FR16CR30      

AS (2016) CR 30

 

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trentième séance

Mardi 11 octobre 2016 à 10 heures

 

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine».

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent dans le Doc. 14131 et le Doc. 14138, et l’avis de la commission sur l’élection des juges figure dans le Doc. 14150, Addendum 2.

Le vote aura lieu dans la rotonde, située derrière la Présidence.

À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de quatre scrutateurs que nous allons désigner par tirage au sort: Mme Anttila, MM. Geraint Davies, Hunko et Daems.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

J’appelle votre attention sur le fait que si l’Assemblée devait procéder à un second tour pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme, ce second tour aurait lieu mercredi matin et après-midi.

Le scrutin est ouvert.

2. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT* – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2016) 07, Addendum 2.

Ces modifications sont adoptées.

3. Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques en 2015-2016

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle le débat élargi de l’Assemblée parlementaire sur les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2015-2016

À cette occasion, nous accueillons les délégations de pays non européens membres de l’OCDE, à savoir le Japon, le Canada, Israël et le Mexique.

Nous commençons notre débat avec l’intervention de Mme Kiviniemi, Secrétaire générale adjointe de l’OCDE.

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec ce débat à 12 heures et devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 45.

Madame Kiviniemi, je vous remercie vivement d’être parmi nous aujourd’hui. Votre présence manifeste un signal fort des relations très fructueuses qui existent entre nos deux organisations, et qui ont commencé, officiellement, en 1962. Après 54 ans d’existence, cette coopération demeure très solide et nous continuons à travailler ensemble pour atteindre nos objectifs communs, la promotion de la croissance économique et le développement de sociétés plus équitables.

Madame, nous nous réjouissons d’entendre votre message.

Mme KIVINIEMI, Secrétaire générale adjointe de l’OCDE* – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis très heureuse de me joindre à vous pour votre débat annuel sur les activités de l’OCDE. J’ai moi-même été députée pendant 19 ans et je suis convaincue que le dialogue de l’OCDE avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est essentiel pour les deux institutions.

Je saisirai cette occasion pour souhaiter la bienvenue aux parlementaires lettons, nouveaux membres de la famille de l’OCDE. La Lettonie a en effet rejoint tout récemment l’OCDE – c’est le 35pays membre – et pourra donc s’inspirer de notre grande expertise. En même temps, l’institution pourra profiter de l’expérience unique de la Lettonie.

Cette année, l’OCDE a rédigé un rapport sur les activités de l’Organisation, qui constitue une base solide pour le débat d’aujourd’hui. Permettez-moi de partager certaines considérations sur les questions urgentes avant de répondre à vos questions ou d’écouter vos observations.

Tout d’abord, les perspectives économiques internationales. Le marché du travail s’améliore, mais la reprise est très inégale. Dans nos dernières perspectives économiques adoptées il y a quelques semaines, nous prévoyons une croissance du PIB autour de 3 % seulement cette année, et à peine mieux en 2017. L’économie internationale est engluée dans un piège de croissance faible où il y a peu d’attentes en termes de croissance, ce qui décourage encore plus l’investissement, la productivité et le niveau des salaires. La faiblesse des échanges vient encore exacerber cette tendance et la décision britannique de quitter l’Union européenne complique encore les choses.

Environ deux tiers des pays de l’OCDE doivent regagner leur niveau d’emploi d’avant la crise, alors même que le taux de chômage des jeunes est au même niveau d’avant-crise dans 26 pays de l’OCDE. La politique monétaire créé des risques, il est donc nécessaire d’adopter des politiques structurelles budgétaires pour sortir de ce piège.

De surcroît, il faut réformer les structures et trouver plus d’espace budgétaire par le biais des taux d’intérêt faibles pour promouvoir la croissance. Nous devons faire de notre mieux pour répondre aux préoccupations de ceux qui ont connu le chômage pendant de nombreuses années et qui ont très peu de perspectives d’amélioration en créant une société plus inclusive où les bénéfices de la croissance seront partagés de manière plus égale. C’est un défi qui est de plus en plus urgent, car la montée du populisme peut potentiellement avoir un impact significatif sur notre avenir commun.

Cette crise qui perdure a donné plus d’acuité à deux tendances à long terme qui nuisent à notre société et mettent à mal notre tissu social. Tout d’abord, une décélération de la productivité; ensuite, une montée des inégalités en termes de patrimoine, de revenus, de bien-être et d’opportunité.

Pratiquement tous nos Etats membres connaissent une décélération de la productivité depuis le nouveau millénaire, et qui a été amplifiée après la crise. Ce ralentissement de la productivité atteint même les économies des marchés émergents en dépit de leurs efforts pour remonter la pente. Ce déclin a eu lieu en même temps que l’augmentation des inégalités. Les études les plus récentes montrent que les salaires les plus élevés sont dix fois supérieurs aux salaires les plus faibles, alors que le ratio était de 1 à 7 au milieu des années 80. S’agissant du patrimoine, les 10 % des plus riches du monde détiennent 87 % de la richesse mondiale. Cela est symptomatique d’un mauvais fonctionnement de nos économies.

Notre analyse révèle deux failles tectoniques dans cette productivité. D’abord, nous ne pouvons pas partir du principe que les avancées technologiques seront automatiquement répercutées dans l’économie et permettront d’avoir de meilleurs résultats économiques et une plus grande croissance en productivité. Ensuite, rien ne garantit que les avantages d’une croissance plus importante seront partagés par la population dans son ensemble.

Le message essentiel de notre dernier rapport, «L’articulation entre productivité et exclusivité», est un appel lancé aux décideurs pour qu’ils adoptent une approche plus inclusive, plus large, de cette croissance en productivité. Une approche qui considère qu’il est nécessaire de développer les moyens de production en investissant dans les qualifications. Cela créera un environnement où toutes les entreprises auront la possibilité de réussir, même dans les régions défavorisées. Tout effort pour améliorer la productivité doit tenir compte d’un autre impératif: celui de sauver notre planète en créant des sociétés qui fonctionnent mieux, donc plus équitables.

En 2015, nous avons beaucoup travaillé sur des accords internationaux: les Objectifs de développement durable, adoptés au mois de septembre à New York, et l’Accord de Paris sur le climat, adopté lors de la COP21 en décembre dernier. Notre avenir dépend du respect et de la mise en œuvre de ces plans d’action.

Nous contribuons à mettre au point et à appliquer des politiques innovantes dans tous les domaines couverts par ces derniers. Nous accompagnons les pays pour mettre en œuvre les changements structurels significatifs qui sont requis pour les économies qui dépendent du carbone et pour améliorer le financement.

Une politique fiscale plus efficace au niveau international est prioritaire. Et je suis ravie de voir que ce point est également important pour vous et que nous travaillons ensemble pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et améliorer le transfert de bénéfices, et pour mettre un terme à l’ère du secret bancaire.

Le cadre inclusif relatif au plan sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, dit BEPS, est la dernière initiative prise par l’OCDE pour veiller justement à ce que la fraude fiscale et l’évasion fiscale fassent l’objet d’efforts internationaux: 85 pays collaborent ainsi avec l’OCDE pour mettre en œuvre le BEPS. Je voudrais d’ailleurs déjà vous féliciter pour le débat que vous allez tenir concernant les «Enseignements à tirer de l’affaire des «Panama Papers» pour assurer la justice sociale et fiscale», sachant que le rapport demande que soient appliqués de manière effective les accords existants. Et je voudrais remercier les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de leur soutien actif pendant de nombreuses années.

Permettez-moi de revenir à présent à un sujet prioritaire pour l’Assemblée depuis l’année dernière, celui de la crise des réfugiés. Le 40e numéro de Perspectives des migrations internationales a été rendu public à l’occasion du Sommet des Nations Unies pour les réfugiés et les migrants, qui s’est tenu le 19 septembre dernier. Cette publication souligne l’engagement et la détermination de l’OCDE à trouver une réponse internationale à la crise actuelle.

En 2015, les flux migratoires vers les pays de l’OCDE ont atteint 4,8 millions de personnes, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre ne représente néanmoins que 0,4 % de la population totale des pays de l’OCDE. Le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de manière sans précédent en 2015: 1,5 million pour les pays de l’OCDE, dont 1,3 se sont adressés à l’Europe. Il est toutefois important de remettre ces chiffres dans leur contexte: les pays voisins de la Syrie sont ceux qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés. Bien que le nombre de demandeurs d’asile augmente, donnant l’impression d’une hausse vertigineuse et non contrôlée, les réfugiés ne représentent en réalité qu’un faible pourcentage des flux migratoires vers les pays de l’OCDE.

Nombre de pays ont renforcé leurs efforts en matière d’intégration pour répondre à la crise humanitaire, mais il est nécessaire de réfléchir davantage à ce que signifient ces migrations pour les communautés. L’afflux soudain de réfugiés peut exacerber des problèmes structurels locaux, tels que la pénurie d’enseignants ou l’absence de logements sociaux. Il convient donc d’identifier les problèmes au niveau local et de s’interroger sur les moyens d’y répondre. Dans la plupart des pays, les migrants paient plus d’impôts et de cotisations sociales qu’ils ne perçoivent de prestations. On doit utiliser leurs qualifications pour les intégrer sur le marché du travail. C’est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts.

L’économie numérique constitue un autre des changements fondamentaux qui contribuent à refaçonner nos économies et nos sociétés. Elle devrait permettre d’améliorer l’accès aux soins de santé, à l’éducation, à l’emploi et aux transports, contribuant ainsi au bien-être des individus et à la préservation de la planète. Cependant, les avancées dont elle est à l’origine s’accompagnent d’un certain nombre de ruptures, notamment dans l’éducation et le travail. Le Forum sur l’avenir du travail a été lancé cette année par l’OCDE pour évaluer l’impact de la numérisation sur les travailleurs. Les craintes de déplacements à grande échelle semblent à cet égard exagérées même si l’on constate que les travailleurs qui ont un niveau de qualification plus élevé profitent davantage de la numérisation alors que les emplois qui requièrent des qualifications moindres sont plus faciles à automatiser. Ce phénomène pourrait donc engendrer davantage d’inégalités face aux nouveaux modes d’organisation du travail et à l’économie des plateformes qui repose sur des arrangements non standards. Les travailleurs y gagnent plus de flexibilité, mais la qualité du travail et la protection sociale sont du même coup affectées. Les pays vont devoir investir dans les bonnes qualifications, promouvoir la qualité de l’emploi et faire évoluer les institutions du marché du travail et de la protection sociale pour s’adapter à ce nouveau monde.

En 2017, nos travaux sur la stratégie de l’OCDE pour l’emploi examineront ces différentes questions. Afin d’aider les décideurs politiques à aborder ces profondes mutations et à mieux répondre aux défis qu’elles soulèvent, nous menons également un projet pluridisciplinaire et transversal sur la numérisation des économies et des sociétés. Ce travail sera d’ailleurs repris dans le cadre du groupe de travail du G20 consacré à l’innovation, à la révolution industrielle et à l’économie numérique.

Pour conclure, nous devons exploiter l’énorme potentiel que représentent les nouvelles technologies pour promouvoir la croissance inclusive et nous efforcer de répondre aux préoccupations de ceux qui ont connu des années de chômage et qui ont peu de perspectives d’amélioration. Nous devons nous efforcer de créer des sociétés plus inclusives, où les bénéfices de la croissance sont partagés de manière plus équitable. Il ne faut pas laisser la montée du pessimisme et du populisme nous détourner de notre cap.

J’attends à présent avec impatience vos observations et vos questions.

Mme Naghdalyan, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE* – Merci beaucoup, Madame Kiviniemi, pour votre allocution, qui a vivement intéressé les membres de l’Assemblée. L’OCDE est de toute évidence une organisation très importante pour aider les pays européens à surmonter les défis actuels. Sa contribution est essentielle pour nous tous.

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme est en cours. Le scrutin est ouvert. Ceux qui n’ont pas encore voté peuvent le faire en se rendant dans la rotonde située derrière la Présidence. J’espère pouvoir annoncer les résultats de cette élection avant la fin de la séance de cet après-midi.

Nous en revenons à notre débat pour écouter d’abord les porte-parole des groupes.

M. Geraint DAVIES (Royaume Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – La Secrétaire générale adjointe de l’OCDE vient de nous expliquer que les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui sont des problèmes de productivité et d’inégalité. Le Brexit complique encore cette équation. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’est pas seulement une catastrophe économique pour notre pays, mais aussi pour l’Europe tout entière. Ses répercutions s’en feront bientôt sentir.

Le 23 juin, les Britanniques se sont vu promettre trois choses: une baisse des coûts, une baisse de l’immigration et le maintien de l’accès au marché européen. Que vont-ils avoir, en réalité? Une hausse des coûts – le gouvernement a déjà abandonné ses objectifs de réduction du déficit -, l’augmentation de l’immigration et l’impossibilité d’un accès au marché européen – puisque la voie d’un «hard Brexit» semble avoir été choisie, soit des pertes considérables en termes d’investissements, d’emploi et d’emprunts. Nissan, grande entreprise japonaise, a déjà réclamé des dédommagements et des compensations de la part du Royaume-Uni. Et ce n’est sans doute que la première d’une longue série.

La nouvelle Première ministre britannique, Mme May, a annoncé qu’elle allait devoir emprunter davantage et, dans la foulée, condamné la politique de la Banque centrale européenne qui se traduit par une augmentation des taux. Elle devra donc emprunter plus à des taux d’intérêt plus élevés. Quant à la livre sterling, elle plonge et n’a jamais été si basse depuis trente ans.

Je considère personnellement que les citoyens britanniques devraient s’exprimer par référendum sur l’ensemble de ces mesures. On leur a fait des promesses trompeuses et l’europhobie n’a cessé de croître. Nous avons échangé de jeunes travailleurs polonais contre les retraités britanniques partis en Espagne ou en France, avec une pression très forte sur notre système fiscal. À Londres, la City a vu son statut contesté parce que les emplois de la finance vont partir ailleurs dans le monde.

Sans accès aux marchés, avec des coûts plus élevés de l’emprunt, il s’agit pour les entreprises d’une situation proprement cauchemardesque. En outre, le Gouvernement britannique va devoir conclure des accords commerciaux bilatéraux, ce qui conférera aux entreprises des pouvoirs considérables et contribuera à saper la démocratie, dans la mesure où il y aura des recours devant des juridictions d’arbitrage lorsque le gouvernement adoptera des lois sur l’environnement ou la protection de la santé. L’action de Mme May, qui entend faire du Royaume-Uni une sorte de paradis fiscal, sera très néfaste pour le système public de santé.

J’aimerais que nous revenions en arrière, que nous évitions à notre pays de s’appauvrir et de s’isoler. J’appelle donc à un deuxième referendum, afin que les électeurs puissent s’exprimer et que nous retrouvions notre foyer naturel, l’Europe.

M. DAEMS (Belgique), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – On ne peut créer un paradis social sur un cimetière économique, pas plus qu’un paradis économique ne peut reposer sur un cimetière social. Ce sont des principes fondamentaux qu’il faut avoir à l’esprit.

L’un des chapitres du rapport de l’OCDE, Madame, a retenu plus particulièrement mon attention. Il porte sur le coût du protectionnisme et du manque d’échanges commerciaux. Vous expliquez que l’analyse des échanges en valeur ajoutée et des coûts variables moyens (CVM) montre qu’une réduction de 1 % du coût des échanges internationaux se traduirait par une hausse du revenu mondial de plus de 40 milliards de dollars, dont 65 % reviendraient aux pays en développement. Plus loin, vous soulignez que la mise en œuvre de l’Accord de facilitation des échanges de l’OMC, soutenu par l’OCDE, pourrait réduire le coût des échanges de 10 % à 17%, selon le niveau de développement du pays. L’arithmétique la plus simple permet de conclure qu’une telle réduction permettrait une hausse du revenu mondial comprise entre 100 et 1 000 milliards de dollars. Le premier chiffre équivaut au PIB de mon pays, le second à celui du PIB d’un pays dit BRIC, comme la Fédération de Russie.

Je voudrais vous poser cette question somme toute assez simple: selon vous, est-ce que ceux qui défendent le libre-échange défendent la hausse du revenu mondial, qui se traduirait par de nombreuses créations d’emplois, une meilleure redistribution de la richesse et la protection des services publics? Revers de la question, ceux qui luttent contre les accords de libre-échange porteraient-ils atteinte, sans le vouloir, à une hausse du revenu mondial, et donc à la création d’emplois supplémentaires?

Dernière question: l’OCDE serait-elle à même de construire une boîte à outils de politiques permettant de stimuler le libre-échange, ce qui irait à l’encontre de la façon dont sont menées les discussions portant sur ces accords de libre-échange et dont il est tant question dans les parlements nationaux?

Mme GÜNAY (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Ce rapport s’inscrit dans le cadre du débat annuel que nous tenons à Strasbourg, visant à partager des informations sur les activités de l’OCDE au sein de l’Assemblée parlementaire. J’aimerais remercier celles et ceux qui y ont contribué.

Il y a moins d’une décennie, l’économie mondiale s’est enfoncée dans la crise la plus grave et la plus étendue depuis la grande dépression des années 1920. Aujourd’hui encore, l’économie mondiale reste vulnérable à de nouvelles récessions et aux crises de la dette. On observe des reprises fragiles dans la zone Euro, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, tandis que le Japon reste en récession. Les systèmes financiers et bancaires demeurent vulnérables. Les risques géopolitiques au Proche-Orient, les tensions qui vont croissant entre la Russie, la Chine et les puissances occidentales ainsi que le spectre grandissant du terrorisme et de la guerre sont une menace pour la paix mondiale et le bien-être.

L’OCDE joue un rôle vital en apportant une réponse aux ralentissements économiques. Qu’il s’agisse de la crise des réfugiés, du nombre croissant d’actes terroristes et de cyberattaques ou des pénuries d’eau, qu’il s’agisse de la nécessité de réduire les gaz à effet de serre, de lutter contre la corruption, d’améliorer le commerce international et les investissements ou de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, ce dont nous parlons, en somme, c’est bien de la croissance et du développement.

L’approche par l’OCDE de la croissance inclusive est multidimensionnelle. Elle va au-delà des seuls revenus, puisqu’elle est liée aux dimensions sociales, culturelles, politiques et environnementales de la vie, à savoir la sécurité alimentaire, la nutrition, l’eau, le tout-à-l’égout, la durabilité, l’égalité entre les genres, la confiance en les institutions démocratiques, les infrastructures d’investissement et les partenariats public-privé. La transparence fiscale internationale fait partie intégrante de la croissance inclusive, puisqu’elle est liée à une meilleure gouvernance et à des institutions publiques plus justes et plus responsables.

En unissant nos forces, en agissant ensemble pour améliorer les opportunités et réduire les vulnérabilités au sein des sociétés et des pays, nous aiderons à lutter contre les risques et les menaces internationales. L’OCDE est un partenaire actif du G20 et du G7, et coopère étroitement avec d’autres organes internationaux comme le FMI, les Nations Unies, la Commission européenne. Toutefois, la coordination et la coopération ne suffisent pas pour atteindre les Objectifs de développement durable. On ne peut se contenter de parler de l’importance de la croissance inclusive. La mise en œuvre effective, le suivi feront la différence. Il nous faut mettre en place des mécanismes qui permettent de répondre aux problèmes actuels et d’aller de l’avant.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais rappeler l’histoire de l’OCDE qui a été créée après la Seconde Guerre mondiale pour favoriser la reconstruction du continent européen. Le plan Marshall, qu’elle a contribué à mettre en œuvre, a bien fonctionné – il a également bénéficié à mon pays. Mais la réponse à la dernière crise économique et financière n’est pas la même. En lieu et place d’une plus grande coopération économique, les Etats membres se livrent une concurrence croissante, et plutôt que de développement, on peut parler d’austérité, dont l’Europe du Sud est la première à souffrir. Nous devrions nous souvenir de ce que fut l’histoire de l’OCDE. Nous avons besoin d’un plan de reconstruction et de développement pour l’Europe, et plus particulièrement pour l’Europe du Sud.

Je salue le fait que vous ayez évoqué la question des inégalités, un sujet qui m’intéresse particulièrement au sein de cette Assemblée. Vous avez rappelé que l’inégalité des revenus s’était creusée depuis les années 1980. Cela a entraîné une instabilité sociale et politique, avec pour conséquence la montée de forces populistes. C’est le symptôme d’un dysfonctionnement.

J’aimerais donc savoir quelles sont, concrètement, les pratiques que vous mettez en œuvre pour aborder la question des inégalités.

Vous avez également annoncé que vous alliez intervenir au sujet des «Panama Papers». Il serait peut-être bien de parler aussi des «Bahamas Leaks», qui en sont, en quelque sorte, le corollaire. J’aimerais en effet savoir comment vous allez aborder le problème de la déréglementation du système bancaire, qui est bel et bien à l’origine de la crise de 2008 et 2009. Pour l’instant, les pistes dans ce domaine restent assez vagues; c’est vrai pour l’Allemagne, mais aussi pour d’autres pays. Le système bancaire n’est plus contrôlé.

M. Geraint Davies a fait allusion au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou TTIP. Je ne vois pas, quant à moi, comment les projets d’accord pourraient régler les problèmes qui ont été évoqués. J’ai plutôt l’impression que, tout au contraire, les accords de libre-échange renforceront encore les inégalités et affaibliront la démocratie car ils se traduiront par un renforcement du pouvoir des multinationales.

M. FEIST (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais exprimer la reconnaissance de notre groupe envers l’OCDE pour ce rapport qui ne se contente pas de dresser un bilan mais qui lance aussi des pistes sur ce que nous devrions faire dans nos différents pays. Vous avez parlé de la croissance économique et du commerce mais, pour notre groupe, la lutte contre le chômage des jeunes est un point véritablement central.

Vous avez dit que vous travaillez à cette question dans le cadre de votre stratégie pour le marché du travail. Je pense que c’est effectivement là un point important. Il faut donner leur chance aux jeunes. À cet égard, vous avez évoqué les investissements. Il est effectivement fondamental d’investir dans les compétences et les connaissances.

Je souhaite, sur ce point, formuler une demande à l’OCDE. Vous avez parlé des personnes les plus qualifiées. J’ai constaté, en particulier ces derniers temps, que ceux qui ont des diplômes de niveau élevé sont inscrits parmi les personnes les plus compétentes. Toutefois, dans les pays où le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé, on constate que les plus diplômés ne trouvent pas de place sur le marché du travail, alors qu’une formation au plus près du terrain se traduit par un taux de chômage des jeunes beaucoup plus réduit.

J’en viens à la question des investissements. Dans votre rapport, vous rappelez quels sont les moyens privés et publics investis dans l’éducation. Notre groupe considère qu’il est très important que l’on considère simultanément la question de la formation et celle de la situation de l’industrie. Ainsi, en matière de formation en alternance – laquelle ouvre des perspectives aux jeunes –, il faut tenir compte de ce que font les entreprises et des investissements qu’elles sont prêtes à réaliser dans les domaines du savoir-faire, le know how, pour assurer leur avenir et faire en sorte d’offrir des formations plus adaptées.

Dans le précédent rapport, il était déjà question d’aller dans ce sens, mais puis-je vous inviter directement, en tant que Secrétaire générale adjointe de l’OCDE, à renforcer cette dimension et à faire davantage pour que les jeunes, dans les pays du Conseil de l’Europe, aient de meilleures chances pour leur avenir, non pas seulement grâce à des diplômes de haut niveau, mais aussi au moyen d’une bonne formation professionnelle? On parle souvent ici des droits des jeunes. Eh bien, le droit à la formation doit aussi être envisagé de manière plus proche de la réalité: il faut se concentrer sur les secteurs offrant des places.

M. MANNINGER (Hongrie)* – Les études de l’OCDE se concentrent, d’une part, sur la diminution de la croissance productiviste et, d’autre part, sur l’augmentation des inégalités. L’écart entre les riches et les pauvres continue de s’élargir. Les inégalités ont des conséquences sociales et politiques, mais aussi économiques. L’OCDE a ainsi publié un rapport dans lequel il est expliqué que, quand il y a moins d’inégalités, cela profite à tous.

Il faut donc vraiment concevoir de nouvelles méthodes. La réunion de l’OCDE, au mois de juin, a conclu qu’il était urgent de favoriser la croissance et de réduire les inégalités en matière de revenus et d’opportunités.

L’OCDE se fixe également des objectifs en matière de développement durable. L’agenda 2030, adopté en 2015, fixe une feuille de route universelle dans ce domaine. L’Organisation identifie de bonnes pratiques, élabore des normes et essaye de mettre en place des politiques novatrices dans les domaines concernés par les 17 Objectifs du développement durable. La Hongrie a pris part à l’élaboration de ces documents.

Au cours des dernières années, le nombre sans précédent de réfugiés arrivant dans les pays de l’OCDE fait que les migrations sont aujourd’hui l’une des questions prioritaires au niveau international. L’OCDE est un fournisseur important de données et d’analyse des politiques conduites en matière de migrations internationales. Il faut désormais se préoccuper de l’intégration, à travers, entre autres, l’emploi et l’éducation; l’accès au marché du travail des réfugiés, par exemple, est très important.

Les enquêtes économiques de l’OCDE méritent elles aussi toute notre attention. Les recommandations formulées dans l’étude de 2016 sur la Hongrie concernent d’abord la croissance économique, la reprise des investissements mais aussi la forte proportion de travailleurs peu qualifiés sur le marché du travail: il faut encourager les programmes de formation professionnelle dans les établissements scolaires.

Les politiques économiques menées par la Hongrie depuis 2010 ont été globalement couronnées de succès. La reprise est là. En 2015, la croissance du PIB a été de 2,9 %; le taux de chômage était de 6,8 % en 2015 et n’est plus que de 5,8 % cette année. La dette publique a elle aussi été réduite.

J’aimerais évoquer deux questions essentielles pour la Hongrie et pour plusieurs autres pays de l’Union européenne: la fuite des cerveaux – même s’il ne s’agit pas de remettre en question la libre circulation des travailleurs – et l’importance de favoriser l’accès au marché du travail, pour éviter que les gens vivent de prestations sociales. Il faut analyser les bonnes pratiques, dans ce domaine comme dans d’autres, afin de compléter les analyses de l’OCDE, dont le rôle est très important.

LA PRÉSIDENTE* – Lord Foulkes, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. LEITE RAMOS (Portugal) – Ce rapport montre bien les efforts déployés par l’OCDE pour faire face aux défis importants auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés au sein de chacun de nos pays et de nos sociétés. Comme l’écrit M. Gurría dans l’avant-propos du rapport, les séquelles de la crise sont encore bien visibles: faible croissance, persistance d’un chômage élevé dans des nombreux pays, fléchissement des échanges et de l’investissement et profonde érosion de la confiance du public.

Nous partageons aussi bien ce diagnostic que les objectifs que vous fixez. En ce qui concerne d’abord le diagnostic, deux tendances majeures mettent à mal notre tissu social: la décélération de la croissance et la montée persistante des inégalités sociales et économiques. Il faut donc promouvoir une croissance économique inclusive et durable en favorisant des politiques qui améliorent la croissance et qui réduisent les inégalités de revenus et l’inégalité des chances. Comme disent nos amis français, on a du pain sur la planche!

Mais je veux me centrer sur le programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier sur la réponse stratégique de l’OCDE en appui des Objectifs de développement durable.

Vous avez entrepris d’intégrer ces Objectifs dans vos travaux, que ce soit au travers des études économiques ou des examens thématiques. Vous vous proposez de perfectionner les approches et d’apporter votre soutien aux pays dans l’élaboration ou l’adaptation de leurs stratégies nationales de développement, conformément aux Objectifs de développement durable. L’OCDE s’engagera donc dans un programme d’action en faveur des Objectifs de développement durable aux côtés de pays partenaires, mais aussi de pays non-membres et aux côtés d’autres organisations internationales et d’acteurs non étatiques.

Ainsi, vous proposez de vous mobiliser aux côtés des Nations Unies pour mettre en œuvre l’Agenda 2030 de manière à mobiliser les synergies et à éviter une duplication des efforts. Paradoxalement, je ne vois aucune référence à d’autres organisations très importantes, telle la Banque mondiale.

Le programme d’action a des objectifs ambitieux qui obligent les Etats, mais aussi les organisations internationales à mettre en place des réformes considérables et complexes. Vous le savez, les organisations comme la vôtre sont accusées de ne pas vouloir travailler ensemble et de souffrir d’un important déficit d’articulation et de coordination. C’est là une question centrale, car il apparaît nécessaire et urgent de réformer les mécanismes de coordination entre les différentes organisations, notamment entre les Nations Unies, la Banque mondiale et l’OCDE, si nous voulons atteindre les objectifs de développement durable fixés pour l’horizon 2030.

Comment pensez-vous vous y prendre?

Mme HUOVINEN (Finlande)* – Tout d’abord, je remercie la Secrétaire générale adjointe pour son rapport. Il met l’accent sur un certain nombre de questions que notre Assemblée a elle-même examinées. Toutefois, s’il est important que l’OCDE poursuive des recherches et recueille des données sur la situation et sur les modèles économiques de nos pays, j’aimerais savoir dans quelle mesure toute cette information est effectivement utilisée dans ces pays.

Le rapport traite de nombreuses questions: l’importance de l’éducation, les mesures en faveur de l’emploi, la lutte contre la corruption, la transparence de la fiscalité et la numérisation. Il est facile, je pense, de tomber d’accord sur la plupart de ces questions, mais il en est une qui est, à mon avis, souvent oubliée dans les débats économiques: celle des inégalités.

À mon sens, la montée des inégalités est une menace pour la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, mais aussi pour le développement de l’économie et de l’emploi. Il importe donc de mettre davantage l’accent sur la lutte contre les inégalités. En tant que décideurs politiques, il faut bien se rendre compte que nos citoyens ont du mal à comprendre les mesures d’austérité que leur sont imposées au nom de l’économie quand ceux qui gagnent et possèdent le plus ne participent pas à cet effort d’économies. Je salue donc les efforts déployés de longue date par l’OCDE pour encourager une croissance inclusive.

Pour conclure, permettez-moi revenir sur la question des migrations et de la crise des réfugiés. Dans ce domaine également, l’OCDE réalise un travail remarquable en recueillant des données et en se livrant à des analyses. Le rapport rappelle à quel point l’intégration est essentielle et l’éducation cruciale dans ce contexte. Mais il existe d’autres manières de promouvoir l’intégration, dont nous discutons d’ailleurs actuellement au sein de cette Assemblée. J’espère que nous pourrons profiter de votre expertise en la matière.

M. SIMMS (Canada, observateur)* – Je vous remercie d’avoir présenté les activités de l’OCDE, Madame la Secrétaire générale adjointe. Je puis vous assurer que tous les thèmes que vous avez évoqués donnent lieu à un débat très vivant au sein du Parlement canadien. Nous sommes cinq parlementaires au sein de cette Assemblée, issus des trois principaux partis et des deux chambres du Parlement canadien, et nous débattons souvent de sujets tels que les «Panama Papers» ou les réfugiés. De plus, dans la mesure où nous sommes le deuxième pays le plus grand au monde par sa superficie, comptant 35 millions d’habitants seulement, vous comprendrez aisément que l’économie numérique est très importante pour nous.

Plusieurs collègues ont évoqué la question du libre-échange. Je puis vous assurer qu’au cours des dernières années, nous avons beaucoup travaillé sur la question des accords commerciaux transatlantiques, qui préoccupent nombre d’entre nous, avec les provinces du Canada et les Etats membres de l’Union européenne pour parvenir au meilleur résultat.

Nous avons apporté des modifications notamment au chapitre portant sur les investissements en tenant compte des préoccupations de chacun. Nous espérons parvenir à un accord final qui soit ratifié d’ici à la fin de l’année et puisse entrer en vigueur avec les 28 Etats concernés. À titre personnel, je me réjouis vivement des échanges que nous aurons avec le Royaume-Uni à ce sujet.

Cela étant dit, l’étude sur la situation économique du Canada réalisée en 2016 par l’OCDE a souligné que le Gouvernement canadien faisait face avec un certain succès à de grandes difficultés et faisait preuve d’initiative dans le domaine de la croissance inclusive et de la durabilité de l’environnement.

Le Secrétaire général s’est d’ailleurs félicité de l’introduction de l’allocation canadienne pour enfant, qui vise les familles dans le besoin et également du fait que le Gouvernement canadien a fait des peuples autochtones une priorité essentielle en matière d’éducation de logement et d’infrastructure.

Selon cette étude de l’OCDE, le Gouvernement canadien a relevé que les peuples autochtones souffrent de difficultés économiques. Ils ont 20 % de moins de chances d’être employés que les autres citoyens du pays.

En ce qui concerne l’environnement, le rapport de l’OCDE devant cette Assemblée indique que, depuis un certain temps, l’Organisation plaide pour que soit appliquée une taxation crédible et prévisible du carbone. C’est la pierre angulaire de toutes les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Secrétaire général, M. Gurría, a rappelé que le Canada s’était engagé lors de la COP21 à réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 comparé au niveau de 2005.

Le 3 octobre, notre Premier ministre a annoncé qu’un plan national de taxe carbone sera mis en œuvre en 2018 avec un prix minimal de 10 dollars canadiens par tonne allant jusqu’à 50 dollars canadiens par tonne d’ici à 2022.

Il importe aussi de souligner que le Canada s’est battu pour faire en sorte que les droits de peuples autochtones soient reconnus dans l’Accord de Paris par l’ensemble des 195 signataires.

M. HEER (Suisse)* – Madame la Secrétaire générale adjointe, vous avez cité le problème de l’évasion fiscale et l’importance d’un échange automatique de renseignements mis en place par l’OCDE et les différentes règlementations d’ores et déjà adoptées par cette dernière pour éviter la corruption, le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale. Je pense, en particulier, aux recommandations visant à imposer le respect de l’échange automatique de renseignement ainsi que la publication des bénéficiaires.

Néanmoins, la pratique montre que tous les Etats membres de l’OCDE ne respectent pas les recommandations et les principes directeurs alors que ceux-ci ont été adoptés à l’unanimité et qu’ils devraient pouvoir bénéficier de conditions de concurrence équitables. Le fait que certains membres ne mettent pas en œuvre les règles fixées par l’OCDE nuit à la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption.

Nous le savons, les grandes sociétés fiduciaires aux Etats-Unis et dans certaines îles posent de graves problèmes. Au Delaware ou au Nevada, par exemple, il existe des règlementations permettant aux bénéficiaires de rester totalement inconnus avec la garantie de toucher à 100 % les produits de l’investissement.

Pourriez-vous nous dire ce que compte faire l’OCDE pour s’assurer que les principes directeurs et les recommandations de l’Organisation soient bel et bien respectés par tous ses Etats membres?

Mme BAKOYANNIS (Grèce)* – Je remercie Mme la Secrétaire générale adjointe pour le rapport qu’elle nous a présenté.

Chers collègues, nous vivons toujours les conséquences de la crise financière. Nous sommes tous d’accord pour dire que le taux de chômage élevé, l’absence de croissance, les investissements défaillants et la perte de la confiance publique restent une réalité, et que la baisse de la productivité et les inégalités sociales et économiques représentent toujours une menace pour toutes nos économies, mais surtout pour toutes nos sociétés.

Nous devons identifier les politiques publiques de nature à renforcer l’inclusivité et la croissance de la productivité, et à garantir un développement pérenne. Mon pays, la Grèce, travaille en étroite collaboration avec l’OCDE. Nous utilisons la «boîte à outils» de l’OCDE et commençons à mettre en œuvre les différents principes directeurs qui ont été formulés à notre intention.

Ma question est précise. L’OCDE va-t-elle réévaluer ses principes directeurs pour tel ou tel pays à la lumière des résultats obtenus après application de ces principes? Pour prendre un exemple concret, l’application d’une politique publique relative au lait n’a pas été couronnée de succès: contrairement à l’effet escompté, elle s’est traduite par un coût plus élevé.

Je suis convaincue que, pour le moment, nous avons surtout besoin d’idées très concrètes sur lesquelles échanger afin d’aboutir à des résultats positifs. À cet égard, je me félicite de la présence de nos collègues d’outre-mer qui témoignent de politiques publiques ayant porté leurs fruits dans d’autres pays en matière de lutte contre les inégalités et contre le chômage des jeunes, problème crucial dans nombre de pays.

La stabilité politique est un facteur clé de la prospérité. Nous devons travailler d’arrache-pied pour que des situations semblables à celles qui ont suivi les référendums en Hongrie ou au Royaume-Uni ne se multiplient pas.

M. MELKUMYAN (Arménie)* – Au cours de l’année précédente, l’Organisation de coopération et de développement économiques a accompli un travail considérable dans différents pays, en particulier en Arménie. Ce travail a notamment consisté dans l’élaboration d’un modèle efficace pour la mise en œuvre de la politique économique. Ce modèle diffère d’un pays à l’autre, car il doit prendre en considération les particularités, les conditions et les traditions de chaque pays.

En Arménie, l’OCDE a élaboré un modèle de développement de l’agriculture, un modèle de construction basé sur l’utilisation de matériaux locaux, ainsi qu’un modèle fiable spécifiquement destiné aux petites et moyennes entreprises. Nous attendons désormais de l’OCDE l’élaboration d’un modèle plus ambitieux, à caractère régional, et la justification de la possibilité de leur localisation. Cela vise particulièrement la promotion d’un nouveau marché, la création d’un laboratoire de certification et de standardisation, et l’élaboration d’une politique visant à l’élimination des obstacles de nature à freiner ces processus.

Quant à l’amélioration de l’efficacité de notre coopération avec l’OCDE, nous sommes intéressés par la réalisation d’un programme plus vaste dans la région, visant surtout à l’augmentation du potentiel d’exportation de l’Arménie, ainsi qu’à l’intensification des relations économiques avec l’Union européenne.

Nous accordons une grande importance à la mise en place d’un modèle de coopération régionale. Cela dit, est-il possible de coopérer avec l’Azerbaïdjan, qui a un régime totalitaire avec à sa tête un président à vie, ce qui a été confirmé par le récent référendum. Les opérations militaires menées en avril à la frontière avec le Haut-Karabakh ont aggravé la situation et dans les derniers jours M. Aliev a avivé la tension dans cette même région. Mais ses tentatives, comme toujours, n’ont pas été couronnés de succès. Je veux dire à M. Aliev qu’il a perdu cette bataille, et du même coup la confiance de son propre peuple. Je crois néanmoins qu’il est possible d’éviter ces pratiques négatives si nous faisons une juste appréciation politique et juridique de ces événements.

Pour conclure, je me félicite de l’activité de l’OCDE et j’espère que celle-ci élargira le champ de coopération et d’appui dans la région. Madame la Secrétaire générale adjointe, que pouvez-vous proposer à notre pays dans le contexte actuel de crise économique?

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Madame la secrétaire générale adjointe, je vous remercie de votre intervention et de votre rapport très complet. Je félicite l’OCDE des résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre la corruption, l’évasion et l’optimisation fiscales: les impôts doivent être payés là où les activités sont menées. La crise continue de nous imposer une croissance lente combinée à une faible productivité.

Le grand défi que nous devons relever aujourd’hui est la montée des inégalités de revenus, de chances et de situations de vie. Sur le long terme, l’augmentation des inégalités ne fait qu’aviver les préoccupations sociales et politiques, et représente un important obstacle au développement économique, tirant ainsi vers le bas la croissance du PIB. C’est également une menace pour la démocratie elle-même. Nous devons nous demander pourquoi toujours plus de partis néofascistes d’extrême droite apparaissent sur la scène politique. Peut-être faut-il analyser les causes profondes de ce phénomène, afin de tenter de comprendre pourquoi les citoyens de nos pays ne croient plus en l’Etat-Nation et pourquoi ils se tournent vers d’autres pour les sauver. L’inégalité de chances est sans doute l’une des causes profondes des troubles que connaissent nos sociétés.

Je voudrais également évoquer les plateformes de l’économie du partage. Certes, cela ouvre de nouvelles possibilités dont d’aucuns pourraient profiter, mais cela multiplie également les questions liées à la protection et à la prise en charge sociales et aux flux de capitaux entre Etats. Ce que l’on crée finalement, ce sont de très grandes entreprises avec des masses salariales pharaoniques et acteurs économiques devenus les esclaves des mégadonnées.

Quant à l’élargissement de l’OCDE, mon pays, la Lituanie, est un pays candidat à l’entrée dans l’Organisation. Quelles sont, à cet égard, nos perspectives?

Je me félicite également de la nouvelle initiative visant à l’articulation entre productivité et inclusivité. S’il faut veiller à ce que l’éducation ne soit pas oubliée, celle-ci ne saurait à elle seule résoudre tous les problèmes.

Je vous souhaite plein succès dans vos activités, et je vous fais part de l’attente de nouvelles propositions de la part de l’OCDE.

M. MAITACHI (Japon)*– Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer dans ce débat. En matière économique nous continuons, au Japon, à prendre des mesures en faveur de la croissance. Nous voulons sortir de la déflation qui freine la croissance économique. La consommation des ménages a ralenti, mais la situation de l’emploi et la fiscalité se sont améliorées, créant un cercle vertueux. Une enquête sur la situation économique et la politique sociale au Japon réalisée pour l’OCDE montre que la politique japonaise en matière économique a amélioré la situation globale du pays. En outre, le Secrétaire général de l’OCDE, M. Gurría, a déclaré que le Japon pourrait parvenir à une croissance plus vive et plus inclusive en agissant plus efficacement dans les domaines que j’ai évoqués. Le Japon continuera à apporter une contribution à la croissance durable de l’économie mondiale, en ayant pour priorité la revitalisation de l’économie.

Nous concentrons maintenant notre attention sur la hausse possible des taux d’intérêt aux Etats-Unis au regard des politiques monétaires du Japon et des autres grandes puissances. Pour éviter une situation monétaire difficile, nous pensons que tous les Etats, y compris ceux de l’Union européenne et les Etats-Unis, doivent coordonner leurs politiques, une fois sortis de la politique d’assouplissement monétaire.

En 2020, les Jeux olympiques auront lieu au Japon. Ils contribueront à promouvoir les échanges internationaux. Nous nous réjouissons donc d’accueillir tous les pays du monde à Tokyo. Nous espérons un grand nombre de visiteurs. La compréhension mutuelle est également essentielle pour prévenir des conflits dans diverses régions du monde ainsi que les crises liées au terrorisme et aux migrations.

Une meilleure coordination et une coopération accrue au sein de la communauté internationale sont vitales pour parvenir à une croissance durable de l’économie mondiale. Cette question fut un des enjeux majeurs de la réunion du G7 qui s’est tenue au mois de mai au Japon. Elle a été soulignée dans la déclaration adoptée à cette occasion.

Je peux vous assurer que le Japon fera tout son possible pour assumer sa part de responsabilité. Je voudrais lancer un nouvel appel à la coopération. Le Japon fait partie du centre du développement de l’OCDE. Après une parenthèse de seize ans, nous allons partager nos expériences en matière sociale et économique avec les autres pays, afin que les pays en développement et les pays développés contribuent ensemble au développement durable et à la prospérité de toutes les régions du monde. Je vous assure que le Japon ne ménagera pas ses efforts pour contribuer aux activités de l’OCDE.

M. FOURNIER (France) – Je tiens tout d’abord à souligner la qualité du rapport qui nous est présenté aujourd’hui par l’OCDE. Le lien entre la situation économique et sociale et l’état de la démocratie n’est plus à démontrer. La confiance dans les politiques économiques conduites et les institutions qui les définissent et les mettent en œuvre est déterminante pour la stabilité de nos sociétés démocratiques. Aujourd’hui, force est de constater que cette confiance est entamée dans certains pays, en particulier en Europe.

En effet, des interrogations naissent sur les causes économiques de l’appauvrissement relatif que connaissent les classes moyennes des pays du Nord et qui devient un défi politique, comme le montre la montée des populismes de tous bords et des extrémismes.

La mondialisation s’est traduite par un accroissement considérable de la richesse mondiale. Des centaines de millions de personnes, en particulier en Asie, sont sorties de la pauvreté, et il faut naturellement s’en féliciter. Ce sont les grands gagnants de cette seconde mondialisation.

Mais nous découvrons que la mondialisation compte aussi des perdants. Alors que l’Europe et l’Amérique du Nord avaient été les principaux bénéficiaires de la première mondialisation, de 1850 à 1914, ce n’est plus le cas depuis une trentaine d’années. Au niveau mondial, la hausse des revenus a été très forte pour la classe moyenne asiatique, et pour les plus riches dans l’ensemble des pays. À l’inverse, les classes moyennes européennes et américaines ont vu leurs revenus stagner, en raison de l’explosion du chômage, de la généralisation de la précarité et de la faiblesse des salaires.

Ce mouvement s’est accompagné d’un fort creusement des inégalités, mis en lumière par la crise de 2008, d’où le désenchantement et la colère des classes moyennes des pays du Nord. Des mouvements politiques instrumentalisent cette réalité indéniable pour dénoncer les méfaits de la mondialisation et préconiser un repli identitaire. Prenons garde à ce que le degré d’inégalités que nous avons atteint ne débouche pas sur des conflits!

Or on constate que huit ans après le début de la crise, ses principaux ingrédients sont toujours là: croissance faible, hausse du chômage, atonie de l’investissement.

Aujourd’hui, le discours change; il faut s’en féliciter. L’incitation à l’austérité, sans doute nécessaire en période de consolidation, fait place à des appels à accroître les dépenses publiques pour favoriser le retour à la croissance et l’augmentation de la productivité. Ces dépenses doivent porter sur des investissements et des projets induisant un effet de levier des fonds publics sur les fonds privés. Je pense aux potentialités considérables qu’offre le développement des compétences humaines et du numérique.

L’investissement dans l’avenir est indispensable pour faire renaître la confiance parmi les classes moyennes, qui représentent le socle de la démocratie.

Mme RODRÍGUEZ RAMOS (Espagne) * – Je souhaite me pencher sur le problème de l’inégalité. Le rapport indique que les inégalités augmentent et que la croissance économique ralentit. Les effets pervers de l’inégalité touchent non seulement ceux qui en souffrent, mais aussi chacun d’entre nous. Ces inégalités n’ont fait que croître au cours de ces trente dernières années, non seulement dans les pays dits développés, mais aussi dans les pays en voie de développement. Actuellement, 10 % de la population la plus riche est environ 9,5 fois plus riche que les 90 % de population la moins fortunée. Dans les années 1980, ce rapport n’était que de 1 à 7, contre de 1 à 10 aujourd’hui.

Les sociétés les plus prospères ne sont pas les plus justes. Cette inégalité est en train d’entamer le ciment de la confiance. M. Gurría le disait dernièrement, au Mexique, cette confiance qui s’érode est aussi la confiance en la démocratie. Nous sommes face à un immense problème mondial d’absence de confiance dans notre système.

Je souhaite vous poser la question suivante: au-delà des mécanismes traditionnels de redistribution des richesses, qui ont durement souffert dans les sociétés européennes face à la crise – je vous renvoie aux coupes très claires dans les politiques publiques et budgétaires, notamment en matière de santé et d’éducation –, au-delà de ces politiques qui sont cruciales pour les travailleurs qui comptent sur un salaire et une retraite, comment pouvons-nous progresser? Il faut refondre ces politiques de redistribution des richesses, il nous faut des politiques novatrices et d’avant-garde. Le système financier doit cesser d’être un problème pour devenir une partie de la solution. Il faut que soit respectée l’obligation de redistribution équitable de la richesse qui a toujours existé.

Pensons également à certaines propositions qui permettraient de garantir un revenu minimum à tous nos citoyens, car il n’y a pas de travail pour tous. Il faut que la croissance qui redémarre doucement prenne forme pour chacun. Pour le moment elle est insuffisante pour compenser les pertes d’emploi dans les pays industrialisés. N’oublions pas les effets du chômage dans un pays tel que le mien, l’Espagne, durement touché.

Mme CENTEMERO (Italie)* – Merci, Madame la Secrétaire générale adjointe, de votre rapport.

La crise économique perdure et nous assistons à la montée de deux grandes tendances: d’une part, la décélération de la croissance de la productivité et, d’autre part, la montée persistante des inégalités en termes de patrimoine, de revenus, de bien-être et de chances. Il est indispensable d’agir pour réduire ces inégalités. À ce titre, l’instruction et la formation sont des vecteurs essentiels. L’acquisition de compétences exerce des effets directs sur les possibilités de trouver un emploi, donc sur les niveaux de rémunération, donc l’autonomie de l’individu. Je pense en particulier à la situation des femmes qui continuent, à tous points de vue, à être les plus désavantagées sur le marché du travail.

Les informations de l’OCDE que vous nous avez livrées, Madame la Secrétaire générale, montrent que les personnes disposant d’un niveau plus élevé de formation et d’un bagage de compétences plus large ont statistiquement plus de chances d’avoir une influence sur les décisions et les processus politiques, ainsi que de participer activement à la vie sociale, politique et économique de leur pays. Aussi, devons-nous agir résolument à cet égard.

Le programme Pisa, («Program for International Student Assessment»), procédant au suivi des acquis des élèves, prévoit des instruments mesurant leur bien-être. Il est également prévu de publier un rapport sur les politiques et les pratiques éducatives visant à réduire les inégalités sociales. C’est un facteur essentiel pour l’ensemble de nos pays, d’autant que de larges lacunes existent concernant les compétences que doivent acquérir nos étudiants. Ce point reste préoccupant.

Il est une autre question fondamentale sur laquelle nous devrions tous agir et sur laquelle l’OCDE devrait s’engager. Il convient de tout faire pour que l’ensemble des groupes sociaux, les jeunes des deux sexes, tous nos étudiantes et nos étudiants aient un accès égal à l’instruction et à la formation, et ce en vue de leur participation au marché du travail.

Les publications sur l’égalité des sexes dans l’éducation soulignent la nécessité pour les enseignants et les institutions scolaires de nombreux pays de faire davantage pour encourager les jeunes filles à envisager des études scientifiques et mathématiques. De telles perspectives de formation sont essentielles pour leur offrir la possibilité d’entrer sur le marché du travail, mais aussi de s’intégrer à la vie sociale et politique de leur pays. La recommandation de l’OCDE de 2013 sur l’égalité hommes-femmes en matière d’éducation, d’emploi et d’entrepreneuriat a montré que les femmes demeurent fortement sous-représentées dans les études et les activités dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. À cet égard, nous devons tous nous engager davantage à l’avenir.

M. Van der MAELEN (Belgique)* – En février 2016, j’étais présent lors de la présentation du rapport de l’OCDE portant sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales et les risques de capture de l’action publique. J’avais alors manifesté mon intérêt pour une plus large coopération sur ce thème. L’OCDE, quant à elle, s’était engagée à procéder à une collecte d’informations, même si de nombreuses informations extrêmement utiles figuraient déjà dans le rapport présenté en février 2016.

Je souhaiterais aujourd’hui vous poser deux questions.

En premier lieu, avez-vous poursuivi ce travail? Avez-vous obtenu de nouvelles informations et, si oui, quand comptez-vous les publier?

En second lieu, où en est la mise en place d’un groupe de travail parlementaire thématique? Je crois savoir que des contacts ont été pris avec le Parlement européen, mais comment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe peut-elle, elle aussi, participer à ce groupe de travail parlementaire?

M. LOZANO ALARCÓN (Mexique, observateur)* – Au Mexique, comme dans d’autres pays, nous souffrons du cercle vicieux engendré par l’absence de croissance et d’activité, lequel se traduit par le manque de création d’emplois, notamment au bénéfice des jeunes.

Les marchés financiers sont instables en raison du prix du pétrole. Ajoutons les problèmes liés au crédit et à l’absence d’investissements. Ces sujets ont été largement évoqués, notamment les inégalités sociales. Les inégalités sociales sont précisément ce qui nous a empêchés de donner à l’humanité ce minimum de dignité humaine qu’est le bien-être. Malheureusement, les coupes claires budgétaires provoquent de multiples difficultés sociales, renforçant ainsi les inégalités. De plus, les opportunités sont moindres de trouver un emploi, ce qui se traduit par moins de recettes.

L’économie numérique est une opportunité pour certains, mais non pour ceux qui en sont exclus. Aussi, assistons-nous à un déplacement de la main-d’œuvre en fonction de la spécialité.

Nous sommes préoccupés par les élections aux Etats-Unis, pas uniquement au Mexique. Les expressions d’intolérance, de populisme prennent de l’ampleur. Nous avons vu quelles peuvent être les conséquences d’un «Brexit» avec ce qui s’est produit en Colombie ou en Hongrie. Nous devons répondre aux menaces qui pèsent et qui vont à l’encontre de nos intérêts.

La crise migratoire est principalement humanitaire. Nous devons être solidaires, ne pas perdre notre capacité à intervenir face à de tels événements. Nous constatons une absence de confiance dans les hommes et les institutions politiques, dans les institutions gouvernementales. Comme l’a déclaré M. Gurría au Mexique, il nous appartient de rétablir cette confiance.

Je félicite l’OCDE pour sa vision sur le développement durable. Au Mexique, nous avons d’ailleurs entrepris plusieurs réformes structurelles en ce sens.

Les formules magiques n’existent pas, l’égalité sociale s’impose comme les investissements sont nécessaires. Ils permettront de bons résultats.

Nous sommes membres de l’OCDE. Et je remercie l’Assemblée de m’avoir laissé la possibilité de m’exprimer.

LA PRÉSIDENTE*– Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» est en cours.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

M. SALMOND (Royaume-Uni)* – Je vous remercie, Madame la Secrétaire générale adjointe, d’avoir rappelé les effets positifs du libre-échange. Nous constatons sur notre continent les effets liés à l’absence de libre-échange. Je pense à cette procédure très dure de sortie de l’Union européenne qu’envisage le Royaume-Uni. Depuis le référendum, les médias indiquent que les inconvénients subis par le Royaume-Uni après la sortie de l’Union européenne seraient très importants. Je m’exprime au conditionnel, car le Brexit ne s’est pas encore produit. C’est un peu comme si l’on se lançait depuis le haut de la Tour Eiffel et, une fois à mi-parcours, l’on se disait: «Jusqu’à présent, tout va bien!»

Lorsque l’économie britannique se trouvera au sol après une politique de sortie dure, il ne sera plus temps de réagir. On prévoit sur 15 ans une perte de 5 à 10 % du PIB, de 20 % des investissements étrangers directs et une réduction de 20% des échanges internationaux.

En termes financiers, il s’agirait d’une perte, de 66 millions de livres sterling pour le Trésor public.

Pourquoi le Gouvernement britannique s’est-il engagé sur cette voie? Du fait de décisions visant à entraver la liberté de circulation des personnes avant de penser à la libre circulation des échanges et des capitaux.

Vous devez vous souvenir que, alors même que l’Angleterre et le Pays de Galles ont voté pour le Brexit, l’Irlande et l’Ecosse ont voté très majoritairement pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Nous ne voulons pas de ce sabotage brutal que suppose cette sortie de l’Union européenne. Nous demandons donc aux membres de l’Assemblée parlementaire et à tous les Européens de bien vouloir maintenir les liens que nous avons avec l’Europe.

Un de mes collègues a évoqué la question de l’Irlande et de l’Irlande du Nord. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Jagland a répondu qu’ils trouveront leur propre voie et jouiront toujours de la protection de la Convention européenne des droits de l’homme. Sans doute, mais c’est ne pas tenir compte du fait que le Royaume-Uni se montre ouvertement hostile à la Convention européenne des droits de l’homme – la plus grande réussite du Conseil de l’Europe –, consacrée par les statuts du Parlement écossais.

Je le répète, nous souhaitons le soutien des membres de cette Assemblée et des Européens: aidez-nous à maintenir les liens économiques qui existent entre l’Ecosse et l’Europe et à continuer de bénéficier de la protection de la Convention européenne des droits de l’homme.

LA PRÉSIDENTE* – Je me réjouis de constater la forte présence des femmes dans le débat.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Il s’agit pour moi d’un honneur, mais aussi d’un plaisir que de pouvoir remercier en personne Mme Hiviniemi, ancienne Premier ministre de la Finlande, pour son excellente contribution à ce débat.

Au niveau international, nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés en tous genres. La croissance et les investissements restent faibles depuis 2007. Le taux de chômage ne fait que croître. La crise financière a exigé des efforts considérables visant à établir un système financier plus transparent et plus résistant. Ces difficultés perdurent.

La révolution numérique, le vieillissement de la population et la globalisation changent entièrement les types d’emplois disponibles, et transforment la manière dont nous travaillons. En parallèle, le terrorisme et la crise des migrants provoquent de nouvelles difficultés. Et nous ne saurions non plus oublier l’impact du Brexit sur les marchés.

J’aimerais remercier l’OCDE pour son travail extrêmement utile. Elle nous fournit des données, des analyses politiques concernant des secteurs multiples. Sa nouvelle initiative est véritablement intégrée sur le plan horizontal et permet d’exercer un impact sur le travail analytique, la collecte de données et les publications de l’OCDE. Tout cela facilitera l’exploitation des résultats des recherches, ainsi qu’une meilleure coopération intercomités et entre secteurs.

Une des principales questions qui se posent est la suivante: comment améliorer la productivité tout en évitant une augmentation des inégalités? La corruption est un grave obstacle au progrès social et au développement économique durable. Celle-ci a contribué à une augmentation des revenus et des richesses, mais également à une augmentation des inégalités et à une perte de confiance comme nous n’en avions jamais connu auparavant. La lutte contre la corruption, est de ce fait, indispensable pour une croissance plus inclusive après la crise et pour aider les citoyens à retrouver la confiance dans les institutions et les marchés.

Il faut plus de transparence fiscale pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Nous ne saurions non plus oublier nos objectifs de développement durable, y compris les objectifs acceptés lors de la COP21. Beaucoup de travail a d’ores et déjà été réalisé pour obtenir des sociétés plus égalitaires, mais nous sommes bien loin d’avoir parachevé la tâche.

J’aimerais une fois de plus vous remercier, Mme Kiviniemi, ainsi que l’ensemble des représentants de l’OCDE, pour ce travail important.

M. GARCÍA HERNÁNDEZ (Espagne)* – Madame la Secrétaire générale adjointe, je vous remercie pour la présentation de ce rapport.

J’évoquerai quatre sujets: le premier porte sur les liens positifs entre l’immigration et le développement, car le moment est venu de considérer de façon constructive le phénomène de l’immigration; le second est la lutte contre la corruption ; le troisième, le financement des démocraties par des puissances étrangères et le quatrième le rapport entre les changements climatiques et l’économie. Sur ces quatre points, nous trouvons des éléments très importants dans ce rapport, et je vous en félicite.

En Espagne, nous venons de réaliser un certain nombre de réformes structurelles. Vous les avez évoquées.

Vous avez parlé de «croissance inclusive», mais rien n’est dit sur les mesures à appliquer pour garantir cette inclusivité. Or pour nous, hommes et femmes politiques, les gens sont au cœur des priorités. Car il n’y a pas de politiques sans êtres humains et celles-ci ont un impact, non seulement sur l’ordre social, mais également sur la dignité des personnes; et c’est ce dernier point qui nous préoccupe.

Dans ce rapport, j’ai noté quatre «trous noirs».

Premièrement, vous parlez de productivité, mais vous ne faites pas le lien entre productivité et salaires, et vous ne parlez pas des organisations, telles que les syndicats, capables de contribuer à atténuer ces inégalités. Comment la productivité est-elle conciliable avec des réformes qui visent à plus d’égalité?

Deuxièmement, votre rapport évoque, très subtilement, le fait que la moitié de l’absence de croissance résulte de l’absence de productivité, et l’autre moitié d’un manque de mobilisation des capitaux. Mais mener des politiques budgétaires prévoyant de plus fortes dépenses aura un effet sur le capital, puisque l’investissement et la consommation seront sollicités. Il faut donc faire plus sur le front de la productivité et la mettre en lien avec les salaires.

Troisièmement, vous parlez du système bancaire sans évoquer la banque de détail. Nous pouvons donc penser qu’une autre crise est possible et qu’il ne faut pas créer de croissance pour les entreprises.

Quatrièmement, comment faire face au chômage des jeunes? Les jeunes sont moins nombreux sur le marché du travail et nous les condamnons à une vie de chômage. Comment faire?

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Les problèmes de l’inclusivité, de la distribution égale de la richesse, de l’accroissement de la productivité concernent non seulement les Etats membres de l’OCDE, mais également les pays du monde entier.

Pour nous qui venons de Palestine, avec les problèmes que nous connaissons dans notre région – les réfugiés et le conflit en Syrie, l’absence de perspectives politiques dans le conflit israélo-palestinien, la jeunesse de la population, qui dans certains pays atteint 40 % de la population, les guerres civiles, les révoltes en Libye, au Yémen, en Syrie et en Irak -, il paraît plus que nécessaire que l’OCDE poursuive son travail pour surmonter les conséquences de la crise économique mondiale et appelle les Etats membres à leur responsabilité dans le cadre d’une stratégie globale de règlement des conflits et d’inclusion économique, associant les Etats du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.

La priorité doit être donnée au règlement du conflit israélo-palestinien et l’initiative prise par la France mérite l’appui de tous. La baisse de la confiance à l’égard des gouvernements, élus ou non, les désaccords en Europe sur la manière de faire face à la crise des réfugiés et les troubles au Proche-Orient, démontrent bien l’interdépendance de nos pays. C’est pourquoi les solutions doivent être globales et inclusives, et concerner les droits fondamentaux et la sécurité de toutes les populations, sur tous les continents, dans toutes les régions du monde.

Si nous ne donnons pas d’espoir aux jeunes, au Proche-Orient et au Moyen-Orient, mais pas seulement, nous n’atteindrons pas les objectifs de reprise économique, d’inclusion et de stabilité politique globales.

Lord BLENCATHRA (Royaume-Uni)* – L’Assemblée discute aujourd’hui des activités de l’OCDE, deux semaines après que de très sévères avertissements ont été émis à l’encontre du Royaume-Uni. Finalement, les choses ne se passeront pas si mal, nous dit-on, ni dans un an, ni dans deux.

S’il est difficile de prévoir notre avenir à quelques semaines près, comment se fier aux prévisions sur quinze mois, voire sur quinze ans? Au moins l’OCDE n’est-elle pas aussi incompétente dans ses prévisions que le FMI, qui s’est trompé sur toute la ligne depuis 2008, quand il n’a pas su prévenir l’effondrement du système financier. Une chose est sûre, des politiques erronées ont été délibérément menées dans la zone euro pour ne pas venir en aide aux pays qui en avaient besoin.

On retrouve des éléments identiques dans le fonctionnement des deux organisations. Toutes deux essaient de changer les systèmes en place à leur profit. L’OCDE a comme ordre du jour d’augmenter les impôts des sociétés dans tous les pays. Elle ne permet pas, selon moi, de mettre en œuvre de manière neutre les recommandations du G20. Les impôts font mal lorsqu’ils sont trop élevés. C’est une évidence.

L’Irlande est une économie qui se porte fort bien et qui a retrouvé la croissance beaucoup plus vite que tous les autres pays européens. Pourquoi? Parce qu’elle a revu son budget à la baisse et refusé d’augmenter la taxe sur les entreprises – elle est à 12,5 % dans ce pays, soit le taux le plus faible d’Europe. Toutes sortes de pressions ont été exercées sur l’Irlande, mais elle n’a pas renoncé. Qui souffre de ce régime, en réalité? Personne. Il est parfaitement raisonnable que les pays se fassent concurrence sur ce front, comme sur d’autres. Les pays essaient de mobiliser les ressources qui sont les leurs. Certains sont assis sur des réserves d’uranium ou d’or, tandis que d’autres comptent sur les millions de travailleurs qui reçoivent des rémunérations très faibles en comparaison des niveaux occidentaux.

Selon l’OCDE, il faudrait pénaliser la Chine et l’Inde, dont la force ouvrière est mal et injustement rémunérée. Que dire alors de l’Espagne, qui bénéfice d’un climat clément, ou d’autres pays, qui affichent d’autres atouts? À mon sens, la compétition sur le front des impôts est bonne pour les entreprises et pour les travailleurs. Si les autres pays européens sont jaloux du régime qui prévaut en Irlande, alors qu’ils réduisent leurs impôts de la même façon et qu’ils se montrent compétitifs.

M. WHALEN (Canada, observateur)* – Je veux tout d’abord remercier l’OCDE pour son excellent rapport. J’aimerais promouvoir aujourd’hui un aspect particulier de ce travail: la transparence fiscale, qui constitue un objectif commun.

Le rapport de l’OCDE le montre bien, la confiance est à l’ordre du jour de cette organisation, avec toute une série d’’études et de travaux menés sur la corruption, la lutte contre les dessous-de-table, la gouvernance d’entreprise, la transparence fiscale, l’intégrité publique et la lutte contre les flux financiers illégaux. En 2009, le G20 a déclaré la fin du secret bancaire, nous engageant ainsi à une nouvelle lutte contre l’évasion fiscale. L’OCDE a lancé alors le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Plus de 130 pays l’ont rejoint et participent sur un pied d’égalité à un processus d’examen entre pairs. Nous considérons qu’il y a là un véritable engagement de voir harmonisées les pratiques fiscales et améliorée la transparence.

Le suivi des normes, mais aussi l’échange d’informations, automatique ou à la demande, ont également été engagés. En 2014, l’OCDE a développé une norme unique pour les rapports afin de faciliter l’échange automatique de données sur les comptes financiers. Au cours des deux prochaines années, ces travaux devraient porter leurs fruits. L’entraide en matière fiscale est aussi prévue sur la base d’une convention qui constitue l’un des cadres juridiques les plus puissants auxquels peuvent se référer les pays qui veulent véritablement améliorer la coopération transfrontalière en matière fiscale.

Depuis le 26 septembre 2016, 104 pays ont signé cette convention, soit un chiffre extrêmement encourageant. Le projet visant à améliorer le transfert des bénéfices et la lutte contre l’érosion a été établi suite à la demande des pays du G20 en 2013. Il entre désormais véritablement dans sa phase de mise en œuvre. C’est en remédiant aux lacunes de l’espace financier que nous permettrons une création de valeur partagée par tous, avec des sociétés plus équitables et une croissance plus inclusive.

Ce projet de l’OCDE montre également que les revenus fiscaux dus à l’érosion de la base et aux transferts sont de 250 milliards de dollars. Nos efforts et le travail de l’OCDE valent vraiment la peine qu’on les poursuive. Il reste toutefois encore beaucoup à faire, mais il est encourageant de voir que les pays de l’OCDE et les pays du G20 se sont accordés sur un nouveau cadre inclusif qui permettra aux pays intéressés d’être directement actifs sur un pied d’égalité.

Pour conclure, j’aimerais féliciter l’OCDE pour tout le travail qu’elle réalise en matière de transparence fiscale, d’échange d’informations et de croissance inclusive.

Mme FERNANDES (Royaume-Uni)* – L’OCDE est une organisation importante, qui favorise la coopération internationale et définit des normes pour soutenir le système économique international et lutter contre la corruption. Sa capacité d’analyse est également une ressource précieuse pour les économistes et les hommes politiques dans de nombreux secteurs. Son expertise est particulièrement pertinente pour définir les priorités en matière de productivité et de lutte contre la corruption.

La réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des ministres, qui s’est tenue au mois de juin, a vu la participation de trois personnalités britanniques. Elle a été consacrée au renforcement de la productivité au service de la croissance inclusive.

Cette année, la majorité des Britanniques ont voté pour quitter l’Union européenne. Ayant fait campagne pour le Brexit, je suis satisfaite de ce résultat. Nous sommes désormais en mesure de définir nos propres lois, de contrôler l’immigration, de signer de nouveaux accords commerciaux, ce qui nous permet d’augmenter notre taux de croissance et de créer davantage d’emplois.

Je suis ravie de voir que notre Premier ministre va faire de ce Brexit une réalité, puisque dès mars 2017, elle mettra en œuvre les mesures permettant à notre pays de quitter l’Union.

Je constate d’ailleurs que l’OCDE est revenue sur ses prévisions. Ses avertissements concernant une probable récession, une chute du taux de croissance ou encore la vente des outils de production se sont révélés erronés. Trois mois après le vote, le Royaume-Uni connaît une croissance bien plus importante que prévu et un marché financier calme. Il conviendra, en 2017, de réviser ces prévisions de plus de 0,1 %, ce qui portera le taux de croissance à 0,8 %, conformément à toutes les prévisions réalisées par des experts indépendants.

Le départ de l’Union ne peut que favoriser la productivité et la croissance, pour un Royaume-Uni libéré!

Mme AHMED-SHEIKH (Royaume-Uni)* – Je suis ravie de voir que les oratrices sont nombreuses à s’exprimer ce matin, comme elles le seront cet après-midi. Cela témoigne de la plus grande participation des femmes à la vie économique dans le monde.

Je félicite Mme la Secrétaire générale adjointe pour les excellentes activités de l’OCDE au cours de l’année dernière. Toutefois, je ne peux manquer d’être préoccupée par certaines contradictions relevées dans les mesures prises par l’OCDE pour renforcer l’inclusion, alors que le Secrétaire général de l’OCDE affirme que les mesures d’austérité prises par les gouvernements conservateurs sont nocives pour les classes les plus faibles.

Au Royaume-Uni, si l’écart des revenus ne s’est pas creusé, les inégalités en matière d’éducation se sont accrues. Comment l’OCDE peut-elle soutenir des politiques budgétaires qui renforcent ces inégalités? En quoi cela peut-il mener à une croissance inclusive?

J’espère sincèrement que les remarques de mon collègue Alex Salmond concernant le souhait de l’Ecosse de demeurer au sein de la famille des nations européennes ont été entendues. Je voudrais savoir si l’OCDE s’est véritablement penchée sur toutes les conséquences économiques qu’entraînera la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, notamment sur le marché du travail, dans notre pays, mais aussi dans l’ensemble de l’Union.

LA PRÉSIDENTE *– La liste des orateurs est close. Cette discussion a été particulièrement intéressante. Mme la Secrétaire générale adjointe de l’OCDE va maintenant répondre aux orateurs.

Mme LA SECRÉTAIRE GÉNÉRALE ADJOINTE DE L’OCDE* – Ce moment de l’année est très important pour l’OCDE puisqu’il s’agit de débattre avec des parlementaires. Je me félicite de l’appui que vous avez exprimé aux activités de l’OCDE en matière de lutte contre les inégalités, de soutien à la croissance, de renforcement de la productivité, de lutte contre l’évasion fiscale, de politiques d’immigration, de lutte contre la corruption, etc.

Vous avez été nombreux, et je vous en remercie, à souligner l’importance des systèmes d’éducation plus inclusifs, qui donnent véritablement une chance à chacun, pour l’apprentissage tout au long de la vie. Cette inclusion, cette lutte contre les inégalités aura bien sûr une influence sur les activités de l’OCDE. Ainsi, le titre de notre publication phare, Objectif croissance, comprendra désormais le terme «inclusif». Ces dimensions seront donc pleinement intégrées et nous leur donnerons un poids plus grand que par le passé.

L’indice «vivre mieux» est aussi une façon de mesurer à cette aune les résultats des pays dans tous ces domaines. Nous ne mesurons pas seulement la croissance du PIB, nous nous penchons aussi sur des aspects tels que l’environnement, le logement, l’éducation et le bien-être subjectif.

Je me félicite de vos paroles positives à l’égard de nos politiques. Une partie importante de notre activité dans les forums mondiaux consiste à évaluer leur mise en œuvre. Des examens sont entrepris, nous nous efforçons d’analyser les performances des pays en nous demandant s’ils ont réellement mis en œuvre les recommandations de l’OCDE. Car il ne suffit pas de signer un accord, il faut ensuite l’appliquer! Cette démarche permet par la suite aux pays d’améliorer leurs résultats. Pour ce qui est de nos recommandations, nous nous efforçons de mesurer les résultats atteints, par exemple en matière de réformes structurelles. Les pays du G20 n’ont mis en œuvre que 50 % des réformes structurelles qu’ils se sont engagés à mettre en œuvre lors de la réunion du G20, voici deux ans.

Quant aux questions plus spécifiques, je vous répondrai que nous tenons pour très importante la stratégie concernant l’égalité dans le travail et que nous nous penchons actuellement sur la question des négociations collectives. Pour ce qui est du programme «financer la démocratie», nos activités se poursuivent. Nous créerons un groupe de travail en février prochain, lors des prochaines journées parlementaires. Par ailleurs, nous coopérons avec le Parlement européen et l’Union européenne.

Enfin, comme nous l’écrivons dans notre rapport, les accords de libre-échange bénéficient aux Etats qui y sont parties, en leur permettant d’accroître leur revenu. Mais des politiques d’accompagnement sont nécessaires, afin que les avantages du libre-échange soient répartis de manière équitable: politiques actives sur le marché du travail, politiques sociales, investissement dans l’acquisition de compétences et d’apprentissage tout au long de la vie. Sur ces sujets, notre organisation s’efforce de mieux communiquer que par le passé.

Merci à tous pour ce dialogue!

M. Agramunt, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

4. Discours de M. Hollande, Président de la République française

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. François Hollande, Président de la République française. M. le Président répondra aux questions à l’issue de son allocution.

Monsieur le Président de la République, c’est un grand honneur de vous accueillir parmi nous au sein de notre Assemblée parlementaire qui réunit en son sein les élus de 47 pays européens et incarne ainsi l’idée de la Grande Europe.

J’aimerais aussi saluer M. Harlem Désir, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes et Mme Catherine Lalumière, ancienne Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe. C’est également un honneur de les accueillir à nouveau au Conseil de l’Europe et dans cet hémicycle.

Monsieur le Président, en tant qu’Etat fondateur, siège de notre Organisation, la France joue un rôle clé au sein du Conseil de l’Europe. Votre visite à Strasbourg témoigne de l’engagement politique fort de la France pour notre Organisation, les idéaux et les principes qu’elle défend. Cette impulsion politique est très importante pour nous, surtout dans le contexte politique actuel.

Monsieur le Président, l’Europe doit faire face aujourd’hui à de nouvelles menaces, notamment au terrorisme international. La France a été lourdement frappée par ce fléau. Nous sommes solidaires du peuple français et de ses autorités. « Ce que veulent les terroristes, c’est nous faire peur, nous saisir d’effroi, avez-vous dit après le terrible attentat à Paris en novembre dernier. Nous leur répondons qu’ils n’auront pas notre peur, qu’ils n’auront pas notre haine. Ces paroles d’Antoine Leiris, journaliste à France Info, qui a perdu son épouse au Bataclan, sont à l’origine de notre initiative «Ni haine ni peur». Je vous suis profondément reconnaissant, Monsieur le Président, pour votre soutien à cette action car, tous ensemble, nous devons défendre nos valeurs et notre mode de vie.

Monsieur le Président, alors que nous sommes confrontés à l’émergence de nouveaux conflits entre les Etats membres et que les anciens conflits, dits gelés, peuvent s’enflammer à tout moment, nous avons besoin plus que jamais des efforts diplomatiques sur tous les fronts pour défendre fermement nos principes tout en sachant trouver des compromis en vue de rétablir la paix et de favoriser la réconciliation. Les efforts de la France, notamment dans la résolution de crise en Ukraine et votre rôle personnel dans le Format Normandie sont très importants dans ce contexte. Nous sommes très intéressés par vos idées sur les perspectives de résolution de ce conflit.

Monsieur le Président, le Conseil de l’Europe a été, à son origine, un «laboratoire où se prépare et s’expérimente la coopération européenne», disait Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de notre Organisation. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’expérimentateurs pour trouver des solutions concrètes. Pour approfondir notre action, nous avons besoin d’une impulsion politique au plus haut niveau et l’idée de tenir un 4e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe me semble acquérir aujourd’hui une importance toute particulière. Dans ce contexte, votre vision et vos idées sur l’avenir de la construction européenne seront très précieuses pour nous.

Monsieur le Président, je vous donne la parole.

M. HOLLANDE, Président de la République française – Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, je tenais par ma présence aujourd’hui parmi vous à renouveler l’attachement de la France à votre Institution, le Conseil de l’Europe, ici à Strasbourg, une capitale européenne. Mais j’ai conscience que le contexte particulier que nous connaissons, qui est grave, donne également à cette visite un sens parce que les valeurs que porte le Conseil de l’Europe doivent encore nous inspirer.

François Mitterrand, qui était au Congrès de La Haye en 1948, rappelait toujours que l’enjeu européen était de sauver les libertés acquises et de les étendre au bénéfice de tous. C’est ce que votre Conseil a pu faire tout au long de ces dernières années. Il rassemble aujourd’hui 47 pays, représentant 820 millions d’habitants, et tous ses Etats membres se sont engagés à placer la personne humaine au cœur de leur système juridique.

Le Conseil de l’Europe est dépositaire de 211 conventions, dont 135 ont été ratifiées par la France. Au sommet de l’édifice se place la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; la France fait en sorte d’en respecter tous les points et tous les principes.

Je veux aussi saluer la progression constante de vos engagements pour protéger davantage les libertés non seulement en élargissant les frontières – ce que vous avez fait avec votre Assemblée – mais aussi en élargissant les domaines de protection des libertés. C’est ainsi que vous avez travaillé sur les questions éthiques, avec l’interdiction du clonage humaine, que vous avez lutté contre toutes les formes de traite des êtres humains, que vous combattez les violences faites aux femmes, que vous veillez à la protection des données personnelles au nom du respect de la vie privée.

Au-delà de la proclamation de ces principes, il y aussi le mécanisme contraignant qui doit en assurer l’effectivité: c’est la mission de la Cour européenne des droits de l’homme, dont je viens de rencontrer le président.

Je veux réaffirmer ici que, là encore, la France prend toutes ses responsabilités pour soutenir la Cour en toutes circonstances. Elle a appuyé toutes les réformes qui ont permis d’améliorer son fonctionnement. Je pense notamment aux protocoles 14 et 15, que la France a ratifiés – et je m’engage ici à préparer l’adoption définitive du 16e Protocole.

Soutenir la Cour, c’est assurer la pleine exécution de ses arrêts. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement français a fait adopter une loi visant à simplifier la procédure de révision des condamnations pénales ayant donné lieu à une mise en cause de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Ce sera également vrai pour le droit civil: les décisions sur l’état des personnes seront obligatoirement réexaminées chaque fois que la Cour prononcera une intervention concernant la France – c’est le cas notamment pour le changement de sexe ou la transcription d’un acte d’état civil.

J’ai également veillé, à chaque fois que la Cour est intervenue par un arrêt, à traduire la décision correspondante dans la loi française. En 2013, nous avons ainsi introduit une infraction spécifique contre la traite des êtres humains. En 2014, le régime de la garde à vue a été profondément modifié pour une meilleure protection des droits de la défense, dès le stade de l’enquête. Plus récemment a été ouvert le droit à la représentation professionnelle dans les armées – là encore, ce principe a été non seulement reconnu, mais mis en œuvre.

J’ai également conscience des devoirs de la France face à l’état de ses prisons. Nous savons l’ampleur de la surpopulation carcérale et le défi que représente l’encellulement individuel. C’est l’objet d’un plan qui a été annoncé par le Gouvernement français et qui consacrera plus d’un milliard d’euros à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Notre politique pénale veille aussi à mettre en œuvre des peines alternatives à l’incarcération.

Voilà pourquoi je suis attaché au Conseil de l’Europe: parce que vous faites progresser l’état du droit, et parce que vous permettez que nous restions vigilants sur les engagements que nous avons pu prendre. Je rends ici hommage à l’action du Commissaire aux droits de l’homme, à la Commission de Venise, qui a joué un rôle très important depuis 1990 dans la transition constitutionnelle de l’Europe centrale et orientale, notamment dans les Balkans et aujourd’hui en Ukraine.

Je veux saluer aussi l’action de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, une institution trop peu connue. Finançant des projets hautement sociaux dans 41 Etats membres, elle a récemment voulu dédier un fonds au soutien aux réfugiés et aux migrants. La France s’honore d’être l’un des trois actionnaires principaux de l’institution.

Mesdames et Messieurs, en près de soixante-dix ans, le Conseil de l’Europe a aidé à bâtir sur le continent un espace de paix, de coopération, de liberté, sans égal dans le monde. Cependant, soyons lucides: ce mouvement peut s’interrompre, il n’est pas irréversible. Des menaces existent, que vous avez évoquées: le terrorisme, mais aussi la montée des populismes et des extrémismes, notamment face à la crise des réfugiés. On assiste également à des remises en cause, à des replis nationalistes, à la montée d’un souverainisme qui laisse penser que chaque pays pourrait trouver en lui-même la solution. Même les valeurs que vous représentez ici commencent à être remises en cause, suspectes de ne pouvoir protéger suffisamment nos concitoyens – comme si la liberté pouvait constituer une limite, ou si nous pouvions imaginer un Etat d’exception qui se substituerait à l’Etat de droit.

Le terrorisme met la démocratie à l’épreuve. Notre mode de vie, nos libertés et nos principes fondamentaux sont la cible des fanatiques. La France a été frappée de manière terrible à plusieurs reprises, en des jours symboliques, y compris le 14 juillet, en des lieux qui pouvaient faire ressurgir une forme de guerre entre les religions – qu’on se souvienne qu’un prêtre a été égorgé dans une église – et dans d’autres généralement associés à la joie, où les jeunes se réunissent pour partager un moment d’émotion. La France n’a pas été le seul pays attaqué: beaucoup d’autres ont été visés et frappés, en Europe et ailleurs dans le monde, et aucun ne peut se considérer prémuni contre ce fléau.

Le Conseil de l’Europe a pris ses responsabilités dans l’élaboration de protocoles, notamment en matière de prévention du terrorisme, et pour appréhender le phénomène des combattants étrangers. Après les terribles attentats du 13 novembre 2015, la France a été amenée à évoquer l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui permet aux Etats de faire face à des impératifs de sécurité sous le contrôle du juge, dans le cadre de l’état d’urgence. C’est la voie que j’ai choisie, en veillant cependant, avec le gouvernement de Manuel Valls, à prendre des mesures proportionnées pour doter les autorités administratives des moyens indispensables pour agir, par des perquisitions ou des assignations à résidence de personnes dangereuses. Le Parlement a été amené à se prononcer sur ces mesures, et plusieurs lois ont été votées en France depuis 2014 afin de renforcer nos moyens contre le terrorisme. Toutes ces lois ont été validées par le Conseil constitutionnel, et ont pu être ainsi vus par vous.

Pour la première fois, nous avons également voulu donner un cadre légal aux activités de renseignement, un cadre complet et cohérent, nous permettant d’agir tout en garantissant que les contrôles nécessaires soient effectués. Nous faisons également en sorte – et nous ne pouvons le faire seuls – d’agir contre la propagande sur internet qui encourage la radicalisation. C’est un enjeu que vous devez aborder ici que celui consistant à distinguer d’une part ce qui relève de la vie privée, et doit être défendu, d’autre part ce qui est utilisé par les fanatiques pour se livrer à une propagande visant à amener les jeunes de nos pays respectifs à partir faire le djihad.

La France a pris la responsabilité de fermer de prétendues salles de prière, qui n’étaient en réalité que des lieux servant à lancer des appels à la haine. Elle a également expulsé des prêcheurs qui utilisaient la liberté d’expression pour propager l’intolérance la plus agressive. Nous veillons cependant à ce qu’il n’y ait aucune stigmatisation, notamment des musulmans, et aucune confusion entre ce que nous devons faire pour nous protéger et ce que doit être la liberté religieuse dans notre pays – une liberté qui ne doit jamais être altérée.

J’ai eu, à plusieurs reprises, l’occasion de défendre la conception française de la laïcité, et je veux le refaire ici aujourd’hui. C’est un principe de neutralité, mais aussi une règle qui interdit le financement des cultes – de tous les cultes – par l’Etat. La laïcité garantit à chacune et à chacun le droit de croire ou de ne pas croire, la possibilité de pratiquer sa foi dans les limites qu’inspire le respect de l’ordre public. Ces règles, qui ne sont pas le fruit de lois de circonstance, mais reposent sur des principes posés il y a plus de cent ans, nous permettent aujourd’hui de faire respecter la liberté de conscience avec fermeté et de faire en sorte que puissent être poursuivies les provocations risquant de mettre en cause la vie en commun.

Je n’entends pas relancer la discussion sur ce point, dans la mesure où un équilibre a été trouvé et qu’il suffit d’appliquer les règles existantes. La sûreté, la sécurité sont des exigences, et nos concitoyens demandent à être protégées.

Mais la sécurité et la sûreté sont compatibles avec l’Etat de droit. Il n’est pas question d’ouvrir, en France, des centres de rétention pour les personnes suivies par les services de renseignements. Nous porterions atteinte aux principes de notre droit pénal: seul un juge peut décider d’une peine privative de liberté. Et la France – je n’ai pas besoin de vous rassurer à cet égard – ne créera pas de cour d’exception pour des actes terroristes: ce serait aussi inutile que dangereux. Nos juridictions et nos magistrats spécialisés, à tous les stades de la procédure, font un excellent travail. Notre droit nous permet d’agir efficacement.

Voilà ce que je voulais vous dire, au nom d’un pays qui lutte contre le terrorisme tout en respectant ses principes fondamentaux. Certes nous faisons évoluer notre législation, mais elle reste conforme à notre ordre constitutionnel. Les terroristes cherchent à nous diviser, à nous séparer, à nous conduire à prendre des mesures d’exception qui seraient utilisées pour dénoncer nos principes de liberté. C’est la liberté qui est visée par les terroristes; c’est la liberté que nous devons défendre.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, l’Europe est confrontée depuis plusieurs mois à l’afflux de migrants et de réfugiés. La crise syrienne a poussé sur le chemin de l’exil des millions de personnes. Beaucoup ont rejoint les camps en Jordanie, au Liban et en Turquie. Je veux saluer ces pays qui fournissent l’effort principal. D’autres migrants ont choisi notre continent, mais l’ont choisi car ils n’avaient, en définitive, pas d’autre destination possible. Ils fuyaient, ils cherchaient l’exil.

L’Europe a tardé à trouver une réponse commune. Cette réponse passe par le contrôle effectif des frontières extérieures de l’Europe, condition nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés et reconduire les migrants qui ne relèvent pas du droit d’asile, et pour être capables d’établir des règles et de les faire respecter, y compris pour répartir l’effort pour l’accueil des réfugiés. Sans ces règles et sans cette protection des frontières, sans les garde-côtes européens, sans une claire distinction entre ce qui relève du droit d’asile et ce qui n’en relève pas, alors l’Europe se déchirera. L’Europe risque ainsi de se disloquer sur cette question des réfugiés.

La France a pris des engagements qu’elle va honorer: 30 000 réfugiés, venant de Grèce, d’Italie et de Turquie, seront accueillis d’ici 2017. Nous poursuivrons le programme de réinstallation mis en œuvre avec le Haut-Commissariat aux réfugiés au Liban et en Jordanie.

Nous sommes aussi face à la présence de réfugiés et de migrants sur notre territoire. Je sais que vous êtes attentifs à ce qui, hélas, se passe à Calais. Depuis trop longtemps un camp d’au moins 7 000 personnes accueille dans des conditions qui ne sont pas dignes des personnes qui ont fui leur pays. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, avec le gouvernement, de démanteler le camp de Calais, de façon à pouvoir accueillir autrement et dignement celles et ceux qui y sont aujourd’hui installés. Toute personne pourra ainsi être hébergée et commencer ses démarches de demande d’asile. En revanche, comme je l’ai déjà dit, les personnes qui ne relèvent pas du droit d’asile seront raccompagnées. Mais sachez que pour l’essentiel, celles et ceux qui sont à Calais relèvent de ce droit.

Nous faisons aussi en sorte de régler la question des mineurs isolés, ce avec dignité et responsabilité. Nous travaillons avec le Royaume-Uni, et nous engageons des discussions pour que les mineurs isolés qui ont des proches au Royaume-Uni puissent les rejoindre. C’est aussi une condition pour démanteler le camp de Calais. Ce sera une opération humanitaire, puisque chacun se verra proposer une place dans un centre. Nous avons créé et ouvert des centres d’accueil et d’orientation spécialement pour régler la question du camp de Calais et d’autres campements, notamment à Paris. Toute personne se verra proposer une solution. C’est la responsabilité de la France, et de tous ceux qui doivent comprendre qu’il n’est pas possible de démanteler un camp tel que celui de Calais sans proposer des solutions, ce sur l’ensemble du territoire.

Les valeurs de Conseil de l’Europe inspirent l’action diplomatique de la France, aux frontières mêmes de l’Union européenne et de notre continent. En Ukraine, l’annexion illicite de la Crimée par la Russie et la déstabilisation de l’est du pays ont fait de nombreuses victimes et des milliers de déplacés. Je me suis personnellement engagé, avec la chancelière Merkel, dans le cadre du Format Normandie, pour la recherche d’une solution diplomatique: il s’agit des Accords de Minsk. Je le dis tout net, les progrès sont trop lents. Nous devons avancer sur les conditions politiques et sécuritaires qui permettront de tenir le plus rapidement possible, comme les Accords de Minsk le prévoient, des élections à l’est de l’Ukraine, dans le respect de la loi ukrainienne et des critères internationaux. Je suis prêt à tout moment, avec la chancelière Merkel, à réunir le Format Normandie, avec le Président Poutine et le Président Porochenko, pour veiller à la pleine application des Accords de Minsk. L’Ukraine doit prendre elle-même sa part des réformes attendues, et je sais que le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle utile pour l’accompagner.

Avec la Russie, la France a un désaccord majeur sur la Syrie. Le veto russe à la résolution française au Conseil de sécurité des Nations Unies a empêché la cessation des bombardements et la proclamation de la trêve. Les principales victimes sont les populations civiles, celles qui vivent et meurent sous les bombardements. C’est pourquoi le dialogue est nécessaire avec la Russie. Mais il doit être ferme et franc. Sinon il n’a pas sa place. Sinon c’est un simulacre. Je suis donc prêt, à tout moment, à rencontrer le Président Poutine, si nous avons la possibilité de faire avancer la cause de la paix, de faire cesser les bombardements et de proclamer la trêve.

Je veux aussi qu’une discussion puisse s’engager avec la Turquie. Ce pays fait l’effort principal pour l’accueil des réfugiés, il est partie prenante d’une solution. La Turquie a connu, dans la nuit du 14 au 15 juillet, un coup d’Etat. Elle y a fait face, et elle doit aussi respecter, malgré cette situation difficile et la proclamation de l’état d’urgence, les principes qui nous unissent. Voilà la position de la France: toujours le dialogue, mais toujours pour la recherche de la paix.

La France partage la position du Conseil de sécurité: voilà le sens de la résolution que nous avions présentée. Je rappelle que la résolution russe n’avait réuni que trois voix, et que le veto russe a empêché toute cessation des bombardements.

Dialogue, toujours; responsabilité, toujours; et recherche de la paix.

Je veux parler de la Syrie ici car il s’agit d’un défi pour la communauté internationale. Régler cette situation sera son honneur mais assister au départ d’autant de Syriens contraints de quitter leur foyer et au massacre d’autant de familles sera sa honte. Le terrorisme, qui s’est installé sur ce terreau, nous frappe de Syrie par sa propagande, mais également par l’action des terroristes qu’elle envoie en Europe.

Alep! Alep interpelle la conscience de l’humanité. Alep est en passe de rejoindre la terrible liste des villes martyres.

Mesdames, Messieurs, je voulais lancer cet appel ici, car c’est ici que les valeurs, les principes, l’espérance de la paix ont été forgés. C’est ici qu’il fut possible, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de lancer les appels pour la paix. C’est ici qu’a été voulue l’unification, qu’ont été accueillis des pays qui, jusque-là, étaient sous le joug du totalitarisme et de la dictature. Cette œuvre du Conseil de l’Europe n’est pas achevée, au contraire. Dans ces circonstances, dans ce contexte que j’ai évoqué, plus que jamais, nous avons besoin du Conseil de l’Europe.

En 2019, le Conseil de l’Europe célèbrera son 70e anniversaire, la France présidera son Comité des Ministres et elle se tient prête à organiser un quatrième sommet pour lui fixer un nouveau cap.

Tel est le message que je voulais délivrer devant vous au nom des valeurs qui nous unissent, car la France est aux côtés du Conseil de l’Europe et je suis sûr que le Conseil de l’Europe est aux côtés de la France pour toutes les démarches qui sont utiles à la paix, à la liberté et à la démocratie.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le Président, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question. Je leur rappelle que les questions doivent avoir un caractère vraiment interrogatif et ne pas dépasser 30 secondes. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. NIKOLOSKI («L’ex-République yougoslave de Macédoine»), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Président, vous avez indiqué que l’Europe était confrontée à la plus grande crise migratoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’état actuel des choses, nous n’envisageons qu’une approche, celle que vous avez évoquée dans votre discours, laquelle consiste à trouver une solution commune permettant de protéger les frontières extérieures. Mais l’Europe échoue dans ses tentatives. Le territoire de la Macédoine est l’une des principales routes des flux migratoires. L’an dernier, nous avons essayé de nous en tenir à la décision de fermeture des frontières.

Monsieur le Président, envisagez-vous d’autres solutions si ce projet était voué à l’échec, faute d’accord entre Bruxelles et la Turquie ou en raison de l’impossibilité de protéger les frontières extérieures? Quelles autres possibilités pour les migrants?

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – J’ai évoqué la question des migrants parce qu’elle concerne des pays qui sont dans ou hors de l’Union européenne.

De ce point de vue, il appartient à l’Europe des 28 – à ce jour, encore à 28 – d’assurer la protection de ses frontières, notamment de l’espace Schengen, mais ce ne peut être fait qu’en coopération avec les autres pays. Notre premier devoir consiste à contrôler les frontières et, avec la Turquie, à mettre en œuvre l’accord qui a été conclu. Nous devons aussi porter notre attention sur les autres itinéraires utilisés par les passeurs.

Je suis conscient que les Balkans sont les premiers concernés. C’est pourquoi, du reste, certaines mesures ont été prises unilatéralement par certains pays. L’Europe doit soutenir les Balkans dans le contrôle des migrations. C’est ce que j’ai fait valoir, avec l’Allemagne, pour que le contrôle des frontières soit effectif, mais également pour venir en soutien aux pays concernés par les migrations.

M. NICOLETTI (Italie), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur le Président de la République, je vous remercie de votre présence dans notre hémicycle et de votre propos. Merci d’avoir réaffirmé la confiance de la France, grand pays fondateur, à l’égard de notre institution.

Vous avez fait référence à la proposition d’organiser un nouveau Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des 47 pays membres. Pour nous, ce sommet est un impératif, une urgence. Quel est votre point de vue sur cette question, compte tenu, par ailleurs, de la tragédie syrienne à laquelle vous avez fait référence? Ne pourrait-on agir immédiatement et réunir autour de la table l’ensemble des pays concernés, pas seulement ceux qui forment l’Europe, mais aussi la Fédération de Russie et la Turquie?

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – Je réaffirme devant vous l’intention de la France d’organiser la célébration qu’il convient en 2019, d’en faire un événement politique et non simplement un événement qui serait de l’ordre de la cérémonie ou du rituel. Mais vous avez raison, nous devons agir immédiatement pour traiter plusieurs sujets.

S’agissant de la Syrie, la trêve doit prévaloir avant tout. Cette trêve, qui signifie cessation des bombardements et des hostilités sur le terrain, doit conduire à acheminer l’aide humanitaire indispensable. Au moment où je parle aucune aide humanitaire ne peut parvenir à Alep. Aussi, la population civile est-elle soumise à une double souffrance: les bombardements et la faim, le dénuement, l’absence même de tout soutien sanitaire. A Alep, des hôpitaux ont été bombardés et détruits. La deuxième étape passe donc par l’envoi de l’aide humanitaire. Enfin, la négociation doit être engagée avec l’ensemble des parties prenantes, et, par conséquent, associer l’ensemble des pays concernés, les pays de la région, la Fédération de Russie et la Turquie. J’ajouterai l’Iran tant il est vrai que nous avons besoin de tous les pays concernés par le drame syrien. C’est la raison pour laquelle le dialogue avec la Russie s’impose, mais il ne peut intervenir que sur des bases claires. Quand la Russie pose son veto à une résolution qui porte les principes que je viens d’énoncer, que dire ensuite? Comment prolonger une discussion qui s’est interrompue? Dès lors que la Russie, et je le souhaite, sera véritablement décidée à faire cesser les bombardements auxquels elle participe en soutenant le régime syrien, je serai prêt à tout instant à prendre le chemin du dialogue.

M. LEYDEN (Irlande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – En mon nom, au nom de ma délégation, et au nom de mon groupe politique, je vous salue, Monsieur le Président de la République.

L’Irlande est très inquiète de l’impact économique du Brexit car nous avons une frontière de 499 kilomètres avec le Royaume-Uni, avec lequel nos échanges de biens et de produits se monte à un milliard de livres chaque semaine. Elle est d’ailleurs le seul pays d’Europe comptant une frontière interne avec le Royaume-Uni. Elle procède à un milliard d’échanges en biens et services hebdomadaires.

Monsieur le Président, soutiendriez-vous l’Irlande pour qu’elle soit associée aux négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni afin de protéger ses intérêts économiques?

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – Le Brexit est une décision du peuple britannique et, à cet égard, doit être pleinement respectée et mise en œuvre. J’avais souhaité que les négociations s’ouvrent rapidement. La Première ministre britannique, Theresa May, a préféré ouvrir la phase de négociation au mois de mars prochain.

Nous respectons donc ce calendrier. Il ne pourra pas y avoir de négociations d’ici là. C’est à partir du mois de mars que la Commission européenne, avec le Conseil européen, pourra mener à bien les discussions pour aboutir à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il est vrai que des questions touchent directement l’Irlande. Mais il appartient à la Commission, et à son négociateur, de prendre en compte cette situation, avec, bien entendu, la pleine association des autorités irlandaises. Sachez que lors de ma visite à Dublin, j’ai rappelé la situation et les règles qui préexistaient lorsque le Royaume-Uni était pleinement dans l’Union européenne; ces règles doivent pouvoir être discutées dans le cadre de la négociation.

M. GONCHARENKO (Ukraine), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Le 19 octobre, le Président Poutine doit se rendre à Paris. Etant donné les crimes de guerre commis par la Russie en Syrie et en Ukraine, de la tenue d’élections illégales en Crimée, de la disparition du vol MH17 de la Malaysia Airlines et de l’emprisonnement illégal du journaliste ukrainien Souchtchenko… en raison, donc, des menaces graves que fait peser le régime de M. Poutine sur le monde entier, je vous demande, Monsieur le Président, d’annuler votre rencontre avec le Président Poutine. Est-ce possible?

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE – M. Poutine, Président de la Russie, devait effectivement se rendre à Paris prochainement, pour un certain nombre d’inaugurations et de cérémonies. Je concevais cette visite uniquement si elle permettait de parler de la situation en Syrie et uniquement de cette situation. J’ai donc fait savoir au Président Poutine que je ne l’accompagnerai pas aux différentes cérémonies, mais que j’étais prêt à poursuivre le dialogue sur la Syrie. Il a préféré reporter cette visite. Mais nous aurons d’autres occasions, j’en suis sûr, de débattre de la situation en Syrie.

M. PSYCHOGIOS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Président, je vous remercie de votre présence aujourd’hui devant notre Assemblée.

Conformément à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Charte sociale européenne, les droits sociaux et économiques fondamentaux doivent être garantis au sein des Etats membres. Cependant, des réformes récentes dans divers pays, dont la France, conduisent à une déréglementation du marché du travail et de la négociation collective.

Comment cela peut-il être compatible avec les normes définies par le Conseil de l’Europe? Sans oublier que cette recette s’est avérée totalement inefficace lorsqu’elle a été appliquée à d’autres pays, tels que la Grèce.

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE – Je voudrais vous rassurer: les lois françaises, en matière de travail, reconnaissent la présence des syndicats, voire la renforcent, font valoir le principe de dialogue social et de négociation collective, aussi bien pour les entreprises que pour les branches, et respectent en tout point les règles du Bureau international du travail.

Et s’il y a un pays où il existe une véritable protection des travailleurs en Europe, qui puisse être regardée comme garantissant l’équilibre entre la performance économique et la protection des salariés, c’est bien en France. Et il en sera ainsi tant que je serai Président de la République.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons entendre les six dernières questions auxquelles M. le Président Hollande répondra par une seule intervention.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Monsieur le Président, je vous remercie d’avoir rappelé les valeurs du Conseil de l’Europe et d’avoir pris l’initiative d’un sommet. Mais ce qui est important est de mettre en œuvre ce qui existe déjà. Or de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont remis en cause et ne sont pas appliqués, notamment en Fédération de Russie et en Azerbaïdjan, mais également au Royaume-Uni.

Que pouvez-vous faire, que pouvons-nous faire pour protéger la Convention européenne des droits de l’homme et pour que les arrêts soient appliqués?

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Les sceptiques disent que la politique du multiculturalisme s’est épuisée, mais l’expérience montre que ce n’est que la célébration des idées du multiculturalisme qui permet de s’inspirer des valeurs européennes et ainsi de combattre le terrorisme. Dans nos sociétés, l’empathie et la sympathie pour les autres religions ne laissent aucune place à la haine, qui est la principale source du terrorisme.

Pensez-vous que, dans la politique européenne, le multiculturalisme s’est déjà épuisé en tant que voie vers la paix? Que peut-on faire pour améliorer le prestige de cette idée en Europe?

M. VAREIKIS (Lituanie)* – La France est l’un des pays responsables des Accords de Minsk qui porte sur le conflit en Ukraine. Quelle est votre opinion sur ces accords? A-t-il répondu aux attentes ou est-il voué à l’échec? Et quelle en est la finalité politique, selon vous? Que doit-il se passer en Ukraine: un dégel de ce conflit?

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Monsieur le Président, vous vous êtes dit préoccupé, à juste titre, par les attaques terroristes en France. Mais de nombreux citoyens européens, et notamment néerlandais et français, ont rejoint Daech et participent à des actes de génocide. Que va faire la France pour veiller à ce que ces personnes répondent de leurs actes devant la justice? La lauréate du prix Václav Havel, qui a survécu dans des conditions atroces, nous a dit que ces personnes n’étaient pas jugées.

Ferez-vous en sorte que vos ressortissants fassent l’objet de poursuites? Et êtes-vous favorable à la création d’un tribunal spécial pour les crimes commis par le prétendu Etat islamique par le Conseil de sécurité des Nations Unies?

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie) – Monsieur le Président, les Palestiniens apprécient les efforts persistants et l’initiative de la France en faveur de la résolution du conflit israélo-palestinien, sur la base d’une solution de deux Etats. Le peuple palestinien compte sur cette initiative.

Quelles sont les possibilités pour que la conférence internationale proposée prenne place? Et dans le cas où Israël ne s’y engage pas, la France serait-elle prête à reconnaître un Etat palestinien? Enfin, quel rôle les membres du Conseil de l’Europe peuvent-ils jouer pour favoriser le succès de cette initiative française?

M. CEPEDA (Espagne)* – En Europe, on parle beaucoup de la sécurité, de la liberté et des principes et des droits dont doivent pouvoir jouir les citoyens. Or en France, depuis quelque temps, vous connaissez un état d’exception. Comment conciliez-vous ces deux éléments?

Par ailleurs, nous avons un système financier qui sème l’inégalité la plus totale, sape la confiance en la démocratie et permet la montée des mouvements populistes. Pensez-vous que les politiques sociales peuvent permettre de lutter contre cette tendance? Ne faut-il pas faire preuve d’une intelligence collective?

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – En ce qui concerne la Cour européenne des droits de l’homme, tout d’abord, si ses décisions ne sont pas appliquées, c’est son autorité qui est en cause, c’est-à-dire la nôtre, notre volonté, notre capacité à faire prévaloir le droit. Pour la France, il y a donc une règle: chaque fois que la Cour européenne des droits de l’homme prend une décision, rend un arrêt, nous l’appliquons. Il est vrai que cela peut avoir des conséquences dans la vie politique intérieure et qu’il n’est pas toujours facile de traduire ces décisions, y compris sur le plan législatif. J’évoquais par exemple la représentation professionnelle dans les armées, soit un changement de conception de l’organisation même de notre défense. Toutefois, nous l’avons admise. Ce qui est grave, c’est que d’exception en exception, de retrait en retrait, la Cour européenne des droits de l’homme soit mis en cause. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter que des pays se retirent ou n’appliquent pas ses décisions. Je vois bien ce qu’un certain nombre de forces politiques, y compris dans mon pays, laissent penser: que l’on pourrait s’affranchir des règles de la Convention et ne plus respecter les décisions de la Cour. Ce serait alors la fin du processus heureusement mis en œuvre depuis plusieurs décennies. Il faut donc bien prendre conscience du danger et du risque.

Il m’a été demandé, ensuite, comment il était possible de garder des valeurs communes avec des religions différentes dans un pays. En France, la laïcité nous permet de vivre ensemble, d’assurer la liberté religieuse et de faire en sorte que tous les cultes puissent être représentés sans qu’ils influencent la vie publique ou la vie en commun. La loi doit rester première par rapport aux règles religieuses, qui elles-mêmes doivent pouvoir pleinement permettre l’épanouissement et la pratique du culte pour chacune et chacun de nos concitoyens. Nous pouvons donc vivre ensemble et nous n’avons pas besoin de déroger à nos règles, et notamment, pour la France, aux règles de la laïcité.

S’agissant des Accords de Minsk, quelle était la finalité? C’était la paix et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Des élections doivent avoir lieu et l’autorité ukrainienne, au terme d’un processus, doit retrouver la maîtrise de sa frontière. Les Accords de Minsk prévoient une suite d’étapes dont chacune doit être respectée: d’abord le cessez-le-feu, la sécurité et le retrait des armes; ensuite, les élections. Ce processus engage la partie ukrainienne signataire, la partie russe, compte tenu de l’influence qu’elle a sur les dirigeants de l’est, mais aussi la France et l’Allemagne, puisqu’elles étaient là au moment de la signature de ces accords. C’est pourquoi je suis prêt, dans le cadre du format Normandie, avec la Chancelière Merkel, à avancer vers la mise en œuvre complète des Accords de Minsk. Autrement, vous avez raison, ce sera un conflit gelé comme il en existe d’autres et il y aura là toujours un manquement au droit international, des tensions qui persisteront, et des morts qui pourront, hélas, être de nouveau constatés. Encore récemment, des incidents très graves se sont produits. Nous devons donc veiller à ce que les Accords de Minsk puissent être pleinement mis en œuvre.

Concernant, ensuite, les combattants étrangers, il y a effectivement des jeunes Français qui sont partis, quelquefois depuis plusieurs années, combattre en Syrie et en Irak, pour faire le djihad. Nous avons introduit un délit dans le droit français qui permet de condamner ces individus à leur retour. Chaque fois que l’un d’eux rentre en France, la justice est immédiatement saisie, une procédure est engagée et une condamnation est prononcée. Nous devons aller jusqu’au bout de la lutte contre Daech et l’Etat islamique. C’est la raison pour laquelle la France participe à la coalition en Irak et en Syrie. Nous assumons des actions avec nos forces aériennes en Syrie comme en Irak. En ce moment, la préparation de la reconquête de Mossoul est en cours, avec des attaques contre l’Etat islamique. Mais je veux faire une distinction: Alep n’est pas Mossoul. Mossoul est une ville entièrement sous contrôle de l’Etat islamique et que les autorités irakiennes, avec le soutien de la coalition, veulent libérer. Nous faisons très attention à ce que la population civile ne soit pas victime de ce que nous allons entreprendre. Alep, en revanche, est une ville qui subit des bombardements sans distinction et dont les populations civiles sont les principales victimes. Je ne peux pas accepter que l’on mette en parallèle Alep et Mossoul.

Ensuite, en ce qui concerne la Palestine, vous connaissez, et vous l’avez rappelée, l’initiative de la France, qui consiste, là encore, à réunir tous les pays qui veulent contribuer au règlement de ce conflit et à la paix, afin d’examiner toutes les étapes qui pourraient permettre aux Palestiniens et aux Israéliens de se retrouver dans une négociation directe. Il ne s’agit pas de se substituer aux Israéliens et aux Palestiniens. Il s’agit de leur permettre de retrouver les conditions d’une reprise de la négociation. Je ne suis pas favorable à ce qu’il y ait une initiative du Conseil de Sécurité ou de l’Assemblée générale des Nations Unies. On sait bien qu’elle serait vouée à l’échec au Conseil de Sécurité. Nous avons donc pris cette initiative pour qu’ensuite, ayant travaillé et emmené de nombreux pays vers ce que pourrait être le cadre de la solution, les Israéliens et les Palestiniens s’emparent de ce travail commun, pour que la conférence puisse être utile.

Enfin, s’agissant de la dernière question qui m’a été posée, il est vrai que depuis le 13 novembre dernier, la France a déclaré l’état d’urgence et l’a prolongé. L’état d’urgence permet de donner aux autorités administratives un certain nombre de moyens, notamment les perquisitions et les assignations à résidence, mais sous le contrôle du juge et du Parlement. Des recours ont été portés contre un certain nombre de ces mesures et de ces décisions. Nous respectons chaque décision d’un juge. Toutefois, nous faisons aussi en sorte que nous puissions sortir de l’état d’urgence. Il ne doit pas être un état permanent. Comprenez quand même qu’après un attentat comme celui de Nice, le 14 juillet, nous ayons été conduits à prolonger l’état d’urgence. C’était la France qui était attaquée en ce jour si symbolique, dans cette ville si magnifique, sur une promenade des Anglais connue du monde entier, où le terroriste voulait tuer le plus grand nombre de ceux qui participaient à la fête, un feu d’artifice. Il était nécessaire, légitime même, de prolonger l’état d’urgence pour nous donner tous les moyens d’agir. À l’évidence, il n’a toutefois pas vocation à être un état permanent. Ce qui compte, c’est l’Etat de droit.

Quant à l’intelligence collective pour les règles sociales, c’est le plus difficile. Ce qui fait toujours problème, ce n’est pas l’intelligence individuelle, c’est l’intelligence collective. Le rôle d’une assemblée est de contribuer à l’intelligence collective. Le rôle des instances qui doivent se réunir au plus niveau entre chefs d’Etat et chefs de gouvernement, c’est de faire prévaloir l’intelligence collective. Ce qui est frappant, c’est que souvent l’intelligence individuelle ajoutée à une autre intelligence individuelle ne fait pas l’intelligence collective. Parce qu’il doit y avoir un intérêt supérieur pour arriver à des solutions. Cet intérêt supérieur réside dans les valeurs que nous portons et dans ce qui justifie que nous nous engagions au-delà de toutes les sensibilités représentées. Qu’est-ce qui compte pour nous tous alors même que nous ne pensons pas la même chose? Ce qui compte, ce sont les valeurs de liberté, de démocratie et de paix; c’est d’empêcher qu’il puisse y avoir un retour aux tragédies que nous avons connues dans le passé. C’est pour cela que la Conseil de l’Europe a été créé. Or ces tragédies, nous pensions qu’elles pouvaient se passer à l’extérieur, loin de nous. Il y en a bien à l’extérieur, mais pas loin de nous, et j’ai évoqué la Syrie.

Il est aussi des tragédies qui peuvent se reproduire, chez nous. Certains comportements extrémistes nous le font craindre. Il faut faire preuve d’intelligence, de lucidité et de volonté. Je suis convaincu que c’est la position de l’ensemble de cette Assemblée.

LE PRÉSIDENT – Ainsi s’achèvent les questions à M. le Président de la République française que je remercie, une fois de plus vivement de sa venue devant notre Assemblée.

Chers collègues, le scrutin pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme va être suspendu. Il sera rouvert à 15 h 30.

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 10.

SOMMAIRE

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»

2. Modifications dans la composition des commissions

3. Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques en 2015-2016

Intervention de Mme Kiviniemi, Secrétaire générale adjointe de l’OCDE

Orateurs: MM. Geraint Davies, Daems, Mme Günay, MM. Hunko, Feist, Manninger, Leite Ramos,

Mme Huovinen, MM. Simms, Heer, Mme Bakoyannis, M. Melkumyan, Mme Vėsaitė, MM. Maitachi, Fournier, Mmes Rodríguez Ramos, Centemero, MM. Van der Maelen, Lozano Alarcón, Salmond, Mme Anttila, MM. García Hernández, Sabella, Lord Blencathra, M. Whalen, Mmes Fernandes, Ahmed-Sheikh

Réponse de Mme la Secrétaire générale adjointe de l’OCDE

4. Discours de M. Hollande, Président de la République française

Questions: MM. Nikoloski, Nicoletti, Leyden, Goncharenko, Psychogios, Schwabe,
Mme Fataliyeva, MM. Vareikis, Omtzigt, Sabella, Cepeda

5. Prochaine séance publique

Appendix/Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement Les noms des titulaires remplacés figurent (entre parenthèses) après les noms des membres participants.

AHMED-SHEIKH, Tasmina [Ms]

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARDELEAN, Ben-Oni [Mr]

ARENT, Iwona [Ms]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]

BARILARO, Christian [M.] (ALLAVENA, Jean-Charles [M.])

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BAYKAL, Deniz [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BIES, Philippe [M.] (BAPT, Gérard [M.])

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BILLSTRÖM, Tobias [Mr]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BLANCHART, Philippe [M.]

BLENCATHRA, David [M] (BEBB, Guto [Mr])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BOJIĆ, Milovan [Mr]

BOSIĆ, Mladen [Mr]

BRUYN, Piet De [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

CATALFO, Nunzia [Ms]

CENTEMERO, Elena [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CIMBRO, Eleonora [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

CIMOSZEWICZ, Tomasz [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr] (NEACȘU, Marian [Mr])

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

DAEMS, Hendrik [Mr] (MAHOUX, Philippe [M.])

DAVIES, Geraint [Mr]

DEBONO GRECH, Joseph [Mr]

DESKOSKA, Renata [Ms]

DESTEXHE, Alain [M.]

DİŞLİ, Şaban [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DJUROVIĆ, Aleksandra [Ms]

DOKLE, Namik [M.]

DURRIEU, Josette [Mme]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]

ECCLES, Diana [Lady]

ESEYAN, Markar [Mr]

EẞL, Franz Leonhard [Mr]

EVANS, Nigel [Mr]

FABRITIUS, Bernd [Mr] (HENNRICH, Michael [Mr])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

FAZZONE, Claudio [Mr] (BERNINI, Anna Maria [Ms])

FEIST, Thomas [Mr] (WELLMANN, Karl-Georg [Mr])

FENECH ADAMI, Joseph [Mr]

FERNANDES, Suella [Ms] (HOWELL, John [Mr])

FIALA, Doris [Mme]

FILIPIOVÁ, Daniela [Mme]

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms]

FISCHER, Axel E. [Mr]

FISCHEROVÁ, Jana [Ms] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

FOULKES, George [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALATI, Giuseppe [Mr] (QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms])

GAMBARO, Adele [Ms]

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHASEMI, Tina [Ms]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme]

GRECEA, Maria [Ms] (STROE, Ionuț-Marian [Mr])

GROSDIDIER, François [M.]

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]

HAMID, Hamid [Mr]

HANŽEK, Matjaž [Mr] (KORENJAK KRAMAR, Ksenija [Ms])

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HIGGINS, Alice-Mary [Ms] (CROWE, Seán [Mr])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (VEJKEY, Imre [Mr])

HOPKINS, Maura [Ms]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUOVINEN, Susanna [Ms] (GUZENINA, Maria [Ms])

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

JAKAVONIS, Gediminas [M.]

JENSEN, Mogens [Mr]

JÓNASSON, Ögmundur [Mr]

JONICA, Snežana [Ms] (TUPONJA, Goran [Mr])

JORDANA, Carles [M.]

JOVANOVIĆ, Jovan [Mr]

KALMARI, Anne [Ms]

KANDEMIR, Erkan [Mr]

KARAPETYAN, Naira [Ms] (ZOURABIAN, Levon [Mr])

KARLSSON, Niklas [Mr]

KASIMATI, Nina [Ms]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KOBAKHIDZE, Manana [Ms]

KOÇ, Haluk [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KORUN, Alev [Ms]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KROSS, Eerik-Niiles [Mr]

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

KYRITSIS, Georgios [Mr]

L OVOCHKINA, Yuliya [Ms]

LE BORGN’, Pierre-Yves [M.]

LE DAIN, Anne-Yvonne [Mme] (KARAMANLI, Marietta [Mme])

LE DÉAUT, Jean-Yves [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LESKAJ, Valentina [Ms]

LEYDEN, Terry [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LIDDELL-GRAINGER, Ian [Mr]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUCAIDES, George [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])

LOZOVOY, Andriy [Mr] (VOVK, Viktor [Mr])

LUIS, Teófilo de [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MAELEN, Dirk Van der [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])

MAIJ, Marit [Ms]

MANNINGER, Jenő [Mr] (GULYÁS, Gergely [Mr])

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MARQUES, Duarte [Mr]

MARTINS, Alberto [M.]

MASSEY, Doreen [Baroness] (SHERRIFF, Paula [Ms])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MELKUMYAN, Mikayel [M.] (ZOHRABYAN, Naira [Mme])

MENDES, Ana Catarina [Mme]

MIGNON, Jean-Claude [M.]

MIKKO, Marianne [Ms]

MILEWSKI, Daniel [Mr]

MILTENBURG, Anouchka van [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

NAGHDALYAN, Hermine [Ms]

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICOLETTI, Michele [Mr]

NIKOLOSKI, Aleksandar [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr]

OEHRI, Judith [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]

OMTZIGT, Pieter [Mr] (OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms])

ÖNAL, Suat [Mr]

O’REILLY, Joseph [Mr]

OSUCH, Jacek [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

PALIHOVICI, Liliana [Ms] (NEGUTA, Andrei [M.])

PALLARÉS, Judith [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PECKOVÁ, Gabriela [Ms] (KOSTŘICA, Rom [Mr])

PELKONEN, Jaana [Ms]

POPA, Ion [Mr] (GORGHIU, Alina Ștefania [Ms])

POSTOICO, Maria [Mme] (VORONIN, Vladimir [M.])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PRITCHARD, Mark [Mr]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (KAVVADIA, Ioanneta [Ms])

QUÉRÉ, Catherine [Mme] (ALLAIN, Brigitte [Mme])

QUINTANILLA, Carmen [Mme]

RADOMSKI, Kerstin [Ms]

RAWERT, Mechthild [Ms] (DROBINSKI-WEIß, Elvira [Ms])

REICHARDT, André [M.] (DURANTON, Nicole [Mme])

REISS, Frédéric [M.] (JACQUAT, Denis [M.])

RIGONI, Andrea [Mr]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme] (BATET, Meritxell [Ms])

ROSETA, Helena [Mme]

ROUQUET, René [M.]

RZAYEV, Rovshan [Mr] (MAMMADOV, Muslum [M.])

SALLES, Rudy [M.] (ROCHEBLOINE, François [M.])

SALMOND, Alex [Mr]

SAMMUT, Joseph [Mr] (SCHEMBRI, Deborah [Ms])

SANTANGELO, Vincenzo [Mr]

SANTERINI, Milena [Mme]

SAVCHENKO, Nadiia [Ms]

SCHÄFER, Axel [Mr] (SIEBERT, Bernd [Mr])

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER, André [M.] (MARIANI, Thierry [M.])

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHRIJVER, Nico [Mr]

SCHWABE, Frank [Mr]

SCULLY, Paul [Mr] (GALE, Roger [Sir])

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr] (BUTLER, Dawn [Ms])

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

STOILOV, Yanaki [Mr]

SUTTER, Petra De [Ms] (VERCAMER, Stefaan [M.])

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TORUN, Cemalettin Kani [Mr]

TRENCHEV, Antoni [Mr]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TZAVARAS, Konstantinos [M.]

UNHURIAN, Pavlo [Mr] (YEMETS, Leonid [Mr])

USTA, Leyla Şahin [Ms]

UYSAL, Burhanettin [Mr] (BABAOĞLU, Mehmet [Mr])

VÁHALOVÁ, Dana [Ms]

VAREIKIS, Egidijus [Mr] (SKARDŽIUS, Arturas [Mr])

VASILI, Petrit [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VĖSAITĖ, Birutė [Ms]

WILK, Jacek [Mr]

WILSON, Phil [Mr] (CRAUSBY, David [Mr])

WURM, Gisela [Ms]

XUCLÀ, Jordi [Mr]

YAŞAR, Serap [Mme]

ZELIENKOVÁ, Kristýna [Ms]

ZIMMERMANN, Marie-Jo [Mme]

Vacant Seat, Andorra/Siège vacant, Andorre (JORDANA, Carles [M.])

Vacant Seat, Croatia/Siège vacant, Croatie*

Vacant Seat,Cyprus/Siège vacant, Chypre

Also present/Egalement présents

Représentants et Suppléants non autorisés à voter/

Representatives or Substitutes not authorised to vote

ALIU, Imer [Mr]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BESELIA, Eka [Ms]

CORREIA, Telmo [M.]

DAVIES, David [Mr]

EATON, Margaret [Baroness]

EFSTATHIOU, Constantinos [M.]

EROTOKRITOU, Christiana [Ms]

FRÉCON, Jean-Claude [M.]

MAGRADZE, Guguli [Ms]

MAMMADOV, Muslum [M.]

MEALE, Alan [Sir]

PACKALÉN, Tom [Mr]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

SITARSKI, Krzysztof [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

SPADONI, Maria Edera [Ms]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Partners for democracy/Partenaires pour la démocratie

ABOULFATH, Hanane [Mme]

ABUSHAHLA, Mohammedfaisal [Mr]

BENSAID, Mohammed Mehdi [M.]

LEBBAR, Abdesselam [M.]

SABELLA, Bernard [Mr]

Members of Parliament of an OECD member State non-member of the Council of Europe

Membres d’un parlement d’un Etat membre de l’OCDE non membre du Conseil de l’Europe

ARITA Yoshifu [Mr], Japan

DAVIES, Don [Mr], Canada

DOWNE, Percy [Mr], Canada

GASTÉLUM BAJO, Diva Hadamira [Ms], Mexico

LARIOS CÓRDOVA, Héctor [Mr], Mexico

LOZANO ALARCÓN, Javier [Mr], Mexico

MAITACHI Shouji [Mr], Japan

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr], Mexico

SIMMS, Scott [Mr], Canada

TILSON, David [Mr], Canada

WELLS, David [Mr], Canada

WHALEN, Nick [Mr], Canada

Appendix/Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the Election of Judges to the European Court of Human Rights in respect of Azerbaijan and “the former Yugoslav Republic of Macedonia”

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédonia»

AHMED-SHEIKH, Tasmina [Ms] 

ANDERSON, Donald [Lord] 

ARDELEAN, Ben-Oni [Mr] 

ARIEV, Volodymyr [Mr] 

ARNAUT, Damir [Mr] 

ASCANI, Anna [Ms] 

BABAOĞLU, Mehmet [Mr]/UYSAL, Burhanettin [Mr]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms] 

BARNETT, Doris [Ms] 

BAYKAL, Deniz [Mr] 

BEBB, Guto [Mr]/BLENCATHRA, David [Lord]

BENEŠIK, Ondřej [Mr]/FISCHEROVÁ, Jana [Ms]

BERGAMINI, Deborah [Ms] 

BERNACKI, Włodzimierz [Mr] 

BERNINI, Anna Maria [Ms]/FAZZONE, Claudio [Mr]

BILOVOL, Oleksandr [Mr] 

BLONDIN, Maryvonne [Mme] 

BORK, Tilde [Ms]/SANDBÆK, Ulla [Ms]

BOSIĆ, Mladen [Mr] 

BRUYN, Piet De [Mr] 

BUDNER, Margareta [Ms] 

CENTEMERO, Elena [Ms] 

CEPEDA, José [Mr] 

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms] 

COWEN, Barry [Mr]/LEYDEN, Terry [Mr]

CROWE, Seán [Mr]/HIGGINS, Alice-Mary [Ms]

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr] 

CSÖBÖR, Katalin [Mme]/BARTOS, Mónika [Ms]

DEBONO GRECH, Joseph [Mr]

DESKOSKA, Renata [Ms] 

DESTEXHE, Alain [M.] 

DİŞLİ, Şaban [Mr] 

DOKLE, Namik [M.] 

DUMERY, Daphné [Ms]/MAELEN, Dirk Van der [Mr]

DURRIEU, Josette [Mme] 

ESEYAN, Markar [Mr] 

EẞL, Franz Leonhard [Mr] 

EVANS, Nigel [Mr] 

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms] 

FISCHER, Axel E. [Mr] 

FOURNIER, Bernard [M.] 

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.] 

GAFAROVA, Sahiba [Ms] 

GALE, Roger [Sir]/SCULLY, Paul [Mr]

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr] 

GERASHCHENKO, Iryna [Mme] 

GHILETCHI, Valeriu [Mr] 

GONCHARENKO, Oleksii [Mr] 

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]/POPA, Ion [Mr]

GÜNAY, Emine Nur [Ms] 

GUNNARSSON, Jonas [Mr] 

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr] 

HAJIYEV, Sabir [Mr]/FATALIYEVA, Sevinj [Ms]

HAMID, Hamid [Mr] 

HEER, Alfred [Mr] 

HEINRICH, Gabriela [Ms] 

HENNRICH, Michael [Mr]/FABRITIUS, Bernd [Mr]

HOWELL, John [Mr]/FERNANDES, Suella [Ms]

HUNKO, Andrej [Mr] 

HUSEYNOV, Rafael [Mr] 

İHSANOĞLU, Ekmeleddin Mehmet [Mr] 

JACQUAT, Denis [M.]/REISS, Frédéric [M.]

JENSEN, Mogens [Mr] 

JOVANOVIĆ, Jovan [Mr] 

KANDEMIR, Erkan [Mr] 

KARLSSON, Niklas [Mr] 

KESİCİ, İlhan [Mr] 

KOÇ, Haluk [Mr] 

KORENJAK KRAMAR, Ksenija [Ms]/HANŽEK, Matjaž [Mr]

KORUN, Alev [Ms] 

KOSTŘICA, Rom [Mr]/PECKOVÁ, Gabriela [Ms]

KOVÁCS, Elvira [Ms] 

KOX, Tiny [Mr] 

KRIŠTO, Borjana [Ms] 

KROSS, Eerik-Niiles [Mr] 

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr] 

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr] 

KYRIAKIDES, Stella [Ms] 

KYRITSIS, Georgios [Mr] 

L OVOCHKINA, Yuliya [Ms] 

LAIZĀNE, Inese [Ms]/KLEINBERGA, Nellija [Ms]

LE BORGN', Pierre-Yves [M.] 

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms] 

LIDDELL-GRAINGER, Ian [Mr] 

LOMBARDI, Filippo [M.]/SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme]

LOUCAIDES, George [Mr] 

MAHOUX, Philippe [M.]/DAEMS, Hendrik [Mr]

MAIJ, Marit [Ms] 

MAMMADOV, Muslum [M.]/RZAYEV, Rovshan [Mr]

MARIANI, Thierry [M.]/SCHNEIDER, André [M.]

MARKOVIĆ, Milica [Mme] 

MARQUES, Duarte [Mr] 

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme] 

MEHMETI DEVAJA, Ermira [Ms]/GJORCHEV, Vladimir [Mr]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr] 

MIGNON, Jean-Claude [M.] 

MILEWSKI, Daniel [Mr] 

MİROĞLU, Orhan [Mr]/CERİTOĞLU KURT, Lütfiye İlksen [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr] 

NAGHDALYAN, Hermine [Ms] 

NEGUTA, Andrei [M.]/PALIHOVICI, Liliana [Ms]

NÉMETH, Zsolt [Mr] 

NENUTIL, Miroslav [Mr] 

NICOLETTI, Michele [Mr] 

NIKOLOSKI, Aleksandar [Mr] 

OBRADOVIĆ, Marija [Ms] 

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr] 

OEHRI, Judith [Ms] 

OHLSSON, Carina [Ms] 

ÖNAL, Suat [Mr] 

PACKALÉN, Tom [Mr]/LOUHELAINEN, Anne [Ms]

PALLARÉS, Judith [Ms] 

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms] 

PASHAYEVA, Ganira [Ms] 

PELKONEN, Jaana [Ms] 

QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms]/GALATI, Giuseppe [Mr]

RADOMSKI, Kerstin [Ms] 

SALMOND, Alex [Mr] 

SCHEMBRI, Deborah [Ms]/SAMMUT, Joseph [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr] 

SCHOU, Ingjerd [Ms] 

SEYIDOV, Samad [Mr] 

SKARDŽIUS, Arturas [Mr]/VAREIKIS, Egidijus [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr] 

SOTNYK, Olena [Ms]/KIRAL, Serhii [Mr]

STOILOV, Yanaki [Mr] 

STROE, Ionuț-Marian [Mr]/GRECEA, Maria [Ms]

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr] 

TORUN, Cemalettin Kani [Mr] 

TRENCHEV, Antoni [Mr] 

USTA, Leyla Şahin [Ms] 

VÁHALOVÁ, Dana [Ms] 

VASILI, Petrit [Mr] 

VEJKEY, Imre [Mr]/HOFFMANN, Rózsa [Mme]

VĖSAITĖ, Birutė [Ms] 

VORONIN, Vladimir [M.]/POSTOICO, Maria [Mme]

WELLMANN, Karl-Georg [Mr]/FEIST, Thomas [Mr]

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]/OBREMSKI, Jarosław [Mr]

WURM, Gisela [Ms] 

XUCLÀ, Jordi [Mr] 

YAŞAR, Serap [Mme] 

YEMETS, Leonid [Mr]/UNHURIAN, Pavlo [Mr]

ZELIENKOVÁ, Kristýna [Ms] 

ZIMMERMANN, Marie-Jo [Mme]

Vacant Seat, Andorra/Siège vacant, Andorre (JORDANA, Carles [M.])