FR16CR03ADD1

AS (2016) CR 03
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la troisième séance

Mardi 26 janvier 2016 à 10 heures

ADDENDUM 1

L’escalade de la violence dans le Haut-Karabakh et les autres territoires occupés d’Azerbaïdjan
Les habitants de régions frontalières de l’Azerbaïdjan sont délibérément privés d’eau

(Débat conjoint)

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par des orateurs qui, inscrits et présents en séance, n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

Mme GOY-CHAVENT (France) – Ce conflit dure depuis presque 30 ans au sein même de l’Europe. L’accord de cessez-le-feu est régulièrement violé et des attaques sont dirigées contre les populations civiles. La résolution de ce conflit appelle une nouvelle approche afin que les droits de chaque partie puissent être respectés dans cette région.

L’occupation du Haut-Karabakh par l’Arménie, sans parler des sept provinces occupées également, est une source de tensions permanentes dans la région.

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé en 2015 que l’Arménie exerçait un contrôle effectif sur ces territoires et considéré que l’Arménie ne respectait pas les droits des réfugiés azerbaïdjanais, violant ainsi la Convention européenne des droits de l’homme.

Le statu quo n’est pas satisfaisant. Les forces arméniennes doivent se retirer du Haut-Karabakh et des provinces occupées. De plus, il n’est pas question aujourd’hui de reconnaître une quelconque République du Haut-Karabakh.

La communauté internationale doit se mobiliser. J’appelle l’OSCE et le Groupe de Minsk à revoir leur approche pour la résolution de ce conflit. L’urgence pour les populations, dont les droits sont bafoués par les belligérants, ne peut s’accommoder de la lenteur du processus de médiation.

Pour limiter l’escalade de la violence, deux pays peuvent jouer un rôle particulièrement important.

La Fédération de Russie, d’une part, doit reconnaître l’embargo sur les livraisons d’armes aux deux belligérants pour stabiliser cette région proche de ses frontières.

La Turquie, d’autre part, doit favoriser la résolution de ce conflit pour sécuriser l’acheminement du gaz en provenance d’Azerbaïdjan et ainsi garantir son approvisionnement. La paix dans cette région présente un intérêt réel pour tous.

Dans ce contexte, il faut veiller à ce que le Haut-Karabakh ne devienne pas le lieu d’un affrontement à distance entre d’autres Etats rivaux qui souhaiteraient disposer là d’une sphère d’influence. Cela ruinerait toute chance de parvenir à une paix durable dans la région. L’Azerbaïdjan est un pays jeune, moderne. Sa stabilité est une priorité dépassant largement ce conflit. Il est très important que les pays membres du Groupe de Minsk travaillent main dans la main pour parvenir rapidement à la résolution du conflit.

Enfin, j’appelle les deux belligérants à respecter les engagements pris lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe, tant sur le principe d’une résolution pacifique du conflit, que sur le respect des droits de l’homme en général.

M. BLANCHART (Belgique) – On s’interroge sur la composition de la délégation, sur l’objectivité du rapport, sur la vitesse de l’avancée des travaux du Groupe de Minsk, qui depuis plus de 20 ans, ne trouve pas de solution de paix au conflit du Haut-Karabakh.

On s’interroge sur ce que l’on va dire au Groupe de Minsk lors de sa prochaine réunion.

On veut changer de rapporteur et renvoyer le texte en commission.

Bref, par suspicion, on veut geler le temps, un peu à l’image de ce conflit.

Or, le rapport de notre collègue Mme Marković décrit une situation dont sont victimes plus de 400 000 citoyens innocents qui sont privés du bien le plus élémentaire, le plus fondamental. Ils sont délibérément privés d’eau potable depuis des années et inondés en hiver.

Il demande que l’Assemblée se positionne pour que l’armée laisse le terrain aux ingénieurs et aux hydrologues.

L’eau ne peut en aucun cas être une arme politique utilisée contre des citoyens innocents.

Alors qu’on en parle depuis plus de deux ans, indépendamment des termes utilisés dans ce rapport, j’invite tous ceux qui veulent encore en parler longtemps à aller passer ne serait-ce qu’une semaine auprès des citoyens du Karabakh qui sont privés d’eau potable.

Mme CROZON (France) – Je tenais, Monsieur le rapporteur, à vous faire part de ma plus profonde indignation quant au caractère partial et volontairement provocateur du rapport que vous présentez aujourd’hui devant nous, et qui n’invite en réalité notre Assemblée qu’à prendre parti, qu’à désigner des agresseurs et des agressés dans un conflit qui dure depuis de trop nombreuses années et qui est bien plus complexe que la propagande que vous nous demandez d’avaliser au nom du Conseil de l’Europe.

Comment oser prétendre, dès votre première phrase d’introduction, que cette guerre résulterait de l’agression armée de l’Arménie qui occuperait 20 % du territoire azéri et y mènerait une politique de nettoyage ethnique ? Comment oublier que la controverse territoriale, qui dure en réalité depuis l’intégration du Haut-Karabakh à la République soviétique d’Azerbaïdjan en 1923, a dégénéré en conflit armé à la suite d’une décision souveraine de l’oblast du Haut-Karabakh, qui a voté son rattachement à l’Arménie en 1988 ? Comment oublier que cette décision a donné lieu à des représailles telles que les pogroms de Soumgaït et de Bakou qui ont justifié, non pas uniquement l’intervention arménienne que vous stigmatisez, mais également l’instauration par Mikhaïl Gorbatchev d’un état d’urgence visant à protéger les minorités arméniennes en Azerbaïdjan ?

Comment oublier que l’explosion de l’Union soviétique en 1991 a entraîné cette région dans l’engrenage meurtrier de la course à l’armement entre les belligérants, mais aussi la négation par Bakou de l’autonomie territoriale reconnue par Moscou à la province du Haut-Karabakh ? Comment ignorer enfin que le Haut-Karabakh ne revendique plus aujourd’hui son rattachement à l’Arménie, mais a proclamé son indépendance par référendum, comme l’ont fait tant d’autres anciennes Républiques soviétiques qui siègent aujourd’hui à nos côtés et à qui nous sommes fiers d’avoir reconnu le droit à l’autodétermination ?

Votre rapport est dangereux car à ne vouloir regarder que les faits qui accréditent votre thèse, il nie les principes mêmes qu’il prétend défendre. Vous semblez ignorer, Monsieur le rapporteur, que le cessez-le-feu de 1994 dont vous dénoncez les violations n’a pas été uniquement signé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais également par le Haut-Karabakh reconnu alors comme partie au conflit. Refuser, comme vous le faites aujourd’hui, de reconnaître l’existence même de cet acteur, c’est éloigner durablement toute illusion de règlement pacifique à ce conflit.

Il est pourtant urgent de trouver une issue à une guerre qui n’a que trop duré et frappé indistinctement les populations arméniennes, azéris et karabakhiotes. Ce conflit portant sur la souveraineté de 150 000 personnes a d’ores et déjà fait plus d’un million de déplacés et réfugiés, non pas uniquement azéris comme vous le dites, mais dans l’ensemble des populations concernées. Là encore, la question du droit au retour de ces réfugiés ne sera jamais résolue si vous la posez de façon univoque.

Je voudrais conclure si vous le permettez par un sentiment personnel. Je me suis rendue au Haut-Karabakh et j’ai pu constater les efforts de ce peuple qui, à défaut de reconnaissance internationale, cherche sincèrement à se doter de toutes les caractéristiques d’un Etat tel que nous les défendons dans cette enceinte. À commencer par des élections régulières et qui admettent le multipartisme. Leurs institutions démocratiques ne sont sans doute ni parfaites ni achevées, mais elles rendraient déjà jaloux bien des citoyens ou des journalistes azéris qui luttent pour leurs droits. Pour avoir osé faire cela, je suis moi-même interdite de séjour en Azerbaïdjan. Je suis désolée, Monsieur le rapporteur, mais je ne vois pas comment nous pourrions voter votre rapport tant que l’Azerbaïdjan refusera aux parlementaires de cette Assemblée le droit de constater par eux-mêmes la réalité de la situation.

M. MARIANI (France) – Il me semble essentiel de rappeler le contexte du Haut-Karabakh alors que les deux rapporteurs ont été accusés de parti pris.

Peuplé d’Arméniens mais faisant juridiquement partie de l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh est un territoire autonome arménien. Les forces arméniennes occupent les régions avoisinantes afin d’assurer la continuité territoriale avec l’Arménie assurant un glacis défensif. La guerre de 1993 a fait 20 000 morts et un million de réfugiés ou déplacés, majoritairement azerbaïdjanais.

Deux décennies après le cessez-le-feu, le conflit n’est toujours pas réglé malgré une médiation du Groupe de Minsk sur la base des principes de Madrid: retour à l’Azerbaïdjan des régions occupées; statut intérimaire d’autonomie du Haut-Karabakh avec maintien d’un corridor vers l’Arménie ; statut définitif du Haut-Karabakh fixé par autodétermination ; droit au retour des réfugiés. La frontière avec l’Arménie et la ligne de démarcation avec le Haut-Karabakh sont fortement militarisées et les incidents y sont fréquents.

Force est de constater que nous sommes face à un enlisement et que si le Groupe de Minsk reste une enceinte de dialogue pour les Arméniens et les Azerbaidjanais, il n’a pas réussi à faire avancer le processus de paix depuis 20 ans. Pourquoi ?

La question des territoires occupés autour du Haut-Karabakh est un point de blocage alors que cette occupation des régions avoisinantes a été condamnée par plusieurs résolutions successives du Conseil de sécurité des Nations Unies en 1993 qui demandaient le retrait des forces arméniennes, de même que l’a fait l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution 1416 de 2005. La non-application de ces textes, malgré les engagements pris lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe, n’est plus acceptable dans la situation de statu quo actuelle.

La question des réfugiés et des personnes déplacées constitue un autre problème, l’Azerbaïdjan assumant seule le soutien financier et matériel de plus d’un million de personnes !

Enfin, il y a la puissance régionale sans laquelle rien ne sera possible, à savoir la Russie. L’absence de nos collègues russes dans cet hémicycle est en soi un problème et je ne surprendrai personne en disant que je le regrette. Lorsqu’on appelle à un rôle accru de notre Assemblée parlementaire pour régler des questions aussi complexes que le conflit du Haut-Karabakh, se priver de la médiation de la délégation russe et de sa présence, c’est déjà nous décrédibiliser.

M. ROCHEBLOINE (France) – Le conflit du Haut-Karabakh a donné lieu, dans cette Assemblée, à de nombreuses prises de position et de nombreux textes. Mais jamais, je n’avais lu un document aussi excessif, aussi surréaliste que le rapport de notre ancien collègue, M. Walter.

Pour expliquer les caractéristiques très spéciales de ce rapport, on a évoqué les liens particuliers que M. Walter entretient avec la Turquie. Mais, cela n’a pas tellement d’importance, il n’est plus membre de notre Assemblée, ni même de la Chambre des communes. Toutefois, son héritage politique subsiste. Il s’est même trouvé à la commission des affaires politiques une majorité pour endosser ses vues. Et ces vues sont un déni de la réalité du Haut-Karabakh. Le rapport tire un trait de plume sur la volonté de son peuple de vivre dans la paix, dans une société libre et démocratique, à l’abri des agressions constantes et meurtrières de l’Azerbaïdjan. Il fait de cette volonté légitime une sorte de crime. Le rapport mentionne l’insécurité des populations frontalières, la « purification ethnique ». Ces maux, les Karabakhtsis et les Arméniens de Bakou en ont été et continuent d’en être les victimes ! Cela semble avoir échappé à la majorité de la commission. Faire du régime de M. Aliev une coterie d’âmes innocentes peut paraître risible. Mais cette affirmation est surtout une insulte pour les Azéris que les autorités de Bakou condamnent, emprisonnent et persécutent pour délit d’opinion, au mépris des droits de l’homme, de nos valeurs communes.

Je fais partie de ceux qui déplorent que le Haut-Karabakh et ses représentants élus soient depuis l’origine mis à l’écart des négociations du Groupe de Minsk dont le déroulement et les éventuels résultats les concernent pourtant au premier chef. Je suis donc à l’aise pour dénoncer ce rapport et le projet de résolution qui l’accompagne.

C’est, d’abord, une tentative de parasitage nocif du processus de Minsk, dont celui-ci n’a pas besoin. L’échec du précédent essai d’ingérence sous la présidence turque de notre Assemblée aurait pourtant dû alerter sur l’inopportunité de telles démarches.

De plus, son adoption mettrait en cause sérieusement la crédibilité de nos travaux, en donnant l’estampille de l’Assemblée parlementaire à une œuvre de propagande partiale et mensongère.

Enfin, s’il y a une grande cause que cette mauvaise action compromet et dessert, c’est bien la cause de la paix.

Pour ces raisons, je m’oppose vigoureusement au projet de résolution qui traduit les conclusions de ce rapport.

M. LOPUSHANSKYI (Ukraine) – Mesdames et Messieurs, le conflit du Haut-Karabakh représente la cause principale de plusieurs problèmes dans cette partie de l’Europe. Avant tout, il existe la menace de violer le régime fragile de cessez-le-feu et de transformer « ce conflit gelé » en vraie guerre à une large échelle. Le rapport, établi par Robert Walter, parle ouvertement de cette menace. Du point de vue stratégique, ce facteur peut être utilisé pour l’intervention des forces extérieures qui ont les intérêts complètement différents de ceux d’Europe. Vu la situation socio-économique, ce conflit représente le plus grand obstacle à la coopération dans cette région et pour l’évolution vers la prospérité.

Un autre aspect a une grande importance pour le Conseil de l’Europe : ce conflit provoque plusieurs violations de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Dans le rapport présenté par notre chère collègue Milica Marković, il s’agit justement de la violation des droits sociaux. Aussi, dans le contexte de ce rapport, il ne faut pas négliger les différents risques et menaces que la situation autour des réserves d’eau a pour les territoires occupés d’Azerbaïdjan.

L’humanité a connu plusieurs guerres et beaucoup de malheurs apportés par ces guerres. Il est très important de tirer les leçons de ces fautes précédentes et éviter de les refaire. Dans ce contexte, ensemble, nous devons préserver le système international de sécurité élaboré pendant les décennies précédentes. Il revient à la communauté internationale de faire la démonstration de son unité.

Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de respecter pleinement les normes et les principes du droit international : les Etats doivent respecter mutuellement leur intégrité territoriale, éviter de violer les frontières reconnues par la communauté internationale, faire barrage à l’utilisation de la force ou même de sa menace.

Les Etats qui ont déjà commis les fautes pareilles doivent en tirer des leçons. Ils sont obligés de comprendre le danger d’un tel comportement à l’échelle internationale, et il leur revient de mettre en place les mesures nécessaires pour améliorer la situation.

Chers collègues, je considère que les rapports présentés aujourd’hui sont justes et impartiaux et j’invite tous mes collègues à les approuver.