FR16CR08

AS (2016) CR 08

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la huitième séance

Jeudi 28 janvier 2016 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Modification du temps de parole

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, lors de la séance de lundi matin, il avait été décidé de limiter le temps de parole des orateurs de jeudi après-midi à 3 minutes.

Cependant, compte tenu de l’évolution de la liste des orateurs et du nombre d’amendements, je vous propose de revenir au temps de parole de 4 minutes pour les débats de cet après-midi.

Il en est ainsi décidé.

2. La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport sur «La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe» (Doc. 13939), établi au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie.

M. Conde n’étant plus membre de notre Assemblée, c’est M. Mogens Jensen qui présentera le rapport que M. Conde avait préparé.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 17 h 20. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 heures, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le président de la commission des questions politiques, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Mes chers collègues, le rapport que j’ai aujourd’hui la responsabilité de vous présenter a été soutenu à l’unanimité par la commission des questions politiques. Etant donné le caractère sensible des débats sur le Kosovo, il m’a semblé que cela méritait d’être souligné.

Je souhaite remercier très sincèrement M. Conde, notre rapporteur espagnol, pour ce travail excellemment mené. Comme vous le savez, M. Conde n’est plus membre de notre Assemblée, mais il nous laisse avec ce rapport un magnifique héritage. Son travail a été décrit comme équilibré et réaliste à la fois par Pristina et par Belgrade.

Ce rapport s’inscrit dans la continuité des précédents travaux de la commission des questions politiques et de l’ancien rapporteur, M. von Sydow: il témoigne d’une approche très neutre lorsqu’il évalue le degré auquel le Kosovo applique les normes du Conseil de l’Europe dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la primauté du droit; et il place la population du Kosovo au cœur de ses préoccupations. Rappelons que cette population est la plus jeune d’Europe: sur 1,8 million d’habitants, 26,3 % ont moins de 14 ans et 18,1 % sont âgés de 15 à 24 ans; l’âge moyen est de 27 ans. Comme l’indique le rapporteur, il faut offrir à cette jeunesse un horizon européen, des possibilités d’emploi, des perspectives de stabilité démocratique et de participation aux décisions politiques, pour ne pas alimenter les troubles sociaux et la migration.

Selon le rapport, la prééminence du droit devrait être la priorité absolue pour les autorités kosovares. La corruption à grande échelle a des effets négatifs sur la vie de la population comme sur le développement économique du pays.

Le rapport reconnaît les progrès accomplis en matière de renforcement de la démocratie. Mais il souligne aussi que les retards et les blocages au sein du Parlement témoignent de l’incapacité des forces politiques à nouer un véritable dialogue sur les questions essentielles. Les récentes manifestations de violence au sein même de l’Assemblée du Kosovo risquent de saper encore davantage la confiance que la population accorde aux institutions démocratiques.

En ce qui concerne la protection des droits de l’homme et les relations entre les communautés, malgré l’amélioration de la situation en matière de sécurité, le rapport appelle les autorités à se montrer vigilantes, à condamner toutes les agressions liées à l’appartenance ethnique, à faire preuve de responsabilité dans leur expression publique et à veiller à ce que justice soit rendue.

Le rapport salue l’existence de perspectives européennes tant pour Belgrade que pour Pristina, et encourage la poursuite de leur dialogue, facilité par l’Union européenne.

On trouve aussi dans le rapport un nouvel élément: le concept de sécurité démocratique cher au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et qui sera au cœur de son troisième rapport sur la situation de la démocratie et des droits de l’homme en Europe.

La conformité à des normes exigeantes en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit est essentielle non seulement à la vie de la population, mais aussi à la stabilité nationale et internationale. Réciproquement, le manque de conformité à ces normes, aggravé par la faiblesse de l’économie, menace la sécurité et la stabilité et ne pourra qu’entraîner des répercussions au-delà des frontières nationales.

Comme président de la commission des questions politiques, j’espère que ce rapport contribuera de manière constructive à améliorer la capacité du Kosovo à expérimenter la sécurité démocratique et à la promouvoir dans toute la région des Balkans occidentaux.

LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur Jensen. Il vous restera un peu moins de 8 minutes pour répondre aux orateurs.

Nous abordons la discussion générale, en commençant par les porte-parole des groupes.

Mme MATEU (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Le rapport de notre ancien collègue M. Conde est excellent: il est documenté, aussi objectif que possible, pondéré et – oserai-je dire à titre personnel – poignant.

Ce rapport évoque de manière très neutre les relations que le Kosovo entretient avec notre Assemblée depuis le début, et que d’anciens collègues comme M. von Sydow ou, pour d’autres aspects, M. Marty, ont tenté d’accompagner. Beaucoup de progrès ont été accomplis. Il faut en remercier la Serbie et sa délégation, qui ont fait beaucoup d’efforts pour qu’un rapprochement soit possible. Le rapport atteste de ce rapprochement. Il y a un véritable abîme entre la situation de 2010 et ce qui s’est passé à partir de 2013. Il faut savoir gré à toutes les parties de leurs efforts en ce sens. Ce rapport les décrit, sans contestation possible.

Le rapport évoque également les immenses lacunes du Kosovo.

Le président de la commission a rappelé la jeunesse de ce pays où l’âge moyen est de 27 ans, où un tiers de la population a moins de 14 ans. Ces jeunes n’ont aucune notion de ce qui s’est passé il y a vingt ans, ils ne savent rien; c’est une autre réalité qu’ils ont vécue ou qu’ils sont en train de vivre. Il faut en tenir compte.

La situation économique est un autre problème. Le pays a du mal à mettre en place des structures économiques pérennes. Il faut dire que, comme le rapport le souligne également, le salaire des fonctionnaires est supérieur à ceux du secteur privé, ce qui est tout de même un peu bizarre quand on sait que le secteur privé représente 70 % du produit intérieur brut.

Comment s’étonner, dès lors, que très peu des Serbes qui ont été chassés du Kosovo par la peur ou par la pression des Kosovars albanais reviennent dans le pays? Ils ne sont que 800 à être rentrés, nous dit le rapport; mais qui voudrait retrouver un pays sans avenir économique, où la jeunesse est désœuvrée?

Le rapport donne des pistes pour les accompagner: au niveau parlementaire, il s’agit de permettre aux représentants du Kosovo de venir ici nous écouter et s’exprimer, sinon voter, et de se rapprocher davantage de certaines de nos institutions. Ils sont déjà membres de la Commission de Venise; il faudrait poursuivre sur cette voie.

Pour ces raisons, l’ADLE soutient pleinement ce rapport.

M. PRITCHARD (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – J’aimerais remercier la commission des questions politiques et de la démocratie, son rapporteur, pour ce rapport riche en réflexions et bien équilibré. Il reconnaît largement le fait que le Kosovo a fait de grands progrès sociaux, économiques et démocratiques depuis son indépendance en 2008, rappelant qu’il existe d’autres domaines dans lesquels il faut faire plus de progrès car il y a un retard sur le plan économique et démocratique. C’est à juste titre que l’on fait l’évaluation tant des réussites du Kosovo que des progrès restant à réaliser.

Il ne s’agit pas d’un diktat, ni d’exporter des valeurs ou des politiques d’Etats membres vers le Kosovo, mais de s’assurer que toutes les institutions gouvernementales, politiques et judiciaires respectent l’Etat de droit, soient transparentes et visent à éradiquer la corruption où qu’elle se cache, sans qu’aucune impunité puisse prévaloir.

Pour être juste envers le Kosovo, toutes les démocraties évoluent, certaines plus rapidement que d’autres. La démocratie ne saurait être précipitée: il n’y a pas de panacée ni de solution qui convienne à tous. Néanmoins, il existe un certain nombre de principes universels qui s’appliquent aux pays, qu’ils soient riches ou pauvres, jeunes ou anciens.

Huit cent une années après la Magna Carta, ou Grande Charte des libertés, le Royaume-Uni continue de voir évoluer ses institutions démocratiques, ses tribunaux et ses propres textes constitutionnels s’adapter et mûrir. Parfois, les progrès prennent du temps: il en va ainsi de la Chambre des Lords, qui n’est toujours pas élue, ou de la création tardive, en 2005, de la nouvelle Cour Suprême. Mais tous ces changements sont dictés par plus de démocratie, et non par moins de démocratie, ainsi que par la primauté du droit national, du droit international et des droits de l’homme.

C’est un défi pour tous les partis politiques du Kosovo. Vous êtes allés loin en peu de temps et il faut poursuivre. Voilà le défi: il faut poursuivre la volonté de coexistence pacifique, maintenir l’effort de la non-violence dans la résolution des conflits politiques. Il faut poursuivre de manière résolue pour les peuples et non pas pour soi-même.

En temps voulu, le Kosovo et la Serbie pourront tous deux devenir membres à part entière de l’Union européenne élargie. La plupart des changements démocratiques exigés à cette fin doivent être réalisés en amont plutôt qu’en aval d’une telle adhésion. L’un et l’autre pays devront y œuvrer car il n’y a pas de droit automatique de passage de par les frontières nationales ou de par les conflits du passé. Par ailleurs, il y a plus de chance d’établir la paix dans les rues de Pristina s’il y a la paix au Parlement.

Tous les partis politiques du Kosovo doivent donc se réjouir de ce rapport, et travailler tant avec ce Conseil qu’avec les institutions de l’Union européenne. Ils doivent tenir compte de ses conclusions. Nous considérons qu’il s’agit ici d’une évaluation critique positive, et non pas d’une critique du Kosovo car les vrais amis se permettent aussi d’être honnêtes. Il serait nécessaire, pour soutenir le Kosovo à cette fin, que plus de membres, ici au Conseil, reconnaissent le Kosovo en tant qu’Etat souverain. Le Kosovo doit donner l’exemple en respectant l’Etat de droit au niveau international également.

M. HANŽEK (Slovénie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Ce rapport illustre parfaitement la plupart des problèmes auxquels est confronté le Kosovo et analyse de façon systématique la situation en fonction des points critiques, des causes de ces problèmes, des améliorations ou au contraire des situations qui se sont détériorées, ainsi que des efforts déployés par les autorités du Kosovo et la communauté internationale pour améliorer les choses rapidement.

Un travail significatif a déjà été fait pour le peuple et pour réduire les tensions dans la région. Depuis un siècle, les problèmes du Kosovo sont toujours les mêmes; c’est pourquoi ils sont profondément ancrés dans cette société et difficiles à résoudre.

Ils sont essentiellement les suivants: une économie extrêmement affaiblie, l’absence d’Etat de droit, la corruption généralisée, le népotisme, la criminalité organisée et surtout les conflits entre nations.

L’économie est essentiellement fondée sur les envois de fonds de la diaspora et des donateurs internationaux. Le Kosovo est l’un des pays les plus pauvres d’Europe, qui connaît à la fois un taux de chômage élevé et beaucoup de pauvreté. Quant à l’Etat de droit, il est tellement faible que cela entrave même le développement économique, ce qui engendre une méfiance à l’égard des institutions de l’Etat.

Les plus grands progrès sont constatés dans les conflits interethniques. Cela est dû essentiellement à l’amélioration des relations entre le Kosovo et la Serbie. Le Kosovo a accepté que soit créé un tribunal spécial pour les crimes de guerre aux Pays-Bas; il a également accepté un dialogue avec les Serbes, y compris dans les lieux les plus difficiles, pour l’établissement de municipalités à majorité serbe, leur permettant ainsi de s’intégrer au Kosovo. Un accord frontalier a aussi été signé avec le Monténégro, ce qui est inhabituel dans la région. Ces décisions ont cependant eu un prix très élevé en politique intérieure, causant l’une des pires crises de ces derniers mois.

Le Kosovo est confronté à une multitude de difficultés, profondément ancrées, et les améliorations sont lentes. C’est pourquoi le Kosovo et son peuple ont besoin de l’assistance internationale sous diverses formes.

Le processus européen doit pouvoir aider à améliorer la situation. Nous devons poursuivre notre politique d’engagement et de progrès plutôt que de rejeter et d’isoler ce pays. Nous devons montrer au Kosovo que son avenir est en Europe ainsi qu’au Conseil de l’Europe, et que notre Assemblée lui est ouverte.

Le pire pour le Kosovo et pour l’Europe serait que le peuple kosovar se sente abandonné et qu’il ne voie pas de solution alternative.

M. KORODI (Roumanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Au nom de mon groupe politique, j’aimerais exprimer notre soutien à ce rapport, qui est acceptable tant par la majorité que par l’opposition.

Nous encourageons toutes les forces politiques, à Belgrade et à Pristina, à élaborer un dialogue constructif sur les questions d’importance cruciale, pour résoudre celles qui restent en suspens. Il s’agit également pour elles de consolider les institutions du Kosovo; à cette fin, il est nécessaire d’améliorer la formation des juges et des procureurs, y compris en matière de droit international humain.

Le Kosovo devrait être encouragé à assurer une participation équitable de toutes les communautés minoritaires aux consultations et au processus de prise de décision. En la matière, la participation des Serbes du Kosovo au pouvoir judiciaire pourrait être un bon exemple. La participation des minorités dans le cadre de la diversité ethnique du Kosovo est une vraie contribution à la stabilisation du Kosovo.

Les autorités de Pristina doivent mettre en place des mécanismes durables visant à permettre aux personnes déplacées de revenir en reconnaissant leurs droits sur les propriétés perdues et en facilitant leur réintégration sur le marché de l’emploi.

La protection du patrimoine culturel serbe n’a pas été garantie au Kosovo. Pour cette raison, les autorités du Kosovo sont responsables du refus de l’Unesco d’accorder le titre de membre à leur pays.

C’est une question qui tient également beaucoup à cœur au Conseil de l’Europe. Notre préoccupation est qu’en 2016, la région pourrait se caractériser par l’érosion de l’autorité de l’Etat, l’incapacité du Kosovo de répondre aux besoins de la population, avec une vaste corruption au sein du système administratif central.

La seule manière de surmonter ce problème est d’avoir une volonté politique et il revient donc aux responsables politiques du Gouvernement de Pristina d’œuvrer en la matière. C’est pourquoi nous recommandons de poursuivre la coopération avec les organes du Conseil de l’Europe, tels que le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, ainsi que d’autres institutions.

Mme GOSSELIN-FLEURY (France), porte-parole du Groupe socialiste – J’ai eu l’opportunité de me rendre au Kosovo en avril 2015 et j’ai pu constater que ce pays, indépendant depuis 2008, avait réalisé des progrès énormes en sept ans, malgré les difficultés. Mais, par-dessus tout, j’ai entendu le message des Kosovars sur l’Europe.

Comme le souligne fort justement le rapporteur, le Kosovo comme la Serbie ont compris l’importance d’un dialogue pour une normalisation de leurs relations, condition exigée pour le dépôt futur de leur demande d’adhésion à l’Union européenne.

L’adhésion au Conseil de l’Europe constitue une priorité pour le Kosovo. Le fait que le Kosovo soit, avec la Biélorussie, le seul pays non admis, alors que, nous le savons tous, la situation des droits de l’homme et de l’Etat de droit dans ces deux pays n’est pas comparable, constitue un réel problème. Cela est vécu comme une injustice par les Kosovars.

Le rapporteur a souligné certains problèmes. Ils existent, mais comme dans toute jeune démocratie. Certains Etats membres ne sont pas exempts des mêmes défauts ou manquements. Le débat que nous aurons sur les défenseurs des droits de l’homme en est la preuve. Pour autant, le Kosovo a souvent su entendre les demandes de notre Assemblée.

Ainsi, le 3 août 2015, la révision constitutionnelle instaurant le tribunal spécial chargé de juger les crimes commis pendant la guerre, dont le siège sera aux Pays-Bas, a constitué un acte politique fort en faveur d’une réconciliation intercommunautaire et un acte de courage de la part des autorités politiques.

Cette décision, qui est loin d’être anodine, devrait être perçue, dans cet hémicycle où notre collègue M. Marty a défendu en 2010 un rapport sur ces crimes, comme un gage de la volonté des autorités du Kosovo de collaborer avec notre institution, même quand les sujets touchent à cette histoire douloureuse et tragique.

Un autre exemple est la participation du Kosovo à la lutte contre le terrorisme et pour la tolérance. Les autorités musulmanes du pays ont décidé de renvoyer chez lui un imam nommé par la Turquie et convaincu d’extrémisme, et certains Kosovars engagés dans des conflits extérieurs et convaincus de djihadisme ont dû faire face à la justice.

Je voudrais plus particulièrement m’adresser à nos collègues serbes. J’ai écouté avec attention votre Premier ministre dans cet hémicycle en octobre dernier et son message en faveur de la stabilité, du dialogue et de la normalité, notamment avec le Kosovo. Je veux espérer que les élections législatives anticipées ne remettront pas en cause cette orientation, là aussi courageuse, de votre politique. Nous le savons tous, l’histoire entre la Serbie et le Kosovo reste une plaie ouverte, mais l’histoire de la France et de l’Allemagne aussi était tragique, et nous avons pourtant réussi à la surmonter. C’est aussi cela, l’Europe et ses valeurs.

L’Accord de stabilité et d’association avec l’Union européenne exige des réformes dans des domaines comme la gouvernance, l’Etat de droit, les droits de l’homme et le système judiciaire. Il ne serait pas compréhensible que le Conseil de l’Europe, institution historique des droits de l’homme, reste en retrait de ce processus et retarde l’arrivée du Kosovo dans notre maison commune.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Je me félicite du travail impartial et objectif de M. Conde.

Il y a trois ans, la délégation serbe a voté pour le rapport préparé par M. von Sydow sur la situation au Kosovo. Nous souhaitons, aujourd’hui comme alors, que les normes du Conseil de l’Europe soient mises en œuvre sur le territoire de Kosovo-et-Métochie. Nous réaffirmons notre engagement en faveur de la normalisation des relations et voterons ce rapport.

Nous continuons néanmoins d’insister sur le statut de neutralité, qui a été l’approche de M. Conde dans la préparation du rapport, ainsi que sur le respect des droits de l’homme. Il est important que les normes ne soient pas abaissées sous prétexte qu’il s’agit du Kosovo. Les points les plus durs, du point de vue de Belgrade, sont le renforcement des droits des Serbes, les communautés dans les municipalités à majorité serbe, la protection du patrimoine culturel et du statut de l’Eglise orthodoxe serbe, le retour des personnes déplacées, et la propriété foncière.

Il y a beaucoup d’autres problèmes: la loi sur le tribunal spécial pour les crimes de guerre, la législation sur le financement de la défense des anciens membres de l’Armée de libération du Kosovo inculpés devant la cour spéciale, le problème des Albanais. Il faut que les crimes de guerre soient punis car cela fait partie du processus de conciliation, et c’est une obligation morale vis-à-vis des victimes. En outre, nous attendons de Pristina qu’elle comprenne que ce qui a été signé à Bruxelles doit être mis en œuvre. L’accord sur les communautés dans les municipalités à majorité serbe est un impératif pour la normalisation des relations. La Serbie n’acceptera aucune révision ni modification de cet accord, et il est important que la présente résolution en souligne la nécessité.

Dernièrement, plutôt que de progrès, nous avons été témoins d’un affaiblissement des institutions au Kosovo. Des parlementaires ne peuvent plus travailler en sécurité: on leur envoie du gaz lacrymogène en plein parlement! La montée de l’extrémisme est très préoccupante. Des graffiti à la gloire de l’Etat islamique ont été dessinés sur des églises orthodoxes. Tout cela fait peur aux citoyens. Les croyants ne peuvent plus célébrer leur culte tranquillement. Les dernières fêtes de Noël ont apporté une nouvelle preuve tragique que la Serbie avait raison quand elle exprimait des doutes sur la pertinence d’accepter le Kosovo au sein de l’Unesco.

Afin de maintenir une position équilibrée, la délégation serbe n’a pas présenté d’amendement. Nous soutenons le rapport sous sa forme actuelle.

M. OBRADOVIĆ (Serbie)* – Mes chers collègues, je salue le travail consacré par M. Conde à l’élaboration de ce rapport et de la résolution sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe. C’est un document de très haute tenue, qui traite des normes du Conseil de l’Europe dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, et qui évalue dans quelle mesure et jusqu’où ces normes sont mises en œuvre au Kosovo.

Etant donné que la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance prétendue du Kosovo, pas plus que ne la reconnaissent les Nations Unies et un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, je salue l’approche de neutralité de statut adopté par M. Conde.

Après dix-sept années de présence militaire et civile internationale au Kosovo, après dix-sept ans de différentes structures des Nations Unies – mission Eulex et mission d’administration intérimaire –, nous sommes toujours les témoins de crimes motivés par l’ethnicité perpétrés contre des Serbes et non-Albanais, notamment à l’encontre d’enfants en âge d’aller à l’école: 79 nouveaux incidents pour la seule année 2015.

Des destructions et des profanations du patrimoine culturel et religieux du peuple serbe ont eu lieu: dix attaques ont visé des églises serbes en 2015.

Nous sommes également témoins de l’impossibilité qu’il y a de garantir le retour de quelque 250 000 Serbes et autres non-Albanais qui ont été contraints de quitter le territoire en 1999. Selon le rapport du HCR des Nations Unies, seules 4 000 personnes, soit 1,9 % des personnes déplacées ont pu rentrer. Les autres ne peuvent le faire pour des raisons de sécurité et ne peuvent donc pas mener de vie normale.

Les crimes de guerre commis à l’encontre des Serbes ne font pas l’objet de poursuites. C’est également le cas des traitements inhumains et dégradants et de trafic illégal d’organes humains. Cela a été reconnu dans le rapport de M. Marty présenté devant l’Assemblée il y a cinq ans.

Au cours des dix-sept dernières années, plus de 1 000 Serbes et non-Albanais ont été tués et pas une seule décision de justice définitive n’a été prononcée.

Aucune décision non plus n’a visé les revendications en matière de propriété formulées par les Serbes et les promesses de restitution des territoires qui leur ont été pris de force.

La résolution de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe du 22 janvier 2013 exprimait les préoccupations de l’Assemblée eu égard à la situation et à la sécurité de la communauté serbe, et appelait à des changements afin que soient réunies les conditions d’un retour pour les personnes déplacées. Rien ne montre que la situation a évolué dans le bon sens. Les Albanais qui sont montrés du doigt pour toutes sortes de problèmes ne sont responsables de rien. Ajoutez à cela ce qui se passe au Kosovo: la corruption, le trafic de stupéfiants, d’armes, de migrants, le blanchiment d’argent, et vous aurez une idée plus complète de la situation qui prévaut à l’heure actuelle dans ce pays.

La Serbie est résolument engagée sur la voie de la paix, du dialogue, de la démocratie et de l’Etat de droit. Dans l’intérêt de notre avenir, et dans l’espoir d’améliorer la situation au Kosovo et celle des Serbes et autres non-Albanais, Belgrade a signé un accord avec Pristina à Bruxelles. Malheureusement, la composante vitale de cet accord sur la création d’une association/communauté des municipalités à majorité serbe n’a toujours pas été mise en œuvre.

Nous voterons pour le projet de résolution puisque cela représente un point de départ dont nous espérons qu’il nous mènera à des réponses à des questions posées de longue date. Au cours des dix-sept dernières années, nous avons été les témoins de violences, de crimes visant les Serbes du Kosovo, la loi n’est pas respectée et la justice n’est pas rendue.

Cette résolution est une tentative qui vise à changer la donne. Nous avons suffisamment parlé, maintenant il faut passer aux actes!

(Sir Roger Gale, Vice-Président, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel)

M. MANNINGER (Hongrie)* – Ce rapport est tout à fait équilibré, et c’est également l’avis des responsables politiques serbes et des représentants du Kosovo.

Ce dernier est un Etat unique en son genre en Europe. Parmi ceux en âge de travailler, 58 % ne sont pas économiquement actifs. Le chômage a augmenté de 35 % en 2014 et celui de jeunes est passé à 61 %. C’est sans doute la raison principale pour laquelle nous constatons à la fin 2014, une hausse des migrations irrégulières vers l’Union européenne depuis le Kosovo.

Le rapport se concentre sur un certain nombre de questions clés: l’économie, la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’homme, la perspective européenne, la lutte contre la criminalité, le terrorisme et la corruption.

L’Union européenne a joué un rôle important avec la signature de l’Accord de Bruxelles sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. Nous devons écouter à la fois les points de vue kosovars et serbes et il faut que nous appelions les partenaires à mettre en œuvre l’Accord de Bruxelles. Nous devons soutenir sa mise en œuvre auprès de nos partenaires.

Par ailleurs, il nous faut soutenir la demande d’adhésion du Kosovo auprès d’instances et d’organisations internationales.

Je considère que l’adoption de ce rapport sera une nouvelle étape au service de la stabilité des Balkans occidentaux.

M. DOKLE (Albanie) – En premier lieu, je tiens à saluer l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la commission de questions politiques ainsi que son rapporteur pour l’attention et la bienveillance particulières qu’ils ont témoigné à l’égard des récents développements au Kosovo, le plus jeune Etat de l’Europe qui, neuf ans après la proclamation de son indépendance, a été reconnu par 34 Etats membres du Conseil de l’Europe et 110 Etats dans le monde.

Une excellente nouvelle pour le Kosovo est parvenue également du Parlement européen qui, il y a une semaine, a ratifié l’accord de stabilisation et d’association qui ouvre la voie de l’intégration du Kosovo au sein de la famille de la démocratie européenne.

C’est avec plaisir que nous constatons que l’Assemblée parlementaire «reconnaît les progrès réalisés par le Kosovo dans le domaine de la démocratie, spécialement avec l’organisation efficace et transparente en 2014 des élections législatives qui, pour la première fois, ont eu lieu dans tout le Kosovo et avec la participation des Serbes du Kosovo au scrutin».

Tout en appréciant le dialogue interétatique entre la Serbie et le Kosovo, on constate avec plaisir que, partout dans les Balkans, les gens et les hommes politiques ont compris que l’époque de la Grande-Serbie, de la Grande Albanie, de la Grande Bulgarie ou de la Grande Grèce est révolue une fois pour toutes. Aujourd’hui, c’est l’époque de la grande Europe démocratique, dont le Kosovo sera également une composante.

Il serait souhaitable, de la part de notre Assemblée et du Conseil de l’Europe, de mettre l’accent sur deux problématiques plus particulièrement qui, à ce jour, restent irrésolues.

D’une part, et c’est un fait reconnu, avant et après la guerre du Kosovo, les phalanges de Milošević, l’armée et la police serbes ont violé plus de 20 000 femmes. Aujourd’hui encore, les auteurs et responsables de ce massacre moral, spirituel et inhumain restent impunis.

D’autre part, à la fin de la guerre du Kosovo, 3 500 personnes étaient portées disparues, sans parler des morts. Seulement 1 100 personnes ont été identifiées, vivantes ou décédées dans les prisons serbes. 2 400 personnes sont donc encore portées disparues.

En ma qualité de membre de la commission de la culture je tiens à exprimer mon opinion personnelle sur le point 7.5.4 du projet de résolution, qui «assume la protection de tout le patrimoine culturel» en veillant particulièrement au patrimoine culturel des communautés non majoritaires, indépendamment du rejet de la demande d’adhésion du Kosovo à l’Unesco.

Je tiens à souligner que le terme «rejet» ne me semble pas approprié car la plupart des pays, à savoir 93 d’entre eux, ont voté pour l’adhésion du Kosovo et la majorité des deux tiers nécessaire à cette adhésion n’a pas été atteinte, par manque de trois voix. J’estime que ceux qui ont voté contre ont fait primer leurs intérêts politiques du jour sur la volonté de protection du patrimoine culturel, car on sait que ce patrimoine est et sera mieux protégé en étant membre de cette illustre organisation.

Le fait positif est que l’Otan, sur la base des résultats de la performance croissante des forces policières du Kosovo, a confié à cette dernière la protection de plus de 95 % des objets appartenant à l’Eglise orthodoxe serbe, ce qui d’ailleurs a été souligné également par des notes positives dans les conclusions du Conseil des questions générales pour l’élargissement de l’Union européenne.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Nous discutons aujourd’hui du Kosovo, et j’estime que le rapport est le juste reflet de la situation extrêmement complexe qui prévaut dans ce pays.

La présence du Kosovo sur la scène internationale n’est toujours pas acquise. En effet, la situation est très complexe. Un accord final sur le Kosovo entre les différentes parties en présence – y compris les pays membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne – n’est toujours pas acquis; de nombreux pays dans le monde ne reconnaissent toujours pas le Kosovo. Ce pays ne peut intégrer pleinement les institutions internationales. Par exemple, il n’est pas présent ici. On comprend aisément que cela empêche le Kosovo de s’exprimer comme un pays à part entière. Le Kosovo est un projet qui n’a pas encore abouti, et j’ai le sentiment que ce constat apparaît dans le rapport.

Il y a quelques années, lorsque nous avons évoqué la possibilité de reconnaître ce pays, nous étions plus optimistes que nous ne le sommes aujourd’hui. En effet, nous pensions que le Kosovo allait connaître un développement très rapide et qu’il allait embrasser les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Ma foi, et pour employer un euphémisme, nous sommes quelque peu déçus. Regardez les données disponibles sur le Kosovo: le niveau de corruption y est très élevé, il est très difficile pour les entreprises de fonctionner normalement, sans parler de l’état de la recherche et développement, ou encore de l’accès aux nouvelles technologies.

J’ai demandé à certains membres de notre Assemblée qui ne reconnaissent pas le Kosovo les raisons de leur position. Eh bien, les arguments qu’ils mettent en avant sont assez sérieux. Il n’y a donc pas eu de miracle au Kosovo, et le rapport est le reflet de ce constat. Je conseille aux autorités du Kosovo de lire ce rapport de très près et d’essayer de comprendre que rien n’est simple, que rien ne se fait tout seul. C’est un peu comme un étudiant qui prépare un examen dans l’idée de le réussir: il y a une liste de choses à faire. Eh bien, il faut que le Kosovo regarde de près la liste de choses à faire qui se trouve dans le rapport et qu’il la prenne très au sérieux. Je remercie donc M. Conde pour son travail et j’espère que les autorités du Kosovo auront la sagesse de suivre attentivement nos débats.

Mme GÜNAY (Turquie)* – Le rapport préparé par M. Conde sur les relations entre le Kosovo et le Conseil de l’Europe se focalise sur la question des droits de l’homme et de la qualité de vie des citoyens kosovars. Je remercie M. Conde pour ses efforts. La paix et la stabilité durables dans les Balkans ne peuvent être obtenues que s’il y a une paix, une stabilité et un développement durables au Kosovo. Cela passe par un dialogue et par l’intégration de ce pays dans la communauté internationale. Il est donc important de renforcer les mécanismes de coopération dans les plates-formes multipartites. Je pense d’ailleurs que ce rapport aura un effet positif sur ce processus.

Toutefois, on ne trouve dans ce rapport aucune expression félicitant le gouvernement de Pristina pour ses efforts et l’encourageant à les poursuivre. Au contraire, il y a même des expressions décourageantes. La communauté internationale doit adopter une attitude constructive dans ses relations avec le Kosovo et faire abstraction des difficultés dans ce pays: les efforts consentis par le Gouvernement du Kosovo doivent être soutenus et encouragés.

C’est seulement si nous avons une telle attitude que nous pourrons contribuer effectivement au développement démocratique et institutionnel de ce pays. Dans le projet de résolution contenu dans le rapport, il est fait référence aux points qui ont été déterminés dans le processus de dialogue entre Belgrade et Pristina, ainsi qu’à l’accord signé avec le Monténégro, et aux protestations qui se sont élevées.

Le rapport met en évidence les insuffisances de certains acteurs politiques. Cependant, écrire que les forces politiques ne sont pas capables de nouer un dialogue constructif me paraît assez décourageant et de nature à porter atteinte aux efforts accomplis jusqu’à présent. J’espère donc que vous allez soutenir l’amendement que nous avons présenté à cet égard.

Mme LESKAJ (Albanie)* – Je voudrais tout d’abord remercier M. Conde, malgré son absence, pour son engagement. Il a préparé un rapport et un projet de résolution équilibrés. Ce faisant, il nous donne une image plus claire de la situation actuelle, mais il offre aussi une perspective optimiste.

Le rapport renforce notre conviction que la consolidation de la démocratie à partir des institutions bâties au Kosovo représente un processus irréversible. L’organisation d’élections en 2014 s’est révélée conforme aux normes démocratiques. La poursuite du dialogue – si important – avec Belgrade en est un autre témoignage, ainsi que la mise en œuvre de tous les accords conclus entre Pristina et Belgrade.

Ces éléments prouvent non seulement la maturité politique de ce pays, mais également son sens de la responsabilité afin de parvenir à des institutions démocratiques. La création récente d’une cour spéciale – mettant ainsi en œuvre la résolution du Conseil de l’Europe – est un autre élément qui alimente, même chez les plus sceptiques, l’espoir d’un avenir pour le Kosovo. C’est grâce à une coopération avec le Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit que tout cela a été possible. La signature et la ratification de l’accord d’association avec l’Union européenne sont un autre résultat des efforts faits au Kosovo. Quant au processus d’adhésion du pays à l’Unesco, il n’a manqué que trois voix pour qu’il aboutisse. Malgré cela, il a quand même eu des effets positifs.

Au demeurant, un certain nombre d’objectifs communs ont été atteints: le Kosovo est ainsi devenu membre à part entière de la Commission de Venise. Par ailleurs, l’adoption du document établissant la coopération entre le Kosovo et le Conseil de l’Europe, qui définit les principaux domaines de cette coopération, va permettre au pays de bénéficier de l’application des normes du Conseil de l’Europe. Je pense, à ce stade, que le Conseil de l’Europe a un rôle encore plus important à jouer dans ce pays, dans l’intérêt non seulement du peuple du Kosovo, mais aussi de la stabilité de l’ensemble de la région.

J’appuie donc pleinement les conclusions du projet de résolution qui ouvre la voie d’un progrès qualitatif et élargit le cadre de la coopération entre le Kosovo et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il s’agit d’encourager le Kosovo dans son processus d’intégration européenne et de poser un jalon pour la stabilisation des Balkans et de l’Europe. C’est particulièrement important, car le Kosovo travaille à renforcer l’Etat de droit, les droits de l’homme et la démocratie, valeurs clés du Conseil de l’Europe.

M. NIKOLOSKI («L’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – Je soutiens le rapport de M. Conde et je suis désolé qu’il ne puisse être des nôtres aujourd’hui pour en discuter. Ce rapport traite d’un de plus jeunes Etats d’Europe. Et si l’histoire des Balkans est intrinsèquement liée à l’évolution des points de vue politiques dans la région, nous devons indéniablement regarder vers l’avenir.

Le Kosovo fait face à de multiples défis. Fonder un nouveau pays n’est pas chose aisée, tout comme il n’est pas aisé de respecter certaines normes. Le dialogue avec Belgrade doit être une priorité absolue. Ce n’est que par le dialogue et une compréhension mutuelle entre Pristina et Belgrade qu’une stabilité durable pourra s’instaurer.

Toutes les nationalités doivent être respectées au Kosovo: les Albanais, les Serbes, les Roms, mais également les Gorani, une minorité de Macédoniens d’origine musulmane. Leur culture, leur langue et leur mode de vie doivent, elles aussi, être respectées.

La Macédoine a reconnu le Kosovo comme un Etat indépendant. Pourtant, depuis de nombreuses années, 24 personnes soupçonnées de terrorisme en Macédoine n’ont pas été officiellement mises en accusation et traduites devant la justice. C’est inacceptable et j’appelle instamment les autorités du Kosovo à se préoccuper de cette situation dans les meilleurs délais. Par ailleurs, il y a, en Macédoine, une population qui a quitté le Kosovo après la guerre, en 1999, et qui ne peut y retourner – il s’agit principalement de Roms.

En 1999, la Macédoine a accueilli 300 000 réfugiés, ce qui représente aujourd’hui 15 % de notre population – nous ne sommes que 2 millions d’habitants –, dans les meilleures conditions humanitaires possibles. Je vous demande de ne pas l’oublier, alors même que nous sommes en train de débattre sur les relations entre les pays des Balkans.

Dans les Balkans, les frontières n’ont pas toujours été définies de manière très logique: des Macédoniens vivent en Grèce, en Bulgarie ou en Albanie; des Albanais vivent en Albanie, en Macédoine ou en Grèce; des Serbes vivent en Macédoine, au Monténégro… C’est la raison pour laquelle nous devons voir au-delà de ces frontières, coopérer et nous tendre la main.

M. VASILI (Albanie)* – Au nom de l’Albanie, je voudrais apporter mon soutien à ce rapport tout à fait équilibré pour un sujet aussi complexe.

Il est important de souligner de manière objective les progrès réalisés par le Kosovo. La philosophie de notre Assemblée veut que nous encouragions les autorités kosovares qui ont été élues par le peuple. Et nous espérons qu’avec notre soutien et nos encouragements, la gouvernance du Kosovo se renforcera, ce qui serait prometteur pour l’avenir du pays.

Des avancées importantes doivent être soulignées: la signature de l’Accord d’association avec l’Union européenne, qui est une démonstration manifeste des progrès réalisés par le Kosovo, ainsi que le dialogue entre Pristina et Belgrade. Ce dialogue indispensable doit être rationnel, le Kosovo étant un Etat indépendant. Pristina doit entretenir de bonnes relations avec tous les pays des Balkans.

Je n’ai pas pour habitude de chercher les causes de telle ou telle action, commis par tel ou tel parti, car pointer du doigt n’a jamais été productif. Nous avons besoin d’un dialogue ouvert, non empreint de nationalisme excessif. Je vous invite donc tous à considérer de façon positive – et non pas avec un regard critique – les progrès qui ont été réalisés par le Kosovo. C’est un pays jeune, confronté à des problèmes graves, un pays qui doit se consolider.

Que le Kosovo devienne membre de notre Assemblée serait une grande étape pour l’avenir. Ce serait utile non seulement pour le Kosovo lui-même, mais également pour la poursuite du dialogue dans la région. Ce serait également une démonstration que notre Assemblée prend des mesures importantes et qu’elle sait se montrer ouverte quant à l’intégration de nouveaux pays.

Je soutiens ce rapport, dont la conclusion est essentielle.

M. BYLYKBASHI (Albanie)* – Le projet de résolution sur le Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe dont nous discutons aujourd’hui est important pour le progrès de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme au Kosovo. Je félicite M. Conde, bien qu’il ne soit pas parmi nous aujourd’hui, pour son rapport objectif et équilibré.

La Kosovo est un Etat indépendant, c’est un fait. Son indépendance est reconnue par 111 pays à ce jour, et leur nombre ne fera que croître.

La signature de l’Accord d’association avec l’Union européenne est un important pas en avant sur la voie de la consolidation de ce nouvel Etat en Europe. Mais renforcer la démocratie est aussi important que la reconnaissance de l’indépendance. Telle est bien la tâche de notre Assemblée: promouvoir le progrès vers la démocratie.

C’est bien ce que fait le Kosovo. Au demeurant, ce rapport est une preuve des progrès réalisés par le Kosovo sur la voie de la création d’institutions d’Etat, mais aussi sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l’homme, même si des problèmes subsistent, comme le souligne le rapport.

Des centaines de milliers de personnes ont été chassées du Kosovo. Les années 1998-1999, ont connu des massacres en masse. Ces événements semblent aujourd’hui se situer à des années-lumière.

La démocratie au Kosovo signifie plus de stabilité dans la région.

Le projet de résolution rédigé par le rapporteur était initialement objectif et équilibrée, mais certains amendements apportés au texte en décembre dans le cadre de la commission des questions politiques ont pris en compte des intérêts partiaux. Je pense notamment aux amendements aux paragraphes 7.4, 7.5 et 8. C’est pourquoi aujourd’hui, il nous faudra à nouveau en débattre.

Je m’attacherai plus particulièrement au paragraphe 8. L’appel à la Minuk d’améliorer ses capacités d’action avec Interpol et Europol n’est pas réaliste, car la Minuk a réduit ses capacités en raison des progrès réalisés par le Kosovo, entre autres, dans le domaine du maintien de l’ordre.

Nous connaissons le rôle de la Minuk en ce qui concerne le respect du droit dans ce pays. Le paragraphe 8 du projet de résolution évoque la Minuk alors que ce sont les autorités du Kosovo qui sont principalement concernées. Maintenir ce paragraphe en l’état, créerait la confusion. Nous proposerons un amendement visant à permettre à l’ensemble des autorités compétentes du Kosovo de coopérer entre elles et d’améliorer leur coopération avec Interpol et Europol. Cela donnerait une plus grande efficacité à la lutte contre la criminalité au Kosovo. Parler uniquement de la Minuk conduirait à des controverses ce qui n’est pas l’objectif du projet de résolution de notre Assemblée. Je vous demande donc d’être prudents lorsque vous approuverez les amendements et de bien vouloir soutenir les nôtres.

M. LE BORGN’ (France) – Je souhaite, à mon tour, rendre hommage au travail effectué par Agustin Conde, notre rapporteur, et lui souhaiter le meilleur au moment où il quitte notre Assemblée.

Député représentant les Français établis dans les Balkans et familier à ce titre des réalités multiples du Kosovo, je salue tout particulièrement l’effort louable d’équilibre accompli par M. Conde dans l’exercice peu aisé de sa mission.

Si le Conseil de l’Europe – dont tous les Etats membres n’ont pas à ce stade reconnu le Kosovo comme un Etat souverain – se tient de ce fait à une neutralité quant au statut, un précieux travail de conviction et d’assistance est déjà effectué par notre Organisation sur le terrain, en particulier dans les domaines de la démocratie, des libertés et des droits de l’homme. Des progrès ont, de fait, été réalisés: je pense notamment à l’organisation des élections législatives du printemps 2014, auxquelles ont participé les Serbes du Kosovo, à l’amélioration de la sécurité et aux réformes constitutionnelles qui ont ouvert le chemin vers la création de chambres spécialisées, dont la tâche pourrait être d’engager des poursuites sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafics illicites d’organes dont il a été question dans un passé récent.

Le rapport de M. Conde appréhende également les nombreux obstacles qui demeurent et qu’il convient d’évoquer: l’immaturité d’une classe politique volontiers clivante, qui empêche une majorité stable de se dessiner durablement et ainsi de gouverner; le niveau toujours élevé de discours et d’actes de haine motivés par l’ethnicité; la corruption redoutable qui mine la confiance dans la vie publique, jouant clairement contre le développement économique d’un pays et plus encore d’une jeunesse qui en ont pourtant urgemment besoin.

Le défi du Kosovo est de construire un appareil productif qui valorise les richesses de son territoire afin de réduire le chômage, de même que la dépendance de l’aide extérieure et des transferts de la diaspora.

À ces difficultés, je veux ajouter la liberté de circulation encore insuffisante, en particulier dans le nord du Kosovo. Je souhaite insister également sur la nécessité de poursuivre toutes les violations des droits, d’où qu’elles viennent. Je me permets enfin de regretter l’échec in extremis de la candidature kosovare à l’Unesco, dont je pense qu’elle aurait sincèrement apporté les éléments nécessaires de sécurité quant à la protection du riche patrimoine religieux du Kosovo dans sa totale diversité.

Le Kosovo a besoin du Conseil de l’Europe dans tous les domaines où notre Organisation possède une expertise reconnue. Il est clair que la perspective à terme de l’adhésion au Conseil de l’Europe doit être envisagée et dès à présent posée, ne serait-ce que parce que l’un des enjeux importants est l’accès des Kosovars à la Cour européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe doit se tenir prêt à offrir, via la Commission de Venise, toute l’aide nécessaire sur le volet constitutionnel et plus encore sur le volet électoral. De son côté, le Kosovo doit mettre en œuvre les recommandations adressées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, par le Groupe d’experts sur la traite des êtres humains et le Comité consultatif de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales. Là se trouve la coopération nécessaire entre le Conseil de l’Europe et le Kosovo pour que ce beau et riche territoire s’émancipe par la liberté, l’Etat de droit, la croissance économique et, plus que tout, la réconciliation.

M. ÖNAL (Turquie)* – La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont reconnu le Kosovo, mais peu nombreux sont ceux qui le connaissent en profondeur.

Je me suis rendu à deux reprises à Pristina et à Prizren au cours des six derniers mois. J’ai pu constater personnellement des développements importants, qui sont également notés dans le rapport. Le processus de normalisation avec la Serbie est en cours et les efforts consentis par le Kosovo pour progresser dans le sens de la démocratie sont importants.

Notons également que la situation au plan de la sécurité s’améliore et que les élections se sont déroulées dans une atmosphère fiable et transparente. La législation relative à l’indépendance de la justice, à l’égalité des genres et à la lutte contre la corruption a progressé – tous développements dont nous devons nous satisfaire.

D’autres développements à réaliser figurent dans le rapport. Je pense qu’il serait intéressant que le Kosovo rejoigne l’Union européenne au même titre que les autres pays des Balkans, pour contribuer ainsi à la stabilité à la fois des Balkans et de l’Europe.

Je soutiens l’appel au renforcement du dialogue avec le Parlement du Kosovo, tel que prévu dans le rapport. À cet égard, je félicite M. Conde pour son rapport extrêmement positif et complet.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doit également être en contact et en coopération avec les gouvernements et avec le parlement de la région pour améliorer le développement de la démocratie et de la stabilité dans cette région des Balkans.

Lorsque l’on formule des critiques ou des propositions aux pays de cette région, il convient de prendre garde à ne pas développer des discours susceptibles d’aliéner les populations, les gouvernements des régions concernées, il faut éviter les paroles blessantes. C’est pourquoi notre Assemblée doit poursuivre un dialogue constructif avec le Kosovo pour l’encourager à devenir un membre à part entière de la famille européenne et l’aider à progresser sur cette voie. Ce serait un élément extrêmement important pour la stabilité de la région.

Je conclus en disant que je soutiens sincèrement ce rapport.

M. ROUQUET (France) – Le Conseil de l’Europe et notre Assemblée ont toujours eu à cœur d’encourager l’évolution du Kosovo vers les standards européens, vers l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Le rapport très fouillé de M. Conde, dont je salue le travail, détaille tout le chemin qui reste à parcourir. Je voudrais pour ma part souligner que beaucoup a déjà été fait et je rends aussi hommage sur ce point à l’action positive de la Serbie. Notre rapporteur souligne d’ailleurs que, depuis «2013, le dialogue politique entre Pristina et Belgrade s’est nettement amélioré, ce qui a eu des effets positifs sur le terrain» et sur leurs perspectives d’intégration dans l’Union européenne. Dans l’immédiat, j’approuve totalement la proposition du rapporteur d’intensifier le dialogue entre notre Assemblée et l’Assemblée du Kosovo.

Peut-être faudrait-il même aller au-delà? Ne pourrions-nous pas avoir recours au statut d’invité spécial, qui a justement été créé pour préparer l’intégration au Conseil de l’Europe des nouveaux membres? Par le passé, cette procédure fut utilisée avec succès; elle offre une perspective positive tout en incitant l’Etat qui en bénéficie à déployer d’importants efforts pour répondre progressivement aux attentes du Conseil de l’Europe. Il ne reste plus que deux Etats de notre continent qui n’appartiennent pas à notre Organisation, le Kosovo et le Bélarus.

Le Bélarus, qui obtint autrefois ce statut, semble s’en éloigner de plus en plus. En revanche, le Kosovo me semblerait un candidat idéal à ce statut. Et la stabilité de la région en serait renforcée.

Une attitude positive à l’égard de Kosovo ne peut qu’encourager ce pays à faire les progrès qui s’imposent afin de garantir la «sécurité démocratique» que notre rapporteur appelle de ses vœux. Les priorités doivent en effet être la lutte contre la corruption, l’indépendance de la justice et le respect des différentes communautés entre elles.

La nécessité d’un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition s’impose à l’évidence, et ce d’autant plus qu’il est loin d’exister dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Le boycott du parlement par l’opposition est l’une de ces pratiques regrettables qu’il y a lieu de proscrire. Pire encore, le fait pour la nouvelle majorité d’engager systématiquement des poursuites judiciaires contre les anciens titulaires du pouvoir est évidemment désastreux. Ce dialogue constructif est d’autant plus difficile que la démocratie ne peut consister à faire tout ce qui n’est pas interdit. Le respect de l’autre ne peut être totalement codifié. C’est avant tout une question de pratique et de culture politique et je pense que l’Assemblée peut jouer un rôle positif pour faire évoluer l’une et l’autre dans le bon sens.

Mes chers collègues, je réitère pour finir le vœu que l’Assemblée accorde le statut d’invité spécial au Kosovo.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Je voudrais commencer par remercier le rapporteur et la commission pour ce rapport. Il est important de ne pas oublier le Kosovo lorsque nous évoquons la situation des droits de l’homme en Europe. Le Kosovo a été déchiré par plusieurs conflits. Son statut fait l’objet de nombreux débats. En tant que responsables politiques, nous avons le devoir d’assumer nos responsabilités. Nous sommes les défenseurs des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit.

Le Kosovo est doté d’une population extrêmement jeune. Il se situe dans une région marquée par l’instabilité et les guerres. Aujourd’hui, nous devons nous engager dans un travail constructif et redonner l’espoir d’un avenir meilleur au peuple kosovar. Certes, les difficultés internes sont grandes dans cet Etat, mais des solutions politiques et démocratiques peuvent et doivent être trouvées. Le Conseil de l’Europe offre de nombreux instruments juridiques qui pourraient permettre au peuple du Kosovo et à son gouvernement d’atteindre les objectifs de notre Organisation en matière de droits de l’homme. Ce serait bénéfique pour toutes les parties et surtout pour les Kosovars.

Depuis la guerre, la situation du Kosovo a évolué dans le bon sens, bien que de nombreux problèmes subsistent. L’une des grandes réussites du processus engagé par la communauté internationale a été la mise en place d’autorités fonctionnelles et le transfert des pouvoirs des Nations Unies à la mission européenne Eulex. C’est un processus tout à fait essentiel sur la voie de la stabilisation du Kosovo. Cet Etat doit être capable de défendre un jour par lui-même l’Etat de droit.

J’espère que l’Assemblée soutiendra ce rapport, ainsi que les amendements 3, 8, 9, 4, 10, 5, 6, 7 et 2, présentés par plusieurs de mes collègues et par moi-même.

Mme JONICA (Monténégro)* – J’appartiens à une grande majorité de citoyens du Monténégro qui désapprouvent la décision de notre gouvernement de reconnaître le Kosovo en tant qu’Etat indépendant. La reconnaissance du Kosovo par d’autres Etats a été une très mauvaise chose à mes yeux. Ce rapport en apporte la preuve de manière éclatante. Le Kosovo a le plus haut taux de criminalité organisée, sans parler de la corruption du système judiciaire, de la criminalité économique et des atteintes au patrimoine culturel de la minorité serbe. Les exemples sont aussi nombreux de spoliations des biens de l’Église orthodoxe.

Il existe de nombreux réfugiés du Kosovo au Monténégro. Les populations du Kosovo ne vivent pas en démocratie non pas à cause de la Serbie, mais à cause de leur propre gouvernement.

Je veux, pour finir, souligner l’importance de la mise en œuvre de l’accord mentionné dans le rapport sur l’association des municipalités à majorité serbe.

LE PRÉSIDENT*– Mme Mehmeti Devaja, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée. J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste 8 minutes pour répondre aux orateurs.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – Merci beaucoup de vos interventions, qui sont autant de contributions très utiles au rapport de M. Conde et témoignent du respect mérité que son travail inspire à nombre de collègues.

Vous avez été nombreux à saluer un rapport très équilibré; or cet équilibre est essentiel quand il s’agit d’évoquer la situation actuelle du Kosovo et de proposer des éléments de solution. Dans son rapport, M. Conde met en effet le doigt sur les progrès comme sur les défis à relever.

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, la situation au Kosovo s’est améliorée dans plusieurs domaines, même si les progrès restent limités et doivent encore être consolidés.

Faire davantage respecter l’Etat de droit, lui donner forme concrète me semblent être la priorité absolue. Cela aurait des retombées très positives sur le quotidien de la population, à quelque communauté qu’elle appartienne.

Vous avez été nombreux à en parler, le climat politique au Kosovo est de plus en plus tendu et plusieurs élus ont montré qu’ils n’avaient pas la capacité ou la volonté de mener des pourparlers dans un esprit constructif et dans le respect des règles de la démocratie parlementaire. Cette détérioration de la vie politique, le recours à la violence en particulier, sont des sujets de vive préoccupation, comme vous l’avez dit; l’Assemblée devra suivre très attentivement l’évolution de cette situation au cours des mois à venir.

Bâtir la confiance: voilà qui devrait aussi être une priorité pour les autorités du Kosovo. Cela vaut des relations entre communautés comme de la confiance de la population en des institutions crédibles, qui donnent forme à la démocratie, à la justice et à la protection des droits de l’homme, dans le respect des normes européennes.

C’est en 2013 que l’Assemblée s’est prononcée pour la dernière fois sur la situation au Kosovo. Depuis lors, il y a eu d’importantes améliorations, s’agissant notamment du dialogue politique entre Pristina et Belgrade. Les effets sur le terrain ont été très positifs, en particulier du point de vue de l’intégration européenne des deux parties en présence. Cette évolution me paraît essentielle: elle va contribuer à stabiliser toute la région des Balkans occidentaux.

En conclusion, je suis certain que ce rapport contribuera à améliorer la capacité du Kosovo à promouvoir la sécurité démocratique et à la faire respecter. J’appelle donc chacun d’entre vous à le soutenir, ainsi que le projet de résolution.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions politiques et de la démocratie a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission souhaitait proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 3, 2 et 7, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1. J’ai cru comprendre que M. Dişli souhaitait le retirer.

M. DİŞLİ (Turquie)* – C’est exact, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 1 est retiré.

Je suis saisi de l’amendement 8.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Il n’appartient pas à notre Assemblée de faire une différence entre les divers accords conclus entre Belgrade et Pristina: c’est aux deux parties d’en décider le cas échéant.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Je suis opposée à cet amendement. L’Accord de Bruxelles a été signé il y a trois ans. Le volet qui n’est pas encore mis en œuvre concerne la mise en place de l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe. Il y a des parlementaires qui lancent des bombes lacrymogènes dans le Parlement pour empêcher sa ratification! Cet accord qui garantit des droits élémentaires à la minorité serbe est appuyé par l’Union européenne. Voilà pourquoi je vous demande de rejeter l’amendement.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 9.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Cet amendement tend à remplacer le mot «rejet» par le mot «issue». Le terme de «rejet» est un peu trop dur: nous le savons tous, la demande d’adhésion du Kosovo à l’UNESCO a quasiment été adoptée puisque trois voix seulement ont fait défaut.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Je suis contre l’amendement. Avant le vote à l’Unesco, c’était bien le mot «issue» qui figurait dans le rapport, mais la commission des questions politiques l’a corrigé après le vote. En effet, un rejet est un rejet: c’est le résultat du vote. Que l’on s’en réjouisse ou non, c’est la réalité. Or ce sont des réalités que ce rapport doit présenter.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4, qui fait l’objet du sous-amendement 1.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – Je présenterai en même temps l’amendement et le sous-amendement. En effet, le sous-amendement est purement technique: le Kosovo ne peut pas «ratifier» la Convention du Conseil de l’Europe ici visée. Le sous-amendement ne modifie pas l’objectif de l’amendement, mais le corrige pour des raisons juridiques. Il a été approuvé par la commission.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Jensen, pour éclaircissement, vous venez de présenter le sous-amendement, mais avez-vous également présenté l’amendement?

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – Oui, l’amendement également.

Le sous-amendement 1 est adopté.

L’amendement 4, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Je suis saisi de l’amendement 10.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Il s’agit d’un amendement factuel car beaucoup d’autorités sont passées des mains de la Minuk aux mains d’autres autorités, notamment kosovares. Nous reviendrions ainsi en arrière par rapport aux progrès qui ont été réalisés.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au sous-amendement 1.

M. BYLYKBASHI (Albanie)* – Dans ce sous-amendement, notre intention est d’utiliser une terminologie englobant toutes les autorités compétentes se trouvant sur le territoire du Kosovo pour traiter de toutes les questions mentionnées dans le paragraphe et qui sont liées à Interpol et à Europol.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Ce sous-amendement modifie les termes pour créer la confusion. Ce matin, en commission, nous avons voté contre l’amendement 10 et le sous-amendement ne change rien. Nous sommes donc totalement contre et le sous-amendement, et l’amendement.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Je suis pour ce sous-amendement.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – La commission n’a pas pris position sur ce sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – J’aimerais vous rappeler que la Résolution des Nations Unies 1244 est toujours en vigueur. Le Kosovo ne peut pas coopérer directement avec Interpol parce qu’il n’en est pas membre. La résolution encourage les autorités de Pristina à utiliser les mécanismes disponibles déjà en place: le Kosovo ne devrait donc pas utiliser des mécanismes qui ne lui sont pas accessibles. Cela n’étant pas applicable, je vous invite donc à dire non, comme la commission des questions politiques l’a fait.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 10, sous –amendé, n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT *- Je suis saisi de l’amendement 5.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Il s’agit d’ajouter ici «, y compris les organisations représentant les femmes.» parce que cela a posé problème par le passé. Cela permettrait donc aux femmes de faire entendre leur voix au Kosovo.

LE PRÉSIDENT – La commission a déposé un sous-amendement 1.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – Il s’agit en fait de mettre l’accent sur la participation des femmes.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – La commission est pour l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 5, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

M. GUNNARSSON (Suède)* – C’est conforme à ce que nous avons présenté précédemment. Il s’agit de donner plus de pouvoir et d’influence aux femmes dans la démocratie du Kosovo.

LE PRÉSIDENT* – Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement 1.

Mme LESKAJ (Albanie)* – Nous avons un président qui est une femme, un gouvernement avec des femmes, un pouvoir judiciaire et des décideurs qui comprennent des femmes: on ne peut donc pas dire «commencer à». Au lieu de «en commençant par nommer des femmes…», je propose donc d’écrire «en renforçant la nomination…». Il y a toujours une marge pour améliorer les choses, et nous avons 30 % de femmes au parlement.

M. GUNNARSSON (Suède)* – J’y suis favorable.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – La commission est pour également.

Le sous-amendement 1 est adopté.

M. Mogens JENSEN (Danemark), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 6, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13939, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (110 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions).

3. Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?
(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint.

Nous entendrons d’abord la présentation par Mme Reps du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur «Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe» (Doc. 13943).

Ensuite, M. Cruchten présentera le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» (Doc. 13940).

Dans la mesure où nous devons terminer nos travaux à 20 heures, nous interromprons la liste des orateurs à 19 h 25. Je vous rappelle que le temps de parole des orateurs a été limité à quatre minutes.

Les rapporteurs disposent d’un temps de parole total de treize minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Mme REPS (Estonie), rapporteure de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Notre commission suit la situation des défenseurs des droits de l’homme depuis un certain nombre d’années. Le précédent rapporteur sur le sujet, M. Holger Haibach, a présenté un rapport en 2009 et j’en ai moi-même déjà présenté un en mai 2012, sur la base duquel notre Assemblée a adopté la résolution 1891.

Dans mon précédent rapport, j’identifiais les types de représailles subies par les défenseurs des droits de l’homme: obstacles à leur travail, attaques contre leur intégrité physique ou mentale, arrestations et détentions arbitraires, poursuites judiciaires sur la base de chefs d’accusation fabriqués, barrières administratives, diffamations publiques, restrictions à la liberté de mouvement et aux financements, pressions illicites sur les requérants auprès de la Cour européenne des droits de l’homme... Les activistes travaillant sur des sujets sensibles, tels que des enquêtes sur les crimes commis par de hautes personnalités ou encore la défense des droits des personnes LGBT, des migrants ou des membres de minorités ethniques ou nationales, sont souvent la cible de telles représailles.

Malheureusement, tous ces problèmes demeurent. Ces dernières années, la situation des droits de l’homme est devenue très précaire dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe.

De nombreux militants azerbaïdjanais ont fait l’objet d’arrestations arbitraires et, dans certains cas, de condamnations. La plupart de nos partenaires, dont des personnes que j’ai rencontrées à plusieurs reprises, à Strasbourg ou ailleurs, tels que M. Rasul Jafarov, M. Intigam Aliyev, Mme Khadiya Ismayilova, sont aujourd’hui derrière les barreaux. A la fin du mois de décembre, le journaliste Rauf Mirgadirov a été condamné à une peine de six ans d’emprisonnement. Mme Leyla Yunus a passé un an et demi en détention arbitraire; elle a été relâchée sur des bases humanitaires le 9 décembre dernier, un jour après l’adoption par notre commission du présent rapport. Elle est cependant en liberté conditionnelle et les charges pesant contre elle, dont la haute trahison, demeurent. Son mari, Arif Yunusov, a été relâché en novembre. Ils sont tous les deux dans un état de santé précaire. Emin Huseynov, que nombre d’entre nous ont connu à Strasbourg, a passé dix mois à l’ambassade suisse de Bakou et vit aujourd’hui en exil en Suisse.

En Russie, de nombreuses ONG se voient empêcher de travailler à cause de la législation relative aux «agents étrangers». Ce problème est décrit en détail dans le rapport de M. Cruchten.

Je suis également préoccupée par les évolutions en Turquie, où de nombreux défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés pour de prétendues activités terroristes, parce qu’ils militaient en faveur des droits de l’homme ou travaillaient sur les questions kurdes. Le 30 novembre, l’éminent défenseur des droits de l’homme Tahir Elçi a été tué dans un échange de tirs entre la police et des hommes non identifiés. Il y a quelques jours, 19 universitaires, ayant émis des critiques contre les opérations militaires dans le sud-est du pays, ont été arrêtés.

Des militants d’autres pays ont fait l’objet de harcèlement administratif ou judiciaire ou de campagnes de dénigrement dans les médias. Les défenseurs des droits de l’homme travaillant dans certains territoires, comme la Transnistrie ou l’est de l’Ukraine, se plaignent de ne plus pouvoir y accéder. Des membres de l’association moldove Promo-Lex, par exemple, ne peuvent entrer en Transnistrie sous peine d’être condamnés à quinze ans d’emprisonnement.

Ainsi, un très grand nombre de défenseurs des droits de l’homme payent un prix élevé du fait de leur travail. Certains le payent même de leur vie, et il faut que ces cas donnent lieu d’urgence à des enquêtes.

Le Conseil de l’Europe doit en faire davantage, par exemple en créant un mécanisme de protection contre ces représailles. C’est ce qu’ont fait d’autres organisations internationales. L’Union européenne fournit une assistance financière considérable, notamment dans le cadre d’un nouveau système d’aide en direction des défenseurs à haut risque. L’OSCE invite les défenseurs des droits de l’homme à ses réunions sur la mise en œuvre des engagements concernant la dimension humaine (HDIM). Les Nations Unies publient un rapport annuel sur les cas de représailles.

Les Nations Unies ont un rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et établissent un rapport annuel sur les cas de représailles contre eux.

En l’occurrence, il est regrettable que le Conseil de l’Europe n’ait pas de mécanisme pour suivre les cas individuels de représailles contre les défenseurs des droits de l’homme. La commission des questions juridiques ne peut malheureusement pas assurer le suivi des cas individuels. Nous étudions donc l’idée d’avoir un rapporteur général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. Cette idée a été accueillie chaleureusement par de grandes ONG des droits de l’homme et j’espère que nous arrivons à la conclusion qu’une telle fonction est nécessaire.

Dans le projet de résolution, je propose que l’Assemblée parlementaire en appelle à ses Etats membres pour qu’ils s’abstiennent de tout acte d’intimidation ou de représailles vis-à-vis des défenseurs des droits de l’homme et qu’ils leurs garantissent un bon environnement de travail. Dans le projet de recommandation, nous proposons que le Comité des Ministres prenne des mesures en vue de renforcer la protection des défenseurs des droits de l’homme – en créant, par exemple, une plate-forme telle que celle que nous avons créée pour les journalistes – et fasse régulièrement et publiquement rapport à l’Assemblée sur les cas individuels de répression.

En outre, nous-mêmes en tant que parlementaires devrions faire de notre mieux pour donner aux défenseurs des droits de l’homme une protection adéquate. Notre Assemblée a utilisé la diplomatie parlementaire pour se battre contre les cas d’intimidation des défenseurs, mais nous pourrions faire bien plus!

LE PRÉSIDENT* – Madame la rapporteure, il vous restera 5 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

M. CRUCHTEN (Luxembourg), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux rapports concernant la situation précaire de la société civile dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Le rapport de Mme Reps met essentiellement l’accent sur les cas individuels d’intimidation de défenseurs des droits de l’homme. Quant à mon rapport, il apporte un éclairage sur les restrictions inadéquates contre les activités des ONG, découlant notamment de changements législatifs récents en Azerbaïdjan et en Fédération de Russie.

Ces changements sont inquiétants pour des pays à la recherche d’une société civile libre. Nous nous accordons tous sur le fait que pour qu’une démocratie fonctionne, il faut, entre autres, la liberté de la presse et une société civile dynamique. Et, parfois, en des temps difficiles, il est bon de rappeler certains principes clés.

Lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe, les Etats membres se sont engagés à assurer le respect du droit à la liberté d’assemblée, d’association, de réunion, à la liberté d’expression telle qu’exposée dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Conseil de l’Europe a élaboré des normes très précises en la matière. Je citerai, à cet égard, la recommandation du Comité des Ministres sur les organisations non gouvernementales et leur statut juridique en Europe ainsi que les «Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association» adoptées par la Commission de Venise et le Bureau international des droits de l’homme de l’OSCE, le BIDH. Cette recommandation définit les ONG comme étant des organes ou des organisations autonomes dont les fondateurs et les membres définissent des objectifs à but non lucratif. Cette recommandation du Comité des Ministres définit également les normes a minima que les Etats membres doivent respecter lors de l’élaboration d’une législation concernant les ONG.

Il est donc d’autant plus dérangeant de constater que des restrictions toujours plus nombreuses sont appliquées aux activités des ONG dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Nous avons identifié des problèmes concernant la législation sur le statut, l’inscription, les obligations et sur l’accès à des fonds étrangers des ONG.

En Azerbaïdjan, une législation restrictive sur les ONG a été critiquée par la Commission de Venise. Cette législation a conduit à l’incrimination d’activités des défenseurs des droits de l’homme. Certains militants, accusés de fraude, d’évasion fiscale ou encore de commerce illégal, purgent aujourd’hui de longues peines de prison. Je ne citerai que quelques noms, que nous connaissons bien: Anar Mammadli, qui a remporté le prix des droits de l’homme Vaclav Havel de notre Assemblée; l’avocat Intigam Aliyev ou encore le militant Rasul Jafarov.

Nombre d’organisations de défense des droits de l’homme ont dû fermer la porte à cause du harcèlement administratif ou du gel de leurs actifs. Malheureusement, de nouvelles restrictions ont été récemment imposées aux ONG en Azerbaïdjan. Ainsi, fin décembre 2015, une nouvelle loi a été adoptée exigeant que soit enregistrée toute subvention étrangère auprès du ministère des finances.

Dans ce contexte, je me félicite tout particulièrement de l’enquête spéciale récemment lancée par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Jagland, sur la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme en Azerbaïdjan. Cette procédure sans précédent souligne à quel point la situation est grave.

En Fédération de Russie, suite à la mise en œuvre de la loi dite «loi sur les agents étrangers», également critiquée par la Commission de Venise, quelque 100 ONG recevant des subventions étrangères ont été inscrites sur la liste des agents étrangers. La plupart de ces ONG, dont le Comité contre la torture qui a remporté le prix des droits de l’homme de l’Assemblée ou encore Memorial, l’une des plus célèbres organisations russes de défense des droits de l’homme, ont été inscrites sur le registre des «agents étrangers» par décision unilatérale du ministère de la Justice. À la suite de cette inscription, certaines de ces ONG ont dû fermer.

Il est regrettable de constater qu’un projet de loi récemment élaboré par le ministère de la Justice vise à élargir encore le champ d’application de cette loi en redéfinissant la notion «d’activités politiques» pour que cette loi concerne également la défense des droits de l’homme.

En mai 2015, la Douma d’Etat de la Fédération de Russie a adopté une loi sur les organisations indésirables, qui vise les ONG tant nationales qu’étrangères opérant sur le territoire russe. Quatre ONG figurent sur cette liste des organisations indésirables, dont la fondation Open society et la National Endowment for democracy. Cette loi est en train d’être examinée de près la Commission de Venise. Elle a déjà été largement critiquée par le conseil d’experts de la Conférence des ONG.

Dans mon rapport, j’examine également la situation en Turquie et en Hongrie.

En Turquie, bien que la plupart des ONG puissent opérer librement, de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme sont visées arbitrairement sur la base de la législation anti-terrorisme. La situation risque de s’aggraver compte tenu des événements se déroulant dans le sud-est du pays.

Pour ce qui est de la Hongrie, à la suite de ma visite à Budapest, je ne considère pas que la situation de la société civile dans le pays soit critique. Néanmoins, je suis consterné par le manque de confiance régnant entre les ONG et le gouvernement. Je suis également préoccupé du fait que certaines déclarations des autorités constituent une critique directe et dure de nombreuses organisations.

Dans mon rapport, je cite le cas des fonds de l’Espace économique européen distribués à plusieurs ONG hongroises et des procédures pénales lancées contre ces organisations. N’oublions que de nombreuses ONG en Europe et au-delà dépendent des subventions étrangères pour fonctionner comme elles le doivent.

Compte tenu de tous ces éléments, le projet de résolution appelle les Etats membres à mettre en œuvre des normes bien établies sur la liberté de réunion et d’association en abrogeant toute législation restrictive ou en s’abstenant d’adopter des lois qui imposent des restrictions inadéquates à la société civile.

Nous devons rester vigilants quant à la situation critique des ONG tant en Azerbaïdjan qu’en Russie et condamner strictement la détérioration de leurs conditions de travail ainsi que celles des défenseurs des droits de l’homme, à la suite de l’adoption d’amendements apportés aux lois sur les ONG, prévoyant notamment des représailles contre leurs dirigeants.

Quant au projet de recommandation, le Comité des Ministres devrait renforcer sa coopération avec la société civile et trouver les voies nécessaires pour répondre aux nouvelles menaces contre le fonctionnement de sociétés civiles indépendantes.

Je conclurai en rappelant l’importance des organisations non gouvernementales pour assurer un bon fonctionnement de nos démocraties. Tandis que nous, parlementaires, débattons ici des principes, des codes et des procédures pour renforcer les droits de l’homme et l’Etat de droit, ce sont les ONG et leurs militants qui, sur le terrain, nous aident à les mettre en œuvre et à les surveiller. C’est la raison pour laquelle ils méritent toute notre gratitude et notre soutien.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Sir Roger Gale au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme USTA (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je prononce ce discours peu de temps après que la Cour européenne des droits de l’homme a pris une décision relative à la liberté d’expression. La liberté d’expression ne doit ni empiéter sur celle des autres ni violer le droit international. En menaçant la sécurité et l’intégrité d’un pays au nom de la liberté, on agit manifestement au détriment des libertés et on encourage les crimes fondés sur la haine.

Le droit international doit donc être respecté. Or, dans certains pays, au nom de la sécurité, on fait reculer les libertés. Seuls les efforts concertés des Etats permettront de les maintenir. Il ne doit pas y avoir de pressions; les droits de l’homme et la démocratie doivent être respectés. Il convient de préférer la conciliation et la justice aux conflits. Les défenseurs des droits de l’homme et les gouvernants doivent agir conjointement. En outre, les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir se retrouver sous la houlette du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme.

Les pratiques injustes ne peuvent perdurer indéfiniment. Les 47 pays réunis au sein du Conseil de l’Europe doivent permettre à tous les défenseurs des droits de l’homme de travailler ensemble et de se réunir. C’est pourquoi j’en appelle à nos collègues parlementaires siégeant ici: tous doivent refuser qu’il y ait deux poids, deux mesures; tous doivent devenir des défenseurs des droits de l’homme. Il y a peu, nous avons fait une déclaration contre le terrorisme, mais il faut aussi rendre hommage aux défenseurs des droits de l’homme, notamment M. Tahir Elçi.

M. KÜRKÇÜ (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie Mme Reps, notre rapporteure, pour le travail très important qu’elle a réalisé pour la confection de ce rapport. Nous appuyons le projet de résolution, qui permettra de conférer davantage d’autorité à l’Assemblée pour la protection des défenseurs des droits de l’homme contre leur propre Etat, ainsi que contre tous les Etats membres du Conseil de l’Europe où ils œuvrent, en pleine solidarité avec les défenseurs locaux des droits de l’homme.

En appuyant ce projet de résolution, l’Assemblée marquera clairement le fait que la protection des défenseurs des droits de l’homme est un enjeu international. Il faut, en effet, protéger les droits de toute personne contre tout Etat, y compris celui dont elle est originaire.

Les pays sur lesquels se concentre plus particulièrement ce rapport – la Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie – ont été choisis à juste titre. De fait, l’ironie est que la situation des droits de l’homme et de leurs défenseurs en Turquie et en Azerbaïdjan est aussi mauvaise que la position de ces pays au sein du Conseil de l’Europe est forte. Les défenseurs des droits de l’homme en Azerbaïdjan regrettent vivement que la situation des droits de l’homme dans leur pays se soit aggravée pendant et après la présidence azerbaïdjanaise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en 2014. S’agissant de la Turquie, là aussi, l’ironie est que tous les cas de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme évoqués dans le rapport ont été commis alors que M. Çavuşoğlu présidait l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de 2010 à 2012.

Malheureusement, dans ces pays, l’aggravation de la situation en matière de droits de l’homme est liée à des conflits et à des guerres avec les pays voisins: en Azerbaïdjan, il s’agit du conflit avec l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh; en Turquie, de la guerre contre les Kurdes et du conflit avec la Syrie et l’Arménie; en Russie, des guerres en Tchétchénie et du conflit avec l’Europe. Tous ces conflits entraînent des violations des droits de l’homme et la stigmatisation des défenseurs des droits de l’homme, qualifiés d’espions. Nous souhaitons donc que le Conseil de l’Europe, en approuvant ce projet de résolution, renforce sa capacité d’apaiser les relations de ces pays avec leurs voisins et avec la communauté internationale.

Pour conclure, je souhaite honorer la mémoire des défenseurs des droits de l’homme qui ont perdu la vie, assassinés par des Etats – Natalia Estemirova en Russie, mais d’autres aussi en Azerbaïdjan et en Turquie. Nous appelons à la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés dans le monde.

M. STROE (Roumanie)* – Je soutiens ce rapport et je félicite Mme Reps pour son excellent travail. Dans de nombreux endroits du monde, les défenseurs des droits de l’homme mettent en péril leur sécurité, parfois même leur vie, pour dénoncer des abus. En dépit des difficultés et des obstacles qu’ils rencontrent, les défenseurs des droits de l’homme persévèrent, dans l’espoir d’obtenir des changements positifs. À cause de leurs activités, ils deviennent parfois eux-mêmes la cible des abus qu’ils dénoncent.

La protection des défenseurs des droits de l’homme devrait donc être l’une des principales obligations des Etats membres du Conseil de l’Europe. Les droits fondamentaux des êtres humains sont autant d’atouts fragiles des sociétés démocratiques qui ne sauraient survivre sans l’aide et la protection des autorités. Bien sûr, les organisations internationales, surtout celles qui sont liées au Conseil de l’Europe, ont un rôle important à jouer dans la protection et la promotion des droits de l’homme. Toutefois, les Etats jouent eux aussi un rôle crucial dans la protection des droits de l’homme, au travers de leurs obligations négatives et positives.

D’une part, ils devraient s’abstenir de toute ingérence dans les droits fondamentaux des personnes, et ne prendre aucune mesure affectant l’exercice de ces droits fondamentaux, sauf évidemment s’il s’agit de mettre en œuvre les dispositions adéquates découlant des instruments internationaux – en particulier la Convention européenne des droits de l’homme. Cette obligation négative suppose également de ne pas intervenir dans les activités des OGN nationales et internationales ou de celles de tout acteur de la défense des droits de l’homme.

D’autre part, les Etats ont également l’obligation positive de protéger les droits de l’homme et d’en faire la promotion. A cet égard, ils doivent même aider et protéger les organisations déjà mentionnées, dès lors qu’elles sont attaquées par des acteurs non étatiques.

Ces dernières années, certains Etats membres du Conseil de l’Europe ont arrêté de satisfaire à ces obligations; le rapporteur le mentionne clairement. Etant donné le rôle central qui incombe aux Etats dans la protection et la promotion des droits de l’homme et la nature du Conseil de l’Europe, nous soutenons pleinement la proposition du rapporteur.

M. SCHWABE (Allemagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Au nom du Groupe socialiste, permettez-moi de remercier les rapporteurs pour leurs excellents rapports, courageux, qui pointent les vrais problèmes. Ces rapports concernent des personnes qui s’engagent et font preuve de courage dans nos sociétés; des personnes qui s’engagent pour les valeurs du Conseil de l’Europe; des personnes qui sont actives sur le terrain – nous, nous débattons ici, dans un hémicycle chauffé –, mettent leur vie en danger et sont exposées à des pressions quotidiennes. Ce sont les raisons pour lesquelles les défenseurs des droits de l’homme et les ONG ont besoin de notre protection.

Les ONG ont un aperçu clair de la situation dans chaque pays. Elles sont parfois trop provocatrices pour les gouvernements, on ne les suit pas toujours à 100%, mais quoi qu’il en soit, elles sont pour nous de meilleures conseillères que les gouvernements nationaux qui, par nature, ont tendance à voir ce qui se passe dans leur pays de façon plutôt positive.

Les rapports le soulignent: à l’échelle mondiale, les choses évoluent assez mal pour les ONG et les défenseurs des droits de l’homme. Mais si la Chine, l’Inde ou à l’Equateur n’ont pas signé la Convention européenne des droits de l’homme, les membres du Conseil de l’Europe, eux, l’ont signée. Ils ont donc des obligations à respecter. Le rapport cite de grands pays qui violent régulièrement les règles de la Convention: la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie. J’ajouterai la Hongrie. Tous ces pays rendent la vie difficile aux ONG. Plus encore, ils créent des prétendues ONG qui, en réalité, agissent pour leurs gouvernements. Par ailleurs, certains médias sont les organes officiels de ces pays et il me semble qu’il faudra également débattre de ce sujet.

Toutes les recommandations de la Commission de Venise, du Commissaire aux droits de l’homme et de l’Assemblée parlementaire sont listées dans ce rapport. Nous, nous avons le pouvoir des mots. Mais c’est la Cour européenne des droits de l’homme qui est la mieux armée pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et les ONG. Il est inacceptable que des pays tels que la Russie – mais également la Grande-Bretagne – remettent en question la compétence de la Cour. Tout comme l’Azerbaïdjan qui, lui, n’exécute pas ses arrêts. Nous avons parlé du cas d’Iga Mamedov et il est tout à fait opportun que le Secrétaire Général envoie une commission en Azerbaïdjan.

En 2006, 20 pays dans le monde limitaient les activités des ONG; aujourd’hui, ils sont 50. Bien entendu, cela se fait de diverses façons et avec beaucoup d’imagination: des contrôles fiscaux, des intimidations, des arrestations, des expulsions, des fermetures de bureaux, etc. La Russie se distingue particulièrement, en appelant notamment les membres des ONG et les défenseurs des droits de l’homme «les agents étrangers». En Azerbaïdjan, les ONG arrivent à peine à travailler et un climat de peur se répand chez les défenseurs des droits de l’homme. D’ailleurs, nous ne devons pas oublier Khadija Ismaïlova, cette journaliste azerbaïdjanaise qui est venue nous rendre visite et qui est aujourd’hui emprisonnée.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque)* – Nous savons tous que l’Union européenne est confrontée à l’heure actuelle à de nombreuses difficultés, mais nous savons aussi que si nous parvenons à sortir de cette crise, nous en ressortirons renforcés.

Nos pays doivent s’interroger sur les valeurs fondamentales, les principes qui forment le socle de la démocratie. Les ONG, les défenseurs des droits de l’homme font partie de ce système et nous aident à créer une société démocratique.

Les partis politiques au pouvoir et les gouvernements changent; les ONG demeurent. Elles sont là pour mener leurs activités sur le long terme. Les hommes politiques subissent des pressions politiques; les ONG ne devraient subir aucune pression. En ces temps difficiles, les ONG peuvent parfois prendre des décisions plus rapidement que les hommes politiques. Nous le constatons tous les jours dans la crise des migrations: les ONG apportent leur aide plus rapidement que les responsables politiques.

Les ONG et les défenseurs des droits de l’homme sont utiles, apportent leur aide, font partie de nos sociétés; nous devons les protéger. Nous devons leur donner la possibilité d’être indépendants et leur permettent de bâtir la démocratie dans nos pays.

M. DİŞLİ (Turquie)* – J’aimerais d’abord remercier les rapporteurs. En tant que membres de cette Assemblée, nous devons tous être conscients que les défenseurs des droits de l’homme font partie intégrante des sociétés démocratiques. Ils jouent un rôle crucial pour la protection de l’Etat de droit et la mise en œuvre pleine et entière des droits de l’homme. Ils doivent donc être protégés et leur travail doit être soutenu par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Le rapport s’est principalement intéressé à trois pays – ce qui me semble sélectif –, sans tenir compte des problèmes que peuvent rencontrer ces pays dans une approche globale.

Notre but à tous est de renforcer l’Etat de droit et la démocratie. En Turquie aussi nous voulons la pleine mise en œuvre de tous les droits et libertés. Nous avons d’ailleurs engagé un processus de réforme, très complet, tenant compte des attentes et des exigences de notre peuple. Le Pr Ahmet Davutoğlu est à la tête du nouveau gouvernement et a créé un comité de suivi de la réforme.

La personne responsable de ce comité est vice-Premier ministre. Le comité tient compte des observations et rapports des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et d’autres organisations internationales. Il étudie aussi régulièrement les recommandations des ONG nationales et internationales.

Au cours de ces dernières années, la Turquie a connu une avancée considérable en matière de coopération avec les ONG et de réformes, aussi bien législatives qu’administratives. Au fil des ans, nous avons accordé un rôle plus large aux médias et aux ONG. Nous avons modifié la loi sur les associations afin de faciliter leur création et leur fonctionnement et de leur offrir de nouvelles marges de manœuvre.

En tant que membres du Conseil de l’Europe, si nous devons soutenir toutes les ONG, il ne convient pas de nous ingérer dans leurs activités. Il nous appartient cependant de nous assurer que ces mêmes ONG respectent les lois et les réglementations du pays où elles interviennent. Dans un pays démocratique, ce n’est que justice. C’est pourquoi nous devons nous assurer que la ligne de démarcation entre les droits et les obligations soit respectée.

M. REISS (France) – Les deux rapports que nous examinons aujourd’hui posent de manière différente mais complémentaire la question de notre crédibilité en tant qu’organisation phare sur les droits de l’homme. En effet, la protection des associations de défense des droits de l’homme comme des ONG, qui recoupent parfois la même réalité, touche au cœur même des valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe. Madame la rapporteure, ce qui arrive aux ONG moldoves en Transnistrie n’est pas acceptable. Vous avez parfaitement raison de le souligner.

Dans un Etat démocratique, les ONG et les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir jouer leur rôle et en avoir les moyens. Au-delà des droits fondamentaux liés à la liberté d’association et à la liberté d’expression, la question des restrictions, voire des interdictions liées aux moyens financiers, pose un véritable problème.

S’il est évident que seule une transparence du financement assure l’indépendance des ONG, elles ont besoin de cette indépendance pour mener leurs activités. Cependant, le contrôle légitime des comptes des ONG ne doit pas conduire les Etats à les priver de tout moyen de subsistance.

Transparence, oui; intimidation, non.

D’autant que les difficultés rencontrées dans la mobilisation de ces financements – le niveau de ressources humaines, de temps, de prospective qu’il faut investir vis-à-vis des bailleurs de fonds pour parvenir à décrocher les aides sollicitées – sont déjà un facteur limitatif. Par ailleurs, en Europe, l’accès à des financements de l’AFD et d’EuropeAid est de plus en plus concurrentiel et le nombre d’ONG parvenant à obtenir ces financements diminue.

Dans ces conditions, les ONG doivent, pour continuer à mener leurs activités, se tourner vers des modes de financement complémentaires sans pour autant compromettre leur autonomie financière, donc leur indépendance. Aussi est-il intéressant de noter qu’en France, pour les ONG spécialisées dans la solidarité internationale, les fonds provenant de bailleurs étrangers représentent environ 15 % des ressources.

Le fait est à mettre en parallèle avec la loi russe sur les ONG considérées comme des agents étrangers, qui est particulièrement restrictive sur ce point puisque tout financement émanant de l’étranger supérieur à environ 200 000 roubles entraîne un contrôle du service fédéral de surveillance financière. Le non-respect des règles est sanctionné par des amendes, voire des peines de prison.

Plusieurs ONG russes de défense des droits de l’homme ont été classées comme agents étrangers. N’oublions pas que cette formule était employée pour qualifier les ennemis du peuple à l’époque stalinienne et plus tard les dissidents de l’époque Brejnev, accusés d’être à la solde de l’Occident. Le cas de Memorial, l’ONG fondée par Andreï Sakharov, devrait nous interpeller: accusée de haute trahison en novembre, cette ONG a simplement reçu une aide financière provenant de l’association américaine National Endowment for Democracy. Malheureusement pour elle, elle a dénoncé publiquement l’agression de la Russie contre l’Ukraine: ceci explique sans doute cela!

D’autres pays cités dans le rapport ont des comportements parfois pires. Ce n’est pas admissible car la voix de la société civile doit être entendue au Conseil de l’Europe. La liberté d’association, la liberté d’expression et la promotion des droits de l’homme sont des biens précieux que nous devons préserver. Je voterai en faveur de ces deux rapports.

Mme BESELIA (Géorgie)* – Je remercie les rapporteurs de leur travail et en appuie les recommandations.

Protéger les droits de l’homme est une activité qui figure parmi les plus importantes. Il convient, en effet, d’aider tous les défenseurs des droits de l’homme qui protègent les droits d’autres personnes, et cela à leurs propres risques. Cette question m’intéresse à titre personnel, car cela fait quatorze ans que je suis avocate et que je défends les droits de l’homme. Je sais donc ce que défendre les droits de l’homme signifie dans certains régimes, par exemple celui de Saakachvili en Géorgie.

Nous autres, défenseurs des droits de l’homme, faisons l’objet d’attaques, de détentions parfois. Il arrive que certains membres de nos familles le soient également.

Jusqu’en 2012, une centaine d’avocats et de défenseurs des droits ont été condamnés et emprisonnés. A la suite d’un changement de régime en octobre 2012, une amnistie a été prononcée en 2013 qui a bénéficié aux défenseurs des droits de l’homme qui ont été libérés. Un nouveau cadre législatif a également été installé, et un terme a été mis à ces persécutions non justifiées contre les défenseurs des droits de l’homme.

Dans tous les pays, il est nécessaire que les défenseurs des droits de l’homme soient protégés. Pour ce faire, il convient de renforcer leurs capacités d’activité et de veiller à ce qu’ils puissent agir en toute sécurité.

Dans la mesure où la rapporteure n’a pu identifier un seul cas concret de violation des droits des défenseurs des droits de l’homme dans mon pays, je vous demanderai de ne pas soutenir l’amendement 2 tel qu’il a été adopté par la commission et qui fait référence à la Géorgie. D’autant que la rapporteure observe que la situation s’est grandement améliorée au cours des dernières années. C’est pourquoi nous avons présenté un sous-amendement à l’amendement 2.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Ayant travaillé pour une ONG de défense des droits de l’homme pendant dix ans, j’estime essentiel que l’ensemble des ONG et les défenseurs des droits de l’homme jouissent de la liberté nécessaire pour mener leurs activités sans être limités par la législation.

Mes collègues et moi-même n’avons pas oublié cette période terrible de notre histoire récente lorsque plus de 150 avocats ont été poursuivis par le gouvernement précédent. Je suis fière aujourd’hui parce que la Géorgie réunit toutes les conditions nécessaires au bon fonctionnement des ONG. La Géorgie est considérée aujourd’hui comme l’un des pays où les conditions sont les plus favorables, non seulement dans le sud du Caucase, mais également en Europe. Plusieurs organisations internationales compétentes l’ont affirmé à plusieurs reprises au même titre d’ailleurs que les institutions du pays, y compris le Défenseur public de Géorgie.

La Géorgie compte aujourd’hui près de 20 000 ONG à but non lucratif et ce chiffre ne cesse de croître. Les statistiques suffisent à démontrer à quel point il est simple de créer une ONG au regard de la législation géorgienne. De même, la réglementation qui régit leur accès aux ressources financières leur est favorable et elles jouissent de la liberté de mener des activités diverses. Les ONG agissent ainsi de manière efficace pour surveiller l’activité du gouvernement. Ce sont aussi des partenaires des députés dans le cadre du processus législatif. Elles ont la possibilité de s’exprimer sur les projets de loi au cours d’auditions organisées par des commissions du parlement. Elles apportent ainsi une assistance très concrète au législateur.

Une nouvelle phase de coopération plus intensive entre le Parlement et les ONG a été ouverte en décembre 2013. Un mémorandum a été signé à cet effet entre le Parlement géorgien et quelque 150 ONG. Elles participent à des processus importants comme les réformes judiciaires, la prévention de la violence domestique, la promotion des droits de la femme et de l’égalité entre les hommes et les femmes, et la protection des droits des personnes handicapées.

En Géorgie, l’appui au développement du secteur des ONG est une priorité.

Mme MATEU (Andorre) – La société civile est l’une des pierres angulaires du système démocratique. En effet, c’est grâce à la participation citoyenne que nos sociétés peuvent se prévaloir du respect des libertés fondamentales et des valeurs européennes. Le contre-pouvoir de la société civile est essentiel, toujours dans le respect d’autrui. Elle est un peu comme l’air que l’on respire: sans elle, sans des personnes engagées, une société n’est pas démocratique.

J’ai relevé tout à l’heure une phrase prononcée par M. Rouquet, qui préside en ce moment-même le débat: «La démocratie ne peut consister à faire tout ce qui n’est pas interdit.» Les Etats ne doivent pas, au nom de la transparence et du contrôle, contrecarrer les activités des ONG et des défenseurs des droits de l’homme. Une société ne peut avancer et progresser qu’à condition d’être ouverte à la controverse et à une dynamique citoyenne dans les domaines culturels, politiques et sociaux. Dans certains pays, des ONG ont des activités politiques. Pourquoi pas? Leurs militants, en Grèce et en Espagne, ont réussi à faire bouger la société au nom de leurs idéaux politiques.

Les deux rapports qui nous sont présentés aujourd’hui sont excellents car ils mettent en lumière ce qui fait mal. Dans tous les Etats membres, il existe une tentation de contrôle de la part du pouvoir. Les responsables politiques n’aiment pas que l’on s’oppose à eux, que l’on dise publiquement que l’on désapprouve leur politique ou que leurs actes ne sont pas en accord avec ce qu’ils disent. C’est pourtant indispensable et je remercie les deux rapporteurs pour leur travail.

Toutefois, la proposition de désigner un rapporteur général pour les défenseurs des droits de l’homme ne me paraît pas opportune. Une telle fonction existe peut-être au niveau de l’Union européenne, mais le Conseil de l’Europe possède l’institution du Commissaire aux droits de l’homme. Il suffirait, selon moi, qu’il ait la possibilité de se pencher sur les cas individuels. En outre, la sous-commission des droits de l’homme pourrait également se saisir de la question.

Pour conclure, j’invite à l’Assemblée à adopter ces deux rapports.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je soutiens également les deux rapports, tout en regrettant que nous en ayons besoin. Le Secrétaire Général a adressé un avertissement très clair mardi: après avoir souligné l’importance de la Convention européenne des droits de l’homme pour nous servir de guide dans les conflits d’aujourd’hui, il a évoqué les menaces qui pèsent sur son application, donnant des exemples précis, citant notamment des pays fondateurs comme la Suisse, le Royaume-Uni et la Norvège. Il a plus particulièrement fait référence à l’affaire Hilal Mammadov contre l’Azerbaïdjan. Cet homme est emprisonné en dépit d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui demande sa libération.

Les ONG sont tout particulièrement importantes dans les pays où l’on ne respecte pas la démocratie. Malheureusement, nous comptons trop de ces Etats au sein du Conseil de l’Europe. L’Azerbaïdjan, la Russie, la Turquie et la Hongrie ont été mentionnés, mais il y en a d’autres. Les défenseurs des droits de l’homme et les militants des ONG de ces pays méritent toute notre attention et tout notre soutien. Tous les membres de la commission de suivi savent fort bien que sans les informations que ces personnes fournissent, nous ne pourrions pas faire notre travail de rapporteur dans ces pays. L’abnégation de ces militants, qui font preuve d’un courage exceptionnel, est au cœur même de nos valeurs. Or, ils sont victimes de persécutions graves dans de nombreux pays. Heureusement, dans d’autres Etats, les autorités apprécient leur travail et coopèrent avec eux afin de renforcer la qualité des décisions politiques.

Les défenseurs des droits de l’homme et les ONG sont des organes consultatifs qui doivent être associés aux activités législatives. Ce sont aussi des partenaires pour les autorités dans des prestations de services sociaux telles que la prise en charge des personnes âgées ou la promotion de la santé publique par les activités physiques dans les écoles.

Entraver le travail des défenseurs des droits de l’homme et des ONG est le fait de dirigeants qui ont quelque chose à cacher. Au bout du compte, il ne fait pas de doute que ces responsables politiques qui fondent leur pouvoir sur la peur finiront par tomber, mais entre-temps ils auront causé bien des préjudices à leur peuple.

Les deux rapports contiennent des recommandations. Le Comité des Ministres aura l’obligation de développer le dialogue avec la société civile et de veiller à la protection des défenseurs des droits de l’homme.

M. MULLEN (Irlande)* – Il faut soutenir ces rapports qui, je l’espère, auront un impact dans les pays dont les agissements ont motivé leur rédaction.

Mais quand on veut envoyer un message de soutien aux ONG, il faut être cohérent. Je songe à un amendement dont je suis cosignataire et qui n’a pas été accepté en commission. Pourtant, sans cet amendement, le rapport en question n’aura pas la force morale nécessaire et le Conseil de l’Europe ne pourra se poser en modèle. Dès lors, certains pays pourront se permettre de ne pas respecter le message de ce rapport sur le droit des ONG à mener leurs activités.

Je songe au cas d’une ONG pro-famille. Que vous soyez d’accord ou non avec les opinions politiques de telle ou telle ONG, la question n’est pas là: il s’agit de savoir si l’on adhère à une conception de l’équité et de la justice selon laquelle le Conseil de l’Europe permet à toutes les organisations de travailler comme elles le souhaitent. Or le statut participatif auprès du Conseil de l’Europe a été refusé à cette ONG au motif qu’elle avait une interprétation particulière – une interprétation dite traditionnelle – du mariage et de la famille. Que penser d’une organisation qui rejette la participation d’une ONG parce qu’elle ne partage pas ses vues?

M. Agramunt, président de l’Assemblée parlementaire, alors chef du Groupe du Parti populaire européen, avait conduit une consultation à ce sujet dont il ressortait que les parlementaires regrettaient un manque de transparence dans la procédure de demande du statut participatif. Pourtant, M. Cruchten, au nom de la commission des questions juridiques, a rejeté cet amendement qui propose simplement que le Conseil de l’Europe se dote d’un système ouvert, transparent et juste d’examen de ces demandes. Son seul argument était que le Secrétaire Général avait fait part de son intention de revoir l’ensemble de la procédure. Mais s’il y a un problème structurel, on ne peut pas s’en tenir à une solution repoussant l’examen de la question à plus tard.

En ne faisant rien maintenant, vous nuisez à la force morale du rapport dont vous vouliez précisément faire un outil de promotion du travail des ONG. Bref, le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire se tirent une balle dans le pied! Les pays dont vous espérez qu’ils tiennent compte de votre rapport ne manqueront pas de pointer votre manque de cohérence et d’équité. Je souhaite donc que nous revenions sur cette décision en séance plénière.

Si vous dévaluez la liberté d’expression, en particulier celle de groupes qui représentent de nombreux habitants de nos Etats membres, ne vous étonnez pas si les pays que vous voulez inciter à adopter de meilleures pratiques montrent du doigt votre hypocrisie!

Pour ces raisons, j’appelle l’attention de tous les membres de l’Assemblée sur notre amendement. Il est juste et bien rédigé. Contre l’avis de la commission, votez pour cet amendement! Cela donnera plus de force au rapport.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Les rapports présentés par nos collègues, Mme Reps et M. Cruchten, portent sur des problèmes sérieux qui se posent dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe s’agissant de la défense des droits de l’homme et des activités des ONG.

Oui, dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris dans mon pays, il existe des problèmes de violation des droits de l’homme, et nous sommes prêts à en parler ouvertement et en public.

Cependant, dans notre Organisation, il y a un Etat qui est exceptionnel par son cynisme manifeste envers les droits de l’homme. C’est l’Azerbaïdjan, à propos duquel parler des droits de l’homme ou de la liberté d’expression évoque l’humour absurde du poète Daniil Harms! Les activités sociales et de défense des droits de l’homme en Azerbaïdjan valent condamnation à mort. Les restrictions imposées aux ONG, par exemple la procédure d’enregistrement, sont pareilles à un voyage vers le Golgotha! Pour s’enregistrer, les ONG doivent démontrer qu’ils respectent «les valeurs morales nationales» de l’Azerbaïdjan!

Le respect des «valeurs morales nationales» de l’Azerbaïdjan est une notion assez équivoque: par exemple, quand l’officier azerbaïdjanais Ramil Safarov, ce meurtrier, a tué à la hache l’officier arménien Gourguen Markarian, la commissaire pour les droits de l’homme de l’Azerbaïdjan, Elmira Souleymanova, a déclaré que c’était un exemple de patriotisme pour la jeunesse. Le voilà, le système de valeurs de l’Azerbaïdjan!

En Azerbaïdjan, les défenseurs des droits de l’homme, les représentants de la société civile, les journalistes, sont condamnés et emprisonnés, simplement parce qu’ils ne veulent pas devenir les esclaves du régime. Rappelons-nous Leyla et Arif Yunus, Khadija Ismayilova, Ilgar Mammadov – qui est condamné à une mort lente dans une prison azerbaïdjanaise –, et une dizaine d’autres prisonniers politiques.

Vous avez raison, Madame Reps: les défenseurs azerbaïdjanais des droits de l’homme font face à des chefs d’accusation fabriqués, à des actes violents de répression, à des actes de torture et à des homicides. Et tout cela sous le drapeau du système de valeurs morales azerbaïdjanais! En d’autres termes, aucune ONG, aucun défenseur des droits de l’homme, aucun activiste civil ne peut agir dans le cadre de cette «moralité»; ils sont condamnés d’emblée à devenir les ennemis du régime d’Aliev. Et qu’arrive-t-il aux ennemis du régime d’Aliev? Demandez-le à Ilgar Mammadov pendant qu’il est encore vivant!

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie)* – Je remercie la rapporteure, Mme Reps, d’avoir appelé l’attention de notre Assemblée sur la situation déplorable de nombreux défenseurs des droits de l’homme. Dans différents pays, ils paient un lourd tribut à leur cause. Voilà pourquoi je soutiens fermement les mesures que propose le rapport. L’Assemblée devrait faire davantage pour appuyer leur lutte et multiplier les contacts et les rapports à ce sujet.

Malheureusement, j’ai été personnellement témoin des cas mentionnés dans la partie du rapport qui concerne la Turquie. Je connais personnellement ces personnes qui ont subi des procès inéquitables, que l’on a inculpées sans fondement, voire que l’on a assassinées, comme Tahir Elçi, le président du barreau de Diyarbakır. C’étaient mes amis. Parler d’eux, surtout de Tahir Elçi qui a été assassiné il y a peu, me peine beaucoup.

Les avocats qui, en Turquie, ont défendu Abdullah Öcalan ont été emprisonnés pendant des années, uniquement parce qu’ils avaient fait leur travail. Muharrem Erbey, qui travaille comme défenseur des droits de l’homme depuis des années, a été poursuivi en justice. Pinar Selek, sociologue, qui a fait des travaux de recherche sur les enfants sans domicile fixe, est poursuivie en justice et son procès dure interminablement. Ils ont tous un point en commun: ils sont soit kurdes, soit militants pour les droits du peuple kurde.

Les cas mentionnés pour la Turquie ne sont pas les seuls: juste avant le début de la session à Strasbourg, une procédure judiciaire a été ouverte contre plus de 1 200 universitaires qui avaient demandé que l’on fasse taire les armes et que l’on opte pour la paix.

Aujourd’hui, le couvre-feu en Turquie prive la population de ses besoins les plus fondamentaux; les vies des civils sont en danger. Ce sont les défenseurs des droits de l’homme qui pourraient signaler et prévenir les violations des droits de l’homme: leur travail doit être soutenu et leurs vies doivent être protégées. J’invite donc l’Assemblée parlementaire à porter son attention sur la possibilité de créer une commission d’enquête sur la situation des civils soumis au couvre-feu.

Trois députés ont commencé une grève de la faim au ministère de l’Intérieur à Ankara pour convaincre l’Etat qu’il faut permettre aux ambulances d’entrer dans ces zones pour soigner les blessés. Comme l’un de ces trois députés, Osman Baydemir, exprimant son souhait de voir cesser cette violence, l’a dit: Edi bes e, ce qui signifie «Trop, c’est trop» en kurde.

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – La protection et la promotion des droits humains sont au cœur de l’activité du Conseil de l’Europe et particulièrement de cette Assemblée. Depuis sa création, celle-ci a beaucoup travaillé dans ce sens et n’a ménagé aucun effort. Beaucoup de progrès ont été obtenus mais nous sommes aujourd’hui dans une situation où les défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes ont besoin d’être défendus; malheureusement, cette réalité a de nombreuses facettes.

Ainsi que le mentionne ce rapport, c’est avant tout aux Etats qu’il appartient de protéger les défenseurs des droits de l’homme; mais que se passe-t-il quand l’Etat non seulement viole constamment les droits de l’homme, harcèle, intimide, arrête les défenseurs des droits de l’homme, mais empêche même les défenseurs des militants des droits de l’homme de faire leur travail?

Cette question n’est pas hypothétique: aujourd’hui, un pays membre du Conseil de l’Europe, à savoir l’Azerbaïdjan, surpasse les autocraties du Moyen Age par sa situation déplorable en matière de droits de l’homme.

J’appelle votre attention sur un exemple récent de la paranoïa des Azerbaïdjanais concernant les défenseurs des droits de l’homme: il y a quelques semaines, Amal Clooney, avocate spécialiste des droits de l’homme, a fait scandale en Azerbaïdjan en se saisissant du cas de la journaliste d’investigation Khadija Ismayilova, emprisonnée pour des motifs politiques. Elle a en effet décidé de contester la détention d’Ismaliyova devant la Cour européenne des droits de l’homme. Les médias d’Azerbaïdjan, qui sont à la solde du gouvernement, ont répondu à cette nouvelle en accusant Amal Clooney de toutes sortes de choses, et même d’être une lobbyiste arménienne: c’est ridicule!

De temps à autre, l’Azerbaïdjan essaye de détourner l’attention de cette Assemblée en proposant des initiatives qui sont de véritables provocations, en tentant de masquer la situation déplorable des droits de l’homme dans son pays ou même de la justifier.

Restons vigilants, au sein de cette Assemblée, pour prévenir ce triste type de manœuvres, comme nous l’avons fait il y a quelques jours. Restons concentrés sur notre mission principale: l’Assemblée doit en effet renforcer son action pour protéger les droits de l’homme et leurs défenseurs dans certains pays en prenant les mesures appropriées, dont des sanctions, comme annuler les pouvoirs de la délégation de l’Azerbaïdjan. En effet, compter sur la volonté politique de cet Etat d’assumer sa responsabilité dans la protection des militants des droits de l’homme serait naïf et pourrait avoir des conséquences dangereuses pour ces défenseurs des droits de l’homme.

M. HARANGOZÓ (Hongrie)* – Je souhaite en premier lieu remercier nos deux rapporteurs. Leurs rapports sont excellents, en particulier celui de M. Cruchten, qui s’est rendu en Hongrie, pays dont je vais surtout parler, ce qui ne vous étonnera pas.

Malgré des procédures satisfaisantes en matière d’enregistrement des ONG, la Hongrie connaît de graves problèmes. Le bon fonctionnement des institutions de la société civile est en fait limité par la stigmatisation, par des mesures criminelles et par des procédures pénales engagées contre les leaders d’opinion qui critiquent des responsables politiques locaux ou nationaux. Certaines personnes sont également accusées d’avoir partagé ces opinions sur Facebook. Ces personnes ont un casier judiciaire, on prend leurs empreintes digitales et on fait d’elles de véritables criminels.

Des mesures d’intimidation ont également été prises contre des associations: la police a ainsi fouillé les locaux de treize organisations recevant des fonds européens et confisqué leurs serveurs informatiques et leurs dossiers. Le gouvernement les a déclarées coupables avant même que l’enquête ne commence.

Le Premier ministre Orban et d’autres ministres ont en outre accusé ces ONG de servir des intérêts étrangers. La stigmatisation d’ONG en tant qu’agents dits de l’étranger est un procédé que l’on retrouve souvent dans la propagande de l’Etat. Les ONG financées par la fondation de George Soros ont ainsi été accusées d’être responsables d’accélérer la crise des réfugiés et de s’en prendre à l’Europe des nations.

Si les pressions sont fortes sur ces ONG, le gouvernement soutient en revanche celles qui lui sont proches: certaines sont des marionnettes du gouvernement. Alors que les ONG dépendent du financement public, les dirigeants de l’ONG Cöka gèrent aussi le fonds de coopération qui finance les organisations non gouvernementales. Les rares médias indépendants ont annoncé à plusieurs reprises que l’Etat finançait surtout des personnes qui étaient au service du parti Fidesz: on peut donc comprendre l’intérêt de ce financement «indépendant» de l’Etat hongrois.

Si l’on dispose d’instruments juridiques – c’est un point de départ essentiel –, l’expérience de la Hongrie montre que si l’on entend prévenir les restrictions inappropriées de l’action des ONG, il faut alors ne pas se contenter d’examiner le texte, mais aussi la manière dont il est appliqué.

M. HOLLIK (Hongrie)* – J’aimerais formuler quelques observations à l’attention des rapporteurs à propos de la Hongrie.

Il y a beaucoup de points sur lesquels je ne suis pas d’accord avec la politique de la majorité, mais je ne souhaite pas parler ici de politique interne.

Je remercie M. Cruchten d’avoir examiné de près la situation des sociétés civiles en Europe. Des sociétés civiles fortes et indépendantes sont déterminantes pour le bon fonctionnement de la démocratie. Le rapport décrit des problèmes, dans certains pays, et formule des propositions pour les surmonter.

Je le remercie en particulier d’avoir examiné la situation en Hongrie. Il s’est rendu sur place au début du mois de novembre. Je me réjouis de trouver les constats issus de cette visite dans son rapport, qui reconnaît que la Hongrie est une démocratie constitutionnelle garantissant l’Etat de droit. L’environnement légal des ONG est tout à fait satisfaisant en Hongrie; aucune critique n’a pu être formulée. Leurs financements augmentent chaque année. La Hongrie apprécie sa société civile, qui jouit de toutes les conditions nécessaires pour se porter bien. Notre pays est cependant disposé à collaborer avec toute institution, européenne ou nationale, non gouvernementale ou gouvernementale, pour améliorer ce qui peut l’être.

La Hongrie est un pays libre et démocratique possédant une forte culture de société civile. Je me réjouis que ces aspects soient pleinement reflétés dans le rapport de M. Cruchten.

Mme HEINRICH (Allemagne)* – Pourquoi est-il nécessaire de discuter d’un rapport sur la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe? Ces pays ayant signé toutes les conventions en la matière, pourquoi ces personnes doivent-elles encore être défendues? C’est que ces défenseurs sont de plus en plus soumis à la répression de certains Etats. Le rapport de Mme Reps est un rapport important car, dans de nombreux Etats membres, la réalité est différente de ce que laissent penser les conventions existantes; nul besoin d’aller chercher dans d’autres continents.

Mme Reps écrit notamment qu’il faut veiller à prévenir la répression contre ces défenseurs par des groupes non étatiques qui leur barrent la route au mépris de la loi, répression visant surtout des femmes, des militants LGBT ou des personnes œuvrant pour les réfugiés. Cette menace pour l’Etat de droit existe dans de nombreux Etats membres. L’intimidation de la société civile par la société civile est une question qui continuera de nous préoccuper.

Mme Reps et M. Cruchten appellent clairement les choses par leur nom. Il est important de nommer les pays dans lesquels nous savons que les défenseurs des droits de l’homme sont confrontés à des représailles et des intimidations. C’est notre mission de ne cesser de les dénoncer. Il est honteux que certains essaient ici de les nier ou de les relativiser. Il en est de même pour les restrictions, dénoncées dans le second rapport, à l’activité des ONG.

J’appuie donc pleinement les recommandations de ces deux rapports. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent constamment se demander s’ils en font assez pour les défenseurs des droits de l’homme et les activités de la société civile. En tant que parlementaires des Etats membres, nous devons mettre en œuvre ces recommandations. Pouvons-nous garantir un environnement sûr aux défenseurs des droits de l’homme? Il existe aux Pays-Bas des «villes-abris» où ces défenseurs peuvent trouver pendant un temps un environnement sûr; des mesures de protection de ce type peuvent être prises dans d’autres pays européens.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Michel Forst, déplore que de nombreux pays lui interdisent de séjourner sur leur territoire. Nos ambassades à l’étranger peuvent y pourvoir, en l’invitant. Avec des actions de ce type, nous montrerons que nous prenons au sérieux la situation des personnes qui mettent leur vie en danger pour défendre les droits de l’homme.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – La protection des droits de l’homme fait partie des grandes priorités du Conseil de l’Europe depuis sa fondation. Cette délicate mission se poursuit aujourd’hui et les débats sur les défenseurs des droits de l’homme devraient être considérés comme une composante de ce problème important. La force de cette institution et la présence plus active des défenseurs des droits de l’homme dans les sociétés est indispensable pour consolider les démocraties récentes.

Le présent rapport sur les défenseurs des droits de l’homme demande à être précisé, afin d’en garantir l’objectivité. Il faut surtout que la véracité des faits soit assurée. Il est difficile d’accepter les affirmations concernant l’Azerbaïdjan; elles doivent absolument être réexaminées, car il s’y trouve des contrevérités.

De toute évidence, on ne peut, à notre époque, imaginer l’existence de nos pays sans les ONG, et il faut tout faire pour leur garantir un fonctionnement indépendant et efficace. Selon les informations officielles, on compte aujourd’hui en Azerbaïdjan plus de 4 000 ONG, un nombre très élevé. On ne saurait donc accepter la critique exprimée dans le rapport à l’encontre de l’Azerbaïdjan. Je rejette le discours de haine de nos collègues arméniens; je pense que c’est la poursuite de l’agression de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan.

Il existe en Azerbaïdjan un organe d’Etat qui s’occupe de l’organisation du travail des ONG. Nous appuyons les ONG qui le méritent. Néanmoins, on ne saurait nier qu’il y a des problèmes en ce qui concerne certaines ONG, et c’est vrai aussi dans d’autres pays. Je considère qu’il faut approfondir l’analyse de cette question car des enquêtes indiquent que, dans certains cas, des services secrets étrangers bénéficient de l’activité d’ONG dans divers pays pour favoriser leurs plans. Ces services secrets n’utilisent pas toutes les ONG mais celles qui acceptent de se rapprocher d’eux et qu’il leur est plus facile de contrôler. Les faits de transferts d’argent en faveur d’ONG en vue d’encourager des révolutions dites «de couleur» sont bien connus.

Nous sommes favorables à la transparence. Rendre publique l’utilisation des ressources financières des ONG n’aurait rien de négatif. Si certaines craignent ce genre de mesures, cela signifie qu’elles ont quelque chose à cacher.

Les valeurs de la société démocratique, qui incluent l’existence des ONG, sont indispensables, mais la valeur suprême de toute nation, de tout Etat, c’est son indépendance, et nous souhaitons que les ONG contribuent à la consolidation de nos pays et non à des évolutions contraires.

Mme PALIHOVICI (République de Moldova)* – Tout d’abord, je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail et les féliciter pour leur analyse.

Protéger les défenseurs des droits de l’homme est la pierre angulaire de toute véritable société démocratique. Par conséquent, les défenseurs des droits de l’homme sont des acteurs indispensables pour créer, maintenir et améliorer le bon environnement.

Il n’est pas exagéré de dire que les deux dernières décennies furent parmi les plus agitées de l’histoire européenne récente. L’Europe connaît encore aujourd’hui d’importantes transformations géopolitiques et beaucoup d’instabilité à proximité de frontières, avec des conflits parfois violents.

De ce fait, mon pays reste préoccupé par la situation des droits de l’homme dans la région de Transnistrie. Compte tenu du conflit non réglé, cette région est exclue du processus de suivi, des mécanismes nationaux et internationaux. Pour prendre contact et assurer la visibilité des normes internationales, il serait bon d’être présent dans ce territoire.

Je ferai référence à la prétendue stigmatisation et aux procédures pénales engagées contre l’association des droits de l’homme Promo-LEX, l’une des ONG les plus importantes en Transnistrie. L’activité de Promo-LEX dans le domaine des droits de l’homme est connue. Ses domaines d’activité sont principalement le droit à l’éducation, à la liberté et la sécurité, à la liberté de circulation, le droit à la propriété, le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à un procès équitable, la lutte contre les violences domestiques, la liberté d’association et la promotion des droits de l’homme en Transnistrie. Cette association a reçu des prix de la part d’organisations nationales et internationales.

Les autorités de la République de Moldova ont pris des mesures pour protéger les droits des militants de Promo-LEX face aux abus des prétendues structures transnistriennes, mais cela n’est pas suffisant. Des demandes ont été adressées aux partenaires internationaux impliqués dans les processus de négociation sur la Transnistrie pour permettre aux ONG d’apporter soutien et aide aux habitants de la rive gauche du Dniestr, et d’obtenir des financements de l’extérieur pour améliorer la situation.

Nous continuerons à agir pour soutenir les représentants de la société civile dans la promotion des droits fondamentaux, en dépit des nombreuses difficultés que nous rencontrons dans la protection des défenseurs des droits de l’homme. N’oublions jamais que c’est par eux que le changement arrive. Ce sont eux qui font la différence grâce à leur travail quotidien et malgré tous les obstacles.

M. FARMANYAN (Arménie)* – Je tiens à remercier les deux rapporteurs, Mme Reps et M. Cruchten, pour l’énorme travail que représentent ces rapports ainsi que les projets de résolution qui nous sont soumis aujourd’hui. C’est un nouvel exemple de l’engagement de cette Assemblée dans la défense des valeurs fondamentales tant qu’elles ne sont pas partout respectées.

L’existence d’une société civile dynamique est essentielle pour un Etat démocratique et le respect des droits fondamentaux, en particulier les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association.

En la matière, chers collègues, la tendance croissante à limiter les activités d’ONG et à poursuivre les défenseurs des droits de l’homme, voire à les emprisonner comme dans certains Etats, notamment en Azerbaïdjan, remet véritablement en cause ces valeurs. C’est très inquiétant.

Les deux rapports montrent bien quelle est la situation aujourd’hui en Azerbaïdjan en matière de démocratie. Des restrictions juridiques et administratives s’imposent aux ONG. On essaie d’étouffer la société civile émergeante. Les poursuites contre des défenseurs des droits de l’homme pour des raisons politiques se multiplient, comme cela se produit à l’encontre de tous ceux qui critiquent Aliev, sa famille et son gouvernement.

Des restrictions sont imposées aux organisations de la société civile en Azerbaïdjan. On le sait, les ONG internationales doivent conclure un accord avec le ministère de la Justice, s’engager à respecter les valeurs morales nationales et à ne pas faire de propagande politique en Azerbaïdjan. Comme le confirment les rapporteurs, il est impossible de définir clairement ce que cela signifie. En réalité, il s’agit d’un prétexte pour poursuivre et condamner toute personne qui ose critiquer le régime Aliev.

Toutes les ONG internationales qui ont beaucoup agi pour consolider la démocratie dans tous les pays de la zone post-soviétique – dont l’Arménie –, comme Freedom House, Human Rights Watch, Amnesty International, Transparency International, sont considérées par le gouvernement et par nos collègues azerbaïdjanais siégeant dans cet hémicycle comme appliquant «le deux poids, deux mesures». Ils prétendent que ces organisations agissent à l’encontre des intérêts de l’Azerbaïdjan pour restreindre leurs activités. Ces ONG n’ont pas accès à des financements étrangers supérieurs à 180 euros. Toutes celles qui sont critiques à l’égard du régime autocratique de M. Aliev et qui essaient de s’enregistrer n’y parviennent pas. On leur met des bâtons dans les roues.

Chers collègues, ces rapports ne portent pas seulement sur les restrictions inadaptées des activités des ONG et sur les défenseurs des droits de l’homme persécutés, mais aussi sur les perspectives d’avenir. Dans le cas de notre région, la démocratie demande plus. Face à la propagande d’Etat type Goebbels de l’Azerbaïdjan qui déclare que l’Arménie est son ennemi et que Ramil Safarov, l’assassin, est un héros exemplaire pour les jeunes générations, comment peut-on parler de paix et solution diplomatique au conflit du Haut-Karabakh? Toutes les personnes qui agissent en ce sens sont considérées comme des traîtres à l’Azerbaïdjan qui espionnent pour le compte de l’Arménie!

Il faut mettre un terme à la répression systématique des défenseurs des droits de l’homme, des médias et de toute personne critique à l’égard du régime. La démocratie doit être plus que cela!

M. KIRAL (Ukraine)* – Madame Reps, Monsieur Cruchten, je vous remercie pour vos rapports, qui sont consacrés à une partie essentielle de notre vie, la partie que je qualifierai d’officieuse, qui est représentée par la société civile.

Je vous remercie également d’avoir évoqué la situation en Ukraine et en Crimée, illégalement annexée par la Russie, où les défenseurs des droits de l’homme et les ONG de la société civile sont poursuivies et font l’objet de répressions. Je ne parle pas seulement de celles qui luttent pour le droit des Tatars de Crimée, mais aussi des ONG qui défendent la langue ukrainienne.

Il est regrettable qu’une mission ne soit pas envoyée en Russie pour constater les faits afin de montrer la situation sur le territoire du pays.

Tout en stigmatisant les ONG, en faisant d’elles des «agents étrangers», les autorités russes envoient leurs oligarques pour financer des ONG en Europe et faire avancer la cause de la Russie. L’Europe devrait-elle réagir en attribuant à ces ONG le titre «d’agents russes»? Je ne le pense pas, car nous vivons dans des sociétés démocratiques. Mais je tiens à vous informer que, lundi, dans ce bâtiment, j’ai rencontré le dirigeant d’une ONG européenne qui m’a dit que son organisation avait été approchée par des oligarques russes qui leur avaient offert des millions de dollars pour défendre des points de vue favorables à la Russie en Europe.

Je pense que des cas de ce type méritent de faire l’objet d’enquêtes approfondies – soit par les services européens, soit par le FBI ou le département du Trésor des Etats-Unis. Même la presse britannique s’en est fait l’écho. Il s’agit, selon moi, d’un phénomène important.

En Ukraine, après la «révolution de la dignité», la situation est différente, ce que montre bien le fait que le rapport n’aborde pas le sujet. La leçon que nous sommes en train d’assimiler en reconstruisant notre société civile permettrait de compléter le projet de résolution au moyen d’exemples concrets. Cela pourrait contribuer au débat sur le rôle et le fonctionnement des ONG au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe, débat que le Comité des Ministres devrait poursuivre, comme l’indique le projet de recommandation.

Premièrement, les autorités doivent unir leurs forces à celles de la société civile pour mener un travail de sensibilisation et favoriser l’émergence d’une meilleure législation. Ce travail d’équipe n’est pas facile, surtout dans les sociétés kleptocratiques issues de l’ex-Union soviétique. Dans ces pays, la société civile doit jouer un rôle actif et combattre pour la première place, précisément parce que les gouvernements ne sont pas intéressés par ce travail d’équipe.

Deuxièmement, les nouvelles modalités de la participation de la société civile à la prise de décision doivent être mises en place. Son rôle et ses responsabilités doivent être établis. En Ukraine, par exemple, les ONG ont préparé et défendu une nouvelle législation pour permettre de lancer des pétitions électroniques au niveau local et national.

Troisièmement, il faut lever les restrictions au travail bénévole. En Ukraine, une nouvelle loi a été adoptée sur ce sujet.

Quatrièmement, il faut offrir des incitations fiscales afin de faciliter le travail des ONG au lieu de l’entraver.

Cinquièmement, la lutte contre la corruption est importante dans toute société, et pas seulement en Ukraine. Ce sujet ne pourrait pas avancer sans les défenseurs des droits de l’homme et sans une société civile active.

Enfin, les ONG doivent se voir offrir toutes les formes d’assistance à l’intérieur du pays ou à l’étranger, mais il faut aussi qu’elles puissent répondre de leurs actes et veiller à être représentatives de la société civile. En restreignant leurs activités, c’est en quelque sorte notre propre avenir que nous compromettons.

Mme LE DAIN (France) – La montée en puissance de la société civile dans les gouvernances internationale et nationale fait des ONG des acteurs essentiels de la vie de nos pays, et c’est une réalité bénéfique. Qui peut le contester aujourd’hui en Europe? Les ONG font partie intégrante de la société civile, tout comme les syndicats, par exemple. Qui pourrait aujourd’hui le contester?

Cela doit donc nous conduire aussi, et ce débat le montre, à une réflexion sur le statut des ONG du point de vue de notre institution. La question à se poser est celle de la définition de ce que sont les ONG, ces émanations concrètes, réelles et actives de la société civile, et à nous poser la question de leurs droits et devoirs.

Nous savons bien qu’elles peuvent avoir, qu’elles ont, qu’elles auront des ambitions et des fonctions différentes, et même qu’elles peuvent être agaçantes. Et alors?

Ainsi, certaines ONG ont fait de l’impartialité et de la neutralité des vertus cardinales; d’autres ont fait des choix plus pragmatiques, plus contingents. Toutes fondent leur légitimité sur la responsabilité de protéger les valeurs de la démocratie ou de la valeur de chaque être humain.

Toutes les ONG assument de fait à la fois la vitalité de la société civile et la nécessité, dans les principes fondamentaux de nos démocraties, de la défense des droits de l’homme, ces principes qui interpellent, bousculent, provoquent parfois et obligent ainsi le politique – nous, qui sommes le plus ancien des pouvoirs – à s’interroger sur lui-même, sur ses actions, sur sa propre représentativité. Bien sûr, cela est parfois agaçant et délicat, nous le savons tous ici. Et puis les ONG ne sont pas non plus toujours exemptes de débordements, voire de confusions entre humanitaire et politique. Bien sûr. Et alors? Cela est si nécessaire et si utile, au fond.

Nos pays, au Conseil de l’Europe – instance éminemment politique puisque nous sommes tous des élus de nos nations respectives – doivent assumer la vitalité que représentent les ONG. Ce sont des aiguillons nécessaires.

Dès lors, que certains pays membres de notre Conseil, ceux qui ont été évoqués et qu’il faut nommer – la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan, la Hongrie, la Turquie –, introduisent le concept si dur d’«agents étrangers» ou que d’autres imposent des restrictions bureaucratiques tatillonnes et invalidantes, tout cela est infiniment triste.

La recommandation 2007/14 du Conseil de l’Europe définit les ONG comme «des entités ou organisations autonomes volontaires créées pour réaliser les objectifs essentiellement non lucratifs de leurs fondateurs et adhérents. Elles n’incluent pas les partis politiques».

Quant aux droits et devoirs de ces ONG ainsi définies, je citerai des mots importants qui se trouvent dans nos textes: «Les ONG devraient jouir du droit à la liberté d’expression et de tous les autres droits et libertés qui sont garantis tant universellement qu’au plan régional et qui leur sont applicables.» Pourquoi le conditionnel? Les ONG doivent jouir de ces droits.

La liberté d’expression doit être respectée; nos textes doivent le dire. Le rapporteur rappelle fort justement que le corpus de normes sur les ONG a défini souvent trop largement les objectifs ou les principes auxquels ces organisations sont soumises. Ce manque de précision ouvre la voie à toutes les lois restrictives, et certains Etats membres, que nous avons cités, n’ont pas manqué de le faire. Ainsi, au sein du Conseil de l’Europe, nous pouvons légitimement nous interroger sur le fait que la convention sur la reconnaissance de la personnalité juridique des ONG, qui est, elle, contraignante et a été adoptée en 1986, n’est ratifiée que par 11 Etats membres, dont la France. Le questionnaire sur les ONG qui se trouve à la fin du rapport montre que cette insécurité juridique se traduit très concrètement dans le quotidien administratif des ONG d’Europe, et donc dans celui de notre population.

Comment un Etat qui a peur de la parole démocratique de la société civile représentée par les ONG, comment un Etat qui a peur de ses citoyens pourrait-il accepter le choix de ceux-ci lors des élections, ou bien encore la liberté de manifester? Tout est lié et c’est pour cela que les restrictions qui nous sont rapportées par M. Cruchten sont inadmissibles: elles constituent une menace pour la démocratie, une menace pour nos valeurs, une menace pour l’avenir.

Mme De SUTTER (Belgique)* – Je n’ai pas besoin de vous rappeler que la Convention européenne des droits de l’homme est très claire s’agissant de la liberté d’opinion: l’article 10 évoque la liberté d’expression, y compris la liberté d’exprimer ses opinions, de recevoir et de diffuser des informations et des idées, tout en apportant certaines restrictions liées au maintien de l’ordre public et à la sécurité.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler que nous, parlementaires du Conseil de l’Europe, sommes très attachés au respect des droits de l’homme au travers des conventions, des résolutions, par l’application du droit interne et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler que cette même Cour a condamné dans le passé les mesures de représailles contre les défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, et qu’elle continuera à le faire chaque fois qu’il y aura des violations.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler que l’ancienne Présidente de notre Assemblée, Mme Brasseur, avec d’autres instances internationales, a marqué sa préoccupation sérieuse au regard de la situation des organisations défendant les droits de l’homme dont les militants sont condamnés à de lourdes peines de prison ferme, notamment en Azerbaïdjan – les rapporteurs le soulignent à juste titre.

C’est précisément pour cela que je tiens à vous rappeler que nous tous, en tant qu’êtres humains et parlementaires, nous devrions nous sentir très peinés et préoccupés par l’escalade dans la répression, et ce quel que soit le pays. Nous devons exprimer notre préoccupation au regard des conditions sanitaires dans les prisons, qui, elles aussi, ont été amplement signalées.

Je regrette et je condamne le fait que, dans certains Etats, l’on observe une tendance négative à suivre une ligne de plus en plus dure. Les restrictions juridiques et budgétaires imposées en 2014 aux ONG indépendantes sont le signe très clair de la violation de la liberté d’expression. Les défenseurs des droits de l’homme, les militants qui luttent pour les droits des femmes, des LGBTI ou encore pour l’environnement, doivent avoir la possibilité de faire leur travail dans les sociétés démocratiques. Ils sont les consciences de nos nations – or il est malsain de ne pas écouter sa conscience. Il ne faut pas les écarter comme s’il s’agissait d’organisations indésirables ou d’agents étrangers. Au contraire, il faut les considérer comme les partenaires précieux de toute société civile.

Je soutiens évidemment les rapports de Mme Reps et de M. Cruchten et je vous invite à faire de même, parce que les défenseurs des droits de l’homme ont besoin d’une plateforme pour améliorer le respect des droits de l’homme dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, non seulement en Azerbaïdjan, en Turquie, en Hongrie et en Fédération de Russie, mais aussi dans des pays moins soupçonnables.

J’espère sincèrement que vous mesurez la nécessité de signaler tous les cas de répression individuelle et de protéger les défenseurs des droits de l’homme. Cette tendance à les faire taire entraîne l’érosion des valeurs démocratiques et conduit au totalitarisme. Les Etats qui en sont coupables devraient être sanctionnés par le Conseil de l’Europe, en dépit des intérêts économiques et géopolitiques, si cette Organisation veut encore représenter la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme.

M. NISSINEN (Suède)* – Je voudrais d’abord féliciter nos rapporteurs pour leurs excellents rapports. Celui de M. Cruchten est relatif à la situation des ONG dans les pays membres du Conseil de l’Europe, en particulier de celles qui travaillent dans le secteur des droits de l’homme et qui sont confrontées, dans certains pays, à de grandes difficultés. Le rapport de Mme Reps se concentre davantage sur les défenseurs des droits de l’homme.

Je reviendrai sur le rapport de Mme Reps, qui est très émouvant. À sa lecture, on prend conscience des sacrifices et des souffrances des défenseurs des droits de l’homme. Certains défenseurs dont il est fait état, ont été arrêtés arbitrairement et condamnés à des peines disproportionnées; d’autres souffrent de complications ou sont en mauvaise santé alors qu’ils sont en prison ou en difficulté. La rapporteure regrette de ne pouvoir tous les citer, mais nous pourrons suivre la situation de ceux qui sont mentionnés et veiller à ce qu’ils soient rapidement libérés afin de reprendre leur travail.

La Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan, la Turquie sont particulièrement montrés du doigt. Je suis attristé par la dégradation de la situation en Turquie car, il y a peu de temps encore, ce pays semblait prometteur en matière de traitement des défenseurs des droits de l’homme. C’était l’époque où nous pensions encore que la question kurde pouvait être résolue de manière pacifique. Aujourd’hui, nous apprenons que des défenseurs sont arrêtés et condamnés, notamment ceux qui travaillent pour défendre les intérêts de la minorité kurde.

J’appuie pleinement les projets de résolution et de recommandation contenus dans les deux rapports. Nous devons continuer à discuter de ces questions et les Etats membres doivent tous savoir qu’ils sont suivis de très près, car ils se sont engagés à faire respecter les droits de l’homme. En outre, les défenseurs des droits de l’homme doivent savoir que les membres de l’Assemblée parlementaire sont leurs amis et que notre Organisation reste le plus grand défenseur des droits de l’homme et de la démocratie en Europe.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Je tiens à remercier particulièrement nos deux rapporteurs. Il était très important, pour la commission des questions juridiques, de travailler sur ces rapports et d’apprendre des informations de la bouche des personnes concernées par des représailles.

Il importe de connaître, dans un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, en particulier ceux qui font l’objet d’une procédure de suivi, la situation en ce qui concerne les défenseurs des droits de l’homme.

Je suis Géorgienne et, dans mon pays, la situation est moins mauvaise que dans d’autres Etats membres. Par exemple, nous n’avons pas de loi concernant «les agents de l’étranger». Malheureusement, la situation se détériore. Le Premier ministre accuse les ONG, notamment celles qui défendent les droits de l’homme, d’être le bras de l’opposition politique, d’avoir sapé l’image du pays et de l’Etat. Ces déclarations nous rappellent un peu la rhétorique des autorités de la Fédération de Russie. Notre ancien premier ministre a même été encore plus loin. Lors d’une conférence de presse, il a menacé des responsables de Transparency International en Géorgie et ceux d’une autre ONG de publier des documents compromettants. Mais de quels types de documents a-t-il voulu parler? Et surtout, comment peut-il disposer de telles informations si ce n’est grâce à des activités de surveillance massive dénoncées par la société civile. En outre, le gouvernement, au lieu de répondre à cette violation des droits de l’homme, cible les ONG.

Les ONG ne font pas seulement l’objet de déclarations. Des responsables sont également menacés de représailles physiques. Je pense en particulier à une ONG qui défend les droits des personnes les plus vulnérables, telles que la communauté LGBT.

Autre problème auquel nous nous heurtons en Géorgie: les attaques physiques et les pressions des services d’enquête à l’encontre d’avocats qui défendent les droits de l’homme, en particulier ceux qui travaillent sur des affaires politiquement sensibles. La fédération des barreaux d’Europe, qui regroupe les associations nationales, a envoyé une lettre au Président de la Géorgie, au président du Parlement et au Premier ministre pour évoquer le cas d’une douzaine d’avocats qui ont été menacés, agressés ou à l’encontre desquels des poursuites ont été engagées en raison de leur activité professionnelle.

La situation est alarmante. 52 ONG géorgiennes ont évoqué ces préoccupations et leurs déclarations donnent le sentiment qu’une campagne délibérée est menée contre les organismes de la société civile. Cette attitude est néfaste pour les valeurs et les idées démocratiques.

Telle est la situation en Géorgie, une situation préoccupante pour la démocratie.

Je vous appelle à soutenir l’amendement que nous présenterons et à voter contre celui qui sera défendu par les représentants du parti au pouvoir.

M. ZOURABIAN (Arménie)* – Dans cet excellent rapport, Mme Reps montre, une fois de plus, qu’elle est l’un des membres les plus compétents et les expérimentés de cette Assemblée.

S’agissant de l’Arménie, je partage l’avis de Mme Reps: en comparaison de la gravité de la situation en Azerbaïdjan, les militants arméniens jouissent de libertés considérables pour exercer leurs activités. Mais la situation en Azerbaïdjan étant cauchemardesque, je ne voudrais que la situation en Arménie soit jugée à l’aune de celle de l’Azerbaïdjan.

Au regard des normes du Conseil de l’Europe, l’Arménie ne se porte pas si bien que cela. Le médiateur arménien Andreasian a démissionné de ses fonctions le 12 janvier sans aucune explication, après avoir été sévèrement critiqué par un représentant du parti de la majorité au Parlement et par un ministre qui est aussi vice-président du pays. Le médiateur était devenu de plus en plus critique à l’égard des actions de la police arménienne à l’encontre des militants de l’opposition critiquant la corruption du pouvoir judiciaire et les fraudes électorales commises lors du référendum du 6 décembre. Il était sur le point de publier un rapport sur ces violations.

En Arménie, c’est le défenseur public des droits qui a le plus besoin d’être défendu. L’Arménie détient 8 prisonniers politiques, si je me réfère aux critères énoncés par l’Assemblée dans sa Résolution 1900. J’en appelle aux deux rapporteurs, Alan Meale et Giuseppe Galati, à la commission de suivi ainsi qu’au commissaire Muiznieks pour qu’ils prennent les mesures nécessaires à la libération de Gevorg Safarian et Shant Harutyunian.

La fraude électorale reste le pire des maux d’un système politique totalement corrompu. Le référendum du 6 décembre a été totalement falsifié. Le peuple arménien a massivement dit «non» aux amendements constitutionnels qui avaient pour objet de permettre au président Sargsian de se maintenir au pouvoir.

La fraude et les tentatives d’intimidation ont été multiples. Plus d’un demi-million de votes ont été falsifiées pour modifier les résultats du référendum. Aujourd’hui, des efforts conjoints de toutes les forces politiques arméniennes, des ONG, de la communauté internationale sont nécessaires pour nous assurer que la volonté du peuple arménien soit respectée lors des élections législatives de mai 2017.

LE PRÉSIDENT – J’appelle la réplique des commissions.

Madame Reps, vous disposez d’un temps de parole de 4 minutes.

Mme REPS (Estonie), rapporteure* – Je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues, qui se sont écoutés les uns et les autres pendant quasiment deux heures. Que vous vous soyez prononcés pour ou contre, vous vous êtes montrés soucieux de la situation des ONG et des défenseurs des droits de l’homme.

Le débat que nous venons de mener est éminemment important. Certains ont souligné que nous ne montrons du doigt qu’un nombre limité de pays. N’oublions pas que ce n’est pas le premier rapport sur les défenseurs des droits de l’homme dont nous débattons. C’est, pourrait-on dire, un rapport de suivi portant sur la période 2009-2012.

A l’occasion de rapports précédents, nous nous sommes penchés sur la pratique générale à l’œuvre dans de nombreux Etats membres, voire dans la majorité des Etats membres.

Les activités de certaines organisations s’attachent à la sécurité, aux réfugiés, d’autres encore s’engagent pour les personnes LGBT ou défendent des minorités. Nombreuses sont les organisations sous surveillance en raison de la menace terroriste et de la sécurité. Un intervenant a indiqué qu’un équilibre était trouvé entre les droits de l’homme et les préoccupations sécuritaires, mais notre Assemblée devrait être plus préoccupée encore si la menace terroriste devenait un prétexte pour saper le travail des organisations qui défendent les droits de l’homme.

Nous autres ici, au sein de cette Organisation, devons faire bien davantage encore, aller plus loin. Aussi, certains des amendements présentés visent à donner au Commissaire aux droits de l’homme la possibilité de se pencher sur des cas individuels, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent. C’est l’un des outils, utile et nécessaire, dont nous pourrions doter le bureau du Commissaire.

Par ailleurs, nous devons continuer à travailler à ce dossier au sein de la commission des questions juridiques comme au sein de nos parlements nationaux, car des personnes de la Fédération de Russie, d’Azerbaïdjan ou d’autres pays qui nous livrent des informations sont harcelées, menacées, arrêtées, meurent assassinées.

Nous ne pouvons permettre à ces pays, sous procédure de suivi, de saper les principes de notre Organisation et de mettre la vie de ces personnes en danger pour que notre Assemblée dispose d’informations. Il nous faut par conséquent les défendre.

Une pratique se répand de plus en plus: les avocats qui aident les citoyens et qui veulent défendre des personnes devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg sont menacés, parfois même menacés de mort, détruisant ainsi l’ensemble du système de protection des droits de l’homme. Il convient de s’attacher à cette question pour y trouver remède.

Enfin nous devons rester attentifs aux territoires en conflit, dites «zones grises». Je pense à la Transnistrie, à la Crimée, à la partie orientale de l’Ukraine, à l’Ossétie, à l’Abkhazie ou à d’autres régions encore, où les organisations chargées de la défense des droits de l’homme connaissent une situation particulièrement difficile. Continuons à nous pencher sur ces cas.

Je conclurai en vous remerciant, mes chers collègues, en remerciant également le secrétariat qui m’a aidé à la rédaction de ce rapport.

M. CRUCHTEN (Luxembourg), rapporteur* – Je reviendrai sur deux interventions. Tout d’abord, celle de M. Dişli qui m’a demandé pourquoi je me concentrai particulièrement sur quatre pays.

Je lui répondrai que nous avons envoyé un questionnaire à tous les membres du Conseil de l’Europe. Nous n’avons malheureusement reçu que 31 réponses, la Turquie ne figurant pas parmi les pays qui ont répondu. Ensuite, les ONG avec lesquelles nous sommes en contact ont souligné l’importance de la situation en Azerbaïdjan, en Russie, en Hongrie et en Turquie.

M. Huseynov a remis en question la pertinence des cas que nous avons évoqués. Je lui dirai que nous n’en avons cité que quelques-uns. Dans le cadre de la rédaction du rapport, j’ai reçu une liste de plus de 100 militants des droits de l’homme emprisonnés en Azerbaïdjan. Je ne puis croire que toutes ces personnes soient des terroristes. Dans le cadre de toutes nos activités et pour rédiger nos rapports, nous utilisons des sources dignes de foi.

Personne n’attend de l’Azerbaïdjan qu’elle devienne, du jour au lendemain, un modèle de démocratie. Nous ne l’exigeons d’aucun pays. Mais voilà quinze ans que l’Azerbaïdjan est membre du Conseil de l’Europe et il serait temps que nous assistions à quelques progrès. En rédigeant mon rapport, j’ai eu le sentiment que le processus allait plutôt en sens inverse. Nous ne constatons aucune amélioration dans le sens d’une plus grande démocratie, mais plutôt un retour en arrière, qui se traduit par une répression toujours plus grande sur la société civile. Mais j’ajoute que nous sommes prêts à vous aider, nous n’entendons pas laisser l’Azerbaïdjan seule face à ses difficultés. Laissez-nous vous aider, demandez à la Commission de Venise de vous aider à rédiger la législation, nous sommes là aussi pour vous aider à exécuter les arrêts de la Cour.

Je veux maintenant remercier tous ceux qui ont apporté leur soutien à ce rapport, qui traite d’un sujet important. Je suis heureux que vous soyez nombreux dans cet hémicycle à partager cet avis.

Je remercie les membres du secrétariat de la commission, les membres de diverses ONG, la Conférence des OING ainsi que mes collègues de l’Assemblée ou d’instances officielles que j’ai eu l’occasion de rencontrer au cours de la rédaction du rapport.

Au nom de l’Assemblée, je remercie tous ceux qui travaillent dans des ONG pour défendre les droits de l’homme, que ce soit à Strasbourg ou ailleurs dans le monde. Ces personnes jouent un rôle essentiel, non seulement pour les populations locales, mais aussi pour nous.

En tant que parlementaires, nous considérons les ONG comme des partenaires indispensables dans le combat pour une société plus juste, plus démocratique et plus libre.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je voudrais remercier les deux rapporteurs au nom de la commission. Le débat auquel nous venons d’assister s’est déroulé dans un climat harmonieux et nous allons pouvoir adopter aujourd’hui une position claire. Nous devrons toutefois poursuivre la discussion à l’avenir pour déterminer des voies d’action concrètes. Nous avons commencé à y réfléchir en commission sans réussir à parvenir à un accord. La question qui nous est posée est celle de savoir comment protéger ceux qui en protègent d’autres. Je fais appel à chacun d’entre vous pour de nouvelles propositions.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur «Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» (Doc. 13943).

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution, sur lequel 3 amendements ont été déposés, et un projet de recommandation, sur lequel 2 amendements ont été déposés.

Nous commençons par l’examen du projet de résolution.

J’ai cru comprendre que le président de la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer l’amendement 1, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est déclaré adopté définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Cet amendement fait état des préoccupations exprimées par 52 organisations de défense des droits de l’homme géorgiennes, qui se sont heurtées à des attaques publiques et à des menaces de la part des autorités. Il faut mentionner aussi la situation d’avocats attaqués parce qu’ils travaillent sur des dossiers politiquement sensibles.

LE PRÉSIDENT – J’ai été saisi du sous-amendement 1, présenté par la commission des questions juridiques.

Mme REPS (Estonie), rapporteure* – Ce sous-amendement vise à placer l’amendement 2 après la deuxième phrase du paragraphe 4, et non après la première, et à remplacer le mot «toutefois» par le mot «aussi».

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT – J’ai été saisi du sous-amendement 2.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Dans son rapport, Mme Reps n’a pas identifié un seul fait concret de violation des droits des défenseurs des droits de l’homme. Elle affirme, qui plus est, que la situation en Géorgie en matière de protection des défenseurs des droits de l’homme s’est nettement améliorée par rapport aux périodes précédentes.

Une majorité de membres de la délégation géorgienne demande donc à l’Assemblée de soutenir ce sous-amendement qui vise à supprimer les mots «dont la Géorgie».

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Les représentants du gouvernement de la Géorgie se font l’écho de la position du Premier ministre, mais celui-ci menace tous les jours les ONG.

Mes chers collègues, je vous demande de soutenir les 52 ONG géorgiennes dont les droits sont attaqués et de ne pas voter le sous-amendement 2. Je précise que la commission a approuvé l’amendement 2 dans sa version d’origine.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – La commission n’a pas d’avis sur le sous-amendement 2.

Le sous-amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous revenons à l’amendement 2 sous-amendé.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – La commission a approuvé cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 2, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Comme nous avons sous-amendé l’amendement 2, je ne défends pas l’amendement 3.

LE PRÉSIDENT – Personne ne le reprend.

L’amendement 3 n’est pas soutenu.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13943, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (67 voix pour, 18 voix contre et 3 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au projet de recommandation, sur lequel deux amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques souhaitait proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 4 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13943, tel qu’il a été amendé.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (68 voix pour, 10 voix contre et 7 abstentions).

Nous en venons au second rapport: «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» (Doc. 13940).

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution sur lequel cinq amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel un amendement a été déposé.

Nous commençons par le projet de résolution.

M. MULLEN (Irlande)* – Rappel au Règlement.

Pardonnez-moi de ne m’exprimer qu’à ce stade, Monsieur le Président: je n’ai pas pensé à signaler ce problème en commission ce matin.

Alors que le premier paragraphe du projet de résolution entend rendre hommage «aux ONG dont l’action a renforcé les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit», une virgule malencontreuse modifie le sens du texte. J’aimerais déposer un amendement oral pour la supprimer. La commission le soutiendra certainement.

LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur Mullen, mais cela relève de la correction éditoriale d’un projet d’amendement.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques souhaitait proposer à l’Assemblée de considérer l’amendement 2, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT- Il n’y a pas d’opposition. En conséquence cet amendement est déclaré adopté définitivement.

Nous en venons aux autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 3 n’est pas défendu, non plus que l’amendement 4, leur auteur M. Rochebloine n’étant pas présent. Personne ne les reprend.

Je suis saisi de l’amendement 5.

M. FARMANYAN (Arménie)* – Cet amendement a été adopté par la commission.

Il demande aux Etats membres de faire des droits de l’homme et de la démocratie une priorité absolue dans leur coopération bilatérale avec l’Azerbaïdjan. C’est essentiel quand on connaît l’attitude du président Aliev, qui se joue des organisations européennes, dont la nôtre.

M. Vusal HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Cet amendement ne s’inscrit pas dans la logique du paragraphe 5 et limite la portée du projet de résolution en le rendant unilatéral. Il convient donc de le rejeter.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 6, déposé par M. Rochebloine, n’est pas défendu. Personne ne le reprend.

Nous en venons donc au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13940, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (70 voix pour, 16 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT – Nous passons maintenant au projet de recommandation, sur lequel un amendement a été déposé.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. MULLEN (Irlande)* – Il s’agit de la demande de statut participatif auprès du Conseil de l’Europe présentée par les OING. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, cet amendement engage le Conseil de l’Europe à adopter une procédure de demande ouverte, claire et transparente, avec un système de recours. Le Secrétaire Général lui-même a reconnu que la procédure actuelle devait être revue, ce qui implique qu’elle n’est pas idéale. Cet amendement donnera plus de force au rapport et au projet de recommandation.

M. CRUCHTEN (Luxembourg), rapporteur* – En réalité, cet amendement ne vise qu’un seul cas, non un problème structurel.

M. MULLEN (Irlande)* – Ce n’est pas vrai!

M. CRUCHTEN, rapporteur* – D’autre part, Monsieur Mullen, je voudrais encore une fois vous répondre que la question des conditions de participation pour les OING sera réexaminée: le Secrétaire Général, M. Jagland, s’y est engagé. Par conséquent, je suis contre cet amendement.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13940.

Je vous rappelle que la majorité des deux tiers est requise.

Le projet de recommandation est adopté (66 voix pour, 16 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT – Mes félicitations à Mme Reps et à M. Cruchten.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 50.

SOMMAIRE

1. Modification du temps de parole

2. La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe

Présentation par M. Mogens Jensen, président de la commission des questions politiques, du rapport de la commission (Doc. 13939)

Orateurs: Mme Mateu, MM. Pritchard, Hanžek, Korodi, Mmes Gosselin-Fleury, Djurović, Obradovic, MM. Manninger, Dokle, Vareikis, Mmes Günay, Leskaj, MM. Nikoloski, Vasili, Bylybashi, Le Borgn’, Önal, Rouquet, Gunnarsson, Mme Jonica

Réponse de M. le président de la commission

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Reps, du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 13943)

Présentation par M. Cruchten, du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 13940)

Orateurs: Mme Usta, MM. Kürkçü, Stroe, Schwabe, Mme Zelienková, M. Dişli, M. Reiss, Mmes Beselia, Kobakhidze, Mateu, Christoffersen, M. Mullen, Mmes Zohrabyan, Kerestecioğlu Demir, Karapetyan, MM. Harangozó, Hollik, Mme Heinrich, M. Rafael Huseynov, Mme Palihovici, MM. Farmanyan, Kiral, Mmes Le Dain, De Sutter, M. Nissinen, Mme Taktakishvili, M. Zourabian

Réponses de Mme la rapporteure, de M. le rapporteur et de M. Schwabe, vice-président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation amendé

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

4. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH*

Brigitte ALLAIN/Anne-Yvonne Le Dain

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON*

Paride ANDREOLI/Augusto Michelotti

Sirkka-Liisa ANTTILA*

Ben-Oni ARDELEAN*

Iwona ARENT*

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Anna ASCANI/Tamara Blazina

Mehmet BABAOĞLU

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Chiora Taktakishvili

Gérard BAPT/Geneviève Gosselin-Fleury

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Guto BEBB*

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

Włodzimierz BERNACKI*

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ*

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM*

Oleksandr BILOVOL/Serhii Kiral

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN/Catherine Quéré

Tilde BORK*

Mladen BOSIĆ*

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN

Margareta BUDNER*

Utku ÇAKIRÖZER

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI/Eka Beselia

Vannino CHITI*

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU*

Lise CHRISTOFFERSEN

Paolo CORSINI*

David CRAUSBY*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN/Jenő Manninger

Katalin CSÖBÖR*

Geraint DAVIES*

Joseph DEBONO GRECH*

Renata DESKOSKA*

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA*

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Jeffrey DONALDSON

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY/Andries Gryffroy

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU/Jean-Claude Frécon

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Markar ESEYAN

Franz Leonhard EẞL*

Nigel EVANS

Samvel FARMANYAN

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Manuel Tornare

Daniela FILIPIOVÁ/Ivana Dobešová

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Bernard FOURNIER*

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Pierre-Alain FRIDEZ

Martin FRONC

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE/Paul Scully

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON*

Iryna GERASHCHENKO/Sergiy Vlasenko

Tina GHASEMI/Boriana Åberg

Valeriu GHILETCHI*

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO/Vladyslav Golub

Rainer GOPP

Alina Ștefania GORGHIU*

Sylvie GOY-CHAVENT*

François GROSDIDIER

Dzhema GROZDANOVA

Gergely GULYÁS/István Hollik

Emine Nur GÜNAY

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI*

Alfred HEER/Roland Rino Büchel

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN/Rasmus Nordqvist

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER*

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU*

Florin IORDACHE*

Denis JACQUAT/André Schneider

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Andrzej JAWORSKI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON*

Aleksandar JOVIČIĆ/Dejan Kovačević

Anne KALMARI*

Erkan KANDEMIR

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI*

Niklas KARLSSON/Azadeh Rojhan Gustafsson

Nina KASIMATI*

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR

İlhan KESİCİ

Danail KIRILOV

Bogdan KLICH*

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ/Metin Lütfi Baydar

Željko KOMŠIĆ/Saša Magazinović

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Anže Logar

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Florian KRONBICHLER*

Julia KRONLID/Johan Nissinen

Eerik-Niiles KROSS*

Talip KÜÇÜKCAN*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU*

Inese LAIZĀNE*

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT*

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Ian LIDDELL-GRAINGER*

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE*

George LOUKAIDES*

Yuliya L’OVOCHKINA*

Philippe MAHOUX/Petra De Sutter

Muslum MAMMADOV*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Duarte MARQUES*

Alberto MARTINS*

Meritxell MATEU

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE/Virendra Sharma

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY/Gábor Harangozó

Jean-Claude MIGNON/Frédéric Reiss

Marianne MIKKO

Olivia MITCHELL*

Arkadiusz MULARCZYK*

Thomas MÜLLER/Jean-Pierre Grin

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN/Naira Karapetyan

Marian NEACȘU*

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN*

Joseph O’REILLY/Rónán Mullen

Kate OSAMOR/Liam Byrne

Tom PACKALÉN/Anne Louhelainen

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS

Ganira PASHAYEVA/Elshan Musayev

Florin Costin PÂSLARU*

Jaana PELKONEN*

Agnieszka POMASKA*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Phil Wilson

Mark PRITCHARD

Gabino PUCHE

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO*

Carmen QUINTANILLA

Kerstin RADOMSKI*

Christina REES

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Soraya RODRÍGUEZ*

Helena ROSETA*

René ROUQUET

Alex SALMOND*

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Nadiia SAVCHENKO*

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Paul SCHNABEL*

Ingjerd SCHOU

Koos SCHOUWENAAR*

Nico SCHRIJVER

Frank SCHWABE

Predrag SEKULIĆ*

Aleksandar SENIĆ*

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE/Matjaž Hanžek

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ*

Ionuț-Marian STROE

Dominik TARCZYŃSKI*

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV*

Krzysztof TRUSKOLASKI*

Goran TUPONJA/Snežana Jonica

İbrahim Mustafa TURHAN/Burhanettin Uysal

Konstantinos TZAVARAS*

Leyla Şahin USTA

Dana VÁHALOVÁ*

Snorre Serigstad VALEN/Tore Hagebakken

Petrit VASILI

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Birutė VĖSAITĖ/Dalia Kuodytė

Nikolaj VILLUMSEN*

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Jacek WILK

Andrzej WOJTYŁA*

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Bas van ‘t WOUT*

Gisela WURM*

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Espagne/Pedro Azpiazu

Siège vacant, Espagne /José María Chiquillo

Siège vacant, Espagne*

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, Espagne *

Siège vacant, République de Moldova*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Sílvia Eloïsa BONET

Observateurs

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Partenaires pour la démocratie

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