FR16CR22

AS (2016) CR 22
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-deuxième séance

Mardi 21 juin 2016 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 40 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue au Président du Parlement du Liechtenstein, M. Frick, et à sa délégation. Je les remercie de leur présence.

1. Modification dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT* – Une proposition de modification dans la composition des commissions a été publiée dans le document Commissions (2016) 06 et Addendum 3.

Cette modification est adoptée.

2. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Royaume-Uni (Suite)

LE PRÉSIDENT* – Je vous rappelle que nous procédons ce jour à l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni.

Le scrutin a été suspendu à 13 heures. Il reprend immédiatement.

Il se déroule dans la rotonde derrière la Présidence et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle des deux scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin, M. Fournier et M. Garðarsson. Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la fin du premier débat de cet après -midi.

3. Communication du Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, qui sera présentée par Mme Kaljurand, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Présidente du Comité des Ministres.

Madame la ministre, Madame la Présidente, je suis extrêmement heureux de vous accueillir dans cet hémicycle, dans le cadre de la présidence du Comité des Ministres par votre pays, l’Estonie. Nous avons déjà entendu la présentation de votre présidence, il y a un mois, lors de la réunion de la Commission permanente à Tallinn. Nous avons aussi procédé à un échange de vues sur un certain nombre de questions qui sont à l’ordre du jour en Europe.

Les priorités que vous avez définies pour votre présidence, dont la protection des droits de l’enfant et l’égalité hommes-femmes, sont des sujets que l’Assemblée considère comme essentiels. Je ne puis donc que réitérer l’appui sans réserve qu’apporte notre Assemblée à vos activités.

Madame la ministre, nous nous réjouissons d’entendre votre déclaration sur la mise en œuvre des priorités de la Présidence estonienne, ainsi que votre point de vue, en votre qualité de ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, sur les tendances géopolitiques actuelles, et sur le rôle du Conseil de l’Europe. Je suis donc enchanté, Madame la ministre, de vous donner la parole.

Mme KALJURAND, Ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Présidente du Comité des Ministres* – Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Excellences, Mesdames et Messieurs, c’est un honneur pour moi de m’exprimer aujourd’hui pour la première fois devant cette Assemblée, après avoir eu le plaisir de rencontrer certains d’entre vous à Tallinn, le 27 mai, lors de la réunion de votre Commission permanente.

Les débuts de la Présidence estonienne ont été marqués par plusieurs réunions à haut niveau, à commencer par la réunion ministérielle de Sofia et la récente conférence EuroDIG à Bruxelles, une initiative innovante et exaltante. J’ai eu l’occasion de présenter les priorités de la Présidence estonienne à propos des questions relatives à la liberté d’internet lors de cette conférence, et j’ai également annoncé que l’Estonie accueillerait la prochaine de ces conférences EuroDIG, à Tallinn, en 2017.

J’ai grand plaisir à me trouver parmi vous, à la veille de la venue de notre Premier ministre au Conseil de l’Europe.

Les priorités de l’Estonie au cours de notre présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont déjà été présentées à plusieurs reprises; permettez-moi cependant d’en donner à nouveau une brève vue d’ensemble à l’auditoire distingué réuni ici.

Pour commencer, j’aimerais souligner que nous défendons vigoureusement les valeurs européennes fondamentales que sont les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Nous continuerons à traiter les questions soulevées par la Bulgarie au cours de sa présidence, en y ajoutant d’autres aspects.

Parlons tout d’abord des droits de l’homme et de l’Etat de droit sur internet. J’aimerais remercier le Conseil de l’Europe pour les efforts qu’il déploie pour veiller à ce que nos valeurs essentielles soient conformes à leur finalité à l’ère numérique et pour nous aider à conserver une approche du développement d’internet centrée sur l’individu.

À une époque où les technologies de l’information et de la communication évoluent rapidement et affectent la vie des citoyens en Europe, la protection des droits de l’homme et de l’Etat de droit en ligne est plus indispensable que jamais. À cet égard, les instruments du Conseil de l’Europe, mais aussi sa mission sans équivalent de défense des valeurs essentielles, son réseau étendu d’acteurs étatiques et non étatiques en Europe et au-delà du continent, ainsi que ses capacités à élaborer des méthodes de travail souples et mutuellement enrichissantes, représentent une valeur ajoutée considérable.

Au cours de notre présidence, nous collaborerons avec tous les partenaires pour assurer la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales aussi bien sur internet qu’en dehors de celui-ci, nous contribuerons à la mise en œuvre de la Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance d’internet (2016-2019) et nous promouvrons les normes pertinentes du Conseil de l’Europe. L’Estonie a la volonté de faire d’internet un environnement sûr, ouvert et inclusif. La réalisation de cet objectif suppose la coopération internationale d’une multiplicité de parties concernées, notamment entre les gouvernements et les grandes entreprises d’internet.

Nous nous félicitons que le Conseil de l’Europe ait initié un processus qui intègre ces entreprises dans le cadre juridique international de l’Organisation. L’association des entreprises à la recherche d’une solution au lieu de les considérer comme une cause du problème représente la voie à suivre.

Deuxièmement, nous privilégierons les questions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes. Assurer cette égalité est en effet crucial pour la protection des droits de l’homme, le bon fonctionnement de la démocratie, le respect de l’Etat de droit, la croissance économique et le développement durable. Les sociétés plus soucieuses d’égalité sont plus bénéfiques à chaque individu qui les compose; c’est la raison pour laquelle l’Estonie veille soigneusement à l’égalité de représentation des femmes et des hommes au niveau décisionnel et à leur égalité de traitement sur le marché du travail, tant sur le plan de la compétitivité que sur celui de l’égalité des salaires.

Nous soulignons l’importance de la Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité hommes-femmes (2014-2017), qui vise à renforcer l’impact et la visibilité des normes de l’égalité entre les femmes et les hommes, en soutenant leur mise en œuvre dans les Etats membres.

Les liens entre l’égalité femmes-hommes et les droits de l’homme sont évidents: les sociétés qui respectent les principes de l’égalité femmes-hommes sont également exemplaires dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit.

Troisièmement, les droits de l’enfant font partie intégrante des droits de l’homme. L’Estonie dispose par exemple d’une nouvelle loi relative à la protection de l’enfant, entrée en vigueur le 1er janvier de cette année; elle repose sur l’idée qu’il convient de créer un environnement favorable à l’enfant, en faisant de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération première et en veillant à dispenser aux enfants l’assistance et les soins dont ils ont besoin, en temps utile, et en coopération étroite avec les institutions nationales et locales pertinentes.

Nous poursuivrons les travaux entrepris par la Bulgarie dans ce domaine, en mettant l’accent sur trois domaines essentiels de la nouvelle Stratégie sur les droits de l’enfant: la participation des enfants, les droits de l’enfant dans l’environnement numérique et la place des enfants dans les migrations.

La prévention de l’abus sexuel des enfants et la lutte contre celui-ci resteront l’une des priorités de notre programme en matière de droits de l’enfant. L’Estonie ratifiera la Convention de Lanzarote au cours de sa présidence et elle mettra l’accent sur la nécessité de mieux mettre en œuvre la Convention dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe.

Outre ces priorités, nous continuerons à faire progresser d’autres domaines d’importance politique pour le Conseil de l’Europe et à faire progresser davantage la coopération de ce dernier avec les autres organisations internationales. Notre programme demeure ambitieux et les tâches qui nous attendent sont considérables.

Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, j’aimerais maintenant vous informer des principaux développements intervenus au sein du Comité des Ministres depuis votre dernière session.

L’événement le plus marquant d’un point de vue institutionnel est bien entendu la 126e session du Comité des Ministres qui s’est tenue à Sofia le 18 mai dernier. Je saisis cette occasion pour remercier la présidence sortante bulgare du travail accompli durant sa présidence et de son hospitalité lors de notre réunion à Sofia.

Au cours de leurs discussions centrées sur le thème de la sécurité démocratique, les ministres des Affaires étrangères ont abordé les questions qui se posent actuellement avec le plus d’acuité sur la scène européenne. Parmi celles-ci, la lutte contre l’extrémisme violent, la radicalisation et le terrorisme continuent d’occuper une place privilégiée, comme viennent de nous le rappeler de façon tragique les récents attentats commis en Turquie, en France et aux Etats-Unis. À Sofia, les ministres ont salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d’action qu’ils avaient adopté l’an dernier et ont appelé à la signature des conventions du Conseil de l’Europe dans ce domaine par le plus grand nombre d’Etats possible. Aujourd’hui, le Protocole sur les combattants terroristes étrangers, ouvert à la signature en octobre 2015 à Riga, a déjà été signé par 29 Etats et par l’Union européenne. C’est une bonne nouvelle, mais nous pouvons faire mieux. Nous devons continuer à sensibiliser tous les Etats membres à l’importance de ce traité afin d’en favoriser l’entrée en vigueur dans les meilleurs délais. Pour ce faire, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, nous comptons sur votre aide en usant de votre influence dans vos parlements respectifs.

À Sofia, les ministres se sont également penchés sur la contribution que le Conseil de l’Europe peut apporter pour répondre à l’actuelle crise des réfugiés. Hier, le 20 juin, la Journée mondiale des réfugiés a été célébrée dans de nombreux pays de par le monde pour sensibiliser la population au sort des millions de réfugiés et de personnes déplacées, forcés de fuir de chez eux pour échapper à la guerre, aux conflits et à la persécution. On ne saurait trop insister sur la nécessité de trouver collectivement une réponse à cet immense défi que constitue la crise des réfugiés et aux nombreux drames humains qu’elle entraîne.

Les débats que vous avez tenus ce matin sont venus nous rappeler la nécessité de renforcer la solidarité entre les pays européens pour faire face à ce défi et assurer le respect des droits fondamentaux des migrants et des réfugiés en Europe. Je me félicite de l’implication sans cesse croissante de l’Assemblée dans ce dossier, comme en témoigne la récente visite en Grèce d’une délégation conduite par le Président Agramunt. Il est de notre responsabilité commune de faire en sorte que toutes les personnes qui se trouvent sous la juridiction des Etats membres puissent bénéficier de la protection garantie par la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans ce contexte, je voudrais saluer les initiatives prises par le Secrétaire Général pour contribuer à cet effort collectif, notamment la récente nomination de son Représentant spécial sur les migrations et les réfugiés. De son côté, le Comité des Ministres est déterminé à renforcer son action, en encourageant la préparation d’outils concrets pour prévenir et combattre le trafic illicite de migrants, ainsi qu’en agissant pour protéger les enfants touchés par la crise des migrants.

À Sofia, dans un format informel, nous nous sommes également penchés sur les moyens d’assurer le respect des normes en matière de droits de l’homme dans les zones affectées par des conflits. Il est indiscutable que toutes les personnes vivant dans ces zones doivent pouvoir bénéficier de la pleine jouissance des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut donc permettre aux organes du Conseil de l’Europe chargés de surveiller le respect des droits de l’homme d’accéder à ces zones et d’y exercer leur mission de manière libre et sans entraves et en pleine sécurité. Il est bien entendu que l’accès aux zones affectées par des conflits ne doit en aucun cas aboutir à une reconnaissance de fait des autorités exerçant un contrôle effectif sur ces territoires, ni être interprété comme une telle reconnaissance.

Cette question m’amène naturellement à la situation en Ukraine.

Auparavant, je voudrais exprimer une double satisfaction. La première est liée à la présence ici même de Mme Savchenko. Votre libération, Madame, à laquelle le Comité des Ministres avait également appelé, est un grand soulagement. J’espère qu’elle sera suivie par la libération d’autres otages et personnes détenues illégalement.

Le second motif de satisfaction est l’adoption récente par la Verkhovna Rada des amendements constitutionnels concernant la réforme du pouvoir judiciaire. Cela marque une étape importante dans le développement démocratique de l’Ukraine qui, je l’espère, sera suivie d’autres progrès. Le Conseil de l’Europe continuera de soutenir activement l’Ukraine dans son entreprise de consolidation des institutions démocratiques, notamment par la mise en œuvre du Plan d’action 2015-2017.

La situation en Ukraine reste néanmoins très préoccupante en termes de sécurité pour ce pays et de stabilité pour l’Europe tout entière. Fin avril, les Délégués des Ministres ont réaffirmé leur engagement en faveur de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils ont une nouvelle fois condamné l’annexion illégale de la Crimée et exprimé leur profonde inquiétude face à la détérioration de la situation des droits de l’homme, comme en témoigne l’interdiction récente des activités du Mejlis des Tatars de Crimée. La récente détérioration de la situation sur le terrain dans l’est de l’Ukraine constitue également un motif de grande inquiétude qui rend encore plus impérieuse la nécessité pour toutes les parties de mettre en œuvre rapidement et pleinement les Accords de Minsk.

Le Comité des Ministres continue également de suivre très attentivement l’évolution du conflit en Géorgie. Pour cela, il peut compter sur les précieuses informations régulièrement fournies par le Secrétaire Général. À Sofia, le Comité des Ministres a pris note du rapport de synthèse du Secrétaire Général sur le conflit, couvrant la période entre novembre 2015 et mars 2016. Comme vous le savez, un point sur ce conflit figure à l’ordre du jour de chaque réunion des Délégués. Ceux-ci ont récemment réitéré le ferme soutien des Etats membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie, et ont une fois encore appelé la Fédération de Russie à se conformer à ses obligations et engagements en vertu du droit international.

Comme en Ukraine, la question de l’accès des organes du Conseil de l’Europe aux territoires qui échappent au contrôle des autorités légitimes se pose ici avec acuité. Le Secrétaire Général a été invité à engager un dialogue avec la Fédération de Russie et la Géorgie afin de favoriser un tel accès sans restrictions.

Le Conseil de l’Europe est également pleinement engagé aux côtés des autorités géorgiennes pour renforcer la mise en œuvre des normes du Conseil de l’Europe dans la législation et la pratique de ce pays. C’est dans ce but qu’un nouveau plan d’action pour la Géorgie a été officiellement lancé à Tbilissi au début du mois de mai par les autorités géorgiennes et mon prédécesseur, M. Mitov, ministre des Affaires étrangères de la Bulgarie.

Ailleurs dans le Caucase, les tensions restent vives entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, à la suite des violents affrontements d’avril dans la zone de conflit du Haut-Karabakh. Fort heureusement, des discussions sont en cours sous l’égide des coprésidents du Groupe de Minsk en vue de reprendre les négociations sur un règlement global du conflit. Le fait que les Présidents des deux pays se soient rencontrés hier est un signe positif.

Le règlement pacifique du conflit est un engagement pris en commun par l’Arménie et l’Azerbaïdjan lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe et j’encourage les deux pays à redoubler d’efforts pour mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré.

En Arménie, le Conseil de l’Europe tient aussi à soutenir les efforts des autorités pour progresser sur la voie de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, notamment au moyen d’un nouveau plan d’action lancé officiellement le mois dernier. En Azerbaïdjan, un plan d’action a été adopté il y a près de deux ans et les Délégués des Ministres en examineront prochainement la mise en œuvre.

Les récentes décisions des autorités azerbaïdjanaises concernant la libération de plusieurs journalistes et opposants politiques constitue un développement heureux. J’espère qu’il sera suivi par d’autres et en particulier par la libération de M. Ilgar Mammadov. Au début du mois, le Comité des Ministres a une nouvelle fois insisté pour que M. Mammadov soit libéré sans plus attendre, et a décidé d’examiner son dossier à chacune de ses réunions hebdomadaires jusqu’à ce que sa libération ait lieu.

Enfin, en ce qui concerne le Bélarus, les informations récentes ne sont malheureusement guère encourageantes. Depuis la dernière session de l’Assemblée, les Délégués des Ministres ont en effet eu à déplorer une nouvelle exécution qui vient malheureusement s’ajouter aux trois condamnations à mort déjà prononcées en 2016. Le Comité des Ministres a appelé à maintes reprises le Bélarus à mettre fin à la peine de mort. Etablir un moratoire comme première étape vers l’abolition de cette pratique barbare constituerait une étape importante pour ce pays qui aspire à devenir membre de notre Organisation.

Notre objectif demeure l’intégration du Bélarus au Conseil de l’Europe, mais il ne pourra être atteint que sur la base de nos valeurs et principes. L’organisation d’élections libres et équitables fait partie de ces principes. C’est pourquoi j’espère vivement que les autorités du Bélarus organiseront les prochaines élections législatives de manière conforme aux normes démocratiques.

Dernier point, mais non le moindre, je voudrais appeler votre attention sur un autre événement de haut niveau qui a eu lieu la semaine dernière et qui était consacré à la protection et la promotion des droits de l’homme dans des sociétés culturellement diverses. Cet événement est directement lié aux principes essentiels d’égale dignité de tous les êtres humains et d’égale et pleine jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales par tous les membres de la société. Malheureusement, la récente tragédie qui s’est produite à Orlando ne fait que confirmer que nous devons poursuivre nos efforts pour protéger et promouvoir les droits de l’homme. Le terrorisme et les crimes de haine n’ont pas leur place dans notre société. Nous condamnons catégoriquement ces actes de violence effroyables, qui coûtent la vie à des innocents et sèment le désespoir et le deuil.

Tels sont, brièvement présentés, Mesdames et Messieurs, les principaux développements que je souhaitais évoquer devant vous. J’accorde une grande importance à la coopération constructive entre le Comité des Ministres et l’Assemblée. C’est pourquoi je me réjouis de répondre à toute question que vous souhaiteriez me poser.

Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe est une grande responsabilité. Je tiens à vous assurer que nous exerçons notre présidence avec le plus grand dévouement. Nous avons la plus grande estime pour le Conseil de l’Europe en tant qu’organisation qui définit des principes et crée des normes. Pour notre deuxième présidence du Comité des Ministres, nous souhaitons à notre tour apporter au Conseil de l’Europe l’esprit de leadership et l’inspiration qu’il apporte à notre pays depuis 23 ans.

Je suis convaincue que, quels que soient les efforts entrepris par la présidence, ce n’est qu’en travaillant de concert avec vous que nous obtiendrons les meilleurs résultats. Comme le disait Bertrand Russell: «Seule la coopération sauvera l’humanité».

LE PRÉSIDENT* – Madame la ministre, je vous remercie. Votre communication a vivement intéressé l’Assemblée. Vous savez l’importance que j’attache à la coopération entre institutions, et j’espère que nous continuerons à coopérer tout au long de votre présidence.

Nous allons maintenant aborder les questions. Je rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes. Vous devez, mes chers collègues, poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Madame la ministre, nous avons noté un certain manque de confiance croissant à l’égard des capacités de l’Union européenne et ce n’est peut-être pas le bon moment pour que le Comité des Ministres évoque une fois encore la nécessité du système fondé sur la Convention européenne des droits de l’homme.

Lorsque l’Union européenne trébuche, ne serait-il pas souhaitable que le Conseil de l’Europe mette en valeur son expérience, qui est valable à la fois pour les pays membres du l’Union européenne et pour les pays non membres? C’est un système qui a fait ces preuves depuis 65 ans.

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Lorsque le président Juncker s’est adressé à l’Assemblée, au mois d’avril, il a souligné que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme était une priorité politique pour la Commission européenne.

Cette question a également été abordée récemment, lors d’un échange de vue entre les Délégués des Ministres et la haute représentante, Mme Mogherini, le 11 mai dernier. Et cette dernière a également rappelé que l’adhésion était une priorité politique pour la Commission européenne.

L’adhésion de l’Union européenne au système de la Convention est en effet essentielle pour parachever la cohérence du système de protection des droits de l’homme dans la grande Europe. Le Conseil de l’Union européenne et la Commission examinent à l’heure actuelle les suites à donner à l’avis rendu par la Cour de justice de l’Union européenne. Ce n’est qu’ensuite que le travail sur le projet d’accord d’adhésion pourra reprendre.

J’espère que toutes ces mesures pourront être menées à terme aussi rapidement que possible. Le Comité des Ministres suivra cette question avec beaucoup d’attention.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Madame la Présidente, l’Estonie est un excellent exemple de démocratisation, nous vous faisons donc confiance dans votre fonction de Présidente du Comité des Ministres.

L’opposition géorgienne a fait l’objet d’agressions par des personnes liées au gouvernement. Vous avez demandé l’ouverture d’une enquête, mais malheureusement, il n’y a eu ni enquête, ni arrestation. Par ailleurs, l’ancien Premier ministre de la Géorgie, M. Merabichvili, a fait l’objet d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, faisant référence à l’article 18 de la Convention. Allez-vous traiter de ces affaires avec le Gouvernement géorgien?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – La Géorgie fait l’objet d’un suivi par le Comité des Ministres depuis son adhésion au Conseil de l’Europe, en 2002. Le Comité des Ministres a approuvé, afin de l’aider à respecter ses engagements, un Plan d’action pour la Géorgie 2016-2019, qui vient d’être lancé afin d’aider ce pays à s’acquitter de ses obligations.

S’agissant des affaires que vous évoquez, je suis convaincue que les autorités géorgiennes prendront les mesures qui s’imposent. Aucune forme de violence n’est excusable.

Je saisis cette occasion pour indiquer que le Conseil de l’Europe soutiendra la préparation des prochaines élections en Géorgie à travers un certain nombre d’activités.

Quant à l’affaire concernant M. Merabichvili, je ne peux pas commenter un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, mais je suis certaine que les autorités géorgiennes appliqueront l’arrêt en question. Le Comité des Ministres en contrôlera l’exécution conformément à l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, comme il le fait pour tous les autres arrêts.

Mme MIKKO (Estonie), porte-parole du Groupe socialiste* – L’égalité entre les femmes et les hommes est l’une des priorités de votre mandat, Madame la Présidente. De deux choses l’une: soit tout est parfait en Estonie, soit c’est l’inverse. Pourquoi, dès lors, avoir choisi cette priorité? Pensez-vous que la Convention d’Istanbul, essentielle pour l’Europe tout entière, finira par être ratifiée par les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris l’Estonie?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – L’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des fondements d’une démocratie authentique et respectueuse des droits de l’homme. C’est tout naturellement que l’Estonie en a fait l’une des priorités de sa présidence. Mais davantage de progrès sont nécessaires afin d’en faire une réalité.

Le Conseil de l’Europe a joué un rôle pionnier en la matière. L’application du cadre qu’il a fixé est indispensable pour traduire le principe d’égalité des genres en pratique. En novembre 2013, le Comité des Ministres a adopté la Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2014-2017. Nous examinerons cette stratégie au cours de la Présidence estonienne et envisagerons les priorités à fixer pour la prochaine période.

L’Estonie est un pays de technologies qui aime à faire valoir son mode de vie numérique. Nous savons tout le parti que l’on peut tirer des technologies de l’information et de la communication pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Que l’on soit en ligne ou non, les droits de l’homme demeurent les mêmes. L’utilisation d’internet et des nouvelles technologies offre de nouvelles possibilités d’éducation et de sensibilisation en faveur des femmes. Il ne faut pas pour autant négliger les difficultés, voire les menaces que ces technologies peuvent susciter. Je me réjouis qu’un débat de haut niveau soit organisé la semaine prochaine à Tallinn, auquel vous participerez, Madame Mikko, et où je serai heureuse de m’exprimer.

Quant à la Convention d’Istanbul, l’Estonie espère la ratifier en 2017 ou en 2018 au plus tard; le processus est en cours. En tant que Présidente du Comité des Ministres, j’encouragerai les autres gouvernements à faire de même.

M. GOPP (Liechtenstein), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* –
En effet, vous avez fait de l’égalité entre les femmes et les hommes l’une des priorités de votre présidence. Ce principe est loin d’être toujours appliqué dans les entreprises de la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Le faible nombre de femmes qui occupent des fonctions dirigeantes dans l’entreprise est-il dû à cette inégalité, ou s’explique-t-il autrement?

Par ailleurs, quel est votre point de vue concernant l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – La promotion de l’égalité des genres doit concerner la sphère politique comme la sphère économique, mais aussi la société civile ou encore le monde de l’éducation. De ce point de vue, l’Estonie est tout à fait déterminée. Sous notre présidence, le Comité des Ministres poursuivra l’excellent travail entamé par la présidence bulgare et envisagera les priorités pouvant être fixées pour la prochaine stratégie. Nous agirons indifféremment dans tous les domaines. Une société n’est vraiment démocratique et durable que si elle tient pleinement compte des besoins des femmes, y compris dans l’emploi. C’est ce à quoi je m’attache en Estonie, au Conseil de l’Europe et dans tous les pays dans lesquels je me rends.

En décembre dernier, Monsieur Gopp, le Comité des Ministres a débattu de la tendance inquiétante qu’ont certains Etats membres à remettre en question la nature contraignante des arrêts de la Cour, qui constituent pourtant le socle du système de protection des droits de l’homme en Europe. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont accepté d’être liés par les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, y compris l’article 46 par lequel ils s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour.

La Convention a joué un rôle majeur dans le renforcement de la protection des droits de l’homme sur tout notre continent. Nombreux sont les exemples des effets positifs qu’elle a produits; en tant que responsables politiques, il nous appartient de le souligner. Nous ne devons pas cesser d’expliquer à quel point elle a permis de consolider l’Etat de droit et les valeurs démocratiques; en qualité de Présidente du Comité des Ministres, je suis pleinement engagée en ce sens.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni) (porte-parole du Groupe des conservateurs européens)* – Dans le contexte économique que nous connaissons, le Conseil de l’Europe devra, à n’en pas douter, consentir des économies supplémentaires, mais il est essentiel que les missions fondamentales de l’Assemblée et de ses représentants n’en soient pas affectées. Pouvez-vous nous indiquer – ici même ou par écrit – quelle part du budget 2015-2016 a été consacrée aux frais de déplacements d’experts, des membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, de représentants d’organisations non gouvernementales, des participants au Forum mondial de la démocratie et d’autres personnes, hormis les fonctionnaires du Conseil et les membres du Cabinet du Secrétaire Général?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Rendre notre organisation plus efficace, plus pertinente mais aussi plus souple, pour assurer une rentabilité plus grande: je puis vous assurer que c’est l’une des priorités du Comité des Ministres. Des progrès notables ont été réalisés grâce au processus de réforme lancé en 2009 par le Secrétaire Général. À une époque où l’Europe doit relever des défis aussi graves que le terrorisme, la crise des réfugiés et d’autres menaces qui pèsent sur la sécurité et la démocratie, nous serons tous d’accord pour dire que nous devons fournir à l’Organisation les ressources nécessaires pour y faire face.

Quant à vos questions précises, Sir Roger, quant à la ventilation précise du budget en 2015 et 2016, je vous renvoie au document Programme et Budget. Vous y trouverez toutes les informations nécessaires.

LE PRÉSIDENT* – Je vous propose maintenant, Madame la ministre, de répondre aux questions par séries de trois

Mme BLONDIN (France) – Madame la Présidente du Comité des Ministres, la tenue d’un nouveau sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe est régulièrement évoquée, et le Président de notre Assemblée y est lui aussi favorable. Quelle est la position du Comité des Ministres et sur quelles considérations reposent-elles? Peut-être un tel sommet aurait-il une conséquence sur la question budgétaire évoquée précédemment.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – L’Arménie continue de menacer l’Azerbaïdjan d’attaques atomiques en prétendant disposer de l’arme nucléaire depuis longtemps, et le Conseil de l’Europe continue de tenter de négocier. C’est tout à fait incompréhensible! Pourquoi garder l’Arménie dans les rangs de l’Organisation? Si vous prenez les propos de l’Arménie au sérieux, pourquoi n’y réagissez-vous pas immédiatement? Le Comité des Ministres n’a-t-il pas compétence pour réagir?

Mme YAŞAR (Turquie) – Vu les violations des droits de l’homme et la situation tragique en Syrie, je voudrais vous demander à combien de demandes d’asile l’Estonie a répondu favorablement pour partager le fardeau des autres pays européens. Quelles mesures l’Estonie, en tant qu’elle assure la présidence de notre Organisation, envisage-t-elle, notamment dans le cadre du Comité des Ministres?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Il est important de bien réfléchir avant de prendre une initiative telle que l’organisation d’un quatrième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement au Conseil de l’Europe. Il faut notamment définir un programme concentré sur des questions politiques importantes, susceptible d’intéresser les chefs d’Etat et de gouvernement et de permettre qu’un certain nombre de décisions primordiales pour l’avenir de notre Organisation soient prises. Il faut également s’assurer que le contexte politique paneuropéen permet l’adoption de telles décisions. À mon sens, tous ces aspects seront des éléments centraux du rapport que M. Nicoletti est en train de préparer pour votre Assemblée, sur lequel le Comité des Ministres ne manquera pas de se pencher attentivement une fois qu’il aura été adopté pour décider de son suivi.

La question des menaces arméniennes et de l’arme nucléaire n’a pas fait l’objet d’une discussion au sein du Comité des Ministres. Lorsque l’Arménie a adhéré au Conseil de l’Europe, elle s’est engagée à régler le conflit de façon pacifique. Il est donc essentiel que toutes les parties s’abstiennent de déclarations susceptibles d’attiser les tensions; il faut au contraire s’efforcer de créer un environnement propice à une résolution pacifique. Le Conseil de l’Europe peut y contribuer.

La crise des migrants ne peut être réglée que si nous agissons de façon coordonnée et uniquement si nous exprimons notre solidarité. Il ne suffit d’ailleurs pas de l’exprimer: il faut également agir.

Mon pays s’engage à recevoir, entre cette année et l’année prochaine, plus de 500 réfugiés qui fuient le conflit. Jusqu’à présent, nous en avons accueilli vingt. Bien entendu, il ne faut pas s’en satisfaire, mais pourquoi en sommes-nous à 20 réfugiés accueillis? Mon pays a décidé de faire face à la crise des migrants de façon responsable, ce qui signifie que nous sommes préparés à recevoir ces réfugiés et qu’ils viennent de façon volontaire en Estonie. Cela signifie que nos services aux frontières et les forces de l’ordre sont prêts à rencontrer chaque réfugié. Pourquoi est-ce si important? Pour mon pays, il ne serait pas bon de voir arriver un certain nombre de réfugiés qui repartiraient ensuite en Allemagne, en Finlande ou en Suède, où les salaires sont bien plus élevés. Voilà pourquoi nous avons décidé d’agir de façon responsable, en parlant avec chaque famille, avec chaque réfugié, en expliquant où est l’Estonie, ce qu’il est censé faire une fois arrivé dans le pays, ce qu’il doit savoir de notre culture; il lui faut apprendre la langue et mettre en place toutes les conditions nécessaires à son intégration. Ces réfugiés que nous avons accueillis sont en train de s’intégrer: les parents ont trouvé des emplois, les enfants sont scolarisés. Nous continuerons à nous engager. Ainsi, d’ici à la fin de l’année prochaine, nous aurons respecté les engagements qui sont les nôtres.

Permettez-moi de dire également que lorsque l’on parle de réfugiés et de crise des migrants, il ne s’agit pas simplement de penser au nombre de migrants que nous allons accueillir. Il faut également lutter contre la criminalité organisée. Nous nous en rendons aujourd’hui compte: les groupes les plus vulnérables – les femmes, les enfants – continuent à mourir en Syrie. Ils ne sont pas en mesure d’échapper à la criminalité organisée, ils n’arrivent pas à venir en Europe.

La question est particulièrement compliquée. Il faut penser à l’aide humanitaire, et mon pays s’est engagé à fournir de l’aide humanitaire dans les camps de réfugiés en Jordanie, en Tunisie et ailleurs, mais lutter contre la criminalité organisée est aussi important. Il faut donc tenir compte d’un grand nombre de paramètres; il ne s’agit pas simplement de les faire venir. En tout cas, mon pays tient tous ses engagements, et nous continuerons à être solidaires sur ce thème.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, nous devons interrompre cette séance de questions. Madame la Présidente, je tiens à vous remercier pour votre communication et pour vos réponses aux membres de l’Assemblée parlementaire.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni est en cours. Il sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui ne l’ont pas encore fait à aller voter.

4. Lutter contre l’hypersexualisation des enfants

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Ghiletchi, au nom de la commission des questions sociales, sur la lutte contre l’hypersexualisation des enfants (Doc. 14080).

Après avoir écouté M. le rapporteur, nous entendrons Mme de Boer-Buquicchio, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Pour terminer l’examen de ce texte à 18h30, nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 18 heures, afin de laisser le temps nécessaire aux répliques et au vote.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter aujourd’hui mon rapport intitulé «Lutter contre l’hypersexualisation des enfants».

La proposition originale a été préparée par la commission des questions sociales, et je suis heureux que cette commission garde à l’esprit la question des droits de l’enfant. J’ai été également heureux d’apprendre que la priorité n°3 de la présidence estonienne du Conseil porte sur les droits de l’enfant.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui concerne précisément cette question. En tant qu’ancien président de la commission des questions sociales, j’ai eu l’honneur de conduire les travaux de la commission lors de la campagne «UN sur CINQ», sans doute l’une des campagnes les plus réussies de notre Assemblée, qui avait pour objet de sensibiliser chacun à la question de la violence sexuelle contre les enfants parallèlement à la Convention de Lanzarote, la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Il est important de souligner cet aspect, car la présente proposition découle des réunions et des auditions menées dans le cadre de cette campagne.

Nous savons que dans l’Europe d’aujourd’hui, les enfants et les familles sont confrontés à des pressions multiples. Dans ce rapport, j’ai voulu insister sur la pression qui s’exerce sur les enfants, lesquels sont invités à participer à une vie sexualisée avant d’y être vraiment prêts. Ils subissent une pression pour consommer des produits virtuels ou télévisés ou des produits de la culture populaire regorgeant de contenus sexualisés totalement inappropriés à leur âge. Des messages sont constamment diffusés qui dépeignent les enfants comme des objets sexuels.

La différence entre les enfants et les adolescents d’aujourd’hui et ceux des générations précédentes tient au fait que la culture actuelle est de plus en plus sexualisée; c’est une tendance que nous observons dans nos sociétés modernes.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec un grand nombre de parents, d’éducateurs, de décideurs politiques au cours de la préparation de ce rapport. Ils m’ont fait part de leur sentiment que la culture d’aujourd’hui était par certains aspects déplacée, nuisible pour les enfants. Les parents souhaitent protéger leurs enfants, les enseignants sont préoccupés par cet état de fait. Il est donc important de les aider, de former les professionnels, d’aider les parents à protéger leurs enfants contre ces contenus tout à fait inappropriés dans l’espace public.

En tant que parlementaires de l’Europe entière, nous représentons des pays aux normes différentes en matière de régulation des médias. Or le rôle des médias est au cœur du présent rapport, car il est très important dans ce domaine. Nous devons donc faire en sorte que les médias et l’industrie de la publicité soient encadrés par des règlements très clairs pour protéger les enfants contre l’hypersexualisation. Lorsque des textes législatifs ou réglementaires existent, il faut faire en sorte que leurs auteurs soient en rapport avec les éducateurs et les parents pour s’assurer auprès d’eux que les médias respectent bien les dispositions en vigueur.

Nous plaidons dans le projet de résolution pour que des instances de ce type soient mises en place lorsqu’elles n’existent pas ou, lorsqu’elles existent, pour que les textes en vigueur soient bien appliqués.

Notre société est exposée aujourd’hui à des images sexualisées dans les lieux publics, à la télévision, sur internet et sur les médias sociaux, dans les vidéos, les magazines et les journaux, où nous constatons une pression croissante exercée sur les enfants. Le projet de recommandation et le projet de résolution préparés au nom de la commission appellent l’Assemblée à exprimer sa préoccupation quant à cette tendance toujours plus marquée à la sexualisation des enfants. Nous appelons les Etats membres à se pencher sur cette question et nous essayons de susciter une prise de conscience. Cela est très important, car dès lors que ce phénomène sera mieux connu, il sera plus aisé de le prévenir.

Cet après-midi, en commission, nous avons débattu d’un amendement qui sera discuté à l’issue de la discussion générale et qui vise à supprimer les mots «en particulier les filles». Pour ma part, je m’y suis opposé, car les experts que nous avons consultés ont souligné que les filles étaient plus vulnérables à ce phénomène. C’est un fait dont nous devons prendre conscience, car lorsqu’on est bien conscient d’un problème, on est davantage en mesure de le prévenir.

Le projet de résolution vise donc à faire mieux connaître le problème et en appelle par ailleurs à l’action. Nous invitons les Etats membres à renforcer la législation, les politiques en vigueur, en commençant par mener une étude approfondie sur la question par la collecte de données. Nous devons étudier attentivement cette question afin d’en savoir plus sur les causes du phénomène et sur la manière de le combattre.

Comme je l’ai indiqué en introduction de mon propos voilà quelques instants, la responsabilité des médias est primordiale. Il est essentiel que le secteur des médias, y compris les agences de publicité, soit sensibilisé à ce problème dans tous nos pays. Il doit être encouragé, voire contraint par la loi, à respecter les textes en vigueur.

Le texte, assez strict dans sa première version, a été un peu adouci. Je reste persuadé qu’il est important d’inciter nos Etats membres à étudier ce secteur avec la plus grande attention. En aucun cas cependant nous n’appelons à limiter la liberté de parole, la liberté d’expression, qui sont des principes importants. Toutefois, de telles tendances existent et il faut les combattre.

À cette fin, des programmes ciblés doivent être mis en place pour éduquer les enfants, que ce soit à la maison ou à l’école. Les enfants doivent être protégés. Les parents sont bien placés pour assumer ce rôle. Il y a d’ailleurs deux conceptions à ce sujet: certains d’entre nous estiment que seul l’Etat a la responsabilité d’éduquer les enfants, d’autres considèrent que les parents ont aussi un rôle essentiel à jouer. Pour ma part, je pense que c’est un travail d’équipe: les parents et les enseignants doivent travailler ensemble pour protéger les enfants.

Ce qu’il nous faut, c’est une méthode équilibrée. C’est pourquoi je vous appelle à voter pour la version qui a recueilli l’assentiment de la commission. Des programmes ciblés doivent être développés pour éduquer les enfants.

Les professionnels doivent être formés à cette fin et les enfants eux-mêmes doivent se voir donner les moyens d’adopter une attitude critique à l’égard des médias, mais aussi de mieux résister à la pression de leurs camarades, notamment lorsqu’il s’agit de partager des images à caractère sexuel.

Pour conclure mon intervention, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir le rapport, ainsi que le projet de résolution et le projet de recommandation. Je me réjouis par avance du débat que nous aurons cet après-midi. Je remercie le secrétariat de la commission ainsi que l’expert qui m’a aidé à rédiger ce rapport. Je me félicite aussi que Mme de Boer-Buquicchio soit parmi nous aujourd’hui pour nous faire part de son expérience. Tout cela va nous aider à mieux comprendre l’importance de cette question. Certes, il est important que nous adoptions le projet de résolution et le projet de recommandation, mais ensuite, une fois que nous serons de retour dans nos pays, il faudra faire en sorte de mieux protéger concrètement nos enfants contre ce phénomène.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 4 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui dans notre hémicycle, à l’occasion de ce débat, Mme de Boer-Buquicchio, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Madame, c’est un véritable plaisir pour moi que de vous accueillir dans cette Assemblée que vous connaissez déjà fort bien. Vous avez mené une longue et honorable carrière au Conseil de l’Europe, dont vous avez été Secrétaire Générale adjointe pendant de longues années. Vous êtes à présent rapporteure spéciale des Nations Unies et vous poursuivez votre coopération avec le Conseil de l’Europe en vue d’éradiquer toutes les formes de violence contre les enfants, tout particulièrement dans le cadre de la nouvelle stratégie du Conseil de l’Europe pour la défense des droits de l’enfant. Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Merci pour votre soutien continu à notre travail.

Mme de BOER-BUQUICCHIO, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants* – Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, Monsieur le Président, de me donner la possibilité de m’adresser aujourd’hui à cette Haute Assemblée. Comme vous pouvez l’imaginer, il est pour moi émouvant d’être de retour dans ces lieux où j’ai eu l’occasion de servir l’Organisation, dix ans durant, en tant que Secrétaire Générale adjointe.

Sans le soutien de l’Assemblée parlementaire, nombre de grandes réalisations du Conseil de l’Europe en matière de défense des droits de l’enfant n’auraient jamais vu le jour. Je pense en particulier à la Convention de Lanzarote et à la Convention d’Istanbul, qui sont étroitement liées au sujet dont nous discutons aujourd’hui.

Je m’exprime ici en tant que rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour identifier les raisons profondes de ces crimes insidieux et promouvoir des mesures destinées à prévenir toutes ces formes d’exploitation – elles sont nombreuses – et à lutter contre elles.

Le sujet du rapport présenté par M. Ghiletchi est du plus grand intérêt pour moi dans la perspective de mon mandat. Il faut en traiter soigneusement et tenir compte de sa complexité. En effet, il faut avant tout analyser le concept même d’«hypersexualisation». Cela suppose d’abord de prêter attention aux mots que nous utilisons. À cet égard, les lignes directrices sur la terminologie pour la protection des enfants contre les différentes formes d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels ont été élaborées par un groupe de travail incluant, outre ma personne, le Secrétariat du Conseil de l’Europe. Ces lignes directrices visent à promouvoir une clarté conceptuelle, de manière à mieux protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation et d’abus sexuels. Puis-je vous encourager à suivre ces lignes directrices qui visent à moins stigmatiser les enfants qui ayant fait l’objet d’abus sexuels? Quant à moi, j’en ferai de même et commencerai par modifier le libellé de mes fonctions.

Je n’ai aucun doute quant au fait que l’hypersexualisation des enfants – voire leur sexualisation tout court – conduit à une incidence plus élevée de l’exploitation sexuelle et des abus sexuels commis sur des enfants. En effet, cela conduit à accroître non seulement la demande de matériels portant sur l’exploitation sexuelle des enfants, mais aussi la demande de contacts sexuels avec des enfants en échange d’une rémunération en espèces ou en nature.

Dans un rapport que j’ai présenté au mois de mars de cette année, j’ai traité de la question de la demande en expliquant qu’elle incluait d’abord les criminels individuels, qui paient en espèces ou en nature pour obtenir des services sexuels de la part d’enfants, ensuite tous les maillons de la chaîne facilitant l’accès à des enfants, enfin, les facteurs sociaux, culturels, sexuels et institutionnels qui créent un environnement dans lequel les abus et l’exploitation sexuelle des enfants sont tolérés, voire acceptés.

Lorsque l’on discute de l’hypersexualisation des enfants, on est amené à examiner ce qui est à la source de la demande. Or il est clair que l’on observe aujourd’hui de nouvelles tendances, facilitées par le développement des technologies de la communication et de l’information, les TCI. Mais la problématique qui sous-tend le phénomène n’est pas neuve: les éléments dénoncés dans le rapport ne sont en réalité que la perpétuation du mythe de l’infériorité des femmes et des filles et constituent le terreau fertile pour une discrimination fondée sur le sexe, mais aussi pour la violence contre les filles, y compris la violence sexuelle.

Il est difficile de dire quel est l’impact exact, en termes quantitatifs, du fait que les enfants soient traités comme des marchandises par les médias et les campagnes de marketing. Il faudra mener des recherches sur ce point. Néanmoins, une caractéristique apparaît clairement: on voit bien que les filles sont la cible première. Ce n’est pas tant qu’il y ait une augmentation du problème, car nous connaissons déjà celui-ci
– ce n’est rien d’autre qu’une relique des structures patriarcales. Cela dit, on constate qu’un message est envoyé concernant le corps de la femme mais aussi celui des enfants. Les femmes et les filles sont considérées comme étant au service des hommes. Il s’agit de stéréotypes sexuels imposés. Les femmes et les filles ne sont plus en mesure de prendre des décisions concernant leur vie sexuelle et reproductive; elles deviennent des cibles de choix pour les violences sexuelles.

La réification et la marchandisation du corps des femmes renforcent cette notion de consommation qui s’étend aux filles. Cela envoie un message néfaste en direction des garçons. À cela s’ajoute le déséquilibre existant entre enfants et adultes: souvent, on considère que les enfants n’ont pas de droits. On les perçoit même parfois comme des choses que l’on possède.

En outre, la sexualité est liée à l’apparence physique, ce qui peut avoir des conséquences terribles, comme l’a indiqué à juste titre le rapporteur. Une faible estime de soi et une mauvaise image de son propre corps, la déception de ne pas être à la hauteur des images sexualisées que l’on montre peuvent avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale des enfants: l’anorexie ou la boulimie, voire le suicide.

Une mesure possible pour lutter contre ce phénomène serait de fixer des normes minimales, par exemple d’établir un poids minimum pour les mannequins, ou encore d’encourager un soutien à la santé à travers la législation, d’imposer des réglementations aux agences de mannequins, de s’assurer de l’existence de normes minimales dans les publicités. Voilà quelques bonnes pratiques recommandées par le groupe de travail des Nations Unies sur la discrimination à l’égard des femmes dans la législation comme dans la pratique.

Dans un certain nombre de pays, la loi n’interdit pas les images sexualisées des enfants. On appelle cela non plus «pornographie» mais «érotisme» tant que ne sont pas montrées explicitement les parties intimes, alors qu’il est clair que ce type de matériel abusif augmente l’appétit sexuel vis-à-vis des enfants et des mineurs. Malheureusement, même quand il existe une interdiction légale, ceux qui produisent cette pornographie photographient à la place des femmes habillées comme des filles, ce qui confirme le fait que les enfants sont utilisés à des fins sexuels. Dans l’un et l’autre cas, les effets néfastes sont les mêmes.

Le rapport de M. Ghiletchi appelle notre attention sur un autre problème: celui du matériel sexuel auto-généré. En effet, outre le matériel obtenu par la force ou par le harcèlement, on constate une augmentation du matériel produit par les jeunes filles elles-mêmes, sous la pression de leurs pairs. Elles croient à tort que la durée de vie de ces images sera brève, qu’elles seront effacées ou resteront dans un cercle réduit composé de personnes de confiance.

C’est non seulement désastreux en termes de vie privée et d’intégrité, mais encore dans la mesure où ces enfants risquent d’être poursuivis en tant qu’auteurs d’une infraction à la législation, bien qu’ils n’aient jamais eu l’intention d’opérer une plus vaste distribution de ce matériel. Il faut sensibiliser à un usage sûr, y compris les fournisseurs de TCI, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cela me conduit à la question cruciale du consentement de l’enfant et de la conscience qu’il doit avoir de la maîtrise de son corps. Comme pour tout ce qui relève de la défense des droits de l’enfant, la participation des enfants eux-mêmes est un élément clé de la prévention et de la lutte contre les abus et l’exploitation sexuels des enfants.

Nous devons reconnaître qu’il existe une curiosité sexuelle naturelle chez les jeunes. Il faut accompagner ce processus pour que les enfants aient conscience de leur corps, de sa maîtrise et que c’est à eux de consentir, de dire oui ou non. Il est de notre responsabilité de leur fournir les bons outils en enseignant la sexualité et les relations appropriées sur la base des éléments culturels, à la maison ou dans le milieu scolaire, de sorte que les enfants puissent décrypter ces questions fondamentales et résister en cas d’imposition d’avis contraire.

Un développement sexuel sain exige non seulement la maturité sexuelle, mais aussi la compréhension de ce qu’est un comportement sexuel sain ainsi qu’un sens positif du bien-être sexuel. Une initiation à la sexualité peut être un élément positif et sain à l’adolescence, pour que les jeunes puissent naviguer dans leur vie sexuelle en toute sécurité.

Mesdames et Messieurs, je voudrais souligner à présent la responsabilité du secteur privé, en particulier du monde des médias et des responsables de production.

Les médias et le monde de la publicité devraient participer activement aux efforts de prévention en évitant la répétition de stéréotypes liés au sexe, en ne projetant pas des notions tordues de la sexualité et en ne promouvant plus d’images sexualisées des enfants qui font croire à ceux-ci que certains comportements seraient acceptables. Ces images laissent aussi croire aux auteurs d’infractions sexuelles que les enfants peuvent être les objets légitimes de leurs désirs.

La responsabilité sociale d’entreprise est également des plus importantes. Nous avons mis en place de nombreux mécanismes dans nos recommandations, mais il convient avant tout d’accentuer les efforts pour souligner les causes profondes de la réification et de la marchandisation du corps de l’enfant.

La prévention, la sensibilisation, l’éducation en matière d’égalité entre les sexes, de non-discrimination et les droits de l’enfant ne doivent pas se limiter aux enfants. Il faut aussi éclairer les parents, les enseignants, les fonctionnaires, la population au sens large, les médias, l’industrie privée, bref, la société dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle je compte sur vous pour relayer ce message.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie vivement Mme de Boer-Buquicchio pour cette importante contribution à notre débat. Je vous souhaite un grand succès dans vos futures entreprises.

Nous nous réjouissons de cette coopération avec vous.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Mesdames et messieurs, permettez-moi tout d’abord de remercier Mme de Boer-Buquicchio pour sa contribution. J’exprime également ma gratitude au rapporteur, M. Ghiletchi, pour nous avoir permis d’aborder ce point à l’ordre du jour.

La question de l’hypersexualisation des enfants est un défi pour nous tous. La sexualisation des enfants est un phénomène assez peu connu de l’opinion publique, mais il semble inévitable que la sexualisation de plus en plus agressive de la société finisse par avoir un impact sur l’enfant et son monde.

En tant que rapporteure générale sur les enfants, je participe à la protection des droits de l’enfant et ce débat s’inscrit dans la continuité logique de la campagne UN sur CINQ à laquelle la commission de la santé s’est consacrée pendant quelques années.

Exposer les enfants à des productions à caractère sexuel a un impact sur leur vie. Les concours de «mini-miss» qui font apparaître de petites filles en décolleté ou en mini-jupe ne sont rien d’autres que des répliques des concours de beauté des adultes. Très souvent, les petites filles sont présentées de manière vulgaire. Ce sont de petites Lolita qui finissent par devenir les idoles des petites filles. Tout cela a un impact sur les enfants qui sont exposés à ces images tous les jours sans vraiment les comprendre.

Le rôle des médias et la culture pop ont une influence sur la moralité du public. Les clips vidéo et les images de plus en plus érotiques de célébrités et de stars jouent leur rôle aussi. Le système de valeurs perçu par l’enfant s’en trouve modifié et ne correspond plus à celui enseigné par les parents et l’école. Les enfants finissent par avoir deux systèmes de valeurs et sont en opposition soit avec l’un soit avec l’autre. Les enfants, encore en cours de formation, apprennent que la sexualité est importante pour le succès. Sans se rendre compte combien cela est dommageable, ils comprennent surtout que c’est la norme en société et qu’ils doivent s’y conformer.

Le rapporteur a souligné le rôle de la publicité dans l’hypersexualisation des enfants. Des études montrent qu’un lien existe entre la conception de produits médiatiques et des comportements sexuels déviants qui peuvent aussi conduire à des troubles neurologiques. La désorientation est l’un des résultats de cette surexposition.

Je voulais ajouter en conclusion que les problèmes ne peuvent être pris séparément les uns des autres. Il faut faire la différence entre l’éducation à la sexualité proposée par les familles et les écoles et l’imposition de stéréotypes. Il convient de créer un bon environnement pour les enfants en prenant des mesures à tous les niveaux: famille, école et auprès des enfants eux-mêmes.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni est en cours.

Il est quasiment 17 heures.

J’invite les derniers d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire. Dès qu’ils auront voté, nous déclarerons le scrutin clos.

J’invite les scrutateurs, M. Fournier et M. Garđarsson, à bien vouloir aller procéder immédiatement au dépouillement du scrutin au service de la séance.

Le résultat du scrutin sera proclamé, si possible, à la fin du premier débat.

Nous reprenons nos travaux sur la lutte contre l’hypersexualisation des enfants.

M. JÓNASSON (Islande)* – Ce rapport et le projet de recommandation traitent d’un thème primordial, à savoir l’hypersexualisation des enfants dans les médias à des fins commerciales. Je tiens à remercier le rapporteur, M. Ghiletchi, de s’être attelé à ce travail.

Il a raison de dire que la première étape consiste à prendre la mesure des conséquences de telles pratiques par le recueil des données afin de pouvoir définir des mesures appropriées.

Dans le rapport, il est fait allusion à différents organes et autorités de contrôle, mais une question se pose. Dans le résumé du rapport, il est indiqué que les activités des médias et du secteur de la publicité devraient être limitées par la loi et contrôlées par des organes spécialisés. De telles interventions, est-il précisé, doivent se fonder sur des recherches scientifiques. À mon sens, cela pose problème, car nous sommes là dans un domaine subjectif, qui peut donner lieu à interprétation.

Voilà pourquoi donner trop de pouvoirs aux organes spécialisés, afin de limiter les médias, pourrait nous mener à une zone grise.

Cependant je suis d’accord pour dire qu’il faut défendre les droits des enfants, et trouver les bons moyens de le faire. N’oublions pas que les victimes ne sont pas les médias et une industrie publicitaire agressive, mais les enfants, qui risquent d’être exploités. En ce sens, je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur.

Il a raison de dire qu’il faut mettre en place des campagnes de sensibilisation partout, dans la société, dans les établissements scolaires et les médias. Il faut également le faire dans le domaine de l’industrie publicitaire. Il est essentiel de coopérer. Un forum devrait voir le jour pour un tel travail de coopération et de conseil. Il est important d’avoir une politique en faveur des consommateurs pour les sensibiliser, à l’instar de la campagne des années 60 aux Etats-Unis, qui fut couronnée de succès.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre rapport, mais les différentes étapes que nous envisageons doivent se baser sur la coopération plutôt que la coercition.

Mme Mateu, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

Mme BARTOS (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie M. Ghiletchi d’avoir porté cette question très importante à l’attention de l’Assemblée. La santé physique et mentale de nos enfants est une priorité pour chacun d’entre nous, en tant que parents comme en tant que décideurs politiques. La santé et le bien-être de nos enfants auront des répercussions sur la santé et le bien-être de la société de demain. Ce point est essentiel pour l’avenir de l’humanité tout entière.

Notre monde connaît des accélérations vertigineuses. Le progrès facilite notre existence à bien des égards, mais il comporte également des menaces et des dangers pour nous et pour nos enfants. La situation est délicate: les générations plus anciennes, y compris la nôtre, mais aussi les parents, les enseignants, toutes les personnes qui prennent en charge les enfants n’arrivent pas toujours à suivre les progrès techniques, ce qui élargit le fossé intergénérationnel.

Or nous n’arriverons à combattre ces effets néfastes que si nous restons parfaitement informés, et si nous incluons tous les groupes pour faire face à ce problème. Nous devons nous appuyer sur les familles, les écoles, les éducateurs, les enseignants, les médias, les fournisseurs d’accès à internet, la société civile et les décideurs. Mais nous devons également compter sur les enfants eux-mêmes. L’existence d’un cadre juridique international et la capacité des Etats-nations à agir est aussi essentielle.

Le rapport souligne la gravité du problème en matière de droits de l’homme et les conséquences pour le bien-être des enfants, sur leurs relations, leur estime de soi et leur santé physique et mentale. Le rapport souligne l’importance de la législation, du comportement des médias, du rôle que jouent les institutions et les procédures de contrôle. Il aborde également la priorité de l’éducation, de l’information des familles, des enseignants et des enfants.

Il faut éduquer les enfants et leur permettre de développer une attitude critique à l’égard des contenus des médias. Dans la vie d’une jeune, des comportements préoccupants, potentiellement dangereux pour la santé, tels que la consommation de tabac, d’alcool, de drogue, les difficultés en matière de comportements sexuels, sont souvent dus à l’influence et la pression du groupe d’âge de l’enfant. Mais des jeunes et des enfants peuvent aussi aider leurs amis et leurs camarades de classe et servir de modèles pour mettre en place une norme, par exemple contre la consommation de tabac dans un groupe d’âge donné.

La question est complexe et déterminante pour le bien-être et l’avenir de nos enfants et de la prochaine génération. Le but ultime de ce rapport est la protection de nos enfants.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Les enfants sont à la fois vulnérables et porteurs de notre avenir. À ce double titre, nous devons tout faire pour leur offrir un développement optimal, garantir le respect de leurs droits et assurer leur protection.

L’exposition des enfants à des contenus sexuels inadaptés, voire la sexualisation des enfants eux-mêmes, compromettent la construction de leur identité et de leurs relations. Lorsqu’elle débouche sur des violences sexuelles, l’hypersexualisation peut gravement nuire à la santé physique et mentale des enfants. À cet égard, je rappelle que la Convention de Lanzarote impose aux Etats parties de prévenir la violence sexuelle à l’encontre des enfants, de protéger les enfants victimes et de poursuivre les auteurs de ces crimes. Le Groupe socialiste soutient ces objectifs essentiels et soutient, pour y arriver, une démarche globale, impliquant une pluralité d’acteurs et d’actrices, y compris les enfants eux-mêmes.

Les mesures avancées, tant du côté des médias et de la publicité que sur le plan de la sensibilisation et de l’éducation, sont aussi très importantes pour la réalisation de l’égalité des chances entre femmes et hommes. La publicité, en particulier, véhicule en permanence des stéréotypes de genre, toujours caricaturaux et souvent à connotation sexuelle, qui donnent à voir aux filles comme aux garçons des modèles de rôles figés et largement inadaptés, des modèles qui façonnent profondément et durablement la façon qu’ont les enfants de se percevoir eux-mêmes, ainsi que les personnes du sexe opposé. Cet impact sur les perceptions entrave le libre épanouissement des filles et des garçons et, sur le plan social, contribue à perpétuer des inégalités de genre.

L’égalité des chances est non seulement importante entre les sexes, mais aussi entre les enfants de milieux sociaux divers. À ce propos, comme évoqué dans le projet de résolution, l’éducation que les enfants reçoivent de leurs parents à la maison doit être complétée par une intervention externe. En effet, comme le dit le rapport: «dans de nombreux contextes culturels, les enfants restent confrontés à des attitudes familiales et communautaires où l’éducation sexuelle et relationnelle est un sujet tabou, alors même qu’ils sont submergés d’images sexualisées voire explicitement sexuelles dans l’environnement médiatique qui les entoure.» En tant qu’institution publique, l’école est un lieu privilégié pour garantir l’accès à cette éducation sexuelle à toutes et à tous. Une information extérieure au cercle familial est également indispensable pour prévenir les abus sexuels, qui sont le plus souvent commis dans l’entourage proche de l’enfant. Loin d’induire l’hypersexualisation, l’éducation sexuelle et relationnelle donne aux enfants des outils pour y faire face. Sans compter les bénéfices avérés pour la santé publique d’une éducation sexuelle de qualité adaptée à l’âge des enfants, comme vient de le rappeler la rapporteure spéciale des Nations Unies.

Je terminerai en vous demandant de soutenir les amendements déposés, qui visent tous à renforcer le texte, et donc à mieux protéger les enfants.

M. SCHNABEL (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe*
– Je souhaite exprimer nos préoccupations quant au contenu du rapport et du projet de recommandation. Le rapport n’est pas étayé par des preuves scientifiques. Le point 4 du projet de résolution appelle «les Etats membres à collecter des preuves scientifiques via des études longitudinales de l’hypersexualisation des enfants, de manière à définir des mesures adéquates, en particulier politiques», alors que les points 4.2 à 4.9 ne sont qu’un long inventaire de mesures à adopter dès à présent. Voilà qui est malencontreux. Le rapport demande des preuves de ce qui est déjà présenté comme preuve tout au long du rapport. Soyons clair, le rapport nous présente des faits empiriques, tout au mieux une hypothèse, dans tous les cas un jugement moral, et au pire des préjugés. Le rapport devrait plutôt mettre l’accent sur les crimes abominables décrits par Mme de Boer-Buquicchio.

L’hypersexualisation est un concept qui n’est clair ni pour ma personne ni pour le rapporteur. Il parle parfois d’hypersexualisation inadéquate: cela signifie-t-il qu’il y existe une alternative adéquate? Le rapporteur répond par la négative. Finalement, l’hypersexualisation n’est que la sexualisation, qui deviendrait inadéquate en fonction de l’âge.

Pour notre groupe, les rapports qui confondent la morale et les droits humains ne sont pas appropriés.

Dans de nombreux pays, les enfants, les adolescents et les adultes continuent de souffrir des conséquences malsaines d’une longue histoire d’hyposexualisation. Pour les aider, leurs gouvernements devraient prévoir des politiques en matière de santé sexuelle et intégrer l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires. Les jeunes doivent pouvoir accéder facilement à la contraception et se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles.

Pour conclure, je crains qu’un tel rapport soit écarté par les gouvernements qui agissent déjà dans ce domaine et soit salué par ceux qui ne soutiennent pas la mise en place d’un programme de santé sexuelle à destination des enfants et des adolescents. En apportant son soutien à ce rapport favorable à une sur-moralisation de la question, l’Assemblée n’enverrait pas le bon message à ses Etats membres.

Mme ÅBERG (Suède)* – J’aimerais tout d’abord remercier le rapporteur d’avoir porté au débat ce thème très important. On dit parfois qu’il ne faut pas construire de barrières autour des piscines mais plutôt enseigner aux enfants à nager. On pourrait le dire également pour les images et les informations véhiculées par la presse, la télévision et internet. En Suède, nous sommes très attentifs à ce qui circule dans les médias et dans les publicités. Nous évitons que les personnes soient représentées comme des objets sexuels et des contrôles sont exercés afin que nos enfants soient protégés.

Toutefois, l’information est si facilement accessible à l’heure actuelle qu’en interdire l’accès ne ferait qu’augmenter l’intérêt de l’enfant. Nous devons inculquer aux plus jeunes l’esprit critique. Il est important que les parents soient disponibles pour répondre aux questions qu’ils se posent sur la sexualité, même si cela les met parfois mal à l’aise. Il faut éviter que les jeunes ne se fassent une idée de la sexualité qu’à partir du matériel pornographique. Une étude a montré en Suède que 57 % des filles et 91 % des garçons âgés de 15 ans avaient déjà regardé des images pornographiques. Un débat sérieux doit être engagé avec les jeunes. Il faut leur dire que ces images n’ont rien à voir avec l’amour. L’école est un excellent lieu pour ce type de discussion. L’éducation sexuelle est obligatoire à l’école en Suède depuis les années 1950. Elle apporte de nombreuses informations aux plus jeunes, dès l’école maternelle, où les enfants apprennent à nommer les différentes parties de leur corps.

La conception et la grossesse sont également expliquées. Nous pensons qu’il est important de parler avec les enfants très jeunes et de leur expliquer que deux personnes de même sexe peuvent tomber amoureuse, se marier et avoir des enfants. Attendre trop longtemps avant l’éducation sexuelle est une erreur car certains enfants vivent leur puberté dès l’âge de 11 ou 12 ans. L’information, la discussion et l’éducation aux différentes étapes du développement de l’enfant sont les meilleurs moyens d’aborder la question de l’hypersexualisation. Les interdits, en revanche, ne sont d’aucune utilité.

Mme BLONDIN (France) – Dans nos sociétés, vous l’avez fort bien dit, Monsieur le rapporteur, la protection de l’enfance doit constituer une priorité absolue. L’hypersexualisation des enfants dans les médias, dans les campagnes de marketing, dans les émissions télévisuelles, comme dans les biens de consommation, est aujourd’hui répandue et doit susciter toute notre vigilance. Cet aspect ne constitue que l’une des manifestations de l’hypersexualisation globale de nos sociétés. De façon générale, nous sommes tous confrontés à des images à caractère sexualisé. Objectivés, les corps commercialisés sont détournés de leur finalité propre et réduits à leur plus simple matérialité.

Pour autant, ce constat d’une hypersexualisation globale ne doit pas servir les discours rétrogrades s’insurgeant contre la libération des corps et des mœurs. L’hypersexualisation des enfants révèle moins un comportement qui serait intentionnel que l’influence de la société qui les entoure et qui projette sur eux ce genre de perception. Ce phénomène peut exercer une influence sur la manière dont les enfants se perçoivent et comprennent les codes de nos sociétés.

Enfin, l’accès à internet et aux réseaux sociaux, y compris chez les plus jeunes, favorise l’accès à des images pornographiques ou suggestives qui peuvent elles aussi conduire certains enfants à reproduire des comportements inappropriés et les mettre en danger. S’il ne s’agit nullement ici d’adopter un discours moraliste, nous nous devons cependant d’apporter des solutions à cette problématique. Une des réponses doit être législative. Ainsi, une charte de bonne conduite pourrait être signée par les médias et les acteurs économiques afin de les inciter à respecter la dignité des enfants. En parallèle, un travail de prévention s’avère nécessaire auprès de la société civile, des parents et des associations. Les personnels éducatifs doivent être sensibilisés et formés sur cette question.

En France, le Haut Conseil à l’égalité a publié récemment un rapport recommandant un enseignement sur la sexualité plus adapté aux besoins des jeunes. Les enseignants et les intervenants extérieurs pourront ainsi davantage sensibiliser les jeunes sur les risques des réseaux sociaux et des sites internet. Ce travail de prévention ne sera efficace que si la société tout entière travaille à désexualiser notre rapport au corps.

Mme STEFANELLI (Saint-Marin)*– Je veux à mon tour remercier le rapporteur pour le travail exhaustif qu’il nous a présenté. La protection de l’enfance contre l’exploitation, la violence sexuelle, la pédopornographie et la vente des enfants à des fins sexuelles, doit être la première priorité du programme politique de chaque gouvernement. Une communauté qui ne protège pas les plus faibles ne mérite d’exister ni aujourd’hui ni demain.

Pour prévenir ces aberrations, le rapport nous propose des mesures essentielles tout en dénonçant les phénomènes existants d’hypersexualisation des enfants, à travers une exposition médiatique excessive. La mode, en particulier, offre en pâture les corps jeunes des enfants aux esprits morbides et malades.

Je soutiens le rapport, ainsi que les projets de résolution et de recommandation. La contribution de Mme de Boer-Buquicchio a suscité en moi une pensée que je voudrais partager avec vous. Elle concerne l’exploitation sexuelle de ces enfants que l’on appelle les «enfants fantômes». Ils sont 51 millions par an, dont deux sur trois en Afrique sub-saharienne, à ne pas être inscrits à l’état civil au moment de leur naissance par leur famille, pour différentes raisons. Soit parce que les familles ne savent pas qu’il faut le faire, soit parce que, économiquement, elles ne peuvent pas se permettre de se rendre à l’état civil pour les déclarer.

Du point de vue juridique, il s’agit d’enfants invisibles. Or le fait qu’ils ne soient pas déclarés à l’état civil les rend vulnérables. Dès leur plus jeune âge, ils courent davantage le risque de subir des abus sexuels ou d’être livrés la prostitution – nous en retrouvons dans nos villes –, d’être recrutés dans des forces armés pour devenir des enfants soldats ou d’être forcés à travailler ou à se marier. Il serait donc bien que le Conseil de l’Europe s’approprie cette question, par exemple, en lançant une campagne de sensibilisation ou en apportant concrètement son aide.

Des organisations se sont déjà saisies de cette question dans un certain nombre d’Etats membres, mais les choses évolueraient plus rapidement si une noble institution telle que le Conseil de l’Europe, qui a toujours été attachée aux droits des enfants et à leur respect, s’exprimait sur ce point.

LA PRÉSIDENTE – M. Ardelean, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GOPP (Liechtenstein)* – Ce rapport aborde un sujet très important et très sensible. Je soutiens un certain nombre d’éléments qu’il contient, mais pas la totalité.

À la lecture du titre, déjà, je me suis demandé pourquoi il était question d’«hypersexualisation». La formulation ne me semble pas appropriée. Il s’agit d’images qui circulent de plus en plus dans nos sociétés, images véhiculées également par les jeunes eux-mêmes. Je pense au «sexting», à la représentation de vêtements sur internet qui transforment les jeunes en objets sexuels, ou encore à la circulation d’images sexistes, parfois même pornographiques.

Le paysage médiatique a beaucoup changé ces dernières années. De nouveaux médias ont vu le jour, la communication est devenue instantanée et a parfois des conséquences graves. Les structures de la société ont également changé, notamment celle de la famille. Très souvent, les deux parents travaillent et la qualité du temps passé en famille a baissé.

Par ailleurs, l’influence de l’extérieur est de plus en plus forte. La pression du groupe a augmenté, entraînant parfois des actions irréfléchies. Les discussions en famille, l’écoute, le débat ou une éducation adaptée sont en péril. À qui la faute? D’abord aux parents, à qui il appartient de protéger leurs enfants, et d’attirer leur attention sur les dangers de la vie. Ensuite, aux enseignants et aux personnes de confiance qui évoluent autour des jeunes et qui devraient servir d’exemples.

Je suis convaincu que nous ne changerons rien en considérant que la collecte des données permettra d’apporter des preuves scientifiques. Nous ne changerons rien si nous pensons que des lois permettront de modifier les choses sur internet.

Les dangers auxquels sont exposés les jeunes sont réels, et il convient de s’interroger sur les conditions d’une protection efficace. Mais je ne pense pas non plus que la majorité des jeunes n’ont pas la capacité de se prémunir de ces dangers. En outre, je ne crois pas qu’il faille en faire une question culturelle et s’imaginer que l’on arrivera à un consensus unanime des 47 Etats membres.

Ce sont les enfants qu’il faut aider, afin qu’ils disposent d’outils pour affronter un monde moderne devenu plus complexe. Des solutions peuvent également être apportées par des campagnes d’information et le système éducatif, mais certainement pas par des lois ou une tentative de moralisation, vouée à l’échec.

M. KIRAL (Ukraine)* – Permettez-moi à mon tour de remercier le rapporteur pour cet excellent rapport, ainsi que Mme Boer-Buquicchio pour la discussion forte intéressante que nous avons eue en commission. Elle a permis de mettre l’accent sur la nécessité d’augmenter le niveau des mesures en termes d’éducation et les efforts au niveau international.

Lorsqu’il s’agit de la nature humaine, il ne devrait pas y avoir de frontières, mais simplement des valeurs et une véritable intention de protéger les générations à venir. Dans ce monde moderne, nous nous rendons compte qu’il existe un niveau élevé de sexualisation dans les images, le domaine commercial et les médias. Il est indispensable de trouver un équilibre entre la restriction et la liberté des médias. Une grande partie de la liberté des médias est liée à son indépendance financière, faute de laquelle elle risque de tomber entre les mains de groupes d’oligarques qui peuvent alors intervenir dans les affaires politiques.

Dans la plupart des pays, il existe des organes de contrôle des médias et de la publicité; il n’est donc pas nécessaire d’en créer de nouveaux, comme cela est suggéré par le rapport. Voilà pourquoi je soutiens ce qui a été dit en commission des affaires sociales qui a approuvé l’amendement de M. Jónasson. Celui-ci tient compte de l’idée que j’avais formulée au cours de la dernière réunion de la commission à Paris, à savoir qu’il n’est pas nécessaire de créer de nouveaux organes régulateurs, d’ONG, d’organisations de parents ou de groupes d’experts, mais qu’il faut tout simplement mettre en place un organe spécial consultatif.

Dans mon pays, l’Ukraine, nous avons déjà vécu une expérience négative avec un organe régulateur qui n’a pas répondu à nos attentes et qui a été supprimé il y a un an.

Cela étant, les sociétés de communication, les fournisseurs d’accès à internet peuvent introduire des mécanismes de contrôler du trafic. Par exemple, il est tout à fait possible d’installer une application interdisant la communication de contenus à caractère sexuel. Certaines sociétés de médias sociaux peuvent également introduire des instruments tenant compte des contributions volontaires, des retours des clients.

Il faut également tenir compte du rôle de l’éducation et des parents, qui sont essentiels et qu’il ne faut pas sous-estimer. Demandons-nous comment nous parlons avec nos enfants. Essayons de comprendre comment ils perçoivent ce matériel. Nous devons leur donner de bons conseils et leur expliquer, par exemple, que la pornographie n’est pas la réalité.

M. BLANCHART (Belgique) – En Belgique, depuis de nombreuses années déjà, différents acteurs, notamment dans le champ de l’éducation et de la santé, tirent la sonnette d’alarme quant aux effets délétères potentiels de l’hypersexualisation de la société sur le développement des enfants.

Bien que l’hypersexualisation des enfants dans les spots publicitaires ne constitue pas un réel phénomène en Belgique, les enfants sont néanmoins représentés ou ciblés dans la communication commerciale et exposés à l’omniprésence d’images à caractère sexuel.

En effet, l’espace public s’érotise de plus en plus. Les images censées représentées les objets les plus banals se parent de sexe en même temps qu’elles s’en emparent sur un mode stéréotypé et sexiste qui rend plus ardu le combat pour l’égalité des sexes. Les critères d’évaluation des êtres se centrent sur l’apparence. La frivolité se constitue en véritable pensée unique.

Cette pression sur les enfants peut venir des parents ou des médias et, plus largement, d’un climat de consumérisme empreint d’érotisme. En effet, la sexualisation de l’espace public soumet les jeunes à une pression constante qui vient de partout: la publicité, la musique, les clips vidéo, les magazines, la mode vestimentaire, les émissions de télévision, le cinéma et l’internet.

L’hypersexualisation des enfants passe aussi par la marchandisation de leurs corps, comme en témoigne la déferlante des concours de «mini-miss», qui existent dans toute l’Europe et qui sont gouvernés par le seul principe de l’apparence.

Il existe une corrélation entre certaines pratiques de consommation médiatique et la prégnance de stéréotypes. On ne peut donc qu’encourager le développement de l’éducation aux médias, comme le recommande le rapport. De manière générale, il faut alerter les parents, les éducateurs et les pouvoirs publics des conséquences désastreuses que le climat ambiant entraîne sur l’enfant, soutenir l’éducation aux médias et l’esprit critique, et remettre la créativité et le jeu au cœur du développement de l’enfant. C’est ensemble que nous devons explorer ces pistes.

Enfin, les gouvernements doivent sensibiliser et responsabiliser l’ensemble des acteurs concernés par l’hypersexualisation des enfants, qui renforce les stéréotypes. Face à la sexualisation de l’espace public, la tentation est grande de réclamer l’intervention des pouvoirs publics. Pourtant, il est illusoire d’envisager la réglementation de l’industrie de la publicité et des médias, voire de la pornographie, en particulier sur internet, ou de légiférer en faveur d’une «sexualité égalitaire». Si l’Etat peut agir, c’est avant tout par sa fonction d’éducateur. De ce point de vue, il n’appartient pas forcément aux parlementaires de protéger la société, mais plutôt aux parents et aux adultes, qui doivent le faire par le dialogue. La prévention reste en effet le meilleur outil pour permettre aux jeunes d’appréhender le monde numérique.

Mme DALLOZ (France) – Je vous félicite, Monsieur le rapporteur, pour votre travail sur l’hypersexualisation des enfants et les moyens de la prévenir. L’utilisation de l’image sexualisée des enfants dans les médias ou les publicités et l’exposition des enfants aux images érotiques ou pornographiques sont autant de pratiques qui doivent être mieux encadrées, car elles favorisent l’hypersexualisation des enfants.

En France, l’image des enfants est clairement règlementée, en particulier dans la publicité, depuis 1990. Juridiquement, il est donc possible d’interdire toute utilisation d’une image sexualisée d’enfants. En pratique, cependant, peu de condamnations portant sur des atteintes à la pudeur dans la publicité ont été prononcées. D’une part, le respect de la création artistique incite parfois les tribunaux à faire preuve d’une tolérance qui me semble regrettable et, d’autre part, certains parents ne semblent pas avoir conscience de ce qui constitue ou pas une image inappropriée de leurs enfants. Le défenseur des droits n’a été que rarement saisi sur ces questions d’hypersexualisation. Je dois cependant me réjouir que la France soit à l’avant-garde en la matière, notamment grâce à l’interdiction, depuis 2014, des concours de «mini-miss» aux filles de moins de treize ans.

La médiatisation excessive de nos sociétés conduit de fait les enfants à être spectateurs, chez eux ou dans les lieux publics, d’images qui ne sont pas toujours adaptées à leur âge. L’encadrement des images véhiculées dans les médias, plus précisément à la télévision, doit donc être une priorité. En France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mis en place une signalétique par âge, mais là encore, cette signalétique ne peut être réellement efficace que si un adulte est présent pour changer le programme inadapté à l’âge de l’enfant. La multiplication d’émissions de téléréalité à des horaires où les enfants peuvent se trouver, parfois seuls, devant la télévision, représente un vrai problème. Enfin, il est légitime de s’interroger sur les diffusions de vidéo-clips très sexualisés en pleine journée.

Le point noir de ce phénomène reste toutefois l’absence de régulation sur internet, car l’accès à des images pornographiques passe souvent par un téléchargement en ligne. De même, des pratiques de prétendus «jeux» qui sont clairement sexuels se sont développés sur internet. Nous devons réfléchir ensemble à ces questions puisque nous le savons tous, les sites qui diffusent ces images peuvent se situer dans des pays hors de notre zone d’influence et souvent éloignés de nos valeurs.

Au-delà de cet encadrement nécessaire mais insuffisant, nous ne pourrons lutter que si nous énonçons clairement ce qui est préjudiciable à l’enfant. La dignité humaine et l’intérêt supérieur de l’enfant doivent être au cœur de cette réflexion. La justice française reconnaît d’ailleurs depuis longtemps l’applicabilité de cette notion clé d’intérêt supérieur de l’enfant qui, si elle était systématisée, permettrait de mettre fin à une grande partie des pratiques et des images inappropriées. Pour toutes ces raisons que je vous appelle à voter la résolution de M. Ghiletchi.

Mme RAWERT (Allemagne)* – Je tiens à remercier M. le rapporteur, ainsi que Mme de Boer-Buquicchio pour son exposé très complet. En matière de sexualisation des enfants dans l’espace public, ce rapport explique à juste titre que le problème ne provient pas de l’éducation sexuelle dispensée à l’école, mais des stéréotypes véhiculés par les médias concernant le rôle de chaque sexe.

Cela étant, je note que le rapport n’aborde les conséquences de l’hypersexualisation des enfants que du point de vue des filles et des comportements néfastes qu’elles adoptent parfois en conséquence à l’égard de leur corps. Il serait erroné de croire que la sexualisation des enfants ne concerne que les filles: en cela, le rapport me semble lacunaire. La sexualisation des garçons et l’effet que produit chez eux la sexualisation des filles n’y sont pas du tout abordés. Pourtant, les garçons sont affectés autant que les filles. Le rapport évoque les images irréalistes de la femme qui conduisent certaines filles à adopter des comportements autodestructeurs, mais pas un mot n’y est écrit sur le type de violences que subissent les garçons en raison d’une image irréaliste de l’homme. Certains sont par exemple incités à prendre des anabolisants pour renforcer leur structure musculaire. Les images qui leur sont présentées d’une hypermasculinité, ou d’une «masculinité toxique», montrent des hommes sans émotions, homophobes et misogynes, voire agressifs. La masculinité devient synonyme de violence masculine – comme l’a encore démontré l’actualité récente. En outre, l’image de la «princesse» ne fait que renforcer ces stéréotypes.

D’autre part, l’examen de la sexualisation qui est fait dans le rapport se limite à la sphère privée: les parents seraient les interlocuteurs privilégiés des enfants en matière de sexualité. Les jeunes générations doivent-elles recevoir la même éducation sexuelle que notre génération? Il me semble au contraire qu’il faut prendre la question de la sexualité à bras-le-corps dans les médias et dans les établissements scolaires pour offrir aux jeunes une éducation sexuelle complète, comme le recommande l’Assemblée générale des Nations Unies.

Enfin, l’homosexualité, la bisexualité et toutes les autres identités sexuelles demeurent des questions taboues dans ce rapport. C’est une lacune; ces questions sont pourtant systématiquement abordées dans les autres rapports de même nature.

Mme CROZON (France) – Je me félicite de votre initiative, Monsieur le rapporteur, d’appeler l’attention de notre Assemblée sur l’hypersexualisation des enfants.

Certes, nous ne nous posons pas ces questions dans les mêmes termes en France, où l’accès des mineurs aux images qui pourraient les choquer est strictement réglementé, et où les représentations des enfants eux-mêmes comme des objets sexuels sont juridiquement et moralement condamnées. Le dernier avatar du travestissement des enfants en objets de désir qu’étaient les concours de «mini-miss» a d’ailleurs été encadré drastiquement par la loi de 2014 sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous constatons pourtant comme vous que les signes extérieurs de sexualisation, en particulier des filles – maquillage, bijoux, tenues moulantes ou dénudées – apparaissent de plus en plus précocement. Comme vous l’indiquez à juste titre, ces évolutions et ces besoins répondent à des impératifs publicitaires de plus en plus forts.

Nous vivons dans des sociétés de l’image où les modèles qui s’imposent aux enfants sont issus de moins en moins de leur entourage familial ou de leur groupe social et de plus en plus de la culture médiatique et des personnages réels ou de fiction qui entrent chaque jour dans nos foyers. Ce jeunisme, cette focalisation sur une seule génération de tous les regards, notamment des regards enfantins, particulièrement sensibles aux médias, ne produit pas simplement une représentation tronquée de la société, il est producteur de sens et de valeurs. C’est le culte du corps et de l’apparence qui s’impose comme une condition de réussite sociale, c’est le modèle de l’épanouissement sexuel qui devient une préoccupation pour des publics de plus en plus jeunes, sans accompagnement ni décryptage. Nous en connaissons les dangers: la dévalorisation de celles et ceux qui ne répondraient pas à ces critères, le harcèlement, l’obsession maladive qui conduit aux troubles alimentaires, aux comportements addictifs à risque, voire au suicide.

Cher collègue Ghiletchi, vous faites, dans votre rapport, des propositions de bon sens, sur l’encadrement des émetteurs de messages ou la responsabilisation des parents, mais il faut, à mon sens, réfléchir, bien au-delà, à la formation des stéréotypes, à la place des hommes et des femmes dans les représentations médiatiques et aux rôles sexués qu’ils induisent. Il est important de promouvoir d’autres modèles de réussite, notamment féminins – des entrepreneuses, des scientifiques, des écrivaines, des journalistes... – et de montrer que chacun, quel que soit son physique, quel que soit son âge, a une place et son rôle à jouer dans la société.

LA PRÉSIDENTE – M. Jakavonis, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Je voudrais faire un certain nombre de remarques sur des points qui, sans cela, risqueraient de passer inaperçus dans la discussion. Je voudrais notamment parler du rôle des parents. Le paragraphe 4.3 du projet de résolution a pour objet d’inviter les Etats membres à «adopter des politiques et des mesures visant à informer, éduquer et rappeler aux parents les dangers auxquels leurs enfants sont confrontés dans un environnement hypersexualisé […], et à armer les parents pour éduquer leurs enfants». La question du rôle des parents est essentielle, et je pense qu’on doit aller plus loin.

Ce rapport vise essentiellement à contraindre les fournisseurs d’accès à internet, les publicitaires, à respecter certaines dispositions, mais, selon moi, il faut repenser cette méthode, conçue comme si fournisseurs d’accès et publicitaires ne voulaient pas apporter leur concours. D’après mon expérience, ce n’est pas le cas, et il serait plus utile de chercher à passer des accords volontaires avec ces acteurs pour aller plus loin. Il s’agirait par exemple de permettre aux parents de se plaindre à une autorité de régulation – cela veut dire qu’une telle autorité doit être en place et disposer de leviers d’action, mais ce sont les parents qui seraient aux commandes. Autre exemple, les fournisseurs d’accès à internet pourraient envoyer des messages aux parents pour les inciter à mettre en place un système de contrôle parental. Il s’agirait encore une fois de confier la responsabilité aux parents. Toute une gamme d’acteurs pourraient apporter leur concours, y compris des fabricants de vêtements ou des prestataires de services pour les enfants, mais il faut que la voix des parents soit entendue.

Prenez ce qui s’est passé au Royaume-Uni. Après dix-huit mois de campagne en faveur de telles mesures, un certain nombre ont été prises, notamment pour interdire certains types de publicité. Il est plus facile aujourd’hui de trouver des vêtements pour enfants qui soient mieux adaptés à leur âge et ne visent pas à les faire passer pour plus âgés qu’ils ne sont. Des voies ont été mises en place pour permettre aux parents de se plaindre dans certains cas, y compris en ce qui concerne les médias, qui peuvent jouer un rôle très important en cette matière.

Le rôle des parents est donc absolument crucial. Certes, le rapport en fait état, mais j’aimerais que l’on y insiste davantage. Mes propres enfants sont aujourd’hui adultes, et, lorsqu’ils ne l’étaient pas encore, ces questions se posaient avec moins d’acuité qu’aujourd’hui. Je crois qu’il faut tout faire – c’est la clé en cette affaire – pour que les parents considèrent que ces problèmes sont les leurs. Encourageons les parents plutôt que l’Etat à relever ce défi.

LA PRÉSIDENTE – Mme Günay, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – Je me félicite de ce rapport, et je remercie M. Ghiletchi de l’avoir présenté. La sexualisation des enfants concerne tous les pays. Bien sûr, internet, les médias sociaux sont formidables. Le revers de la médaille est que les enfants peuvent souffrir le martyre de l’intimidation, du cyber-harcèlement, qu’ils peuvent être exposés à des images sexuelles qui leur donnent une image erronée des relations, des filles, des femmes – mais aussi, comme l’a dit notre collègue allemande, des jeunes hommes.

Au Parlement britannique, nous avons voulu influencer notre gouvernement. Nous voulons être plus stricts en matière de réglementation pour les médias, internet et le marketing, et nous avons fait des progrès. Par exemple, la question de la vérification de l’âge de l’utilisateur doit être examinée dans le cadre de notre prochaine loi sur l’économie numérique. L’une de mes collègues a d’ailleurs déposé une proposition de loi sur la sécurité en ligne à la Chambre des Lords.

La pornographie accessible au Royaume-Uni est le fait de sites d’autres juridictions. Le rapport intitulé «Pour les adultes seulement» de l’Autorité de la télévision à la demande, indique que sur vingt-cinq sites web au Royaume-Uni, vingt-trois sont en fait établis à l’étranger. Pour lutter contre le problème, il faut donc empêcher les flux de revenus ou mettre en place un système de licences, il faut filtrer l’accès aux contenus destinés aux adultes.

Un autre problème est le sexting, le partage d’images sexuelles en ligne. C’est une véritable épidémie, qui cause une détresse profonde chez les jeunes. Malheureusement, les adolescents sont souvent trop embarrassés pour chercher de l’aide. Ils cachent leur détresse, ce qui conduit à la dépression, à la culpabilité et à un comportement autodestructeur. Les résultats scolaires peuvent également en pâtir sensiblement.

Des mesures sont envisagées, dans le cadre de ce rapport, pour combattre ce problème. Je suis d’accord avec les intervenants de Suède et d’ailleurs: l’éducation sexuelle est très importante tant pour les filles que pour les garçons. Elle permet aussi de combattre la pression, car les garçons, qui voient des images hyper-sexualisées deviennent une partie du problème. Leur attitude vis-à-vis des filles et des femmes peut devenir néfaste. Il est important de développer des compétences interpersonnelles, des compétences humaines, y compris en matière de relations.

Il est parfois difficile pour les écoles de prévoir cela dans leurs programmes et certains parents sont embarrassés de parler de relations sexuelles avec leurs enfants, mais on ne saurait laisser les enfants accéder à des représentations négatives des relations sexuelles et mal armés pour résister aux influences extérieures; il s’agit de les armer pour qu’ils puissent se protéger. L’enjeu est de permettre le développement de relations saines et d’attitudes saines vis-à-vis des relations sexuelles, tant chez les filles que chez les garçons.

Mme KARAMANLI (France) – Je suis très heureuse de pouvoir intervenir dans ce débat sur la lutte contre l’hypersexualisation des enfants, sujet important et sensible, un sujet de société au sens fort du terme. Je salue un rapport particulièrement opportun et équilibré.

Mon propos se concentrera sur trois constats et trois propositions.

Premier constat, cette hypersexualisation s’accompagne d’une réification et d’une marchandisation des corps, conforte le sexisme et aliène les esprits et les corps. L’hypersexualisation enferme les enfants précocement, de façon immatérielle, et les rend dépendants de comportements dont ils n’ont ni la compréhension ni la capacité de voir s’ils correspondent à des envies ou goûts à découvrir dans le temps.

Une forme de mimétisme permet de se rassembler en se ressemblant: mêmes idoles; mêmes marchandises; mêmes comportements, calqués sur d’autres, jeunes ou moins jeunes. Cette mode vise à gommer les apparences, tout en maintenant des différences sociales, notamment entre genres: les femmes doivent plaire, les garçons doivent être séduisants.

Un dernier effet à redouter est que les jeunes risquent de perdre l’habitude d’être eux-mêmes, avec un corps différent des standards qu’on leur présente. Ils risquent de ne pas évoluer vers une sexualité accomplie à leur rythme.

En d’autres termes, se profile le risque d’un mal-être psychologique durable, indépassable et qui perdurera une partie de la vie.

Certaines émissions de téléréalité le disent sans le vouloir: ce sont aussi des machines à standardiser et à frustrer.

Pour faire face à une telle situation, trois propositions sont avancées. Il convient de développer l’éducation aux médias, de faire contribuer aux dépenses de formation et d’information l’industrie qui profite de cette hypersexualisation et de créer des outils à partir de bonnes pratiques partagées au service de ceux qui veulent promouvoir une approche globale du développement des enfants et des jeunes.

Ces suggestions recoupent clairement les préconisations du projet de résolution.

L’éducation aux médias ne doit pas être considérée comme une affaire subsidiaire; elle doit au contraire relever d’une démarche globale, construite et pilotée en lien avec les apprentissages fondamentaux. Il faut lui réserver du temps, un espace bien identifié au moins pendant quelques années.

Il faut aussi mettre l’accent sur la pratique en s’appuyant sur des partenaires professionnels et développer la formation d’enseignants référents.

Parallèlement, il faut engager une réflexion sur les moyens de promouvoir d’autres images et d’autres regards. Faire en sorte que ceux qui s’enrichissent avec des manifestations, des publications, des échanges mettant en scène des enfants dont l’apparence est sexualisée contribuent à rééquilibrer par d’autres campagnes et pratiques éducatives l’image des enfants et à financer la recherche sur les effets de leur commerce apparaît comme une démarche pertinente. La création d’une taxe résiduelle pourrait contribuer à cet objectif.

Enfin, il conviendrait non seulement de développer les meilleures pratiques contrariant cette hypersexualisation mais aussi de les capitaliser, de les partager en créant une sorte de boîte à idées, de plate-forme sur internet permettant de valoriser ce qui est fait et de le proposer aux autres acteurs.

Il conviendra de suivre avec attention l’évolution de cette question.

Mme BONET (Andorre)* – Je tiens à remercier Mme de Boer-Buquicchio pour sa contribution sur ce rapport particulièrement important. Je remercie également M. Ghiletchi de l’important travail qu’il a effectué pour réaliser ce rapport.

L’hypersexualisation est un phénomène auquel on assiste au quotidien. La campagne «UN sur CINQ» que nous avons lancée a déjà porté ses fruits, car des actions ont été engagées dans les pays où elle a été diffusée.

Dans notre pays, nous avons organisé une conférence sur l’impact d’internet sur la perception des sujets sexuels par les jeunes. Nous avons en effet compris que ce thème doit être abordé de différentes manières. Il faut agir au niveau de l’éducation des jeunes et des adolescents dans les collèges, car on ne peut traiter ce problème de manière isolée. On ne peut le traiter d’une façon pour les jeunes filles et d’une autre pour les jeunes garçons. Ce n’est qu’en adoptant un traitement conjoint que nous aurons une véritable perception des points de vue des uns et des autres, des femmes par rapport aux hommes et des hommes par rapport aux femmes.

J’ai deux enfants, l’un de 16 ans, l’autre de 10 ans. Voilà trois ans environ, je me suis rendu compte que mon garçon de 16 ans consultait un site pornographique. J’ai tout d’abord été totalement surprise, puis j’ai commencé à essayer de lui faire prendre conscience du sens de ces images, de la valeur de leur contenu et de ce qui se cachait derrière leur fabrication et leur diffusion. Je pense qu’il a saisi l’idée; du moins, c’est ce qu’il m’a fait comprendre par la suite.

Par ailleurs, je me suis aperçue que des actions et des activités étaient développées au collège pour que les jeunes gens verbalisent leur perception les uns des autres, notamment leur perception sexuelle.

Nous, parlementaires, discutons session après session de la nécessité de la parité de genre et de l’image de la femme. Pourtant, lorsqu’on regarde la télévision, on constate que l’image de la femme est particulièrement sexualisée et très peu professionnelle. C’est ce qu’affirmait aujourd’hui l’un de nos collègues de la commission: dans les films, les séries télévisées, les producteurs mettent en avant une image de la femme totalement faussée.

Il faut donc vraiment agir, travailler en adoptant un point de vue général et en mettant en œuvre toute une série d’actions qui permettront de traiter le problème dans différents contextes. Ce doit être le cas notamment au sein de la famille, avec les parents, qui peuvent avoir une conception différente. Je parle souvent avec mes enfants pour savoir quels programmes ils regardent, car je veux savoir s’ils en tireront une vision inadaptée des rapports sexuels ou de ce qu’est l’amour au sein d’un couple. D’autres parents pourront à l’inverse considérer ces conceptions comme normales.

Il importe donc de déterminer ce qui est correct et ce qui ne l’est pas. C’est à nous de travailler dans ce sens.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni)* – L’hypersexualisation des enfants concerne surtout les jeunes filles et renvoie à la représentation stéréotypée des femmes dans les médias, les publicités, les films d’Hollywood. C’est ce qui influence les jeunes.

Dans les grandes productions hollywoodiennes, un acteur sur trois uniquement est une femme. Les femmes sont présentées comme secondaires, elles sont les faire-valoir des hommes. Il n’y a presque aucun exemple de femmes parlant à d’autres femmes de manière intelligente dans les films.

En 2014, on a en effet constaté que seuls 2 % des metteurs en scène sont des femmes, 11 % des scénaristes et 19 % des producteurs. Seules 17 % des personnes montrées dans les scènes de foule sont des femmes, et 22 % des travailleurs sont des femmes sur le grand écran. Ces chiffres sont à la base de ce problème endémique de présentation faussée des femmes par les hommes. Dans tous ces films, 10 % des élus, des avocats, des juges sont des femmes, 5 % des professeurs d’université sont des femmes, 4 % des sportifs sont des femmes.

On nous impose donc matin, midi et soir cette femme qui ressemble plus à une Barbie qu’à autre chose et qui n’a rien à dire. Ces représentations finissent par faire leur chemin dans l’esprit des jeunes.

Par ailleurs, la proportion de femmes parlementaires aux Etats-Unis est de 17 %, et il y a dans ce pays un peu plus de femmes cadres supérieurs qu’en Europe. Les actrices comme Emma Watson, par exemple, sont davantage présentées comme des objets sexuels que des personnes réelles.

Il importe de diffuser ces chiffres, de faire pression sur l’industrie cinématographique pour améliorer la représentation de la femme, pour que soient montrées des femmes réelles, intelligentes, dont le rôle n’est pas uniquement d’aimer et d’être belles. Le courage, notamment, n’est pas une qualité réservée aux hommes. Il faut rompre avec cette approche paternaliste de l’hypersexualisation et agir maintenant.

Mme LOUHELAINEN (Finlande)* – Le pouvoir du marketing des médias de masse touche tous les enfants dès leur plus jeune âge.

Les images d’un monde parfait sont présentes dans les films, les émissions télévisées, et sont accompagnées d’un certain nombre de produits dérivés. Pour les jeunes filles, la beauté et certaines attitudes sont un modèle créé par les médias de masse et le marketing dont la recherche a montré qu’il pouvait avoir un impact négatif sur l’estime de soi des enfants et des jeunes.

Nous savons qu’au cours de nombreuses étapes de son développement, l’enfant est particulièrement vulnérable. Il est difficile de protéger les enfants de phénomènes tels que les médias sociaux, la violence diffusée dans les films, à la télévision et dans les jeux vidéo et l’hypersexualisation des enfants.

Les enfants, en Finlande, connaissent relativement bien les dangers liées à internet. Ils sont informés de ce qui se passe dans les médias, et cela dès leur plus jeune âge. La capacité d’analyser de manière critique ce qu’ils voient, entendent et lisent est essentielle. C’est particulièrement important au regard de la désinformation qui a cours sur internet, et que les adultes eux-mêmes ont parfois du mal à identifier.

En Finlande, il existe quasiment 100 organisations visant à promouvoir l’information sur les médias. Cela s’ajoute aux actions entreprises dans le cadre du système éducatif, mais aussi dans les bibliothèques et d’autres services culturels publics.

L’importance de cette information est également soulignée dans un grand nombre de politiques menées au niveau national, en particulier l’éducation. L’Institut audiovisuel national a l’obligation juridique de promouvoir l’éducation aux médias, de développer les compétences des enfants face aux médias et de créer un environnement sûr pour les enfants. En outre, il contrôle les programmes audiovisuels.

L’Agence de la concurrence et de la consommation édicte quant à elle des lignes directrices en matière de marketing qui visent à protéger les mineurs. De plus, le respect des droits des enfants est contrôlé par le médiateur pour les enfants.

Les forces de l’ordre sont également actives sur les réseaux sociaux pour assurer leur visibilité et renforcer l’interaction entre la police et la population. Nous considérons que la présence en ligne de la police fait partie de son action préventive.

Un enfant qui joue, c’est en réalité un enfant qui travaille: par le jeu, il acquiert et développe des compétences. Les adultes ont la responsabilité d’aider les mineurs à acquérir les compétences leur permettant de prendre toute leur place dans nos sociétés. Il est important que nous nous intéressions aux activités quotidiennes de nos enfants et de nos jeunes – sur les réseaux sociaux comme dans la vie réelle.

Mme GUNNARSDÓTTIR (Islande)* – Tous les enfants ont le droit à une enfance sûre et qui les aide à se construire. Ils ont le droit de grandir normalement et de devenir des adultes capables d’entretenir des relations sociales normales et d’être des citoyens actifs au sein d’une société démocratique. Malheureusement, tel n’est pas le cas pour de nombreux enfants qui sont exposés à de nombreuses menaces ou vivent dans l’insécurité, parfois même dans une horreur indescriptible. Nous avons le devoir de prêter attention à la situation de ces enfants et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour changer leurs conditions d’existence.

Je voudrais aborder plus particulièrement la question de l’hypersexualisation des enfants, en particulier des jeunes filles, ce qui recouvre la représentation des enfants dans un contexte sexuel. Nous sommes quotidiennement confrontés à ce phénomène, de manière directe et indirecte. Ses pires manifestations se trouvent évidemment dans l’industrie pornographique, mais on sait bien que la publicité présente souvent les enfants dans un contexte sexuel, parfois de manière brutale quoique subtile, parfois aussi sous la forme de photos certes grotesques mais qui peuvent stimuler les appétits les plus vils. Dans d’autres cas encore, les stéréotypes de genre sont exaltés et sanctifiés.

Les deux sexes ne sont bien entendu pas identiques et il faut respecter les différences. Lorsque les jeunes filles reçoivent constamment des messages tendant à leur faire penser qu’elles sont avant tout des objets sexuels pour les hommes, cela a un impact sur l’estime qu’elles ont d’elles-mêmes, ce qui peut diminuer leurs chances de s’épanouir normalement. Cela peut également affecter leurs performances à l’école et, plus tard dans leur vie, leur carrière – sans même parler des conséquences sur leur santé mentale.

À mon sens, il est donc très important d’encourager les Etats membres du Conseil de l’Europe à étudier la question de manière plus approfondie, à adopter une législation adaptée afin d’éradiquer l’hypersexualisation des enfants, ce phénomène honteux, et d’éduquer le public à la façon dont on peut lutter contre. La Convention de Lanzarote peut également être un mécanisme de protection très puissant, à supposer toutefois qu’il soit mis en œuvre comme ses auteurs l’avaient prévu.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

Madame de Boer-Buquicchio, souhaitez-vous réagir aux propos des orateurs?

Mme LA RAPPORTEURE SPÉCIALE DES NATIONS UNIES* – Beaucoup de choses ont été dites. Selon moi, l’idée essentielle est la suivante: les enfants sont confrontés à des images où leur identité sexuelle est mise en avant, de manière parfois outrée, notamment en ce qui concerne les filles, auxquelles on fait comprendre qu’elles sont inférieures aux hommes. On en trouve un grand nombre d’exemples dans la publicité, mais aussi au cinéma, dans la mode ou encore dans le monde de la musique. De toute évidence, il est indispensable d’aborder cette question, et ce de manière globale. Il convient de réfléchir plus avant aux causes profondes de tels phénomènes.

Je voudrais souligner également l’importance de l’éducation. Je vous recommande particulièrement, à cet égard, de prendre connaissance du magnifique travail réalisé par l’Unesco au sujet des violences liées à l’orientation sexuelle. Ce travail impartial est fondé des études scientifiques.

Je ne pense pas que nous devions contrôler les technologies de l’information et de la communication mais, comme l’ont dit certains orateurs, il est indispensable de mettre en place un mécanisme de responsabilisation d’un certain nombre de sociétés, par exemple dans le cadre des lignes directrices des Nations Unies sur la responsabilité sociale des entreprises. Cela permettrait d’assurer une meilleure protection des enfants à l’égard de l’hypersexualisation, laquelle représente un véritable risque: les enfants peuvent subir des abus ou d’être victimes d’une exploitation ou de la maltraitance.

Les enfants ne sont pas des choses, des objets, des marchandises. Ils ne doivent en aucun cas être utilisés à quelque fin sexuelle que ce soit. La société doit absolument les protéger de ce fléau, tout en sachant que les enfants eux-mêmes ont évidemment voix au chapitre. S’il est indispensable de faire en sorte qu’ils se protègent eux-mêmes, c’est d’abord à nous, adultes, de les défendre.

LA PRÉSIDENTE – J’appelle maintenant la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, vous disposez de 4 minutes pour répondre aux orateurs.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – Je remercie tous les intervenants, que j’ai écoutés avec beaucoup d’attention.

Je remercie particulièrement Mme de Boer-Buquicchio, rapporteure spéciale des Nations Unies, pour sa présence ici. Madame, votre expérience nous est très précieuse.

Je remercie également Mme Fataliyeva, rapporteure générale de l’Assemblée sur les enfants.

Votre soutien nous envoie un message clair, à savoir que ce rapport était nécessaire et qu’il sera utile aux Etats membres.

Permettez-moi d’exprimer mon regret et ma déception de constater que le porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe pense que notre Assemblée ne devrait pas adopter ce rapport. Il a dit que ce rapport était un peu comme un code moral. Mais, cher collègue, je vous renvoie à la Convention de Lanzarote, qui a connu le plus grand succès auprès des Etats membres. Je peux vous assurer que mon rapport fut rédigé dans l’esprit de cette convention.

Lors nous parlons de poursuites et de responsabilités, comme l’a dit Mme de Boer-Buquicchio, tout cela découle de la Convention de Lanzarote. Je ne comprends donc pas très bien cette critique, mais peu importe.

M. Jónasson a évoqué le rôle des médias en la matière. Il n’a pas été le seul. L’amendement que nous avons accepté affaiblit le libellé, mais constitue un bon compromis. Je crois toutefois que les médias sont véritablement responsables. On ne peut ignorer le rôle qu’ils jouent en la matière. Certes, il faut trouver une approche équilibrée et veiller à respecter la liberté d’expression, mais n’oublions pas que ce que font les médias, notamment lors de campagnes publicitaires, est totalement inapproprié. À ce propos, je regrette que l’emploi de l’adjectif «inapproprié» ait été mal compris.

Pour ce qui est du rôle des parents que M. Howell a souligné, et je m’en félicite, comme je l’ai dit dans mon intervention, nous avons une vision différente du rôle des parents. Nous devons surtout réfléchir à la façon dont nous pouvons les aider à rendre leur enfant autonome. Personne ne minimise ici le rôle des enseignants et de l’école, mais tous doivent travailler ensemble, comme deux mains qui guideraient un enfant.

Avant de conclure, je remercie tous ceux qui se sont exprimés en faveur de ce rapport. Si certains souhaitent voter contre, libre à eux. Mais, à mon avis, nous devons absolument envoyer à nos pays et à nos gouvernements, par le biais de la recommandation qui vous est soumise, un message pour souligner l’importance de ce sujet. On ne peut admettre cette tendance qui est de plus en plus présente dans notre Europe moderne.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Mesdames et Messieurs, j’adresserai pour commencer un grand merci à Mme de Boer-Buquicchio pour sa présence parmi nous aujourd’hui et pour nous avoir fait part de son expérience et de son savoir.

Je suis heureuse que notre commission ait pu se pencher sur cette question. Cela nous permet de mieux comprendre en quoi est choquante la transformation de certaines petites filles en Lolitas. On les maquille à l’excès, on les affuble de vêtements qui ne correspondent absolument pas à leur âge. Ce type de comportements peut représenter un abus en soi ou mener à des abus. Ces enfants sont hypersexualisés dans leur apparence, ce qui ne correspond pas du tout à leur âge. Il est indispensable de sensibiliser tout un chacun à cette question, les enfants, mais aussi les parents, comme l’a souligné le rapporteur.

Nous devons absolument donner aux enfants la possibilité de comprendre les tendances actuelles, notamment le sexting, ce harcèlement d’un nouveau type. Vous le savez, les enfants passent beaucoup de leur temps à l’école, avec leurs amis, parfois plus de temps qu’avec leur famille. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de les sensibiliser à ce qu’ils vont avoir à affronter par le biais des réseaux sociaux, entre autres. L’éducation, la formation, la sensibilisation à ces questions devraient passer par l’école.

J’espère que l’Assemblée adoptera ce rapport.

J’aimerais également que vous conserviez présente à l’esprit l’idée selon laquelle l’enfant lui-même doit pouvoir être sensibilisé à ces questions. Nous devons l’éduquer. Le Conseil de l’Europe s’est rallié à l’excellent programme de Lanzarote, grâce auquel nous allons pouvoir faire prendre conscience de ces questions.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 4 amendements ont été déposés, et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 4.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – Les images sexualisées sont bien souvent des images de filles, mais les garçons sont également concernés. Ces images qui présentent les enfants comme des objets, touchent tous nos enfants, qu’ils soient garçon ou fille.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – Chers collègues, les données parlent d’elles-mêmes. Cela n’a rien à avoir avec la stigmatisation des filles ou des femmes. Les experts de l’Association américaine de psychologie qui sont venus devant notre commission nous ont présenté des données allant de ce sens et les études montrent clairement que les filles sont vulnérables. Maintenir ce membre de phrase au paragraphe 1 vise simplement à sensibiliser à cette question.

C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de voter contre cet amendement.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission est défavorable à l’amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 1.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – Cet amendement vise à renforcer le texte en insistant sur le fait qu’un des aspects les plus problématiques des approches médiatiques est la promotion permanente de stéréotypes liés au genre, d’images de femmes, d’hommes, de garçons, de filles exagérées ou sexualisées de manière non adaptée.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de le soutenir.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – Je souhaiterais proposer un sous-amendement oral, sachant que le résultat du vote en commission sur l’amendement était assez serré.

Je propose de remplacer les mots « stéréotypes liés au genre» par les mots «stéréotypes négatifs», car ce rapport ne porte pas sur les stéréotypes liés au genre, mais plutôt sur ceux véhiculés par les médias. Utilisons donc une formulation plus inclusive.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – Je suis opposée à ce sous-amendement dans la mesure où la commission m’a suivie sur l’amendement. Il s’agit vraiment de stéréotypes liés au genre.

LA PRÉSIDENTE – J’estime que ce sous-amendement n’est pas recevable au regard des critères du Règlement, notamment de l’article 34.7.

Nous revenons à l’amendement 1.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – L’avis de la commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 1 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 2.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – Il s’agit de remplacer le paragraphe 4.4, qui est assez vague, et qui porte sur les outils et les informations à fournir. Tous les experts et expertes internationaux mettent en avant le concept d’une éducation sexuelle et relationnelle, concept promu par le Conseil de l’Europe lui-même depuis plusieurs années, et bien reçu par la plupart des Etats membres. Il s’agit d’inclure le concept d’éducation dans ce paragraphe qui concerne l’école.

LA PRÉSIDENTE – La présidence a été saisie par la commission du sous-amendement oral suivant: «À l’amendement 2, supprimer les mots “sexuelle et relationnelle”.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – L’objectif de ce rapport est d’offrir des programmes d’éducation ciblée, dans le but d’informer les enfants de la réalité de la pression à laquelle ils sont soumis au quotidien, dans les médias, à l’école, et dans d’autres contextes, et de les protéger de toute attention sexuelle non souhaitée. Il vaut mieux s’en tenir à des programmes ciblés, plutôt que de parler de programmes d’éducation sexuelle et relationnelle.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – L’explication qui vient à l’appui de mon amendement explique clairement pourquoi je suis opposée au sous-amendement oral. Il est important, dans cette résolution, qu’apparaisse au moins une référence à l’éducation sexuelle dans le contexte scolaire. Je rejoins ainsi toutes les instances internationales qui s’occupent des droits de l’enfant.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – L’avis de la commission est évidemment favorable.

Le sous-amendement oral n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en revenons à l’amendement 2 non modifié.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – Rappel au Règlement. Je suis contre cet amendement dans la mesure où le sous-amendement n’a pas été adopté. Cela a été décidé en commission. Je pense qu’il était important que l’Assemblée en soit informée.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – L’avis de la commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 2 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 3.

M. JÓNASSON (Islande)* – Cet amendement propose des changements mineurs. Mais ce sont des nuances qui nous tiennent à cœur. Nous voulons encourager les organes de contrôle, les secteurs des médias et de la publicité à assurer la protection de la dignité humaine. Nous encourageons ainsi la coopération et la cohésion plutôt que la coercition.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 3 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14080, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (69 voix pour, 8 voix contre et 5 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14080. Je rappelle que la majorité des deux tiers des suffrages est requise.

Le projet de recommandation est adopté (69 voix pour, 8 voix contre et 4 abstentions).

5. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Royaume-Uni (Résultat du scrutin)

LA PRÉSIDENTE – Voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni.

Nombre de votants: 159

Bulletins blancs ou nuls: 1

Suffrages exprimés: 158

Majorité absolue: 80

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. Tim Eicke: 94 voix

M. Murray Hunt: 17 voix

Mme Jessica Simmor: 47 voix

M. Eicke ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame élu juge à la Cour européenne des droits de l’homme. Son mandat de neuf ans commence à partir du 7 septembre 2016 et en tout cas dans pas plus de trois mois à compter de son élection.

Mme Schou, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Mme Mateu au fauteuil présidentiel.

6. Les femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité,
mettre fin aux violences fondées sur le genre

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme Blondin, au nom de la commission sur l’égalité, sur «Les femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre» (Doc. 14073).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme BLONDIN (France), rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination – En cette fin d’après-midi où nous avons beaucoup entendu et beaucoup travaillé, je vais vous demander encore quelques instants d’attention, mes chers collègues. J’ai en effet le grand plaisir de vous présenter ce rapport sur la place des «femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre». Il s’agit d’un rapport tout à fait inhabituel pour notre Assemblée. En effet, nous n’avons pas l’habitude d’évoquer les forces armées au sein du Conseil de l’Europe, mais il s’agit ici de parler des droits humains, de l’égalité de genre et de l’égalité professionnelle. Notre Organisation est donc tout à fait dans son rôle.

Quel est le contexte? Les forces armées se professionnalisent, leurs missions évoluent et elles ont besoin de personnels, de femmes et d’hommes compétents. Or les femmes arrivent dans un milieu créé par et pour des hommes, ce qui constitue un climat plutôt hostile pour elles et plus propice au harcèlement et aux abus. En outre, depuis cinq ans, des cas de harcèlements et d’abus sexuels à l’égard des femmes dans les forces armées ont éclaté au grand jour dans certains pays. Les médias s’en sont saisis, et la société civile également, sans parler de situations en interne qui restent méconnues.

Que peut-on faire pour changer les mentalités et les conditions de vie, et au-delà pour améliorer les carrières des femmes? Car il faut bien le reconnaître, elles sont encore trop peu nombreuses à des niveaux supérieurs. De plus, elles ont des durées de carrière deux fois plus courtes que celles de leurs collègues masculins. On peut s’interroger sur les raisons de telles différences.

Les forces armées de nos différents pays doivent tout d’abord changer les modes de recrutement afin de les rendre plus ouverts et de les débarrasser des stéréotypes. Mes deux déplacements en Norvège et à l’Otan, à Bruxelles, l’ont confirmé. La Norvège, Madame la Présidente, mène une politique novatrice dans ce domaine. Et l’Otan, via la Résolution 1325 sur les femmes, la sécurité et la paix, a défini un plan d’action précis.

Changer les modes de recrutement est certes nécessaire, mais il faut surtout changer les mentalités. Ce n’est pas le plus facile au sein des forces armées et cela demande plus de temps. La hiérarchie doit être particulièrement sensibilisée, du plus haut niveau jusqu’au rang le plus inférieur, sans oublier la formation et les formateurs dans les écoles militaires, qui doivent travailler sur l’égalité de genre et le respect des diversités. Le rôle de la hiérarchie est primordial pour assurer un tel changement.

Mieux articuler la vie privée et la vie professionnelle est une autre priorité, avec la mise en place de mesures d’accompagnement des militaires femmes et hommes. Il faut aussi repenser des trajectoires plus souples. De telles mesures contribuent à un climat plus favorable à l’intégration des femmes dans les forces armées et à l’épanouissement de tous les militaires dans leurs missions. Toutes ces évolutions permettront d’enrayer les violences et les douloureuses affaires qui ont surgi dans les médias de quelques pays.

Permettez-moi de rappeler ce que disait le Comité des Ministres en 2010: «Ces agissements étaient courants dans les forces armées». Il rappelait par ailleurs que «l’on ne peut pas attendre des membres des forces armées qu’ils respectent les droits humains dans leurs opérations s’ils ne respectent pas les mêmes droits à l’intérieur même de leur armée.» Les gouvernements en ont tiré des enseignements et ont mis en place des mécanismes d’alerte, de plainte, d’aide et d’accompagnement des victimes et de sanctions pour les auteurs. La tolérance zéro est devenue le mot d’ordre. Cela va d’ailleurs dans le sens de notre Convention d’Istanbul, qui doit être ratifiée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Enfin, chacun de nous, nous devons agir dans nos propres parlements et utiliser tous les moyens législatifs en notre possession pour faire avancer les choses, et surtout pour suivre les évolutions.

Je voudrais vous donner un exemple récent. Le 15 juin dernier, au Canada, la brigadier-général Jennie Carignan est devenue la femme la plus haut gradée de l’armée canadienne dans les armes de combat. Elle a trente ans de service et elle a participé à des opérations extérieures. Si elle a pu accéder à ce très haut niveau, c’est en partie grâce à des mesures favorisant l’intégration des femmes, et bien sûr aussi grâce à ses qualités personnelles. L’une de ses collègues, la contre-amiral Jennifer Bennet le confirme en affirmant: «Les portes des forces armées, jadis fermées aux femmes, leur sont désormais grandes ouvertes!». Hélas, ces exemples sont encore trop limités.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, transformer la mentalité des armées ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Il ne suffit pas d’ajouter une petite pincée de femmes, de mélanger, pour que cela soit prêt! Non, il faut repenser les structures et les pratiques pour que chacune et chacun puissent donner le meilleur et s’épanouir dans son engagement. Dans le monde actuel, nous avons plus que jamais besoin de nos forces armées, composées de femmes et d’hommes, efficaces et respectueuses des droits humains, responsables et courageuses. Je les remercie sincèrement pour leur engagement au service de la sécurité et du maintien de la paix.

LA PRÉSIDENTE* – Madame Blondin, il vous restera 5 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, permettez-moi de remercier Mme la rapporteure pour son travail.

Nous vivons dans un monde qui n’est toujours pas égalitaire. Pourquoi? Parce que nous vivons toujours dans un système patriarcal; les hommes sont considérés comme étant supérieurs, dans tous les domaines. Une réalité reflétée notamment dans les forces armées.

Pourtant les femmes ont toujours joué un rôle important dans les guerres, les conflits, j’en veux pour preuve le rôle des femmes combattantes kurdes. Elles sont pourtant une minorité dans les forces armées et très peu parviennent aux postes les plus élevés. Il est aujourd’hui indispensable de lutter contre les phénomènes de harcèlement sexuel, de discrimination dans les forces armées; ce type de manifestation ne peut plus être accepté, et nous devons absolument y mettre fin.

L’éducation à l’égalité de genre est évidemment essentielle, mais il est également nécessaire de veiller à ce que les femmes ne fassent plus l’objet de discriminations. Notamment par une meilleure organisation pour les locaux et les équipements, mais également les uniformes. Par exemple, les femmes doivent avoir accès à des lieux pour se changer qui soient séparés de ceux des hommes – et il en va de même pour les dortoirs.

Les forces armées ont tout à gagner en impliquant plus de femmes dans leurs missions. Elles sont de meilleures organisatrices, font plus preuve d’empathie et sont très souvent au premier plan lors des guerres. Dans le droit fil de la Résolution 1325 des Nations Unies, nous devons renforcer le rôle et la contribution des femmes, afin de favoriser l’égalité dans les forces armées, mais également pour qu’elles puissent apporter leur contribution dans la résolution des conflits armés.

Il est indispensable d’élargir, de démocratiser les forces armées, mais également d’élargir le nombre de missions confiées aux femmes; je pense aux catastrophes naturelles, aux accidents dans lesquels sont impliqués des civils, des femmes et des enfants, et pour lesquelles les femmes sont plus efficaces.

Aujourd’hui, les femmes ont du mal à combiner leur travail au sein des forces armées et leur vie de famille, il est donc indispensable de les aider en ce sens.

M. JENSSEN (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Les femmes dans les forces armées, ce n’est pas uniquement une question d’égalité des droits et des responsabilités. Il s’agit également de recruter les meilleurs – les meilleurs hommes et les meilleures femmes – et de veiller à bien les préparer pour mener à bien leurs missions, ô combien importantes pour nous tous.

Il est vrai que les forces armées sont traditionnellement dominées par les hommes, mais elles doivent repenser leur façon de fonctionner, notamment depuis que les femmes y ont fait leur entrée. Il reste de nombreuses choses à changer pour garantir la non-discrimination. Il faut renforcer la participation des femmes, renforcer leur sentiment d’appropriation, créer un environnement propice, développer une culture saine. Pour y parvenir, tous doivent travailler ensemble dans un respect mutuel.

Quand nous parlons de culture saine, cela implique respect des droits, égalité des droits, non-discrimination et absence de toute forme d’harcèlement sexuel ou autre. Or cela ne peut se faire qu’au sein des forces armées elles-mêmes. Il faut éduquer l’ensemble de la société, afin qu’une amélioration puisse se refléter, petit à petit, au sein des forces armées.

Cependant, nous ne pouvons pas simplement attendre qu’une évolution ait lieu. En tant qu’Etats membres nous devons jouer un rôle actif, notamment en adoptant les mesures et les stratégies présentées dans le rapport.

C’est avec fierté que je souligne que la Norvège est le premier pays européen et de l’Otan à avoir introduit un service militaire obligatoire pour les hommes et pour les femmes. Seuls les plus motivés sont sélectionnés et le premier groupe de femmes a pu commencer son service cet été. Nous espérons qu’une telle mesure permettra d’améliorer le recrutement des femmes dans les forces armées et leur permettra d’occuper des postes élevés.

Par ailleurs, l’armée norvégienne a introduit un projet pilote avec ce que nous appelons les «Hunter Troops» au sein des forces spéciales. Enfin, un quota de 50 % de femmes est prévu dans l’armée de l’air.

Voilà quelques exemples de mesures constructives permettant de rendre les forces armées plus attractives pour les femmes et plus accueillantes pour les hommes et pour les femmes.

Je remercie la rapporteure pour son travail.

Mme HEINRICH (Allemagne), porte-parole du Groupe socialiste* – «On ne peut attendre des membres des forces armées qu’ils respectent les droits de l’homme dans leurs opérations si le respect de ces droits n’est pas assuré à l’intérieur même de l’armée». Cette phrase très importante du paragraphe 5 résume parfaitement le rapport de Mme Maryvonne Blondin. Merci Maryvonne pour cet excellent rapport. Un rapport qui nous montre très clairement que les forces armées restent un monde dominé par les hommes et hostile aux femmes.

Discrimination, harcèlement, violences contre les femmes, tout cela est très bien décrit dans le rapport. Un rapport qui formule également des recommandations importantes pour mettre fin à cette situation.

Nous avons une belle occasion d’améliorer les choses, car de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe sont en train d’élaborer des plans d’action nationaux pour la mise en œuvre de la Résolution 1325 des Nations Unies, ou sont en train de réviser leurs plans existants. Rendre les forces armées plus attrayantes pour les femmes est possible grâce à la Résolution 1325. Sa mise en œuvre n’aura pas uniquement des répercussions dans les domaines liés à la politique étrangère, elle en aura également sur la politique intérieure ainsi que sur le processus d’adaptation et d’ajustement des forces armées.

Prenons l’exemple de l’Australie qui, en 2012, a adopté un plan d’action national sur la Résolution 1325. Il comprend des stratégies pour la gestion des ressources humaines dans les forces armées australiennes. D’ici à 2018, seront mis en œuvre les points suivants: un programme de formations pour les points abordés dans la Résolution 1325; un programme prévoyant d’augmenter la proportion des femmes à des postes élevés dans l’armée; un mécanisme de recours pour les femmes; et enfin une enquête sera menée sur tous les signalements et toutes les plaintes portant sur des violences de genre.

Chers collègues, cela est exemplaire. À une époque où les missions de paix des Nations Unies ne cessent de gagner en importance, la promotion du rôle des femmes dans les armées est fondamentale. Les femmes soldats dans les conflits armés améliorent l’efficacité, l’image, l’accès et la crédibilité de la mission auprès des populations autochtones. Elles peuvent être des interlocutrices pour des femmes lourdement traumatisées et peuvent également encourager les femmes à faire valoir leurs droits.

En 2015, Onu Femmes a appelé tous les Etats à se fixer des objectifs précis sur la façon dont ils pourraient renforcer la proportion des femmes dans la chaîne de commandement. C’est donc le bon moment pour que le Conseil de l’Europe se penche sur cette question, traitée dans le rapport de Maryvonne Blondin avec compétence et justesse.

M. GRIN (Suisse) porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Comme le note l’excellent rapport de Mme Blondin, les femmes qui s’engagent dans les forces armées, un milieu essentiellement masculin, sont confrontées à plusieurs problèmes, notamment le harcèlement et les agressions commises dans un environnement propice aux abus, d’où l’importance d’accompagner les victimes lorsqu’elles signalent de tels faits. Le rapport envisage des pistes d’amélioration telles que l’ouverture aux femmes, dans la mesure du possible, de l’ensemble des postes dans tous les corps des forces armées, moyennant des mesures cohérentes visant à faciliter la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Il cite de nombreuses études qui seront très utiles à l’ensemble des Etats membres.

Il est devenu crucial de renforcer les efforts déployés pour prévenir et combattre le harcèlement et les violences commises contre les femmes dans les forces armées. Les missions confiées aux forces armées sont de plus en plus diversifiées; de ce fait, il faut adapter les campagnes de recrutement pour éliminer les stéréotypes et attirer davantage de femmes dans ce secteur, car il sera d’autant plus aisé de lutter contre les violences dont elles sont victimes que leur nombre augmente. Le recrutement et le maintien au sein de leur personnel d’un plus grand nombre de femmes sont ainsi devenus des enjeux majeurs pour toutes les forces armées. Mme Blondin a évoqué tous ces points dans son rapport.

Le projet de résolution, adopté à l’unanimité par la commission, propose des pistes et des solutions concrètes pour remédier à l’état de violence illégitime que subissent les femmes qui s’engagent dans ce milieu majoritairement masculin, car elles ont aussi le droit de servir leur pays dans la dignité!

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan) porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – L’époque où les femmes étaient reléguées à la cuisine et auprès des enfants est révolue. Les femmes engagées en politique n’ont plus rien d’extraordinaire. Bien que la présence des femmes dans les forces armées soit ancienne, cette tendance s’est consolidée au cours des dernières décennies. L’augmentation du nombre de conflits dans le monde a forcé les femmes à modifier leurs modes de vie et à s’engager davantage dans les forces armées. Il est temps d’examiner leur situation de ce point de vue.

Ce rapport reflète l’égalité de fait qui existe entre les femmes et les hommes dans un nombre croissant de sphères de la société, par exemple aux fonctions dirigeantes de l’Etat, mais aussi les discriminations que subissent encore les femmes dans les forces armées. Les violences dont elles sont victimes prennent des formes variées, qu’elles soient psychologiques ou physiques et sexuelles – viols et tentatives de viols, pression psychologique permanente, litanies de blagues obscènes…

Autre problème: les femmes doivent bénéficier de conditions et de services sociaux particuliers, notamment lorsqu’elles sont déployées sur un théâtre d’opérations, quelle que soit l’intensité des combats. Il faut par exemple adapter l’organisation des tâches des femmes sur les bâtiments militaires et les sous-marins.

Pour que les femmes s’engagent en nombre croissant dans les forces armées, elles doivent y trouver des conditions favorables. Je suis particulièrement sensible à la proposition de Mme la rapporteure d’installer des conseillers sur le genre dans l’armée.

M. FRÉCON (France) – Je remercie Mme Blondin pour son rapport très complet sur un sujet qui reste encore largement méconnu.

Je voudrais saisir cette occasion pour présenter la situation en France, où la mixité au sein des armées est désormais une réalité, au point que l’armée française ne pourrait plus fonctionner sans les 34 000 femmes qui y travaillent. En effet, l’armée française est l’une des plus féminisées du monde occidental et la place des femmes y a connu une progression constante depuis une douzaine d’années. Cette situation résulte largement de la professionnalisation des armées, comme l’a indiqué Mme la rapporteure. Toutefois, les femmes demeurent faiblement représentées parmi les officiers.

Pour autant, le ministère de la Défense participe pleinement à la politique interministérielle en matière de parité et d’égalité entre les femmes et les hommes. À cette fin, il a arrêté un plan d’action pour la période 2013-2017. Cette feuille de route comporte plusieurs axes. Le premier concerne la politique des ressources humaines, en particulier la formation initiale et continue, ainsi que le renforcement de l’encadrement féminin. L’idée est de constituer un vivier de recrutement de femmes susceptibles d’être investies de hautes responsabilités, tout en permettant de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Deuxième axe: améliorer la connaissance statistique de la situation des femmes au sein du ministère de la Défense. Un observatoire de la parité spécifique à ce ministère a été créé. La place des femmes dans le lien entre l’armée et la nation est valorisée, par exemple à l’occasion de la Journée de défense et de citoyenneté, à laquelle 93 % des jeunes d’une classe d’âge participent chaque année. Les anciennes combattantes sont également mises à l’honneur: il est important qu’elles puissent bénéficier autant que les hommes de la reconnaissance de la nation.

Le troisième axe de la feuille de route concerne la participation du ministère de la Défense à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes. Sur ce sujet que notre rapporteure a soulevé à juste titre, le ministère de la Défense a conduit un travail très approfondi sur les cas de harcèlement, d’agressions et de violences sexuelles dans les armées, suite à la révélation par la presse d’inquiétants faits divers. Le ministre de la Défense français en personne a clairement rappelé à tous que le seul principe valable est celui de la «tolérance zéro». Un plan d’action a été élaboré qui associe prévention, mesures de transparence, sanctions et accompagnement. En effet, il est important que les victimes reçoivent une réponse institutionnelle. La hiérarchie militaire doit comprendre qu’il est de son devoir de sanctionner le manquement disciplinaire. Il faut aussi améliorer l’accompagnement dans la durée des victimes, qui se sentent trop souvent abandonnées par l’institution, alors qu’elles ont besoin d’être aidées à se réinsérer au mieux dans la vie professionnelle.

Mme PALIHOVICI (République de Moldova)* – Je remercie Mme la rapporteure pour son travail profond sur un sujet essentiel. Nous parlons d’égalité dans le monde entier, mais il demeure certains territoires où la question est encore inexplorée.

Tout pays doit commencer par évaluer la situation telle qu’elle est: le harcèlement et les violences faites aux femmes existent. Nous devons y opposer le principe de la «tolérance zéro», prévenir et combattre les violences sexistes et créer les mécanismes permettant de les punir. Hélas, le harcèlement des femmes demeure fréquent et ne se cantonne pas aux forces armées. Comment expliquer qu’au XXIsiècle, le harcèlement et les abus sexuels ne soient toujours pas punis par la loi dans certains pays?

Il est vrai que les femmes qui s’engagent dans les forces armées se retrouvent dans un environnement conçu par et pour les hommes, mais cela n’excuse en rien la persistance des discriminations.

Comme dans tous les autres domaines, la condition préalable pour réussir sa carrière est de recevoir une bonne formation. C’est pourquoi nous devrions insister, au niveau national, sur la promotion de l’enseignement de la dimension du genre dans toutes les étapes de la formation militaire et veiller à ce que les femmes et les hommes aient accès à toutes les formations possibles dans les académies militaires.

Dans les pays en transition démocratique, notamment dans l’aire postsoviétique, il faut promouvoir le recrutement des femmes dans les forces armées et leur permettre de faire une carrière. Des politiques doivent également être élaborées pour recruter les femmes, les inclure, leur permettre de remplir les fonctions dont elles étaient exclues. Il faut plus de femmes dans les opérations de maintien de la paix, et il faut aider les femmes qui rejoignent les forces armées à occuper des postes plus au contact des populations civiles, car cela facilite le dialogue et la recherche de solutions aux conflits armés.

Si, comme au sein du Parlement de la Moldova, il n’existe pas d’organismes compétents en la matière, il faut créer des commissions spécifiques, comme celle qui existe en Norvège; c’est extrêmement important. Il faut aussi que des plans d’action nationaux soient adoptés.

Nous devrions également mentionner la Résolution 1325 adoptée en 2000 par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui souligne l’importance de la participation égale et pleine et entière des femmes aux opérations de règlement des conflits, de maintien de la paix. Nous sommes très préoccupés: cette résolution n’est pas totalement mise en œuvre et, nous avons pu le voir ces dernières années, le nombre de conflits augmente.

Je crois que nous devons absolument mener un travail de sensibilisation auprès des différentes parties prenantes afin que des initiatives soient prises pour parvenir aux objectifs de «Femmes, paix et sécurité». Et n’oublions pas que, si la sonnette d’alarme est tirée, c’est bien souvent grâce aux efforts d’un seul membre du Parlement, d’un pionnier ou d’une pionnière, d’un citoyen ou d’une citoyenne, telle Nadiia Savchenko. C’est ce qui nous permet de commencer à agir.

Mme WURM (Autriche)* – Je tiens à remercier Maryvonne Blondin pour cet excellent rapport, mais aussi pour avoir choisi d’aborder ce sujet. Cela fait longtemps que je siège au sein de cette Assemblée et je ne me souviens pas que nous ayons jamais abordé la question de la parité au sein des forces armées. Je me réjouis que nous en ayons enfin l’occasion parce que, pour l’instant, la parité n’y a pas cours.

Un collègue a cité l’exemple de la France; je prendrai celui de mon pays. Ce n’est qu’en 1998 que l’Autriche a donné aux femmes la possibilité de s’engager dans l’armée; nous avons donc beaucoup de retard et ne comptons guère de femmes dans les rangs de notre armée. Cependant, depuis 2014, nous comptons tout de même une femme général. Les choses évoluent lentement, mais de petits progrès doivent déjà être notés.

Nous avons mis en place au sein de l’armée une commission à laquelle les soldates peuvent s’adresser. Une personne chargée des questions de parité joue un rôle de médiation pour toutes les questions liées aux inégalités de traitement entre hommes et femmes. Chaque fois que se posent des problèmes d’avancement, de carrière, de violences contre les femmes ou de harcèlement, la commission s’en charge.

La Résolution 1325 des Nations Unies a déjà été citée à plusieurs reprises. Elle est mise en œuvre quasiment partout, mais on ne lui a pas insufflé suffisamment de vie et de dynamisme. Ce qui manque, c’est le budget. À quoi sert un plan d’action auquel aucun financement n’est pas alloué? Il faut que la Résolution 1325 puisse véritablement devenir réalité.

Une chose me tient particulièrement à cœur: nous devons veiller à ce que les femmes puissent jouer pleinement leur rôle dans le cadre des missions de la paix, qu’elles puissent être assises à la table des négociations lorsqu’il s’agit de rétablir la paix dans un pays. Il faut vraiment une parité au sein des forces armées dans ce cas. Ce pourrait être l’objectif dans ce cadre: une parité réelle, une représentation paritaire des hommes et des femmes.

La guerre, la paix, cela concerne tout autant les femmes. Nous le savons depuis longtemps: chaque fois que les femmes participent, la paix est plus durable, et là où les femmes sont engagées en tant que soldates, elles sont mieux reçues par les populations autochtones. Il faut aussi avoir comme objectif la démocratie par le biais de la parité.

LA PRÉSIDENTE* – M. Jakavonis, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme SAVCHENKO (Ukraine)* – J’ai lu une phrase très importante dans le rapport, selon laquelle l’armée est un monde créé par les hommes, pour les hommes. Je suis totalement d’accord. En Ukraine, nous avons hérité l’armée de l’Union soviétique; c’est un système obsolète, très ancien, contre lequel je me suis battue pendant mes dix ans de service. Nous avons un grand problème: la loi ne dispose nullement que les femmes ont les mêmes droits que les hommes – c’est le ministre de la Défense qui y a veillé. En fait, les hommes ont créé un monde qui marginalisait, qui occultait les femmes pour des raisons totalement inexpliquées.

J’ai essayé quatre fois d’intégrer l’académie militaire pour devenir pilote. On m’a dit que ce n’était pas là la place des femmes, mais j’ai réussi.

Dans notre règlement, au XXIe siècle, il y a encore des renvois sous forme de petites étoiles pour indiquer que les femmes sont admises à tel poste et refusées à tel autre. J’ai réussi, pour moi, à les effacer. Aujourd’hui, députée de la Rada suprême et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’ai fait en sorte que ces petites étoiles n’existent plus!

Parfois, les femmes baissent un peu les bras et laissent le champ libre aux hommes. Il faut absolument lutter contre cela. En Ukraine, au moment de la guerre, les femmes ont montré que, quand elles le veulent, elles peuvent être plus fortes qu’un grand nombre d’hommes. On ne peut pas, aujourd’hui, occulter ce fait.

Il est indispensable d’instaurer une parité dans toutes les structures. Sinon, les gens auront une pensée étriquée. Les femmes ont souvent de meilleures capacités ou compétences que les hommes. Il ne faut pas en abuser, certes, mais les femmes doivent occuper les mêmes postes que les hommes. Si pour s’entraîner, il fallait courir cinq kilomètres, eh bien, je courais les mêmes cinq kilomètres qu’un homme! S’il fallait faire un kilomètre de parcours du combattant, je faisais exactement la même chose que les hommes. Je voudrais que la même logique prévale dans tous les pays.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Ce thème est important pour l’Europe, car voilà maintenant plusieurs décennies que les armées européennes s’ouvrent progressivement aux femmes. Le nombre de femmes recrutées dans les forces armées a augmenté dans de nombreux pays, mais l’environnement militaire ne s’est pas toujours adapté à cette évolution.

Comme cela est souligné dans le rapport, les femmes dans les forces armées sont confrontées à de nombreuses formes de discrimination. Elles rencontrent par exemple des difficultés à accéder aux postes les plus élevés dans la hiérarchie ou à occuper des postes de combattants. Quant au harcèlement et à la violence contre les femmes dans les forces armées, ils ne sont pas inévitables.

Il est vrai aujourd’hui que les femmes sont perçues comme un sujet particulier dans le droit international et jouissent de garanties importantes pour faire respecter leurs droits. Malheureusement, malgré toutes les décisions adoptées dans de nombreuses régions du monde, des millions de femmes continuent d’être victimes de discriminations. C’est totalement en contradiction avec les droits humains fondamentaux. Or tous les citoyens ont le droit de jouir de ces droits, conformément à la constitution et à la législation de leur pays.

En tant que rapporteure générale sur la violence contre les femmes, j’aimerais rappeler ici que cette Assemblée a condamné toute forme de violence contre les femmes et a apporté son soutien dès le début au travail d’élaboration de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dite Convention d’Istanbul. Cette convention couvre tous les types de violence et s’applique en temps de paix comme en situation de conflit armé.

Toutes les femmes doivent être respectées. Toutes doivent pouvoir jouir d’une vie sans peur ni violence. Où qu’elles se trouvent sur cette planète, nous devons veiller à ce qu’elles ne soient pas oubliées.

Les violations des droits des femmes ne peuvent être tolérées, ne peuvent demeurées impunies. Toutes les femmes doivent être protégées contre la violence. Les auteurs de telles violations doivent être traduits en justice. Il faut appliquer la tolérance zéro en matière de violence contre les femmes.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Chers collègues, j’apprécie particulièrement ce rapport sur l’importance de la promotion de l’égalité dans les forces armées et de l’éradication de toute violence fondée sur le genre.

Nous devons tous déployer plus d’efforts pour que les femmes engagées dans l’armée puissent travailler dans un environnement favorable à leur épanouissement, à leur développement et à l’évolution de leur carrière. Le harcèlement contre les femmes dans les forces armées reste un problème très important, et des mécanismes efficaces doivent être mis en œuvre pour y remédier.

En tant que vice-présidente du Parlement de Géorgie et présidente du Conseil pour l’égalité des genres au sein de ce parlement, je pense qu’il est nécessaire de se saisir de cette question. Depuis 2013, les élèves de première année de l’Académie de défense nationale de Géorgie et les élèves de première année de l’Ecole des carrières militaires ont participé à des formations sur la parité sur la base de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Plus d’un millier de militaires ont déjà bénéficié de cette formation. Ce type de programmes éducatifs et de formations sont absolument nécessaires pour veiller à ce qu’il y ait une véritable participation des femmes à tous les niveaux décisionnels et afin d’éliminer toute discrimination contre les femmes.

La Géorgie est impliquée dans diverses missions de maintien de la paix dans différents pays. Depuis 2014, la préparation de prédéploiement du personnel militaire inclut des formations à l’égalité des sexes sur la base des résolutions des Nations Unies. Au cours des deux dernières années, plus de 2 000 soldats géorgiens y ont été soumis dans le cadre des préparations de déploiement pour une mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité.

Nous avons déjà obtenu des résultats concrets. Aujourd’hui, les femmes représentent plus de 7 % du personnel des forces armées de la Géorgie. Une femme est chef de département à l’état-major des forces armées géorgiennes, et pour la première fois dans l’histoire de notre pays une femme occupe le poste de ministre de la défense. Par ailleurs, environ 45 % des fonctionnaires du ministère de la défense sont des femmes.

Nous devons affirmer notre solidarité envers les femmes soldats, qui luttent pour la paix et la sécurité dans différentes régions du monde. C’est notre devoir de faire de notre mieux pour alléger leur tâche, qui est si lourde.

Mme DURANTON (France) – Madame la Présidente, mes chers collègues, je tiens à saluer le travail de ma collègue et compatriote Maryvonne Blondin, dont l’excellent rapport est nourri d’exemples concrets grâce aux contacts qu’elle a pris auprès de l’armée norvégienne et de l’Otan.

Ce rapport nous fait découvrir un sujet extrêmement intéressant bien que peu connu et aborde des thématiques malheureusement récurrentes dès qu’il s’agit de la situation des femmes.

Dans les forces armées comme dans d’autres secteurs de la société, la place des femmes se renforce progressivement, fort heureusement. Elles y font valoir leurs compétences et leur expérience au travers de missions de plus en plus diversifiées. Cela est vrai aussi de la participation à des opérations extérieures, comme en Afghanistan, pour lesquelles il a été démontré qu’elles pouvaient faciliter les contacts avec les populations locales.

Pour autant, les femmes dans les forces armées se heurtent à des difficultés et à des obstacles qu’elles retrouvent dans de très nombreux domaines: cantonnement à des fonctions prétendument féminines; accès réglementé, voire interdit à certaines professions, à l’exemple du corps des sous-mariniers; plafond de verre; difficile conciliation de la vie privée et de l’activité professionnelle; discriminations de toutes sortes; harcèlement, voire agressions sexuelles, et j’en passe.

Tous ces problèmes sont sans doute accentués par le legs de l’Histoire, qui fait de l’armée un milieu traditionnellement masculin où sont valorisés les attributs liés à la virilité. D’ailleurs, aujourd’hui encore, les femmes demeurent très peu nombreuses dans les forces armées et on les retrouve surtout dans certaines activités spécifiques telles que le service de santé.

Dans l’armée comme ailleurs, l’égalité pour les femmes est un long chemin semé d’embûches; nous en savons quelque chose en politique, hélas! Les progrès sont indéniables, mais ils résultent quasiment toujours de mesures volontaristes appuyées sur une détermination politique certaine. C’est le cas en Norvège, un exemple que notre rapporteure expose largement.

Dans les forces armées, on retrouve aussi, et peut-être plus qu’ailleurs, une prégnance des stéréotypes sexués qui constitue sans doute l’obstacle le plus difficile à lever. Les évolutions constatées sont généralement le fait de changements des mentalités, mais ceux-ci sont longs et jamais irréversibles. La perception de l’armée par l’opinion publique et par l’institution elle-même est encore largement influencée par la tradition et les habitudes. On le voit par exemple dans les campagnes de recrutement. Les femmes militaires elles-mêmes intègrent trop souvent ces stéréotypes et se privent ainsi de possibilités d’avancement dans un environnement où elles restent de toute façon une minorité.

Je veux toutefois rester optimiste: le projet de résolution que notre rapporteure nous présente comporte de nombreuses bonnes pratiques et recommandations qui permettraient de faire avancer les choses. L’engagement de la hiérarchie militaire est indispensable pour observer des progrès qui prendront du temps. C’est pourquoi notre Assemblée aurait intérêt à réexaminer ce sujet d’ici à quelques années pour dresser un nouveau bilan de la situation.

Mme DURRIEU (France) – Chère Maryvonne, il fallait un courage certain pour se saisir d’un tel sujet, auquel d’autres n’avaient peut-être même pas pensé.

J’aimerais reprendre à mon compte et avec mes propres termes une très belle phrase qui figure dans le rapport: pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit de servir leur pays au même titre que les hommes? C’est ce droit, légitime, qu’il faut défendre et que les femmes peuvent revendiquer. Un tel engagement personnel, civique, patriotique est suffisamment grand et noble pour imposer le respect aux hommes.

Il est assez banal de l’énoncer, mais nous savons que les femmes sont fortes. L’homme était le guerrier, les femmes le repos, mais nous n’allons pas nous en satisfaire.

Les femmes sont fortes et elles le prouvent dans les moments extrêmement difficiles, en particulier pendant la guerre. Ainsi, en France, pendant la Première Guerre mondiale, tandis que les hommes étaient dans les tranchées, les femmes se sont emparées des usines et ont fait fonctionner les chaînes de fabrication des canons. La même chose s’est produite en 1939 et 1940. Quant à la participation des femmes françaises à la Résistance – je suis la fille de l’une d’entre elles –, ce fut un grand moment; on ne mettait en question ni leur rôle ni leur autorité, qui émanaient du moment historique et de leur action. Elles ont d’ailleurs été récompensées par l’octroi du droit de vote en 1946.

Sur ce sujet, je ne peux pas ne pas évoquer les femmes kurdes, ces guerrières, ces amazones. Elles représentent peut-être l’exemple extrême de femmes engagées dans un combat: elles donnent toute leur vie, puisqu’en s’engageant elles renoncent du même coup au mariage et donc aux enfants. Elles sont en pointe de la guerre contre Daech, et il existe même des corps entièrement féminins. Ce sont les femmes kurdes qui ont repris Kobané. Elles sont aux avant-postes depuis janvier 2014. Leur rôle est d’autant plus particulier que, pour les combattants de Daech, lorsqu’un homme est tué par une femme, le paradis lui est fermé.

Tout cela, en définitive, relève dans nos pays de la symbolique, car l’armée est un secteur particulièrement symbolique. Au sein de l’armée professionnelle – tout ce que l’on a entendu à cet égard est juste –, le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement sont insupportables. Il faut les dénoncer. Oui, il faut légiférer dans ce domaine. Oui, il faut que les femmes puissent accéder à tous les postes de responsabilité.

La vérité première de ce combat nous est donnée par Nadiia Savchenko: elle était pilote, elle voulait combattre, elle voulait occuper des postes de responsabilité et elle disait que pour cela, même s’il fallait marcher 5 kilomètres, elle le ferait. Aussi, j’ai envie de dire aux femmes: battons-nous. La parité et les quotas ne suffiront pas: rien ne remplacera notre combat pour avoir des postes, que ce soit dans l’armée, en politique ou dans n’importe quelle branche du marché du travail. Il ne faut pas compter sur les autres ou sur les mesures incitatives, si indispensables fussent-elles. Dans certaines institutions symboliques, la parité devrait être systématique – je pense notamment aux Casques bleus de l’Onu, qui sont une vitrine extraordinaire, ou encore aux opérations extérieures.

Je dirai, pour finir, que l’armée est sans doute l’espace le plus difficile à conquérir. C’est un dur combat. Et, tout à coup, je me souviens que je siège, au Sénat français, à la commission de la défense, dont je suis vice-présidente. Certes, ce n’est pas l’armée, mais j’ai l’impression d’avoir un sacré combat à mener. Merci encore, pour finir, à la rapporteure.

M. FRIDEZ (Suisse) – Madame la Présidente, chers collègues, promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre représentent des défis essentiels dans nos sociétés modernes. Or il reste encore du travail, et s’il est un milieu où le défi est particulièrement difficile à relever, c’est bien celui des forces armées. Je tiens à m’associer aux félicitations adressées à Maryvonne Blondin pour la qualité de son rapport.

La « grande muette » est par essence, dans chacun de nos pays, une organisation très hiérarchisée et dirigée jusque récemment presque exclusivement par des hommes. Sa réputation machiste et sa culture sexiste doivent évoluer.

Une structure organisationnelle hiérarchisée, la promiscuité, la vie en groupe coupée du monde représentent à l’évidence des facteurs de risque de dérapage. Cela peut débuter par des blessures, par des mots et des gestes, des remarques indécentes et gênantes ayant un caractère sexuel, concernant l’aspect physique par exemple, des propos obscènes, des paroles et des plaisanteries sexistes. Combien de femmes sont victimes de ces comportements blessants qui paraissent tellement banals à leurs auteurs!

Quand cela s’arrête là, c’est déjà trop, mais on évite alors les invitations pressantes, les contacts physiques non désirés, puis les tentatives d’approche appuyées par des promesses d’avantages ou des menaces de représailles. Ensuite viennent les agressions sexuelles. Malheureusement tout cela existe, dans toutes les armées.

Mon pays, la Suisse, n’est pas en reste. Les femmes qui s’engagent sur la base du volontariat représentent moins de 1 % du contingent. Chaque année, quelques cas de harcèlement sexuel et de contrainte sexuelle – entre trois et sept – sont signalés à la police militaire. Mais ce petit nombre de cas représente peut-être seulement la pointe de l’iceberg: on ne peut exclure que certains cas ne soient tout simplement jamais dévoilés en raison de la loi du silence, de la pression du groupe, de la peur de la victime d’être rejetée et marginalisée. Au demeurant, comment prouver les faits? À cet égard, deux éléments sont déterminants: le rôle de la hiérarchie et son comportement, et la procédure à suivre pour déposer plainte.

Le Conseil fédéral – autrement dit le Gouvernement suisse – a édicté en 2005 un rapport sur l’éthique militaire dans l’armée suisse. Ce document jette les bases d’une véritable politique d’égalité entre les sexes, d’interdiction de toute discrimination et de respect de la diversité sous toutes ses formes: le genre, mais aussi l’orientation sexuelle, la religion, l’ethnie ou l’âge.

Des mesures concrètes ont été prises en Suisse: des cours obligatoires sur l’égalité des chances pour le personnel militaire professionnel et le personnel civil au service de l’armée; des cours obligatoires destinés aux cadres de l’armée portant sur des bases juridiques théoriques, mais aussi sur des cas concrets de discrimination, de harcèlement sexuel et de mobbing; un accès direct pour les victimes à une personne de confiance et à un service de médiation; enfin, la possibilité de déposer plainte de manière formelle indépendamment de la chaîne de commandement.

En conclusion, j’apporte bien entendu mon plein soutien à cet excellent rapport.

Mme LAVIE (Israël, observateur)* – En Israël, toutes les femmes doivent faire leur service militaire pendant deux ans et 92 % des postes au sein de l’armée leur sont ouverts. Le processus pour parvenir à ce pourcentage a été long; il a fallu le soutien des organisations de femmes et des militants, mais aussi une décision de la Cour suprême. Encore n’est-ce pas terminé: 8 % des postes doivent encore être ouverts aux femmes.

Pour ma part, j’ai suivi la formation d’officier il y a trente ans. À l’époque, les postes auxquels je pouvais prétendre étaient peu nombreux. À l’heure actuelle, les choses sont très différentes: pratiquement tout est possible pour les femmes. La plus jeune de mes filles a 17 ans et veut devenir pilote, ce qui est désormais possible pour une femme. Je les vois se préparer, elle et ses amies; elles savent qu’elles peuvent obtenir tout ce qu’elles veulent. Je suis ébahie quand je vois l’étendue du choix qui s’offre désormais aux jeunes femmes.

Au Parlement israélien, je suis membre de la commission pour la promotion du statut de la femme, sur le genre, et de la commission de la défense. Nous nous sommes rendu compte qu’il faut non seulement ouvrir les postes, mais aussi parler avec les plus jeunes, les éduquer, trouver des exemples susceptibles d’être suivis, y compris dans des domaines comme les nouvelles technologies.

S’agissant du harcèlement sexuel, ce sujet a provoqué, en Israël, une véritable révolution au sein de l’armée. C’est un vrai problème chez nous. L’armée israélienne doit présenter un rapport au parlement pour expliquer les mesures qu’elle prend afin de lutter contre ce phénomène. C’est une idée que je soumets aux autres parlements des Etats membres.

Mme CROZON (France) – Je vous remercie, Madame la rapporteure, de cet excellent rapport qui lie la féminisation de nos forces armées et la nécessité de mieux protéger les femmes qui s’engagent sous les drapeaux.

Les femmes ont, tout autant que les hommes, le droit de servir leur pays. Elles en ont les compétences, mais réussir le pari de la féminisation n’est pas nécessairement réussir celui de la mixité. Il y a deux ans, le livre «La guerre invisible» révélait le scandale des violences sexistes dans l’armée française autour de 35 cas concrets dont le tiers relevait juridiquement du viol. Il s’en est suivi un rapport d’enquête commandé par le ministre de la Défense pour pointer nos failles en matière d’alerte, de prévention et de sanctions.

La première de ces failles, et vous avez raison d’insister sur ce point, Madame la rapporteure, c’est la difficulté de faire œuvre de transparence sur ces questions. La voie hiérarchique est inadaptée pour mettre en place des circuits d’information en lesquelles elles peuvent avoir confiance. La mise en place de dispositifs d’écoute et de signalement qui assurent la remontée des informations et la collecte de données statistique, apparaît indispensable tant pour sanctionner les auteurs d’agressions sexuelles que pour identifier les zones et les comportements à risque.

Encore faut-il, et c’est toute notre difficulté, que les victimes elles-mêmes souhaitent témoigner. C’est encore plus difficile dans le monde militaire où se cumulent de nombreux facteurs de risque tels que la sous-représentation des femmes, la rigidité des rapports hiérarchiques et la vie en collectivité.

Il en résulte une banalisation et une tolérance à l’égard des faits de harcèlement tels que les propos sexistes répétés ou les gestes déplacés, qui sont internalisées par les victimes elles-mêmes comme autant de faits culturels auxquels il convient de se soumettre. La peur est grande, pour celle qui souhaiterait dénoncer de tels comportements, de passer pour celle qui rompt la cohésion et déstabilise le service, ce qui menacerait son avancement ou l’exposerait à d’autres formes de pression, tel le harcèlement moral.

C’est l’affichage d’une tolérance zéro qui doit conduire à prendre des mesures conservatoires dès le signalement de soupçons et des mesures disciplinaires dès lors que ceux-ci sont avérés. C’est la poursuite judiciaire des faits méritant une qualification pénale. C’est la protection des victimes contre toute forme de sanction déguisée en mutation. C’est la formation et le partage des bonnes pratiques tout au long de la carrière militaire. C’est enfin crever le plafond de verre et favoriser la mixité de la hiérarchie, tant l’enquête a révélé que le grade protège et que le respect de la dignité des femmes est proportionnel à leurs galons.

Mme BULIGA (République de Moldova) – Tout d’abord, je tiens à remercier Mme Blondin pour ce rapport.

Chers collègues, un nouveau modèle de société ne peut être créé qu’en se fondant sur une culture de la paix et de l’égalité des genres.

Dans un monde en permanente transformation et dans une région qui doit relever de multiples défis, la participation des femmes et des hommes au sein des forces armées contribue à la consolidation de leurs capacités opérationnelles et de leur efficacité.

Les femmes qui entrent dans l’armée sont confrontées à un milieu créé par et pour les hommes. Encore en minorité, elles doivent faire face à différentes formes de discrimination. Il est nécessaire de discuter ouvertement de ce problème. Les mentalités enferrées dans une approche purement masculine des forces armées, les voies de promotion rigides et l’inaccessibilité de certains postes sont autant d’obstacles à l’égalité professionnelle pour les femmes militaires. Le harcèlement fondé sur le critère du genre et les attaques contre les femmes sont fréquents au sein des forces armées, la culture interne créant un milieu favorable à des abus de ce type.

Les femmes portent la paix entre les personnes et les nations. Elles sont une source d’expérience, de compétences et de perspectives.

L’intégration des femmes au sein des forces armées est aussi un sujet discuté en République de Moldova. Notre pays a déjà réalisé des avancées importantes en la matière en approuvant la loi sur l’égalité des genres et en élaborant un nouveau document-cadre pour la promotion de l’égalité des chances. Ce rapport est un instrument utile pour l’analyse comparative des progrès réalisés dans la mise en œuvre de plans nationaux en faveur de l’égalité des genres. De plus, il permet de faire le point sur l’application de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’Onu.

Nous avons besoin de nouvelles politiques de sécurité à long terme élaborées par des femmes, orientées sur les femmes et exécutées par les femmes, non pas au détriment des hommes ou à leur place, mais à leurs côtés et avec eux. Il n’est meilleur élément de stabilité qu’une femme forte, libre et éduquée ni de meilleur modèle qu’un homme qui, respectant et appréciant les femmes, travaille avec elles sur un pied d’égalité.

Mme BONET (Andorre)* – Je tiens à remercier Maryvonne Blondin pour son excellent travail.

Dans le débat précédent, nous avons parlé de la vision que les enfants ont des filles et de celle que l’on essaie d’imposer aux filles en tant qu’objets sexuels.

Malgré des environnements professionnels très masculins, des femmes sont parvenues à s’y intégrer, au prix de grandes difficultés. Elles ont suivi un chemin semé d’embûches, et ce n’est pas terminé. Elles ont souffert de discriminations, de violences, de harcèlements, voire plus, de la part de collègues masculins qui avaient du mal à les accepter en tant que collègues de travail.

En Andorre, nous n’avons pas de forces armées, mais ce rapport est important pour nous, car il peut s’appliquer à toute profession dominée par les hommes, comme les pompiers ou la police. Dans ces corps très masculins, l’intégration des femmes a toujours été difficile. Les propositions formulées dans ce rapport peuvent tout à fait s’appliquer à ces autres environnements professionnels. Même pour mon pays qui ne possède pas de forces armées, ce rapport comporte des recommandations très utiles.

Il faut continuer à lutter pour la parité dans tous les secteurs. En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que tous les secteurs professionnels dominés par les hommes acceptent aujourd’hui d’intégrer des femmes. C’est important pour que ces professions évoluent et se développent: les femmes peuvent agir aussi bien que les hommes. Elles doivent être respectées et incorporées dans ces corps dans les mêmes conditions.

M. ROMO MEDINA (Mexique, observateur)* – C’est un privilège de pouvoir aborder cette question si importante de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la fin de la violence fondée sur le genre et de la participation des femmes aux forces armées.

Historiquement, les forces armées étaient exclusivement composées d’hommes. Des critères discriminatoires en excluaient les femmes. Ces dernières ne remplissaient que des tâches auxiliaires ou administratives.

Outre la réalisation de campagnes de sensibilisation et le développement de stratégies visant à promouvoir l’égalité dans nos sociétés, en tant que législateurs, nous devons adopter une position très claire afin qu’aucune restriction ne vienne, dans nos lois, empêcher la participation véritable des femmes.

Au Mexique, la loi organique relative aux armées prévoit que les femmes peuvent devenir général de division et accéder comme les hommes au grade de général-brigadier. Ce sont les deux postes les plus élevés dans la hiérarchie pour les hommes comme pour les femmes. Ces dernières peuvent d’ailleurs envisager de devenir ministre de la Défense.

Grâce à une stratégie mise en œuvre depuis 2007, il y a actuellement 2 500 femmes au sein des forces armées mexicaines, chiffre assez réjouissant. Chaque année, de plus en plus de femmes participent à des formations militaires. La tendance est donc à la hausse. À l’heure où je vous parle, trois femmes ont le grade de général-brigadier, 29 de colonel et 146 de lieutenant-colonel.

Au sein de cette Assemblée parlementaire, la délégation mexicaine tient à exprimer sa reconnaissance à Mme Savchenko. Elle est un exemple vivant de femme engagée dans les forces armées. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut adopter des mesures pour renforcer la formation de tout le personnel militaire et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, afin d’éradiquer les violences et les discriminations au sein des forces armées.

LA PRÉSIDENTE*– La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste 5 minutes.

Mme BLONDIN (France), rapporteure – Mes chers collègues, la richesse de vos interventions m’a frappée. Vos compliments m’ont flattée. Grâce à ce rapport vous vous êtes interrogés sur la situation dans vos pays. C’est un premier pas vers les forces armées. Nous tissons ainsi un lien entre ces dernières et les parlements, prélude au travail à venir.

Certaines de vos interventions ont particulièrement retenu mon attention. L’ouverture de l’ensemble des postes aux femmes a été évoquée à plusieurs reprises. En France, seuls les sous-marins leur étaient refusés. En 2011, j’avais interrogé le ministre français de la Défense à ce sujet. En 2017, à la suite de la construction des nouveaux sous-marins Barracuda, trois femmes pourront intégrer les sous-marins nucléaires d’attaque.

Mme Savchenko a raison de porter ses trois étoiles. Les femmes doivent avoir ces étoiles comme ligne d’horizon, car elles ont toujours tendance à l’autocensure et, comme l’a dit Mme Durrieu, à douter de leurs capacités. Cela est aussi valable en politique.

Ce rapport est un recueil de pratiques qui arrive au bon moment. Vous pourrez les appliquer dans vos pays et les soumettre à vos parlements. Après une prise en compte objective de la réalité, vous pourrez apporter des améliorations législatives. Des plans d’action préconisés par la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies se mettent en place. Vous rendrez ainsi possible un environnement respectueux du genre et des compétences de chacune et de chacun au service de leur pays et de la paix.

Je voudrais vous remercier, Madame la Présidente, pour votre aide et votre accueil, qui m’ont permis, pendant deux jours, de prendre la mesure de la législation très avancée de votre pays dans ce domaine. Madame la présidente de la commission, je souhaite vous remercier d’avoir soutenu ce rapport et de m’avoir accompagnée tout au long de son élaboration. Je salue aussi la compétence de nos équipes, tout à fait performantes… et féminines!

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Madame Blondin, votre intervention a été passionnante. Vous nous avez brossé un tableau exhaustif de la situation. Il reste beaucoup à faire. Trop souvent ces forces armées travaillent à huis clos, et nous ne savons pas ce qui se passe. Vous nous avez ouvert les yeux sur le rôle des femmes dans l’armée. Nous avons désormais conscience de leur rôle possible dans le domaine militaire. Vous nous avez aussi parlé avec éloquence des violences et des discriminations qu’elles subissent.

Notre commission a entendu des témoignages très émouvants de journalistes, de survivantes, mais aussi de victimes de harcèlement sexuel, ainsi que de femmes qui se sont battues pour la justice. Nous avons parlé d’émancipation, d’autonomisation, et compris à quel point les femmes peuvent agir si elles le veulent. Notre commission a approuvé à l’unanimité ce projet de résolution. Nous avons maintenant la possibilité de confirmer ce vote au sein de l’Assemblée. Il est indispensable d’éclairer aujourd’hui le chemin. Je vous invite à soutenir cette résolution.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14073.

Le projet de résolution est adopté (41 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention).

LA PRÉSIDENTE* – Mes chers collègues, je vous informe que le délai de dépôt des sous-amendements concernant le débat sur «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie» a été prolongé, à titre exceptionnel, jusqu’à demain, mercredi, à 10 h 30.

7. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance publique aura lieu à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 50.

SOMMAIRE

1. Modification dans la composition des commissions

2. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni (Suite)

3. Communication du Comité des Ministres

Mme Kaljurand, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Présidente du Comité des Ministres

Questions: MM. Kox, Omtzigt, Mme Mikko, M. Gopp, Sir Roger Gale, Mme Blondin, M. Rafael Huseynov, Mme Yaşar

4. Lutter contre l’hypersexualisation des enfants

Présentation par M. Ghiletchi du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14080)

Mme Maud de Boer-Buquicchio, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Orateurs: Mme Fataliyeva, M. Jónasson, Mmes Bartos, Maury Pasquier, M. Schnabel, Mmes Aberg, Blondin, Stefanelli, MM. Gopp, Kiral, Blanchart, Mmes Dalloz, Rawert, Crozon, M. Howell, Baroness Massey, Mmes Karamanli, Bonet, M. Geraint Davies, Mmes Louhelainen, Gunnarsdóttir

Réponses de Mme la rapporteure spéciale des Nations Unies, de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

5. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni (Résultat du scrutin)

6. Les femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre

Présentation par Mme Blondin, du rapport de la commission sur l’égalité (Doc. 14073)

Orateurs: Mme Johnsson Fornarve, M. Jenssen, Mme Heinrich, M. Grin, Mme Fataliyeva, M. Frécon, Mmes Palihovici, Wurm, Savchenko, Gafarova, Kobakhidze, Duranton, Durrieu, M. Fridez, Mmes Lavie, Crozon, Buliga, Bonet, M. Romo Medina

Réponses de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité

Vote sur un projet de résolution

7. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON*

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN

Iwona ARENT*

Volodymyr ARIEV*

Damir ARNAUT

Anna ASCANI*

Mehmet BABAOĞLU/Salih Firat

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE*

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT/ Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO*

Meritxell BATET*

Deniz BAYKAL

Guto BEBB*

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Włodzimierz BERNACKI

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI

Andris BĒRZINŠ

Jokin BILDARRATZ

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Philippe BLANCHART

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK*

Mladen BOSIĆ/Saša Magazinović

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN

Margareta BUDNER/ Jarosław Obremski

Valentina BULIGA

Dawn BUTLER

Nunzia CATALFO

Giovanna CECCHETTI

Elena CENTEMERO

José CEPEDA*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU

Lise CHRISTOFFERSEN/ Ingebjørg Godskesen

Paolo CORSINI

David CRAUSBY/Baroness Doreen Massey

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR/Mónika Bartos

Geraint DAVIES

Joseph DEBONO GRECH*

Renata DESKOSKA

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO

Şaban DİŞLİ*

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ*

Namik DOKLE*

Francesc Xavier DOMENECH*

Sir Jeffrey DONALDSON*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Lady Diana ECCLES*

Franz Leonhard EẞL

Markar ESEYAN

Nigel EVANS

Samvel FARMANYAN*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Manuel Tornare

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER*

Bernard FOURNIER

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Pierre-Alain FRIDEZ

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Xavier GARCÍA ALBIOL*

José Ramón GARCÍA HERNÁNDEZ*

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI/ Boriana Åberg

Valeriu GILETCHI

Mihai GHIMPU/Alina Zotea

Francesco Maria GIRO

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO/Sergiy Vlasenko

Rainer GOPP

Alina Ștefania GORGHIU*

Sylvie GOY-CHAVENT*

François GROSDIDIER*

Dzhema GROZDANOVA/Milena Damyanova

Gergely GULYÁS*

Emine Nur GÜNAY

Valgerður GUNNARSDÓTTIR

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA/Susanna Huovinen

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Killion Munyama

Hamid HAMID*

Alfred HEER/Jean-Pierre Grin

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH/ Thomas Feist

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Sandra JAKELIĆ*

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ*

Anne KALMARI/Anne Louhelainen

Erkan KANDEMIR

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Nina KASIMATI

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR

İlhan KESİCİ*

Danail KIRILOV/Krasimira Kovachka

Bogdan KLICH*

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ

Ksenija KORENJAK KRAMAR*

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS*

Tiny KOX

Peter KRESÁK*

Borjana KRIŠTO/Bariša Čolak

Florian KRONBICHLER*

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Talip KÜÇÜKCAN*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Stella KYRIAKIDES

Georgios KYRITSIS*

Yuliya L OVOCHKINA*

Inese LAIZĀNE

Pierre-Yves LE BORGN’/Pascale Crozon

Jean-Yves LE DÉAUT

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Ian LIDDELL-GRAINGER*

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE/Geneviève Gosselin-Fleury

George LOUCAIDES

Philippe MAHOUX

Marit MAIJ

Muslum MAMMADOV/Sevinj Fataliyeva

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Duarte MARQUES

Alberto MARTINS

Meritxell MATEU/Carles Jordana

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ana Catarina MENDES

Jasen MESIĆ*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Marianne MIKKO

Daniel MILEWSKI*

Anouchka van MILTENBURG/ Pieter Omtzigt

Orhan MİROĞLU*

Olivia MITCHELL*

Arkadiusz MULARCZYK*

Thomas MÜLLER/Roland Rino Büchel

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Marian NEACȘU*

Andrei NEGUTA/Liliana Palihovici

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL*

Michele NICOLETTI*

Aleksandar NIKOLOSKI

Johan NISSINEN/Markus Wiechel

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ*

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN

Joseph O’REILLY*

Tom PACKALÉN*

Judith PALLARÉS/Sílvia Eloïsa Bonet

Ganira PASHAYEVA

Jaroslav PAŠKA*

Florin Costin PÂSLARU*

Jaana PELKONEN*

Martin POLIAČIK*

Agnieszka POMASKA

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT*

Mark PRITCHARD*

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO*

Carmen QUINTANILLA*

Kerstin RADOMSKI

Mailis REPS

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Melisa RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ*

Helena ROSETA*

René ROUQUET

Alex SALMOND/ Mike Wood

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Nadiia SAVCHENKO

Deborah SCHEMBRI/Joseph Sammut

Stefan SCHENNACH

Paul SCHNABEL

Ingjerd SCHOU/Hans Fredrik Grøvan

Nico SCHRIJVER

Frank SCHWABE

Predrag SEKULIĆ*

Aleksandar SENIĆ/Vesna Marjanović

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Paula SHERRIFF*

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ*

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK/Serhii Kiral

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ*

Ionuț-Marian STROE*

Dominik TARCZYŃSKI*

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV*

Krzysztof TRUSKOLASKI*

Mihai TUDOSE*

Goran TUPONJA*

İbrahim Mustafa TURHAN*

Nada TURINA-ĐURIĆ*

Konstantinos TZAVARAS*

Leyla Şahin USTA/Lütfiye Ilksen Ceritoğlu Kurt

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Kristin Ørmen Johnsen

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Mart van de VEN

Stefaan VERCAMER

Anna VEREŠOVÁ*

Birutė VĖSAITĖ*

Nikolaj VILLUMSEN*

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER/Annette Groth

Jacek WILK

Andrzej WOJTYŁA

Morten WOLD

Gisela WURM

Jordi XUCLÀ*

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Kerstin LUNDGREN

Observateurs

Aliza LAVIE

Ulises RAMÍREZ NÚÑEZ

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Sahar ALQAWASMI

Abdelali HAMIDINE

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Royaume-Uni

Sirkka-Liisa ANTTILA

Damir ARNAUT

Doris BARNETT/ Mechthild Rawert

Paolo CORSINI

Yves CRUCHTEN

Alain DESTEXHE

Sir Jeffrey DONALDSON

Franz Leonhard EẞL

Sahiba GAFAROVA

Oleksii GONCHARENKO/Sergiy Vlasenko

Valgerður GUNNARSDÓTTIR

Maria GUZENINA/Susanna Huovinen

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Killion Munyama

Tedo JAPARIDZE/ Eka Beselia

Frank J. JENSSEN

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO/Bariša Čolak

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE/Geneviève Gosselin-Fleury

Muslum MAMMADOV/Sevinj Fataliyeva

Duarte MARQUES

Alberto MARTINS

Meritxell MATEU/Carles Jordana

Orhan MİROĞLU

Zsolt NÉMETH

Helena ROSETA/António Filipe Rodrigues

Aleksandar SENIĆ/Vesna Marjanović

Samad SEYIDOV

Adão SILVA

Lorella STEFANELLI

Nataša VUČKOVIĆ

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz