FR16CR21

AS (2016) CR 21
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt et unième séance

Mardi 21 juin 2016 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Royaume-Uni

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni.

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent dans le Doc. 14050 et l’avis de la commission sur l’élection des juges figure dans le Doc. 14086, Addendum II.

Le vote aura lieu dans la rotonde derrière la Présidence.

À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de deux scrutateurs que nous désignons par tirage au sort: M. Fournier; M. Garðarsson.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Le scrutin est ouvert.

2. Les réfugiés en danger en Grèce

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport sur «Les réfugiés en danger en Grèce».

Je souhaite la bienvenue à M. Mouzalas, ministre délégué à la Politique migratoire de la Grèce.

Mme Strik va d’abord nous présenter son rapport au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Nous aurons ensuite le plaisir d’entendre Mme Mateu, rapporteure de la commission ad hoc du Bureau sur la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Grèce, puis M. Mouzalas, ministre délégué à la Politique migratoire de la Grèce, et enfin M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé au cours de sa séance d’hier matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes pour que nous puissions terminer l’examen du texte à 13 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 12 h 45 afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, pendant la partie de session d’avril, nous avons adopté une résolution sur l’accord du 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie dans laquelle nous estimions que celui-ci posait plusieurs problèmes graves quant au respect des droits de l’homme.

Aujourd’hui, trois mois après l’entrée en vigueur de cet accord, cette conclusion se voit encore confirmée. Avec cet accord, les Etats membres de l’Union européenne ont déplacé la responsabilité de l’accueil et de la protection des réfugiés vers deux pays qui étaient déjà sous pression: la Turquie, parce qu’elle accueille 3 millions de réfugiés, et la Grèce, en raison de la crise économique et financière très grave qui la frappe, et parce que son système d’asile était sérieusement défaillant à l’époque.

Les Etats membres de l’Union européenne ont soutenu l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, l’ARYM, pour qu’elle ferme sa frontière avec la Grèce, ce qui a peut-être encouragé le Gouvernement grec à soutenir l’accord avec la Turquie. Quelles sont cependant les conséquences pour les réfugiés?

Depuis la fermeture des frontières, quelque 60 000 réfugiés se sont retrouvés bloqués en Grèce. Près de 50 000 d’entre eux se trouvent sur le continent et ne relèvent pas de l’accord Union européenne-Turquie; près de 9 000 d’entre eux sont bloqués sur les îles de la mer Egée et menacés d’un retour vers la Turquie.

Permettez-moi de dire tout d’abord quelques mots sur les réfugiés qui se trouvent sur le continent. Jusqu’au mois de février dernier, des dizaines de milliers d’entre eux traversaient la Grèce pour se rendre vers le nord de l’Europe. Lorsque leur trajet a été interrompu, le gouvernement a dû précipitamment organiser leur accueil. Il y est arrivé en fermant le camp d’Idomeni de façon pacifique et sans violence. Il faut saluer le Gouvernement grec pour cette remarquable réalisation.

Cependant, la majorité des camps sont des centres temporaires d’urgence. Certains d’entre eux ne fournissent que les biens et services de base: la nourriture, l’eau, les soins de santé élémentaires. D’autres offrent moins que cela encore. Surtout, les camps qui ont remplacé Idomeni ne répondent pas aux besoins des réfugiés, en particulier des personnes vulnérables.

Ces personnes vivent dans des conditions insalubres, ce qui est inacceptable, surtout si leur séjour dans des camps se prolonge sur de longues périodes. Or, elles sont malheureusement susceptibles de s’y retrouver pendant des mois ou même une année.

Cette absence de perspective, ces conditions de vie épouvantables sont extrêmement éprouvantes pour les réfugiés. La présente résolution exhorte donc le Gouvernement grec à améliorer rapidement les centres d’accueil rapidement et la capacité du service d’asile. Elle en appelle aussi au gouvernement pour qu’il permette un accès au marché de l’emploi, à l’éducation et au logement.

Permettez-moi de vous rappeler néanmoins que la situation des réfugiés est le fruit de l’inaction de tous nos gouvernements, du mur que nous avons érigé sans nous soucier des conséquences qu’il aurait pour les réfugiés, de la conclusion d’un accord fondé sur des vœux pieux quant au niveau de protection que la Turquie pourrait accorder aux réfugiés et à la capacité du système d’asile grec.

Le constat est assez cynique, mais voilà cinq ans, la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’affaire MSS, avait interdit le retour des demandeurs d’asile vers la Grèce en raison du manque de garanties dans ce pays: conditions de vie épouvantables, détention arbitraire, absence de droit de recours. Malgré cela, les Etats membres rendent aujourd’hui les demandeurs d’asile dépendants d’un système grec qui ne fonctionne pas correctement. Il est vrai qu’ils ne renvoient pas les réfugiés vers la Grèce, mais ils font en sorte que les réfugiés ne puissent pas en sortir. Quelle est la différence? Soyons honnêtes: l’effet sur les réfugiés est exactement le même. On peut donc en conclure que la politique actuelle de l’Union européenne viole l’arrêt de la Cour.

Les conditions de vie, l’absence de perspective pour les réfugiés relèvent de la responsabilité de l’Europe. Cette résolution en appelle ainsi aux Etats membres pour qu’ils assument cette responsabilité le plus rapidement possible.

Il y a de nombreuses façons de le faire. Nous pouvons soutenir la Grèce pour améliorer les conditions d’accueil au moyen de services adéquats, d’un soutien médical et psychologique adapté, de l’accès à l’éducation, notamment. Nous pouvons également aider la Grèce à améliorer sa capacité à traiter les demandes d’asile, grâce à un nombre suffisant d’agents, d’avocats, d’interprètes et de juges. Nous pouvons aussi à ce stade apporter aux réfugiés un soutien et une protection.

Les membres de la commission ad hoc, dont notre Président fait partie, se sont entretenus avec de nombreux proches des réfugiés habitant déjà dans d’autres pays européens; non seulement des femmes avec de jeunes enfants, mais également des parents dont les enfants se trouvent déjà dans les pays du nord de l’Europe. Ces réfugiés ont le droit de rejoindre leurs proches, mais ils sont confrontés à de nombreux obstacles bureaucratiques aujourd’hui. J’en appelle donc aux Etats membres pour qu’ils fassent preuve de pragmatisme: plus tôt ce regroupement pourra se faire, mieux ce sera pour toutes les parties concernées et pour l’intégration des réfugiés.

J’aimerais également rappeler aux Etats européens l’accord qu’ils ont signé l’année dernière par lequel ils se sont engagés à prendre en charge 66 400 réfugiés de la Grèce. Jusqu’à présent, soit neuf mois après la signature de l’accord, seuls 1 674 réfugiés ont été réinstallés, ce qui correspond à moins de 3 % du total. Combien de décennies faudra-t-il donc pour les 97 % restants soient eux aussi réinstallés?

L’idée de la réinstallation était que l’on puisse rapidement transférer les personnes concernées vers des lieux plus favorables au moyen de procédures simples. Il n’y a cependant que très peu d’offres dans ce sens, et trop de conditions posées. Tous les Etats membres n’acceptent pas les réfugiés les plus vulnérables. Ils préfèrent recevoir des personnes plutôt éduquées, instruites, de préférence chrétiennes. Laissons de côté ces tactiques dilatoires et assumons nos engagements.

Ces 50 000 réfugiés devraient être répartis entre les différents Etats membres, au sein desquels le nombre de demandeurs d’asile a chuté.

Les réfugiés qui se trouvent sur les îles sont dans une situation plus incertaine encore. En attendant le traitement de leur demande d’asile, les réfugiés des hotspots vivent dans des lieux surpeuplés sous tension. La Cour européenne des droits de l’homme a interrogé le Gouvernement grec sur les raisons de la détention de ces personnes et de la lenteur de la procédure d’asile. Il est évident qu’il faut améliorer l’accueil et les capacités d’asile rapidement. Les Etats européens doivent mettre à disposition plus de personnel détaché.

Les demandes d’asile doivent être évaluées avec soin. Les réfugiés craignent un retour vers la Turquie, et ce à juste raison. Près de 90 % des Syriens qui habitent en dehors des camps dans ce pays ont des difficultés à gagner leur vie, les enfants ont toujours des difficultés à accéder à l’éducation. D’autres nationalités n’ont quasiment aucun accès à la procédure d’asile. Certains réfugiés seraient même retournés dans leur pays d’origine.

L’Assemblée avait conclu, dans la résolution adoptée en avril, que la Turquie n’était pas un pays tiers sûr pour les réfugiés. C’est précisément pour cette raison que, dans au moins 22 cas, les commissions de recours en Grèce ont décidé que les réfugiés ne pouvaient pas y être renvoyés. Le Gouvernement grec prend au sérieux les décisions de ces commissions, ce qui constitue un signal important. J’espère que les nouvelles commissions de recours seront tout aussi indépendantes que les précédentes.

Tout cela démontre que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie suscite, aujourd’hui encore, beaucoup de préoccupations. Il faudrait donc avoir le courage de revenir dessus, et cela d’autant plus qu’il a été contesté devant la Cour de justice de l’Union européenne. Notre expérience nous montre que le partage de la responsabilité de la protection des réfugiés est la seule solution durable. Toutes les autres politiques se font au détriment des réfugiés, ce qu’il convient absolument d’éviter.

LE PRÉSIDENT* – Madame la rapporteure, il vous restera 4 minutes pour répondre aux orateurs.

Mme MATEU (Andorre), rapporteure de la commission ad hoc du Bureau sur la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Grèce – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues, qu’est-ce qu’un réfugié, qu’est-ce qu’un migrant? Ce sont des personnes qui doivent tout abandonner pour fuir la guerre, les persécutions ou la pauvreté. L’Europe est, à leurs yeux, l’eldorado à atteindre.

Que sont les migrations et l’asile pour l’Europe? Un défi, assurément, mais aussi un objet de litige, qui divise et doit être mieux géré.

Les 30 et 31 mai, la commission ad hoc a visité quatre camps – deux officiels et deux provisoires – à Athènes et dans ses environs. Grâce à la bonne volonté des autorités grecques et à une bonne organisation – merci Mme Kavvadia, merci Monsieur le ministre –, nous avons eu une totale liberté de mouvement. Nous avons pu parler aux résidents, aux ONG présentes, aux représentants du HCR et aux volontaires, entre autres.

Une petite délégation de sept personnes, dont le Président de l’Assemblée et Mme Strik, a aussi visité Lesbos pour se rendre compte de la situation dans les îles grecques. La Grèce, du fait de sa position géographique, est habituée aux arrivées de migrants et de réfugiés de différentes nationalités mais, depuis quelques mois, la situation a complètement changé avec, en mars dernier, la fermeture soudaine des frontières. La Grèce, pays de transit, est devenue du jour au lendemain un pays d’accueil.

Des milliers de migrants et de réfugiés, en route vers différents pays européens, se sont trouvés bloqués en Grèce sans qu’aucune structure d’accueil ait été prévue. Il faut dire qu’en à peine trois mois, la proportion des demandes d’asile enregistrées par la Grèce est passée de 3 % à 90 % en juin.

Des sites d’accueil non officiels sont en cours de démantèlement car ils sont provisoires, comme les sites d’Elliniko et du Pirée; ils manquent de tout et la dignité des migrants y est vraiment compromise. En revanche, les campements officiels qui sont bâtis pour reloger les réfugiés sont beaucoup mieux équipés et bénéficient d’un encadrement structuré. Le transfert des migrants et des réfugiés – parmi lesquels on compte un très grand nombre d’enfants, parfois non accompagnés – est en cours.

Lors de nos réunions avec certains ministres et les autorités locales, nous avons été informés des réformes que la Grèce est en train d’adopter, en particulier une nouvelle loi sur l’asile. De plus, nos interlocuteurs nous ont fait part de leur volonté de reloger les demandeurs d’asile de façon à éviter la création de ghettos, et de leur souhait de scolariser tous les mineurs dès la rentrée de septembre.

Toutefois, nous n’avons pu évaluer les conséquences de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie.

Pour finir, cette visite sur le terrain et le travail de Mme Strik nous ont permis de constater une réalité cruelle. Trouver une solution à cette crise est, comme l’Assemblée l’a souvent souligné, une responsabilité européenne collective. Mais la réalité est tout autre: un bon nombre de nos concitoyens ont désormais peur de l’autre. Certains gouvernements construisent des barrières ou se retranchent derrière des décisions protectionnistes.

Notre combat doit être maintenant de sensibiliser nos Etats pour rétablir la solidarité et la confiance. L’Europe doit redevenir une terre d’accueil où tout un chacun puisse se reconstruire. Les migrants et les réfugiés d’aujourd’hui seront, j’en suis convaincue, les citoyens européens de demain.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le Ministre délégué à la Politique migratoire de la Grèce, je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui après avoir procédé avec vous à un échange de vues à Athènes il y a quelques semaines, lors de la visite en Grèce de la délégation de l’Assemblée. J’ai été heureux d’avoir la possibilité de discuter avec vous de la situation des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés en Grèce, mais aussi d’évoquer la mise en œuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Cela nous a aidés, je pense, à mieux comprendre les défis auxquels votre pays est confronté jour après jour et à identifier les moyens de mieux soutenir vos efforts.

Je suis certain que le discours que vous allez prononcer aujourd’hui sera également une contribution précieuse à nos discussions. C’est donc un plaisir pour moi que de vous donner la parole.

M. MOUZALAS, ministre délégué à la Politique migratoire de la Grèce* – Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Monsieur le Secrétaire général de l’Assemblée, Madame la rapporteure, Mesdames, Messieurs, je suis très ému de prendre la parole devant vous. C’est un grand honneur pour moi que de prononcer un discours devant cette éminente Assemblée. Je suis d’autant plus ému que je suis venu ici accompagné d’un jeune homme qui, lorsqu’il est arrivé à l’âge de 18 ans, était un réfugié clandestin.

Je remercie Mme Strik et tous les autres membres de l’Assemblée qui sont venus en Grèce et se sont donné du mal pour rédiger ce rapport très équilibré. Vous avez donné une image très claire de la situation et décrivez très bien les problèmes et les manques actuels. Je décrirai très brièvement la situation présente, car je ne dispose que de peu de temps.

La première réunion au sujet des réfugiés en Europe a eu lieu en août de l’année dernière. Jean-Claude Juncker a alors essayé de trouver une solution provisoire, mais sa proposition n’a pas été acceptée par certains Etats européens. L’Europe a ainsi perdu un temps précieux pour l’accueil des réfugiés.

Il y avait 800 000 réfugiés, et 10 000 personnes tentaient la traversée, de jour comme de nuit, dans des canots. Nous avons reçu toutes ces personnes et veillé au respect des droits de l’homme, faisant ainsi face à une crise humanitaire qui s’ajoutait aux difficultés économiques et financières que nous connaissions. Ce sont 170 000 personnes qui ont été sauvées par nos garde-côtes. Sans eux, toutes ces personnes seraient mortes noyées dans la mer Egée.

Par la suite, les frontières ont été fermées. Certains pays n’ont pas voulu appliquer les décisions de l’Europe et sont même allées à leur encontre. En Grèce, 70 000 personnes ont été enfermées, mais on en compte 580 000 qui sont dans la même situation en Allemagne et 160 000 en Italie.

Nous ne disposions pas des structures qui nous auraient permis de faire face au problème de ces personnes bloquées. Nous avons cependant trouvé 55 000 places provisoires. Ce n’étaient pas les meilleurs emplacements, mais nous nous sommes efforcés de les améliorer de jour en jour. Si quelqu’un était venu en visite en Grèce à cette époque, il aurait pu constater l’effort que nous accomplissions pour accueillir toutes ces personnes: 80 % de ces 55 000 personnes disposaient de tous les biens et services de première nécessité, tous ceux auxquels un réfugié a droit dans le respect des droits de l’homme.

Leurs conditions de vie s’amélioraient chaque jour, et je pense que si les observateurs qui étaient là à l’époque avaient fait preuve de la même honnêteté que les rapporteurs actuels, ils auraient pu le constater. Mais le camp d’Idomeni a été fermé. Cette fermeture a été l’une des plus grandes transgressions des règles européennes: en quelques jours, on a empêché les migrants et les réfugiés d’avancer. De façon souple, sans entrer en conflit, sans remettre en question les principes, on les a tout simplement empêchés de vivre et d’avoir un lieu de chute.

Je comprends toutes les difficultés afférentes à leur accueil, mais si nous avions attendu de construire et préparer les campements selon les normes européennes, nous aurions perdu encore plus de temps. Bien évidemment, les campements pouvaient être améliorés; nous les avons d’ailleurs améliorés et nous les améliorons tous les jours. En novembre 2016, nous disposerons ainsi de campements avec de petites maisons et des écoles, en dur, qui permettront peut-être de proposer un meilleur accueil. En tant que ministre responsable des réfugiés, j’ai estimé que nous ne devions pas perdre de temps.

À mon avis, le présent rapport est tout à fait honnête et sincère. Il décrit réellement la situation. Je voudrais simplement revenir sur certains points.

Si l’on voit les campements tels qu’ils sont, en ayant une vision globale statique, cela ne donne pas vraiment l’idée de l’effort accompli par la Grèce, car ces camps font l’objet d’une amélioration perpétuelle.

Bien évidemment, les hotspots installés dans les îles ont à faire face à une situation des plus difficiles. Nous essayons d’ouvrir de nouveaux espaces, de créer de nouveaux campements pour, sans cesse, améliorer la situation.

Quant à l’asile, il est accordé partout. Notre service d’asile était tout à fait précaire. Il s’est agrandi et construit. Il représente aujourd’hui une structure importante, obéissant aux normes européennes et se trouvant partout sur le territoire. En un temps record, ce service d’asile s’est développé dans tous les campements. Il est actif, et ce en l’espace de deux mois et demi. En Allemagne fédérale, cela a pris six mois pour que s’opère la transition.

La Grèce a réalisé beaucoup en un temps record. Si nous avions bénéficié d’un peu d’aide, nous aurions été encore plus efficaces.

L’accord dont nous parlons est tout l’enjeu de la discussion entre les Européens. Il ne s’agit pas d’un accord entre la Grèce et la Turquie, mais d’un accord européen avec la Turquie. Mon pays a salué cet accord et je pense que le rapport est erroné lorsqu’il affirme que cet accord représente un danger pour les réfugiés, dans la mesure où il permet de les renvoyer dans leur pays d’origine. Selon le Bundestag, cela ne serait pas très dangereux: toutes les précautions seront prises pour éviter le danger de ces renvois dans leur pays d’origine. De même, M. Avramópoulos et d’autres responsables ont décidé qu’il s’agissait d’un accord sûr.

Nous n’allons pas entrer dans la discussion, mais nous estimons qu’il serait erroné de tout remettre en question. Nous n’allons pas légiférer sur la question de savoir si la Turquie est ou pas un pays sûr. Nous pensons que c’est une erreur pour tous les pays. On peut dire qu’aujourd’hui, la Turquie assume ses responsabilités concernant la question dont nous sommes en train de discuter, et ce qui concerne tous les autres domaines est autre chose.

S’agissant d’une décision prise par tous les pays de l’Union européenne, nous la respectons, tout comme nous respectons le droit maritime.

Le rapport est très complexe. C’est la première fois que nous établissons en Europe une voie légale pour les réfugiés. Il faut réfléchir et voir comment élargir cette voie pour assurer la relocalisation de 50 000 à 75 000 réfugiés par an, comment leur accorder un temps supérieur pour cette relocalisation.

Parallèlement, l’Europe doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour stopper la guerre en Syrie. Nous n’avons plus à faire face à l’arrivée de 170 000 réfugiés, mais nous avons entre 70 et 100 personnes qui arrivent par jour. Nous ne sommes plus confrontés à l’arrivée massive de Zodiac. Les garde-côtes ne sont plus obligés de sauver tous les jours des centaines d’enfants et d’adultes. Le mouvement des réfugiés a été freiné, si je puis dire.

Nous allons recevoir aussi un financement non de la Turquie, mais pour les réfugiés de la Turquie.

Pour le Gouvernement grec, en accord avec la Commission européenne, il faut arriver à appliquer la décision en question. Sinon, nous allons régresser, revenir en arrière, et nous aurons à nouveau à faire face à 170 000 réfugiés, aux clandestins, qu’il faut tous sauver, mais aussi au racisme, à la xénophobie et à la montée des mouvements d’extrême droite que l’on constate en Europe.

Je voudrais dire combien mon pays est fier, car nous sommes le seul pays en Europe à n’avoir pas eu de manifestations ni de protestations, pas même une seule, contre les migrants et les réfugiés. Je voudrais que cela soit reconnu, car notre peuple le mérite.

Je dois également dire qu’il existe un risque en Turquie car qu’allons-nous dire finalement: que personne n’a pas le droit de repartir? À mon avis, il y a une erreur dans le texte, car la distinction n’est pas faite entre les réfugiés et les migrants. Or cette distinction nous paraît légale et permet d’accorder les droits à chaque catégorie.

En tant que membre du Gouvernement grec, j’assume toute la responsabilité pour les enfants non accompagnés, mais nous ne sommes pas fiers du travail accompli. Nous produisons un important et réel effort. Notre objectif est de créer 1 000 places d’ici la fin juillet.

Aujourd’hui, 350 enfants n’ont pas de places. Mais je prends l’engagement de trouver une place pour chaque enfant. La situation actuelle doit cesser.

Nous aimons l’Union européenne, nous croyons en l’Europe. Mais l’Europe doit assumer sa responsabilité en matière de partage. Ne nous leurrons pas; en tant qu’Européens, nous n’avons pas partagé le problème. Quelques aides pécuniaires ont permis de confiner le problème en Grèce. Ces aides sont bienvenues, mais l’idée européenne, ce n’est pas cela. L’Europe repose sur une idée de juste répartition.

Mon pays, malgré les erreurs, a assumé sa part de responsabilité du mieux possible. Répartir les responsabilités n’est pas donner de l’argent, mais répartir les réfugiés, et leur offrir des conditions de vie décentes.

L’accord avec l’Union européenne n’est pas le meilleur. Il peut faire l’objet de critiques. Mais si nous voulons respecter les droits de l’homme, nous pouvons le rendre opérationnel.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le ministre, je vous remercie une fois encore pour votre participation à nos débats. Nous espérons pouvoir continuer à coopérer très étroitement avec vous dans les semaines et les mois à venir.

C’est maintenant à M. Jagland de s’adresser à notre Assemblée.

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir prévu la tenue d’un si urgent débat. Il est tout aussi urgent que l’Europe fasse tout son possible pour trouver une solution. Il s’agit d’êtres humains, mais aussi de l’avenir de l’Europe.

Je vous remercie, Madame Strik. Votre rapport est très précieux et je partage vos propos liminaires: oui, l’Europe souffre des conséquences des premières réactions de panique. Les gouvernements ont cherché des solutions rapides et ont fermé leurs frontières. Ils se sont repassé le problème les uns aux autres. La Grèce porte le fardeau d’une question d’envergure européenne.

Avec mon représentant spécial, nous nous sommes rendus sur place. La Grèce met tout en œuvre pour gérer efficacement les problèmes qui se posent en matière de respect des droits des migrants et pour traiter l’ensemble des demandes, mais dans une situation ô combien difficile. 52 000 migrants sont encore bloqués en Grèce. Elle a besoin de beaucoup plus d’aide et de solidarité de la part des autres pays européens.

Quant à l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, je tiens à souligner que M. Mouzalas le soutient fermement. Nous aussi, nous soutenons cet accord, dès lors que chaque individu se voit accorder le droit de présenter une demande d’asile, et dès lors que ces demandes sont traitées dans le plein respect des procédures. Il nous fallait mettre en terme aux activités des passeurs et aux trafics, et soulager la Grèce qui est soumise à une pression intenable. Il faut que ces garanties, objet d’un large consensus, soient dûment mises en place.

L’alternative n’est pas l’annulation de cet accord. Les passeurs reprendraient du service, il y aurait encore plus de morts; l’Europe aurait à subir de lourdes conséquences. L’autre possibilité qui s’offre à nous est d’aider la Grèce et la Turquie pour que cet accord soit pleinement mis en œuvre. Ceux qui s’opposent à cet accord doivent réfléchir aux conséquences de leurs appels.

Pour ce qui est de l’action du Conseil de l’Europe, j’ai envoyé mon représentant spécial sur place, afin de vérifier si les garanties sont appliquées, en Grèce comme en Turquie. Il rend compte de ses activités devant le Comité des Ministres, et est en contact permanent avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés et l’ensemble des interlocuteurs avec lesquels nous coopérons. Nous aidons la Grèce à faire en sorte que les lois et les pratiques mises en place soient conformes aux normes européennes. Nous assurons la formation de juristes, d’avocats, de juges, de fonctionnaires, pour qu’ils puissent donner plein effet à ces textes, et nous sommes particulièrement attentifs à la situation des mineurs et des enfants non accompagnés.

J’étais récemment à Athènes; je me suis rendu dans un centre d’accueil de ces enfants non accompagnés. J’ai été très impressionné par l’action des autorités gouvernementales grecques, en coopération avec des organisations de la société civile. Certes il n’y a pas un nombre suffisant de places d’accueil, néanmoins des efforts très importants sont déployés. Que pouvons-nous faire de plus pour ces personnes? Certainement pas les remettre entre les mains des passeurs et des trafics qui existent désormais en Europe. Nous devons aider la Grèce, mais aussi les autres Etats membres, pour qu’ils puissent accueillir ces réfugiés.

Je souhaite insister sur un problème que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises: le nationalisme législatif. Les Etats membres se dotent de lois qui violent manifestement les normes européennes. C’est par exemple le cas pour le regroupement familial. Dans le centre que j’ai visité en périphérie d’Athènes, j’ai rencontré un garçon dont la famille se trouve au Danemark. Il ne peut retrouver les siens car le Danemark a adopté une loi particulière sur le regroupement familial. Voyez l’effet de ces nouvelles lois, voyez comment elles empêchent les plus vulnérables de sortir de ces situations difficiles. Aider ces jeunes et ces enfants est une priorité du Conseil de l’Europe.

J’ai envoyé des lignes d’orientations aux gouvernements de nos Etats membres, je leur ai rappelé la nature de leurs obligations. J’ai lancé une procédure de suivi d’urgence, pour veiller à ce que ces lignes d’orientations soient suivies, et j’ai reçu le soutien de tous les Etats membres. Il s’agit de préparer désormais un plan d’action d’envergure européenne: c’est ce sur quoi le Conseil de l’Europe va travailler.

Je voudrais également saluer l’action de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, dont les subsides à la Grèce ont permis de créer des centres d’accueil dans trois îles. Nous devons désormais nous concentrer sur l’aide à ce pays et la mise en œuvre de l’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie. Un obstacle demeure toutefois à la bonne application de cet accord. La libéralisation de l’octroi des visas aux citoyens turcs reste en effet conditionnée à la modification de la législation turque en matière de terrorisme. Cette question nous préoccupe depuis un certain temps et la Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts contre la Turquie dénonçant des pratiques toujours en vigueur dans le pays.

Un groupe de travail a d’ailleurs été mis en place avec le Gouvernement turc afin de travailler à la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne et d’éviter que de nouvelles requêtes soient déposées. Le Président Erdogan m’a confirmé, lors de notre rencontre à Istanbul, sa volonté de ne pas interférer dans le travail de ce groupe, dont il attend les conclusions. Il est important que ses travaux aboutissent à des résultats concrets, sous peine de voir de nouvelles requêtes déposées devant la Cour et l’accord entre l’Union européenne et la Turquie mis en péril. Les arrêts de la Cour doivent impérativement être mis en œuvre pour que cet accord soit pleinement appliqué. J’espère vraiment que le travail que nous avons entrepris portera ses fruits dans les meilleurs délais.

Pour conclure, c’est là un parfait exemple de la façon dont la jurisprudence de la Cour peut nous servir de guide lorsque nous tentons de trouver des solutions à des problèmes. Nous devons nous appuyer sur cette jurisprudence plutôt que de nous appuyer sur des textes de loi toujours plus nationalistes. Si nous n’harmonisons pas nos législations et si nous n’agissons pas de manière coordonnée, alors nous assisterons à la résurgence des nationalismes européens, qui mettent l’Europe en danger. La Convention européenne des droits de l’homme est un excellent moyen pour nous de surmonter cette période difficile. C’est en nous appuyant sur ce texte que nous parviendrons à relever les problèmes d’aujourd’hui et à nous tourner de manière constructive vers l’avenir.

De l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique, la situation est grave. La crise des réfugiés est loin d’être terminée, mais si nous restons unis autour d’une politique concertée, nous pourrons y faire face. Je remercie une fois encore l’Assemblée d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui ne fait que commencer.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, Monsieur Jagland.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. GARÐARSSON (Islande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, je voudrais remercier la rapporteure pour la qualité de son travail. L’Europe a laissé les Turcs, les Jordaniens et les Libanais se débrouiller seuls avec cette crise et n’a pas réagi lorsque le flux des réfugiés a commencé à s’intensifier vers ses rives. Nous avons vu des images de bateaux surchargés à la télévision, ainsi que des enfants abandonnés sur les plages. À n’en pas douter, notre réaction a été trop lente. D’après les derniers chiffres de l’Onu, il y a aujourd’hui 65 millions de réfugiés sur la planète. Ce sont des individus vulnérables, susceptibles d’être les victimes de passeurs et d’autres criminels.

Les réfugiés sont 46 000 à être bloqués en Grèce continentale et 8 500 dans les îles. Ceux qui ont droit à la protection internationale devront rester dans ce pays jusqu’à être admis dans d’autres pays européens en vertu de la procédure de relocalisation proposée par l’Union européenne.

À Ellinikó, au sud d’Athènes, où nous nous sommes rendus, les migrants sont bloqués dans l’ancienne zone olympique et vivent dans des conditions très difficiles. Ils ont tout juste une couverture et reçoivent des soins minimaux. La situation n’est pas meilleure ailleurs. Les familles avec enfants et les personnes âgées sont hébergées avec des moyens de fortune. La rapporteure a eu raison d’affirmer qu’il n’est pas seulement de la responsabilité de la Grèce de les accueillir, mais de la responsabilité de l’Europe toute entière.

Le système grec de gestion des demandes d’asile ne fonctionne pas malgré les tentatives de l’améliorer et l’aide de l’Union européenne. Les demandeurs d’asile ne sont pas suffisamment informés de leurs droits et les procédures restent trop longues. La capacité du système est tout simplement insuffisante. Il faudrait plus de ressources humaines pour le faire fonctionner. Un appel a été lancé aux autres Etats membres de l’Union européenne pour qu’ils fournissent 400 agents d’immigration et 400 interprètes, mais seulement 63 et 67 de chacune des deux catégories ont été proposés. Il ne s’agit évidemment pas de jeter l’anathème sur quiconque. Ce qui compte, ce sont les réfugiés, qui ont besoin d’un endroit sûr pour vivre, d’un emploi, de soins de santé et d’éducation pour leurs enfants.

M. SCULLY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je veux féliciter Mme Strik pour cet excellent rapport, qui nous montre clairement la voie qu’il convient d’emprunter, mais également remercier les autorités grecques qui nous ont permis de nous rendre à Athènes et à Lesbos.

La Grèce travaille dur pour tenter d’accueillir tous ceux qui arrivent sur ses rives, qu’il s’agisse de réfugiés ou de migrants économiques. Jusqu’à 5 000 migrants par jour accostaient à Lesbos, soit une pression considérable pour le pays. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie a permis de réduire de manière importante le nombre d’arrivées et nous devons nous en féliciter.

Nous avons également pu constater que les conditions d’accueil sont très variables. Nous venons de parler du stade, et vous avez pu voir les photos qui ont été diffusées lors de l’intervention de Mme Strik. Dans ce stade, des tentes ont été dressées pour accueillir des familles qui vivent dans des conditions difficiles, mais d’autres se tiennent à l’extérieur, de peur d’être mises en détention.

Nous nous sommes également rendus à Skaramagas et dans d’autres centres de détention d’Athènes. Des centres bien tenus, propres, dans lesquels des cours sont proposés aux réfugiés par des bénévoles parlant leur langue.

J’ai rencontré un homme extraordinaire, un chrétien yézidi, qui m’a confié qu’il avait fait un périple extrêmement dangereux avec son bébé de 10 jours dans les bras.

À Lesbos, des migrants, en majorité d’Afrique du Nord, se plaignaient que les Syriens bénéficiaient d’un traitement préférentiel, ce que nous pouvons comprendre, pour des questions de sécurité. Nous n’avons pas pu entrer plus avant dans ce camp.

Que doit faire l’Europe? Je pense qu’il convient de donner plus de compétences à Frontex. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie, dans l’état actuel des choses, permet aux garde-côtes turcs de renvoyer des personnes chez elles, mais nous avons besoin d’une Frontex plus forte, présente en haute mer et ayant le pouvoir de renvoyer les migrants chez eux ou vers des pays sûrs, comme l’Australie.

Si aucun accord sur une politique commune d’asile n’est trouvé, si aucun processus de filtrage n’est mis en place, comme cela a été le cas en Croatie, les choses ne peuvent pas bien fonctionner.

Nous nous félicitons de ce rapport. Il s’agit d’un pas supplémentaire vers une réflexion plus concertée au sein de l’Union européenne, et c’est de cela que nous avons besoin.

Mme KAVVADIA (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le rapport de Mme Strik est essentiel dans la quête d’une solution européenne commune à cette crise. Dans ce contexte, nous nous félicitons d’y voir figurer les résultats de la visite effectuée par les membres de l’Assemblée dans mon pays.

Loin de vouloir dissimuler les problèmes existants, nous nous efforçons de faire la lumière sur tout ce qui a pu être fait pour affronter cette crise, ces derniers mois, même si des problèmes perdurent. En effet, nous n’avons absolument rien à cacher. Bien au contraire si nous regardons ce que nous avons accompli en si peu de temps, au vu de la situation il y a encore quelques semaines et de la rapidité avec laquelle la Grèce a fait face à cette situation, nous avons toutes les raisons d’être fiers.

En un laps de temps très court, notre pays, en dépit de la grave crise économique qui se prolonge, a répondu de manière impressionnante à la mission de gérer et de prendre soin d’un grand nombre de réfugiés arrivés en Grèce dans des conditions difficiles et qui ne souhaitent d’ailleurs pas y rester, et a mobilisé toutes les ressources de l’appareil d’Etat et les structures de solidarité sociale.

Il est faux de dire que la Grèce ne possédait pas les infrastructures nécessaires pour faire face à cette crise. Au contraire, on peut se demander si tout autre pays européen aurait été en mesure, en deux mois, d’ouvrir 40 centres d’accueil de réfugiés sans réaction hostile de la société, sans manifestation de racisme ou de xénophobie. Une large majorité de la population a fait preuve de solidarité. L’image de la Grèce impuissante face à cette vague de réfugiés est donc totalement fausse. La Grèce à fait face, seule, à cet afflux de réfugiés, alors qu’il en va de la responsabilité européenne.

La Grèce continue d’ailleurs de demander à ses partenaires d’assumer leurs responsabilités, notamment pour la mise en œuvre de l’accord de relocalisation des réfugiés, fondé sur des quotas attribués à chaque pays. Car cette crise doit être gérée à l’échelle européenne.

La rapport prend acte de tout cela et pose à juste titre la question de la responsabilité européenne. C’est la raison pour laquelle, après avoir remercié Mme Strik, je soulignerai de nouveau qu’il s’agit d’un test pour l’Europe, qui montrera si elle est ou non à la hauteur des valeurs sur lesquelles elle est bâtie et si les mots de «solidarité», «droits de l’homme» et «réponse humanitaire» sont plus que de simples paroles.

M. FISCHER (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Incontestablement, la Grèce supporte un énorme fardeau du fait de la crise des migrants. N’oublions pas la crise économique et sociale que traverse ce pays.

Le nombre considérable de migrants qui sont arrivés en Grèce représente un défi énorme pour le pays. Quand on examine ces mouvements de population, il est évident qu’il ne s’agit pas d’un problème exclusivement grec; quasiment tous les pays d’Europe éprouvent les conséquences de ces mouvements de population.

Face à cet afflux de personnes en mer Egée, il est normal que la Grèce ait été un peu dépassée. Nous ne pouvons que déplorer la situation de ces migrants accueillis dans des camps, mais de nombreux efforts ont été déployés ces dernières années par les Etats européens, notamment par l’Allemagne, en vue d’alléger ce fardeau. Nous avons fait preuve de solidarité avec la Grèce. Mais ce n’est que depuis l’accord entre l’Union européenne et la Turquie que le nombre des migrants qui arrivent en Europe a fortement baissé. C’est un grand succès dans la lutte contre les bandes de passeurs et, de fait, beaucoup moins de réfugiés ont pris la mer au péril de leur vie.

La Grèce se mobilise pour faire face à la situation. Elle a évacué sans violence le camp d’Idomeni en répartissant dans d’autres camps les réfugiés qui s’y trouvaient. Des efforts sont réalisés pour enregistrer les migrants. Je crois que nous sommes entrés dans une nouvelle étape en matière de politique de protection des frontières et d’accueil des migrants et demandeurs d’asile.

La Commission européenne coordonne l’action par le biais de Frontex et de l’EASO, mais la mobilisation de toute l’Europe doit se poursuivre, la Grèce ne pouvant, seule, assumer cette responsabilité. Nous devons détacher des agents des différents pays d’Europe en Grèce pour accomplir les formalités nécessaires.

Le rapport décrit avec objectivité la situation, il ne cherche pas à embellir les choses.

M. VENIZELOS (Grèce), porte-parole du Groupe socialiste* – Je félicite Mme Strik pour ce rapport très équilibré qui met en lumière la dimension humanitaire de la crise des réfugiés, mais aussi la situation géographique très particulière de la Grèce, qui se trouve prise en étau entre la fermeture du «couloir des Balkans» et l’évolution des relations entre l’Union européenne et la Turquie.

Cette situation est pourtant le résultat de la faiblesse politique de l’Union européenne qui n’est pas parvenue à gérer la crise des réfugiés, surtout depuis que le Gouvernement allemand, face à l’arrivée d’un million de réfugiés dans son pays, a radicalement revu sa position. De ce fait, la Grèce est retenue en otage, comme le sont les 60 000 réfugiés qui se trouvent coincés malgré eux sur son territoire alors que ce n’est pas dans ce pays qu’ils souhaitent déposer leur demande d’asile. Ils se sentent délaissés par rapport à ceux de leurs compatriotes qui ont réussi à atteindre l’Allemagne ou tout autre pays de leur choix. S’ils n’ont pas fait de la Grèce leur destination finale, c’est en raison de la crise économique et du chômage élevé qui touche le pays, où ils se trouvent de surcroît sous la menace d’une expulsion vers la Turquie. L’Union européenne et ses Etats membres gèrent la crise des réfugiés comme un symptôme des conflits qui ont lieu en Syrie et en Libye, tandis que d’autres Etats non européens comme les Etats-Unis et la Russie sont à l’initiative.

Comme l’a indiqué le ministre grec des migrations, M. Mouzalas, les structures administratives et les infrastructures de la Grèce ne lui permettent pas de faire face à une telle pression migratoire. Cependant, le problème a pris une dimension politique cruciale dans la mesure où les frontières terrestres entre la Grèce et le reste de l’Union européenne sont de facto fermées. La Grèce est donc isolée, et avec elle des milliers de réfugiés qui n’ont guère d’autre perspective que de rester en Grèce ou de retourner en Turquie – étant entendu qu’ils ne souhaitent ni l’une ni l’autre solution. La Grèce est dans l’obligation de respecter pleinement la Convention européenne des droits de l’homme et le droit humanitaire international, mais les autres Etats membres de l’Union européenne doivent la soulager de cette crise migratoire sans précédent. Quant aux autres Etats membres du Conseil de l’Europe, ils doivent prendre part à un programme international de relocalisation des réfugiés au-delà des seules frontières de l’Union européenne.

M. FOURNIER (France) – Je tiens avant tout à remercier Mme Strik pour son rapport très documenté, qui correspond parfaitement aux valeurs du Conseil de l’Europe.

La situation que vivent les réfugiés en Grèce est particulièrement inquiétante et parfois dramatique, en particulier pour les 22 000 enfants, dont 2 000 sont non accompagnés, qui s’y trouvent. Notre collègue décrit parfaitement la réalité du drame humain qui se joue dans les îles grecques. La Grèce est confrontée à une lourde tâche, pour ne pas dire un fardeau, et ce dans un contexte difficile marqué par la crise budgétaire et financière que l’on sait et un régime d’asile depuis longtemps défaillant. Pourtant, les autorités et la population grecque déploient des efforts courageux et remarquables pour renforcer leur capacité d’accueil des migrants; saluons leur humanité et leur sens du devoir. En outre, la Grèce, essentiellement du fait de sa situation géographique, se retrouve quelque peu esseulée dans la gestion de cette crise dont les dimensions sont pourtant européennes, voire mondiales. Elle souffre en effet d’un manque de solidarité de la part de ses voisins européens, sur lequel insiste non sans raison notre rapporteure.

Je souhaiterais toutefois nuancer ses propos. À l’heure où les populismes de tous bords s’acharnent sur l’Union européenne, c’est moins l’Europe qui est en cause dans la gestion de cette crise que certains de ses Etats membres. Si les accords de relocalisation de réfugiés à partir de la Grèce qu’a proposés la Commission européenne ne fonctionnent pas, c’est surtout du fait de plusieurs pays, même si certains prennent largement leur part – l’Allemagne, par exemple, a accueilli plus d’un million de réfugiés en 2015, tandis que d’autres pays érigent des murs à leurs frontières.

Face à l’afflux massif de réfugiés et de migrants économiques en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique, l’Europe a agi dans l’urgence. Elle a apporté des réponses disparates sans coordination suffisante. Elle doit donc agir mieux et davantage. Pour gérer ces flux migratoires, il faut un ensemble de décisions concrètes visant notamment à renforcer les frontières extérieures de l’Europe. Cela suppose d’allouer de réels moyens d’action à l’agence Frontex et de créer un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Nous devons aussi instaurer un dispositif opérationnel de contrôle systématique des entrées et des sorties de l’espace Schengen, avec un enregistrement des ressortissants des pays tiers. La préservation de Schengen et du principe de libre circulation est essentielle, tout comme le fait d’assurer la sécurité. Parallèlement, l’Union européenne doit mener un combat résolu contre les réseaux de passeurs, dont le chiffre d’affaires annuel atteint plusieurs milliards d’euros.

La façon dont la crise migratoire sera gérée et résolue conditionnera largement l’avenir non seulement de la Grèce, mais de l’Europe tout entière.

Mme KARAMANLI (France) – Le débat sur les réfugiés en danger en Grèce est important pour notre Assemblée, mais plus encore pour l’Europe en général. Il place au cœur de nos délibérations non seulement la vie de ceux et celles qui fuient la guerre et les souffrances de populations civiles subissant les violences d’agresseurs et de dictateurs, mais aussi les valeurs fondamentales qui fondent nos institutions européennes, qu’il s’agisse du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne à 28 membres.

J’ai participé à une mission de l’Assemblée nationale française en Grèce, pour y visiter les camps de réfugiés, et je suis aussi la question des migrations au sein de la commission des affaires européennes de ladite Assemblée. Je salue l’opportunité du rapport de Mme Strik et la position d’équilibre qu’elle y défend.

L’Union européenne a beaucoup sous-estimé la question migratoire. Il aura fallu l’afflux, en 2015, de plus de 1,5 million de personnes ayant franchi irrégulièrement les frontières européennes pour que l’on prenne conscience de ce qui apparaît a posteriori comme une évidence: la décision de partager un espace commun de libre circulation ne peut se concevoir sans un contrôle efficace des frontières extérieures.

D’autre part, l’Union Européenne a lancé plusieurs initiatives qui ont non seulement le mérite d’exister, mais aussi sans lesquelles la crise aurait été plus grave encore à l’échelle européenne. Ainsi, les opérations maritimes menées en mer Méditerranée par les forces armées des Etats membres ont assurément sauvé de la mort plusieurs centaines de milliers de personnes et ont mis un premier coup d’arrêt au vaste trafic des organisations criminelles. De même, les hotspots constituaient la seule réponse qu’il était possible de donner face à l’ampleur du phénomène, alors que les règles européennes dites de Dublin III ne pouvait pas offrir de solution. En pratique, ils font néanmoins reposer la charge du premier accueil sur la Grèce et l’Italie.

D’autres mesures provisoires de relocalisation ont été annoncées depuis, mais elles ne sont que très partiellement réalisées. Au début de mai 2016, seules 1 440 personnes avaient effectivement pu bénéficier du mécanisme de relocalisation sur les 160 000 prévues, soit moins de 1 %!

Parallèlement, l’Union européenne progresse lentement, mais de façon plus assurée et plus cohérente: un projet de règlement européen établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs est actuellement en débat; un projet de création d’un corps européen de garde-frontières, que j’ai eu l’honneur de rapporter à l’Assemblée nationale française, est aussi à l’étude.

L’accord avec la Turquie a marqué une nouvelle étape. Il est critiqué et critiquable, notamment parce qu’il peut créer un effet d’aubaine pour les Etats peu regardants, mais c’est un pis-aller, car la coopération avec la Turquie était et reste nécessaire.

Enfin, je voudrais souligner l’attitude égoïste de plusieurs Etats et dirigeants politiques qui refusent une solidarité pourtant conforme aux principes dont ils se prévalent. Comment accepter que des Etats pourtant bénéficiaires de l’espace européen et de ses mécanismes d’aide refusent de participer à l’effort commun? Au contraire, l’Europe doit relancer le processus d’intégration des réfugiés et donner envie à ses citoyens d’avancer plus loin ensemble.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – Je souhaite remercier Mme Strik. Son rapport sur la situation des réfugiés en Grèce est ouvert et percutant. Je remercie également MM. Mouzalas et Jagland de leurs interventions.

Comme l’a dit la rapporteure de la commission ad hoc, on a laissé la Grèce porter un fardeau absurdement lourd, tout simplement du fait de son emplacement géographique. La commission s’est dite préoccupée par les structures d’accueil mises à disposition sur le continent et le respect des droits fondamentaux des réfugiés et des migrants; cela nous concerne tous.

Il a été indiqué que l’Allemagne souhaiterait que 10 % du budget de l’Union européenne soient consacrés à la gestion de la crise des réfugiés. L’Allemagne indique que l’absence d’une réflexion concertée exacerbe le défi que représente, pour l’Europe, l’immigration irrégulière. Selon un journaliste d’un quotidien britannique, l’année dernière, la réponse des dirigeants européens aux migrations a pris la forme de stratégies et de promesses éparses. Il a bien raison: c’est ainsi que les dirigeants européens ont choisi de réagir, ils n’ont pas choisi la concertation. Des promesses ont été faites, dont nombre n’ont pas été tenues, tandis que d’autres n’ont été suivies d’effets que lentement.

Ce rapport a été écrit après la fermeture de la frontière macédonienne à certaines nationalités, après la mise sur pied d’un camp informel à Idomeni, qui est ensuite devenu un camp à part entière. Il a été signalé que des centaines de personnes accueillies sur place sont des mineurs non accompagnés. Cela a été considéré comme emblématique de l’incapacité de l’Union européenne à gérer la crise des réfugiés. Au mois de mai dernier, Médecins sans frontières a publié des données sur les symptômes que présentent les patients qui viennent dans leurs cliniques ambulatoires qui se trouvent aux points d’accès et de sortie des îles du Dodécanèse. Certains sont liés à la violence et aux mauvais traitements subis entre les mains des autorités nationales. Ces personnes souffrent d’angoisse, de dépression; les besoins médicaux ne sont pas pris en charge. Les soins de santé mentale, notamment, ne sont pas dispensés. Les bénévoles dans les camps ont signalé l’absence d’eau courante, de soins médicaux, d’interprètes. Il n’y a pas de soins pour les bébés. Les conditions proposées par certains camps tenus par l’armée sont épouvantables, entre déprimantes et dangereuses.

Je suis bien consciente du fait que les événements évoluent très rapidement. C’est la caractéristique même de cette crise des migrants. Je sais que des pays, dont le Royaume-Uni, ont envoyé des experts pour qu’ils contribuent à un règlement du problème, mais combien de temps vont-ils rester? Quels sont les projets à long terme? Comme le dit le rapport, le problème ne concerne pas que la Grèce, c’est un problème pour l’Europe, pour le monde, il faut que plus de ressources, plus de personnel soient mis à disposition, et qu’une solution à long terme soit trouvée.

M. HEER (Suisse)* – Je voudrais moi aussi remercier notre rapporteure pour son travail. La visite de la commission ad hoc m’a donné une excellente impression de ce qui a été fait en Grèce, mais je voudrais aussi remercier ici, encore une fois, nos collègues turcs pour tout ce qu’ils ont fait pour les migrants. En Europe, nous avons toujours le mot «solidarité» à la bouche, mais, en matière d’accueil des réfugiés, nous promettons beaucoup et nous tenons très peu. La Commission européenne a établi un plan de relocalisation mais, comme Mme Strik l’indique au point 41 de son rapport, pour l’instant, pas même un millier de réfugiés ont été transférés. Cela montre bien que l’Union européenne ne fonctionne pas, que la solidarité n’est qu’un mot creux et que ce lourd fardeau pèse toujours sur un petit nombre de pays – la Suède, l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas –, tandis que d’autres ne font strictement rien.

Malgré tous nos beaux discours et nos exhortations, ici, au Conseil de l’Europe, le Royaume-Uni s’est exonéré de tout effort et s’est tenu complètement à l’écart – c’est effectivement plus facile pour une île. Nous n’en sommes pas moins tous concernés, et nous devrions tous faire preuve de solidarité. Il n’est pas acceptable qu’un tout petit nombre de pays supportent l’essentiel du fardeau.

Comme l’a dit notre collègue grec, en fait, les réfugiés ne veulent pas rester en Grèce. C’est compréhensible, vu la situation économique du pays; le système social grec ne peut pas les prendre en charge dans la durée. Ils n’ont pas non plus d’espoir de trouver du travail en Grèce. Pour la mer Egée, le problème est plus ou moins réglé, mais nombreux sont encore les bateaux qui quittent les côtes libyennes pour l’Italie. Je voudrais que nous nous inquiétions aussi de cette situation, et que les moyens soient surtout concentrés sur les pays problématiques, afin que les gens sur place aient le sentiment d’y avoir un avenir.

Mme BAKOYANNIS (Grèce)* – Ce rapport est extrêmement précis, qui décrit aussi bien les lacunes de la Grèce que celles des autres pays européens. Sont notamment évoqués les défauts des procédures de demande d’asile et les risques auxquels sont exposés les enfants. Ce qui n’est en revanche pas évoqué dans ce rapport, ce sont ces personnes dont les filles et les fils sont au chômage et qui pourtant accueillent des réfugiés, qui achètent des produits alimentaires pour les remettre aux réfugiés, ces médecins ou ces infirmières sans travail qui offrent des soins médicaux gratuits. On ne peut pas vraiment dire que tous les Etats membres fassent de tels efforts. Certains ont même refusé la relocalisation de quelques centaines de migrants, tandis que d’autres ont estimé que certaines îles touristiques devraient être transformées en centres d’accueil.

Mes chers collègues, j’aimerais simplement revenir sur deux éléments importants qui ont été évoqués tout à l’heure par le ministre Mouzalas. Certes, on peut critiquer l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, et nombreux sont ceux qui ne s’en sont pas privés, mais ces personnes sont précisément celles qui ne font aucune proposition alternative. Il est tout à fait hypocrite de demander à la Grèce, compte tenu de sa situation géographique, d’assumer tout ce fardeau, tout en critiquant un accord qui a au moins le mérite d’exister.

Selon moi, il faut faire une différence entre migrants et réfugiés. J’ai bien souvent dit, dans cette enceinte, que l’Europe n’est pas en mesure d’accueillir, toute la misère du monde, mais nous ne pouvons en revanche nous désintéresser des réfugiés. C’est là une distinction qu’il convient d’établir si nous voulons mener une politique couronnée de succès.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Merci, Madame la rapporteure, pour la qualité de votre travail. Ce rapport pose un certain nombre de questions très intéressantes.

J’ai également eu la chance de discuter de la situation qui prévaut en Grèce avec certains membres de ma propre délégation qui se sont récemment rendus sur place pour se pencher sur la situation des réfugiés. J’ai lu le rapport de la commission ad hoc. Je voudrais m’arrêter sur les principaux points du rapport sur lesquels nous pourrions nous mettre d’accord, plutôt que sur ceux sur lesquels il y a divergence.

La situation en Grèce, quel que soit le récit que vous choisissez de lire, s’analyse en une crise humanitaire. Le rapport le montre bien. Les principales victimes en sont les réfugiés et les migrants économiques. Les descriptions faites des conditions déplorables dans lesquelles ils se trouvent sont bien sombres. Le rapport dit bien qu’ils sont même parfois privés de mesures de protection fondamentales.

Je suis cependant en désaccord avec le rapport lorsque celui-ci fait porter le chapeau à la seule Union européenne. Bien sûr, elle doit assumer une large part de responsabilité, mais le problème est d’une envergure beaucoup plus vaste. L’Union européenne a certes beaucoup à faire pour améliorer la situation, elle doit prendre l’initiative beaucoup plus qu’elle ne l’a fait mais d’autres sont responsables. Ces personnes qui parviennent sur nos rives ne viennent pas seulement de Syrie, elles viennent de pays aussi reculés que l’Afghanistan. Cela ne signifie pas que je croie que l’Union européenne doive faire plus.

Deux commentaires du rapport m’ont particulièrement intéressé. En premier lieu, la suggestion que l’argent ne sera pas la seule solution. Sans doute, mais il n’en est pas moins très important. Mon gouvernement est le plus grand donateur bilatéral, avec plus de 42 millions de livres sterling apportés à la Grèce afin qu’un certain nombre d’actions soient menés avec le HCR, certaines ONG et la Croix-Rouge.

En second lieu, s’agissant de l’assistance technique, je suis heureux de savoir que le Royaume-Uni déploie, par le bureau d’appui aux demandes d’asile, une équipe de 75 personnes parmi lesquelles des personnes qui traitent les demandes d’asile, des interprètes et du personnel médical. Cette aide est extrêmement précieuse et peut vraiment faciliter la gestion de la situation. Nous espérons que d’autres pays choisiront d’apporter un soutien concret de ce type.

J’aborderai maintenant brièvement une autre question. Le rapport met en avant à juste titre le problème des enfants non accompagnés. Il faut cependant également faire en sorte que les parents cessent de remettre leurs enfants entre les mains de passeurs dénués de tout scrupule. D’une façon générale, le rapport de la commission dont les membres se sont rendus dans les camps est parfaitement juste. Oui, le Gouvernement grec est prêt à accepter la critique. Il faut faire plus encore pour améliorer la situation, pour améliorer les niveaux de réaction en Grèce, qui ne sont pas proportionnés aux faits.

M. FRIDEZ (Suisse) – Monsieur le Président, Monsieur le ministre, chers collègues, la situation est claire, des solutions s’imposent. L’excellent rapport de notre collègue Tineke Strik doit nous interpeller et réclame un sursaut de l’Europe.

Les conditions de survie imposées aux populations de réfugiés à Idomeni étaient inacceptables. Le rapport, en particulier son addendum, montre que l’amélioration de la situation dans les nouveaux camps en Grèce demeure très insuffisante. La Grèce fait certainement ce qu’elle peut, comme d’ailleurs les autres pays situés à proximité de la Syrie, mais tous paraissent débordés devant l’ampleur de la tragédie vécue par ces centaines de milliers de réfugiés.

Ce drame est un défi pour l’Europe, et je salue à ce titre la proposition d’extension du libellé de la proposition de résolution qui vise à impliquer l’Europe dans son ensemble. Ces centaines de milliers de réfugiés, de demandeurs d’asiles, d’hommes, de femmes, d’enfants qui ont quitté l’enfer et qui légitimement demandent aide et protection adressent en effet leur demande à l’Europe tout entière.

L’Europe tout entière doit contribuer à mettre en œuvre une solution à cette migration exceptionnelle, chaque pays en fonction de ses moyens. Du fait de leur proximité géographique avec le Moyen-Orient, la Grèce et les autres pays de cette zone sont en première ligne et assument à ce jour l’essentiel de l’effort. Il leur faut d’urgence plus d’aide, du personnel formé, des moyens financiers largement supérieurs; c’est essentiel.

Il faut cependant mettre en marche parallèlement un véritable et audacieux programme de réadmission de ces migrants vers nos différents pays. La barque, chers collègues, n’est pas pleine. Pour réussir, ce programme doit s’accompagner, dans chacun de nos pays et selon les caractéristiques et la situation socio-économique de chacun d’entre eux, d’une politique sociale et de redistribution afin de ne laisser personne au bord du chemin. Agir de la sorte chez nous permettra d’éviter les risques de dérive xénophobe et la récupération de ce thème par les partis populistes.

Enfin, le regroupement familial érigé en priorité humanitaire constitue une réponse essentielle pour les populations déplacées, populations contraintes de fuir la barbarie et la misère.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni est en cours. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Nous reprenons le cours de la discussion générale.

Mme AHMED-SHEIKH (Royaume-Uni)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier Mme Strik de ce rapport très complet qu’elle a rédigé sur ce thème ô combien important.

J’aimerais également remercier l’assemblée pour sa manifestation de solidarité et ses condoléances pour la disparition tragique de notre collègue Jo Cox, députée au service de ses concitoyens. Une grande partie de son travail consistait précisément à témoigner sur le sort des réfugiés. Elle a d’ailleurs grandement contribué à modifier la politique du Gouvernement britannique en la matière. Je suis certaine que vous vous associerez aux condoléances que je tiens à exprimer à son époux et à ses deux enfants.

Le dernier chiffre fourni par le Haut-Commissariat des Nations Unies concernant les réfugiés contraints de retourner en Turquie est de 460. Renvoyer des personnes vers un pays qui n’a pas le même niveau d’exigence de respect des droits de l’homme que beaucoup d’autres pays ici n’est guère utile. Rappelons-nous l’état de santé physique et mentale de ces personnes. Rappelons-nous que, tandis que nous évoquons leur situation, ils effectuent un voyage dans des eaux dangereuses, et jugent plus sûr de se déplacer que de rester dans le pays où ils se trouvent dans des conditions tragiques et où ils sont confrontés à une destruction permanente.

Rappelons-nous que les parents n’imposent pas une telle situation à leurs enfants par choix. Nous voyons sur les plages des cadavres d’enfants échoués, et notre génération sera jugée au regard de ce que nous aurons fait face à cette crise. Ne pas faire ce qu’il faut pour aider ces réfugiés reviendrait à violer les valeurs qui sont les nôtres.

Je suis d’accord avec ce qui est écrit dans le rapport: on ne peut pas laisser la Grèce assumer seule ce fardeau. Je voudrais évoquer le système juridique de la Grèce et appeler l’attention sur le très grand nombre de recours déposés devant les juridictions grecques. Des demandeurs d’asile ne souhaitant pas être renvoyés vers la Turquie obtiennent satisfaction, ce qui démontre que l’accord Union européenne-Turquie se fonde sur des préceptes dangereux et potentiellement illégaux.

Alors que nous continuons d’assister à ces scènes terribles de mort et de destruction, il incombe évidemment à tous les Etats membres de l’Union européenne d’en faire davantage, bien davantage.

Je conclurai en rappelant que les réfugiés ne sont pas de simples chiffres, de simples statistiques; ce sont des personnes, et elles ont besoin de nous. Nous ne pouvons pas les laisser mourir.

Mme DURANTON (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, après avoir transité par la Turquie et risqué leur vie en mer Egée, des milliers de réfugiés sont arrivés en Grèce. En mars 2016, les pays des Balkans ont fermé leurs frontières, les empêchant de quitter le pays. Près de 46 000 personnes sont depuis lors bloquées en Grèce continentale.

Par ailleurs, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie du 18 mars 2016 prévoit que tout nouveau migrant traversant illégalement la frontière entre la Turquie et les îles grecques sera reconduit en Turquie s’il ne dépose pas de demande d’asile ou si celle-ci est rejetée. Aujourd’hui, des milliers de personnes sont bloquées sur les îles grecques dont la moitié sont détenues dans un centre fermé en attendant l’examen de leur demande d’asile. Ces demandes ont pourtant peu de chances d’aboutir.

Or la Grèce n’est pas en mesure de faire face à cet afflux de réfugiés sur son territoire. Dès lors, le danger est réel pour ces derniers.

Tout d’abord, la rétention des demandeurs d’asile dans des centres inadaptés et surpeuplés entraîne des risques de violence. En effet, la Grèce a adopté le 1er avril 2016 une nouvelle loi sur le droit d’asile destinée à permettre l’application de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Elle fixe un délai de rétention de 25 jours maximum pour les personnes déposant une demande d’asile. Toutefois, sur le terrain, les moyens semblent manquer et les autorités grecques ne sont ni en mesure de tenir ces délais ni en mesure d’assurer des conditions d’accueil décentes aux réfugiés.

La promiscuité et les conditions de vie difficiles dans ces camps ont déjà donné lieu à des débordements qui risquent de s’intensifier à l’approche de l’été.

En outre, la capacité du système d’asile grec à traiter les demandes et à mettre en place les moyens nécessaires pour gérer les recours est mise en doute. Les droits de ces réfugiés ne sont donc pas garantis. Cela est d’autant plus grave qu’ils risquent d’être renvoyés en Turquie, pays qui n’applique la convention de Genève qu’aux ressortissants de pays européens et où ils ont peu de chances d’obtenir un véritable statut de réfugié leur permettant d’accéder à l’emploi et à l’éducation.

Dès lors, il est important que l’Union européenne et ses Etats membres se mobilisent et fassent preuve de solidarité pour aider la Grèce. Ce pays a besoin de moyens matériels et humains pour permettre aux réfugiés d’exercer pleinement leurs droits. En outre, le système de relocalisation, qui prévoyait de répartir 160 000 demandeurs d’asile arrivés en Italie et en Grèce dans les autres Etats membres, ne fonctionne pas: seules 1 740 personnes ont jusqu’ici été relocalisées. En effet, le manque de volonté politique, dans un contexte où le populisme et la xénophobie ne cessent de progresser, empêche cette relocalisation.

Notre capacité à nous entraider illustrera notre attachement réel aux valeurs que nous proclamons.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Nous parlons de la situation en Grèce à la suite de la mission qui s’y est déroulée mais, au fond, le vrai problème est tout autre: il réside dans le fait que, dans le monde entier, 65 millions de personnes fuient leur pays et que nous ne soyons pas en mesure, au niveau international, de prendre en charge correctement tous ces gens.

L’autre raison pour laquelle nous parlons de la Grèce, c’est que l’Union européenne n’arrive pas à harmoniser ses politiques et à mener une action solidaire. C’est là un échec de portée historique.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie a été obtenu au forceps et ne respecte pas les normes du droit international. J’ai récemment visité un centre de détention en Turquie où se trouvaient plus de 300 personnes, dont aucune n’avait pu engager une procédure de demande d’asile. Ce n’est pas là une critique à l’égard de la Turquie, mais force est de constater que le mécanisme ne fonctionne pas faute de structures adaptées. Je précise en outre que, jusqu’à présent, la Turquie n’est pas considérée par l’Allemagne comme un pays sûr.

Quoi qu’il en soit, il s’agit là, je le répète, pour l’Union européenne, d’un échec de portée historique. C’est à cause de cela que des dizaines des milliers de personnes sont bloquées en Grèce, pays qui est lui-même en proie à des difficultés économiques et sociales d’une gravité sans précédent. Il est vrai, toutefois, que l’on doit louer la Grèce d’avoir accueilli tous ces gens sans que se développe le ressentiment à leur égard. Entre Trikala et Larissa, par exemple, plusieurs milliers de personnes se trouvent dans un camp où l’on essaie d’assurer le quotidien, dans des conditions de dignité suffisantes mais, encore une fois, la situation reste très précaire.

C’est une bonne chose que l’Union européenne ait mis des crédits à disposition, mais il serait beaucoup mieux qu’elle fasse en sorte que la Grèce puisse se redresser, que les engagements soient tenus et qu’il y ait une véritable solidarité pour la relocalisation de ces personnes. Au bout du compte, c’est d’une solution politique que nous avons besoin. Sinon, nous réussirons peut-être à alléger un peu le fardeau de la Grèce, mais celui-ci n’en demeura pas moins très important. Si l’Europe ne fait pas le nécessaire, on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Mme SCHOU (Norvège)* – J’aimerais, pour commencer, remercier notre rapporteure, car elle a rédigé un texte très important qui nous place face aux conséquences humanitaires de l’absence de solidarité et de l’incapacité de l’Europe à partager le fardeau des réfugiés. Actuellement, 56 000 réfugiés, migrants et demandeurs d’asile sont bloqués en Grèce. Or les capacités du système d’asile grec sont désormais totalement dépassées. La rapporteure décrit une situation qui n’est pas autre chose, en réalité, qu’une crise humanitaire se déroulant sur le sol européen. Il est évident que la Grèce a besoin de notre soutien plein et entier.

Le message le plus important contenu dans le projet de résolution concerne la nécessité de mieux partager la charge. C’est la seule solution durable: il faut que nous encouragions nos gouvernements à commencer à mettre en œuvre l’accord important qui a été conclu l’an dernier sur la relocalisation.

La Norvège a, pour sa part, accepté de relocaliser un total de 1 500 réfugiés venant de Grèce et d’Italie et de réinstaller 3 500 personnes venant de Turquie, de Jordanie et du Liban. Nous préférons en effet un afflux contrôlé de réfugiés à la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés à l’automne dernier où, soudainement et dans un laps de temps très court, des milliers de migrants sont arrivés en Norvège. Nous n’y étions pas préparés et, au départ, la situation a été chaotique et incontrôlée, ce qui a abouti à un certain scepticisme, voire à de la crainte à l’égard des demandeurs d’asile.

Je comprends parfaitement qu’il soit très difficile pour bien des pays d’accepter un nombre plus élevé de réfugiés – le sujet fait d’ailleurs l’objet d’un débat très vif en Norvège –, mais quelles sont les solutions de rechange, compte tenu de la situation actuelle?

Aujourd’hui, l’Europe contrôle mieux les frontières de l’Espace Schengen, ce qui est important. Si nous parvenons à compléter cela par une meilleure coopération en matière de relocalisation et de réinstallation, je pense que nous réussirons également à mieux contrôler le flux de réfugiés, de migrants et de demandeurs d’asile qui se trouvent déjà en Europe.

La liberté de choisir le lieu d’enregistrement d’une demande d’asile n’est pas un droit de l’homme, contrairement à la possibilité de solliciter une protection, de demander l’asile et de bénéficier d’une procédure juste et équitable dans l’instruction de cette demande. Il est de notre responsabilité de garantir ce droit.

La crise des réfugiés nous touche tous; c’est une responsabilité commune pour nous, Européens. Nous devons assumer cette responsabilité, sans quoi je crains fort que nous ne soyons plus en mesure de conserver les sociétés libres et ouvertes dans lesquelles nous vivons aujourd’hui et dont nous jouissons en tant que citoyens d’Europe.

Mme De SUTTER (Belgique)* – Nous avons atteint le point de non-retour: l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, qui nous a été présenté comme un mauvais accord, n’est effectivement pas acceptable car il est fondé sur la sélection des personnes et la déportation. Ce faisant, il viole le droit international. Certes, il a pour conséquence de réduire le nombre d’arrivées depuis la Turquie, mais ne nous voilons pas la face: il y a toujours davantage d’arrivées que de départs, seuls les itinéraires sont différents.

À cela s’ajoute l’incapacité des autorités grecques et de l’Union européenne à mettre en place un système efficace de traitement des demandes d’asile. Les Etats qui se sont engagés à accueillir un certain nombre de réfugiés n’honorent pas leurs promesses – tous les chiffres consignés dans le rapport de Mme Strik, toutes les phrases qu’elle écrit à ce sujet le montrent clairement. J’ai d’ailleurs eu la possibilité de constater de mes propres yeux la véracité de ce qu’elle écrit en me rendant sur le terrain, en Grèce.

Les Grecs font ce qu’ils peuvent, mais ils ne peuvent pas tout, et certains droits de l’homme fondamentaux continuent à être violés, même si des efforts importants sont déployés. Ces violations sont graves. La prise en charge de certaines catégories de personnes vulnérables, telles que les femmes, n’est pas considérée comme une priorité. Les représentants des autorités grecques nous ont dit que celles-ci n’étaient responsables que de la sécurité de ces personnes et que la violence domestique ou fondée sur le genre ne relevait pas de leur compétence.

J’ai du mal à accepter cette position. Tout particulièrement dans les situations de crise, les femmes doivent bénéficier de mesures de protection spéciales, notamment quand il s’agit de violences de ce type. Certes, il faut que la Grèce dispose de ressources supplémentaires, et nous devons lui fournir davantage d’aide pour mener à bien les missions qui lui incombent, mais c’est bien là que réside le problème: l’Union européenne met le doigt sur la plaie mais n’apporte aucune mesure de réparation. Elle adopte une distance de sécurité, envoie des fonds mais laisse les choses se passer. Or elle devrait agir d’urgence et, tel un médecin, se rendre sur le terrain pour soigner réellement les blessures de la Grèce, fournir un remède à ses maux, plutôt que de se contenter de lui prodiguer des soins superficiels. Il faut empêcher que des violences plus graves encore ne soient infligées aux victimes, mais aussi s’attaquer aux causes profondes des maux. Pour cela, il convient d’installer des bureaux permettant d’entendre les demandeurs d’asile.

C’est ainsi que la procédure administrative sera accélérée.

Nous avons besoin de juristes et d’avocats pour garantir le respect des droits des réfugiés, notamment leur droit de faire appel des décisions rendues; nous avons besoin d’interprètes pour fournir une information correcte et précise, ainsi que d’officiers pour accompagner ces personnes. Voilà toutes les formes d’aides dont nous avons besoin. Ce n’est qu’avec de tels «médecins» de l’Union européenne que nous pourrons panser les blessures de la Grèce. C’est non seulement possible, mais c’est l’unique moyen d’assurer le plein respect des droits de l’homme.

Si l’Union européenne et ses Etats membres ne sont pas capables de constituer cette équipe d’encouragement au soutien du plein respect des droits de l’homme, nous devons, en tant qu’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, exhorter l’Union européenne et ses Etats membres à agir en ce sens, car la seule réponse à apporter à la Grèce est une réponse de renforcement de la solidarité. Les Européens, et pas seulement les Grecs, doivent faire face à cette crise.

M. NORDQVIST (Danemark)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier Mme Strik pour ce rapport, comme pour les nombreux autres rapports qu’elle a élaborés au fil des ans sur ces mêmes thèmes et défis. Il s’agit là, Madame, d’un excellent travail, et je suis très honoré d’être membre de la même commission que vous.

Dans ce rapport, nous est décrit un des plus grands problèmes humanitaires en Europe. Je pourrais même parler d’une «catastrophe humanitaire». Mais il y est aussi dit que ce problème ne saurait être celui d’un seul pays, qu’il est européen et mondial.

En examinant ce rapport, que nous adopterons, je l’espère, à l’unanimité, comme tous les autres portant sur ce thème, gardons présente à l’esprit l’idée de le rapporter dans nos pays pour nous en servir activement dans nos parlements nationaux. Il ne suffit de se réunir ici pour en débattre, encore faut-il nous en servir de retour chez nous. Je citerai un extrait du rapport dont nous devrions nous souvenir dans notre travail parlementaire: «Nous devons être préparés à l’éventualité d’un échec de l’approche actuelle et prévoir des solutions alternatives». Autrement dit, ne stigmatisons personne et soyons prêts à trouver de nouvelles solutions pour relever ce grand défi européen. Lorsque nous montrons du doigt un pays, trois autres doigts sont pointés sur nous. Nous devons trouver les bonnes solutions.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Permettez-moi tout d’abord de présenter mes condoléances à nos amis britanniques et de leur exprimer ma compassion et ma solidarité après le meurtre de la députée Jo Cox.

Monsieur le Président, j’ai tenu à faire partie de la commission qui s’est rendue en Grèce, dans la mesure où le Maroc est devenu un pays de destination qui souffre, lui aussi, de la réalité créée par la fermeture des frontières européennes.

J’ai pu constater la situation difficile des réfugiés dans les centres de détention en dépit des efforts considérables déployés par les autorités grecques pour les accueillir dans le respect de la dignité humaine, ce qui n’est pas facile.

J’ai parlé à plusieurs d’entre eux. Ils ont décrit leur tragédie et raconté les souffrances qu’ils ont endurées tout au long de leur fuite des bombardements et de la guerre. Certains d’entre eux ont dit avoir échappé de justesse à des tirs de missiles et de balles. D’autres ont vu leur domicile détruit et des proches tués avant de suivre des trafiquants passeurs pour accéder aux côtes grecques.

Il faut bien reconnaître que la Grèce est victime d’une politique mise en œuvre en réaction à la crise des réfugiés et qu’elle subit l’application de l’accord avec la Turquie.

Je soutiens totalement les recommandations du projet de résolution relatives à la mise en œuvre de l’accord de septembre 2015 sur la relocalisation et au soutien à accorder à la Grèce à tous les niveaux pour répondre aux difficultés de la situation.

Le problème des réfugiés, il faut le reconnaître, n’est pas seulement un problème grec. C’est un problème européen. Le volet humanitaire n’est que la conséquence d’une réalité politique. Il est temps que l’Europe assume sa responsabilité politique, retrouve son efficacité et contribue à la prévention et à la résolution des conflits qui déstabilisent la région et en font une source de crises humanitaires et de risques sécuritaires.

M. MARQUES (Portugal)* – Mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dire combien je suis heureux d’intervenir alors que notre collègue, Mme Savchenko, est présente parmi nous dans cette Assemblée. J’aimerais ensuite féliciter Mme Strik pour ce rapport extrêmement franc et clair.

La situation difficile que connaissent les migrants en Grèce résulte de l’absence d’une politique migratoire commune en Europe et de la lenteur de la réaction face à ces problèmes. Il me semble donc tout à fait juste de féliciter le peuple grec pour son attitude face à cette crise.

Alors que certains pays redoutent d’accueillir des migrants ou des réfugiés et connaissent des problèmes de xénophobie, comment ne pas saluer les efforts consentis par les Grecs? En l’occurrence, l’attitude des citoyens grecs est tout à fait remarquable. La responsabilité pesant sur les autorités grecques serait déjà très lourde pour un pays en situation normale, mais elle est totalement injuste pour un pays qui traverse une crise économique aussi profonde. En fait, nous avons abandonné la Grèce et l’avons laissée seule face à cette grave crise.

Par ailleurs, le système de relocalisation, bien trop lent, se révèle incapable d’éliminer suffisamment rapidement les risques pour les migrants. Ce système n’a pas échoué à cause de la Grèce ou de l’Union européenne, mais parce qu’un trop grand nombre d’Etats membres ne se sont pas acquittés de leurs responsabilités. En vérité, en dépit des problèmes et des critiques, la Turquie s’est montrée plus coopérative que bien des Etats européens.

En tant que citoyen du Portugal, pays qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés par le biais de ce système, je pense que le processus de réinstallation est encore trop bureaucratique et accorde trop de garanties ou d’options aux réfugiés. Lorsqu’ils refusent de se rendre dans certains pays européens parce qu’ils en préfèrent d’autres, ils contribuent malheureusement à retarder l’ensemble du processus de réinstallation, avec tous les risques que cela peut entraîner. C’est la raison pour laquelle certains critères devraient sans doute être réexaminés.

On ne saurait toutefois conclure ce débat sans évoquer les aspects positifs de la situation, les milliers de vies sauvées par Frontex, par les garde-côtes européens, les milliers de familles qui, sur le sol européen, n’ont pas hésité à accueillir et à aider les réfugiés et les migrants. Il est également de notre responsabilité de montrer l’aspect positif de cette crise et le travail réalisé par nos concitoyens qui aident des familles entières.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Je remercie à mon tour Mme Strik pour son rapport ainsi que la commission ad hoc pour le travail accompli. Merci de nous aider à mieux comprendre! Je remercie également mes collègues britanniques qui ont pris la peine d’aller dans les îles grecques pour se rendre compte de la situation sur place et nous fournir toujours plus d’informations.

Je reviens sur deux commentaires formulés dans le débat.

Le premier l’a été par Mme Bakoyannis qui, à juste titre, a indiqué qu’il fallait établir une distinction entre les réfugiés et les migrants économiques. Nous ne pouvons pas régler tous les problèmes de la planète, mais nous avons un devoir très clair à assumer: tout mettre en œuvre pour aider les vrais réfugiés, ceux qui viennent notamment de zones frappées par la guerre.

Le second a été formulé par mon collègue John Howell.

Il s’agit d’un problème de portée mondiale, résultat non seulement de la guerre en Syrie, mais aussi de l’intervention internationale en Afghanistan et dans bien d’autres régions du monde, notamment dans certains pays d’Afrique. Le problème est colossal, et le monde doit agir.

Ce n’est pas l’Union européenne, mais la communauté internationale qui doit prendre des mesures, et notamment les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne. Nous avons nous-mêmes exacerbé certains des problèmes, nous en sommes responsables. Je n’ai jamais été convaincu que Schengen a véritablement fonctionné.

Il est évident que les Grecs font face à un fardeau intolérable. Epargnons-leurs nos critiques. Que l’Union européenne ne les prenne pas de haut. Ils ont besoin, et je le dit avec respect, du type d’aide que propose le Royaume-Uni: des fonds sonnants et trébuchants et des connaissances expertes, pour réduire ce flot venant de deux directions distinctes depuis la Méditerranée et mettre ainsi un terme aux activités des passeurs.

Ce problème de portée mondiale exige une solution de portée mondiale. Il faut nous tourner vers les Grecs, mais aussi vers les Turcs, qui ont eu à subir un certain nombre de critiques, notamment au sein de cette Assemblée; il faut nous tourner vers les Libanais et les Jordaniens, qui accueillent des milliers de réfugiés.

Nous avons aussi, parmi tant d’autres, le devoir d’aider la prochaine génération. Je ne parle pas de ces adolescents et jeunes hommes qui se présentent comme des enfants, mais des très jeunes enfants non accompagnés. S’il y une chose à faire, c’est bien celle-là.

M. KRONBICHLER (Italie)* – Tout le monde félicite Mme Strik, et elle l’a bien mérité. Mais je voudrais directement m’adresser à M. le ministre et à notre collègue grecque Mme Kavvadia. J’ai été très impressionné par la façon dont vous avez abordé ce débat, par votre ton chaleureux, solidaire, voire optimiste. Nous sentons votre réel désir d’aider ces personnes et votre confiance d’y parvenir.

En Europe, aujourd’hui, excuses et prétextes se font entendre. Vous êtes la preuve qu’une autre attitude est possible. Vous parlez d’êtres humains, d’hommes et de femmes, et non pas d’un problème. Pour vous, il ne s’agit pas de la crise des réfugiés, mais de personnes en péril qu’il faut aider. Chers amis grecs, je vous remercie et vous félicite pour votre action, et pour l’exemple d’humanité que vous donnez à toute l’Europe.

LE PRÉSIDENT – M. Zech et Mme Rawert, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. DIVINA (Italie)* – Je donnerai une version plus réaliste de la situation que celle décrite à l’instant par mon collègue italien. L’Italie a aussi été très critiquée sur la façon dont l’accueil des migrants et des réfugiés est assuré – nous confondons fréquemment ces catégories.

Souvent, ces personnes arrivent de pays qui ont refusé toute participation au système des quotas européens. Certains pays refusent de jouer le jeu, d’autres ont même choisi de suspendre Schengen. Tandis que la Grèce subit la crise syrienne, l’Italie est exposée en permanence aux flux migratoires en provenance d’Afrique du Nord. Ceux qui ont suspendu Schengen bloquent la frontière de Vintimille et du Brenner, si bien que les migrants ne peuvent choisir leur pays d’installation. L’Italie n’était jusqu’à présent qu’un pays de transit. Ces dernières années nous avons accueilli plus de 200 000 migrants par an. Vous rendez-vous compte de ce que cela représente en termes de gestion? Il n’est aujourd’hui plus possible de vivre normalement à Lampedusa et en Sicile.

Si la présente résolution était adoptée telle quelle, elle serait dangereuse: particulièrement le point 6.3 qui propose de libérer les migrants qui sont en rétention depuis trop longtemps dans des centres de crise, les fameux hotspots. Cela impliquerait une liberté de circulation absolue en Europe, simplement parce que nous n’aurions pas été capables de décider si telle ou telle personne était un migrant, un demandeur d’asile ou un réfugié. Ainsi nous remettrions en cause toutes les mesures de sécurité prises dans nos pays. S’il y a une crise humanitaire des migrants, n’oublions pas non plus la grave crise de la sécurité en Europe. Occupons-nous certes des migrants, mais aussi de la situation sécuritaire dans nos pays.

M. KANDEMIR (Turquie)* – Je souhaite remercier Mme la rapporteure pour ce rapport, qui résume très justement la situation dans laquelle se trouvent les réfugiés. Les 30 et 31 mai derniers, j’ai moi aussi visité ces camps en Grèce, avec la commission ad hoc du Bureau. Malgré les excellentes intentions de la Grèce, la situation dans certains des camps est très loin d’être acceptable. Nous avons constaté que certaines personnes qui vivent dans ces camps ne peuvent pas subvenir à leurs propres besoins élémentaires. À cet égard je soutiens très vigoureusement les appels qui sont lancés à la Grèce dans ce rapport.

La situation que connaît la Grèce est une conséquence directe du manque de solidarité en Europe. Le fardeau que représentent ces migrations est assumé par les pays qui se trouvent aux frontières; le problème ne fait que s’aggraver, et les réfugiés qui souffrent le plus sont ceux qui se trouvent dans ces pays limitrophes assumant la plus grande part du fardeau. C’est ainsi que nous pourrions définir le problème de la Grèce. Nous devons nous poser la question suivante: comment l’Union européenne et les pays qui ne souhaitent pas assumer leur part du fardeau peuvent-ils attendre de la Grèce qu’elle l’assume seule?

Une protection suffisante doit être accordée aux réfugiés. Cependant, je ne partage pas tout ce qui est dit à cet égard dans le rapport. La Turquie accueille le plus grand nombre de réfugiés.

L’aide fournie par le gouvernement et par les ONG est considérable. Des milliers d’enfants syriens sont nés en Turquie depuis le début de la crise. Tout comme la Turquie, la Syrie mériterait d’ailleurs de se voir soutenue dans cette crise.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie et la coopération en matière de migrations sont de la plus haute importance pour partager les responsabilités. Cette coopération a permis de faire reculer le nombre de décès en mer Égée. J’espère que ce rapport contribuera également à améliorer la situation en Grèce.

M. NIKOLOSKI («L’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – L’Europe fait face aujourd’hui à l’une des plus grandes crises humanitaires qu’elle ait connues depuis la Seconde Guerre mondiale. Les migrants fuient la guerre en Syrie. C’est pourquoi nous devons nous concerter sur une approche européenne pour accorder un traitement humain à ceux dont le destin est si durement éprouvé.

Malheureusement, le rapport de Mme Strik n’est pas très objectif à bien des égards, quand même il n’est pas tout à fait inexact. La Macédoine fait face à des défis importants actuellement en raison de sa situation géographique et de la pression des migrants irréguliers de l’autre côté de la frontière. Nous subissons le contrecoup d’une crise qui se déroule dans un autre Etat membre de l’Union européenne et de l’espace Schengen, c’est-à-dire chez notre voisin, la Grèce, qui a pris l’habitude de diriger des milliers de migrants vers notre frontière.

En 2015, plus d’un million de migrants ont transité par le territoire de la Macédoine. Or notre pays compte deux millions d’habitants. Le 11 septembre dernier, en à peine une journée, 10 400 migrants sont entrés sur notre territoire, ce qu’omet de préciser le rapport, tout comme le fait que des ONG grecques ont conseillé un grand nombre d’entre eux sur la meilleure manière de passer en force la frontière de la Macédoine et d’attaquer nos policiers. Mon pays essaie d’adopter une approche humanitaire à l’égard des réfugiés et il n’est pas vrai, comme le dit le rapport, qu’il a fermé ses frontières. Nous avons simplement tenté de canaliser les réfugiés vers les points de passage légaux. Ainsi, les réfugiés qui quittent des zones de guerre sont autorisés à entrer et rester sur notre territoire et nous leur réservons un accueil humanitaire. Nous ne pouvons pas accepter, en revanche, les migrants économiques qui viennent de pays non touchés par la guerre, conformément à la position adoptée par l’Union européenne.

J’espère que tous les parlementaires de l’Assemblée pensent qu’il faut continuer à aider les réfugiés. Nous demandons à ce qu’une approche européenne conjointe et solidaire soit adoptée à leur égard. L’Allemagne ne doit pas être le seul pays à les aider. Les autres pays européens doivent également prendre leur part de cette responsabilité.

Il n’est pas juste que la Macédoine subisse les conséquences des échecs de l’Union européenne et de la Grèce à protéger leurs frontières extérieures. Ne nous laissez pas seuls face à la crise migratoire! N’oubliez pas que nous sommes le seul pays qui ne soit pas membre de l’Union européenne et qui accueille néanmoins des réfugiés. Le paradoxe est d’autant plus grand que la Macédoine – que la rapporteure désigne d’ailleurs à tort sous l’appellation offensante ARYM – n’est pas membre de l’Union européenne uniquement en raison du veto de la Grèce. C’est pourtant nous qui protégeons à l’heure actuelle les frontières extérieures de l’Union européenne.

Pour conclure, j’espère que la rapporteure voudra bien corriger ces inexactitudes flagrantes dans la prochaine version de son rapport.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Permettez-moi, mes chers collègues, de remercier les deux rapporteures pour leurs exposés de ce matin et de saluer l’attitude de la Grèce qui, malgré une situation économique dégradée, a démontré qu’il était encore possible de manifester de la solidarité en Europe et de ne pas céder aux tentations xénophobes.

En 1956, alors qu’elle était en train de se reconstruire, l’Autriche a accueilli 200 000 Hongrois. Pourtant, de nombreux logements avaient été détruits et l’économie balbutiait encore. Il est peut-être nécessaire parfois de connaître soi-même des difficultés pour être sensible à celles des autres et pour faire preuve d’une plus grande générosité. C’est pourquoi j’ai le plus grand respect pour ce que fait aujourd’hui la Grèce. Je serai honnête avec vous, je n’apprécie guère l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie. Certains pensent qu’il permet de lutter efficacement contre les passeurs. Je crois pour ma part que ce sont les réfugiés qui en subiront les conséquences. Ils devront payer plus cher et emprunter des voies plus dangereuses pour se rendre en Europe. Au total, il y aura plus de morts.

On a beaucoup parlé des responsabilités de l’Union européenne. Cinq pays, la Suède, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Grèce, font face à leur responsabilité. Pourquoi sont-ils si peu nombreux en Europe? Il est un peu facile d’accuser l’Union européenne alors qu’elle a manifesté à plusieurs reprises sa volonté d’agir. Ce sont les Etats membres qui traînent les pieds!

Je tiens à présenter mes excuses à la Grèce pour la déclaration du ministère des Affaires étrangères autrichien qui a fait la une des médias internationaux. Il a affirmé qu’il suffisait de prendre une île grecque et d’y regrouper tous les migrants et les réfugiés pour régler le problème. Comme s’il n’y avait pas des Grecs qui vivent sur cette île! Je prie vivement nos amis grecs d’excuser de tels propos. Le modèle australien est loin d’être le bon modèle pour sortir de la crise.

M. KÖCK (Autriche)* – Deux points de vue s’affrontent aujourd’hui dans ce débat: d’une part, l’approche quelque peu idéaliste de notre rapporteure; d’autre part, la position plus réaliste du ministre grec. Je voudrais quant à moi évoquer deux aspects du problème, le premier étant l’absence de solidarité européenne.

Depuis des années, les pays qui ne sont pas directement touchés par la crise des réfugiés s’en désintéressent et laissent les autres se débrouiller. Les Etats qui supportent l’essentiel du fardeau sont obligés de réagir s’ils ne veulent pas finir écrasés par son poids. Ils luttent contre la résurgence des mouvements nationalistes.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie a permis de réduire le nombre d’embarcations en mer Egée et d’arrivées de réfugiés en Grèce. Ce type de solution mérite donc d’être à nouveau envisagé à l’avenir. De son côté, l’Autriche a pris toutes les mesures nécessaires pour accueillir les 40 000 demandeurs d’asile qu’elle s’est engagée à recevoir cette année. C’est un chiffre élevé par rapport à notre population. J’aimerais que les autres pays en fassent au moins autant.

Après, il y a le problème du comportement des migrants. On a beaucoup parlé du camp d’Idomeni; que s’y est-il passé? Des personnes se sont regroupées dans ce camp peu adapté, alors qu’à proximité d’autres camps étaient bien mieux équipés pour les accueillir. Normalement, quand on est dans le besoin, on accepte toute aide offerte; or là, nous étions en présence de personnes qui avaient un objectif précis. Et en l’occurrence, ce n’était pas possible.

Par ailleurs, un grand nombre de migrants ne veulent pas accepter l’offre que certains pays leur font. Le Portugal, par exemple, s’est dit prêt à accueillir 7 000 réfugiés, or seules 500 personnes se sont déclarées disposées à s’y rendre.

Si nous ne voulons pas que le problème s’aggrave, nous devons fixer un certain nombre de règles, et notamment limiter l’immigration. Il est évident qu’un certain nombre de pays ne souhaitent plus accueillir de migrants supplémentaires, alors disons-le clairement. Et sans doute, faudra-t-il ramener des personnes dans leur pays d’origine. Car de toute évidence, plus les migrants s’entassent sur des bateaux, plus les risques de repêcher des noyés sont grands. Il faut donc regarder les choses en face.

Enfin, un minimum de solidarité européenne est nécessaire, sinon de nouvelles lignes de fracture se créeront en Europe.

Mme JANSSON (Suède)* – Nous examinons aujourd’hui la situation actuelle des réfugiés en Grèce, après la fermeture de la frontière avec l’ex-République yougoslave de Macédoine.

Quelque 60 000 demandeurs d’asile, la plupart en provenance d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, sont bloqués sur le continent grec et sur les îles de la mer Egée. Dans le cadre de la commission ad hoc, j’ai notamment visité les camps d’Ellinikó, de Skaramagas et du Pirée. Or la différence de confort qui existe entre les camps officiels et les camps de fortune est énorme: les conditions de vie dans les camps du Pirée et d’Ellinikó, par exemple, ne sont pas acceptables. Dans le camp du Pirée, les toilettes ne fonctionnaient pas et il n’y avait pas de douches et de toilettes séparées pour les femmes. En dehors des mesures de sécurité, tout dépend des ONG.

Au cours de notre visite, nous avons rencontré des représentants du Gouvernement et du Parlement grecs, ainsi que le maire d’Athènes, des représentants de la région égéenne et des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d’ONG. Il est évident que la Grèce n’a ni les ressources ni les capacités de gérer seule cette situation.

Le message envoyé par les autorités grecques est clair: «Nous faisons de notre mieux, mais le moment est venu pour l’Europe d’exprimer sa solidarité». Je partage pleinement ce message.

Monsieur le Président, la Turquie, le Liban et la Jordanie ont reçu plus de 5 millions de réfugiés, alors que 28 Etats membres de l’Union européenne en ont reçu beaucoup moins – mais moins de demandes également. L’année dernière, mon pays, la Suède, a reçu plus de 160 000 demandeurs d’asile, dont 35 000 mineurs non accompagnés, alors que cette année – jusque début juin – elle n’en a reçu que 18 000.

Aujourd’hui, le Parlement suédois va adopter une loi qui permettra de modifier la politique migratoire, en conformité avec les normes minimales du droit international. Les demandeurs d’asile ne sont pas des migrants clandestins. Ils sont forcés de traverser les frontières de façon illégale en raison des lois que nous avons adoptées. Les réfugiés sont vulnérables. Les femmes et les enfants le sont particulièrement, ils sont exposés à des risques de violence et d’abus sexuel.

La situation des réfugiés en Grèce me préoccupe énormément. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont la responsabilité de protéger et de défendre leurs droits. L’Europe doit faire face à cette crise avec solidarité, en respectant les droits de l’homme et sans haine.

M. CSENGER-ZALÁN (Hongrie)* – Je voudrais tout d’abord féliciter Mme Strik pour son excellent travail.

J’ai pu voir, il y a quelques semaines, en tant que membre de la commission ad hoc, à quel point la situation en matière de migration est complexe et difficile en Grèce. Au printemps dernier, la Macédoine a dressé une clôture et a renforcé les patrouilles des gardes-frontières sur la frontière avec la Grèce. Grâce à cette démarche nécessaire, la route des Balkans de l’ouest a été fermée; c’est une étape très importante et indispensable à la stabilisation et au contrôle des flux migratoires. Le Gouvernement hongrois et notre Premier ministre, M. Orban avaient appelé cette fermeture de leurs vœux en automne dernier.

Cette nouvelle évolution a donné lieu à une situation chaotique du côté grec, les autorités n’étant pas bien préparées. Lorsque nous nous sommes rendus sur place, nous avons pu constater que le Gouvernement grec avait mis en place des camps pour les migrants, organisé sa logistique et commencé à installer un système de traitement des demandes d’asile.

Bien entendu, il existe de grandes différences de confort d’un camp à l’autre. Si certains bénéficient de l’air conditionné dans des conteneurs bien équipés ou de tentes confortables avec ventilateur, d’autres camps connaissent une situation très insatisfaisante – je pense notamment au stade d’Athènes. Or, tous les migrants devraient bénéficier de conditions de vie sûres et décentes.

Les autorités grecques garantissent une prise en charge spéciale pour les personnes les plus vulnérables: les enfants non accompagnés, les femmes enceintes, les personnes handicapées. Je ferai ici une remarque: selon le responsable du camp, 60 % des réfugiés du camp d’Athènes sont des garçons de 17-18 ans, soit presque des jeunes hommes.

Le Parlement grec a adopté une nouvelle législation – nécessaire – visant à mettre en détention les migrants en situation illégale. Tous les migrants qui arrivent de Turquie doivent être accueillis dans ces camps de détention fermés, jusqu’à ce que leur statut soit déterminé, à l’exception des personnes vulnérables.

Depuis l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, les autorités turques ont, avec succès, endigué le flot des migrants qui traversent la mer au péril de leur vie. Grâce à la nouvelle législation grecque que je viens de citer, le nombre de migrants qui traversent la mer chaque jour a fortement chuté; il est passé de 100 à zéro certains jours.

Nous devons travailler en coopération avec les autorités turques, et notamment renforcer les patrouilles le long de la zone Schengen; la seule façon de gérer cette crise sans mettre en danger la vie des migrants et des vrais réfugiés qui se trouvent sur la mer Egée.

Mme MAIJ (Pays-Bas)* – Je voudrais remercier Mme Strik pour son rapport, ainsi que le ministre grec pour être venu nous exposer la politique mise en œuvre dans son pays.

Ce sentiment d’urgence que nous avons, quant à cette crise des réfugiés, remonte déjà à 3 ans! Souvenons-nous des réfugiés accostant sur l’île de Lampedusa, ces centaines de personnes mortes sur les côtes. La crise se poursuit et nous ne savons toujours pas comment la gérer et protéger les réfugiés. Car si nous avons réussi à empêcher les gens de mourir en mer Egée, nous n’arrivons pas à donner une réelle protection aux réfugiés qui sont sur le sol européen et en Turquie.

Une vraie protection, c’est bien davantage que d’avoir un toit et de la nourriture. Cela veut dire aller à l’école, avoir accès à des dispositifs d’hygiène, être en sécurité, etc. Or nous avons échoué à ce niveau-là. Et je dis bien «nous», car nous ne pouvons pas pointer du doigt la Grèce et la Turquie qui font de leur mieux, même si les résultats ne sont pas encore visibles.

Les femmes et les enfants y rencontrent des conditions de vie très éprouvantes. Dans les villes, aussi, des enfants travaillent dans des ateliers – non seulement en Turquie mais aussi dans certaines villes européennes. C’est là encore un effet de la crise des réfugiés que nous devons combattre.

À écouter les différents orateurs, je ne peux m’empêcher d’être étonnée: si chacun fait réellement de son mieux, pourquoi la crise persiste-t-elle? Je crains que nos efforts ne soient mal ciblés. Nous devons pourtant relever le défi de la protection des réfugiés: les personnes relocalisées sont encore très peu nombreuses et seul un nombre infime – tout au plus dix à quinze, semble-t-il – de travailleurs sociaux sont déployés sur les îles grecques pour identifier et enregistrer les réfugiés afin qu’ils bénéficient d’une protection. Si nous faisions vraiment tout ce que nous prétendons faire, nous pourrions résoudre la question des réfugiés qui demandent notre protection, et nous pourrions nous assurer que les personnes qui n’ont pas le droit de bénéficier de la protection des pays européens sont renvoyées dans leurs pays d’origine. Il semble que nous n’ayons pas encore pris la mesure de l’urgence de la situation.

Mme CHRISTODOULOPOULOU (Grèce)* – Le Conseil de l’Europe est compétent pour délibérer des questions relatives aux droits de l’homme et, à ce titre, je me félicite du rapport de Mme Strik. Je ne voudrais pas, toutefois, que le Conseil accepte les facteurs qui ont provoqué la grave crise des réfugiés que nous connaissons. Si 56 000 réfugiés sont aujourd’hui bloqués en Grèce, c’est en raison de la fermeture des frontières, tout d’abord, et ensuite de la déclaration conjointe – qui n’est pas un accord à proprement parler – entre l’Union européenne et la Turquie.

Les réfugiés ne sont pas nos adversaires. L’Europe qui érige des murs n’est pas celle dont nous avons rêvé. On ne saurait donc évacuer le problème et se contenter d’observer comment ces réfugiés se débrouillent en Grèce. On ne saurait pas davantage saluer «l’accord» entre l’Union et la Turquie au motif qu’il empêcherait les réfugiés de se noyer en mer Egée: ils se noient ailleurs, entre la Libye et l’Italie! L’Europe et ses 500 millions d’habitants doivent faire face à leurs obligations. Nous ne pouvons nous contenter de mesures de saupoudrage consistant à affecter des fonds ici ou là tout en restant cloîtrés dans nos égoïsmes nationaux. Qu’est-ce en effet que l’Europe actuelle, sinon la somme de ses égoïsmes nationaux? Ceux qui ont érigé des murs ont favorisé l’extrême droite.

La société grecque, au contraire, a démontré qu’elle voulait sincèrement aider; l’absence totale d’actes de racisme ou d’incompréhension en atteste. Le Conseil de l’Europe doit prendre la mesure de ces deux modèles différents et aider la Grèce. Que fera l’Europe si, demain, la Turquie n’applique pas l’accord qu’elle a conclu avec elle, comme l’a suggéré le Président Erdoğan? Un «plan B» est nécessaire. Les dirigeants et les peuples européens doivent se montrer à la hauteur de ce qui nous arrive. L’Europe d’hier, d’aujourd’hui et de demain est fondée sur le respect et la solidarité avec les réfugiés!

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je tiens avant tout à féliciter Mme Strik pour son travail précieux et profond. Depuis le début du conflit en Syrie en mars 2011, la situation des réfugiés s’aggrave de jour en jour et impose un lourd tribut aux enfants et aux femmes, qui sont confrontés à la violence et forcés à l’exil pour rejoindre l’eldorado européen. Je salue tous ceux qui accomplissent un travail formidable pour les soutenir.

Seule une réponse européenne cohérente et humaine, loin de toute instrumentalisation politicienne et de tout amalgame, peut permettre de résoudre cette crise des réfugiés. Songez qu’entre janvier et août 2015, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a dénombré des milliers d’enfants réfugiés en Europe, où il arrive chaque jour près de sept cents mineurs, dont beaucoup ne sont pas accompagnés. En Syrie, la moitié des 4,2 millions de réfugiés sont des enfants. Prenons garde à ce que cette crise humanitaire ne devienne pas une crise des droits de l’homme, et surtout des droits des femmes et des enfants. Les mesures qui sont prises à l’échelle européenne et nationale doivent porter en priorité sur la protection des femmes et des enfants.

La guerre et l’exil privent des centaines de milliers d’enfants semblables aux nôtres de leur père et de leur mère. Hélas, certains pays européens ont adopté des lois qui interdisent à ces enfants de rejoindre leurs parents, même au terme de jours entiers d’attente dans le froid. Je comprends les contraintes financières et politiques qui existent en Europe, mais nous avons tous le devoir de les surmonter pour protéger les droits des femmes et des enfants réfugiés qui se trouvent dans une situation critique, exposés aux maladies et au risque de harcèlement.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je tiens à féliciter Mme la rapporteure pour son travail et sa détermination à trouver des solutions concrètes à la crise actuelle des réfugiés, et je remercie M. Mouzalas de sa présence. On ne peut que convenir du fait que les enfants qui se trouvent dans une situation aussi chaotique doivent faire l’objet d’un traitement spécial, en particulier dans le projet de résolution qui nous est soumis.

La Journée internationale des réfugiés s’est tenue hier. Voici ce qu’a dit un jeune garçon réfugié à cette occasion: «Vous m’avez peut-être pris ma maison, mais vous ne pourrez pas me prendre mon avenir». Je veux souligner l’impact de cette crise sur les enfants, car les chiffres choquent. Selon l’Unicef, 40 % des réfugiés présents en Grèce sont des enfants. Leur vulnérabilité les expose à une multitude de menaces, d’abus et d’actes d’exploitation. Leur situation déjà précaire s’est encore détériorée en raison de procédures d’asile défaillantes et des capacités insuffisantes de la Grèce et d’autres pays. Dans une telle situation, personne ne peut montrer l’autre du doigt.

Dans la réalité, les enfants réfugiés et les mineurs non accompagnés sont devenus les victimes d’un système européen dysfonctionnel, qui ne les protège pas. Le contexte économique de leur pays rend la tâche encore plus difficile aux autorités grecques qui assument une part disproportionnée du fardeau et qui doivent réagir alors que leurs structures sont souvent déficientes. Je voudrais cependant profiter de l’occasion pour saluer les autorités et le peuple grecs pour les efforts gigantesques qu’ils ont entrepris malgré ce contexte économique, l’humanité dont ils ont fait preuve, en sauvant les réfugiés dans les îles et ailleurs. La mobilisation des volontaires et des ONG pour soulager cette crise sans précédent est une manifestation de solidarité. On doit toujours s’en souvenir lorsque l’on réfléchit à la réponse de la Grèce.

Selon le droit international et le droit européen, les enfants constituent une catégorie vulnérable, qui mérite une protection particulière. Les autorités, partout, doivent donc travailler à l’identification et à l’enregistrement de ces enfants réfugiés et migrants. En raison des nombreuses faiblesses du système en Europe, les enfants ont dû s’en sortir seuls, perdus dans un environnement qui ne leur était pas familier, qui leur était même parfois hostile; cela peut les mener sur de mauvaises voies. Il est bien question, ici, des droits de l’enfant. Chers collègues, en tant qu’Etats membres du Conseil de l’Europe, nous devons identifier les mécanismes qui nous permettent de prendre en charge ces enfants. Nous devons trouver des solutions à ces problèmes. Tous les enfants méritent de pouvoir s’épanouir. N’oublions pas qu’être réfugié n’est pas un choix. C’est bien souvent une tentative désespérée de survie.

LE PRÉSIDENT – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Monsieur le ministre, souhaitez-vous réagir brièvement aux propos des orateurs?

LE MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA POLITIQUE MIGRATOIRE DE LA GRÈCE* – Je veux remercier M. Jagland, qui a dit que le problème était européen. C’est précisément parce qu’il estime que le problème est européen que nous sommes tous réunis aujourd’hui. Je voudrais aussi remercier Mme la rapporteure. Son rapport témoigne d’un grand souci de compréhension du problème. Certes, on peut être d’accord ou non sur tel ou tel point, mais le problème est envisagé correctement. Aujourd’hui, malgré toutes leurs dissensions sur d’autres sujets, le gouvernement grec et l’opposition s’accordent sur le problème des réfugiés. Et parce que nous étions d’accord, l’extrême droite n’avait pas la possibilité de créer des heurts. C’est aussi parce que nous sommes d’accord qu’au mois d’octobre nous aurons réglé les problèmes qui suscitent aujourd’hui vos critiques, et nous serons très contents de vous recevoir pour que vous puissiez le constater.

En ce qui concerne les enfants non accompagnés, livrés à eux-mêmes, j’ai déposé une proposition à la Commission européenne pour que tous les enfants qui ont moins de douze ans, quelle que soit leur nationalité, soient pris en charge. Un enfant de moins de douze ans n’est pas afghan, irakien ou érythréen: c’est un enfant. Nous devons dépasser les problèmes administratifs et le voir comme un enfant.

Nous remercions tous ceux qui nous aident à faire face aux problèmes. Nous voulons que l’on contrôle toutes les organisations non gouvernementales qui ont reçu des fonds.

Pour nous, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie offre, pour le moment, une solution. Ce n’est sans doute pas la meilleure, mais il n’y a pas d’autre proposition! Qu’il s’applique donc, dans le respect du droit international, notamment la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, et du droit européen. Je veux y insister: il faut aider la Turquie pour qu’elle puisse faire face à ses obligations. Je n’entends pas, par-là, qu’il faille exercer une pression sur ce pays – la Grèce a elle-même subi de fortes pressions, qui ne faisaient qu’accroître ses difficultés. Actuellement, la Turquie respecte les termes du contrat. Aidons-la donc pour que les Syriens qui reviennent en Turquie puissent jouir des droits que leur reconnaît la Convention de Genève. Il n’y a vraiment pas de raisons de s’y opposer.

Je conclurai en indiquant que, pour réduire le problème des passeurs et des filières illégales, il faut créer les voies d’une immigration légale. Si vous nous aidez, nous allons y arriver.

LE PRÉSIDENT – J’appelle la réplique de la commission.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure* – Merci, Monsieur le ministre, merci, Monsieur le Secrétaire Général, merci, chers collègues, pour vos précieuses contributions et pour le soutien apporté, à mon rapport et, surtout, à la Grèce. Comme le disait Mme Maij, au fond, il ne devrait plus y avoir de problèmes, puisque chacun promet un soutien.

Merci, Madame Ahmed-Sheikh, d’avoir rappelé l’action de Jo Cox en faveur des réfugiés. J’espère que vous reprendrez le flambeau.

En tout cas, merci, encore une fois, aux autorités grecques de nous avoir permis de remplir notre mission, de rencontrer toutes les personnes que nous voulions rencontrer, de voir tous les lieux que nous voulions voir. Nous nous rendons compte, évidemment, de l’ampleur des efforts déployés par le gouvernement grec. Nous sommes heureux de vous entendre dire que la situation continue de s’améliorer et que le gouvernement songe à une réinstallation définitive des personnes, mais, évidemment, notre mission est aussi de dénoncer ce qui ne va pas.

Comme l’a dit Mme Kyriakides, les personnes n’ont pas le choix, elles dépendent des choix de nos gouvernements, notamment des accords de l’Union européenne avec des pays tiers. M. le ministre et Mme Bakoyannis ont appelé à distinguer réfugiés et migrants. J’en suis d’accord, mais ce n’est possible que lorsqu’une demande d’asile a été étudiée à fond. Or, c’est précisément le problème qui se pose en Turquie: la protection ne peut être décrétée qu’après une étude approfondie de la demande, ce qui n’est pas fait dans ce pays. Souvent, les personnes ne peuvent pas déposer de demande d’asile. Voilà pourquoi il est absolument essentiel à nos yeux de déterminer si le degré de protection est suffisant ou non.

Pour ma part, j’insiste particulièrement sur la nécessité de prévoir des moyens légaux d’accès à l’Europe. Nous verrons comment la situation évoluera, mais le peu de réussite des tentatives de réinstallation jusqu’à aujourd’hui rend pessimiste. D’ailleurs, je vous rappelle que la plupart du temps, les personnes veulent rester le plus près possible de la région qu’elles ont fuie. Si de nombreux Syriens souhaitent quitter la Turquie, c’est parce que leur niveau de vie a dégringolé.

Si nous réinstallons un nombre important de réfugiés, si nous mettons en place des moyens d’accès libres, et si nous nous montrons vraiment solidaires, nous avons des chances de résoudre la crise. Je vous renvoie à l’exemple de la Grèce et à sa politique généreuse. Il n’est pas nécessaire de nous défausser sur des pays tiers.

S’agissant précisément de la Grèce, une fois encore, elle mérite notre soutien, et elle y a droit. Les Etats membres ont en effet des obligations: ils doivent accueillir un certain nombre de personnes, favoriser le regroupement familial. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation.

Mes préconisations constituent une première étape. Il faudra ensuite que nous nous appuyions sur cette résolution au sein de nos parlements pour mobiliser nos collègues afin qu’une action concertée soit mise en œuvre, pour forcer nos gouvernements à respecter leurs engagements et leurs obligations. À défaut, ainsi que l’a dit Mme Kavvadia, l’Europe aura vraiment échoué à ce test essentiel.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Comme nous l’avons vu pendant le débat, voilà un autre rapport de l’Assemblée parlementaire qui arrive à point nommé. L’Assemblée parlementaire a montré une fois encore qu’elle était au cœur des événements, et même en première ligne dans les situations très difficiles et qu’elle cherchait toujours des solutions communes et coordonnées afin de préserver la capacité d’action du Conseil de l’Europe, qui conserve toute sa pertinence.

J’aimerais remercier très chaleureusement Mme Strik, qui a beaucoup travaillé pour aboutir à un rapport précis, fiable et aussi actualisé que possible. Face à cette crise sans précédent, la seule solution est de suivre l’évolution de la situation au plus près, d’avoir une connaissance approfondie du sujet, de se rendre sur le terrain pour constater l’ampleur des défis à relever tant par les migrants que par ceux qui doivent les accueillir.

Mme Strik a essayé de faire la part des choses, de prendre vraiment la mesure de la situation. Elle a été aidée en cela par les conclusions de la commission ad hoc du Bureau à laquelle j’ai eu l’honneur de participer. Ont été disposés devant l’hémicycle des photographies et d’autres éléments que nous avons recueillis lors de nos visites en Turquie l’année dernière et plus récemment en Grèce. Je vous invite à aller les voir.

Notre commission poursuivra ses efforts afin que des réponses humanitaires et politiques adaptées soient apportées à la crise des réfugiés et afin d’aider les pays, en particulier la Grèce, qui sont en première ligne et qui supportent l’essentiel du fardeau en Europe.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel 13 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 2 à 13, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à l’amendement 1, qui reste seul en discussion.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – L’accord entre l’Union européenne et la Turquie devait être une solution au problème, mais avec tout le respect que j’ai pour M. Jagland, il me semble que ce n’est pas le cas, et je pense que nous sommes nombreux à le penser. Beaucoup d’organisations de défense des droits de l’homme sont également opposés à cet accord, notamment Amnesty International.

La Turquie n’est pas un pays sûr pour les réfugiés. Cet Etat a récemment pris de nombreuses mesures qui l’éloignent de la démocratie et de la défense des droits de l’homme. Des observateurs indépendants ont notamment indiqué que huit réfugiés syriens, dont des enfants, avaient été tués par des garde-côtes turcs à la frontière. On ne peut donc pas laisser la Turquie agir comme si elle était la police aux frontières de l’Europe. L’Europe doit assumer ses responsabilités dans cette situation.

LE PRÉSIDENT – La présidence a été saisie par la commission du sous-amendement oral suivant: «À l’amendement 1, remplacer les mots “d’annuler” par le mot “réexaminerˮ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Tel n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure* – Dans la précédente résolution, nous ne demandions pas l’annulation de l’accord; nous indiquions que nous étions gravement préoccupés par les violations des droits de l’homme. Ce constat demeure. Demander l’annulation de l’accord serait cependant aller trop loin. Au vu de l’évolution de la situation, les raisons sont toutefois suffisantes pour demander le réexamen de l’accord, c’est-à-dire pour se demander si la voie choisie est bien la bonne ou s’il est préférable de trouver une autre solution. Je soutiendrai donc l’amendement proposé par notre collègue à condition qu’il s’agisse non pas d’annuler mais de réexaminer l’accord.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – J’accepte le sous-amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous en revenons à l’amendement 1, ainsi sous-amendé.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), présidente de la commission* – La commission est favorable.

L’amendement 1, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14082, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (115 voix pour, 9 voix contre et 14 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, toutes mes félicitations. Monsieur le ministre, nous vous remercions pour le temps que vous avez passé avec nous.

Mes chers collègues, il est maintenant 13 heures. Le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni va être suspendu. Il reprendra cet après-midi à 15 h 30. Ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté pourront donc le faire entre 15 h 30 et 17 heures.

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

SOMMAIRE

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni

2. Les réfugiés en danger en Grèce

Présentation par Mme Strik du rapport de la commission des migrations (Doc. 14082 et Addendum)

Présentation par Mme Mateu, rapporteure du rapport de la commission ad hoc du Bureau (Doc. 14086 et Addendum III)

M. Mouzalas, ministre délégué à la Politique migratoire de la Grèce

M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Orateurs: MM. GarĐarsson, Scully, Mme Kavvadia MM. Fischer, Venizelos, Fournier, Mme Karamanli, Baroness Massey, M. Heer, Mme Bakoyannis, MM. Howell, Fridez, Mmes Ahmed-Sheikh, Duranton, M. Schwabe, Mmes Schou, De Sutter, MM. Nordqvist, Yatim, Marques, Sir Roger Gale, MM. Kronbichler, Divina, Kandemir, Nikoloski, Schennach, Köck, Mme Jansson, M. Csenger-Zalán, Mmes Maij, Christodoulopoulou, El Ouafi, Kyriakides

Réponses de M. Mouzalas, de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission des migrations

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON/Christine Muttonen

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN

Iwona ARENT

Volodymyr ARIEV*

Damir ARNAUT

Anna ASCANI*

Mehmet BABAOĞLU/Salih Firat

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT/ Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO*

Meritxell BATET*

Deniz BAYKAL

Guto BEBB/ Paul SCULLY

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Włodzimierz BERNACKI

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI

Andris BĒRZINŠ

Jokin BILDARRATZ

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Philippe BLANCHART/Petra De Sutter

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK/Rasmus Nordqvist

Mladen BOSIĆ/Saša Magazinović

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN*

Margareta BUDNER*

Valentina BULIGA

Dawn BUTLER*

Nunzia CATALFO

Giovanna CECCHETTI

Elena CENTEMERO

José CEPEDA*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI/Carlo Lucherini

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU

Lise CHRISTOFFERSEN/ Ingebjørg Godskesen

Paolo CORSINI

David CRAUSBY/Baroness Doreen Massey

Yves CRUCHTEN/Claude Adam

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR*

Geraint DAVIES

Joseph DEBONO GRECH

Renata DESKOSKA

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Francesc Xavier DOMENECH*

Sir Jeffrey DONALDSON*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY/Hendrik Daems

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Lady Diana ECCLES

Franz Leonhard EẞL

Markar ESEYAN

Nigel EVANS

Samvel FARMANYAN*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Jana Fischerová

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Bernard FOURNIER

Béatrice FRESKO-ROLFO

Pierre-Alain FRIDEZ

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Xavier GARCÍA ALBIOL*

José Ramón GARCÍA HERNÁNDEZ*

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI*

Valeriu GILETCHI

Mihai GHIMPU/Alina Zotea

Francesco Maria GIRO

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO*

Rainer GOPP/Hubert Lampert

Alina Ștefania GORGHIU/Maria Grecea

Sylvie GOY-CHAVENT/ Jacques Legendre

François GROSDIDIER*

Dzhema GROZDANOVA/Milena Damyanova

Gergely GULYÁS

Emine Nur GÜNAY

Valgerður GUNNARSDÓTTIR*

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA/Olli-Poika Parviainen

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Killion Munyama

Hamid HAMID

Alfred HEER

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH/ Thomas Feist

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER/ Eduard Köck

Andrej HUNKO

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Sandra JAKELIĆ*

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZ*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Anne KALMARI

Erkan KANDEMIR

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Nina KASIMATI

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR

İlhan KESİCİ*

Danail KIRILOV/Krasimira Kovachka

Bogdan KLICH/Aleksander Pociej

Manana KOBAKHIDZE*

Haluk KOÇ

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN/Nikolaus Scherak

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Peter KRESÁK*

Borjana KRIŠTO/Bariša Čolak

Florian KRONBICHLER

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Talip KÜÇÜKCAN

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Stella KYRIAKIDES

Georgios KYRITSIS

Yuliya L OVOCHKINA*

Inese LAIZĀNE

Pierre-Yves LE BORGN'/Pascale Crozon

Jean-Yves LE DÉAUT

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Ian LIDDELL-GRAINGER/ Lord Richard Balfe

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE/Geneviève Gosselin-Fleury

George LOUCAIDES

Philippe MAHOUX

Marit MAIJ

Muslum MAMMADOV*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ*

Duarte MARQUES

Alberto MARTINS

Meritxell MATEU

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA/Imer Aliu

Evangelos MEIMARAKIS

Ana Catarina MENDES

Jasen MESIĆ*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Marianne MIKKO

Daniel MILEWSKI

Anouchka van MILTENBURG/Tineke Strik

Orhan MİROĞLU*

Olivia MITCHELL*

Arkadiusz MULARCZYK

Thomas MÜLLER/Roland Rino Büchel

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN/Naira Karapetyan

Marian NEACȘU*

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Johan NISSINEN

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN

Joseph O'REILLY

Tom PACKALÉN

Judith PALLARÉS

Ganira PASHAYEVA

Jaroslav PAŠKA*

Florin Costin PÂSLARU*

Jaana PELKONEN/Anne Louhelainen

Martin POLIAČIK*

Agnieszka POMASKA

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Mark PRITCHARD

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO/Giuseppe Galati

Carmen QUINTANILLA*

Kerstin RADOMSKI

Mailis REPS

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Yves Pozzo Di Borgo

Melisa RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ*

Helena ROSETA/António Filipe Rodrigues

René ROUQUET

Alex SALMOND/Suella Fernandes

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI/Cristina De Pietro

Nadiia SAVCHENKO

Deborah SCHEMBRI/Joseph Sammut

Stefan SCHENNACH

Paul SCHNABEL

Ingjerd SCHOU

Nico SCHRIJVER

Frank SCHWABE

Predrag SEKULIĆ

Aleksandar SENIĆ/Vesna Marjanović

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV

Paula SHERRIFF/Lord George Foulkes

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ*

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE/Matjaž Hanžek

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK/Serhii Kiral

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE/Ion Popa

Dominik TARCZYŃSKI

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV

Krzysztof TRUSKOLASKI/Grzegorz Janik

Mihai TUDOSE*

Goran TUPONJA

İbrahim Mustafa TURHAN*

Nada TURINA-ĐURIĆ*

Konstantinos TZAVARAS/Evangelos Venizelos

Leyla Şahin USTA/Lütfiye Ilksen Ceritoğlu Kurt

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Kristin Ørmen Johnsen

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Mart van de VEN

Stefaan VERCAMER

Anna VEREŠOVÁ*

Birutė VĖSAITĖ*

Nikolaj VILLUMSEN

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Jacek WILK

Andrzej WOJTYŁA

Morten WOLD/Hans Fredrik Grøvan

Gisela WURM

Jordi XUCLÀ*

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS*

Naira ZOHRABYAN/Mikayel Melkumyan

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Liliana PALIHOVICI

Kerstin LUNDGREN

Svitlana ZALISCHUK

Observateurs

Ulises RAMÍREZ NÚÑEZ

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Mohammed AMEUR

Hanane ABOULFATH

Sahar ALQAWASMI

Mme Nezha EL OUAFI

Abdelali HAMIDINE

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni

Tasmina AHMED-SHEIKH

Werner AMON/Christine Muttonen

Lord Donald ANDERSON

Iwona ARENT

Mehmet BABAOĞLU/Salih Firat

Theodora BAKOYANNIS

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Guto BEBB/ Paul SCULLY

Włodzimierz BERNACKI

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK/Rasmus Nordqvist

Anne BRASSEUR

Valentina BULIGA

Giovanna CECCHETTI

Elena CENTEMERO

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU

Lise CHRISTOFFERSEN/ Ingebjørg Godskesen

David CRAUSBY/Baroness Doreen Massey

Geraint DAVIES

Joseph DEBONO GRECH

Renata DESKOSKA

Namik DOKLE

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Markar ESEYAN

Nigel EVANS

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Jana Fischerová

Ute FINCKH-KRÄMER

Bernard FOURNIER

Pierre-Alain FRIDEZ

Sir Roger GALE

Karl GARÐARSSON

Tina GHASEMI/ Boriana Åberg

Valeriu GILETCHI

Mihai GHIMPU/Alina Zotea

Rainer GOPP/Hubert Lampert

Dzhema GROZDANOVA/Milena Damyanova

Gergely GULYÁS

Emine Nur GÜNAY

Jonas GUNNARSSON

Hamid HAMID

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH/ Thomas Feist

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER/ Eduard Köck

Andrej HUNKO

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Gediminas JAKAVONIS

Erkan KANDEMIR

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Ioanneta KAVVADIA

Haluk KOÇ

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Alev KORUN/Nikolaus Scherak

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Florian KRONBICHLER

Talip KÜÇÜKCAN

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Georgios KYRITSIS

Inese LAIZĀNE

Pierre-Yves LE BORGN'/Pascale Crozon

Jean-Yves LE DÉAUT

Luís LEITE RAMOS

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Ian LIDDELL-GRAINGER/ Lord Richard Balfe

Philippe MAHOUX

Marit MAIJ

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Liliane MAURY PASQUIER

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA/Imer Aliu

Evangelos MEIMARAKIS

Jean-Claude MIGNON

Arkadiusz MULARCZYK

Thomas MÜLLER/Roland Rino Büchel

Andrei NEGUTA

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Suat ÖNAL

Judith PALLARÉS

Jaana PELKONEN/Anne Louhelainen

Agnieszka POMASKA

Mark PRITCHARD

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO/Giuseppe Galati

Kerstin RADOMSKI

René ROUQUET

Alex SALMOND/Suella Fernandes

Deborah SCHEMBRI/Joseph Sammut

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Senad ŠEPIĆ

Paula SHERRIFF/Lord George Foulkes

Valeri SIMEONOV

Jan ŠKOBERNE/Matjaž Hanžek

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK/Serhii Kiral

Yanaki STOILOV

Dominik TARCZYŃSKI

Antoni TRENCHEV

Krzysztof TRUSKOLASKI/Grzegorz Janik

Konstantinos TZAVARAS/Evangelos Venizelos

Leyla Şahin USTA/Lütfiye Ilksen Ceritoğlu Kurt

Dana VÁHALOVÁ

Stefaan VERCAMER

Nikolaj VILLUMSEN

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Katrin WERNER/ Annette Groth

Andrzej WOJTYŁA

Gisela WURM

Serap YAŞAR