de la situation des droits de l’homme en général. Cela nous pose aucun problème: si les gens veulent parler roumain, qu’ils parlent roumain. Mais nous ne pouvons forcer personne à le faire. Nous nous inspirons de la Charte du Conseil de l’Europe et respectons notre Constitution. Vous pouvez d’ailleurs, vous ou votre Premier ministre, venir visiter les régions de la Serbie pour vérifier si des violations des droits de l’homme sont commises; vous pouvez rencontrer qui vous voulez et nous nous tenons à votre disposition pour discuter et améliorer encore les choses.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Monsieur le Premier ministre, je suis honorée de pouvoir vous accueillir au nom de la délégation serbe.

Tout le monde sait que vous avez fait beaucoup de concessions dans l’intérêt d’une coopération régionale et de bonnes relations de voisinage. Pensez-vous que les dirigeants des autres pays de la région sont aussi engagés que vous sur la voie de la réconciliation régionale?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Nombreux sont les dirigeants dans les Balkans qui se sont engagés dans la voie de la paix et de la stabilité. Je fais de mon mieux, ici et dans toutes mes discussions avec Mme Brasseur et les représentants de l’Union européenne, pour ne pas critiquer mes collègues. J’investis plutôt de mon temps et de mon énergie à ma propre autocritique; je me demande si j’ai fait des erreurs, ce que j’ai fait aux autres, ce que nous avons fait contre les intérêts des autres. Et j’essaie de corriger nos erreurs et nos déclarations.

Si nous parvenons à nous réformer nous-mêmes, alors nous apprendrons au moins à nous taire de temps à autres afin d’éviter d’aggraver les problèmes. Je ne dis pas cela parce que c’est ce que vous avez envie d’entendre dans cette enceinte, mais parce qu’il s’agit bien de notre politique et parce que nous sommes bel et bien engagés sur cette voie.

J’ai cette attitude tous les jours, dans mon pays, même si ce n’est pas toujours le meilleur moyen de se rendre populaire. En effet, les gens, dans les Balkans, aiment beaucoup se poser en victimes, tenir des discours très durs contre leurs voisins, accusant, reprochant, récriminant… Mais, parfois, il faut savoir écouter sans réagir même si, bien sûr, nous ferons toujours de notre mieux pour protéger nos intérêts nationaux – à condition de ne pas nuire aux intérêts nationaux des autres.

LA PRÉSIDENTE* – M. Nikoloski et Mme Leskaj, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Vous savez, monsieur le Premier ministre, qu’à l’approche des élections législatives en Azerbaïdjan, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) a décidé de ne pas envoyer de mission d’observation, ce pays voulant réduire le nombre d’observateurs en violation des règles de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE). Le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont pris la même décision. Je souhaite connaître votre sentiment sur cette situation ainsi que les mesures que le président serbe de l’OSCE envisage de prendre à la suite de la violation de ses obligations par l’Azerbaïdjan.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – C’est pour moi la question la plus épineuse. Contrairement à de nombreux Serbes, qui se présentent à des postes de secrétaire général au sein d’institutions comme les Nations Unies, je ne suis pas un expert de tous les dossiers. Reste que nous considérons que l’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent être des pays amis. J’espère que l’OSCE se penchera sur la question que vous soulevez comme il se doit. Je vous souhaite le meilleur et, j’y insiste, personnellement, je ne sais que dire.

Je me doutais qu’on me poserait cette question mais j’aurais honte de prétendre bien connaître la situation alors que ce n’est pas le cas. J’ai discuté avec notre ministre des Affaires étrangères, président en exercice de l’OSCE. Il va tâcher d’examiner la question comme il se doit en recherchant la meilleure solution possible et j’espère que les Azerbaïdjanais et vous-mêmes en serez satisfaits.

Nous avons déjà tout fait, au long de notre présidence, pour améliorer les relations entre vos deux pays et l’on était visiblement satisfait de notre travail. Aussi je vous présente tous mes vœux de succès. Je le répète: je ne suis pas un expert capable de régler toutes les crises du monde. Nous avons déjà beaucoup de travail pour résoudre notre propre crise. Reste que nous aurons toujours à cœur d’avoir avec votre pays des relations d’amitié.

M. JURATOVIC (Allemagne)* – Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué l’importance de la coopération régionale. On doit certes tenir compte du passé, de l’histoire mais pour permettre la coopération régionale que vous appelez de vos vœux, il est important d’impliquer la jeunesse. Quelles actions menez-vous en la matière?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Vous savez, monsieur Juratovic, combien il est difficile de favoriser la stabilité régionale dans les Balkans en particulier. Les programmes d’échanges de jeunes que nous avons mis en place avec Mme Mogherini et avec Mme Merkel sont assez remarquables. Si certains pays n’ont pas manifesté un grand intérêt, l’Albanie et la Serbie ont réalisé en la matière un excellent travail.

Certains d’entre vous nous ont beaucoup aidés pour créer la structure nécessaire dont il reste à choisir le siège – Tirana, Belgrade, les deux? Nous en examinerons dans quelques jours les détails pratiques et j’espère qu’à cette occasion d’autres pays se joindront à nous.

Le badge que je porte, que m’a donné Mme Brasseur, portant ce message: «No Hate », «Pas de haine », correspond bien à cette idée de promouvoir non seulement la paix et la stabilité mais une meilleure compréhension entre les jeunes. Il s’agissait de réunir 65 étudiants de chacun des pays afin qu’ils participent à des matches de football. Ils ne se connaissaient pas – leurs pays respectifs étant restés plus de 60 ans sans se parler! – et, d’ores et déjà, les choses vont mieux. On songe aux Français et aux Allemands après la Seconde Guerre mondiale. À travers ce type d’opération, nous voulons changer la nature des relations entre nos deux pays.

Nous ne sommes certes pas toujours satisfaits de la vitesse à laquelle avance le processus engagé mais les pas accomplis sont très prometteurs.

LA PRÉSIDENTE* – M. Dokle et Mme Karapetyan, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme HOFFMANN (Hongrie)* – Monsieur le Premier ministre, en Serbie, le système de protection des minorités fonctionne de manière exemplaire. Un pouvoir considérable a été accordé aux conseils des minorités nationales; minorités qui, de ce fait, jouissent d’une forte autonomie dans le domaine culturel et linguistique. Quel est le rôle de ces conseils en matière d’éducation?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Je vous remercie d’avoir noté ce progrès et qui concerne en particulier la minorité hongroise, l’une des plus importantes en Serbie. Notre coopération avec les représentants de cette minorité est excellente. Ces conseils ont un rôle essentiel à jouer: ils peuvent par exemple proposer le contenu des manuels scolaires. Entre autres aides, nous assurons, de notre côté, des services de traduction.

Dans le passé, les responsables politiques serbes refusaient de se rendre dans les cimetières hongrois, mais 70 ans se sont écoulés depuis la Seconde Guerre mondiale et j’ai souhaité personnellement m’y recueillir. Je crois que nous avons réussi à créer une atmosphère propice à la réconciliation entre les Hongrois et les Serbes. Il n’existe pas de problème majeur aujourd’hui entre nos deux communautés. Si un représentant de la minorité hongroise s’exprimait aujourd’hui devant vous, je suis certain que je pourrais confirmer tous ses propos.

LA PRÉSIDENTE* – M. Stroe, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. ZOURABIAN (Arménie)* – La Commission européenne a demandé à la Serbie d’amender l’article 234 du Code pénal lié aux infractions économiques. Cet article est désormais obsolète.

A quel moment votre gouvernement mettra-t-il en œuvre des dispositions pour faire cesser les poursuites pénales à l’encontre des hommes d’affaires et créer les conditions favorables au développement du secteur privé en Serbie?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA SERBIE* – Nous devons travailler avec la Commission européenne à l’harmonisation de notre système et de nos lois, c’est en effet une tâche essentielle. Nous ne souhaitons évidemment pas persécuter les milieux d’affaires, mais lutter contre la corruption. Il nous reste beaucoup à faire mais permettez-moi de vous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, les grands capitaines d’industrie décidaient de tout et imposaient les règles du jeu en Serbie. Cela a changé, ce qui ne signifie pas qu’ils sont poursuivis au motif qu’ils sont plus riches que d’autres. La critique nous a été adressée à plusieurs reprises ces derniers temps, de nombreux hommes d’affaires craignant de faire l’objet d’un jugement.

LA PRÉSIDENTE* – M. Hanžek, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle. Nous en avons donc terminé avec les questions à M. Vučić.

Monsieur le Premier Ministre, je veux vous remercier pour votre discours et pour vos réponses franches et honnêtes aux parlementaires. Vous avez reconnu très simplement ne pas pouvoir répondre à toutes les questions. Nous devrions nous inspirer de votre humilité car personne ne peut prétendre tout savoir.

Permettez-moi un dernier mot. Parmi les finalistes du Prix des droits de l’homme Václav Havel se trouvait une ONG qui travaille dans le domaine de l’éducation et qui cherche à surmonter les clivages dans les Balkans. Elle fait un travail extraordinaire et nous avons été très fiers d’accueillir ses représentants à l’occasion de la cérémonie de remise du prix lundi dernier.

Monsieur le Premier Ministre, je serai ravie de vous retrouver prochainement à Sarajevo, ville symbole s’il en est!

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. L’abus de la détention provisoire dans les Etats Parties à la Convention européenne des droits de l’homme

Présentation par M. Agramunt du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13863)

Orateurs: Mme Sotnyk, Sir Edward Leigh, MM. Kürkçü, Japaridze, Feist, Mme Beselia, MM. Ariev, Le Borgn’, Sobolev, Rouquet, Rochebloine, Sir Roger Gale, MM. Díaz Tejera, Bakradze, Mme Kobakhidze, MM. Leyden, Fournier, Vlasenko, Khader

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de recommandation

2. Discours de M. Vučić, Premier ministre de la Serbie

Questions: MM. Schennach, Agramunt, Xuclà, David Davies, Kox, Badea, Mmes Djurović, Zohrabyan, M. Juratovic, Mme Hoffmann, M. Zourabian

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN/ Jean-Claude Frécon

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU/ Antigoni Lymperaki

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA*

Ben-Oni ARDELEAN

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Anna ASCANI*

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Geneviève Gosselin-Fleury

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI/Eka Beselia

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI/Sandra Zampa

Andris BĒRZINŠ*

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON

Igor CORMAN/Valentina Buliga

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR/Mónika Bartos

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Renata DESKOSKA*

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA*

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Samvel FARMANYAN

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FLIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES*

Mustafa Sait GÖNEN

Alina Ștefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sylvie GOY-CHAVENT*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS/Attila Tilki

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV*

Alfred HEER/Elisabeth Schneider-Schneiter

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Vladyslav Golub

Jim HOOD*

Anette HÜBINGER*

Johannes HÜBNER/ Barbara Rosenkranz

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Gedimnas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Kristin Ørmen Johnsen

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Dejan Kovačević

Josip JURATOVIC

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI/Pascale Crozon

Niklas KARLSSON

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ/Metin Lütfü Baydar

Igor KOLMAN*

Željko KOMŠIĆ

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Matjaž Hanžek

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Eerik-Niiles KROSS

Marek KRZĄKAŁA*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK *

Inese LAIZĀNE*

Olof LAVESSON/Kerstin Lundgren

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Georgii LOGVYNSKYI*

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI/Marie-Christine Dalloz

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI/Carles Jordana Madero

Ana MATO*

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY

Jean-Claude MIGNON/André Schneider

Marianne MIKKO*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACȘU*

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON/Sir Edward Leigh

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE*

Tom PACKALÉN

José Ignacio PALACIOS*

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA*

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK*

Jaana PELKONEN*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO*

Carmen QUINTANILLA/Jordi Xuclà

Kerstin RADOMSKI*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV*

Àlex SÁEZ*

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Nadiia SAVCHENKO/ Sergiy Vlasenko

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ*

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Bernd SIEBERT/Thomas Feist

Valeri SIMEONOV/Kancho Filipov

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Dalia Kuodytė

Jan ŠKOBERNE

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI/Iwona Guzowska

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER*

Birutė VĖSAITĖ

Nikolaj VILLUMSEN*

Dimitris VITSAS*

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN/Volkmar Vogel

Katrin WERNER*

Morten WOLD/Tore Hagebakken

Bas van ‘t WOUT*

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS*

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Estonie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Royaume-Uni/David Davies

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

_

Observateurs

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Qais KHADER

Bernard SABELLA