FR16CR25

AS (2016) CR 25
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-cinquième séance

Jeudi 23 juin 2016 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Culture et démocratie
Les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger
(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint sur deux rapports de la commission de la culture que nous présentera Mme Marjanović: le premier s’intitule «Culture et démocratie» (Doc. 14070), et le second «Les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger» (Doc. 14069). M. Rigoni défendra l’avis de la commission des migrations (Doc. 14084) sur ce second rapport. Nous devrons achever notre débat à 13 heures.

Comme convenu, Madame Marjanović, vous disposerez, pour présenter les deux rapports, d’un temps de parole total de 20 minutes, que vous pourrez répartir à votre convenance entre la présentation et la réponse aux orateurs.

Mme MARJANOVIĆ (Serbie), rapporteure de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – «Réintégrer dans la société des millions d’Européens déshérités qui se trouvent marginalisés et faire de la politique culturelle, elle aussi marginalisée, une des lignes de force de la conduite des gouvernements»: telles étaient les priorités affichées il y a vingt ans dans une contribution approfondie du Conseil de l’Europe au débat sur la culture.

Le Conseil de l’Europe reconnaît le droit de prendre part à la vie culturelle et d’accéder à la culture comme des droits de l’homme, mais avons-nous permis aux millions d’Européens déshérités d’en bénéficier? En tant que rapporteure, mon ambition est de nous rappeler avec fierté les remarquables travaux que cette Organisation a accomplis depuis des années, mais aussi d’appeler l’attention sur la situation politique actuelle, qui devrait nous alerter et nous inciter à agir, de sorte que nous ne considérions plus les politiques culturelles comme une simple parure ornant des actions plus utiles, mais comme une part essentielle et durable de nos décisions.

Le premier rapport est la conséquence directe des attentats contre Charlie Hebdo commis en janvier 2015 à Paris, qui nous enjoignent de la plus terrible des manières à agir. Nous ignorions alors que d’autres attaques, d’autres actes de haine et de violences, d’autres catastrophes humanitaires suivraient, la série d’attentats commis à Paris, à Istanbul et à Bruxelles s’étant conclue il y a quelques jours par l’assassinat de notre collègue Jo Cox. La plupart de ces attaques ont été perpétrées par de jeunes gens nés, élevés et éduqués en Europe.

Je tiens à souligner l’importance du cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie, mis au point par le Conseil de l’Europe, qui apporte la preuve aux décideurs que l’investissement dans la culture à tous les niveaux renforce les compétences démocratiques des citoyens.

Au cours de l’élaboration du rapport, nous avons eu de nombreux échanges passionnants avec des artistes, des directeurs artistiques, des chercheurs, dont nous n’avons pas pu intégralement rendre compte dans le rapport. À Paris, par exemple, la commission de la culture s’est entretenue avec Shuck One, un jeune défavorisé originaire de Guadeloupe qui est devenu un artiste reconnu en France: depuis son enfance, nous a-t-il dit, l’art est un acte émancipateur qui lui permet de s’exprimer, de s’affirmer, de défendre ses valeurs, de s’épanouir. Il regrette que la culture soit de plus en plus élitiste et empêche les jeunes artistes de percer. La culture et les arts ne sont pas qu’un passe-temps des élites; au contraire, ils doivent profiter à tous.

Lors d’une conférence organisée ici, à Strasbourg, sur la prévention de l’extrémisme par l’éducation, le professeur Martyn Barrett, de l’Université du Surrey, a présenté les résultats de travaux de recherche réalisés auprès de jeunes ayant adhéré à des mouvements d’extrême droite. En très grande majorité, ils ont expliqué que ce choix leur donnait un sentiment d’importance, d’héroïsme et d’estime de soi. N’aurions-nous pas pu leur donner le même sentiment par la culture et les arts, plutôt que de les laisser dériver vers l’extrémisme?

J’ai récemment eu l’honneur de représenter notre Assemblée à la cérémonie de remise du Prix du musée européen de l’année. La cérémonie s’est déroulée à Saint-Sébastien, au Pays basque espagnol: autrefois connu pour des faits de terrorisme, cette région s’est transformée un florissant foyer de culture qui investit dans de nouveaux musées, renforce son solide réseau d’institutions culturelles et promeut les arts traditionnels et la gastronomie locale.

L’ouverture du Millennium Iconoclast Museum of Art à Molenbeek, à Bruxelles, fut un autre événement important. Elle devait en principe avoir lieu le 23 mars, mais les attentats du 22 mars – dont la plupart des auteurs venaient de Molenbeek – ont conduit à la reporter. Ce musée a attiré des jeunes du voisinage, plus de 4 000 personnes l’ont visité, et des mesures ont été prises en vue d’un échange culturel avec la toute proche Académie de boxe de Bruxelles. Celle-ci a formé cinq champions nationaux cette année mais, malheureusement, au cours des cinq dernières années un certain nombre de jeunes boxeurs sont partis en Syrie combattre pour l’Etat islamique. Un ancien membre a été arrêté, au mois de novembre dernier, en Turquie, et emprisonné car soupçonné d’être impliqué dans les attentats de Paris.

À l’heure actuelle, la direction du musée invite les jeunes à profiter d’expositions qui mettent en lumière l’art urbain, qui reflète bien souvent des problématiques de rébellion personnelle et d’identité. Si cela ne prouve pas que la culture est une question de sécurité dans un monde marqué par l’insécurité, je ne sais ce que je peux dire de plus!

Notre rôle, à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, est de proposer des politiques et des principes à nos parlements, à nos gouvernements en matière de culture et de souligner l’importance de la culture dans les stratégies et les politiques. Ce rapport a peut-être un titre assez vague et général. Je pense toutefois qu’en cette époque la question est devenue une question politique essentielle. La démocratie est le seul système que nous ayons. Nous l’avons bâti au fil de nombreux siècles, ici, en Europe, mais, sans culture, c’est une coquille vide. Ou encore, comme l’a dit Umberto Eco, c’est la culture, et non pas la guerre, qui cimente l’identité européenne.

Les questions de sécurité ne peuvent, selon moi, être traitées uniquement par les politiques sécuritaires – nous en avons eu bien des preuves, dernièrement. Je me suis efforcée de donner, dans ce rapport, des exemples à suivre. Nous avons cité la proposition faite par le Premier ministre italien, M. Renzi: il a promis que pour chaque euro investi dans la sécurité, un autre euro serait investi dans la culture. Nous invitons nos collègues italiens à vérifier que cette promesse est tenue.

Le rapport souligne que la culture est un élément des politiques générales et de la gouvernance. Nous insistons donc sur la mise en la mise de programmes interministériels. Nous pensons que les politiques éducatives doivent être une priorité, car l’éducation culturelle permet de doter les jeunes non seulement de compétences mais aussi d’aptitudes à la pensée analytique, critique, à la souplesse, au respect pour les autres et pour la diversité.

Nous parlons aussi des politiques sociales car nous pensons que la culture et l’accès à la culture est un droit de l’homme universel. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons essayer de veiller à intégrer les marginalisés, ceux qui sont exclus, ceux qui sont, en quelque sorte, dans des ghettos dans nos pays, dans nos villes, dans nos sociétés. Nous parlons beaucoup, également, de modifier les politiques étrangères, de trouver des moyens novateurs de modifier la diplomatie culturelle pour qu’elle soit un élément d’un réel échange.

Nous parlons également d’un autre lauréat du Prix du musée européen: le musée de Liverpool, qui a intégré des personnes souffrant de problèmes mentaux dans son programme «Maison des mémoires». Les politiques de santé peuvent ainsi être incluses dans les politiques culturelles.

En matière de recherche, les études culturelles prennent une importance croissante, notamment dans les neurosciences – on essaie de voir comment les gens réagissent à la culture.

Il y a aussi la politique des médias qui me paraît peut-être encore plus importante aujourd’hui.

Il est temps pour nous de convaincre nos collègues, nos confrères en politique, que les institutions culturelles peuvent jouer un rôle crucial, qu’elles peuvent offrir un lieu sûr à tous les citoyens européens, notamment ceux qui sont perdus, privés de tout et qui cherchent encore leur identité.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au second rapport.

Mme MARJANOVIĆ (Serbie), suppléant M. Le Borgn’, rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – J’ai en effet l’honneur de présenter le rapport de notre collègue Pierre-Yves Le Borgn’, qui ne peut malheureusement être des nôtres aujourd’hui. Je le regrette profondément, car je sais qu’il a mis toute sa conviction dans ce rapport. En tant que représentant de la diaspora française au sein de l’Assemblée nationale française, et comme il le dit lui-même, en tant qu’homme marié à une femme espagnole, père d’enfants qui ont la double nationalité, M. Le Borgn’ avait vraiment la conviction chevillée au corps. C’était vraiment l’expert le mieux à même de traiter cette question.

M. Le Borgn’ insiste sur la question des identités, son rapport suivant en cela un autre, important, sur les identités et la diversité, préparé par notre collègue portugais M. Costa Neves. Aujourd’hui, en Europe, les identités vont bien au-delà des frontières nationales. C’est une question beaucoup plus complexe. M. Le Borgn’ reconnaît l’importance des besoins de la deuxième et de la troisième génération de la diaspora, très différents de ceux de la première génération. Il met vraiment l’accent sur le rôle du bénévolat, sur l’importance des réseaux culturels pour la diaspora. Il estime qu’une coopération plus institutionnalisée permettrait aux pouvoirs publics de mieux tendre la main aux migrants de deuxième et troisième génération. Il estime aussi que la diaspora peut jouer un rôle de médiateur entre les communautés et les autorités publiques. M. Le Borgn’ souligne que la plupart des organisations qui représentent les diasporas reposent sur le bénévolat, sur des personnes mues par un très grand enthousiasme, qui ne disposent pas de structures adéquates ni de financements durables. Dans le cadre des stratégies nationales d’intégration, il conviendrait selon lui de prévoir des programmes de soutien financier dignes de ce nom.

M. Le Borgn’ croit fermement en l’établissement d’une plateforme européenne pour les associations représentant les diasporas.

Enfin, il estime que notre Assemblée peut jouer un rôle crucial en la matière. C’est nous qui devrions mettre en place un réseau parlementaire européen sur les politiques menées à l’égard des diasporas.

LE PRÉSIDENT* – Il vous restera neuf minutes, Madame la rapporteure, pour répondre aux orateurs.

M. RIGONI (Italie), suppléant M. Mariani, rapporteur pour avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Comme cela vient d’être dit, les diasporas sont très importantes pour notre Assemblée parlementaire. Le rapport porte ainsi sur l’un des grands problèmes du moment: l’intégration des migrants dans leur pays de résidence.

Il n’y aura pas d’intégration réussie sans une meilleure intégration sur les plans éducatif et culturel. Les cultures doivent apprendre à cohabiter, il doit y avoir une véritable osmose. Il faut être capable de réunir des patrimoines culturels différents, des styles de vie différents, des religions différentes.

Les communautés de la diaspora jouent à nos yeux un rôle primordial pour une meilleure intégration des migrants dans leur pays de résidence. Comme vous le savez, notre commission des migrations s’est déjà penchée à plusieurs reprises sur la question des diasporas. J’ai été moi-même rapporteur récemment sur leur participation démocratique. En fait, les migrants s’intégreront d’autant mieux qu’ils seront appelés à participer aux choix qui sont faits dans les pays où ils résident, où ils travaillent, où ils paient des impôts. Il faut mettre en place des mécanismes d’harmonisation générale.

Quant au rapport de M. Le Borgn’, il porte sur deux aspects, l’éducation et la culture, qui sont également très importants pour l’épanouissement des diasporas, surtout en ces temps de crise migratoire.

Nous nous sommes permis de déposer quelques amendements sur le projet de résolution. Nous tenons à souligner que la diaspora, la communauté des migrants peut représenter une véritable passerelle, un véritable trait d’union entre le pays d’origine et le pays de résidence. Les migrations présentent certes certains aspects négatifs, mais elles ont aussi des aspects positifs, et c’est ce que nous devons mettre en avant pour permettre une intégration plus large. Nous avons suggéré au sein de la commission de prendre appui sur la diaspora des parlementaires.

Toutes ces actions visent à ce que les migrations ne soient pas uniquement un problème pour nos pays mais aussi un avantage.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – La meilleure façon de commencer mon propos est de citer un extrait du paragraphe d’ouverture de ce rapport: «[La culture et les arts] sont un instrument puissant pour prévenir la radicalisation et façonner une citoyenneté démocratique.» Cette déclaration est importante, précieuse.

Le rapport traite de l’éducation et souligne le rôle que celle-ci joue dans le développement de comportements et de valeurs qui renforcent les compétences démocratiques. Nous devons tous le garder à l’esprit. Qu’il s’agisse d’encourager les jeunes à venir assister à nos débats dans la galerie du public ou à participer à des groupes de discussions dans les écoles de nos propres pays, nous devons prendre ce rôle très au sérieux. C’est précisément ce qu’a permis le référendum qui se tient dans mon propre pays aujourd’hui. Quels que soient la composition des écoles ou le profil des enfants, l’événement a suscité un vif intérêt pour le processus politique et le monde politique parmi les jeunes de moins de 18 ans.

Voilà ce que je voulais dire au sujet de la démocratie. Qu’en est-il de la culture? Au Royaume-Uni, nous avons récemment produit un document sur la politique culturelle et sur la façon dont on peut utiliser les politiques culturelles pour protéger notre patrimoine, aider les jeunes issus de milieux défavorisés et permettre à d’autres pays de retrouver la stabilité sociale après un conflit. L’accès à la culture doit permettre d’orienter les jeunes, notamment ceux qui sont issus de milieux défavorisés et des communautés de la diaspora. Il faut assurer au plus grand nombre l’accès à des expériences culturelles de très grande qualité, comme l’indique le paragraphe 14 du rapport. Celui-ci souligne également l’importance de la participation de ces personnes à de telles expériences en tant qu’acteurs et producteurs, et pas uniquement en tant qu’observateurs.

Dans mon propre pays, le ministre de la culture et un membre de la Chambre des Lords issu d’une communauté ethnique ont présidé une table ronde avec des radiodiffuseurs asiatiques et musulmans pour observer la façon dont les récits extrémistes sont présentés.

L’importance des communautés issues de la diaspora est mise en lumière dans le second rapport dont nous sommes saisis. Au Royaume-Uni, je suis notamment en contact avec une communauté africaine dont nous estimons particulièrement les membres. Le gouvernement a d’ailleurs nommé une personne chargée de le représenter auprès des communautés de la diaspora. Nous travaillons en étroite collaboration avec elles pour nous assurer de leur participation pleine et entière aux activités culturelles du pays. Bien entendu, la langue est une question clé. Un des meilleurs moyens de donner à chacun des opportunités en matière culturelle est de trouver un langage commun. À cet égard, je salue l’action menée par les ministres de l’éducation de toute l’Union européenne après l’agression contre Charlie Hebdo pour promouvoir la citoyenneté, la liberté, la tolérance et la non-discrimination par l’éducation. Je suis très heureux que le Royaume-Uni ait consacré une enveloppe de 20 millions de livres sterling supplémentaires pour proposer des cours de langue anglaise à des personnes ne maîtrisant pas encore cette langue.

La culture peut jouer un rôle important pour favoriser le développement, lutter contre la pauvreté et faire surgir de nouvelles chances pour les uns et les autres. Ce sont dans ces trois domaines que nous devons agir de façon concertée. Il faut absolument exploiter pleinement ces possibilités.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Pour ma part, j’aimerais surtout insister sur le premier rapport, qui porte sur la culture et la démocratie.

L’accès à la culture ne devrait pas dépendre d’un contexte économique ou social. Chacun devrait avoir accès à la culture là où il vit et pouvoir exercer différentes formes d’activités culturelles. Il s’agit d’une question démocratique importante. La culture peut renforcer les liens sociaux en construisant des passerelles entre des personnes d’origines différentes et créer des communautés plus soudées, plus unies, dans lesquelles les gens puissent vivre en sécurité. Pour cela, la société doit garantir un bon accès aux biens culturels, par exemple les bibliothèques, les musées, les théâtres, et permettre à des organisations de se réunir pour des activités culturelles telles que la danse, le chant ou le théâtre.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples d’actions mises en œuvre en Suède. Récemment, le Gouvernement suédois a décidé de rendre la plupart des musées gratuits. Des classes peuvent ainsi plus facilement les visiter. La pédagogie s’est en outre améliorée dans les musées, qui sont de plus en plus intéressants pour leurs visiteurs. Il est particulièrement important d’investir dans les enfants et les jeunes gens et de stimuler leur intérêt. En Suède, les écoles de musique, de danse ou de théâtre permettent aux enfants de pratiquer ces activités moyennant un montant très modique. Tous les enfants, quel que soit leur statut socio-économique, devraient pouvoir pratiquer des activités culturelles. Beaucoup d’artistes suédois devenus célèbres ont commencé de cette façon.

La recherche montre que les personnes qui ont une pratique culturelle et qui consomment des biens culturels se sentent mieux, sont en meilleure santé et ont une meilleure qualité de vie. Il est donc important que la société offre différentes formes de culture aux personnes hospitalisées ou aux résidents de maisons de retraite, par exemple. Beaucoup d’associations à but non lucratif organisent des activités culturelles. La collectivité doit dialoguer avec celles-ci et leur accorder un soutien financier. Il importe que ces associations s’engagent à être démocratiques.

Il est par ailleurs important que la société défende la liberté artistique. Les artistes doivent pouvoir s’exprimer librement, sans être censurés ou sans craindre de représailles de la part des autorités. Le principe de la liberté artistique est la pierre angulaire de la démocratie.

M. SCHNEIDER (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Je voudrais d’abord remercier Pierre-Yves Le Borgn’ pour son travail qui nous rappelle combien la langue et la culture sont synonymes de partage.

En tant qu’Alsacien, je ne peux qu’être sensible aux propositions relatives au bilinguisme. Nous avons défendu nos classes bilingues dès le primaire, avec d’ailleurs l’aide de M. Le Borgn’, député des Français de l’étranger pour l’Allemagne. Ce bilinguisme est une richesse d’un point de vue culturel autant qu’économique. C’est aussi une fierté, celle d’avoir su recréer le dialogue par la culture, en dépit ici d’un passé douloureux.

En tant qu’élu d’une circonscription qui compte beaucoup de communautés étrangères ou d’origine étrangère, je sais combien les réseaux culturels des diasporas et leurs associations peuvent créer du lien et favoriser la paix sociale. Lorsque nous avons créé des groupes de dialogue interreligieux, nous avons associé ces associations car elles sont un relais précieux pour nous, élus, qui devons prendre les décisions.

Associer les diasporas aux programmes d’intégration me semble une bonne idée. L’exemple de l’enseignement des langues et cultures d’origine en France a montré que le manque de contrôle et de réelle collaboration quant aux objectifs et aux moyens de cet enseignement pouvait aboutir à un mélange des genres, certains cours se rapprochant davantage de la propagande en faveur d’un pays étranger que d’un enseignement de langue et de culture.

Une réflexion devra être menée sur le rôle des diasporas dans le processus d’intégration, mais aussi sur l’enseignement des langues en général, dans notre pays et en Europe. Il est intéressant de noter qu’en France, par exemple, alors qu’il existait, du fait de l’histoire, une tradition d’arabisants et de russophones de renommée mondiale, ces langues ne sont presque plus enseignées en langue étrangère aujourd’hui.

En effet, lorsqu’on parle de culture et de démocratie, comment ne pas évoquer la question du plurilinguisme, en Europe et dans le monde? Les réseaux éducatifs de nos pays ont bien sûr vocation à offrir une scolarisation dans leur langue à nos communautés expatriées, mais également une ouverture à notre culture et à notre langue aux personnes du pays d’accueil.

Je suis depuis de nombreuses années membre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Les enfants fréquentant les écoles françaises en Europe ou dans le monde n’apprennent pas seulement une langue mais reçoivent une culture et des valeurs en partage. Je suis toujours étonné et ému face à ces jeunes qui, de Chisinau à Yaoundé, nous communiquent leur amour de cette langue qui est la mienne; toujours étonné, malgré mon expérience de la francophonie, de leur connaissance de notre culture. Ces enfants francophones – mais cela est vrai pour bien d’autres langues – sont les meilleurs ambassadeurs de nos valeurs.

Mme BİLGEHAN (Turquie), porte-parole du Groupe socialiste* – Permettez-moi, tout d’abord, de féliciter plus particulièrement mes deux amis rapporteurs qui sont membres de notre groupe. Mme Marjanović a été réélue dans son pays; elle nous quitte momentanément – je suis sûre que nous continuerons, à l’avenir, à travailler avec elle.

Il s’agit, dans ces deux rapports, de dessiner l’avenir des politiques culturelles européennes. Aujourd’hui, l’Europe est confrontée à des difficultés sociales et économiques, elle est menacée par des attentats terroristes et se débat avec le problème des migrations. Comme l’indique le rapport sur «Culture et démocratie», dans un environnement de cette nature, la culture joue à n’en pas douter un rôle essentiel pour réunir les personnes et contribuer à la démocratie et à la paix. Les pays européens le savent et s’efforcent de concevoir des politiques appropriées. Toutefois, en période de disette budgétaire, la première mesure envisagée par les gouvernements est de réduire le budget de la culture. Que faire dans un tel contexte?

Le rapport avance un certain nombre d’idées précises. D’abord, il faut réfléchir à la démocratie culturelle, c’est-à-dire veiller à ce que les politiques menées incluent tous les groupes dans les activités culturelles. Dans le domaine de la culture et de l’art, nous constatons que les artistes peuvent faire figure de pionniers et inspirer les responsables politiques. En Serbie, par exemple, un film abordant la question de l’homosexualité – le premier à traiter de ce sujet – a été projeté, ce qui a suscité un débat. Cela montre qu’il est possible d’influencer la population par l’art si l’on ne peut pas le faire à travers la politique.

Dans le rapport de Mme Marjanović, on lit une conclusion très importante: la culture et l’art doivent être indissociables de la politique. De fait, c’est bien ce que l’on constate depuis la Révolution française: il y va de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Je viens moi-même d’un pays dans lequel cette question a été très importante au cours de l’histoire. Quand la république a été établie en Turquie, une succession de réformes ont été menées pour protéger nos valeurs culturelles. C’est par le biais de ces réformes culturelles que nous sommes devenus un Etat assez unique. La Turquie est donc un exemple en la matière.

L’Europe adopte elle aussi de telles politiques. Lorsque les migrants arrivent en Europe, ils peuvent éprouver un choc culturel, ce qu’il faut s’efforcer d’empêcher. Les politiques conventionnelles d’assimilation ne tiennent plus aujourd’hui: nous devons désormais imaginer une Europe qui rassemble des citoyens de différentes cultures.

À cet égard, j’étais récemment à Paris, dans le cadre d’une manifestation culturelle. Il ressort de nos discussions que l’enjeu est de créer une cohésion culturelle. Je veux parler, non pas de sociétés pluriculturelles, mais de cultures se rencontrant de manière harmonieuse autour d’une même identité. Evidemment, il y a toujours le risque que se propagent les préjugés, l’intolérance et le fondamentalisme. L’objectif premier doit être de les éliminer. Ces deux rapports sont très importants à cet égard, et j’espère que nous les adopterons à l’unanimité.

M. MULDER (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* –
Nous débattons de deux rapports visant à améliorer l’intégration de manière à éviter la radicalisation. Les deux thèmes dont nous discutons aujourd’hui sont donc particulièrement importants, et chacun d’entre nous souscrit bien sûr aux objectifs poursuivis.

Le groupe ADLE considère qu’il faut lutter contre la xénophobie et les groupes politiques extrémistes, tout en prenant en compte les inquiétudes des gens au sujet de la crise économique, de la mondialisation, des attaques terroristes, ou encore de la venue de migrants qui ne partagent pas nécessairement les valeurs européennes, notamment en matière d’égalité entre les genres. Certains hommes politiques comprennent ces préoccupations et leur apportent des solutions.

Le premier rapport est consacré au thème «Culture et démocratie». On y lit que la culture est un outil puissant pour prévenir la radicalisation, mais la rapporteure écrit également que, dans bien des pays, on fait des économies en réduisant le budget de la culture. Il faut donc plaider la cause de la culture, mais aussi veiller à l’efficacité des projets que l’on souhaite mettre en œuvre: les résultats doivent être visibles. La rapporteure donne un grand nombre d’exemples de projets, mais la question est de savoir quels sont les critères permettant de choisir ceux qui seront couronnés de succès: comment faire en sorte que les projets fonctionnent et qu’ils touchent effectivement les groupes que l’on cible – car il est très difficile de toucher les personnes susceptibles d’être radicalisées.

L’autre rapport concerne l’intégration. Ce n’est pas tant l’origine de la personne qui est importante que son avenir; ce n’est pas tant le groupe que l’individu qui doit être au centre de nos préoccupations – du moins, c’est le principe qui anime les libéraux que nous sommes quand il est question d’intégration.

Avoir un emploi, apprendre une langue sont les paramètres essentiels d’une intégration réussie.

Si l’on se penche sur les diasporas, on constate qu’il y a des exemples d’apprentissage des langues. Au Royaume-Uni, cela a été dit, des cours de langue sont donnés le samedi dans des écoles. Chez nous, cela se passe plutôt le dimanche.

Quant à l’approche communautaire, l’intégration de diasporas est certes une intégration de groupes, mais aussi une intégration des individus. Or, on court le risque de voir les individus rester au sein du groupe, sans chercher à apprendre la langue du pays puisqu’ils peuvent parler leur propre langue au sein de leur communauté. Il leur est alors difficile d’être exposés à d’autres valeurs – ne serait-ce que l’égalité de genres, par exemple. Nous voyons trop souvent dans nos pays, des groupes dans lesquels les femmes sont maintenues à la maison, conformément au vœu de leur communauté.

J’aimerais avoir l’avis de la rapporteure concernant ce risque d’approche communautaire.

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Chers collègues, nous parlons tous d’intégration, mais beaucoup disent qu’elle a échoué en Europe. Les événements de la Saint-Sylvestre à Cologne et les différents attentats ont relancé le débat sur l’existence de zones de non-droit, de sociétés musulmanes parallèles régies par la charia et non par la loi des Etats d’Europe. La Suisse n’échappe pas à ce débat sur l’intégration bien que les deux millions d’étrangers y vivent en général en bonne entente avec les six millions de Suisses.

Est-ce simplement une question de taille du pays qui favoriserait la cohabitation de différentes cultures? Je ne le pense pas.

Une première raison de la bonne intégration culturelle est notre système scolaire. Les écoles suisses, contrairement à celles de bien d’autres pays, sont restées des écoles du peuple, qui accueillent vraiment toutes les catégories sociales. Tous les enfants en Suisse fréquentent les mêmes établissements, qu’il s’agisse de Suisses ou de jeunes migrants. Il existe très peu d’écoles privées dans notre pays, et nos écoles dispensent un enseignement d’une qualité hors du commun. Nos écoles non seulement éduquent, mais unissent et transmettent les valeurs culturelles et sociétales du pays. Elles sont le moteur indispensable de l’intégration.

Bien entendu, je sais bien que, même dans nos meilleures écoles, tout le monde n’a pas tout à fait les mêmes chances. Malgré tout, ce système scolaire permet l’intégration des enfants et la transmission des valeurs culturelles.

Un autre facteur de succès de l’intégration en Suisse est l’intégration par le travail. Le travail est, après l’école et la langue, le facteur d’intégration le plus important. Grâce au système performant d’apprentissage, même les jeunes issus de l’immigration, ont la possibilité, fût-ce à un niveau assez modeste, d’apprendre un métier. C’est en Suisse que le taux de chômage des migrants est le plus faible d’Europe. Il est vrai que notre système permet un passage au monde du travail dès 15 ans et que cela explique pourquoi la Suisse n’a pas encore ratifié la Charte sociale européenne. Il est vrai que, pour l’instant, cette dernière n’est malheureusement pas compatible avec notre système d’enseignement. Mais, chers collègues, dans notre système de formation, il ne s’agit pas du tout d’exploiter les jeunes, mais de leur fournir une formation. Celui qui entre dans le monde du travail le plus tôt possible bénéficie d’un salaire, de contacts sociaux et d’une vie quotidienne bien réglée.

Une bonne formation à l’école et un système de formation professionnelle efficace constituent la clé d’une intégration des personnes dans d’autres cultures. J’espère qu’en Suisse, ce système continuera de bien fonctionner encore longtemps.

M. MAVROTAS (Grèce)* – Nous devons, c’est évident, passer par l’éducation, car sans culture démocratique, nous ne pouvons arriver à une démocratie qui fonctionne. Il convient également de réorganiser les relations sociales en ne nous fondant pas uniquement sur les intérêts des grands groupes internationaux, car il faut plus de solidarité et plus d’égalité.

La plupart des pays européens sont confrontés au défi d’une immigration massive, et deux facteurs mettent en danger la protection des droits de l’homme: d’une part, des enfants de plus en plus nombreux ne sont pas intégrés; d’autre part, de plus en plus de personnes vivant dans nos pays ne bénéficient pas de la protection de leurs droits civiques. La radicalisation à laquelle on assiste n’est, à mon avis, que la conséquence de ce phénomène qui constitue une lourde menace pour le système démocratique européen.

La politique conduite aujourd’hui crée des polarisations, engendre des écarts, qui rendent l’intégration tout à fait insuffisante.

La culture doit faire partie intégrante du système éducatif. Il s’agit là d’un défi pour nos écoles. Le système scolaire doit non seulement préparer les jeunes pour qu’ils puissent s’intégrer dans un marché du travail soumis à un environnement qui évolue extrêmement rapidement, mais il doit aussi les préparer aux valeurs qui unissent nos sociétés.

Nous parlons ici de culture, et j’aimerais également intégrer le sport, car le sport peut jouer un rôle important et aider tous ces enfants à se sentir intégrés dans une société. Le sport est vraiment la meilleure des écoles, une école qui peut intégrer plusieurs civilisations et créer une société plus solide et avec plus de cohésion. Au travers de l’effort collectif, la réussite est plus facile.

En ce qui concerne les réseaux culturels de l’étranger, il est vrai que les Grecs ont toujours été un peuple de diaspora. De nombreux Grecs vivent en dehors de leur pays. Ces réseaux peuvent jouer un rôle prépondérance, à travers la culture, la langue et l’éducation. Bien évidemment, nous ne pouvons pas avoir des professeurs grecs partout dans le monde, mais ces réseaux maintiennent le lien avec la nation de toutes les communautés de la diaspora partout dans le monde.

Je tiens vraiment à féliciter les rapporteurs, dont les rapports sont extrêmement intéressants et complets.

LE PRÉSIDENT – M. Ardelean, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme BULIGA (République de Moldova) – Je vous remercie, Madame la rapporteure, pour la pertinence et la qualité de votre rapport. Il constitue un élément important pour établir les priorités culturelles et éducatives dans le processus de renforcement de la démocratie européenne. Les changements politiques, économiques et sociaux, leur rythme rapide et leur complexité engendrent de nouveaux défis pour un développement harmonieux de notre monde et pour une coexistence humaine civilisée.

Si la devise du Conseil de l’Europe est «Tous différents, tous égaux», alors la diversité culturelle devient la contribution fondamentale à la sécurité des principes démocratiques, diversité culturelle qui a cependant une même base intellectuelle, à savoir, l’intelligence, la créativité, la tolérance et l’ouverture à la connaissance et le perfectionnement de l’être humain.

Le développement intellectuel et le sens civique assurent le comportement démocratique et civilisé de tous les membres de la société. L’éducation, la tolérance, la créativité technique, la culture, y compris la culture politique, préviennent le rigorisme, le radicalisme, la violence, les attitudes destructrices et même le terrorisme.

La société moldove a toujours eu, par tradition, beaucoup de respect envers le christianisme, des coutumes nationales aux racines profondes et une culture comportementale fondée sur la communauté, l’estime et le bon sens. L’Europe peut se sentir comme chez elle en Moldova. J’admets toutefois, que mon pays doit promouvoir massivement la culture pour consolider la société moldove, en faisant en sorte de l’intégrer à l’économie, à la politique ou encore à la santé.

Je remercie également M. Le Borgn’ pour son rapport. Nous adhérons aux idées qu’il développe sur un sujet très important pour les pays de l’Union européenne et la République de Moldova. Nous avons conscience des avancées liées au processus migratoire: la création de liens de communication interethnique, la promotion de la culture nationale au-delà des frontières du pays, le multilinguisme, le soutien éducatif et culturel et le renforcement de l’unité dans la diversité, ce qui est d’ailleurs la devise de l’Union européenne.

Si l’établissement des institutions nécessaires aux communautés à l’étranger relève directement des gouvernements, les pays d’origine doivent en même temps ajuster leur cadre juridique et développer des politiques sociales adéquates afin de les rendre plus attractifs et ainsi d’inciter leurs citoyens à y retourner. Le départ massif de personnes qualifiées et de jeunes a provoqué un déficit en main-d’œuvre qualifiée, spécialement dans les sphères de l’éducation et de la santé.

Cependant, un rôle particulier nous revient: celui de maintenir les politiques menées en la matière, voire de lancer de nouvelles initiatives, et d’approfondir l’intégration grâce à un dialogue systématique avec les communautés de la diaspora, y compris en utilisant la diplomatie parlementaire.

M. JAKAVONIS (Lituanie)* – Le travail des rapporteurs arrive au moment opportun, dans un contexte international difficile. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill a été confronté à la même question: pourquoi dépenser davantage pour la culture quand il faut se battre? Aujourd’hui, il faut lutter contre la radicalisation. Le Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire et les sociétés démocratiques ont un rôle à jouer en la matière.

Nous sommes pour notre part un petit pays sur la carte du monde, mais nous souhaitons continuer à parler notre langue, maintenir notre culture, nos valeurs et nos traditions. La culture doit rester une priorité dans tous les secteurs de la vie. Par le biais de l’éducation, dès le plus jeune âge, nous pouvons développer le respect qu’auront les enfants non seulement pour leur culture, mais pour l’ensemble des cultures du monde.

Nous espérons ainsi que notre action mettra la culture à la portée de tous. Nous pourrons diffuser des connaissances qui nous aideront à résoudre les problèmes les plus complexes. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourra aussi conforter ce dialogue avec les différentes communautés qui vivent souvent loin de leur pays d’origine. Ce rapport sur les réseaux éducatifs et culturels est le bienvenu.

M. REISS (France) – Permettez-moi de citer un grand homme français, qui fut militant antifasciste en 1936 et 1937 aux côtés des Républicains espagnols, entra dans la Résistance en 1944, fut compagnon de la Libération puis un grand ministre de la culture du général de Gaulle. Je veux parler d’André Malraux, pour qui «l’art est le plus court chemin qui mène de l’homme vers l’homme.» Face à la montée des intégrismes religieux ou des nationalismes, le dialogue interculturel représente un atout pour nos démocraties fragilisées.

La culture est indispensable pour comprendre le monde mais aussi pour développer l’esprit critique et forger son libre-arbitre. C’est pourquoi la pratique d’activités culturelles à l’école est essentielle. Ces activités demandent cependant que les enseignants soient formés et que des moyens soient mis en place. Car la culture ne s’hérite pas, elle s’apprend, elle se transmet. Elle demande des clés de lecture, une connaissance de l’histoire et des religions. Pluridisciplinaire par essence, le parcours culturel de l’élève ne s’improvise pas.

Cette pratique d’activités culturelles est de fait reliée à un territoire, à un réseau local. La culture se nourrit de l’histoire d’une région, de ses artistes, de ses traditions. Cela devrait nous conduire à réfléchir sur notre politique culturelle locale, en particulier en direction du jeune public. Car si la rencontre des élèves avec la culture peut se faire grâce aux enseignements, les partenariats avec des intervenants extérieurs, publics ou privés, sont aussi indispensables. En effet, ces partenaires, par leur expertise et leur savoir-faire, enrichiront la conception et la mise en œuvre de projets culturels.

Ces activités culturelles peuvent aussi permettre d’associer les parents d’élèves et ainsi tisser un lien avec l’équipe enseignante, lien qui n’existe pas nécessairement dans certains établissements. L’échange ainsi créé ne peut que favoriser une meilleure inclusion scolaire et sociale.

Face au communautarisme, au repli identitaire, la culture nous rappelle en permanence que nous faisons partie d’une communauté, que nous en sommes les citoyens, parce que l’art est l’expression même de la liberté, parce que l’égalité des cultures est une valeur fondamentale, parce qu’en étant citoyens, nous sommes solidaires.

Pour des jeunes parfois perdus, qui se sentent incompris, la culture devient une arme de construction massive. L’implication des jeunes dans la conception, la préparation et la réalisation d’un projet qui favorise le développement de valeurs telles que la compréhension mutuelle ou le dialogue contribue ainsi à favoriser la citoyenneté active.

Dans ce domaine, les collectivités locales ont un rôle clé à jouer en donnant aux jeunes la possibilité d’agir en citoyen. En Alsace, dans cette région, en collaboration avec le rectorat, nous proposons chaque année, dans le cadre de l’opération «Le mois de l’autre», des actions avec des associations partenaires tendant à réfléchir à la citoyenneté, notamment grâce à des projets culturels. Nous pouvons ainsi saluer des initiatives telles que les rallyes intercultes, permettant aux jeunes de découvrir la religion de l’autre et de s’ouvrir à la différence, ou l’initiative «Etranger, qui es-tu?», qui permet de réfléchir sur la condition de migrant et sur l’intégration. C’est au travers de ces actions culturelles et par la transmission à nos jeunes de notre culture que le cœur de nos démocraties continuera de battre.

M. OBREMSKI (Pologne)* – Je vous remercie, Madame Marjanović, pour votre rapport intéressant et fort sage. Ma ville, Wroclaw, est capitale européenne de la culture. Nous connaissons en Pologne les mêmes problèmes qu’ailleurs. Théoriquement, un enseignement artistique est dispensé à l’école, mais il est actuellement négligé et peu pris au sérieux comparé aux matières dites importantes dans lesquelles il faudrait à tout prix réussir. Les médias sont sur la même ligne, bien qu’il existe quelques programmes culturels dans mon pays.

Après une période de transition, la Pologne est allée trop loin dans les réformes libérales. L’art et la culture sont devenus de simples marchandises. On observe actuellement en Europe une mode de la culture jeune principalement à visée commerciale. Certains affirment que l’on ne fait pas assez pour les groupes minoritaires, notamment les handicapés. Je ne crois pas, personnellement, qu’il soit judicieux de raisonner ainsi. Les sonnets de Shakespeare ne sont pas seulement pour les personnes LGBT! Les responsables politiques veulent mettre en place des programmes pour les minorités, mais ces programmes sont rarement adaptés aux publics visés. Il s’agit en réalité d’obtenir des subventions et de publier des rapports. L’art ne fait pas partie des politiques sociales. Je n’ai rien contre certains projets, mais n’exagérons pas leur valeur.

Sous les régimes nazis ou communistes, l’art était considéré comme un vecteur de changement social. On le considère à tort comme un outil. Wagner n’a pas déclenché l’Holocauste! La démocratie a besoin d’élites culturelles, sensibles aux évolutions et capable de visions d’avenir. Le budget national doit financer l’art et les élites artistiques. Il faut se garder de tout aplanir au nom de l’égalité culturelle. Il faut simplement créer des espaces de liberté pour que puissent s’épanouir de nouveaux Mozart, Caravage ou Shakespeare. Seul importe l’art de haute qualité. Le reste n’a que peu d’importance.

Mme Mateu, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE – M. Pâslaru, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Je me félicite que nous abordions ce matin le sujet de la culture et de la démocratie, mais j’aurais souhaité que l’on souligne que la démocratie est une partie de la culture. Hier, lors du débat sur le dialogue interparlementaire, nous nous sommes demandé comment parler aux Russes. En réalité, les problèmes ne viennent pas de la langue ou de la population russes. Non, ils s’expliquent par des malentendus culturels. Très souvent, nous avons tendance à penser que la culture relève du domaine des loisirs. Il y aurait, d’un côté, le monde rationnel et parfois cruel et, de l’autre, les loisirs. L’orateur précédent a souhaité que de nouveaux Mozart et Shakespeare puissent émerger, mais si nous cantonnons la culture aux loisirs, ce ne sera guère possible.

La culture est un domaine essentiel, lié à tous les autres. En tant que responsables politiques, nous devons fonder notre action sur des valeurs culturelles. Lorsqu’hier, nous nous sommes demandé comment parler aux Russes, je me suis dit qu’au-delà des différentes langues représentées dans cette enceinte, la langue du Conseil de l’Europe devait reposer sur les valeurs de l’Organisation. Or les Russes n’ont peut-être pas les mêmes valeurs que les nôtres.

En Lituanie, comme vous le savez, nous avons regagné notre indépendance et notre liberté. Nous n’avons pas combattu avec les armes ou le pétrole, nous avons mené une révolution culturelle, avec une approche culturelle de la politique. Pour les peuples des pays musulmans, la culture de l’islam ne justifie en rien les attentats commis par les islamistes radicaux et l’annexion de territoires. Dans le débat sur la culture et la démocratie, c’est la culture qui doit avoir la primauté. La démocratie fait partie intégrante de notre patrimoine culturel.

M. ÖNAL (Turquie)* – Les concepts de migration, de diaspora et d’intégration font actuellement l’objet de recherches intéressantes chez les sociologues. Au cours des derniers mois, la crise des réfugiés en Europe leur a donné une nouvelle actualité.

Nous discutons ce matin de démocratie et de respect des cultures. Le Conseil de l’Europe a été créé pour les défendre. Pourtant, les clivages grandissent au sein de nos sociétés, tout comme les phénomènes de radicalisation.

Je veux remercier les rapporteurs pour leurs réflexions sur ces sujets.

Aujourd’hui, le vivre-ensemble dans des sociétés pluralistes ne semble plus aller de soi; il est contesté, remis en cause. Certains milieux prônent des thèses nationalistes, protectionnistes, un repli sur soi. Ils pensent que les étrangers menacent les valeurs européennes. C’est un constat que l’on peut faire depuis le 11-Septembre, qui a provoqué l’adoption d’une série de lois restrictives qui ont notamment affecté les diasporas. Or cette diversité culturelle a toujours existé et nous devons la cultiver.

Les groupes de migrants, en Europe, s’ils préservent leur identité culturelle et la transmettent aux générations futures, ne nous menacent pas, même s’il convient de mettre en place des mécanismes qui permettent la cohabitation et l’échange. Les migrants devraient participer à la vie des sociétés au sein desquelles ils vivent. Il convient donc de prendre des mesures pour faciliter cette cohabitation et éviter d’adopter des lois discriminatoires.

La rapporteure s’est penchée sur la situation des communautés turques en France ou en Allemagne. Nous avons, nous aussi, fait des recherches. Nous constatons que si les migrants turcs ont, en général, une vision plutôt positive des pays où ils vivent, ils s’engagent assez peu au sein des sociétés d’accueil. Cela peut être un facteur d’aliénation, en particulier pour les deuxième et troisième générations.

J’ajouterai que les dernières réformes relatives aux diasporas et aux communautés de migrants qui ont été adoptées en France, en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas, peuvent être considérées comme nuisibles pour ces communautés. Ce sont des restrictions supplémentaires qui compliquent leur vie.

Enfin, il me semble qu’il ne faut pas négliger la situation des communautés turques dans les négociations ou dans les discussions en cours entre les pays européens et la Turquie. Et nous non plus, nous ne devons pas négliger ces questions.

Mme BLONDIN (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je voulais d’abord saluer les nobles motivations et ambitions des projets de résolution et de recommandation présentés par nos deux rapporteurs.

S’agissant de la culture et de la démocratie, la défense des valeurs et des principes démocratiques et la construction de sociétés plus inclusives me semblent constituer le cœur même de notre réflexion. Partant de ce constat, la France en a fait l’un de ses principaux objectifs, guidant l’ensemble de ses actions.

Les terribles attaques terroristes ont rappelé à nos consciences l’importance primordiale des valeurs de la République, leur fragilité aussi en ces temps troublés, et le devoir de vigilance qui est le nôtre dans une société qui les prend trop souvent pour acquises.

Le gouvernement a ainsi engagé une série de mesures visant à les intégrer à l’ensemble des politiques publiques et à les partager avec tous nos concitoyens, notamment les plus jeunes, et à leur redonner du sens.

La France a mis en place, en 2010, le service civique. Ce dispositif constitue une véritable opportunité pour nos jeunes compatriotes d’expérimenter de façon concrète leur rôle de citoyen et leur engagement républicain. Il redonne du sens à ces valeurs trop souvent perçues de manière abstraite.

Alors que le terrorisme entend susciter dissension et haine, à l’inverse, de telles initiatives favorisent la cohésion, la solidarité et la tolérance. Depuis sa création, 90 000 volontaires en ont bénéficié, qui ont déployé 82 millions d’heures d’engagement au service de la nation.

Une des neuf thématiques est consacrée plus spécifiquement à la culture. Celle-ci comporte deux axes: d’une part, favoriser l’accès à la culture à tous les publics et leur ouvrir les portes des lieux où ils n’osaient pas entrer; d’autre part, soutenir les activités socioculturelles et de loisirs, favoriser les pratiques amateurs.

Parmi les volontaires au service civique, 19 % sont issus des quartiers prioritaires, souvent les plus éloignés des lieux culturels. Ainsi, le gouvernement a fait de l’accès à la culture des publics qui en sont le plus éloignés, pour des raisons géographiques, sociales ou financières, l’une de ses priorités.

Le service civique français illustre parfaitement l’ambition que poursuit notre Assemblée: l’engagement pour les valeurs démocratiques, la défense de la cohésion, l’ouverture d’esprit et la tolérance. La culture constitue un fer de lance essentiel dans notre combat contre toutes les formes d’obscurantisme.

Mme DALLOZ (France) – Ce débat revêt dans le contexte actuel une importance particulière. En effet, des destructions de Palmyre aux conflits qui touchent l’Europe, lorsque la culture de l’autre est montrée du doigt ou pire, anéantie, la démocratie est toujours en danger.

Ainsi, n’oublions pas qu’en Ukraine, l’interdiction de l’usage des langues minoritaires a provoqué des réactions des communautés concernées dont nous connaissons tous les conséquences. Je crois qu’un travail avec les réseaux culturels des communautés russophones, mais aussi de langue polonaise ou hongroise à l’ouest de l’Ukraine, permettrait de recréer un dialogue, une «passerelle» pour reprendre le terme de mon collègue Pierre-Yves Le Borgn’, et d’éviter d’autres ruptures. Il ne s’agit pas de favoriser telle ou telle culture, mais de préserver la culture d’origine et de respecter celle du pays d’accueil.

Car je reste persuadée que la démocratie n’est possible que si les citoyens sont capables de s’ouvrir à la culture des autres. L’anthropologue Margaret Mead disait: «La connaissance d’une autre culture devrait accroître notre capacité à évaluer plus précisément, à apprécier plus tendrement la nôtre». Tous ceux qui ont pu faire l’expérience de vivre à l’étranger ont pu constater combien cela était vrai.

Dans ce cadre, les diasporas et leurs réseaux culturels ou associatifs ont un rôle essentiel à jouer pour préserver le lien avec la culture d’origine et permettre aussi une meilleure ouverture à la culture du pays d’accueil. Cela s’appelle l’intégration. Il faut le rappeler inlassablement dans le contexte actuel d’afflux massifs de migrants: l’intégration est essentielle et elle passera par la culture.

Maintenir le lien avec sa culture d’origine ne peut se traduire par une absence totale de lien avec la langue, la culture du pays d’accueil. C’est pour cela que, par exemple, tous les accompagnements ou systèmes de parrainage mis en place par des femmes – souvent par des mères – de la communauté d’origine qui sont bilingues sont un atout pour la démocratie.

Garder le lien avec sa culture d’origine ne doit en aucun cas se traduire par un rejet de la culture de l’autre, même lorsque l’histoire partagée a pu être difficile, même quand l’intégration a pu être compliquée. Des initiatives comme le musée de l’histoire de l’immigration en France permettent à chacun de retrouver son histoire, le parcours de ses ancêtres et nos valeurs communes.

La culture ne peut être un vecteur de démocratie que si elle est accessible à tous et partout. Je citerai l’exemple du schéma départemental de lecture publique en France qui permet d’installer des «bibliobus» dans les zones rurales dépourvues de médiathèques. Les habitants peuvent ainsi avoir accès aux chefs-d’œuvre de la littérature française mais aussi étrangère: Goethe ou Pouchkine, Tahar Ben Jelloun ou Orhan Pamuk sont autant de portes ouvertes sur la culture de l’autre et sur l’apprentissage de la démocratie.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – L’Homo sapiens est un être de culture. La culture infuse toutes les sphères de la vie, de la politique à l’économie, de la coexistence à la guerre. Elle repose sur les valeurs les plus démocratiques qui soient, car elle ne connaît pas les frontières, nationales ou religieuses, et appartient à l’humanité tout entière. Toute atteinte à la culture est donc une atteinte à la démocratie.

J’ai consacré ma vie aux questions culturelles, et je dirige aujourd’hui l’un des plus grands musées d’Azerbaïdjan. Voici déjà 25 ans que 22 des quelque 200 musées de mon pays, 6 galeries d’art, 762 monuments d’importance culturelle locale et mondiale, 1 413 entreprises culturelles et 927 bibliothèques contenant 4,6 millions d’ouvrages et de manuscrits demeurent sous occupation arménienne.

L’examen au prisme de la culture et de la démocratie du sort qui est fait à ce patrimoine révèle un tableau alarmant. Certaines de ces richesses culturelles sont vieilles de plusieurs siècles, et même de plusieurs millénaires; autrement dit, elles n’appartiennent pas seulement à l’Azerbaïdjan, mais à l’humanité entière. Hélas, beaucoup ont été détruites ou arménisées. Je n’en citerai qu’un seul exemple: en 2006, dans l’ancien château d’Aghoghlan, qui se trouve dans le district occupé de Lachin, les Arméniens ont ajouté 26 stèles aux parois pour attester que le monument leur appartient. Ils ont tout fait pour faire croire que loin d’être des nouveaux venus, ils habitaient le lieu depuis le Moyen Age. On ne peut cependant falsifier l’histoire aussi aisément. Dès les années 1970, les archéologues et les historiens azerbaïdjanais ont mené des recherches approfondies sur ce monument; leurs ouvrages révèlent incontestablement les mensonges arméniens au grand jour.

L’Arménie fait piètre figure en matière de culture et de démocratie. La Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, la Convention européenne de 1992 pour la protection du patrimoine archéologique et la Convention de l’Unesco concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel exigent pourtant d’adopter un comportement bien différent à l’égard d’un tel patrimoine.

Quelle est au contraire la position de l’Azerbaïdjan concernant la protection du patrimoine culturel international? Ces dernières années, le Fonds Heydar Aliyev a conduit de nobles projets tels que la restauration des catacombes des saints Marcellin et Pierre à Rome ou encore de cinq vitraux de la cathédrale de Strasbourg. Pays musulman, l’Azerbaïdjan a protégé le patrimoine culturel chrétien comme le sien propre. Si chacun d’entre nous adoptait la même approche, notre continent et notre monde seraient plus sûrs, plus beaux, plus agréables à vivre.

M. TUPONJA (Monténégro)* – L’un des faits marquants du XXIe siècle est la manière dont il rapproche les hommes. Jamais autant de personnes n’ont été poussées, malgré elles, à quitter leur lieu de vie pour chercher un emploi et une meilleure situation ailleurs. Avec les migrations se développe le multiculturalisme, qui est un atout pour nos sociétés et qui va de pair avec l’intégration des migrants. On ne saurait néanmoins considérer l’intégration comme un fait acquis: il faut constamment trouver de nouveaux moyens de la promouvoir, ce à quoi doivent s’employer les Etats membres.

Hélas, force est de constater que les migrants subissent une exclusion croissante, ce qui accroît d’autant les discriminations qu’ils subissent déjà en raison de leur langue ou de leur religion, et qui peut entraîner de graves conséquences pour nos sociétés. Il est donc indispensable que nous prenions conscience du rôle vital que peut jouer la culture dans la promotion de nos valeurs et le développement des sociétés. De ce point de vue, nous devons promouvoir l’action très importante des associations de défense des droits des migrants, faute de quoi leur intégration pourrait s’en trouver considérablement dégradée. Nous devons tirer le parti du potentiel de ces associations.

C’est la raison pour laquelle je soutiens les recommandations qui figurent dans le projet de résolution, qui favorisent le pluralisme et la compréhension mutuelle, et tracent de très utiles pistes politiques en la matière. Nous devons aussi prendre des mesures pour promouvoir les réseaux culturels qui travaillent avec les migrants.

Sans disposer de statistiques officielles, nous estimons qu’il y a autant de Monténégrins qui vivent et travaillent à l’étranger qu’au Monténégro même. J’en appelle donc aux autorités de mon propre pays pour faire davantage en faveur de ces personnes, car les migrants permettent de jeter des passerelles entre les cultures. Il nous appartient de reconnaître leur valeur et de leur apporter le soutien nécessaire pour qu’ils s’intègrent pleinement dans nos sociétés.

Mme QUÉRÉ (France) – À un moment où la peur de l’autre et la xénophobie tiennent trop souvent lieu de ligne politique, l’excellent rapport de Pierre-Yves Le Borgn’ nous rappelle, par l’exemple des diasporas, que la diversité culturelle peut être une richesse et un atout pour l’Europe, en pleine mondialisation. Qui peut aujourd’hui nier que le bilinguisme, voire le plurilinguisme, sont des atouts?

Le rapport nous apprend qu’au sein de l’Union européenne, 17,9 millions de personnes vivent dans un autre pays de l’Union européenne et, autre chiffre frappant, 15 % des mariages contractés sont des mariages mixtes. Il serait d’ailleurs intéressant de pouvoir disposer de statistiques comparables pour les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Ne pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, saisir le Secrétaire Général d’une demande d’étude de faisabilité sur ce sujet? Une bonne politique suppose en effet une bonne appréhension de la réalité.

Ce serait d’autant plus souhaitable que notre rapporteur montre bien que les diasporas peuvent contribuer à renforcer le pluralisme et la démocratie dans nos sociétés. Pour reprendre son expression, ces diasporas sont une passerelle entre nos cultures. J’approuve donc totalement son souci de mieux reconnaître et utiliser les réseaux éducatifs et culturels des communautés vivant à l’étranger.

Dans cette perspective, il paraît des plus opportuns de mettre en place un réseau parlementaire européen sur les politiques relatives aux diasporas. L’une des richesses de l’Assemblée parlementaire n’est-elle pas déjà de permettre, par son existence même, l’échange d’expériences et de bonnes pratiques entre ses membres?

Je ne peux également que soutenir la mise en place par les diasporas d’une plateforme européenne chargée de recueillir les données et d’évaluer leur impact tout en promouvant l’échange de bonnes pratiques et en mettant au point des projets conjoints.

Il n’est pas souhaitable de nier l’identité culturelle du pays d’origine, tout en maintenant naturellement le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale du pays de résidence. De même, est-il prudent d’assurer un certain contrôle de l’Etat sur les cours de langue pour les mineurs, tant pour des raisons pédagogiques que pour prévenir les risques d’endoctrinement. C’est une précaution de bon sens qui vaut pour toutes les formations destinées aux mineurs.

En conclusion, je voudrais saluer à nouveau le message d’espoir et de croyance en une Europe unie et démocratique que représente le rapport de M. Le Borgn’.

En cette période où les difficultés économiques, mais également le rythme accéléré des changements et les incertitudes sur l’avenir alimentent de compréhensibles inquiétudes, il est utile de montrer que l’ouverture de nos sociétés à la diversité peut constituer un facteur d’enrichissement individuel et collectif.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Permettez-moi de remercier les deux rapporteurs pour la pertinence de leur travail, auquel j’adhère totalement.

La démocratie n’est pas simplement un système politique. C’est avant tout un système de valeurs – le dialogue, le vivre-ensemble, l’acceptation des autres, quelles que soient leurs convictions religieuses ou leur appartenance politique. Tout processus démocratique doit être accompagné d’un travail de fond, c’est-à-dire un travail sur le niveau culturel, sur le niveau de l’éducation à l’école, au sein de la famille, au sein des partis politiques, et même dans la société civile et les médias. L’action culturelle ne doit pas se limiter au travail des ministres de la culture, ce doit être un travail transversal.

Il est hautement nécessaire d’améliorer l’accès à la culture des enfants et des jeunes marginalisés et défavorisés. L’investissement dans la culture doit être aussi prioritaire que l’investissement dans l’économie et les infrastructures. Le droit à la culture doit être aussi important que les droits civiques et les droits sociaux et économiques.

Je salue la recommandation du rapport appelant à consacrer l’une des prochaines éditions du Forum mondial de la démocratie au thème «Culture et démocratie». Le Conseil de l’Europe a bien fait de donner une dimension culturelle à la politique de voisinage. Je pense que notre présence aujourd’hui, ici, comme partenaire pour la démocratie en témoigne. Si le partenariat se fonde sur un partage des valeurs essentielles en matière d’Etat de droit, de démocratie et de respect des droits de l’homme, il sous-entend aussi une dimension culturelle à travers le dialogue culturel, comme le prouvent les activités du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales, ou Centre Nord-Sud. Ce dialogue est de plus en plus d’actualité dans une conjoncture marquée par la peur, le manque de confiance et une xénophobie plus forte à la suite des actes terroristes perpétrés à Paris et à Bruxelles.

Je suis aussi d’avis de prendre en compte le rôle que peuvent jouer les réseaux et associations des diasporas dans toute politique culturelle visant à lutter contre la radicalisation.

Je conclurai par un mot sur la dimension culturelle du processus de démocratisation dans mon pays, en citant le préambule de la Constitution marocaine: «le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.»

M. FARMANYAN (Arménie)* – Permettez-moi, en premier lieu, de remercier nos deux rapporteurs, qui nous soumettent d’excellents textes, excellents du point de vue de leur contenu politique mais aussi académique. La culture est en effet un outil puissant, qui permet aux citoyens de s’approprier leur citoyenneté démocratique. L’éducation et la culture offrent une sorte de renouveau intellectuel, nous permettent d’acquérir des connaissances, un esprit critique et une meilleure compréhension du monde qui nous entoure, que nous pouvons voir de différentes perspectives.

Cependant, je suis préoccupé de constater que nous n’avons pas une compréhension suffisante de l’impact de l’éducation et de la culture sur les changements sociaux. Généralement, les politiques éducatives visent à donner des connaissances qui répondent aux besoins économiques. Le développement personnel, qui est un outil très important pour le bien-être social, a été négligé en Europe ces dernières décennies. Le discours critique fondé sur l’économie doit être revu et corrigé pour s’adapter à la complexité des défis du monde moderne. Il est regrettable que l’éducation et la culture comptent parmi les premiers secteurs dans lesquels les gouvernements ont récemment opéré des coupes budgétaires. Les investissements dans l’éducation et la culture, comme l’a dit à juste titre notre collègue britannique, doivent être prioritaires, tout comme le sont l’économie, la sécurité et ces autres domaines considérés comme cruciaux pour l’Europe, mais, dans beaucoup de pays européens, ce n’est pas le cas.

Le rapport rappelle les risques de l’endoctrinement. Nous en avons constaté la réalité, notamment à l’époque soviétique ou sous le nazisme. La culture servait alors, avant tout, des buts politiques. C’est aussi ce que nous constatons aujourd’hui en Azerbaïdjan. Je vous renvoie aux propos tenus tout à l’heure par notre collègue Huseynov et à ses accusations contre l’Arménie: celles-ci témoignent du fait que l’endoctrinement par la culture sert l’agenda politique.

L’intégration des diasporas et des migrants est aujourd’hui un grand défi pour l’Europe. L’éducation et la culture permettent de systématiser l’intégration de ces groupes aux identités différentes. Bien sûr, les organisations des diasporas doivent pouvoir bénéficier de subventions publiques. De ce point de vue, la Suède est un modèle. Evidemment, ces diasporas, ces minorités doivent, dans le même temps, respecter la cohésion sociale et le vivre-ensemble dans leurs pays d’accueil. Malheureusement, le 9 avril dernier, sur l’une des places de Stockholm, le responsable d’une organisation communautaire turque a lancé un slogan: «Mort aux Arméniens!» Cela a mené à la démission du ministre du Développement urbain. C’est là l’exemple d’une tentative très dangereuse de radicalisation et d’utilisation à des fins politiques des organisations de la diaspora.

M. NEGUTA (République de Moldova) – J’aimerais tout d’abord remercier notre collègue Mme Marjanović et la commission de la culture pour la qualité de leur travail.

Chers collègues, pour la République de Moldova, la diaspora est un enjeu réel. Près d’un million de citoyens moldoves vivent à l’étranger. Le premier pays d’accueil pour les Moldoves expatriés est la Fédération de Russie, car aucun visa n’est nécessaire et il n’y a pas la barrière de la langue. En Russie vivent entre 450 000 et 500 000 Moldoves, soit 50 % de la diaspora. Le deuxième pays d’accueil est l’Italie, où vivent 150 000 Moldoves. La diaspora est également importante en France, en Espagne, au Portugal et en Irlande.

Les Moldoves quittent leurs pays parce qu’ils n’ont pas de travail. Notre gouvernement n’est pas en mesure de créer des conditions de nature à inciter les ressortissants à rester dans le pays. Pour les citoyens moldoves vivant à l’étranger, le gouvernement a créé un bureau des relations avec la diaspora. Cette structure n’a toutefois pas les moyens de jouer un grand rôle. Faute d’un budget suffisant, elle n’a pas la possibilité de faire évoluer la situation. Le gouvernement a lancé un bon plan d’action, mais celui-ci n’a pas encore eu les effets escomptés.

Il n’y a pas de réseau éducatif et culturel pour les Moldoves vivant à l’étranger. Il conviendrait de s’inspirer de l’exemple de la Roumanie, qui a créé un institut national roumain avec des filiales dans différents pays, de l’expérience de la Fédération de Russie, qui a créé un conseil interministériel puissant pour les citoyens russes vivant à l’étranger, et des autres cas examinés par M. Le Borgn’ dans son rapport.

Chers collègues, je vous invite à entrer en contact avec la diaspora moldove dans vos circonscriptions électorales et à l’aider à s’intégrer du mieux possible dans votre société.

LA PRÉSIDENTE – M. Shahgeldyan, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GONÇALVES (Portugal) – Je commencerai par féliciter le rapporteur, M. Le Borgn’, pour la qualité de ce rapport sur les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger.

Ce document nous permet aujourd’hui d’aborder un sujet qui me paraît important dans une Europe et dans un monde de plus en plus globalisés. Notre Assemblée reconnaît ainsi l’importance des communautés qui vivent à l’étranger et le rôle des réseaux culturels et associatifs dans l’insertion sociale au sein des pays d’accueil et dans les relations avec le pays d’origine.

Chers collègues, je vous parle en connaissance de cause: 5 millions de concitoyens portugais vivent à l’étranger, dont environ 1,8 million résident dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

II est de notoriété publique que les communautés portugaises s’intègrent facilement dans les pays d’accueil. Cela est dû en grande partie au rôle primordial joué par notre réseau associatif. Il s’agit d’associations diverses telles que les associations culturelles, sportives ou folkloriques, ou encore les associations de promotion de l’enseignement du portugais ou de formation professionnelle. Ce réseau est extraordinaire parce que, d’une part, il intervient dans le pays d’accueil en facilitant l’insertion, et, d’autre part, il n’a jamais oublié de promouvoir les liens culturels avec le pays d’origine. Ainsi, grâce à ce travail, les communautés portugaises jouissent d’une double appartenance culturelle, que je considère comme une richesse pour les pays et les cultures concernés et que nous devons soutenir.

Ce projet de résolution fait plusieurs recommandations qui me semblent importantes. J’aimerais toutefois profiter de cette intervention pour souligner l’importance que j’accorde à la participation des diasporas aux institutions de leur pays d’origine. Au Portugal, pour nos expatriés, nous avons un Conseil des Portugais de l’étranger élu au suffrage universel et, au parlement national, depuis la fin des années 1970, des représentants des Portugais vivant à l’étranger, dont je fais partie. La participation civique et politique est à mes yeux essentielle, non seulement dans le pays d’origine, mais également dans les pays d’accueil. Or, pour la sensibilisation à la participation civique, le travail développé par les réseaux associatifs est fondamental, d’où l’intérêt de leur aide et de leur action.

Pour conclure, j’insisterai sur la recommandation de mise en place d’un réseau parlementaire européen sur les politiques relatives aux diasporas et de création d’une plateforme chargée de recueillir des données et d’évaluer les répercussions des diasporas sur les sociétés européennes. Je souscris pleinement à cette proposition, qui me paraît être une très bonne idée.

Chers collègues, au Portugal, j’ai pour habitude d’affirmer que mon pays sera plus fort, plus compétent et plus performant s’il compte avec ses expatriés. Je pense que cette affirmation vaut pour toute l’Europe.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – La démocratie et la culture sont les produits de l’activité et de la pensée humaines. L’histoire est riche d’exemples montrant que le chemin qui mène à la liberté passe par la culture. La démocratie, phénomène de la vie sociale, n’est possible que lorsque la civilisation atteint un certain stade, lorsque tous les besoins élémentaires immédiats sont satisfaits.

Les liens entre la culture et la démocratie se manifestent non seulement par le fait que la démocratie promeut le développement de la culture, mais aussi parce que l’inverse se vérifie également. Chaque pas en avant sur la voie qui mène à la culture est également un pas sur la voie qui mène vers la liberté. Nul ne conteste la thèse selon laquelle il est impossible de garantir une réelle liberté ou un vrai régime démocratique sans culture. La capacité de vivre en démocratie, tant au sommet qu’au sein du peuple, s’appuie sur la culture, et cela est vrai depuis des siècles, voire des millénaires.

Le pays dont je viens illustre parfaitement le lien entre démocratie et culture. L’Azerbaïdjan dispose des éléments indispensables à l’instauration d’un régime démocratique. Ce pays est riche de traditions culturelles et démocratiques profondément ancrées: c’est la première république démocratique du monde orientale, le premier pays qui a accordé aux femmes le droit de vote et l’éligibilité. Ce pays joue un rôle de premier plan dans la promotion du ballet et de l’opéra dans la région. Nous sommes également résolus à promouvoir ces valeurs; cela fait partie de la politique que nous menons pour préserver notre patrimoine culturel.

Nous avons beaucoup avancé depuis que nous avons adopté une politique culturelle visant à démanteler le patrimoine idéologique de l’Union soviétique. Nous avons organisé de nombreux événements qui ont permis de ramener sur le devant de la scène plusieurs grands artistes qui avaient été déclarés indésirables par l’Union soviétique. Nous sommes parvenus à nous libérer des entraves du totalitarisme en donnant la priorité à la politique culturelle. Chaque année se tiennent le festival international Mstislav Rostropovich et le festival de musique de Gabala. Nous participons avec d’autres à des forums qui contribuent à la préservation du patrimoine culturel et renforcent le dialogue interculturel.

Un niveau élevé d’éducation, l’engagement pour la laïcité, la tolérance et le multiculturalisme sont des traditions propres à garantir à un pays et à sa population un avenir heureux. N’oublions pas que le développement de la démocratie va de pair avec la préservation et le développement de la culture. Aujourd’hui, nous sommes tous confrontés aux fléaux que sont le terrorisme et le radicalisme. L’intolérance religieuse et ethnique est à l’œuvre au sein de nos sociétés et essaie de les changer.

Un nombre croissant de jeunes rejoignent des mouvements radicaux et en deviennent les victimes. En accordant plus d’importance à la culture, en attirant les jeunes générations vers le développement et la préservation de la culture, nous pouvons les empêcher de devenir des victimes du terrorisme et, ce faisant, éviter que celui-ci ne continue à se propager.

M. GHAMBOU (Maroc, partenaire pour la démocratie)* – Je remercie M. Le Borgn’ pour son rapport très riche. Les réseaux culturels sont effectivement très utiles et leur valorisation encourage l’intégration. En aucun cas les réseaux de la diaspora ne minent l’intégration dans le pays d’accueil.

On ne peut pas continuer à vivre dans le déni: les migrants, quand ils partent à l’étranger, n’abandonnent évidemment pas totalement leur identité et leur religion, mais ils en viennent souvent à idéaliser la culture de leur pays de résidence. Malheureusement, trop souvent, les deuxième et troisième générations, nées et élevées en Europe, se sentent exclues, ont le sentiment d’une aliénation. Si l’on ne mène pas des politiques visant à aider les membres de ces diasporas, on ne sera pas en mesure d’allumer des contre-feux au racisme et à la radicalisation.

Le Maroc, par exemple, compte 5 millions de ressortissants vivant à l’étranger. Les politiques d’intégration sont donc incomplètes si elles ne sont pas fondées sur une coopération étroite entre le pays d’origine et le pays de résidence – je pense en particulier, s’agissant du Maroc, à la France. Le Maroc essaie ainsi de former des imams et autres responsables religieux en leur inculquant les notions qui prévalent en Europe, telles que la tolérance. En France, tout récemment, on a parlé de favoriser l’enseignement de l’arabe à l’école, geste bien venu pour la diaspora.

Les réseaux éducatifs et culturels pourraient être développés davantage, mais aussi s’ouvrir à de nouvelles institutions culturelles, sportives et religieuses, ou encore aux médias.

Les représentants du Maroc dans cette Assemblée seront toujours heureux de s’associer, comme tous nos collègues, aux initiatives parlementaires que le rapport recommande de prendre. De fait, nous connaissons le problème des deux côtés: nous avons sur notre sol la diaspora sahraoui et un grand nombre de Marocains vivent à l’étranger dans différents pays.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Chers collègues, j’ai du mal à me rappeler combien de fois nous avons déjà parlé, dans cette Assemblée, de culture et de démocratie, mais aussi de l’importance de respecter et de sauvegarder le patrimoine culturel et religieux des minorités nationales dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Nous avons également déclaré que le vandalisme culturel ne devait pas avoir de place dans quelque Etat membre de notre Organisation que ce soit.

Notre collègue Mme Marjanović aborde un problème important, et je suis tout à fait d’accord avec elle pour dire que dans le monde dangereux qui est le nôtre, la culture est devenue «un enjeu de sécurité».

Madame Marjanović, vous avez raison de dire que la culture est un puissant moyen pour les minorités de sauvegarder leur identité et un moyen de prévenir la radicalisation et l’intolérance, qui est l’un des défis du monde actuel. Mais je ne peux pas vous suivre quand vous affirmez que la Turquie offre l’un des meilleurs exemples qui soit. Ce pays peut sans doute servir d’exemple pour ce qui est de sauvegarder sa propre culture mais, à votre place, je m’intéresserais aussi à la manière dont il traite la culture et la religion des minorités nationales. Je m’intéresserais également à la façon dont les monuments culturels et historiques, telles les églises arméniennes, ont été détruits sur le territoire de la Turquie.

Selon l’Unesco, la majorité des quelques milliers d’églises et monuments arméniens ont été détruits. Immédiatement après le génocide de 1915, la Turquie a entrepris de commettre un génocide culturel qui se poursuit aujourd’hui. Le génocide de la culture arménienne en Turquie n’avait qu’un seul objectif: détruire le patrimoine culturel des Arméniens.

Il y a quelques semaines à peine, la presse turque nous a alertés sur le projet de destruction de l’église protestante arménienne, déjà en partie détruite, de la ville ancienne de Kharberd, qui se trouve sur le territoire actuel de la Turquie. Les Turcs l’utilisaient jusque-là comme étable et comme garage. Or, à la place de cette église exceptionnelle, ils veulent construire un hôtel.

Pour la Turquie comme pour son petit frère, l’Azerbaïdjan, où l’on a rasé le cimetière des khatchkars
des pierres sur lesquelles sont gravées des croix – de Djugha, qui sont un témoignage historique, c’est un projet d’Etat que d’essayer de supprimer toute trace arménienne.

Je veux espérer que, dans votre prochain rapport, vous parlerez aussi de ces problèmes importants. Et, puisque je viens de parler de la Turquie, chers collègues, je veux également signaler que 11 parlementaires allemands d’origine turque, qui avaient voté le 2 juin en faveur de la résolution reconnaissant le génocide arménien, sont soumis à des menaces graves de la part d’Erdoğan et d’autres extrémistes turcs. Il est nécessaire de lutter contre ce fascisme turc, car nous savons ce que cela signifie d’être l’héritier des Jeunes-Turcs.

M. WOOD (Royaume-Uni)* – J’aimerais tout d’abord exprimer à mon tour mes remerciements à Mme Marjanović et à M. Le Borgn’ pour leurs excellents rapports, de même qu’à M. Mariani pour l’avis fort bien rédigé qu’il a rendu au nom de sa commission.

Les diasporas présentes dans les pays européens représentent certes un défi non négligeable, mais elles représentent également pour eux des possibilités nouvelles.

S’agissant des défis, nous savons bien ce qu’ils sont. Je pense notamment à la pression que les diasporas peuvent exercer dans les écoles, par exemple, et cela d’autant plus que de nombreuses communautés de migrants ont tendance à s’établir dans des zones déjà très denses. Il est parfois difficile pour les écoles – peut-être plus que dans le cas des autres enfants – d’absorber tous ces nouveaux élèves et de répondre à leurs besoins.

Mais les possibilités qu’ouvrent les diasporas sont tout aussi évidentes. Elles apportent de la diversité à notre culture et permettent aussi aux autres élèves de se confronter à d’autres expériences, et cela dès le plus jeune âge. Dans mon pays, par exemple, les écoles considèrent que c’est là un avantage considérable pour les élèves.

Il semblerait aussi qu’il y ait peut-être une meilleure compréhension dans les familles de ces communautés de migrants de l’importance, essentielle, d’une bonne éducation, et cette mentalité a aussi un effet sur le reste de la classe.

Mais je pense aussi aux enfants migrants ayant des besoins spéciaux. Il faut pouvoir leur donner l’éducation dont ils ont besoin. Pour avoir participé à la campagne mondiale pour l’éducation, je sais très bien que les attitudes varient énormément d’un pays à l’autre s’agissant de l’éducation à dispenser aux enfants en situation de handicap physique ou qui ont des difficultés d’apprentissage. Il est essentiel que les autorités de nos pays fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour reconnaître ces besoins et y répondre. Il importe notamment de pouvoir expliquer clairement en quoi il est si important de fournir une éducation adaptée à ces enfants.

L’éducation n’est pas seulement un besoin absolu pour le développement économique de nos pays, elle est aussi un outil essentiel pour l’intégration, la cohésion et la compréhension mutuelle.

J’aimerais à nouveau remercier les auteurs des rapports ainsi que le rapporteur pour avis pour l’excellent débat qu’ils nous ont permis de tenir ce matin.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je commencerai par remercier et féliciter les rapporteurs, car ils abordent dans leur travaux des questions qui sont extrêmement importantes de nos jours.

La communauté mondiale fait aujourd’hui face à de nombreuses menaces: aux menaces pour les économies de nos pays liées au processus de mondialisation en cours et aux conséquences des crises financières, d’une part; à la grande crainte de nos opinions publiques eu égard à ce qui passe dans l’arène politique, d’autre part. De surcroît, nous assistons à la manifestation de discriminations religieuses et raciales et à des attentats terroristes, autant de phénomènes qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Face à ces situations, le rôle de la culture et de la démocratie est d’autant plus important. La participation active aux activités culturelles aide les gens à se doter d’un esprit critique, à mieux comprendre le monde, à l’aborder sous des angles différents, à interagir avec les autres, à faire entendre leur voix et définir leur rôle dans la société.

Je suis d’accord avec le rapporteur, l’investissement humain à long terme doit se faire dans le domaine de la culture et de l’éducation. Cet investissement doit se faire au même titre que l’investissement dans l’économie, les infrastructures ou les mesures de sécurité. Tout cela est important, mais la capacité apportée par la culture et l’éducation pour nous permettre de lutter dans un monde de plus en plus soumis à la compétition l’est tout autant. Pour les gouvernements, il ne s’agit donc pas, à l’heure actuelle, de faire le mieux possible avec des ressources limitées, mais de trouver le moyen de garantir l’accès à la culture et à l’éducation à tous.

Quelles sont les mesures qui ont été prises par l’Etat azerbaïdjanais en la matière?

L’Azerbaïdjan est un pays à la croisée de l’Orient et de l’Occident. C’est un pays riche d’un très grand patrimoine culturel. Il n’est pas le «petit frère» de quelque pays que ce soit, comme cela a été dit dans l’intervention de la représentante de l’Arménie. Nous disposons de notre propre culture. Nous avons eu soin de la développer et de la faire s’épanouir. Notre patrimoine culturel est d’une immense richesse.

Dans ce contexte, c’est à l’Etat qu’il incombe d’assumer la lourde responsabilité de préserver ce patrimoine. Le Gouvernement d’Azerbaïdjan a pris des mesures très complètes, des mesures de fond, pour promouvoir le multiculturalisme et la culture nationale. Il encourage toutes sortes d’activités dans différents domaines et protège le patrimoine culturel et historique. En 2014, le service du Conseiller d’Etat chargé du multiculturalisme et des questions interethniques et religieuses a été mis en place. Cette même année, par le biais de décrets présidentiels, le Centre international du multiculturalisme de Bakou et la Fondation pour la connaissance ont été créés, pour permettre l’analyse des différents aspects pouvant être repris pour établir des modèles de multiculturalisme.

Nous étudions aussi ce qui se fait ailleurs. Nous essayons de renforcer tout ce qui peut être fait pour accroître notre connaissance des phénomènes socioéconomiques, techniques et scientifiques.

L’année 2016 a été déclarée Année du multiculturalisme dans notre pays. La politique éducative joue un rôle très important en matière de développement de la culture et de la démocratie. Les jeunes gens, pleins de talents, doivent être au cœur des attentions du gouvernement.

J’appelle votre attention sur le fait que l’Azerbaïdjan a adopté une loi sur la jeunesse et lance un programme dédié aux jeunes. Des mesures spécifiques liées au développement de la jeunesse sont reprises dans la loi et dans ce programme afin de promouvoir le développement de notre jeunesse. L’Etat a mis en place une Fondation pour la jeunesse qui permet aux jeunes d’avoir accès à toutes sortes d’activités créatives et leur offre de multiples sources de motivation. Chaque année, des centaines de nos jeunes partent étudier à l’étranger; c’est l’Etat qui s’occupe de financer leurs études.

Sir Roger Gale, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Mateu au fauteuil présidentiel.

Lady ECCLES (Royaume-Uni)* – En tant que membre de la commission de la culture, il m’a été donné l’occasion d’être rapporteure sur «Les bibliothèques et les musées dans un monde en mutation». C’est la raison pour laquelle je suis très heureuse d’avoir l’opportunité de contribuer à ce débat.

Je tiens tout d’abord à féliciter nos collègues Vesna Marjanović et Pierre-Yves Le Borgn’ qui défendent avec une grande conviction la cause de la culture qui mérite, de façon générale, être placée bien plus haut dans nos programmes politiques européens. Tous deux avancent des arguments très convaincants, s’appuyant sur des exemples. Ce débat me donne l’opportunité de dire quelques mots de la pertinence des musées et des bibliothèques dans ce contexte.

Dans le monde actuel, le rôle des bibliothèques a beaucoup évolué. Dans les plus petites municipalités, leur fonction était surtout d’être des bibliothèques de prêt, mais l’arrivée des livres électroniques a considérablement restreint la demande de livres sur support papier. Cela se constate un peu partout, et l’on parle d’ailleurs plutôt «d’agora» pour désigner les bibliothèques au XXIe siècle, car elles remplissent d’innombrables fonctions qui auraient été inconcevables il y a encore peu de temps.

Il est vrai que les technologies de l’information ne cessent d’ouvrir de nouvelles opportunités, et nous avons parfois tendance à oublier ce qu’était le monde avant l’internet. Il est désormais possible de mettre à disposition du public toutes sortes de services qui ont, sans nul doute, un effet culturel extrêmement riche.

L’un des avantages de cette évolution des bibliothèques a été de leur permettre de découvrir l’importance de leur public. Elles ont attiré un plus grand nombre de personnes dans la mesure où elles répondaient mieux à leurs besoins particuliers et à leurs perceptions. Avoir ainsi une meilleure compréhension des besoins du public a considérablement accru le rôle des bibliothèques qui est aujourd’hui aussi important, pour les experts qui y travaillent, que de connaître leurs propres collections.

Le rôle croissant des bibliothèques et des musées les conduisent aussi à tenir compte des différences culturelles. Parfois, ils peuvent servir d’intermédiaires entre différents groupes culturels. Ainsi, ils encouragent une coopération plus étroite entre des communautés différentes.

Au paragraphe 40 du rapport, nous en avons un excellent exemple: le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le Mucem, à Marseille, qui est lauréat du prix du Musée du Conseil de l’Europe en 2015, est l’un des musées français s’appuyant sur un concept tout à fait novateur. Outre le fait qu’il s’agit d’un musée remarquable, il a également pour fonction de jouer le rôle d’une agora moderne. Le Mucem présente un programme extraordinaire d’activités diverses et variées qui le rend très accessible et permet aussi d’avoir accès, par le biais de l’art, à des questions parfois controversées sur le Proche-Orient.

Je veux revenir sur l’importance de la Convention de Faro du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société. Elle se fonde sur l’idée que la connaissance et l’utilisation du patrimoine font partie du droit des citoyens à prendre part à la vie culturelle, comme cela est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le patrimoine culturel est une base fondamentale pour construire une société prospère et durable. Ces deux rapports apportent donc une contribution remarquable en soulignant que la culture et la démocratie sont inséparables dans notre monde.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Passer de la lutte pour la liberté, la démocratie et l’Etat de droit à l’institutionnalisation de la démocratie au Maroc, voilà un processus culturel de première importance. Ses enjeux sont à la fois politiques et sociaux. Il s’agit d’un travail de tous les instants.

Le fondement essentiel dans ce processus est la question culturelle. Mon pays, au passé millénaire, possède des richesses historiques et culturelles d’une grande diversité et d’une grande originalité. Cette diversification se reflète dans sa langue, ou plutôt ses langues. L’arabe, l’amazighe, le hassani et le sahraoui sont des langues officielles inscrites dans la Constitution de 2011; dans la pratique, dans certaines régions, l’hassanya, le rifain, le tachelhit ou le tamazight les remplacent. Voilà notre patrimoine, voilà notre pluralisme linguistique.

Mais le processus de valorisation du pluralisme culturel n’est pas un chemin bordé de roses. La question de la diversité culturelle fut très tôt abordée au Maroc, dans le but de promouvoir le pluralisme culturel. C’est un espace de développement humain et économique. C’est aussi un outil de résistance à la radicalisation. La création de l’Institut royal de la culture amazighe Ircam est, aux côtés de l’Instance équité et réconciliation (IER) et de la réforme du Code de la famille, l’une des principales réalisations du Royaume durant les dernières années. Dans les nouvelles dispositions de la Constitution de 2011, suite au «printemps arabe», le préambule donne une définition de l’identité nationale marocaine comme marquée par le pluralisme, notamment culturel et historique. Ces mesures d’envergure sont soutenues par une dynamique institutionnelle et associative. Nous venons d’examiner au parlement une loi organique dans l’élaboration de laquelle le Conseil national des langues et de la culture marocaine et le Conseil national de la culture amazighe ont joué un rôle essentiel. Nous confirmons l’intérêt que nous portons aux langues comme outil démocratique, dans un contexte marocain très difficile, marqué par une crise sécuritaire grave. Les langues sont pour nous un outil institutionnel de résistance à la radicalisation.

Chers collègues, le Maroc a donné un modèle concret de défense des principes de tolérance et de rejet de la xénophobie: je parle de l’importance accordée à la composante juive de l’identité historique du Maroc. De nombreux programmes ont abouti à des publications consacrées à la mémoire juive au Maroc, à la prise en compte de l’héritage juif dans le code de la famille, à la valorisation de la culture hassani, à la valorisation et la conservation des cimetières et des églises, et à la valorisation du patrimoine sahraoui. Le Conseil national des droits de l’homme, en partenariat avec l’Agence du Sud, ont porté ces réalisations, qui montrent une réelle dynamique institutionnelle et associative pour soutenir ce patrimoine sahraoui dans le Sahara marocain.

Face au terrorisme et à la culture de la violence, la présence de 4 millions des Marocains en Europe, dont plus de la moitié ont la double nationalité, est une plateforme de dialogue dont il faut tirer tous les avantages. C’est dans cet esprit que j’appelle à la création d’un cadre institutionnel parlementaire et civil Nord/Sud contre le terrorisme et le radicalisme, pour sauver nos jeunes générations d’un cancer mortel: l’idéologie du terrorisme.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée. Voilà qui est inhabituel, nous disposons d’un peu de temps pour entendre d’autres orateurs. J’invite ceux qui souhaiteraient s’exprimer à le faire, cette invitation ne s’adressant qu’aux parlementaires qui n’auraient pas encore pris la parole au cours du débat.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Les sujets abordés sont essentiels pour l’avenir de l’Europe et du monde entier. La culture et la démocratie sont inséparables. La culture nous permet de comprendre que les différences sont sources de diversité.

Certains de nos collègues ont cependant pris la parole pour critiquer l’Azerbaïdjan, et exposer des arguments dénués de toute pertinence. Je le regrette profondément. Nous discutons aujourd’hui de la valeur de la tolérance, qui doit trouver une place toujours plus importante au sein de nos sociétés. Certaines déclarations dans cet hémicycle vont à l’encontre de la campagne «Ni haine, ni peur». J’estime que ces déclarations sont regrettables.

En Azerbaïdjan nous disposons d’un centre pour le dialogue interculturel; sur notre territoire des personnes d’origines ethniques différentes parlent des langues différentes, cohabitent harmonieusement, pacifiquement; j’en veux pour preuve les documents rédigés par nombre d’organisations internationales. Chrétiens et musulmans vivent ensemble.

Nous montrons le même respect à l’égard de tous les monuments, qu’ils soient azéris ou non. Les propos de notre collègue arménienne n’ont rien à voir avec la réalité. Mme Zohrabyan a déclaré que nous détruisions les monuments arméniens en Azerbaïdjan. Ce n’est pas vrai.

En revanche, malheureusement, l’Arménie a envahi le territoire de l’Azerbaïdjan. Malheureusement l’Arménie a détruit une très grande partie de nos monuments culturels et religieux. Nous pouvons produire des éléments de preuve attestant que ces monuments ont été détruits, emportant dans leur perte l’histoire et le patrimoine culturel de l’Azerbaïdjan. Les Arméniens ne montrent aucun respect pour les sites culturels et religieux.

Nous devons respecter nos cultures respectives sous peine de ne jamais parvenir à nous respecter les uns les autres. Le respect est indispensable à la coexistence.

M. KÜÇÜKCAN (Turquie)* – Je voudrais féliciter les rapporteurs qui ont abordé des sujets aussi importants que la démocratie inclusive et la culture. Le Conseil de l’Europe a précisément pour mission d’inculquer ces notions et de créer des liens entre les parlementaires pour que les cultures et les civilisations puissent vivre dans l’harmonie. Toutefois, certains des membres de cette Assemblée semblent être en contradiction avec ces principes. Je pense notamment à nos amis et collègues arméniens, qui s’évertuent à blâmer la Turquie et l’Azerbaïdjan. Ne devraient-ils pas plutôt tenter de rapprocher les cultures?

La Turquie fait beaucoup pour le patrimoine arménien. Ainsi, l’église arménienne d’Aghtamar, à l’est du pays, a été restaurée par le Gouvernement turc, et cela a coûté des millions de dollars. Alors qu’elle était fermée depuis longtemps, elle est désormais rouverte au culte et, une fois par an, des milliers d’Arméniens viennent dans notre pays pour voir de leurs yeux ce monument hérité de l’empire ottoman. J’invite d’ailleurs nos collègues arméniens de l’Assemblée à s’y rendre également.

Le Gouvernement turc souhaite relancer la culture pluraliste propre à la démocratie. La deuxième plus importante synagogue d’Europe est située dans la ville turque d’Edirne. Elle était fermée depuis longtemps en raison de la petite taille de la communauté juive locale, mais nous avons, une fois encore, dépensé des millions pour restaurer le bâtiment et faire revivre cette culture. Elle a rouvert depuis peu et, pour la première fois depuis des années, une cérémonie de mariage y a eu lieu, ce dont nous nous sommes félicités.

Plutôt que de nous concentrer sur les différences qui existent entre nous, nous devrions veiller à transmettre les notions de tolérance et à construire des passerelles entre nos pays. Avec leur travail, les rapporteurs ont jeté les bases de nouveaux terrains d’entente entre nous. Il est de notre devoir de poser des questions et de tenter de résoudre les conflits qui font rage en Europe et ailleurs. Certes, il existe des désaccords entre les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, mais nous ne sommes pas ici pour les mettre en lumière. Nous sommes réunis autour de valeurs communes. C’est pourquoi j’invite tous les parlementaires de l’Assemblée à se rapprocher les uns les autres et à se concentrer sur ce qui les unit, afin que nous puissions léguer à nos enfants un patrimoine commun.

LE PRÉSIDENT* – J’appelle à présent la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste 9 minutes pour répondre aux orateurs.

Mme MARJANOVIĆ (Serbie), rapporteure* – Je voudrais remercier toutes les personnes qui sont intervenues au cours de ce passionnant débat. Ceux qui s’intéressent à la culture sont parfois perçus comme minoritaires, mais ils réussissent tout de même à se faire entendre! Vous avez été nombreux à dire votre fierté de votre culture nationale et votre intérêt pour la culture des autres pays. Je crois que nous devons aller de l’avant au sein des institutions pour lesquelles nous travaillons.

Je veux remercier M. Howell d’avoir insisté sur l’importance du financement de la culture. L’accès de tous à une éducation de qualité est tout aussi indispensable. Mme Bilgehan nous a présenté l’exemple, unique en son genre, de la Turquie. Je la remercie d’avoir évoqué la Serbie et d’avoir montré, à travers de pays, comment l’art peut aider à surmonter les conflits. Mme Johnsson Fornarve a appelé à un véritable travail de sensibilisation à la culture et je l’en remercie, tout comme je remercie M. Schneider, M. Reiss, Mme Blondin et les autres parlementaires français qui ont souligné que la culture est le remède à un passé douloureux. L’importance de l’apprentissage des langues a été rappelée, ainsi que la belle tradition française d’une véritable politique culturelle.

Un collègue a souhaité que davantage d’efforts soient fournis pour atteindre les communautés isolées. Les interventions de nos collègues de la Suisse et de la Suède lui ont apporté des éléments de réponse puisqu’elles portaient sur les bienfaits de l’éducation. C’est un fait avéré que plus l’on tend la main aux enfants de manière précoce, plus les résultats sont probants.

Nous voulons une société inclusive, ce qui a été rappelé à plusieurs reprises. C’est ainsi que nous pourrons travailler ensemble au développement de nos pays. Je veux dire par ailleurs à M. Obremski que je me suis rendue à Wroclaw il y a quelque temps et que j’ai été très impressionnée par les préparatifs en cours dans cette capitale européenne de la culture pour 2016. Nous ne sommes sans doute pas d’accord sur tout avec cet orateur, mais j’insiste sur la nécessité de faire prévaloir une atmosphère de liberté propice à l’expression artistique. Nos valeurs sont incarnées par des institutions culturelles et éducatives. D’où viennent les artistes? Mozart et Shakespeare étaient-ils issus de l’élite de leur pays? Je ne le crois pas! Chacun doit pouvoir entrer de plain-pied dans la vie culturelle de son pays.

Je veux également remercier M. Tuponja, dont le pays, le Monténégro, est voisin du mien, d’avoir souligné l’importance de l’intégration des migrants. Nos amis marocains ont partagé avec nous leur expérience et exprimé leur soutien à la recommandation de M. Le Borgn’, qui souhaite la mise en place d’une plateforme parlementaire pour les diasporas, dans la perspective du prochain Forum mondial de la démocratie.

Ecoutant nos collègues d’Azerbaïdjan et d’Arménie, j’ai pensé aux débats qui existent encore aujourd’hui au sein des pays de l’ancienne Yougoslavie. Je viens de cette région et je leur lance un appel: qu’ils se servent de leur culture et de leurs sites culturels pour résoudre les conflits qui les séparent, et pour favoriser la paix et la compréhension entre les peuples.

Plus vite nous comprendrons que nous avons un patrimoine culturel européen commun, plus vite nous arriverons à régler bien des problèmes.

Ces deux rapports fixent des caps très intéressants, dans le contexte de la campagne lancée par notre Président, «Ni haine, ni peur». Oui, il faut que la culture soit hissée au rang de grande priorité. Oui, il faut que le CICD – cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie –bénéficie de nombreux appuis. Et oui, il faut que la plateforme, que notre collègue, M. Le Borgn’ appelle de ses vœux, soit mise en place.

Enfin, je voudrais féliciter et remercier le secrétariat de notre commission, qui ravive toujours la flamme de la culture au sein de cette Assemblée.

M. ARIEV (Ukraine), président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – La culture dans une société est une condition préalable pour entretenir la démocratie, même s’il ne faut pas imposer une dictature, quelle qu’elle soit – et le rapport de Mme Marjanović est important à cet égard. Je remercie les rapporteurs, Mme Marjanović et M. Le Borgn’, qui ont mis leur cœur et leur âme dans ces rapports.

Notre commission est persuadée que l’éducation et la culture sont les piliers de la stabilité démocratique, de la cohésion sociale, du développement et qu’il faut donc accorder à ces domaines des investissements de même ampleur que ceux que l’on accorde à l’économie, aux infrastructures, à la sécurité et autres domaines considérés comme essentiels à la compétitivité économique.

L’année 2016, nous en sommes persuadés, est une occasion unique pour l’Europe d’affirmer de nouvelles priorités politiques et de donner des suites concrètes aux déclarations politiques des ministres de la Culture de l’Union européenne à Riga et des ministres de l’Education du Conseil de l’Europe à Bruxelles, concernant la promotion de la citoyenneté et les valeurs communes de la liberté et de la non-discrimination, à travers la culture et l’éducation.

Le Conseil de l’Europe a une longue tradition en matière de culture et de démocratisation et se doit de rester en première ligne afin de mettre la culture au cœur même du processus démocratique.

Les Etats membres doivent mieux intégrer les activités culturelles dans le système éducatif, améliorer l’accès à la culture des enfants et des jeunes défavorisés et marginalisés – dont certains sont issus de famille migrante – et soutenir les projets visant à intégrer les activités culturelles dans d’autres domaines d’action, comme la santé, les services sociaux ou les programmes de réinsertion.

Dans mon pays, nous n’avons pas de problème avec les minorités et nous répondons à tous leurs besoins culturels dans le domaine de l’éducation, notamment, conformément à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je regrette, à ce propos, que la France, pays hôte du Conseil de l’Europe n’ait toujours pas ratifié cette Charte, ce qui suscite quelques préoccupations quant aux droits des minorités en France.

La commission recommande de consacrer l’une des prochaines éditions du Forum mondial de la démocratie au thème de la culture et de la démocratie, afin de promouvoir des politiques novatrices et l’échange de bonnes pratiques avec toutes les parties prenantes dans les Etats membres.

En conclusion, je vous demande de soutenir ces deux rapports.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur «Culture et démocratie». La commission de la culture a présenté: un projet de résolution sur lequel 1 amendement a été déposé et un projet de recommandation sur lequel 1 amendement a été déposé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Sur le projet de résolution, je suis saisi de l’amendement 1.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – Monsieur le Président, je souhaite retirer mon amendement au profit du sous-amendement déposé par la commission.

LE PRÉSIDENT* – Madame, l’amendement 1 ayant été déposé, vous devez le défendre officiellement avant que nous examinions le sous-amendement.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – Cet amendement se justifie par son texte même.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi d’un sous-amendement, déposé au nom de la commission.

Mme MARJANOVIĆ (Serbie), rapporteure* – Il s’agit d’une amélioration apportée à l’amendement 1, dans lequel nous demandons de remplacer les mots «qui agissent de manière démocratique et dans un souci d’égalité» avec les mots suivants: «engagés à promouvoir l’inclusion, la non-discrimination et les valeurs démocratiques».

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement ainsi sous-amendé. L’avis de la commission est évidemment favorable.

L’amendement 1, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14070, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (85 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au projet de recommandation.

Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme GAMBARO (Italie)* – Cet amendement vise seulement à inclure dans le texte une référence directe à la nouvelle stratégie que la Commission européenne adopté le 8 juin 2016. Il s’agit de mettre la culture au cœur des relations internationales de l’Union européenne.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi d’un sous-amendement au nom de la commission.

M. ARIEV (Ukraine), président de la commission* – La commission propose l’ajout du mot «récente» avant les mots «stratégie de l’Union européenne».

Mme GAMBARO (Italie)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement ainsi sous-amendé. L’avis de la commission est évidemment favorable.

L’amendement 2, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14070, tel qu’il a été amendé.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (73 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au second rapport.

La commission de la culture a présenté un projet de résolution sur lequel quatre amendements 1, 3, 2 et 4 ont été déposés. J’ai cru comprendre que le président de la commission proposait de considérer ces amendements, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. ARIEV (Ukraine), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14069, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (85 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

2. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 40.

SOMMAIRE

1. Culture et démocratie

Les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Marjanović du rapport de la commission de la culture sur «Culture et démocratie» (Doc. 14070)

Présentation par Mme Marjanović, suppléant M. Le Borgn’, du rapport de la commission de la culture (Doc. 14069) et par M. Rigoni, suppléant M. Mariani, du rapport de la commission des migrations, saisie pour avis, sur «Les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger» (Doc. 14084)

Orateurs: M. Howell, Mme Johnsson Fornarve, M. Schneider, Mme Bilgehan, M. Mulder, Mme Schneider-Schneiter, M. Mavrotas, Mme Buliga, MM. Jakavonis, Reiss, Obremski, Vareikis, Önal, Mmes Blondin, Dalloz, MM. Rafael Huseynov, Tuponja, Mme Quéré, MM. Yatim, Farmanyan, Neguta, Gonçalves, Mme Fataliyeva, M. Ghambou, Mme Zohrabyan, M. Wood, Mme Gafarova, Lady Eccles, Mmes El Ouafi, Pashayeva, M. Küçükcan

Réponses de Mme la rapporteure et de M. le président de la commission de la culture

Votes sur un projet de résolution amendé, sur un projet de recommandation amendé et sur un projet de résolution amendé

2. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN

Iwona ARENT*

Volodymyr ARIEV

Damir ARNAUT

Anna ASCANI*

Mehmet BABAOĞLU/Salih Firat

Theodora BAKOYANNIS/Georgios Mavrotas

David BAKRADZE*

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Meritxell BATET*

Deniz BAYKAL

Guto BEBB*

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Włodzimierz BERNACKI

Anna Maria BERNINI*

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Boriss Cilevičs

Jokin BILDARRATZ*

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Philippe BLANCHART/ Petra De Sutter

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK*

Mladen BOSIĆ/Saša Magazinović

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN

Margareta BUDNER/ Jarosław Obremski

Valentina BULIGA

Dawn BUTLER*

Nunzia CATALFO

Giovanna CECCHETTI*

Elena CENTEMERO*

José CEPEDA*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI/Carlo Lucherini

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU*

Lise CHRISTOFFERSEN/Hans Fredrik Grøvan

Paolo CORSINI

David CRAUSBY*

Yves CRUCHTEN*

Zsolt CSENGER-ZALÁN*

Katalin CSÖBÖR/ Mónika Bartos

Geraint DAVIES

Joseph DEBONO GRECH*

Renata DESKOSKA*

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Şaban DİŞLİ*

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ*

Namik DOKLE*

Francesc Xavier DOMENECH/Miren Edurne Gorrotxategui

Sir Jeffrey DONALDSON

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV*

Lady Diana ECCLES

Franz Leonhard EẞL*

Markar ESEYAN*

Nigel EVANS*

Samvel FARMANYAN*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Manuel Tornare

Daniela FILIPIOVÁ/Ivana Dobešová

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Bernard FOURNIER

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Pierre-Alain FRIDEZ

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE*

Adele GAMBARO

Xavier GARCÍA ALBIOL*

José Ramón GARCÍA HERNÁNDEZ*

Karl GARÐARSSON*

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI*

Valeriu GILETCHI

Mihai GHIMPU/Alina Zotea

Francesco Maria GIRO

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO/Vladyslav Golub

Rainer GOPP

Alina Ștefania GORGHIU/Maria Grecea

Sylvie GOY-CHAVENT*

François GROSDIDIER*

Dzhema GROZDANOVA*

Gergely GULYÁS*

Emine Nur GÜNAY*

Valgerður GUNNARSDÓTTIR*

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA/Susanna Huovinen

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Andrzej HALICKI/Killion Munyama

Hamid HAMID*

Alfred HEER/Jean-Pierre Grin

Gabriela HEINRICH*

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH*

John HOWELL

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER/Barbara Rosenkranz

Andrej HUNKO*

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU*

Denis JACQUAT/ Frédéric Reiss

Gediminas JAKAVONIS

Sandra JAKELIĆ*

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/ Stefana Miladinović

Anne KALMARI*

Erkan KANDEMIR

Marietta KARAMANLI/Catherine Quéré

Niklas KARLSSON

Nina KASIMATI/Georgios Psychogios

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR*

İlhan KESİCİ*

Danail KIRILOV/Krasimira Kovachka

Bogdan KLICH

Manana KOBAKHIDZE*

Haluk KOÇ

Ksenija KORENJAK KRAMAR*

Attila KORODI*

Alev KORUN/Eduard Köck

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS*

Tiny KOX*

Peter KRESÁK*

Borjana KRIŠTO/Bariša Čolak

Florian KRONBICHLER

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Talip KÜÇÜKCAN

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Stella KYRIAKIDES

Georgios KYRITSIS

Yuliya L OVOCHKINA*

Inese LAIZĀNE*

Pierre-Yves LE BORGN’/Pascale Crozon

Jean-Yves LE DÉAUT*

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Ian LIDDELL-GRAINGER*

Georgii LOGVYNSKYI*

Filippo LOMBARDI/Elisabeth Schneider-Schneiter

François LONCLE*

George LOUCAIDES

Philippe MAHOUX

Marit MAIJ*

Muslum MAMMADOV*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Duarte MARQUES*

Alberto MARTINS

Meritxell MATEU/ Carles Jordana

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ana Catarina MENDES*

Jasen MESIĆ*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON*

Marianne MIKKO

Daniel MILEWSKI*

Anouchka van MILTENBURG*

Orhan MİROĞLU*

Olivia MITCHELL*

Arkadiusz MULARCZYK*

Thomas MÜLLER/Hannes Germann

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Marian NEACȘU/ Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Johan NISSINEN*

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ*

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN

Joseph O’REILLY

Tom PACKALÉN*

Judith PALLARÉS/Sílvia Eloïsa Bonet

Ganira PASHAYEVA

Jaroslav PAŠKA*

Florin Costin PÂSLARU

Jaana PELKONEN/Anne Louhelainen

Martin POLIAČIK*

Agnieszka POMASKA*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT*

Mark PRITCHARD*

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO*

Carmen QUINTANILLA*

Kerstin RADOMSKI

Mailis REPS*

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE/André Schneider

Melisa RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ*

Helena ROSETA*

René ROUQUET*

Alex SALMOND/Mike Wood

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Nadiia SAVCHENKO

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Paul SCHNABEL*

Ingjerd SCHOU

Nico SCHRIJVER*

Frank SCHWABE*

Predrag SEKULIĆ*

Aleksandar SENIĆ/Vesna Marjanović

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Paula SHERRIF*

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ*

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ*

Ionuț-Marian STROE/Ion Popa

Dominik TARCZYŃSKI*

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV*

Krzysztof TRUSKOLASKI*

Mihai TUDOSE*

Goran TUPONJA

İbrahim Mustafa TURHAN*

Nada TURINA-ĐURIĆ*

Konstantinos TZAVARAS*

Leyla Şahin USTA*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Kristin Ørmen Johnsen

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Mart van de VEN

Stefaan VERCAMER/ Dirk Van Der Maelen

Anna VEREŠOVÁ*

Birutė VĖSAITĖ

Nikolaj VILLUMSEN*

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER/Annette Groth

Jacek WILK*

Andrzej WOJTYŁA

Morten WOLD

Gisela WURM

Jordi XUCLÀ*

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Doris FIALA

Lotta JOHNSSON FORNARVE

Anne MULDER

Liliana PALIHOVICI

Observateurs

Marko Antonio CORTÉS MENDOZA

Ulises RAMÍREZ NÚÑEZ

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Sahar ALQAWASMI

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

El Mokhtar GHAMBOU

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM