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AS (2016) CR 24

Addendum 2

 

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-quatrième séance

Mardi 22 juin 2016 à 15h30

Réponses écrites aux questions adressées à M. Alexis Tsipras

1.       Mme Anttila (Finlande, ADLE) - Monsieur le Premier ministre, le système de Schengen repose sur l’enregistrement des demandeurs d’asile dans leur pays d’entrée dans l’Union européenne. La crise des réfugiés a cependant entraîné d’importantes exceptions à cette règle.

Au vu de la situation actuelle, quel est votre sentiment au sujet du fonctionnement et de la pertinence du système de Schengen ?

La Grèce, qui se trouve aux frontières extérieures de l’UE, est l’un des pays les plus touchés par l’afflux sans précédent de réfugiés et de migrants en Europe de l’année dernière. Depuis 2015, nous avons reçu plus de 1,1 million de réfugiés et de migrants irréguliers. En dépit de la crise financière en cours, le peuple grec a accueilli les réfugiés avec humanité et a pris en charge leurs besoins immédiats. Les gardes-côtes grecs ont sauvé des dizaines de milliers de personnes alors que le Service grec d’asile – fondé il y a trois ans – traite un nombre de demandes d’asile qui est le quatrième d’Europe. C’est là une situation à laquelle aucun pays d’Europe ne pouvait faire face à lui tout seul. L’aide des Nations Unies et de l’UE – notamment du HCR, de l’OIM, de FRONTEX et de l’EASO – a été importante, mais il faut aller bien plus loin.

Tout en faisant face à l’afflux croissant de réfugiés et de migrants, nous sommes restés attachés à préserver les règles de Schengen et nous avons déployé des efforts incessants à cette fin. Ainsi que l’a confirmé la Commission européenne elle-même, la Grèce enregistre aujourd’hui la totalité de ceux qui entrent irrégulièrement dans le pays (y compris en relevant leurs empreintes digitales et en procédant aux contrôles de sécurité nécessaires). Dans le même temps, nous collaborons étroitement avec FRONTEX pour renforcer la gestion des frontières.

Après que la Grèce a subi une évaluation de la mise en œuvre de l’acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, nous avons devancé la quasi-totalité des recommandations du Conseil et de la Commission et nous avons entrepris d’adopter les mesures nécessaires pour mettre en œuvre celles qui visent le long terme. Il est prioritaire pour nous de préserver l’acquis de Schengen et le souci de garantir la sécurité de l’Europe et de ses habitants tout en défendant les droits des personnes ayant besoin d’une protection internationale.

2.       M. Büchel (Suisse, ALDE) - Monsieur le Premier ministre, dans votre discours vous avez parlé de la dette des pays européens.

La Banque centrale européenne (BCE) achète à grande échelle des obligations d’Etat. La BCE dit que cette mesure monétaire permettrait de réduire les coûts de financement pour les pays de la zone euro. Ce programme d’achat ne transforme pas moins de 1140 milliards d’euros en argent frais, qui se retrouve alors injecté dans le système financier. Pensez-vous que les réformes structurelles dans les pays de la zone euro vont se dérouler plus lentement ? Qu’en est-il en Grèce à ce sujet?

L’Union européenne se trouve prise dans une triple crise, crise économique, crise des réfugiés et crise de la sécurité. Cette triple crise a pris une dimension politique, car elle concerne le projet d’intégration européenne lui-même.

Dans ces conditions, il est nécessaire de remédier à ces crises pour assurer l’avenir du projet européen. Sur le plan économique, il faut que nous traitions la question de la dette européenne tout en réglant le problème de la croissance de la zone euro. C’est pourquoi, il faut que les réformes structurelles et la perspective macroéconomique globale des Etats membres soient axées sur la croissance et l’emploi de façon à pouvoir tirer parti des mesures d’assouplissement quantitatif de la BCE.

La Grèce ne participe pas au programme d’assouplissement quantitatif parce que la dette publique de notre pays ne paraît pas viable. Nous nous conformons à la lettre à l’ensemble des engagements qui nous incombent au titre de l’accord du 12 juillet 2015. Un grande partie de cette accord suppose la restauration de la viabilité de la dette à la suite de l’achèvement du premier examen de notre économie par les institutions. Cet examen sera terminé ces prochains jours. C’est pourquoi, nous espérons à juste titre que l’horizon s’éclaircira avant la fin de 2016. Cela signifie que les mesures spécifiques d’assouplissement de la dette à mettre en œuvre jusqu’en 2018 et au-delà devront être annoncées ces deux prochains mois de façon à ce que les investisseurs et les marchés soient fixés. Cela nous permettra de participer au programme d’assouplissement quantitatif de la BCE et donc de revenir sur les marchés. Aujourd’hui, l’économie grecque se redresse. Cela signifie qu’à partir du deuxième trimestre de 2016 (avec une croissance de +0,3% du PIB), nous espérons vivre trois trimestres consécutifs de croissance. C’est pourquoi, l’annonce de ces mesures spécifiques d’assouplissement de la dette est l’élan dont l’économie grecque a besoin pour connaître une croissance durable.

3.       M. Howell (Royaume-Uni, CE) – Monsieur le Premier ministre, dans le domaine que je représente au sein du Parlement britannique, le taux de chômage est de 0,5 %. Ce chiffre est une conséquence directe des mesures d’austérité et du plan économique à long terme mis en place par le Gouvernement britannique. Pourquoi de telles mesures ne sont-elles pas applicables en Grèce ?

Ce que nous proposons c’est de déroger à l’expérience du reste de l’Europe. L’austérité a conduit à une aggravation du chômage dans tout notre continent au cours de cette crise. Le chômage est maintenant un problème économique, social et politique majeur non seulement pour la Grèce, mais aussi pour l’Union européenne dans son ensemble. En particulier, le grand nombre de chômeurs de longue durée – soit la moitié du total des chômeurs (11 millions sur 22) - indique que l’Europe est confrontée à une crise de l’emploi.

Cela est dû à l’austérité, qui provoque une récession et par là-même une aggravation du chômage. En Grèce, le chômage touchait 7,8% du total de la main-d’œuvre en 2008. En 2011, deuxième année du mémorandum, il avait plus que doublé, passant à 17,9%. En 2014, il a atteint 26,5% après quatre années de politique d’austérité. Grâce à un assouplissement relatif de l’austérité et à une stratégie agressive menée à partir de 2015 pour le combattre, le chômage a diminué à 24,9% cette année-là. Au cours de l’année 2016, il a encore reculé, revenant à 23,3% selon les données d’avril (hausse de l’emploi de 3% par rapport à avril 2015, soit une augmentation de 107 000 personnes). Je pense que ces chiffres parlent d’eux-mêmes.

4.       Mme Karamanli (France, SOC) - Monsieur le Premier ministre, la Grèce est confrontée à deux crises : économique et migratoire. Entre 2007 et 2015, la dette publique grecque est passée de 103 % à 179 % du PIB. Les deux contributions principales à la hausse de la dette sont la croissance (négative) et la charge des intérêts. La croissance est une des deux clefs du retour à une prospérité pour le peuple grec. Mais la croissance durable demande une stratégie.

Dans le cadre d’une mission que je conduis pour l’Assemblée Nationale française l’investissement en Grèce est considéré comme une des clefs. Cela suppose un environnement juridique et fiscal stable pour les entreprises et des investissements matériels mais aussi immatériels. La formation initiale, la formation continue, la recherche et l’innovation en font également partie.

Ma question se décompose en trois interrogations simples :

-       quels secteurs industriels et agricoles seront prioritairement accompagnés ?

-       quel est le plafond fixé à une augmentation forte et continue de la fiscalité sur les entreprises ?

-       comment allez-vous améliorer le service rendu par l’école, l’université et la formation continue ?

Redonner confiance à l’Etat c’est en effet améliorer le service rendu à tous.

Au cours de la récession, les investissements ont chuté des deux tiers en valeur absolue. Comme les investissements sont la seule voie permettant de renouer avec la croissance et donc de trouver une issue à la crise, nous avons créé un environnement institutionnel pour les attirer. Pour la première fois en Grèce, le gouvernement a instauré un régime fiscal stable pendant douze ans pour les plans d’investissement dépassant les 20 millions d’euros. Nous avons entrepris aussi de mener de grandes réformes pour améliorer l’environnement des affaires. Elles portent sur la simplification des procédures d’agrément, la lutte contre les barrières bureaucratiques et l’ouverture de certains marchés afin d’attirer les investissements privés.

Nous avons donné la priorité aux investissements qui modifieront la structure de la production pour passer de domaines caractérisés par une faible technicité et une forte concurrence, liée à une demande d’exportation à élasticité des prix élevée, à un éventail dynamique de secteurs de haute technologie qui puissent améliorer la place de la Grèce dans les échanges internationaux. Nous voulons mettre l’accent sur la diversification de l’économie, hormis le tourisme, qui continuera d’être un domaine attirant une grande part des investissements, ou les transports maritimes, où la Grèce possède traditionnellement un fort potentiel, pour nous engager dans des secteurs qui peuvent mobiliser l’excellent capital humain de notre pays. Ainsi, l’agriculture biologique certifiée, l’industrie alimentaire, le secteur de l’énergie, l’innovation, la recherche-développement etc. Nous voulons faire de la Grèce un pôle énergétique et logistique pour tout le Sud-Est de l’Europe.

Vous avez aussi raison de dire que pour restaurer la confiance en l’Etat, il faut améliorer les services offerts à tout un chacun. Pour nous, la santé et l’éducation sont des priorités politiques auxquelles nous nous tiendrons en dépit des ressources financières très limitées dont nous disposons en raison de l’accord du 12 juillet 2015 avec nos créanciers. Nous réorganisons ces deux secteurs afin d’abord et avant tout de les rendre accessibles à tous et ensuite d’améliorer la qualité des services. En particulier, en ce qui concerne l’éducation, qui faisait l’objet de votre question, nous avons lancé une école primaire sur toute la journée à compter de l’année scolaire en cours et nous avons réformé l’enseignement technique et professionnel au niveau secondaire et post-secondaire de façon à préparer et à spécialiser les élèves sur le plan professionnel et dans le même temps, à restaurer leur droit d’accès au système universitaire. Nous avons entamé une réforme du secondaire pour faire des lycées un niveau éducatif autonome à une étape critique de l’apprentissage de connaissances et non une simple étape préparatoire centrée sur un examen avant d’entrer à l’université. Nous faciliterons la formation continue et le développement professionnel continu.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous souhaitons maintenir l’égalité des chances, assurer l’efficacité économique des universités et favoriser des synergies entre les entreprises, les centres de recherche et les établissements d’enseignement supérieur.

5.       Mme Kyriakides (Chypre, PPE/DC) - Monsieur le Premier ministre, à l’occasion des pourparlers actuels sur le règlement de la question chypriote, nous aimerions connaître votre opinion au sujet de l’intention exprimée par la Turquie de conserver le système anachronique des États garants, en cas de règlement de la question chypriote. Votre point de vue à ce sujet est d’autant plus intéressant que Chypre est membre de l’Union européenne et que le Royaume-Uni et votre propre pays ont déclaré n’émettre aucune réserve sur un renoncement à ce statut.

Nous n’avons cessé de répéter que la suppression du système anachronique de garanties à Chypre et le retrait complet des forces d’occupation turques de l’île sont des éléments clés pour parvenir à un règlement global, juste et viable du problème chypriote sur la base des résolutions de l’ONU et du statut d’Etat-membre de l’UE qui est celui de Chypre. Nous œuvrons systématiquement dans toutes les directions pour souligner l’importance de cette question.

6.       M. Önal (Turquie, CE) - Monsieur le Premier ministre, au cours de la campagne électorale, vous avez pris des engagements prometteurs au sujet de la minorité turque de Thrace occidentale. Mais aucune mesure concrète n’a été prise à ce jour. Bien que les écoles maternelles fassent partie de l’enseignement obligatoire en Grèce, la demande d’ouverture d’écoles maternelles bilingues faite par la minorité turque reste en suspens. Votre gouvernement répondra-t-il favorablement à la demande d’ouverture d’écoles maternelles minoritaires et, de manière générale, de nouveaux établissements scolaires minoritaires faite par cette minorité ?

En Thrace, plus de 35 jardins d’enfants ouverts dans des villages habités par des minorités sont gratuits et accessibles pour les enfants de la minorité musulmane. Une fois qu’il ont achevé leur année au jardin d’enfants, les élèves issus d’une minorité peuvent fréquenter soit une école primaire destinée à la minorité soit une école générale. En outre, le ministère de l’Education ne cesse de rechercher des moyens d’améliorer l’enseignement général et celui qui est destiné aux minorités.

7.       M. Rouquet (France, SOC) - Monsieur le Premier ministre, grâce aux efforts courageux des dirigeants des deux parties de l’île, un espoir existe aujourd’hui de voir le conflit chypriote se terminer. Cet espoir est cependant fragile. Partagez-vous cet optimisme mesuré et la Grèce peut-elle soutenir les efforts en cours ?

La Grèce a soutenu d’emblée les négociations intercommunautaires à Chypre, qui se poursuivent à un rythme soutenu. Nous comprenons que bien que des avancées aient été enregistrées, des divergences profondes subsistent sur certains des chapitres en négociation.

Quelles qu’aient pu être les déceptions passées et les difficultés qui nous attendent, les négociations entre communautés restent le seul processus acceptable pour l’ensemble des parties intéressées. Ce processus doit donc se poursuivre jusqu’à ce que soit conclu un accord négocié, global, juste et durable. Les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies constituent la base de la solution du problème chypriote, qui doit être pleinement compatible avec l’acquis de l’UE.

8.       Mme Schou (Norvège, PPE/DC) - Monsieur le Premier ministre, grâce au Fonds d’aide de l’Espace économique européen (EEE), la Norvège fait don depuis longtemps de sommes considérables pour soutenir les initiatives prises par votre pays pour gérer l’afflux de demandeurs d’asile et de migrants. Au cours de la période 2014-2021, 120 millions d’euros au total seront mis à la disposition de la Grèce au moyen de ce Fonds d’aide de l’EEE. Une part considérable de ces sommes est affectée aux migrations et à l’asile.

De quels mécanismes de contrôle disposez-vous pour vous assurer que ces fonds mis à votre disposition sont gérés de manière responsable et sont dépensés comme cela a été convenu ?

L’organe responsable de la gestion du mécanisme financier de l’EEE (qui comprend le programme GR06 sur les migrations et l’asile) au niveau national est l’Unité indépendante de coordination de la planification et de suivi de la mise en œuvre des mécanismes financiers de l’EEE (correspondant national) au sein du ministère de l’Economie, du Développement et du Tourisme. La division des programmes européens et du développement du ministère de l’Intérieur et de la Restructuration administrative a été retenue comme opérateur de programme. Il convient de noter que la Direction norvégienne de l’immigration fait office de conseiller pour la mise en œuvre du programme. Une commission de suivi est chargée de superviser l’ensemble des programmes financés par des subventions de l’EEE. En outre, une commission de coopération a été créée pour suivre l’avancement des différents projets dans le domaine de l’asile et des migrations. Un conseiller extérieur du gestionnaire de programme évalue l’état d’avancement et donne des conseils sur la gestion des fonds. Les versements sont réalisés par une division distincte du ministère de l’Intérieur et de la Restructuration administrative. Les procédures d’audit ont été confiées à un commissaire aux comptes extérieur certifié. L’ensemble des données concernant le programme sont enregistrées dans le Système d’information intégré du ministère de l’Economie, du Développement et du Tourisme. Conformément à l’accord de programme, la structure précitée assure à toutes les étapes l’efficacité, l’efficience et la transparence de la mise en œuvre du programme.