FR16CR05

AS (2016) CR 05

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la cinquième séance

Mercredi 27 janvier 2016 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* - La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT* - Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2016) 01 Addendum 4.

Ces modifications sont adoptées.

2. La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières
Le crime organisé et les migrants
(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT* - L’ordre du jour appelle le débat conjoint sur «La Méditerranée: une portée d’entrée pour les migrations irrégulières» et «Le crime organisé et les migrants».

Nous entendrons d’abord la présentation par Mme Dumery du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur «La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières» (Doc. 13942).

Ensuite, M. Chikovani présentera le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur «Le crime organisé et les migrants» (Doc. 13941).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Je vous rappelle aussi que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 13 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 12 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle enfin que les rapporteurs disposent d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Mme DUMERY (Belgique), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Plus de un million de migrants et de réfugiés sont arrivés en Europe en 2015, suscitant la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Le seuil symbolique du million a été franchi le 21 décembre de l’an passé, selon les données fournies par l’Organisation internationale pour les migrations. Ce chiffre tient compte de toutes les personnes qui sont arrivées par voie maritime et par voie terrestre, mais il ne peut pas inclure, bien entendu, celles qui sont entrées sur le territoire européen sans être détectées.

Sur ce chiffre important, seules 34 000 personnes sont arrivées par la voie terrestre; toutes les autres sont arrivées par la mer, et c’est à ce grand défi que mon rapport est consacré. Pour bien comprendre l’ampleur du problème, il faut le remettre dans le contexte des années précédentes. En 2014, environ 210 000 personnes ont traversé la Méditerranée, contre 60 000 seulement en 2013.

Cette forte augmentation s’est traduite par une crise humanitaire sans précédent. Tout d’abord, le nombre de morts a été considérable. Jusqu’en avril 2015, ce nombre a augmenté proportionnellement au nombre de traversées réussies.

Ce n’est que le 18 avril 2015, lorsque plus de 700 personnes ont péri dans un naufrage que la communauté internationale a commencé à coopérer pour éviter d’autres morts, en renforçant ses opérations de sauvetage. C’est une bonne chose, mais soyons très clairs: le risque zéro n’existait pas.

C’est le message que j’ai reçu lors de toutes les réunions auxquelles j’ai participé avec les autorités compétentes en Italie et à Varsovie, au siège de Frontex. Tant que les personnes traverseront la mer sur des embarcations de fortune et par des conditions climatiques dangereuses, il y aura des victimes. La photo tragique d’un petit garçon de trois ans échoué sur une plage turque le montre. D’après l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 3 600 migrants sont morts en essayant de traverser la Méditerranée en 2015 – la plupart d’entre eux venaient d’Afrique du Nord – et 700 sont morts en mer Égée.

Mon collègue, M. Chikovani, a préparé un rapport sur la lutte contre les passeurs et les trafiquants, qui portent une grande partie de la responsabilité de toutes ces morts; il convient donc de mettre un terme à leur activité cruelle. Mais tant qu’il y aura des candidats à la traversée illégale de la Méditerranée, il y aura des tragédies. C’est la raison pour laquelle il faut s’attaquer au problème de manière plus globale. J’y reviendrai.

Par ailleurs, il y a le problème de l’accueil. Les capacités d’accueil des premiers pays d’arrivée ont été mises sous pression: la Grèce a accueilli 850 000 personnes l’an passé. La commission des migrations a envoyé une délégation à Kos, une île grecque, en novembre dernier à l’invitation des pouvoirs locaux, totalement dépassés par l’afflux de migrants. Au second semestre 2015, cette petite île de 33 000 habitants voyait arriver 5 à 6 000 migrants chaque jour. Inutile de vous dire qu’aucune structure d’accueil adaptée n’existait. Nous avons pu voir à la télévision des migrants dormant sur les plages, en attendant de passer sur le continent.

La grande majorité des réfugiés et des migrants poursuivent leur voyage en traversant l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Serbie, la Hongrie, leur destination finale étant l’Allemagne, l’Autriche et les pays du Nord de l’Europe.

La situation est loin d’être réglée. Le nombre de réfugiés qui tentent cette traversée si dangereuse ne diminue pas. Les conditions climatiques en mer, en hiver, ont empêché des arrivées massives, mais dès que la mer se sera calmée, il est certain que le nombre de migrants augmentera de nouveau.

Les mesures prises jusqu’à présent, dont la coopération renforcée avec les autorités turques, ne semblent pas être véritablement efficaces. De sorte que les migrants continuent d’arriver et d’épuiser les capacités d’accueil, même celles des pays les plus accueillants. Les conséquences, nous les voyons bien: les contrôles aux frontières sont restaurés dans de plus en plus de pays – entre la Suède et le Danemark, entre le Danemark et l’Allemagne, entre l’Allemagne et l’Autriche.

Les pays des Balkans occidentaux refusent l’accès aux migrants sur leurs territoires; certains construisent même des barrières. Cependant, même si tous les pays européens avaient fait preuve de solidarité, où cela nous mènerait-il?

Il y a quelques jours, le Premier ministre français, Manuel Valls, a dit que la crise des migrants mettait l’Europe en danger. Et il a souligné qu’il ne s’agissait pas seulement de la zone Schengen, mais de l’ensemble du projet d’intégration européen. Il a été clair en déclarant que l’Europe ne pouvait pas recevoir tous ceux qui arrivent sur son territoire et qu’il était urgent de prendre des mesures pour contrôler les frontières; sinon, nos sociétés risquaient d’être totalement déstabilisées.

Certes, ce sont là des termes forts, mais nous pouvons comprendre le point de vue de M. Valls. Et il n’est pas le seul à l’exprimer ouvertement. Nous assistons à la montée des mouvements populistes qui rejettent totalement l’idée d’accueillir des migrants et qui profitent des événements tragiques de la Saint-Sylvestre dans différents pays pour entretenir et renforcer la xénophobie.

Nous sommes bien placés, ici, au sein de l’Assemblée parlementaire, pour mener un débat ouvert et franc sur les solutions qui peuvent être envisagées pour relever ce défi. Je parle, dans mon rapport, de la situation des dernières années, et j’appelle à une mobilisation pour continuer à sauver des vies en mer – il s’agit là d’une des grandes priorités que personne ne remet en question. Mais nous devons par ailleurs créer de meilleures conditions d’accueil.

En outre, une question se pose: que nous réserve l’avenir en la matière? Et comment pouvons-nous influencer l’avenir? Sommes-nous certains qu’il y a des limites aux flux migratoires? Combien de millions de personnes sommes-nous disposés à accepter? Comment faire la différence entre ceux qui fuient une véritable menace, dont la vie est en danger, et ceux qui cherchent seulement un meilleur avenir – ce qui est totalement légitime? Autant de questions délicates, difficiles et douloureuses, mais auxquelles nous devons essayer de répondre. Et j’espère que vous tenterez de le faire dans vos interventions.

Je propose, dans mon rapport, des idées qui peuvent constituer un point de départ au débat. Afin de faire la différence entre ceux qui doivent être protégés et les autres migrants, je propose d’externaliser les procédures déterminant le statut de ces personnes et de mettre en place des hot spots, des centres d’accueil en dehors de l’Union européenne. Cela nous permettra de nous occuper de ceux qui ont besoin d’être protégés, avant qu’ils n’entreprennent une traversée dangereuse de la mer. Parallèlement, protégeons mieux nos frontières extérieures, luttons contre les passeurs et les trafiquants pour décourager ceux qui souhaitent venir en Europe afin d’y trouver de meilleures perspectives d’avenir. Il convient également de faire beaucoup plus pour les pays voisins des zones en conflit. Il faut leur apporter une aide sur le plan financier et matériel et en matière d’organisation. Faisons enfin beaucoup plus pour les pays d’origine des migrants. Et ne ménageons pas nos efforts lorsqu’il s’agit de trouver une solution politique aux conflits dans ces pays.

Par ailleurs, nous devons trouver un système centralisé d’enregistrement pour les personnes mortes non identifiées, afin que les membres de leurs familles puissent les retrouver.

J’espère que nous pourrons, au cours du débat, trouver des positions communes pour, ensuite, faire des propositions concrètes. Je me réjouis, mes chers collègues, d’entendre vos contributions à ce débat.

LE PRÉSIDENT* - Madame la rapporteure, il vous restera 4 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

M. CHIKOVANI (Géorgie), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées * – Les migrations irrégulières vers l’Europe posaient déjà un problème l’année dernière. Cette année, le phénomène a explosé pour prendre des proportions inimaginables et sans précédent. Ce phénomène a atteint son apogée et touche tous les pays de notre continent.

Des citoyens quittent leur pays pour sauver leur vie, pour préserver leur avenir. Et des personnes utilisent à leurs fins cette tragédie. La plupart de ces migrants ont eu recours aux services de passeurs ou de trafiquants. Pour ceux qui ont traversé le désert, les trafiquants sont présents dès le départ.

Pour bon nombre de ceux qui traversent la Turquie pour atteindre l’Europe ou les îles grecques, le trajet est impossible sans l’aide des passeurs. Ces trafiquants sont impitoyables, usent de méthodes cruelles, engendrant de nombreuses souffrances et des pertes de vie humaines.

Le trafic des migrants n’est pas simplement une façon pour la criminalité organisée d’exploiter les migrations. Des liens existent également avec l’exploitation du travail et d’autres activités illicites. Je citerai un scandale majeur qui a touché l’administration des centres d’accueil des demandeurs d’asile. Les trafiquants commettent d’autres infractions encore: ils falsifient des documents, corrompent des représentants de l’Etat et des garde-frontières ou encore participent à des activités de blanchiment d’argent.

Les trafics de migrants commis dans le cadre de groupes organisés sont du ressort de la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée internationale, adossé à son protocole contre le trafic de migrants par terre, par mer et par air.

Différentes agences européennes et internationales agissent pour combattre ce phénomène: Europol, Interpol, l’ONUDC, Frontex, Eunavfor Med, l’opération navale de l’Union européenne au large des côtes libyennes.

Au sein du Conseil de l’Europe, différentes agences spécialisées traitent du trafic de migrants. C’est ainsi que Moneyval lutte contre le blanchiment d’argent, le Greco contre la corruption; le Comité européen pour les problèmes criminels cherche à promouvoir et à faciliter la coopération et le partage d’informations entre les membres du Conseil de l’Europe. Mon rapport soutient l’ensemble des activités de ces organismes.

Il y a peu, l’Union européenne a adopté un plan d’action sur le trafic des migrants traitant de différents aspects techniques, qu’il n’est pas utile d’aborder aujourd’hui en détail – mon rapport y fait référence brièvement. Il n’en reste pas moins que nous pouvons soutenir bon nombre des mesures qui y figurent. Nous émettrons toutefois quelques réserves au sujet d’Eunavfor Med. Les risques potentiels que suscite cette opération sont traités dans la résolution du Conseil de sécurité qui autorise et réglemente cette activité au titre du droit international.

Bien entendu, nous avons enregistré des avancées dans la lutte contre le trafic de migrants, à un niveau strictement national en raison d’une coopération internationale accrue. Mon rapport fait état de comptes rendus détaillés de certaines de ces activités. Elles n’en restent pas moins peu nombreuses face à l’ampleur du phénomène. Nous ne relevons pas encore de retombées positives majeures sur les activités des trafiquants. Aussi, mon rapport cherche à formuler des propositions concrètes afin d’aider les autorités nationales à travailler au plan national et en coopération avec les agences internationales.

Nous portons l’accent sur le renforcement de la contribution potentielle du Conseil de l’Europe et nous souhaitons utiliser au mieux ces mécanismes et ces instruments. J’ajoute que bon nombre d’entre eux sont ouverts, non seulement aux Etats membres, mais également non membres et sont donc susceptibles d’englober les Etats d’origine et les Etats de transit où les trafiquants de migrants sont actifs. Traiter une seule facette du problème ne suffit pas, il nous faut créer des normes communes et des plateformes de coopération. C’est indispensable.

Au cours de la présentation du rapport, je me suis rendu à Rome où j’ai rencontré des représentants des autorités italiennes et des organisations internationales. Je saisis l’occasion qui m’est donnée ici pour remercier les autorités italiennes.

La commission a également échangé des points de vue avec des experts de l’ONUDC, d’Europol ainsi qu’avec le représentant de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe. De surcroît, j’ai contacté les procureurs luttant contre la mafia basée en Sicile. Ils se concentrent sur la lutte contre le trafic de migrants. Ces échanges furent très instructifs et m’ont permis d’introduire de nouveaux éléments dans la résolution. Ces éléments portent sur différentes mesures spécifiques opérationnelles que les autorités nationales devraient entreprendre afin de permettre des mesures plus efficaces et de meilleures coopérations avec les autres Etats et les agences internationales.

N’hésitez pas à m’interroger, je serai ravi de répondre à vos questions. J’espère que vous soutiendrez la résolution qui vous est soumise.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Chikovani. Il vous restera un temps de parole de 7 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – M. le rapporteur nous ayant convié à verser des propositions au débat, j’évoquerai l’expérience de mon pays, de ma région, de nos sociétés.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de réfugiés des Etats baltes et d’Europe centrale ont quitté la région pour gagner l’Europe occidentale. Aujourd’hui, après le démantèlement de l’Union soviétique, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie ont élu des présidents qui sont d’anciens réfugiés ou des personnes issues de familles de réfugiés. Des intellectuels sont désormais revenus dans nos pays pour bâtir des sociétés démocratiques. Nos parlements comptent des représentants de cette ancienne diaspora, revenus des Etats-Unis, de pays d’Europe de l’Ouest, ce qui prouve que les réfugiés peuvent apporter une contribution remarquable au développement de leur pays.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe occidentale et les Etats-Unis ont su accueillir les migrants ouvertement. Dans le même temps, ils se sont montrés très stricts. En effet, rien n’était garanti. Il faut savoir que notre ancien président a passé deux ans dans des camps de réfugiés en Allemagne, parce que les Américains vérifiaient très strictement les dossiers de ces personnes. C’est ainsi que vingt ou trente ans plus tard, ces personnes étaient bannies si l’on découvrait qu’une personne s’était rendu coupable de crimes à l’époque communiste ou avait participé à l’Holocauste.

À l’époque, le système économique reposait sur une organisation très rationnelle. Les allocations n’existaient pas, mais la possibilité était offerte aux réfugiés de travailler, de recevoir une formation, une éducation et c’est ainsi que de nombreux anciens réfugiés ont su saisir cette chance.

Pourquoi donc ne pouvons-nous pas faire la même chose aujourd’hui?

Je vous ferai trois propositions:

Premièrement, répondre aux gens qui sont dans le besoin et les accueillir amicalement. L’Europe est une communauté chrétienne et une terre d’accueil.

Deuxièmement, être strict au plan de la sécurité. Nous ne le sommes pas suffisamment actuellement. Nous ne devons pas nous laisser influencer par des images de femmes et d’enfants en pleurs.

Troisièmement, au plan économique, nous devons offrir des possibilités à ces personnes. Vous verrez alors, ce sera un succès.

Mme STRIK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe socialiste* – Je félicite nos rapporteurs pour le travail réalisé.

Nous faisons face à une crise de réfugiés sans précédent à l’échelle du monde entier: 60 millions de personne, dont près de 90% vivent dans des régions fragiles, proches des zones de conflits. Pendant la guerre en Syrie, 12 millions de personnes ont quitté le pays, 8 millions sont des déplacés de l’intérieur dans des circonstances extrêmement dures et 4 millions de personnes séjournent aujourd’hui au Liban, en Jordanie et en Turquie.

Mais les pays voisins ne peuvent pas offrir à un si grand nombre de réfugiés une protection suffisante et des moyens de bâtir une nouvelle vie. Après tant d’années d’attente, les personnes concernées commencent à quitter ces régions pour trouver une protection en Europe, sujet dont traite le rapport de Mme Dumery.

Il faut absolument soutenir les pays de transit, mais est-il bien sage de faire pression sur eux, qui portent déjà un fardeau bien lourd, pour leur demander d’empêcher les réfugiés de quitter leurs pays pour se rendre dans les pays de l’Union européenne?

Dans bien des cas, les droits de ces réfugiés ne sont pas respectés, en particulier leur droit de travailler et le droit pour les enfants d’aller à l’école. Transférer notre responsabilité aux pays de transit pourrait conduire à la fermeture des frontières avec les pays en guerre. Désormais, en Turquie, les Syriens qui fuient la violence et la guerre sont confrontés à un mur. L’issue de secours est fermée. Les principes de la Convention relative au statut des réfugiés sont du même coup violés puisque les réfugiés doivent toujours être autorisés à quitter un pays si leur sécurité n’est plus assurée. Si un pays de transit n’offre pas une protection efficace, l’Europe ne doit pas les empêcher de quitter ce pays.

Notre groupe appelle aujourd’hui à la solidarité à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Union européenne. Il faut partager les responsabilités de manière équitable. Il manque aujourd’hui dans le système d’asile de l’Europe un règlement contraignant en matière de réinstallation. Les normes européennes sur l’asile ne commencent à s’appliquer que lorsque les réfugiés gagnent le territoire de l’Union européenne, ce qui rend les choses difficiles. Il faut réfléchir à l’abolition des visas, à des sanctions contre les trafiquants et aux barrières érigées aux frontières. Les réfugiés sont confrontés à de nombreux obstacles en Europe. Leur parcours y est de plus en plus dangereux, à la merci des trafiquants.

Le rapport de M. Chikovani qui nous est présenté aujourd’hui ne traite que de la nécessité de combattre le trafic et la traite, mais n’aborde pas les causes profondes du phénomène. Pourquoi les trafiquants prospèrent-ils actuellement? Aborder le problème avec des partis pris ne permettra pas d’avancer vers des alternatives sûres et légales pour les réfugiés. Nous devons, je crois, mettre davantage l’accent sur la différence entre les trafiquants qui agissent pour des raisons commerciales et ceux qui agissent pour des raisons humanitaires. Nous devons bien sûr être impitoyables avec les premiers, mais nous devons aussi réfléchir à l’intérêt réel des migrants. Les risques d’exploitation, d’abus et de violences sont élevés. Les organisations humanitaires ne devraient pas faire l’objet de mesures punitives ou de sanctions. Souhaitons-nous que l’on cesse de sauver des vies humaines par crainte d’être sanctionné?

M. ESEYAN (Turquie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Monsieur le Président, je voudrais commencer par vous féliciter pour votre élection à la présidence. Les migrations du pourtour de la Méditerranée représentent un mouvement de population très important, qui engendre une multitude de problèmes. On peut bien sûr fermer les frontières pour empêcher les réfugiés de venir en Europe, mais la Syrie est désormais le foyer du terrorisme et 400 000 personnes y sont déjà mortes. Il est nécessaire de régler le problème à la source. Les mesures prises jusqu’à présent restent insuffisantes. La situation du Moyen-Orient se dégrade. Nous devons tous ensemble jouer un rôle plus constructif et plus responsable pour trouver une solution aux conflits dans cette région.

Les migrants ne sont pas des terroristes. Nous sommes tous d’accord sur ce point au Conseil de l’Europe. En revanche, dans certains pays, on les considère comme des terroristes potentiels. Ce sont pourtant des personnes qui fuient la guerre et le terrorisme. Nous devons comprendre quelle est réellement leur situation et faire les distinctions qui s’imposent. La Turquie accueille 2,5 millions de migrants sur son territoire et s’efforce de leur offrir les conditions de vie les meilleures possibles. Nous avons déjà dépensé 9 milliards de dollars pour répondre à cette urgence humanitaire.

M. KÜÇÜKCAN (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter pour votre élection. Je voudrais également remercier les rapporteurs pour leur excellente analyse des problèmes que nous examinons aujourd’hui.

Les défis que nous devons relever sont très importants. D’après les chiffres des Nations Unies, il existe plus 180 millions de personnes qui vivent en dehors de leur pays de naissance dans le monde, dont plus de 60 millions sont des réfugiés. Au sein de cette Assemblée, nous devons nous consacrer non pas aux conséquences du problème, mais à son origine. La région méditerranéenne est au centre d’une véritable tragédie humaine. Tous les jours, les médias nous rapportent de terribles événements et de nouvelles disparitions. Ces morts sont autant de pertes pour l’humanité et pour notre civilisation. Certains pays en font plus que d’autres pour répondre à l’urgence humanitaire. Il faut leur être reconnaissant. Certains pays ont aussi plus de défis à relever que d’autres. C’est le cas de la Turquie, du Liban, de l’Italie et de la Grèce. Le fardeau doit être partagé par tous les Etats membres de l’Union européenne et par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Quant à l’origine du problème, elle est directement liée à la question de la sécurité dans la région. Les migrants fuient le terrorisme d’Etat et le terrorisme de groupes radicalisés. Nous devons l’avoir à l’esprit quand nous parlons des migrations. Celles-ci s’accompagnent du crime organisé et il est temps d’aborder la question dans sa totalité. Tant que nous choisissons d’ignorer ce qui se passe au Moyen-Orient et surtout en Syrie, nous ne pouvons aider à régler le problème. La Turquie accueille 2,5 millions de Syriens. Ces derniers fuient leur pays car leur sécurité y est menacée. Nous devons avoir une vue d’ensemble de la question des migrants. Nous ne devons jamais oublier l’importance de faire preuve de solidarité.

Mme CHRISTODOULOPOULOU (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La question que nous examinons est très importante. 2015 fut l’année des réfugiés: les réfugiés ont obligé l’Europe entière à les voir, à les entendre, à les protéger. Réfugiés de guerre, enfants non accompagnés, migrants venus d’Afrique, ils ont risqué leur vie en passant par la mer, cherchant un refuge en Europe occidentale.

Au début, l’Europe – tous les citoyens européens – fut impressionnée par leur volume, par leur courage, par leur volonté de vivre. Des milliers ont péri en Méditerranée, où le nombre de morts continue de croître – c’est un phénomène quotidien. Vous vous souvenez tous du petit Aylan, dont l’image eut un effet dévastateur sur les consciences européennes. Mais c’était en septembre: c’était une première période, celle de l’innocence. Elle a pris fin avec les événements du 13 novembre à Paris, laissant la place à la culpabilisation.

Par milliers, les réfugiés ont traversé les Balkans, par tous les temps, en passant par la Grèce. Nous sommes aujourd’hui témoins d’un phénomène très triste. Un million de réfugiés sont passés en Europe, et c’est maintenant que l’on commence, le traité de Dublin étant annulé dans les faits, de discuter d’un contrôle aux frontières extérieures de l’Europe! On demande des contrôles renforcés aux frontières, mais on ne peut pas effectuer un contrôle en mer. Il faut donc clarifier ce point.

Il n’est pas vrai que la Grèce ne garde pas ses frontières extérieures. Simplement, elle ne peut pas laisser ces gens mourir en mer, ni les renvoyer dans leur pays d’origine. Certains risquent tout pour passer: ils vont jusqu’à percer des trous dans les bateaux. Et enfermer ces réfugiés en Grèce, les laisser vivre dans un pays où ils ne veulent pas rester, où ils n’ont pas de droits, c’est criminel!

Mme SCHOU (Norvège)* – Une fois de plus, nous débattons des migrations, et ce ne sera certainement pas la dernière: tant que nous n’aurons pas trouvé le moyen de gérer correctement le flux massif de réfugiés qui arrivent en Europe, ce débat se poursuivra. C’est là notre responsabilité.

Je remercie les deux rapporteurs pour leur bon travail: dans leurs rapports, ils abordent les défis auxquelles nous sommes confrontés et formulent des propositions concrètes.

Je disais ici même en septembre dernier que «chaque réfugié doit être accueilli dignement». Je citais le commandant d’un navire norvégien participant à l’opération Triton; avec son équipage, il avait sauvé quelque 7 000 personnes en Méditerranée. Malheureusement, je ne suis pas convaincue que nous autres, membres du Conseil de l’Europe, ayons été capables d’accueillir les réfugiés dignement, bien au contraire.

Mme Dumery demande que l’on s’attaque aux causes des migrations. C’est évidemment important et urgent – tout autant que de gérer la situation chez nous et à nos frontières. Je me réjouis donc du sommet de La Valette et du plan d’action adopté dans ce cadre par les chefs d’Etat européens et africains. Ce plan souligne la nécessité de coopérer à long terme avec les pays d’origine. La Norvège en soutient tous les volets et a pris l’initiative d’organiser une conférence internationale de donateurs pour la Syrie, qui se tiendra à Londres en février.

Je le répète, il faut agir ensemble. Bien entendu, nos efforts individuels sont importants, mais ce que nous pouvons faire en commun l’est encore davantage. Je m’excuse de me répéter, mais on ne saurait trop insister sur cette nécessité de coopérer et de partager les responsabilités.

M. LE BORGN’ (France) – Le débat qui nous réunit ce matin est important. J’ai cependant le sentiment que nous l’avons déjà tenu, d’une manière ou d’une autre, au cours de l’année écoulée. Voilà des mois, en effet, qu’un drame terrible se noue au sud de l’Europe, transformant la Méditerranée en un immense cimetière marin. Et que fait l’Europe? Elle débat et débat encore, échouant à rassembler les 3 milliards d’euros nécessaires à la Turquie pour accueillir décemment les réfugiés sur son territoire, incapable de faire appliquer le plan de répartition des réfugiés qu’elle a pourtant adopté, tolérant qu’en son sein des pays dopés aux fonds structurels revendiquent sans scrupule de n’accueillir aucun réfugié chez eux pour la simple raison qu’ils seraient musulmans. C’est une honte: pendant que des enfants, des femmes, des hommes se noient dans l’indifférence quelque part au large des îles grecques, l’Europe perd son âme. Vendredi dernier, ce sont encore plus de 40 personnes qui ont perdu la vie dans deux naufrages. Parmi elles, 17 enfants.

Il arrive un moment où il faut dire que trop, c’est trop. Pour moi, c’est maintenant. D’un côté, il y a le courage des garde-côtes grecs, qui sauvent des vies avec le peu de moyens dont ils disposent; et, de l’autre, il y a la mafia toujours plus puissante des passeurs, misérables individus exploitant cupidement la plus ultime des détresses humaines. Business as usual, puisque le flux des réfugiés ne se tarit pas, malgré les tempêtes, malgré le froid, malgré tous les drames. Jamais, mes chers collègues, le nombre d’enfants n’a été aussi grand sur la route des Balkans! Alors que nous ne sommes même pas encore à la fin du mois de janvier, l’Organisation internationale pour les migrations estime à plus de 37 000 le nombre de personnes arrivées par voie de mer en Grèce et en Italie depuis le début de l’année, et à 113 le nombre de noyades. Alors qu’il était attendu que le flux migratoire soit plus ténu en 2016 qu’en 2015, c’est au contraire l’inverse que ces premiers chiffres laissent entrevoir. Quelle information supplémentaire faut-il pour réaliser l’urgence et l’absolue obligation d’agir?

Je salue le courage de la chancelière Angela Merkel. Si l’Europe est un projet de civilisation, et elle l’est, alors la vision, la volonté et l’humanité valent mieux que toutes les prudences. Sans doute atteignons-nous désormais le nombre maximal de réfugiés que l’Europe peut dignement accueillir. Répartissons-les donc dans l’ensemble de nos pays et travaillons en direct auprès des pays de départ et de transit, moyens à l’appui. N’oublions pas aussi la nécessaire solidarité avec ceux des pays européens en première ligne, la Grèce et l’Italie, auxquels il est injuste de faire supporter une part démesurée d’efforts et de faire procès en même temps. Construisons enfin une autorité européenne en charge de la protection des frontières extérieures de l’Union. La balle est dans notre camp, nous, pays d’Europe, y compris du Conseil de l’Europe, dont les conventions et instruments en droit doivent être mis à profit pour éradiquer la mafia des passeurs. Nous avons une obligation de résultat vis-à-vis des millions de vies à sauver et du rêve européen à préserver.

M. HOLLIK (Hongrie)* – La crise migratoire touche la vie de tous les citoyens européens. Le rapport indique qu’en 2015, plus d’un million de personnes ont franchi les frontières de notre continent de façon non maîtrisée. Nous voyons tous le résultat de cette situation: les tensions sociales s’accroissent dans différents pays européens. De plus, nous sommes incapables de traiter l’autre phénomène de cette crise, à savoir la mort par noyade de centaines de personnes en Méditerranée.

Lorsque nous parlons de la crise migratoire, il faut énoncer très clairement deux faits, sans quoi nous ne pouvons pas avancer.

En premier lieu, nous devons opérer une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques. Sur la base des traditions européennes chrétiennes, nous devons protéger les vies humaines: c’est un droit fondamental. Nous devons protéger tous les citoyens dont la vie est menacée. Toutefois, la richesse n’est pas un droit de l’homme élémentaire. Nous avons donc le droit d’accueillir ceux qui quittent leur pays pour des raisons essentielles, mais pas ceux qui quittent des camps de réfugiés tout simplement pour s’enrichir.

En second lieu, il y a des règles fondamentales à respecter, notamment celles du système de Schengen. Celui-ci assure la libre circulation des citoyens européens mais oblige également les pays aux frontières extérieures de l’Union européenne de défendre celles-ci. Malheureusement, cette règle est enfreinte par différents pays. En conséquence, si nous ne pouvons pas défendre les frontières externes de l’Union européenne, nous sommes responsables du démantèlement du système de Schengen.

Selon le rapport, une solution européenne globale doit être trouvée à la crise des migrations. Cette année, nous avons des signes encourageants: l’accord entre l’Union européenne et la Turquie pourrait servir de base solide garantissant la sécurité des réfugiés syriens. Nous pourrions également veiller à ce que ces Syriens restent proches de leur patrie afin de regagner leurs foyers dès que la situation sera améliorée.

Autre exemple positif, M. Juncker, président de la Commission européenne, a récemment soutenu une initiative slovène visant à renforcer la frontière entre la Macédoine et la Grèce. Si les Européens s’en tiennent au bon sens et évitent de s’adonner à des idéologies extrêmes, nous serons en mesure de défendre l’héritage européen qui nous a été laissé par nos pères fondateurs.

Mme ALLAIN (France) – Alors que l’hiver a fait son apparition et que, depuis plusieurs mois, des réfugiés syriens arrivent sur nos territoires, force est de constater qu’au lieu de nous préoccuper de leur sort, nous continuons de discuter sur les répartitions, la gestion des flux ou la création de hot spots.

Pourtant, le film Invisibles du Secours populaire français rappelle avec force que l’aide aux réfugiés est un devoir de l’humanité face à des gens qui ont tout perdu, chassés par la barbarie des guerres. Ce devoir nous impose non seulement d’accueillir ces réfugiés, mais également de les accompagner afin qu’ils puissent refaire leur vie dans des conditions décentes.

À leur arrivée périlleuse, ces exilés de leurs pays par les guerres, sont confrontés à un dédale administratif et à des démarches complexes pour obtenir le statut de réfugié, pour avoir accès aux aides financières prévues légalement pour eux et pour leurs démarches familiales, y compris les inscriptions à l’école pour leurs enfants. Ils ne connaissent pas la langue parlée dans le pays où ils ont échoué.

En France, les associations et les collectivités locales tentent de les aider, et c’est le cas dans beaucoup de pays membres. Si elles le font généreusement pour créer un climat d’intégration sociale et humaine que l’Etat seul ne peut assumer, ni les communes, ni les associations ne disposent des moyens pour faire face à cette situation exceptionnelle. Nos pays devraient avoir le courage et la volonté politique de mettre en place les moyens humains et logistiques à la hauteur de la situation.

Est-il normal que les demandeurs d’asile doivent attendre plusieurs mois avant d’obtenir un statut de réfugié, sans lequel une reconstruction, un avenir ne sera pas possible? Est-il normal que ces réfugiés doivent attendre de longs mois de procédure administrative pour toucher une aide temporaire d’attente qui, en France, s’élève à 340 euros par mois? Et surtout, est-il normal que ces réfugiés, en dépit de leur statut, se retrouvent sans possibilité d’hébergement?

Une action me semble essentielle pour que ce devoir d’humanité revienne au centre des débats de cette Assemblée: après avoir identifié les personnes ayant droit à la protection internationale, il convient de mettre en œuvre rapidement les accords sur la relocalisation des réfugies enregistrés en Grèce et en Italie dans d’autres pays d’Europe, dont la France, par un dispositif simple, permanent et rapidement exécutable.

Face à ce drame, n’oublions pas que, comme le rappelait M. Juncker dans son discours sur l’état de l’Union, en septembre dernier, «Nous, Européens, devons nous souvenir que l’Europe est un continent où presque chacun a un jour été un réfugié. Notre histoire commune est marquée par ces millions d’Européens qui ont fui les persécutions religieuses ou politiques, la guerre, la dictature ou l’oppression». C’est l’histoire du Conseil de l’Europe.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Depuis la tragédie du «vaisseau fantôme» de mars 2011, cette Assemblée a traité plusieurs fois de la crise des réfugiés, mais sans résultat. Nous avons tous été consternés lorsque 63 migrants ont péri après quatorze jours à la dérive dans une zone de surveillance maritime de l’Otan. Nous avons exigé que justice soit rendue pour ces morts, mais en vain.

Certains évoquent un conflit de juridiction en mer comme excuse pour échapper à toute responsabilité. Depuis lors, des milliers de personnes ont péri en tentant de gagner les côtes européennes. Heureusement, nous en avons tiré les leçons en initiant des opérations de sauvetage avec une participation internationale. Ces équipages déploient de grands efforts, mais les noyades continuent. Vendredi dernier encore, les corps de 21 adultes et enfants ont été récupérés.

Les opérations de sauvetage sont nécessaires mais ne suffisent pas. Nous laissons encore la Turquie, le Liban et la Jordanie assumer l’essentiel de la charge de la guerre en Syrie. Nous laissons encore la Grèce, l’Italie et d’autres pays du sud de l’Europe assumer le fardeau en termes de logement et de prise en charge des personnes qui traversent la Méditerranée. Nous acceptons encore que le Programme alimentaire mondial soit sous-financé pour l’Asie et pour l’Afrique. Nous n’assumons pas collégialement notre responsabilité pour assurer une relocalisation indispensable des réfugiés de l’Onu.

Dans cette situation difficile, un partage européen global des responsabilités fait défaut. Au contraire, chaque pays applique ses propres restrictions et met en place des contrôles aux frontières. Cette politique à courte vue est extrêmement dangereuse. Lorsque les frontières seront toutes fermées, inévitablement, les pays de la Méditerranée seront laissés pour compte et devront eux-mêmes gérer cette situation.

Dans ces circonstances, je considère que le suivi de ces deux rapports est indispensable. D’une part, une réponse européenne globale, reposant sur la solidarité, la responsabilité et les normes en matière de droits de l’homme, est dans l’intérêt supérieur de tous les pays. D’autre part, si nous n’agissons pas, le marché laissé aux trafiquants de migrants ne fera que s’élargir.

Dans ce cadre, un système permettant d’identifier les personnes ayant besoin de protection, grâce à des centres d’enregistrement en dehors de l’Europe, est une excellente idée. Mais qui pourra déployer un tel effort? Qui le fera? Selon moi, la seule organisation à même de le faire est le Conseil de l’Europe.

Mais les deux rapports n’ont pour conséquence que deux résolutions. En conséquence, j’appelle les deux rapporteurs et la commission à poursuivre leur travail sur cette question. Il faudrait qu’ils nous présentent ensuite, ici, à l’Assemblée, une recommandation commune sur ces questions. Alors, nous pourrons inviter le Comité des ministres à s’engager et à nous inviter à agir.

M. HEER (Suisse)* – Force est de reconnaître que nous sommes impuissants face à la situation. Depuis des années, nous discutons des flux migratoires, sans aucune amélioration décelable. Au contraire, la situation se dégrade chaque jour un peu plus. Les dispositions de Schengen et de Dublin ne s’appliquent plus. Les gouvernements européens sont impuissants. La chancelière du plus grand pays d’Europe, Mme Merkel, a voulu accueillir tous les réfugiés, avant de proposer qu’ils soient répartis dans les différents Etats européens.

La représentante socialiste française a demandé pourquoi les réfugiés devaient attendre si longtemps. Je rappelle que c’est la France qui a réintroduit les contrôles aux frontières, notamment avec l’Italie. Lorsque vous prenez la voiture depuis la Suisse pour vous rendre à Strasbourg, il vous faut passer par le pont de Kehl: vous y rencontrez la police des frontières française. Je n’ai rien contre les contrôles aux frontières, mais ne soyons pas hypocrites. Il y a beaucoup d’hypocrisie dans ces débats. Nous disons vouloir accueillir les réfugiés mais nos gouvernements font le contraire. C’est bien pour cela que nous ne trouvons pas de solutions.

Les Etats européens sont responsables de la déliquescence de l’Etat irakien. Je ne dis pas que les dictateurs sont mes amis, mais il y avait sans doute des manières plus constructives de s’y prendre que la manière dont on s’y est pris, débouchant sur l’émergence de Daech, avec toute sa brutalité.

Il est logique que des criminels s’engouffrent dans la brèche, cherchent à profiter de la situation. Si nous voulons maîtriser ces flux migratoires, nous devons créer la paix, en Libye, en Syrie, en Irak. Aujourd’hui, le Conseil de l’Europe est interpellé pour faire ce que d’autres ne font pas.

M. PREDA (Roumanie) – La tragédie vécue par des milliers de migrants mettant leur vie en péril pour traverser la Méditerranée a provoqué une onde de choc. Il va de soi qu’aucun pays de l’Europe ne peut, ni ne devrait, rester seul face à d’énormes pressions migratoires.

Dans ces conditions, il convient de trouver une réponse européenne commune en matière de migration, une réponse qui combine les politiques intérieures et extérieures des Etats. Tous les acteurs doivent y apporter leur contribution: pays et institutions du Conseil de l’Europe, les autres organisations internationales, la société civile, les autorités locales et les partenaires nationaux en dehors du Conseil de l’Europe.

La Turquie accueille actuellement plus de deux millions de personnes déplacées en raison du conflit en Syrie. En 2015, plus de 750 000 demandeurs d’asile et migrants économiques sont entrés en Europe depuis ce pays. Nous savons déjà que l’Union européenne s’est engagée à renforcer son engagement politique à l’égard de la Turquie, à lui apporter un soutien financier important, à accélérer la mise en œuvre de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas et à relancer le processus d’adhésion.

La répartition entre les Etats européens devrait être fondée sur les capacités d’absorption, d’accueil et d’intégration, ainsi que sur la taille de la population, le PIB, les efforts déjà consentis pour accueillir des demandeurs d’asile et les taux de chômage nationaux respectifs. Nous devons établir un juste partage des responsabilités en ce qui concerne la protection des réfugiés syriens déplacés en Turquie.

Les pays européens avaient-ils le droit de rétablir des contrôles à leurs frontières? La réponse est oui. Une clause de sauvegarde intégrée à l’article 2.2 de la Convention de Schengen autorise les Etats à rétablir provisoirement des contrôles aux frontières dans des circonstances exceptionnelles.

Depuis l’entrée en vigueur du Codes frontières, en 2006, les réintroductions de contrôle aux frontières ont été liées à la prévention du terrorisme ou de la criminalité, ou encore à des raisons de sécurité liées à l’accueil de réunions internationales ou d’événements sportifs. Elles sont répertoriées depuis novembre 2011 dans des rapports semestriels de la Commission européenne sur le fonctionnement de l’espace Schengen.

Toutefois, pour trouver une solution durable à la crise migratoire, les appels à réformer l’espace Schengen devraient réunir l’accord des Européens et, dans ce but, faire l’objet de davantage de débats des organisations internationales.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Je m’exprimerai dans ma langue, le turc.

Il y a quelques jours, je me suis entretenue avec des réfugiés en Turquie. Je remercie tout d’abord la population et le gouvernement turcs. En Europe et dans cette assemblée, nous devrions soutenir davantage la Turquie, pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés et qui se trouve malheureusement bien souvent seule dans cet effort. Alors qu’elle a dépensé plus de 8 milliards de dollars, la communauté internationale ne lui en a versé que 450 millions.

Le rapport évoque 1,9 million de réfugiés en Turquie, mais, selon les chiffres officiels dont nous disposons, le nombre est en réalité de 2,5 millions. Il convient de corriger les chiffres du rapport.

La Turquie n’exerce aucune discrimination sur la base de l’identité nationale ou religieuse, elle apporte la même aide à tous les réfugiés. Il conviendrait que cette attitude de la Turquie serve de modèle à d’autres pays du Conseil de l’Europe. Si elle n’acceptait pas tant de réfugiés, sans discrimination, la situation serait tout autre.

En Turquie, il y a aussi des réfugiés en provenance d’Irak, avec qui nous nous sommes également entretenus. Ils nous demandent de nous attaquer aux causes profondes qui ont provoqué leur exil, sinon les choses ne feront que s’aggraver. Le territoire du Haut-Karabakh de l’Azerbaïdjan, occupé, a donné lieu hier à des paroles déplacées. Plus d’un million de citoyens azerbaïdjanais ne peuvent aujourd’hui regagner leur domicile. Nous devons combattre les raisons profondes des crises de réfugiés, faute de quoi nous ne pourrons faire face aux conséquences.

Pourquoi ces gens fuient-ils leurs foyers, mettent-ils leur vie en péril en traversant la Méditerranée? Ils fuient un risque de mort, l’absence d’avenir. Tous les pays européens doivent s’ouvrir à ces personnes.

M. MARKUSZOWER (Pays-Bas)* – Notre Assemblée débat une nouvelle fois du thème brûlant de la migration. Depuis des années, l’Europe est inondée par de jeunes hommes musulmans en colère. Savez-vous combien de fois le mot «islam» ou «musulman» est utilisé dans les deux rapports de Mme Dumery et de M. Chikovani? Aucune, zéro occurrence! Quel déni de réalité! Quelle distorsion des faits! Quelle naïveté! L’ignorance des rapporteurs atteint des proportions encyclopédiques.

Les fondements de l’Europe sont bien moins solides que ce qui avait été promis à ma génération. Ils sont aujourd’hui ébranlés. L’Europe et ses valeurs sont en péril face à ces vagues massives d’immigration de jeunes hommes musulmans en colère qui espèrent bénéficier de droits et de privilèges du monde occidental mais qui, dans le même temps, souhaitent détruire cette société libre, fondée sur des valeurs judéo-chrétiennes humanistes.

Mme Dumery et M. Chikovani ont tous deux rédigé un rapport. Ils souhaitent que nous débattions ici des solutions au problème auquel se trouve confrontée l’Europe en raison de cet afflux massif d’immigrants. Mais nous ne pourrons commencer à évoquer une solution que lorsque les dirigeants politiques de l’Europe, la classe politique élitiste, se détourneront de leur illusion suicidaire qui a pour nom le multiculturalisme. Si Angela Merkel reste l’exemple des autres dirigeants européens, nous n’avons vraiment rien à attendre de l’avenir!

Le rapport affirme que la majorité des migrants sont des réfugiés de la guerre civile en Syrie. C’est faux. Selon les Nations Unies, 49 % des réfugiés ne sont pas syriens.

Quant à la question de savoir si ce sont des réfugiés, d’habitude, les réfugiés fuient avec leur famille. Or les statistiques des Nations Unies montrent que ces prétendus réfugiés sont composés de 13 % d’enfants, 12 % de femmes et 75 % d’hommes. Loin de correspondre à la répartition d’une population de réfugiés, c’est celle d’une armée d’invasion composée de jeunes hommes musulmans en colère.

L’Europe doit fermer ses frontières. En 2015, plus de un million de migrants ont franchi les frontières de l’Europe. Il s’agit d’immigrants musulmans, le plus souvent des hommes, qui ne parlent pas nos langues et ne respectent pas notre culture, mais veulent au contraire instaurer la charia dans notre région du monde et détruire notre mode de vie. Cet afflux de partisans de la charia ne s’arrêtera pas aussi longtemps que nous ne fermerons pas nos frontières.

Selon l’Organisation des Nations Unies, la population mondiale atteindra 9 milliards de personnes en 2050, soit une augmentation de plus de 50 % en 40 ans à peine. Est-il vraisemblable que toutes ces populations venues essentiellement d’Afrique subsaharienne ou de pays islamiques restent dans leur pays? Non, toutes ces personnes vont, elles aussi, vouloir gagner l’Europe qui est un paradis comparé à des pays comme la Syrie. Les illusions de Mme Merkel font que nous les accueillerons avec des fleurs et des paniers de nourriture!

Si nous voulons vivre dans un continent où les minorités sont protégées et jouissent de droits égaux, nous devons fermer nos frontières et défendre vigoureusement nos valeurs.

M. ZECH (Allemagne)* – Nous constatons déjà dans le débat à quel point certains peuvent ratisser large. J’ai entendu parler de migrants et, à l’instant, d’invasion d’islamistes. J’ai vraiment tout entendu au cours de ces vingt dernières minutes. La vérité doit se situer quelque part entre les deux.

Je commencerai, pour ma part, par remercier les deux rapporteurs. J’ai surtout apprécié le rapport sur le crime organisé et les migrants, qui parle des passeurs et de la traite des êtres humains.

En Autriche, des trafiquants ont laissé mourir de faim des migrants dans un camion sur une aire d’autoroute. Voilà de quoi sont capables ces passeurs, qui se rendent coupables de traite des êtres humains. Nous devons vraiment concentrer nos efforts sur l’activité criminelle de ces personnes et envisager des mesures répressives très fermes.

Mais le débat montre aussi que nous devons également réfléchir à la façon dont nous pouvons protéger nos frontières.

À mon avis, la fermeture des frontières ne sera pas synonyme de la fin de l’Europe. Ce serait la fin de l’Europe si nous n’arrivions plus à persuader nos concitoyens de croire en l’Europe. Actuellement, à côté de ce grand défi humanitaire nous avons, chacun dans nos pays, des défis à relever. En Allemagne, nous avons beaucoup fait sur le plan humanitaire, mais aujourd’hui, nos citoyens demandent et ont besoin de plus de sécurité. Il est de notre responsabilité de répondre à ce besoin de sécurité. Établir des frontières sécurisées est une façon de leur redonner ce sentiment de sécurité, même si nous sommes certains que ce n’est pas la solution.

Nous ne parlons que de symptômes aujourd’hui et de la façon dont on gère cela en Europe. Il serait inhumain de laisser croire que nous pourrions offrir une nouvelle patrie à ces réfugiés. Il serait plus humain de les aider à rentrer chez eux en créant créer de leur retour. Il serait plus humain de mettre en place les conditions d’une coexistence pacifique dans leur pays d’origine. Il serait plus humain aussi d’aider tous les pays voisins de ces zones en guerre, comme la Turquie, la Jordanie ou le Liban. En la matière, la communauté internationale échoue depuis de nombreux mois. Donc, mes chers collègues, au sein de vos parlements nationaux, veillez à ce que plus d’aide soit apportée à ces pays.

Pour finir, je vous adresse une demande, Monsieur le Président: l’Europe est en train de basculer, c’est le moment d’agir. Il faut parler de ce qui nous réunit – nos valeurs – et pas de ce qui nous sépare.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – C’est un honneur pour moi que de prendre la parole lors de cette importante session. Nouvelle membre de votre Assemblée, ce sera ma première contribution.

Je sais que des débats sont menés partout en Europe sur la question des migrations et que la présidence néerlandaise du Conseil des Ministres de l’Union européenne a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les mesures prises par l’Union européenne en matière de migration, dont celles de relocalisation.

Au Parlement britannique, j’appartiens à la commission de l’Union européenne de la Chambre des Lords. Nous avons récemment élaboré un rapport sur ce plan d’action et le trafic de migrants. Je vais donc partager avec vous certaines de nos réflexions. Je ne parlerai pas des dernières évolutions concernant Schengen, dont on connaît la situation. J’évoquerai plutôt d’autres aspects de notre rapport.

Ce qui nous préoccupe, c’est qu’au cours des derniers mois, nous avons assisté à l’afflux de réfugiés le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale, surtout dans la zone méditerranéenne. Des migrants de plus en plus nombreux s’en remettaient à des passeurs pour arriver en Europe. Il y a eu beaucoup de victimes, de la piraterie, les passeurs ont cherché à s’approprier les biens des migrants et l’on a assisté à la traite d’êtres humains.

Notre commission souhaite lutter contre cela. Il faut démanteler les réseaux de passeurs, mais nous estimons que le plan d’action doit aussi insister sur la façon dont on peut mieux protéger les droits et la sécurité des personnes victimes des passeurs, car il s’agit d’une véritable crise humanitaire.

Nous avons entendu des témoignages de personnes et d’organisations concernées par cette crise. Ceux-ci nous ont montré que la majorité des personnes qui essaient d’entrer illicitement dans l’Union européenne viennent de pays frappés par la guerre, l’instabilité et l’oppression – donc, des réfugiés tels qu’ils sont définis par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies.

Il convient donc, à notre sens, de s’attaquer aux causes profondes des migrations irrégulières et, pour ce faire, les Etats membres devraient créer des filières plus sûres et légales pour permettre aux réfugiés d’arriver sur le territoire de l’Union européenne. Je suis particulièrement intéressée par la façon dont ces hot spots se développeront, car je pense qu’en la matière, il y a beaucoup plus à faire.

Le président de notre commission a dit qu’il était fondamental d’engager des actions répressives au plan policier mais que l’aspect humanitaire revêtait la même importance.

M. FOURNIER (France) – La crise des migrants en Méditerranée est très préoccupante. Elle revêt une dimension humanitaire, car des milliers de migrants ont perdu la vie. Cette crise pose de manière aiguë la question de la lutte contre les trafics d’êtres humains et contre les passeurs qui abusent de l’extrême vulnérabilité des personnes. Elle souligne aussi l’enjeu crucial d’un contrôle effectif des frontières extérieures de l’espace Schengen.

C’est avec cette réalité en tête que j’ai lu avec un grand intérêt le rapport très documenté de notre collègue M. Chikovani. Je dois dire que ce texte et le projet de résolution qui nous est soumis, même si j’en partage les intentions et les objectifs, suscitent chez moi une interrogation de fond quant à leur caractère opérationnel. Analyser des lacunes juridiques, inviter à ratifier des conventions ou réfléchir aux causes profondes des migrations, c’est sans doute nécessaire, mais ces réponses ne me paraissent pas à la hauteur vu l’urgence de la situation.

Je suis en revanche convaincu que la coopération internationale est indispensable pour trouver des solutions à cette crise. Notre rapporteur aborde certes ce point, mais en minorant le rôle pourtant essentiel de l’opération Sophia, lancée en juin 2015 par l’Union européenne pour lutter contre les passeurs et les trafiquants de migrants, à la suite de la noyade en Méditerranée de 700 migrants au large de l’île de Lampedusa.

L’objectif premier de cette opération est d’empêcher la perte de vies humaines, le recueil et le sauvetage en mer des migrants restant une obligation internationale et une responsabilité morale. À ce titre, je rappelle que ses navires ont recueilli environ 7 000 migrants. L’opération est planifiée en trois phases: le recueil de renseignements sur l’organisation des réseaux, l’arraisonnement et la fouille des navires en haute mer puis des actions ponctuelles à terre pour neutraliser les réseaux de passeurs au plus près.

L’opération Sophia utilise des moyens militaires, mais reste une opération de police: il s’agit de lutter contre des criminels et non de combattre telle ou telle partie.

Le renseignement est une mission clé de l’opération. La France en est le deuxième pourvoyeur, et même le premier pour la connaissance de la sécurité des pays avoisinants et en Libye. Certes, il reste à mieux comprendre ce qui se passe à terre, ce qui nécessite une plus forte coopération avec les forces libyennes. Il faudrait ainsi pouvoir distinguer entre les embarcations qui sont utilisées pour des activités illicites et celles qui servent à la pêche ou au commerce, plutôt que de tout détruire et de mettre à mal l’économie locale.

La conduite de cette opération est l’occasion de coopérer avec les pays avoisinants, l’Égypte, l’Algérie, la Tunisie ou la Turquie, ainsi qu’avec les organisations européennes, Frontex en particulier, mais aussi le HCR et des ONG telles que Médecins sans frontières ou la Croix-Rouge. Ce sont ces actions concrètes qui permettront d’avancer vers la résolution de la crise des migrants et de sauver des vies.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Ce qui alimente le crime organisé dans le domaine du trafic de migrants, c’est notre politique, notre décision de ne pas accorder un passage sûr et légal aux réfugiés. Nous aurons beau ratifier des conventions contre le crime organisé et la traite des êtres humains, cela ne servira à rien si nous ne changeons pas de politique.

Nous avons souvent discuté dans cet hémicycle de la manière dont la Grèce contrôle ses frontières maritimes mais, en réalité, cela n’est pas possible – même Frontex le dit. Les réfugiés – y compris des enfants – traversent sur des embarcations de fortune et se noient. On ne peut pas s’enquérir de leur identité et leur demander de remplir des formulaires. Il faut les sauver.

Que préconisons-nous exactement? De ne pas les sauver? De les refouler? Soyons clairs: la seule question qui se pose est de savoir si nous voulons que ces gens vivent ou bien qu’ils meurent.

Ensuite, demandons-nous pourquoi on ferme les frontières au nord. Voulez-vous que ces gens se retrouvent piégés en Grèce, parqués dans des camps gigantesques, ce qui créerait une crise humanitaire majeure? Il est beaucoup question, ces jours-ci, de la menace d’une expulsion de la Grèce de l’espace Schengen, au moment même où d’autres pays construisent des murs ou saisissent les bijoux des réfugiés. De quelle Europe parlons-nous?

Commençons par mettre fin à la guerre en Syrie, qui est la cause première de la crise des réfugiés. Ensuite, donnons aux personnes qui fuient la possibilité de venir en sécurité. Pour ce faire, mettons en place un système européen de demande d’asile. Nous avons besoin d’un programme massif de relocalisation des réfugiés afin de protéger leurs droits. Nous devons sauvegarder les valeurs telles que la solidarité et l’humanité, car l’Europe incarne les droits de l’homme. C’est là la seule approche réaliste; toute autre serait déraisonnable.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – L’Europe et le monde entier se retrouvent face à leurs responsabilités avec ce drame humanitaire dû à l’afflux massif de réfugiés. Près d’un million de personnes ont atteint les diverses rives européennes de la Méditerranée en 2015, contre 219 000 en 2014. Les personnes décédées au cours de l’année 2015 se comptent par milliers.

Les droits civils universels, étroitement liés à l’Europe sont en échec dans cette crise, comme l’a déclaré Angela Merkel. Le lien entre l’Europe et les droits universels risque d’être rompu. L’Europe ne sera plus celle que nous représentons, alors même que nous devrions continuer à la développer, dans le respect de son esprit fondateur.

L’Union européenne et la communauté internationale sont dans l’obligation de trouver une réponse à ce défi qui est à la fois humanitaire et stratégique. Seule une réponse s’appuyant sur les principes de solidarité et de responsabilité et sur les normes inscrites dans la Convention européenne des droits de l’homme, et combinant des mesures d’urgence et une gestion stratégique des migrations au niveau national et européen, permettra de remédier à la crise actuelle des migrations et des réfugiés.

Le débat ne doit pas se focaliser seulement sur la question des quotas et de leur caractère obligatoire ou facultatif. Certes, il faut répondre sans plus attendre à l’urgence humanitaire, mais il convient également de trouver des solutions de long terme et de les mettre en œuvre dans les meilleurs délais. Il est temps de reconnaître que cette crise est, au fond, une crise politique. Ce sont les conflits régionaux non réglés et l’instabilité politique sur la rive sud de la Méditerranée, ce sont les crises de sous-développement d’une Afrique abandonnée à son propre sort qui alimentent les mouvements migratoires.

Il est temps pour les grandes puissances et pour l’ensemble des Etats d’Europe d’assumer leurs responsabilités en aidant les pays qui sont à l’origine des migrations à accomplir leur transition politique et leur développement économique plutôt que de rejeter le fardeau sur les pays de transit, dont les moyens financiers et économiques sont moindres. C’est là la solution de fond, le moyen d’empêcher à l’avenir des migrations dont les conséquences sont tragiques.

LE PRÉSIDENT – M. Destexhe, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. POZZO DI BORGO (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je souhaiterais profiter de l’occasion qui nous est donnée par l’excellent rapport de Mme Dumery pour évoquer la situation en Libye. Parmi les éléments à traiter pour espérer tarir les migrations irrégulières que mentionne le projet de résolution soumis à notre Assemblée, le dialogue et la coopération avec la Libye me semblent fondamentaux.

D’après les responsables de l’opération européenne Sophia, auditionnés par la commission de la défense du Sénat français, 30 à 35 % des revenus de la Libye proviennent du trafic des migrants. Cet élément est à rapprocher de ce que nous disait hier le Président bulgare, qui déclarait que le trafic des migrants rapporte plus aux mafias que le trafic de drogues. Je voudrais donc attirer l’attention de l’Assemblée sur l’évolution intérieure de ce pays, qui est extrêmement préoccupante et qui pourrait contribuer à exacerber davantage encore la crise migratoire.

Outre une situation humanitaire désastreuse et une économie très dégradée, la Libye est confrontée à une grave crise politique qui dure depuis près d’un an et demi. En effet, depuis l’été 2014, coexistent en Libye deux parlements et deux gouvernements: la communauté internationale reconnaît les autorités de Tobrouk, dominées par une coalition de libéraux et de nationalistes, alors que le Congrès général national, qui siège à Tripoli, rassemble des islamistes, les deux camps étant adossés à de nombreuses milices. Après de longs mois de difficiles tractations, un accord a pu être conclu sous l’égide de l’Onu entre les différentes parties libyennes, en octobre dernier, en vue de former un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement devait recevoir l’investiture des deux parlements nationaux, mais celui de Tobrouk a refusé de le reconnaître.

Or il est urgent d’agir. La désagrégation du pays profite à l’organisation Etat islamique, qui cherche à faire de la Libye une base de repli. Nous devons prendre conscience que le péril est grandissant. Alors que Daech subit des revers à Rakka, en Syrie, du fait des frappes aériennes de la coalition internationale, il s’est solidement établi à Syrte, l’ancien fief du colonel Kadhafi, et contrôle une bande territoriale de 200 à 250 kilomètres autour de cette ville côtière. Pour l’EI, la Libye présente de nombreux atouts: elle se situe au sud de l’Europe, elle dispose d’énormes ressources pétrolières – Syrte n’est pas très éloignée du croissant pétrolier – et elle se trouve à la porte du désert africain, où les troupes françaises sont en train de lutter contre les terroristes.

De surcroît, Daech utilise son bastion libyen pour se projeter plus avant sur le territoire, notamment au nord de la Tunisie. Ses perspectives d’expansion sont réelles à l’est du pays – de récents attentats particulièrement meurtriers viennent de le confirmer –, mais aussi dans le sud où le grignotage territorial a déjà commencé.

La France envisage de transférer une partie de ses moyens en Libye; nous sommes très inquiets de la situation. Je vous rappelle qu’une partie des auteurs des attentats du 13 novembre avaient profité du trafic des migrants.

M. MADISON (Estonie)* – La crise des migrations qui a connu une escalade en Méditerranée, l’année dernière, est peut-être le plus grand bouleversement européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pays de la Méditerranée, tels que l’Italie et la Grèce, sont touchés, mais il en va de même des pays de transit et des pays d’arrivée, tels que l’Allemagne, la Suède, la Finlande et bien d’autres.

Mme la rapporteure a reconnu qu’environ 1 million de migrants étaient arrivés en Europe au cours de l’année 2015. Mais les réfugiés réels sont une minorité parmi ce million et ce chiffre aurait été sous-estimé: il y aurait eu 1,5 million d’arrivées. Par ailleurs, les Nations Unies estiment que le nombre d’arrivées de migrants en Europe en 2016 pourrait atteindre 3 millions. C’est la pire crise à laquelle l’Union européenne a été confrontée depuis sa création. Et cette année, nous verrons quel sera le sort de l’Union européenne.

Le rapporteur a évoqué le parcours des migrants. Au cours du premier trimestre 2015, 20 à 25 % des migrants étaient véritablement des réfugiés syriens. En septembre dernier, j’ai visité le camp de réfugiés jordanien de Zaatari, à 20 kilomètres de la frontière syrienne, et j’ai vu ces réfugiés, ces femmes, ces enfants.

En Méditerranée, la plupart des arrivants sont de simples migrants. Les laisser arriver librement en Europe est un crime contre nos peuples et nos nations. L’Italie et la Grèce autorisent les migrants à se lancer dans des périples vers les pays des Balkans et l’Europe centrale. Nous avons pu voir le résultat d’une telle situation, lors de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne et dans d’autres villes allemandes, où des hordes de migrants ont violé, harcelé et volé des femmes innocentes. Des incidents similaires ont été commis en Suède et en Finlande. Le 9 décembre, des migrants afghans ont tenté de violer une femme dans le métro parisien. La police a essayé de dissimuler les faits, mais ils ont été signalés après les agressions de Cologne.

La rapporteure propose des quotas pour les migrations et la relocalisation des migrants. Mais cela ne fera qu’accélérer le délitement de l’Union européenne. En Slovaquie, en Hongrie et maintenant en Pologne, les tribunaux ont pris des décisions, et c’est leur droit. En effet, personne n’a le droit de contraindre les Etats souverains à renoncer au contrôle de leur territoire; personne n’a le droit de les forcer à accueillir des migrants.

Le Règlement de Dublin ne fonctionne pas et tous les pays ne le respectent pas. De sorte que, inévitablement, l’espace Schengen va disparaître et que les contrôles aux frontières seront restaurés. Nous avons besoin de protéger nos frontières externes. Nous devons les contrôler et veiller à ce qu’il n’y ait pas de migrations illégales. Nous pouvons aider les véritables réfugiés, dans des camps en Jordanie et au Liban, les aider à survivre jusqu’à ce que le conflit cesse, car si nous ne le faisons pas, ce qui s’est passé à Cologne recommencera.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre)* – Bien que cette thématique ait fait l’objet de débats permanents à l’Assemblée parlementaire au cours des dernières années, bien que des mesures concertées aient été prises au niveau européen pour atténuer les conséquences de la crise migratoire et de la crise des réfugiés actuelle, il n’en demeure pas moins que des migrants continuent de faire naufrage en Méditerranée.

De surcroît, la guerre continue de faire rage en Syrie, les violences sectaires se propagent dans l’ensemble de la région. Les habitants du continent africain continuent de fuir la pauvreté, les maladies et les guerres civiles. Nous, en Europe, nous vivons sous la menace du terrorisme, au quotidien. Ce tableau peut paraître pessimiste, mais c’est la réalité.

N’oublions pas que nous discutons d’êtres humains, de vies humaines, de droits de l’homme et de perspectives d’un avenir meilleur. Trop souvent le débat sur les migrations et sur la crise des réfugiés tourne autour des procédures de gestion stratégique et d’une meilleure coordination des mécanismes ou des procédures bureaucratiques. Mes chers collègues, nous parlons de vies humaines, de souffrance, de personnes décédées, de l’incapacité de nos sociétés à accueillir globalement et efficacement cet exode massif.

Dans cette Assemblée parlementaire, nous essayons d’aborder ce sujet sous l’angle des droits de l’homme. Comme la rapporteure l’a dit clairement, nous essayons de nous fonder sur la solidarité, sur un partage équitable des responsabilités et sur un engagement financier efficace. J’ajouterai que la dimension des droits de l’homme, pour cette population de migrants, doit être une priorité dans toutes les situations: lors des rencontres avec les autorités aux points d’entrée, dans les centres d’enregistrement, au cours des procédures d’évaluation, ainsi que lors des transferts vers des abris. Le regroupement familial devrait être octroyé à toute personne ayant droit à une protection internationale.

La proposition de Mme Dumery de créer une base de données globale recensant les personnes décédées en Méditerranée est une excellente idée. En effet, un tel outil permettra de régler un problème humanitaire en fournissant des informations aux personnes qui essayent de faire le deuil de proches décédés. De même, nous devons appuyer la création de centres d’enregistrement, – des hot spots –, en dehors de l’Europe afin de réduire sensiblement les incidents tragiques en Méditerranée.

Nous devons mettre en place des procédures législatives efficaces dans chaque pays.

Combien de temps encore, chers collègues, pourrons-nous nous appuyer sur les principes fondateurs de notre Organisation alors que les gouvernements que nous élisons réfutent ces mêmes principes dans leurs choix de politique étrangère dans la région concernée?

Comme Albert Einstein le disait avec une grande intelligence, nous ne pouvons pas régler nos problèmes avec les modes de pensée qui les ont créés.

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Le Prix littéraire Médicis du meilleur livre étranger a été décerné cette année à un écrivain turc pour son livre intitulé Daha – «encore» en français. Daha est souvent le seul mot turc que connaissent les pauvres migrants afghans, pakistanais ou syriens, épuisés par des semaines d’errance. Il leur sert à demander aux passeurs «encore un peu d’eau» ou «encore un peu de nourriture».

Le livre de Hakan Günday est un roman et non pas un documentaire. Mais en lisant ce livre et votre rapport, Monsieur Chikovani, sur le crime organisé, j’ai été frappée par le réalisme des descriptions et les similitudes entre les deux écrits. D’ailleurs, l’auteur raconte que l’idée lui est venue d’un simple fait divers, quelques lignes dans un journal rapportant l’arrestation, dans une petite ville turque située sur le littoral de la mer Égée, d’une bande de malfrats qui fabriquaient de faux gilets de sauvetage bourrés de sciure de bois, et qui donc ne flottaient pas, destinés à être vendus aux familles de clandestins tentant de gagner une île grecque sur des embarcations de fortune. Le lieu du drame pourrait tout aussi bien se situer sur les îles Canaries, à Ceuta, à Melilla, en Sicile ou au large de la Corne de l’Afrique.

Les rapports soulignent bien l’ampleur du problème. Le nombre de migrants arrivant en Europe s’élève à deux millions. N’oublions pas que la Turquie en accueille à elle seule 2,5 millions. N’est-ce pas suffisant?

Les camps de réfugiés turcs ont été visités par une commission ad hoc de notre assemblée, à commencer par notre ancienne présidente, Anne Brasseur. Tous nos collègues ont été témoins des efforts engagés par la Turquie pour tenir en vie les migrants. Nous essayons de les retenir sur notre territoire en facilitant leur accès au marché du travail, à l’éducation et à la santé, autant que faire se peut.

Malgré tous les efforts déployés par les autorités nationales, force est de constater qu’il est difficile de poursuivre et de condamner les passeurs et les trafiquants. Une coopération internationale plus accrue s’impose. Cela dit, ainsi que le souligne le rapporteur, on devrait également s’attaquer aux causes profondes des migrations forcées qui obligent les personnes désespérées à mettre en danger leur vie et celle de leur famille.

Le rapporteur a raison de différencier la question de la traite des êtres humains du trafic de migrants qui relève du mandat de la commission sur l’égalité, mais cela n’exclut pas que les migrants puissent être exposés à des abus et tomber aux mains des trafiquants d’êtres humains.

M. DI STEFANO (Italie)* – Qui est aujourd’hui un migrant régulier en Europe? Personne, car il n’existe pas de filières régulières destinées aux migrants économiques, ni non plus de garanties pour ceux qui ont des droits comme les réfugiés, faute d’accords mutuels avec les pays d’origine, alors qu’ils pourraient venir par avion.

L’on a fait trop de campagnes électorales sur le thème des migrations et de leur gestion, sans proposer pour autant de solutions.

On parle de la défense d’une Europe humaine. Celle qui a donné un mandat à la France pour bombarder la Libye? N’est-ce pas de là qu’est né le problème des réfugiés? Pendant plusieurs années, des milliers de réfugiés sont arrivés en Italie. Pendant cette période, cinq guerres majeures ont éclaté, dont la guerre en Afghanistan, créatrice de bien des violences et qui se poursuit.

Aussi convient-il d’abord de faire cesser les guerres d’exportation de la démocratie et, ensuite, d’arrêter l’exploitation des personnes issues de l’immigration.

Il faut une véritable intégration des personnes qui viennent vivre en Europe. Pour ce faire, il convient de leur offrir des cours de langue, des cours obligatoires pour qu’ils connaissent les lois des pays qui les accueillent. Il faut également créer de meilleures structures d’accueil dans plus de pays, car il n’est pas possible que quatre ou cinq pays accueillent tous les réfugiés. Les citoyens toléreront mieux la présence des réfugiés s’ils sont mieux répartis en Europe.

Il faut, dit-on, lutter contre les passeurs. Mais si nous n’arrivons pas à lutter contre eux, c’est faute de trouver des accords avec les pays d’origine pour lutter contre les réseaux qu’ils forment. Mais lutter contre les passeurs c’est aussi lutter contre la clandestinité.

À tout cela, des solutions existent sans nul doute, mais je crois qu’on ne les recherche pas, car les aurions-nous trouvées, on interromprait la plus grande campagne électorale lancée, celle qui joue exclusivement sur la question des migrations.

Mme Mateu, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

M. ŠIRCELJ (Slovénie)* – Depuis le dernier débat sur ce thème, la question des migrations n’a cessé de prendre de l’ampleur. L’Europe est confrontée à des difficultés, à des frustrations face à l’afflux de réfugiés et de migrants qui fuient des zones en guerre et le terrorisme de Daech depuis plus d’un an.

Les deux rapports dressent un tableau des migrations à la fin de l’année 2015. Selon les estimations, plus de 50 millions de personnes fuient les guerres et les conflits à l’échelle mondiale et elles sont nombreuses à venir chercher une meilleure vie en Europe. Mais l’Europe ne peut résoudre seule la crise que cela engendre. Aussi doit-elle coopérer à l’échelle mondiale.

En premier lieu, l’Europe doit veiller à introduire plus de cohérence dans les politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne. Elle doit surveiller, protéger les frontières extérieures, renforcer les contrôles aux frontières maritimes et terrestres.

En deuxième lieu, la Commission européenne et les Etats membres doivent pleinement utiliser le mécanisme d’évaluation des accords de Schengen, et renforcer la coopération avec la Turquie pour mettre en œuvre le plan d’action portant sur les migrations.

En troisième lieu, la Commission européenne doit élargir le mandat de Frontex et se doter de garde-côtes européens.

En quatrième lieu, tous les Etats membres doivent lutter contre le terrorisme et contre la traite des êtres humains. Ce doit être une priorité.

En cinquième lieu, la Commission européenne doit proposer un système d’asile européen qui prévoit que les demandes d’asile sont examinées aux frontières extérieures de l’Union européenne – et même en dehors de l’Union européenne –, étant bien entendu que le droit d’asile doit être respecté s’agissant de personnes qui ont véritablement besoin d’être protégés.

Mes chers collègues, je ne me fais aucune illusion. Je sais que les propositions que je viens d’avancer ne sont guère aisées à mettre en œuvre. Je suis néanmoins convaincu de l’urgence à agir, car ne pas résoudre la crise des migrations mettra en danger l’avenir d’une Europe unie.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Je voudrais remercier les rapporteurs pour leur excellent travail sur l’un des problèmes les plus brûlants qu’ait jamais connus le continent européen. Les mécanismes aujourd’hui proposés permettront-ils de régler le problème des migrations illégales? Peut-être devrions-nous en faire davantage et nous attaquer aux causes profondes du développement des migrations illégales qui sont sans pareil? Notre discussion est loin d’être simple. D’une part, nous discutons de l’une des valeurs humaines les plus précieuses en abordant la question de l’assistance à autrui dans le cadre de la politique de voisinage. D’autre part, nous ne pouvons oublier la sécurité et le bien-être des Européens de souche.

Pouvez-vous vous imaginer fermer votre porte à un étranger pourchassé par une meute de loups assoiffés de sang? Comment pouvons-nous rester les bras croisés alors qu’on crie au secours devant nous? Notre indifférence est bien au cœur du problème.

Le système de sécurité et les ressources des Etats européens sont certes limités, mais les étrangers qui sont arrivés en Europe cherchaient tout simplement à sauver leur vie. En réalité, la seule solution est de prendre des mesures fermes contre les loups assoiffés de sang. Les guerres menées par certains Etats déstabilisent en permanence la région du Moyen-Orient et les migrations en sont la conséquence indirecte. Nous devons en prendre conscience et ne pas nous retrancher derrière des décisions politiques ou des sanctions individuelles. Celles-ci ne sont pas efficaces et ne changent rien à la situation globale. Les Etats européens doivent se mobiliser pour régler les conflits dans les régions d’origine des migrants et pour y assurer la paix et la stabilité.

La plupart des réfugiés souhaitent vivre dans leur pays et regagner leur foyer. Dès lors, nous devons tout mettre en œuvre pour assurer leur retour chez eux en toute sécurité et pour leur permettre de construire dans leur pays un avenir meilleur et pacifique.

M. DOKLE (Albanie)* – Mes chers collègues, il y a quelques années, 28 personnes originaires de l’Albanie sont mortes en Méditerranée alors qu’elles fuyaient le pays. Le Premier ministre italien de l’époque, Romano Prodi, avait déclaré que le devoir des Européens était de faire de la Méditerranée, non pas un cimetière, mais un pont d’amitié, d’échange et de prospérité entre les deux continents. Ce devoir reste entier aujourd’hui. Sauver des vies, tel est notre devoir d’humains dignes et justes. Malheureusement, l’année 2015 a été l’une des plus sombres que l’Europe ait connue depuis très longtemps.

Des centaines de milliers de personnes viennent en Europe demander de l’aide. La majeure partie d’entre elles fuient des guerres civiles. Plus de 3 770 migrants sont morts en Méditerranée en 2015 et, depuis le début de l’année 2016, 30 corps ont déjà été repêchés en mer. La situation ne fera probablement qu’empirer à l’avenir car nous n’avons pas agi sur les causes profondes du problème. Certains gouvernements refusent les quotas qui ont été décidés et ils nient la menace terroriste. Les réfugiés syriens, afghans et irakiens sont pourtant les premières victimes du terrorisme, ne l’oublions pas.

J’ai lu dans la presse que l’un des pays membres de l’Union européenne n’a accueilli que 18 réfugiés. C’est un nombre ridicule par rapport au nombre de réfugiés aujourd’hui accueillis en Grèce, en Italie, en Allemagne et en Turquie. L’Albanie a quant à elle accueilli un million de réfugiés qui fuyaient le Kosovo en 1999.

La situation est grave et nous devons trouver une solution urgente. Il faut lutter contre la pauvreté et les injustices sociales tout en garantissant la paix et la sécurité.

M. SALLES (France) – Je suis un Européen convaincu et je reste persuadé que la liberté de circulation à l’intérieur de l’Union ne doit pas être entravée. Cependant, dans le contexte actuel, il va de soi qu’une Europe dont les frontières intérieures sont ouvertes n’est viable que si ses frontières extérieures sont sûres. Bien entendu, il ne s’agit pas de transformer l’Europe en forteresse même si les nationalistes appellent à détruire notre maison commune et à revenir au chacun pour soi.

A ce discours de haine, nous devons répondre en améliorant les systèmes existants et en les renforçant: l’Europe doit faire plus et mieux. Ces frontières extérieures ne doivent plus relever du seul ressort du pays membre concerné: ce sont des frontières communes qui exigent donc une action commune.

Je me suis rendu à Lampedusa. Je sais combien, y compris dans cet hémicycle, certains ont pu critiquer nos amis italiens. Cela est injuste alors que l’Italie a consacré à son opération Mare nostrum trois fois plus de moyens que ceux consacrés à l’opération Triton. De même, soyons réalistes, nos amis grecs n’ont plus les moyens de faire face à l’afflux ininterrompu de réfugiés. Certains s’interrogent aujourd’hui sur leur maintien dans l’espace Schengen tant il est devenu quasiment impossible de contrôler la frontière maritime gréco-turque. Mais qui pourrait gérer seul un tel afflux de migrants?

C’est pourquoi le renforcement du mandat de Frontex et notamment la création d’un corps de gardes-frontières et de garde-côtes européens, capables d’intervenir rapidement aux frontières extérieures de l’Union, est indispensable. Il est le corollaire naturel du système Schengen.

Dans ce cadre, nous ne pouvons que souhaiter l’adoption rapide du paquet «Frontières» présenté par la Commission européenne le 15 décembre dernier, qui prévoit une modification ciblée du Code frontières Schengen, ainsi que la mise en place d’un Système européen de garde-frontières et de garde-côtes disposant de compétences accrues d’évaluation et d’intervention aux frontières extérieures de l’Union européenne. Mais attention, en Méditerranée, contrairement aux opérations précédentes, il faudra plus de solidarité européenne pour que la gestion de cette «porte d’entrée» n’incombe pas encore aux seuls pays riverains!

Un autre aspect du renforcement de la politique européenne en matière de contrôles devrait être mis en place par le biais du paquet «Frontières intelligentes», que la Commission présentera en mars prochain. Il devrait permettre des contrôles automatisés et systématiques aux frontières extérieures de l’Union européenne.

Concernant la lutte contre les passeurs, l’opération navale européenne Sophia / Eunavnor Med devrait pouvoir remplir l’ensemble des missions prévues dans son mandat, en particulier la neutralisation des embarcations avant utilisation par les passeurs. Mais la situation interne libyenne constitue sur ce point un véritable blocage. Ce renforcement du contrôle des frontières extérieures n’est en rien contraire à l’accueil des personnes persécutées ou en danger fuyant la barbarie de Daech. Mais après les attentats de Paris, rassurer nos citoyens sur la fiabilité des frontières de l’Union est devenu indispensable.

Mme OHLSSON (Suède)* – Dans ce débat, nous ne devons pas oublier un aspect essentiel: la sécurité et les droits fondamentaux des enfants.

Il y a aujourd’hui dans le monde 60 millions de réfugiés; la moitié sont des enfants. Particulièrement vulnérables, ils risquent la violence, les abus, l’exploitation, des traumatismes et même la mort. Ils ont besoin de mesures de protection spécifiques; tous les pays européens l’ont admis en ratifiant la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

En 2015, le nombre d’enfants venus chercher une protection internationale dans l’Union européenne a énormément augmenté : ils étaient quelque 144 000 demandeurs d’asile dans l’Union européenne en 2014 et 337 000 en 2015, soit 29 % du total des demandeurs d’asile. C’est à partir du mois de juin 2015 que leur nombre a le plus augmenté, lorsque les réfugiés ont changé de trajet, pour passer par la Turquie et la Grèce. En juin, 16 % des migrants traversant la Méditerranée étaient des enfants; en décembre, cette proportion s’élevait à 35 %.

Sur la route, les enfants affrontent de grands périls, qui s’aggravent encore lorsque l’Europe échoue à gérer l’afflux de migrants en tenant compte des droits de l’enfant. Faute de pouvoir entrer légalement en Europe pour y demander l’asile, presque tous les enfants y arrivent clandestinement, avec l’aide de passeurs. Le voyage en mer est dangereux pour eux: près de 30 % des migrants qui se noient en mer sont des enfants. En hiver, ils sont mouillés et ils ont froid, et les bébés et les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables. En traversant l’Europe, les enfants peuvent être séparés de leurs parents, surtout lors des contrôles chaotiques aux frontières, et certains risquent d’être victimes de violences et d’abus sexuels: les enfants non accompagnés sont particulièrement exposés à l’exploitation sexuelle dans le cadre de la traite des êtres humains.

Il importe de garder à l’esprit le besoin qu’éprouvent les enfants d’une protection particulière et d’instaurer des politiques communes à cette fin, pour améliorer leur situation où qu’ils soient et pour préserver leur droit à l’éducation.

LA PRÉSIDENTE - M. Korodi, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme ZAMPA (Italie)* – Le phénomène des migrations massives vers l’Europe comporte un élément nouveau et je remercie notre collègue Ohlsson de l’avoir évoqué: la présence de mineurs. Celle-ci requiert notre attention à deux titres.

Je veux d’abord parler des mineurs étrangers non accompagnés, âgés de 10 à 17 ans – mais nombre d’entre eux ont 16 et 17 ans. Ils forment une catégorie particulièrement vulnérable parce qu’ils arrivent sans parents en Grèce et en Italie, par terre ou par mer.

Outre ces mineurs non accompagnés, il y a aussi de jeunes enfants, du nouveau-né aux enfants plus âgés mais encore très jeunes, qui, eux, partent avec leurs parents. Ils sont vulnérables du fait de leur âge. Je les ai vus arriver à pied pour les plus grands à la frontière hongroise il y a quelques mois; on peut imaginer leurs difficultés maintenant que l’hiver est arrivé. Ces enfants ont besoin d’être accueillis différemment.

L’Europe doit s’exprimer à ce sujet, prendre des décisions en matière d’accueil et mettre à disposition les moyens financiers nécessaires. Il faut ouvrir des corridors humanitaires. Nous devons faire en sorte que ces enfants ne traversent plus les mers, en risquant la mort. Davantage de ressources sont nécessaires pour accueillir les mineurs étrangers, surtout ceux qui voyagent sans leurs parents.

Un système d’accueil destiné aux enfants doit être mis sur pied dans toute l’Europe. Il est inimaginable que les enfants restent concentrés dans certaines zones. Il faut donc ici une solidarité hors du commun. Il est grand temps que l’Europe se prononce à ce sujet. Malheureusement, les rapports n’évoquent guère ce problème.

Mme KAVVADIA (Grèce)* – L’Europe traverse la plus grande crise qu’elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous devons enfin parler clairement: la vérité, c’est qu’il s’agit du plus grand échec de ce qui se prétend l’Europe, un échec effroyable. Quand des dizaines de milliers de vies ont disparu en Méditerranée et en mer Égée, peut-on encore parler de valeurs européennes?

Dans cette crise, la Grèce se trouve en première ligne. Nous sommes fiers de notre réaction au milieu de la plus grave crise économique de notre histoire, fiers de nos opérations de sauvetage en mer, fiers d’être à la hauteur des valeurs européennes. Nous sauvons l’honneur de l’Europe, une Europe qui s’est jusqu’à présent montrée timorée, voire parfois abjecte. Que dire de la rhétorique ouvertement raciste de plusieurs pays européens, de la saisie d’argent ou d’objets de valeur?

Nous sommes critiqués et accusés parce que nous ne serions pas à la hauteur de nos obligations. Mais, parallèlement, la décision de relocalisation prise par l’Union européenne n’est pas appliquée et l’accord avec la Turquie, qui a coûté 3 milliards d’euros à l’Europe, n’a jusqu’à présent pas été efficace.

On nous accuse aussi de mettre en péril l’Espace Schengen. Mais la libre circulation est-elle encore valable? Aujourd’hui, des contrôles sont effectués aux frontières, des barrières sont érigées, et nous sommes nous-mêmes menacés: si nous ne protégeons pas les frontières extérieures, nous dit-on, nous serons mis en quarantaine ou exclus. Mais que demande-t-on vraiment? Quelle pourrait être cette meilleure protection des frontières extérieures? Que peut faire de plus la Grèce, à part son devoir moral, celui de sauver des vies? Comment refouler les migrants, les reconduire à la frontière, au milieu d’une mer glacée, agitée, quand on est face à des bateaux gonflables remplis de femmes et d’enfants?

Soyons plus réalistes. Pour certains politiques conservateurs, il n’y a peut-être pas encore assez de victimes en mer faute d’une politique plus dissuasive. Faut-il encore plus de morts? La Grèce ne saurait le permettre.

Nous devons faire un dernier effort pour sauver l’Europe, pour sauver sa raison d’être. Il s’agit de trouver une dernière solution à ce problème européen, sinon nous serons sévèrement jugés par l’Histoire.

M. AMEUR (Maroc, partenaire pour la démocratie) – L’Europe fait face à un afflux de population sans précédent, qui s’accompagne d’un lot de souffrances et provoque un nombre accru de victimes aux portes de l’Union européenne. Du Proche-Orient, de l’Afrique subsaharienne, de la Libye, des hommes, des jeunes, des familles entières fuient la guerre et la misère. Avant d’arriver sur les côtes de la Méditerranée, ces migrants constituent des proies faciles pour ces nouveaux esclavagistes que sont les réseaux de passeurs criminels. À cela s’ajoutent aujourd’hui les atrocités commises par l’organisation Etat islamique.

Ce mouvement de déplacement de populations, sans égal depuis la Seconde Guerre mondiale, est le résultat de la conjonction de deux facteurs essentiels: d’une part, le bouleversement de l’ordre régional et l’effondrement des Etats – Syrie, Irak, Libye –, et, d’autre part, la pauvreté et la précarité extrêmes qui frappent durement plusieurs régions.

Face à l’ampleur du phénomène et à ses multiples ramifications, la lutte contre les réseaux de trafic d’êtres humains ne peut être dissociée de la lutte contre les réseaux terroristes. La bataille doit être menée sur plusieurs fronts: sur le front humanitaire, la solidarité devrait être plus active pour secourir les personnes en détresse et assurer leur accueil dans des conditions dignes.

Sur le front sécuritaire, une lutte sans merci doit être menée pour démanteler les réseaux criminels; la coopération entre le Nord et le Sud doit être renforcée.

Sur le front politique, une nouvelle politique migratoire globale et solidaire devient une urgence, une politique moins hypocrite, qui dépasserait la tension existant entre les besoins des entreprises, qui voudraient plus d’immigrants, et les souhaits des électeurs, qui rejettent les étrangers. Cela nécessite une pédagogie politique intense et crédible pour faire reculer dans les opinions les approches binaires et pour décrédibiliser ceux qui exploitent les peurs liées à ce sujet. L’immigration n’est ni une chance, ni une catastrophe: elle peut être l’une et l’autre selon la façon dont elle est gérée et expliquée.

Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour appeler à une organisation intelligente et humanitaire de l’arrivée des réfugiés, souvent qualifiés. Il serait temps que l’Europe se rappelle et assume qu’elle est une terre d’immigration.

Enfin, sur le plan stratégique, l’Europe doit œuvrer pour désamorcer les conflits et mettre fin aux guerres dévastatrices. Une action de longue haleine en direction des pays d’origine des migrants doit privilégier les réformes démocratiques, le développement économique et le respect des droits de l’homme. C’est seulement par cette approche globale et multidimensionnelle que l’on pourrait assécher les sources de conflits et assurer une gestion durable de la mobilité.

Mme JOHNSEN (Norvège)* – Je tiens à remercier les rapporteurs, et en particulier Mme Dumery pour son rapport qui souligne la nécessité d’une réponse européenne commune à la crise des réfugiés.

Une action commune est nécessaire: un million de réfugiés sur les rives de la Méditerranée en 2015, alors que ce chiffre était de 60 000 en 2013. Nous avons assisté à une escalade de la crise, et il en sera de même à l’avenir. Ce chiffre est le résultat de conflits en Syrie, en Irak, en Afghanistan, ces personnes fuyant les conséquences de la guerre – qui ne le ferait à leur place? Les infrastructures sont détruites, les hôpitaux et les écoles sont bombardés, les gens ont faim, il n’y a plus d’eau potable, plus de logement: les gens sont désespérés!

Beaucoup risquent donc leur vie en traversant la Méditerranée sur des embarcations de fortune, dans l’espoir d’arriver en Europe. Selon certaines estimations, plus de 3 700 personnes sont mortes cette année en essayant de franchir la Méditerranée. Comment peut-on mettre un terme à ces traversées dangereuses? Comment peut-on arrêter et punir les passeurs et les trafiquants?

Nous savons que des milliers de personnes ont besoin d’aide en Syrie car elles vivent dans des conditions terribles. Les migrants continueront d’affluer.

Comme ma collègue suédoise, je pense que plus d’un million d’enfants de réfugiés ne bénéficieront pas d’une éducation et risquent de devenir analphabètes. Ils sont traumatisés par la guerre: imaginez comment cette expérience terrible se répercutera sur leur vie! Toute une génération sera perdue!

L’aide humanitaire d’urgence est nécessaire, tout comme un soutien à long terme qui permettra un développement durable. En dehors du renforcement de la coopération avec les pays d’origine et de transit, nous devons trouver des mécanismes de relocalisation des réfugiés. Il faut explorer cette idée en créant également des hot spots en dehors de l’Europe, où les gens pourront déposer des demandes d’asile.

Les Nations Unies doivent jouer un rôle plus important dans la recherche de solutions aux conflits: l’Europe ne peut pas s’attaquer seule à ce problème. Alors que nous discutons ici, elle est de plus en plus anxieuse tandis que le populisme de droite et la xénophobie prospèrent. Les pays ferment leurs frontières dans une tentative de contrôler la situation; de nouveaux règlements sont adoptés pour qu’il soit moins attrayant pour les réfugiés et les demandeurs d’asile de venir en Europe.

Si la solution ne peut être que politique, on ne peut pas se limiter à discuter de quotas pour les réfugiés en Europe. L’objectif est de fermer la Méditerranée pour que ces gens ne montent plus sur des embarcations de fortune.

Mme DOBEŠOVÁ (République tchèque)* – Nous le savons tous, nous sommes confrontés à une crise des migrations sans précédent en Europe, qui pourrait changer la physionomie de notre continent à jamais.

Après les agressions dont des femmes ont été victimes à Cologne, nombreux sont ceux qui, en République tchèque, ne souhaitent plus accueillir de réfugiés issus du Moyen-Orient et du Maghreb, et la situation en Europe pourrait même empirer: ainsi, la police suédoise a averti que la gare centrale de Stockholm n’était plus sûre depuis l’arrivée de dizaines d’enfants des rues marocains.

Nous avons accueilli un certain nombre de demandeurs d’asile et nous les supervisons, mais il me semble que le plus important est de faire revenir la paix et la stabilité au Moyen-Orient et au Maghreb – au cœur du problème.

Je ne pense pas que la réponse soit d’accueillir toujours plus de réfugiés. Le flux des migrants doit être maîtrisé avant l’arrivée à la frontière européenne. Seuls les vrais réfugiés doivent être acceptés. Les frontières internes de Schengen doivent être contrôlées. Si nous n’y parvenons pas, l’Union européenne pourrait s’effondrer très rapidement.

Il est naïf de croire que la mise en œuvre d’accords sur la répartition des réfugiés de Grèce et d’Italie vers d’autres pays européens et que la mise en place d’un mécanisme de relocalisation permanent règleront le problème.

Les Tchèques sont vivement préoccupés après les attentats terroristes en France et les agressions dont des femmes ont été victimes en Union européenne. La majeure partie de nos citoyens est contre l’accueil des migrants, et ce sentiment se propage très rapidement dans l’ensemble de l’Europe.

Nous avons une autre solution: nous pourrions élargir le système de la carte bleue européenne afin que des travailleurs migrants qualifiés puissent vivre et travailler dans le pays de l’Union européenne de leur choix.

Grâce à cet outil, nous préviendrons la déception des personnes non qualifiées qui prennent dangereusement la route de l’Europe pour être en définitive renvoyées chez elles. Notre responsabilité première est de veiller à ce que nos concitoyens se sentent en sécurité. Nous ne pouvons donc pas inviter tous les migrants du monde à entrer en Europe.

Si nous n’agissons pas, l’Europe sera plongée dans une crise identitaire. Il existe un fossé entre ce que les citoyens pensent et ce que les élites politiques et les médias leur racontent. Nous saurons réellement ce que pensent les citoyens lors des prochaines élections, mais il se pourrait qu’il soit trop tard. L’Europe a ses limites.

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie)* – La Méditerranée est une porte d’entrée pour les migrations irrégulières, mais si la rapporteure souligne que la Turquie a assumé dans ce cadre une charge économique importante à la suite de l’arrivée de migrants, la souffrance de ces derniers n’est pas seulement économique: leurs enfants n’ont plus accès à l’enseignement, leurs femmes sont agressées, harcelées, et ils doivent acquitter des loyers assez onéreux tout en connaissant une situation sur le marché de l’emploi très difficile.

Ces personnes cherchent à gagner les pays européens pour améliorer leurs conditions de vie, en risquant la mort. Malheureusement, certains Etats n’assument pas pleinement leurs responsabilités. Les droits de l’homme et des conditions de vie équitables et justes devraient être à la portée de tous; la vie d’un être humain ne doit pas être l’objet d’un marchandage entre gouvernements.

L’Europe et la Turquie rencontrent des problèmes similaires – peut-être même que l’Europe accueillera des migrants kurdes à l’avenir. Les réfugiés, les migrants sont des citoyens de plein droit de notre monde. Nous devons leur ouvrir la porte de façon juste et équitable.

Mme DURANTON (France) – Le rapport que nous présente notre collègue Daphné Dumery aborde la question des migrations irrégulières en Méditerranée. Il s’agit d’un sujet difficile, et la faculté de l’Europe à résoudre ce problème sera fondamentale pour son avenir.

Le bilan humain de ces migrations irrégulières est désastreux. Durant les quatre premiers mois de l’année 2015, 2 500 personnes seraient mortes par étouffement ou noyade sur des embarcations de fortune. Derrière ces migrations se cachent de véritables drames et une misère souvent liés aux guerres qui déchirent l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient.

Pour autant, la maîtrise de cette immigration est un sujet fondamental pour l’avenir de l’Europe. En effet, plus d’un million de personnes seraient arrivées sur notre continent en 2015 et ce n’est sans doute pas terminé! L’Europe a-t-elle les moyens de faire face à l’arrivée d’un nombre aussi important de personnes? La réponse est clairement non, pour différentes raisons. La xénophobie se développe chaque jour, menaçant de porter au pouvoir des partis populistes. Les ressources financières manquent, de même que l’emploi pour permettre l’intégration de tous ces migrants. Ainsi, en France, en 2015, 79 130 demandes d’asile pont été déposées, un chiffre en hausse de 22 % par rapport à l’année précédente.

L’octroi du droit d’asile doit obéir à un certain nombre de conditions. Ce faisant, nous mettons en œuvre nos valeurs, tout en luttant contre l’immigration irrégulière. Dès lors, il convient de pouvoir distinguer, parmi les migrants, ceux qui peuvent prétendre au droit d’asile et ceux qui sont motivés par des raisons économiques. Seuls les premiers peuvent être accueillis en Europe à cette fin. La création de hot spots dans les pays d’arrivée est nécessaire pour permettre une meilleure gestion des flux de migrants. De même, il faut revoir la Convention de Dublin qui exerce une pression excessive sur l’Italie et la Grèce. Mais, face à l’urgence, il faut aller plus loin.

Ces migrations ne pourront être contrôlées sans une lutte efficace contre les réseaux mafieux qui organisent le transfert des migrants vers l’Europe. Le renforcement des moyens de Frontex doit être une priorité. Au Sénat français, nous avons récemment auditionné le vice-commandant de l’opération Sophia. Il nous a affirmé qu’une lutte efficace contre les passeurs nécessitait une action à terre. Or cela nécessite l’accord et la coopération des pays de départ des migrants qui, rappelons-le, sont des pays souverains. C’est le cas notamment de la Libye, qui est un pays de transit important pour des migrants venus d’Afrique de l’Est.

L’Union européenne a trouvé un accord avec la Turquie pour permettre un meilleur accueil des migrants sur le sol turc et élargir la coopération policière face aux passeurs. La mise en œuvre effective et sincère de cet accord aura valeur de test pour la capacité des deux parties à nouer des coopérations efficaces. Espérons, pour tous, que les résultats seront probants.

Mme DALLOZ (France) – Les migrations irrégulières via la mer Méditerranée représentent un défi considérable pour l’Europe aujourd’hui et je remercie notre collègue Daphné Dumery pour son rapport sur cette question.

Concilier la lutte contre les réseaux mafieux qui organisent ces migrations irrégulières et les normes en matière de droits de l’homme qui doivent s’appliquer aux migrants n’est pas si simple. Si le sauvetage en mer des migrants reste une obligation internationale et une responsabilité morale, il apparaît indispensable de lutter contre les passeurs, qui se contentent désormais d’organiser la traversée jusqu’à la limite des eaux territoriales, libyennes notamment, laissant les sauveteurs finir le travail.

Ce dilemme ne sera pas résolu sans une coopération plus étroite avec les pays de départ des rives sud et est de la Méditerranée. En effet, les forces de police présentes en mer ne peuvent entrer dans les eaux territoriales d’un Etat souverain que si elles y sont invitées. De même, le retour des migrants irréguliers ne peut se faire sans accord avec les pays de départ.

Deux pays sont principalement concernés aujourd’hui: la Libye et la Turquie. La difficile transition politique en Libye complique la collaboration avec ce pays, où l’on estime qu’un tiers des personnes revenues sont issues des migrations irrégulières. Quant à la Turquie, les négociations en cours avec l’Union européenne devraient permettre une collaboration plus étroite, même si nous devons nous montrer prudents quant à l’utilisation sur le terrain des 3 milliards d’euros alloués en décembre.

Parmi les migrants, certains sont des réfugiés et ont donc vocation à bénéficier du droit d’asile, d’autres non. La création de hot spots chargés d’enregistrer les migrants arrivant en Europe permettra d’identifier plus facilement les personnes éligibles au droit d’asile pour pouvoir les prendre en charge. À nouveau, cela ne pourra se faire sans coopération mais, cette fois, entre pays européens. En effet, la mise en place des hot spots prend du retard: sur les 21 prévus, seuls 2 sont en état de fonctionnement. L’Italie et la Grèce doivent être aidées dans cette entreprise.

Face à cette situation exceptionnelle, il est urgent de réagir. Beaucoup de décisions, certaines courageuses, ont été prises mais leur application est encore trop lente. Aussi, je ne peux que comprendre la colère des pays de première entrée.

Pendant que les pays européens discutent et négocient, des familles meurent en Méditerranée ou s’entassent dans des conditions souvent indignes dans des centres de rétention surchargés. Plus grave, après les attentats de Paris ou les incidents de Cologne, les amalgames et les doutes liés à une frontière extérieure jugée, malheureusement à juste titre, trop poreuse, se multiplient.

Le retard pris dans la mise en place d’une politique migratoire européenne digne de ce nom est un danger pour nos sociétés et nos démocraties car, sans traitement équilibré et efficace de cette crise par l’Europe dans son ensemble, les nationalismes et le repli sur soi ne feront que s’accroître.

LA PRÉSIDENTE - Mme Korenjak Kramar et M. Nikoloski, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme MITCHELL (Irlande)* – Tous les pays européens, qu’ils soient membres ou non de l’Union européenne, doivent exploiter à fond chaque convention, protocole ou loi nationale pour poursuivre, arrêter et sanctionner ceux qui favorisent le trafic de migrants désespérés. Cela dit, quel que soit le nombre d’arrestations, aussi longtemps qu’il y aura une incitation aussi forte à venir en Europe, des personnes seront prêtes à tout risquer et à payer des sommes énormes pour parvenir sur le sol d’une Europe plus sûre et plus riche.

Voilà des années que nous parlons de cette crise des réfugiés. Ce qui a changé, c’est que la situation s’est détériorée et que la crise s’est approfondie. De plus en plus de personnes entreprennent le périple, malgré des morts de plus en plus nombreuses.

La crainte et le ressentiment à l’égard des migrants ne cesse de croître en Europe. L’Accord de Dublin est ignoré, Schengen s’est pour ainsi dire effondré. La notion même de solidarité de l’Union européenne nous a fortement déçus: après des mois de débats, la réaction de l’Union européenne concernant la réinstallation de quelques milliers de réfugiés laisse beaucoup à désirer; les sommes promises à la Turquie n’ont pas été versées; et l’on a très peu progressé pour créer ces fameux hot spots. Et je ne parle pas du partage des responsabilités en matière de police aux frontières extérieures.

Il n’existe pas de crise plus grave aujourd’hui pour les Etats européens. Nos gouvernements doivent faire preuve d’une grande détermination pour trouver des solutions, même si elles ne sont que partielles.

Nous ne pouvons pas recevoir en Europe toutes les personnes désireuses de s’établir sur notre continent, mais nous pouvons aider à financer le coût de l’asile pour des pays comme la Turquie, le Liban ou la Jordanie, afin qu’ils ne soient pas complètement submergés par les migrants. Nous devons également assumer nos responsabilités au titre de la Convention de Genève et partager le fardeau.

Mais nous devons surtout commencer à nous attaquer sérieusement à la gestion de nos frontières extérieures. Cela signifie que les migrants rejetés de la procédure d’asile doivent être immédiatement renvoyés dans leur pays. Cela peut sembler une attitude peu généreuse, mais si nous devons respecter nos obligations, nous devons nous limiter aux personnes qui ont vraiment besoin de protection.

Pour ce qui est de la Syrie, la paix est la seule solution au phénomène de l’émigration. J’appelle tous les pays concernés, en particulier ceux qui sont des acteurs dans le conflit syrien, à peser de toute leur influence pour stabiliser la région afin que les émigrants puissent regagner leurs foyers.

Malheureusement, la migration depuis des pays d’Afrique déchirés par la guerre va se poursuivre et ne cessera de croître aussi longtemps que les niveaux de vie au Nord et au Sud s’écarteront de façon aussi extrême. C’est un défi qu’il nous faudra relever dans les prochaines années, car si nous ne nous attaquons pas sérieusement au problème, si notre réponse reste insuffisante, comme elle l’a été jusqu’à présent, le nombre des demandeurs d’asile ne cessera d’augmenter et ils seront prêts à courir des risques toujours plus grands pour gagner l’Europe. Et, pour celle-ci, cela pourrait bien entraîner une déstabilisation catastrophique.

M. NISSINEN (Suède)* – Les deux rapports que nous examinons ce matin appellent notre attention sur le crime organisé autour de la crise migratoire. Partant des pays d’origine, le trafic passe par différentes routes pour arriver dans les pays d’accueil.

Ce trafic est devenu encore plus rentable que le trafic d’armes et de stupéfiants, et ce sont près de 30 000 personnes qui sont aujourd’hui impliquées dans le trafic de réfugiés, dont de nombreux groupes actifs en Grèce. C’est une véritable industrie qui s’étend chaque jour davantage.

De surcroît, par le biais des filières de ce crime organisé, le groupe Etat islamique en profite pour infiltrer ses membres dans le flux des migrants.

Que faire?

Tout d’abord, il convient de réviser la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés ainsi que le Règlement de Dublin de l’Union européenne: le droit d’asile doit s’appliquer strictement aux pays de première entrée, que ce pays se trouve en Europe ou hors Europe. Les pays d’accueil doivent recevoir plus de soutien et d’aide économique, ce qui vaut également pour les pays d’origine des migrations.

Lorsque, pour différentes raisons, les réfugiés doivent être envoyés d’un pays à l’autre, cela doit se faire conformément à la procédure prévue par le HCR. Cela permet de faire les choses de façon sûre et légale. Les programmes de relocalisation pourront ainsi bénéficier à davantage de réfugiés sans qu’ils aient à risquer leur vie. Cela permettra également de limiter le trafic des passeurs. Sans de telles mesures, leurs réseaux ne cesseront de s’étendre et exposeront encore plus de personnes innocentes à l’exploitation, au danger et à la souffrance.

Je suis pleinement d’accord avec ce que M. Chikovani indique dans son rapport, à savoir qu’il faut veiller à ce que l’activité des passeurs devienne une activité à haut risque pour eux afin que ces réseaux soient démantelés et disparaissent totalement.

Mme YAŞAR (Turquie)* – Je suis un nouveau membre. Ce sera donc ma première intervention et je tenais, en introduction, à dire combien je suis ravie de participer à ma première session au sein de cette Assemblée.

Les rapports qui nous sont présentés proposent des solutions à l’afflux de réfugiés auquel nous sommes confrontés. Je félicite les rapporteurs pour leur travail très méticuleux, dont les rapports constituent une bonne base de débat.

En tant qu’Etats membres du Conseil de l’Europe, deux options s’offrent à nous.

Nous pouvons ériger de nouvelles barrières et abandonner ces personnes à leur sort. C’est malheureusement ce que demandent certains responsables politiques. Mais il faut leur dire que ce n’est pas une réponse acceptable et qu’elle n’est certainement pas conforme aux valeurs européennes.

Nous pouvons aussi décider d’offrir une protection à ces personnes qui essaient de sauver leur vie. La Turquie a fait ce choix. Elle a ouvert ses portes à tous ceux qui avaient besoin de protection, quelle que soit leur religion, leur langue maternelle ou leur ethnie. Je dois dire qu’en la matière, je suis fière de mon pays.

L’instabilité a commencé en 2011, dans la région qui est ma région d’origine. Les Syriens ont commencé à fuir leur pays et sont devenus de plus en plus nombreux. D’après des données des Nations Unies, 2,5 millions de Syriens résident aujourd’hui en Turquie, pays qui, en 2014, est celui qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés.

La Turquie a accordé une protection temporaire à toutes ces personnes, dépensant plus de 8 milliards de dollars quand l’aide apportée par les donateurs internationaux s’élève seulement à 455 millions de dollars. Mon intention n’est pas de dire tout ce qu’a fait mon pays; je veux montrer que ce n’est pas là seulement le problème de la Turquie. Mon pays ne peut remédier seul à cette situation.

Par ailleurs, les migrations clandestines font beaucoup de victimes. Tout le monde a vu les images du corps du petit Aylan, échoué sur une plage turque. Toutefois, cela ne doit pas faire oublier tout ce que nos garde-côtes ont fait pour sauver des gens.

La seule façon d’offrir une vie meilleure aux réfugiés est de leur permettre de revenir dans leur pays. Ces personnes essaient de sauver leur vie – agissons pour les aider. Au moment même où nous débattons, d’autres enfants sont certainement en train de périr en Méditerranée.

LA PRÉSIDENTE - Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste 7 minutes.

M. CHIKOVANI (Géorgie), rapporteur* – Il a beaucoup été question, dans ce débat, des causes profondes de la situation et de la nécessité d’une approche conjointe. De fait, ce sont là les deux points essentiels pour aborder ce problème humanitaire.

Mon rapport aborde-t-il la question sous l’angle approprié? Comme l’indique son titre, il est ici question des migrants et du crime organisé. Nous avons jugé qu’il était important d’étudier le rôle des groupes relevant de la criminalité organisée dans les flux migratoires. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur cet aspect. Bien sûr, les causes profondes de la situation sont évidemment de natures diverses. Il existe des menaces d’ordre humanitaire, mais il y va aussi de la sécurité. Aux frontières de l’Europe, se trouvent des Etats peu développés et frappés par la guerre. Si nous ne nous attaquons pas aux causes profondes, nous ne résoudrons pas réellement le problème.

Personne n’a cherché à se demander ce qui se serait passé si on avait utilisé les ressources que nous consacrons aujourd’hui à la résolution des conséquences du problème pour soutenir la démocratie et le développement des pays concernés. Peut-être cela aurait-il été effectivement bien plus efficace que de se répartir aujourd’hui le fardeau; peut-être aurions-nous aujourd’hui un meilleur voisinage.

Quoi qu’il en soit, il faut relever que la plupart des migrants qui arrivent en Europe souhaitent s’installer dans les pays de l’Union européenne. C’est une évidence. Le problème est que les pays de transit, même s’ils n’appartiennent pas à l’Union européenne, sont tout de même eux aussi des pays européens: toute l’Europe est donc concernée. C’est bien pour cela que nous débattons de cette question ici, au Conseil de l’Europe, et il est d’autant plus important de le faire que le fardeau qui pèse sur les pays européens est considérable.

On se demande parfois si nous réagissons assez vite. Bien sûr que non – la réponse est évidente. Ce rapport – les rapports sont l’outil dont nous disposons ici – a été commandé il y a près d’un an. Souhaitons-nous être plus actifs? Oui, évidemment. Mme Christoffersen a souligné que nous nous préparons à adopter une résolution et non une recommandation. C’est vrai. Il faut que le Comité des Ministres agisse. Nous faisons ce qui nous est possible de faire ici, mais nous devons bien sûr pousser davantage nos gouvernements à agir de manière plus énergique, au niveau local comme au niveau international.

J’approuve entièrement les propos de mon collègue et ami M. Di Stefano. Il est vrai que nous ne sommes pas bien équipés – pas seulement en termes d’instruments juridiques ou de capacités d’enquête: nous manquons aussi de moyens matériels. C’est d’ailleurs un problème quand il s’agit de combattre les groupes organisés, car ceux-ci utilisent à des fins douteuses tous les moyens qui s’offrent à eux, y compris ceux qui facilitent la vie de nos concitoyens, par exemple Facebook, par l’intermédiaire duquel les trafiquants font de la publicité pour leurs activités.

Au terme de ce débat, je tiens à vous remercier tous de vos contributions. La longueur de la liste des orateurs témoigne de l’importance de cette question et de l’intérêt qu’elle revêt pour chacun d’entre nous. Nous devons être plus actifs. Certes, des élections se profilent à l’horizon et de nombreux responsables politiques ont les yeux fixés dessus, mais il faut assumer les responsabilités et se répartir le fardeau – c’est un devoir que nous avons à l’égard de nos pays, de nos concitoyens et de tous ceux qui souffrent.

LA PRÉSIDENTE – Madame la rapporteure, il vous reste 4 minutes.

Mme DUMERY (Belgique), rapporteure* – J’aimerais remercier tous les intervenants pour leur contribution à ce débat. Vous avez souligné combien le sujet est complexe. D’ailleurs, le travail ne doit pas s’arrêter ici: nos préconisations devront avoir des suites.

Je souhaiterais évoquer d’abord la question des chiffres. Y a-t-il 1,9 million de réfugiés syriens en Turquie, 2,1 millions ou bien encore 2,5 millions? Quel qu’il soit précisément, ce chiffre atteste que la Turquie est confrontée à un défi majeur. Mais, comme il est important d’être sûr des chiffres que l’on avance, je précise que je me fonde sur les données du HCR, lequel les recueille auprès des pays concernés. Au 19 janvier, le HCR fait état de 1,9 million de Syriens enregistrés en Turquie, quand mon rapport avance le chiffre de 2 millions. Au fond, peu importe. Il faut d’ailleurs savoir que les chiffres diffèrent selon les sources: les données qui m’ont été fournies par l’Allemagne ne sont pas les mêmes que celles qui m’ont été données par le HCR.

Ensuite, vous avez évoqué les hot spots en dehors d’Europe. C’est un sujet complexe, qu’il convient d’étudier. N’oublions pas que le but du rapport est de formuler des recommandations destinées à prévenir les traversées qui se font au péril de la vie des réfugiés, et à empêcher qu’on en arrive là.

Je pense que c’est possible. Si nous demandons des contrôles plus stricts aux frontières, il faut alors accepter que les gens puissent arriver de manière sûre. Si nous établissons une procédure en Europe, nous devons pouvoir aussi l’organiser en dehors de l’Europe pour protéger la vie des migrants. Je sais qu’il s’agit d’un point controversé dans de nombreux pays, mais j’ai entendu certains d’entre vous soutenir cette possibilité. C’est un argument qui, en tout cas, permettrait de sauver des vies.

Je vous remercie pour votre soutien.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Madame la Présidente, mes chers collègues, en tant que présidente nouvellement élue à la commission des migrations, j’ai écouté très attentivement tout ce qui a été dit au cours de ce débat passionnant sur la crise des réfugiés en Europe et les migrations. C’est la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale.

De nombreux intervenants ont affirmé que nous devrions repenser la gestion de la crise, revoir notre procédure d’asile et envisager un traitement des demandes d’asile en dehors de l’Union européenne. Beaucoup se sont concentrés sur des solutions permettant de mettre un terme, ou de réduire considérablement, les flux de migrants entrant en Europe. Certains ont rappelé les événements tragiques de la Saint-Sylvestre à Cologne et dans d’autres villes européennes.

Il n’y a pas d’unanimité dans nos sociétés sur cette question, mais reconnaissons que les migrations sont inévitables et vont continuer. Elles ne vont pas disparaître quand les conflits seront réglés – et ils ne sont pas prêts de l’être. En conséquence, nous devons anticiper des changements dans nos sociétés et nous préparer à les faire évoluer. Et la commission des migrations peut contribuer à cette réflexion.

Le débat d’aujourd’hui est capital, car les médias et les autres débats politiques se concentrent davantage sur ce qui est perçu comme une menace pour nos sociétés. Nous ne souhaitons pas nier les préoccupations des Européens, mais nous souhaitons défendre le multiculturalisme, notamment vis-à-vis de la deuxième génération de migrants. Nous devons, avant tout, nous concentrer sur la contribution des migrants dans les Etats membres. La commission des migrations est à même de faciliter un échange d’expériences et de promouvoir des pratiques optimales concernant les difficultés que rencontrent bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Je me réjouis d’organiser davantage d’activités de la commission des migrations à ce sujet.

Permettez-moi, enfin, de remercier les deux rapporteurs pour leur travail et d’inviter nos collègues à adopter ces rapports.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur «La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières». La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel 6 amendements ont été déposés. Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 2.

Mme YAŞAR (Turquie*) – Nous souhaiterions, au paragraphe 4, corriger le chiffre qui est inscrit. D’après nos chiffres officiels, la Turquie a accueilli non pas 2 millions de réfugiés, mais 2,5 millions.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 3.

Mme YAŞAR (Turquie*) – Je retire cet amendement.

LA PRÉSIDENTE – L’amendement 3 est retiré.

Je suis saisie de l’amendement 4.

Mme YAŞAR (Turquie*) – La Turquie a accueilli 2,5 millions de réfugiés, ce qui a un impact important sur le pays. Nous souhaitons donc que le soutien financier et le partage des charges soient plus clairement exprimés dans le rapport.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 1.

Mme VÁHALOVÁ (République tchèque)* – Je demande d’appuyer cet amendement qui vise à supprimer les mots suivants: «et mettre sur pied un dispositif permanent de relocalisation». Il s’agit sinon d’une ingérence dans la souveraineté des Etats membres.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 5.

Mme YAŞAR (Turquie*) – la Turquie a demandé la mise en place de centres d’accueil depuis le début de la crise en Syrie. Par cet amendement, nous souhaitons renforcer le texte sur ce point.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 6.

Mme YAŞAR (Turquie)* – Nous pensons qu’en matière d’asile, il est nécessaire que les registres soient mis à jour plus régulièrement. A cet égard, les autorités des pays d’accueil doivent faire preuve de responsabilité et mettre en place un système d’enregistrement. Je soutiens le rapport.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – Avis défavorable.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13942.

Le projet de résolution est adopté (126 pour, 8 contre et 9 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons au rapport sur «Le crime organisé et les migrants».

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13941.

Le projet de résolution est adopté (126 pour, 2 contre et 7 abstentions)

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition des commissions

2. La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières

Le crime organisé et les migrants

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Dumery du rapport de la commission des migrations sur «La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières» (Doc. 13942)

Présentation par M. Chikovani du rapport de la commission des migrations sur «Le crime organisé et les migrants» (Doc. 13941)

Orateurs: M. Vareikis, Mme Strik, MM. Eseyan, Küçükcan, Mmes Christodoulopoulou, Schou, MM. Le Borgn’, Hollik, Mmes Allain, Christoffersen, MM. Heer, Preda, Mme Pashayeva, MM. Markuszower, Zech, Baroness Massey, M. Fournier, Mme Katrivanou, MM. Yatim, Pozzo Di Borgo, Madison, Mmes Kyriakidou, Bilgehan, MM. Di Stefano, Šircelj, Mme Sotnyk, MM. Dokle, Salles, Mmes Ohlsson, Zampa, Kavvadia, M. Ameur, Mmes Johnsen, Dobešová, Kerestecioğlu Demir, Duranton, Dalloz, Mitchell, M. Nissinen, Mme Yaşar.

Réponses des rapporteurs et de Mme la présidente de la commission des migrations

Votes sur deux projets de résolution

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH

Brigitte ALLAIN

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON/Eduard Köck

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN

Iwona ARENT

Khadija ARIB/Tineke Strik

Volodymyr ARIEV/Pavlo Unguryan

Anna ASCANI/Tamara Blazina

Mehmet BABAOĞLU

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE*

Gérard BAPT*

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Guto BEBB*

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Jana Fischerová

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

Włodzimierz BERNACKI/Jarosław Obremski

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART

Maryvonne BLONDIN/ Jean-Claude Frécon

Tilde BORK*

Mladen BOSIĆ

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN

Margareta BUDNER

Utku ÇAKIRÖZER

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU

Lise CHRISTOFFERSEN

Paolo CORSINI*

David CRAUSBY*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Geraint DAVIES*

Joseph DEBONO GRECH

Renata DESKOSKA

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA/Giuseppe Galati

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Jeffrey DONALDSON

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Markar ESEYAN

Franz Leonhard EẞL*

Nigel EVANS

Samvel FARMANYAN*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Elisabeth Schneider-Schneiter

Daniela FILIPIOVÁ/Ivana Dobešová

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Bernard FOURNIER

Béatrice FRESKO-ROLFO

Pierre-Alain FRIDEZ

Martin FRONC

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE/Kelly Tolhurst

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO*

Rainer GOPP

Alina Ștefania GORGHIU*

Sylvie GOY-CHAVENT

François GROSDIDIER/Yves Pozzo Di Borgo

Dzhema GROZDANOVA

Gergely GULYÁS/István Hollik

Emine Nur GÜNAY

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Tomasz Cimoszewicz

Alfred HEER

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH/Bernd Fabritius

Martin HENRIKSEN/Rasmus Nordqvist

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Rafael HUSEYNOV*

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Florin IORDACHE*

Denis JACQUAT/André Schneider

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE*

Andrzej JAWORSKI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Dejan Kovačević

Anne KALMARI

Erkan KANDEMIR

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI/Pascale Crozon

Niklas KARLSSON

Nina KASIMATI/Evangelos Venizelos

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR

İlhan KESİCİ*

Danail KIRILOV

Bogdan KLICH/Aleksander Pociej

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ/Metin Lütfi Baydar

Željko KOMŠIĆ/Saša Magazinović

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Florian KRONBICHLER*

Julia KRONLID/Johan Nissinen

Eerik-Niiles KROSS/Jaak Madison

Talip KÜÇÜKCAN

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Inese LAIZĀNE

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Ian LIDDELL-GRAINGER*

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA

Philippe MAHOUX

Muslum MAMMADOV

Thierry MARIANI/Marie-Christine Dalloz

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Duarte MARQUES

Alberto MARTINS*

Meritxell MATEU

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA

Evangelos MEIMARAKIS

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON/Rudy Salles

Marianne MIKKO

Olivia MITCHELL

Arkadiusz MULARCZYK*

Thomas MÜLLER

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN

Marian NEACȘU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN

Joseph O’REILLY*

Kate OSAMOR/Liam Byrne

Tom PACKALÉN/Anne Louhelainen

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS

Ganira PASHAYEVA

Florin Costin PÂSLARU*

Jaana PELKONEN

Agnieszka POMASKA/Killion Munyama

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Mark PRITCHARD*

Gabino PUCHE

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO/Sandra Zampa

Carmen QUINTANILLA

Kerstin RADOMSKI

Christina REES/Baroness Doreen Massey

Mailis REPS

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Helena ROSETA

René ROUQUET*

Alex SALMOND

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI/Eleonora Cimbro

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Paul SCHNABEL

Ingjerd SCHOU

Koos SCHOUWENAAR

Nico SCHRIJVER

Frank SCHWABE*

Predrag SEKULIĆ*

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE/Matjaž Hanžek

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE

Dominik TARCZYŃSKI*

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV*

Krzysztof TRUSKOLASKI

Goran TUPONJA/Snežana Jonica

İbrahim Mustafa TURHAN/Burhanettin Uysal

Konstantinos TZAVARAS

Leyla Şahin USTA

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Kristin Ørmen Johnsen

Petrit VASILI

Imre VEJKEY

Stefaan VERCAMER*

Birutė VĖSAITĖ

Nikolaj VILLUMSEN*

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ*

Karl-Georg WELLMANN

Katrin WERNER/Annette Groth

Jacek WILK*

Andrzej WOJTYŁA

Morten WOLD

Bas van ‘t WOUT/ Gidi Markuszower

Gisela WURM*

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS*

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Anne-Yvonne Le Dain

Emanuelis ZINGERIS*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Espagne/Pedro Azpiazu

Siège vacant, Espagne /José María Chiquillo

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, République de Moldova / Valentina Buliga

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Boriana ÅBERG

Kerstin LUNDGREN

Manuel TORNARE

Observateurs

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Armando LUNA CANALES

Ulises RAMÍREZ NÚÑEZ

Partenaires pour la démocratie

Hamidine ABDELALI

Benazzouz ABDELAZIZ

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

M. Omar HEJIRA

Mohamed YATIM