FR16CR31      

AS (2016) CR 31

 

SESSION ORDINAIRE DE 2016

________________

(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente et unième séance

Mardi 11 octobre 2016 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Agramunt, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine» (Suite)

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous rappelle que nous procédons ce jour à l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine».

Le scrutin a été suspendu à 13 heures. Il reprend immédiatement. Il se déroule dans la rotonde derrière la Présidence et sera clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après, dans les conditions habituelles, sous le contrôle des quatre scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin: Mme Anttila et MM. Geraint Davies, Hunko et Daems. Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

2. Pouvoirs de la délégation de Serbie

LE PRÉSIDENT* – Lors de la séance d’ouverture de la partie de session, hier matin, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Serbie ont été contestés pour des raisons formelles, en application de l’article 7 du Règlement de l’Assemblée. En conséquence, l’Assemblée a renvoyé les pouvoirs à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.

Lors de sa réunion de ce matin, la commission du Règlement a approuvé l’avis suivant, dont je donne lecture:

«La commission du Règlement a examiné l’objection soulevée en séance, suivant laquelle la composition de la délégation serbe ne permettait pas une représentation équitable des partis ou groupes politiques présents au Parlement serbe. Elle a pris note des explications fournies par la délégation serbe et du fait que la désignation de la délégation a été opérée dans le cadre d’une décision globale de nomination des représentants aux onze délégations parlementaires internationales, conformément à la procédure fixée par le Règlement du Parlement serbe, permettant d’assurer une représentation politique équitable des groupes politiques représentés au parlement.

«Se référant à l’article 25 du Statut du Conseil de l’Europe, à l’article 6 du Règlement de l’Assemblée, ainsi qu’à la Résolution 1798 (2011) sur la représentation équitable des partis ou groupes politiques des parlements nationaux au sein de leurs délégations à l’Assemblée parlementaire, la commission considère que la décision relative à la composition des délégations parlementaires a été arrêtée par le Parlement serbe dans le respect de sa procédure interne, qui repose sur le fonctionnement pluraliste du parlement, et qu’il n’existe pas de raisons suffisantes pour ne pas ratifier les pouvoirs de la délégation serbe.

«En conséquence, la commission conclut à la ratification des pouvoirs de la délégation parlementaire serbe.»

Les pouvoirs de la délégation parlementaire serbe sont donc ratifiés sans débat.

3. Communication du Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, qui sera présentée par M. Ligi, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie et Président du Comité des Ministres. Après sa communication, M. Ligi répondra aux questions des membres de notre Assemblée.

Chers collègues, j’ai l’honneur d’accueillir M. Jürgen Ligi, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie et Président du Comité des Ministres.

Monsieur le Président, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Je profite de cette occasion pour vous féliciter au nom de l’Assemblée parlementaire pour votre récente nomination aux fonctions de ministre des Affaires étrangères d’Estonie. Cette Assemblée a déjà eu le plaisir de coopérer avec Mme Kaljurand, votre prédécesseure, et nous serons très heureux de pouvoir continuer à collaborer avec vous au cours de cette présidence estonienne, mais également par la suite.

Je suis convaincu qu’étant donné votre expérience en tant que ministre de l’éducation puis ministre de la défense, vous allez pouvoir ouvrir de nouvelles perspectives dans nos discussions.

M. LIGI, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Président du Comité des Ministres* – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs, je suis honoré de prendre la parole devant vous aujourd’hui en ma qualité de Président du Comité des Ministres. Le rapport d’activité sur les progrès accomplis sous la présidence estonienne au cours de ces derniers mois vous a déjà été remis. Je souhaiterais cependant revenir sur certains développements récents importants qui ont influé sur notre travail.

Parmi ceux-ci, figure bien entendu la tentative de coup d’Etat en Turquie. Les événements dramatiques qui se sont produits dans la nuit du 14 au 15 juillet nous ont tous profondément attristés.

Comme vous, Monsieur le Président, ma prédécesseure, Mme Marina Kaljurand, a immédiatement condamné cette tentative de coup d’Etat et, comme le Secrétaire Général, elle s’est rendue en août à Ankara pour exprimer sa solidarité avec le peuple turc et, par la suite, elle est restée en contact étroit avec les autorités turques.

Les Délégués des Ministres ont tenu un échange de vues, le 7 septembre, avec le ministre turc des Affaires étrangères, M. Çavuşoğlu. La réunion s’est tenue en présence de plusieurs ministres et d’autres hauts responsables des Etats membres.

Comme cela a été rappelé durant l’échange, les poursuites engagées par les autorités turques contre ceux qui ont organisé la tentative de coup d’Etat et y ont pris part sont légitimes. Dans le même temps, il convient de veiller au respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier le droit à un procès équitable. Il convient également d’éviter toute mesure aveugle qui viserait des personnes n’ayant pas participé à la tentative de coup d’Etat. Le respect de la liberté d’expression et des médias est un autre principe fondamental. Votre Assemblée aura l’occasion d’en apprendre davantage sur les événements qui se sont déroulés en Turquie à l’occasion de l’échange de vues prévu demain avec M. Çavuşoğlu.

En ces temps difficiles, il importe que les deux principaux organes statutaires de notre Organisation, le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, travaillent en collaboration étroite pour soutenir les autorités et le peuple turcs.

Le Conseil de l’Europe devrait continuer de soutenir la Turquie et de lui apporter son aide précieuse, en particulier dans les domaines de la justice et des médias. Les récentes visites sur place du Comité européen pour la prévention de la torture et du Commissaire aux droits de l’homme étaient à cet égard des plus opportunes.

J’aimerais également mentionner les deux réunions que des experts du ministère turc de la Justice et des représentants du Secrétariat ont récemment tenues sur les actions à entreprendre pour faire en sorte que les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence soient conformes aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette question est particulièrement importante et j’espère que les autorités turques tiendront compte des conseils formulés à cette occasion.

Le terrorisme est un autre thème qui continue de retenir notre attention. Depuis la session de juin dernier, la violence aveugle des terroristes a continué de frapper en Europe et ailleurs. Les horribles attentats perpétrés à Nice le 14 juillet ainsi que dans le sud de la Turquie – où le terrorisme a frappé encore une fois pas plus tard que dimanche dernier –, ou les récentes fusillades aux Etats-Unis sont venus nous rappeler que la lutte contre le terrorisme était loin d’être gagnée et qu’il faut redoubler d’efforts. Il nous appartient à tous de veiller à ce que nos pays poursuivent sans relâche leur action contre le terrorisme.

En ce qui concerne les instruments du Conseil de l’Europe, il convient en particulier d’encourager nos gouvernements à signer et ratifier le Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme, dont l’objectif principal est de prévenir et de combattre le phénomène des «combattants terroristes étrangers», notamment en érigeant en infraction pénale le fait de «se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme». Je tiens à souligner que le Protocole est le seul instrument international au monde qui fournisse des outils juridiques et des mesures pratiques pour endiguer ce phénomène. Le processus de ratification du Protocole à la Convention est en cours en Estonie, et j’espère que de nombreux pays feront de même afin que le texte puisse entrer en vigueur dès que possible.

Personne n’ignore qu’un des principaux objectifs poursuivis par les terroristes est de semer la haine et de provoquer des divisions dans nos sociétés multiculturelles. C’est précisément pour les empêcher d’atteindre cet objectif que le Comité des Ministres continue de lutter avec fermeté contre le discours de haine et le racisme. Dans ce combat, je sais que notre Comité peut compter sur le soutien de votre Assemblée, qui a lancé plusieurs initiatives dans ce domaine, en particulier l’initiative #NiHaineNiPeur.

Le racisme et le populisme se nourrissent également de la crise des réfugiés, à laquelle pratiquement tous nos Etats membres sont confrontés. Au cours des dernières semaines, de nouveaux drames sont venus endeuiller les côtes de la Méditerranée, tandis que les tensions à l’intérieur et autour des camps de réfugiés ne cessent de s’aggraver. Le traitement de la crise actuelle appelle une solution concertée entre les Etats. Il appelle également une réponse qui soit conforme à nos engagements en matière de droits de l’homme. Les réfugiés et les migrants ont droit à la protection offerte par la Convention européenne des droits de l’homme au même titre que toutes les autres personnes qui se trouvent sous la juridiction des Etats membres. La crise migratoire est une question à laquelle le Comité continue de prêter la plus grande attention. Ainsi, les Délégués des Ministres ont régulièrement des échanges de vues avec l’ambassadeur Tomáš Boček, représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés.

L’une des priorités de la présidence estonienne a été de maintenir les droits des enfants à l’ordre du jour, notamment en relation avec la crise des réfugiés. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que les enfants placés dans les centres et les camps de réfugiés reçoivent la même qualité de soins et d’attention que celle que nous jugeons appropriée pour tout enfant et tout adolescent. L’éducation est la clé dans le monde de l’après-crise – ce sont les enfants d’aujourd’hui qui, demain, devront reconstruire leurs sociétés brisées. Il est vital que les enfants réfugiés puissent recevoir une éducation en cette période difficile et dans ce contexte éprouvant. Tel est le message délivré il y a trois semaines par le Président de l’Estonie, Toomas Hendrik Ilves, lors de la manifestation à haut niveau Carry Light for Children, co-organisée par l’Unicef et le Conseil de l’Europe en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’Estonie continuera à mettre en exergue la question des enfants dans le contexte de la crise des réfugiés lors de la Conférence à haut niveau sur les droits des enfants qui se tiendra à Tallinn le 4 novembre prochain.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, le mois dernier, le Comité a tenu sa troisième réunion «Droits de l’Homme» de l’année 2016, au cours de laquelle il a examiné l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par plusieurs Etats membres. À cette occasion, il s’est à nouveau penché sur l’affaire Mammadov c. Azerbaïdjan qui est dorénavant inscrite à l’ordre du jour de chaque réunion des Délégués des Ministres. À l’issue de la réunion «Droits de l’Homme», le Comité des Ministres a une nouvelle fois déploré qu’Ilgar Mammadov soit toujours incarcéré en violation flagrante de la Convention. Le Comité des Ministres a appelé à plusieurs reprises à la libération immédiate de M. Mammadov, et j’espère que les autorités azerbaïdjanaises feront rapidement suite à cet appel.

Le mois dernier, l’Azerbaïdjan a organisé un référendum sur la réforme constitutionnelle. Dans un avis préliminaire, la Commission de Venise a conclu que les projets de modifications soumis au référendum étaient «en contradiction avec le patrimoine constitutionnel européen». Il est important que les autorités azerbaïdjanaises prennent sérieusement cet avis en considération avant de mettre en œuvre les réformes envisagées.

Des élections ont eu lieu récemment ou vont avoir lieu prochainement dans un certain nombre d’autres Etats membres. La crédibilité de nos systèmes démocratiques dépend en grande partie des conditions dans lesquelles ces élections se déroulent. La tenue d’élections libres et équitables est une condition sine qua non de la bonne gouvernance démocratique, mais c’est également un droit garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres adopte régulièrement des programmes d’assistance électorale pour aider nos Etats membres dans l’organisation d’élections conformes aux principes démocratiques. Ces programmes ont par exemple concerné la Géorgie, pour les élections législatives qui se sont tenues la semaine dernière, et la République de Moldova, où se tiendront prochainement des élections qui seront déterminantes pour le développement du pays.

Au sujet des élections, je ne peux que rappeler la position du Comité des Ministres sur la non-reconnaissance de l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Fédération de Russie. En conséquence, les élections législatives organisées dans la péninsule par la Fédération de Russie sont contraires au droit international et non valables.

De son côté, votre Assemblée joue un rôle primordial pour assurer la promotion et la mise en œuvre des normes européennes dans le domaine électoral. Elle est à l’origine de l’observation internationale d’élections en Europe sous une forme institutionnalisée. C’est à ce titre qu’une délégation de votre Assemblée a récemment pris part à une mission d’observation des élections législatives au Bélarus. Cette mission a conclu que le Bélarus devait corriger un certain nombre de lacunes systémiques concernant la préparation des élections et la période précédant le scrutin, notamment du point de vue des droits politiques et de la couverture médiatique. Le Comité des Ministres reste particulièrement attentif à la situation au Bélarus et en particulier aux questions que je viens d’évoquer. Dans les semaines à venir, les Délégués des Ministres devraient adopter un nouveau Plan d’action pour le Bélarus, lequel prévoit des projets dans le domaine des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique. Notre but stratégique reste l’intégration du Bélarus dans l’Organisation. Cependant, pour que cela soit possible, le Bélarus doit encore progresser sur la voie de la démocratie.

Hier, nous avons célébré la Journée européenne contre la peine de mort. L’introduction par le Bélarus d’un moratoire sur la peine capitale constituerait une première étape vers l’abolition et une étape importante vers son intégration. Hélas, la situation n’incite guère à l’optimisme. Pas plus tard que la semaine dernière, les Délégués des Ministres ont adopté une déclaration dans laquelle ils ont déploré la confirmation d’une autre condamnation à la peine capitale prononcée par la Cour suprême du Bélarus.

À propos des outils dont nous disposons pour soutenir les pays qui ont engagé des réformes démocratiques, permettez-moi de revenir brièvement sur le plan d’action le plus ambitieux jamais adopté par le Comité des Ministres. Il s’agit du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine 2015-2017, doté d’un budget de 45 millions d’euros qui montre l’importance que notre Organisation accorde au plan de réforme des autorités ukrainiennes. Mon pays, l’Estonie, fait partie des nombreux Etats membres qui ont contribué à son financement. La semaine dernière, une conférence à haut niveau tenue ici, à Strasbourg, nous a permis d’obtenir un tableau détaillé de la situation des réformes en Ukraine – de la protection des droits de l’homme à l’indépendance de la justice en passant par la lutte contre la corruption –, réformes qui sont la clé d’un succès durable dans tout pays.

Nous ne devons pas oublier, lorsque nous demandons à l’Ukraine de faire davantage d’efforts pour mettre en œuvre les réformes, que ce pays traverse actuellement une période difficile. Le Comité des Ministres attache une importance particulière au conflit en cours, à la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à son corollaire, la détérioration des droits de l’homme et de la sécurité en général. Depuis l’annexion illégale de la Crimée au début de 2014, le Comité a traité la question à plusieurs reprises et continuera de le faire jusqu’à ce que la paix, la sécurité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine soient rétablies.

Avant de conclure, j’aimerais revenir brièvement sur les priorités de la présidence estonienne. Lors de la session de juin, ma prédécesseure vous a présenté nos projets, et il m’appartient désormais de vous informer de ce qui a été fait. J’ai déjà mentionné les droits de l’enfant dans le contexte de la crise migratoire, mis en exergue lors de la manifestation co-organisée par l’Unicef et le Conseil de l’Europe la veille de l’Assemblée générale des Nations Unies. La Conférence sur les droits de l’enfant prévue à Tallinn, que j’ai déjà évoquée, abordera un autre thème d’actualité, celui des enfants dans l’environnement numérique.

Le monde numérique, en évolution permanente, représente un potentiel énorme pour les gouvernements comme pour les particuliers, et notamment les enfants. Les experts prévoient que, d’ici à dix ans, près de 90 % de la population sera connectée à internet et que les mondes numérique et physique vont se confondre. Pourra-t-on encore clairement distinguer la vie virtuelle de la vie réelle? Le champ des possibles s’accompagne également de défis. Il faut donc trouver des moyens et des stratégies pour prévenir les risques que peut représenter l’omniprésence du monde numérique sur le bien-être des enfants, mais aussi identifier les opportunités offertes par le numérique dans les domaines de l’éducation et de l’épanouissement personnel. D’ici à la fin du mois prochain, nous espérons enrichir notre recueil de bonnes pratiques en provenance de tous les pays membres.

Ce que présage l’évolution rapide de l’environnement numérique pour l’avenir de nos sociétés en général fait partie des questions les plus pertinentes qui se posent aujourd’hui. Les droits de l’homme et l’Etat de droit sur internet font, bien évidemment, partie des priorités de l’Estonie. Notre capacité à bâtir une société numérique innovante fondée sur internet implique que celui-ci soit librement accessible à tous.

S’agissant des questions liées à internet, j’aimerais saluer les grandes ambitions du Conseil de l’Europe et les travaux qui ont été réalisés. L’Organisation a pris une part active au Forum sur la gouvernance de l’internet et au Dialogue européen sur la gouvernance de l’internet, dit processus EuroDIG. Dans ce contexte, je suis heureux de vous annoncer que l’Estonie accueillera le prochain Dialogue EuroDIG à Tallinn en juin 2017.

J’invite le Conseil de l’Europe à continuer de définir des normes visionnaires et des modalités de suivi pour encadrer et accompagner l’évolution d’internet, et des nouvelles technologies en général. À l’ère des économies fondées sur les données, le secteur privé porte une responsabilité croissante en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ligne, y compris de protection des données personnelles. Les gouvernements et les organisations internationales doivent s’impliquer de plus en plus sur ces questions. Les gouvernements européens ont besoin d’institutions européennes dynamiques et orientées vers l’innovation pour nous aider à évoluer dans le monde numérique.

L’égalité ou l’absence d’égalité femmes-hommes est la dernière et peut-être aussi la question la plus polémique parmi nos priorités. Parvenir à la parité entre les hommes et les femmes est capital pour garantir les droits de l’homme, le fonctionnement de la démocratie, la croissance économique et la durabilité. Des sociétés plus égalitaires profitent à tous et c’est pourquoi, en Estonie, nous faisons tout pour parvenir à la parité dans tous les domaines de la vie.

La Conférence sur le bilan de la Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2014-2017, qui s’est tenue à Tallinn les 30 juin et 1er juillet derniers, a examiné, entre autres, le même thème, à savoir l’incidence d’internet sur l’égalité des genres, les défis et les opportunités. Elle a conclu que la Convention d’Istanbul, que l’Estonie va prochainement ratifier, contient d’importants outils pour lutter contre le discours de haine sexiste en ligne et le cyber-harcèlement fondé sur le genre. Elle a également souligné que les progrès seront lents tant que les hommes ne s’engageront pas à fond dans la lutte contre les inégalités et la discrimination fondée sur le sexe. Cependant, le combat contre les stéréotypes de genre concerne aussi bien les hommes que les femmes. Dans mon pays, nous luttons contre les écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement estonien va modifier la loi sur l’égalité des sexes en chargeant l’inspection du travail de contrôler les pratiques salariales des employeurs. C’est un problème courant dans tous les pays, mais certains ont davantage progressé en ce qui concerne l’analyse des causes cachées et la recherche de solutions viables. Nous devons partager nos bonnes pratiques et l’Assemblée parlementaire pourrait peut-être montrer la voie.

Pour conclure, j’aimerais dire que nous avons été très honorés de présider le Comité des Ministres. Notre présidence s’achèvera le mois prochain et je tiens à assurer notre successeur, Chypre, du plein soutien de ma délégation. J’aimerais également saisir l’occasion qui m’est donnée de remercier votre Assemblée et le Secrétaire Général Jagland pour l’excellente coopération maintenue tout au long de notre présidence. Je vous remercie de votre attention et répondrai avec plaisir à vos questions.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le Président, je vous remercie.

Nous allons maintenant aborder les questions. Je vous rappelle qu’elles ne doivent pas dépasser trente secondes, et que vous devez poser une question et non faire un discours. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. FISCHER (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Président, vous avez indiqué que le Comité des Ministres avait constaté que les élections organisées par la Russie en Crimée contrevenaient au droit international, et étaient donc nulles. Dès lors, comment la coopération avec la Russie fonctionne-t-elle au sein du Comité des Ministres?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Notre ligne est claire. Il n’y a aucune ambiguïté quant aux élections en Crimée: elles sont illégales. Le 28 septembre dernier les Délégués des Ministres se sont penchés sur la question. Je ne peux que rappeler la position du Comité des Ministres, qui ne reconnaît pas ces élections, organisées dans la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie, en violation du droit international, et qui, par conséquent, ne sont pas valables. Quant à l’attitude qu’adoptera l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, cela relève exclusivement de son choix.

Mme BLONDIN (France), porte-parole du Groupe socialiste – Monsieur le Président, de réelles inquiétudes sont apparues au sein de notre Assemblée en matière de droits fondamentaux. Dernièrement, en Pologne, après les atteintes portées à l’indépendance du tribunal constitutionnel, il est maintenant question, sous des pressions religieuses, de remettre en cause certains droits des femmes, notamment le droit à l’avortement. Je voulais connaître la procédure mise en place au sein du Comité des Ministres pour assurer le respect des droits fondamentaux, de l’égalité entre les femmes et les hommes et, bien entendu, de la démocratie.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je vous remercie d’aborder ce point. Les Etats membres ont des positions diverses sur cette question. En revanche une position commune se dégage sur l’égalité des genres, essentielle en matière de droits de l’homme et pour une authentique démocratie. Ce principe essentiel est défendu par le Conseil de l’Europe; il se fonde sur un cadre politique et juridique extrêmement fort. Comme je l’ai dit, l’égalité des genres est aussi une priorité de notre présidence. Nous avons beaucoup travaillé pour parvenir à une égalité des genres de facto en Estonie. Espérons que cet exemple se répandra en Europe.

Quant à la question de l’avortement, il n’y a pas de position commune au sein des Etats membres. Le Comité des Ministres est donc d’avis que, compte tenu des différences prévalant dans les situations et les approches des différents Etats membres sur cette question, c’est au niveau national qu’il convient de donner des réponses.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Nous constations le développement des tendances radicales dans la vie politique de plusieurs pays. Des déclarations radicales de partis politiques affectent de façon négative les populations et permettent de diffuser un sentiment de non-tolérance par rapport aux migrants. Avez-vous noté, Monsieur le Président, l’augmentation de ces tendances en Europe? Pensez-vous qu’il s’agisse là d’un véritable défi pour l’avenir de notre continent? Quelles sont les mesures que le Comité des Ministres va prendre pour éviter ces tendances et promouvoir le multiculturalisme en Europe?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Vous avez raison, Madame, nous assistons malheureusement dans nos Etats membres à une montée du racisme, de l’intolérance, de la discrimination, du discours de haine et d’autres formes d’expression extrémiste et xénophobe.

Avant même la crise actuelle des réfugiés, cette situation prévalait déjà dans un grand nombre d’Etats membres, si ce n’est dans tous les Etats membres. Les partis xénophobes et populistes prennent de l’ampleur dans toute l’Europe. De telles tendances sont une menace à la paix et à la sécurité démocratique. Aussi, lutter contre l’extrémisme, l’intolérance et la xénophobie constitue une véritable priorité pour le Comité des Ministres. Pour ce faire, l’Organisation dispose de plusieurs instruments: des instruments juridiques, des mécanismes de contrôle, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance. Nous disposons également d’instruments pratiques, tels que le plan d’action visant à construire des sociétés inclusives et à lutter contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme. Je pense encore à la campagne contre les discours de haine sur Internet.

L’Assemblée et le Comité des Ministres doivent utiliser l’ensemble des instruments disponibles afin de lutter avec fermeté contre ces tendances négatives.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – S’il convient, certes, de traiter des questions d’actualité, ne faudrait-il pas également que toute présidence se saisisse des grandes questions portant sur la paix, la démocratie, les droits de l’homme, avant de passer le relais à la prochaine présidence? Que comptez-vous faire pour garantir une continuité de l’action entre les présidences?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je suis d’accord avec vous, il convient d’assurer la continuité.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Président, sous votre mandat, nous avons assisté à la tentative de coup d’Etat en Turquie et aux conséquences qui s’en sont suivies: le licenciement de juges, la fermeture de chaînes de télévision, des tensions hier lors d’une commémoration d’un attentat et aujourd’hui l’arrestation de membres de l’opposition du HDP, Parti de la Démocratie du Peuple, dans le sud-est de la Turquie. Que fait le Comité des Ministres afin que la Turquie ne se transforme pas en régime autocratique?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – J’ai déjà fourni par écrit des réponses assez longues à ce sujet. Vous y trouverez les éléments que vous souhaitez.

Il est vrai que lutter contre le terrorisme nécessite plus de droits de l’homme, plus de démocratie, plus d’Etat de droit, plus de transparence.

LE PRÉSIDENT* – Je vous propose maintenant de regrouper les questions par séries de trois.

M. FOURNIER (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, la Russie a adopté une loi qui place sa cour constitutionnelle au-dessus de la juridiction de la Cour de Strasbourg, en contradiction flagrante avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Comment le Comité des Ministres envisage-t-il à l’avenir sa mission d’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg relatifs à la Russie dans le contexte nouveau créé par cette loi?

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Le tourisme joue un rôle exceptionnel dans les liens entre les pays en développant des rapports amicaux entre populations. Parmi les Etats membres, de tels rapports n’existent pas toujours. Aussi convient-il de mettre en place des initiatives individuelles. Le Comité des Ministres pourrait-il agir en tant qu’initiateur afin de préparer des programmes spécifiques permettant de lancer un certain nombre d’actions de façon plus systématique?

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Suite à l’intervention de M. Hunko, j’observe que si 100 000 personnes sont licenciées et quelque 50 000 personnes sont arrêtées, on peut parler d’une purge. La réponse du Comité des Ministres me semble absente. Monsieur le Président, vous parlez de démocratie en Turquie alors que 100 000 personnes ont perdu leur emploi sans bénéficier du moindre droit d’appel et de recours. Comment le Comité des Ministres peut-il veiller à ce que ces personnes disposent d’un droit de recours, d’un procès équitable et soient rétablies dans leurs fonctions si elles ne sont pas coupables?

Le rapport produit après la visite du CPT, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, intervenue dans le sillage du coup et du contrecoup sera rendu public, je l’espère, au mois de novembre.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je répondrai en premier à la question sur la Fédération de Russie et les arrêts de la Cour.

Le 16 décembre 2015, le Comité des Ministres a traité de ce sujet. Ainsi que l’a souligné le Secrétaire Général, aucun pays ne peut invoquer sa Constitution pour ne pas donner effet à des arrêts et à des décisions découlant d’un traité international. La décision relative à l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme est contraignante. La décision adoptée le printemps dernier par la Cour constitutionnelle concernant Anchugov et Gladkov c. la Russie à propos du droit des prisonniers à voter suggère que l’on devrait trouver le moyen de concilier les dispositions de la constitution avec celles du droit international, notamment de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Commission de Venise a récemment adopté un avis relatif aux amendements adoptés à la loi fédérale de la cour constitutionnelle et a proposé d’autres amendements qui pourraient être ajoutés à ce texte de loi et qui permettraient de le mettre en conformité avec les normes internationales. Je suis certain que les autorités russes rechercheront une solution dans un esprit de coopération, dans l’intérêt de la protection des droits de l’homme.

M. Huseynov a posé une question sur la promotion des itinéraires culturels. Je suis d’accord avec lui pour penser que le tourisme est un moyen intéressant de promouvoir la connaissance et la compréhension mutuelles entre les peuples. La question posée est en partie couverte par les travaux de l’Accord partiel élargi sur les itinéraires culturels et les éléments essentiels en la matière sont la coopération et les échanges culturels, le tourisme et la cohésion sociale. Un accent tout particulier est porté sur les thèmes revêtant une importance symbolique pour les valeurs, la culture, l’histoire et l’unité de l’Europe.

J’encourage donc les Etats membres qui s’intéressent à ces questions à avoir accès à ces routes culturelles, à contribuer à leur mise en réseau et à coopérer sur cette question.

S’agissant de la question relative à la Turquie, ma prédécesseur, avec M. Jagland, a été en contact étroit avec les autorités turques tout au long de l’été, à la suite de cette tentative de coup d’état, pour leur exprimer notre solidarité et discuter de la situation.

Le 7 septembre, un échange de vues a eu lieu avec le ministre turc des Affaires étrangères, M. Çavuşoğlu, et un certain nombre de ministres et hauts responsables d’Etats membres. Il a été dit que les autorités turques avaient toute légitimité pour traduire en justice les auteurs de ce coup d’état, en insistant sur le fait que toutes les mesures devaient être prises pour garantir les droits rappelés dans la Convention européenne des droits de l’homme, notamment le droit à un procès équitable, afin d’éviter de poursuivre des personnes qui n’ont rien à voir avec cette tentative de coup d’état. Un processus judiciaire indépendant et transparent est donc essentiel.

Quant à la liberté d’expression des médias et la liberté d’association et d’assemblée, celles-ci doivent être garanties. Le Conseil de l’Europe doit continuer à apporter son assistance à la Turquie, notamment dans le domaine du judiciaire et des médias.

Les visites récentes en Turquie effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture et par le Commissaire aux droits de l’homme sont légitimes. Et nous ne doutons pas que les autorités turques suivront leurs recommandations et publieront le rapport du CPT, conformément à la pratique établie.

Je ne doute pas non plus que les recommandations, élaborées suite aux deux réunions d’experts du ministère turc de la Justice et de représentants du Secrétariat, afin que les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence soient conformes aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l’homme, seront suivies d’effet.

Mme BARTOS (Hongrie)* – Internet et le numérique font partie des priorités de la présidence estonienne du Comité des Ministres. Comptez-vous vous fonder sur les résultats des travaux menés au Conseil de l’Europe et envisager un suivi des travaux qui ont également été menés lors de votre présidence de l’Union européenne?

M. BILLSTRÖM (Suède)* – Monsieur le Président, je voudrais vous interroger sur la position du Comité des Ministres quant à la situation en Ukraine. Nous allons devoir, l’année prochaine, nous repencher sur la question des pouvoirs de la délégation russe, alors que l’occupation de l’Ukraine comme le conflit dans l’est du pays ne sont pas résolus. Et aucune amélioration n’est à attendre, si l’on se réfère au discours du président Poutine. Quelle est la position du Comité des Ministres sur ce conflit?

LE PRÉSIDENT* – MM. Mignon et Eseyan, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. O’REILLY (Irlande)* – Vous le savez, internet a transformé l’économie irlandaise au cours des dernières décennies, avec l’installation de grandes sociétés.

L’Estonie est très avancée en la matière. Quels sont les projets en cours au Comité des Ministres dans le domaine de la gouvernance de l’internet et quelles sont les perspectives d’avenir ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Internet est effectivement l’une de nos priorités, il est important qu’il reste ouvert. Le 9 septembre, la présidence estonienne a co-organisé avec la présidence allemande de l’OSCE une conférence sur «La liberté d’internet: un facteur constant de sécurité démocratique en Europe».

Nous avons fait la promotion d’une recommandation du Comité des Ministres sur la liberté d’internet en étudiant les bonnes pratiques mises en place dans un certain nombre d’Etats membres.

Le Comité des Ministres est favorable à une approche enracinée dans la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres normes du Conseil de l’Europe. Nous allons continuer à promouvoir cette liberté jusqu’à la fin de notre présidence et même au-delà.

En ce qui concerne les pouvoirs de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire, la position des Comité des Ministres est connue de tous: une solution politique doit être trouvée afin de mettre fin à la crise en Ukraine, qui ne peut se baser que sur des principes de règlement pacifique du conflit, de respect total de l’indépendance ukrainienne et de son intégrité territoriale, cela dans le cadre de la protection des droits de l’homme.

Le Comité des Ministres a demandé, à différentes reprises, que l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine soient totalement respectées. Il en a notamment été ainsi dans les décisions qui ont été adoptées le 27 avril, lorsque le Comité des Ministres a incité la Fédération de Russie à retirer toutes ses troupes d’Ukraine et à éviter toute interférence militaire. Le Comité des Ministres a condamné cette annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie.

S’agissant des pouvoirs de la délégation russe et du droit de vote, il appartient à l’Assemblée parlementaire de prendre une décision. Et je suis sûr que les parlementaires, au moment de la prendre, se souviendront pourquoi la Fédération de Russie a été sanctionnée.

Quant à la question de M. O’Reilly sur la gouvernance de l’internet, comme je l’ai indiqué au cours de mon intervention, il est essentiel de faire en sorte que les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit s’appliquent aussi bien en ligne que dans le monde réel. C’est l’une des priorités de l’Estonie.

Le Conseil de l’Europe joue un rôle essentiel en la matière puisque ce principe est ancré dans la Stratégie pour la gouvernance de l’internet du Conseil de l’Europe pour 2016-2019, adoptée par le Comité des Ministres au mois de mars dernier. Cette Stratégie souligne l’importance de maintenir un internet ouvert et libre et rappelle qu’internet est utilisé et partagé par différentes personnes, ce qui signifie que sa gouvernance doit être une responsabilité partagée. En d’autres termes, notre Stratégie est favorable à un dialogue inclusif entre les organisations internationales, le secteur privé, la société civile, les acteurs techniques et les différents gouvernements.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni)* – La semaine prochaine, la Commission européenne doit signer un accord provisoire de libre-échange entre l’Union européenne, les Etats-Unis et le Canada qui permettra aux entreprises de poursuivre les Etats membres devant des cours d’arbitrage sans que ces derniers aient pu ratifier cet accord. Cet accord menace la démocratie et la prééminence du droit. Je crois qu’il faut faire état très rapidement de notre préoccupation au Comité des Ministres, tout du moins avant le 18 octobre, jour où la décision définitive doit être prise.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je crains de ne pouvoir malheureusement vous répondre à ce sujet, celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’un débat au sein du Comité des Ministres. Il relève strictement des compétences de l’Union européenne.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Ligi, nous vous remercions une fois encore pour votre participation. Nous sommes très sensibles à l’occasion que vous nous avez procurée aujourd’hui d’avoir avec vous un échange de vues. L’Assemblée continuera à soutenir les priorités de la présidence estonienne. Nous nous félicitons de poursuivre notre coopération avec le Comité des Ministres.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine» est en cours. Il sera clos à 17 heures. J’invite ceux qui n’ont pas encore voté à se rendre dans la rotonde située derrière la présidence.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

4. Droits de l’enfant liés à la maternité de substitution

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur les «Droits de l’enfant liés à la maternité de substitution», présenté par Mme De Sutter au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 14140).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 15, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Sénèque disait que ce n’est pas parce qu’une chose est difficile qu’elle nous fait peur, mais parce que nous avons peur qu’elle est difficile. Nous devons, quant à nous, montrer au monde que notre Assemblée n’a pas peur de traiter des sujets difficiles.

Aujourd’hui, nous allons traiter l’un des sujets les plus controversés, l’une des questions éthiques les plus polémiques. Depuis que le projet de résolution a été déposé, il s’est passé bien des choses, mais lorsque j’ai été désignée rapporteure, je ne savais pas ce qui m’attendait. Je ne vous rappellerai pas tous les événements qui se sont produits depuis. Je suis convaincue que toute une série d’attaques personnelles dont j’ai été victime étaient le fruit de l’ignorance et d’une mauvaise compréhension.

Nous voici donc réunis pour parler de la maternité de substitution, et je suis heureuse que nous puissions débattre de la question. Il y aura certainement des orateurs pour et des orateurs contre. C’est une excellente chose car nous devons réfléchir sur les grandes questions de société.

Le droit à l’enfant, le droit à porter un enfant, le droit de porter l’enfant d’une autre, pour une autre, dans quelles conditions: en réalité, ce n’est pas de cela qu’il s’agira aujourd’hui. En effet, nous n’allons pas nous prononcer sur un projet de résolution. Comme vous le savez, plusieurs versions du projet de résolution ont été préparées, mais elles ont toutes été rejetées par la commission parce que nous n’étions pas d’accord sur les réponses aux nombreuses questions qui se posent. Nous étions profondément divisés. En revanche, à Paris, il y a quinze jours, la commission a approuvé un projet de recommandation et c’est de cela que je voudrais parler avec vous aujourd’hui. Nous nous limiterons donc à une introduction du sujet, puisque nous n’avons pas pu nous mettre d’accord sur les grandes lignes.

L’Assemblée acceptera-t-elle ou non la maternité de substitution à certaines conditions? En ce qui nous concerne, nous n’avons pas réussi à forger un consensus. C’est ainsi. Il y a toutefois un certain nombre de principes sur lesquels nous sommes d’accord. Ainsi, les maternités de substitution à des fins commerciales font courir de grands périls à la fois à la mère porteuse, à l’enfant à venir et aux parents potentiels. Les pratiques d’exploitation commerciale doivent donc être condamnées.

La maternité de substitution est un sujet à traiter sérieusement. Que l’on veuille l’autoriser ou l’interdire, chacun a son avis, mais nous demandons au Comité des Ministres de saisir le sujet à bras-le-corps et de prendre une position. Actuellement, la situation est très hétérogène selon les pays. Certains pays acceptent la maternité de substitution et d’autres non; certains acceptent des contrats commerciaux et d’autres non.

Il y a autant de divisions entre les Etats membres qu’entre nous au sein de cette Assemblée. Cependant, il faudrait au moins fixer un cadre européen pour protéger les enfants qui sont nés. Des mesures de protection doivent être instaurées, avant tout dans les pays qui tolèrent ou acceptent ces pratiques, puisque toutes sortes d’abus – dérapages commerciaux ou autres – y sont possibles. Les mères, comme les enfants, sont vulnérables et méritent notre protection.

Songez aux enfants qui sont nés, en particulier à ceux qui ont vu le jour à l’étranger et qui grandissent dans des pays où cette pratique est interdite. Peut-être pensez-vous qu’il eut mieux valu que ces enfants ne naissent pas, mais ils sont là et ils ont besoin d’une reconnaissance et d’une protection.

Nous devons inscrire ce point à l’ordre du jour. Il ne s’agit pas de hurler notre adhésion ou notre opposition à la maternité de substitution; nous devons mettre en place des mesures contraignantes, fondées sur des faits scientifiques, dans le respect des droits humains, de ceux des femmes et des enfants en particulier.

Nous n’avons pas besoin de slogans, mais de réflexion. Mesdames et Messieurs du Comité des Ministres, votre réflexion, vos indications nous seront précieuses. Car l’on observe actuellement toutes sortes de dérapages dans les Etats membres, et cela doit cesser!

Par ailleurs, nous demandons au Comité des Ministres de coopérer avec la Conférence de La Haye de droit international privé, qui a beaucoup réfléchi à la question de l’état civil des enfants issus d’une maternité de substitution.

Cela ne signifie pas que chaque pays doive légaliser de telles pratiques, chacun est libre de faire ce qu’il veut. Mais il doit y avoir une coordination entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et avec les pays tiers. Nous n’entendons pas promouvoir le tourisme reproductif, ou le tourisme pour une maternité de substitution. Pour autant, nous ne pouvons rester silencieux sur le sujet.

L’existence d’une convention internationale ne signifierait pas pour autant que tout est autorisé ou interdit. Certains pays pourraient très bien décider d’interdire cette pratique pour leurs concitoyens. Mais il faut quand même prévoir un cadre pour ce qui se passe dans les pays où elle est autorisée. Le principe de subsidiarité peut très bien s’appliquer aux questions éthiques, cela a souvent été le cas. Encore une fois, personne ne doit dicter la conduite des autres. Respectons les différentes positions.

Descartes a expliqué qu’il fallait diviser toute difficulté en autant de parcelles que nécessaire pour mieux les résoudre. Ce qui est préconisé ici n’est qu’un tout petit premier pas vers une solution globale. Encore une fois, nous ne prenons pas position sur le fond, puisque nous n’avons pu parvenir à un consensus. Nous demandons seulement que la question soit traitée sérieusement et que la polarisation à laquelle nous nous sommes heurtés soit surmontée. Il ne s’agit pas d’imposer la légalisation de la maternité de substitution, mais de se saisir de la question sans faire la politique de l’autruche. Nous ne pouvons rester silencieux face à ce qui se passe dans un certain nombre d’Etats membres. Nous disons au Comité des Ministres qu’il faut faire cesser les violations des droits de l’homme liés à la maternité de substitution. Nous devons trouver des solutions.

Mesdames et Messieurs, vous avez entendu mes arguments. J’espère que vous les traiterez en toute franchise et sincérité. Je vous demande de voter en fonction de ce que vous aurez entendu dans cette enceinte, et non de ce que l’on vous aura dit. Il faut refuser toute manipulation. Le rapport est ce qu’il est; lisez-le et votez en votre âme et conscience.

LE PRÉSIDENT – Merci, Madame la rapporteure. Il vous restera cinq minutes trente pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe * – Le groupe libéral condamne les menaces, les pressions et les tentatives de discréditation dont a souffert Mme De Sutter. Nous nous apprêtons à voter non pas sur la question de la maternité de substitution mais sur celle des droits des enfants issus de ce type de maternité.

Au travers des amendements, on tente de mener un débat parallèle, mais ce n’est pas sur quoi nous devons voter. Les amendements invitent à signaler les pays qui ont réglementé en la matière, ce qui va au-delà de nos compétences. Soyons logiques: parlons aujourd’hui des droits de l’homme. Il existe des pays où la maternité de substitution est légale; que va-t-on faire des enfants qui vivent dans des pays où elle ne l’est pas? Va-t-on les laisser sans protection? Ne sommes-nous pas ici pour défendre les droits des enfants, de tous les enfants? Pensez-vous qu’il y ait des enfants de deuxième catégorie? Réfléchissez! Ne pensez pas en termes démagogiques. La question ne disparaîtra pas avec le refus d’en débattre. Le débat est là, et il nous faut du courage pour avancer.

Nous, les libéraux, voulons affronter les choses et aller au-delà pour défendre les droits des enfants et ceux des femmes. Aucun d’entre nous ne peut décider de la liberté individuelle des autres, quels que soient les conflits moraux qui peuvent survenir. Toutes les religions parlent des enfants comme d’êtres innocents à protéger. S’il vous plaît, laissons de côté les idéologies et parlons juste des droits de l’homme!

À mes yeux, faire de la politique, ce n’est pas recevoir en une journée 3 800 courriers électroniques destinés à manipuler l’opinion. Faire de la politique, c’est être à l’écoute des citoyens et savoir que des débats avancent plus rapidement que ce que nous sommes capables de penser. Faire de la politique, c’est ne pas oublier ce dont nous débattons aujourd’hui, à savoir les droits de l’homme – les droits des enfants, les droits de toutes les personnes. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera un autre jour, mais il faudra bien à un moment débattre de la question de la maternité de substitution. En attendant, débattons des droits des enfants. J’espère que ce débat sera à la hauteur de ce rapport.

Sir Jeffrey DONALDSON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je ne doutais pas que ce débat serait passionné. Ceux d’entre nous qui sont opposés à la maternité de substitution sont convaincus qu’il faut défendre les droits de tous les citoyens, ceux de ces femmes qui font l’objet de traite et d’abus, ainsi que ceux des enfants.

En revanche, il ne faut pas estomper les lignes, comme s’y emploie le projet de la recommandation dont nous sommes saisis, laissant croire qu’il faut prendre un certain nombre de mesures pour la maternité de substitution, dans l’intérêt des femmes et des enfants. Le groupe des conservateurs ne peut soutenir une telle position.

Il est extraordinaire que ce projet de recommandation ne soit pas accompagné d’un projet de résolution. Cela révèle l’existence de fractures profondes sur le sujet au sein de la commission des questions sociales, dont je suis membre. Il n’y a pas eu de consensus; à mon sens, ce n’est pas la meilleure façon d’avancer sur une question aussi sensible.

Nous sommes favorables aux amendements 1 et 2, adoptés par la commission des questions sociales. Cela montre combien le dissentiment à l’égard de ce texte est fort et que l’opposition à la maternité de substitution est majoritaire. Il faut tenir compte du point de vue de la commission.

J’aimerais dire également à Mme la rapporteure qu’il est tout à fait répréhensible qu’elle ait été victime d’abus – quels qu’ils soient – et j’espère qu’aucun membre de la commission des questions sociales n’était à l’origine de tels actes. Nous avons eu des débats passionnés, c’est certain, mais nous avons toujours voulu nous élever au-dessus des questions de personnes. J’ai le plus profond respect pour Mme De Sutter et pour sa démarche. Même si je ne souscris pas à son point de vue sur la maternité de substitution, elle a parfaitement le droit d’avoir cette opinion et de l’exprimer. Il faut respecter les opinions, quelles qu’elles soient.

Les conventions internationales placent la dignité humaine au-dessus de tout et refusent la réification de l’être humain. Nous considérons que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et la législation interdisant la traite des êtres humains soulignent les difficultés que pose la maternité de substitution. Il faut respecter le droit international. Ce qui est préoccupant, c’est que la maternité de substitution représente une forme de traite des êtres humains. Cela découle clairement des textes votés par le Parlement européen afin de défendre le droit des femmes. Ce n’est pas là seulement mon avis: c’est aussi celui d’un grand nombre de parlements européens.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons soutenir le présent projet de recommandation que s’il est modifié par les amendements 1 et 2.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je vais déroger à l’ordre prévu pour les orateurs car M. Davies, qui sera scrutateur à l’issue du scrutin pour l’élection des juges, devra se mettre au travail dans quelques minutes. Je lui donne donc dès maintenant la parole.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni)* – Nous devions parler ici du droit des enfants nés par l’intermédiaire de la maternité de substitution, mais le débat a été détourné et l’on en profite pour dire que toute forme de maternité de substitution est répréhensible. Je vais vous donner un exemple montrant que cette technique peut être la bienvenue.

Certains parents ne peuvent pas avoir d’enfants, par exemple parce que la femme a eu un cancer de l’utérus. Parfois, la sœur de cette femme porte donc l’enfant à sa place. J’ai connu une telle situation dans ma propre famille. Il n’est pas moralement acceptable, à mes yeux, que l’on condamne le fait que, au sein d’une même famille, quelqu’un se dévoue pour porter un enfant afin d’apporter la joie et le bonheur à une autre personne.

Nous avons évoqué également l’avortement, qui a souvent pour but de mettre un terme à une vie qui s’annonce difficile. Eh bien, la maternité de substitution, c’est justement le contraire: il s’agit de créer une vie heureuse. Je veux bien reconnaître que des abus existent, mais c’est précisément pour cette raison que nous demandons qu’il y ait un cadre pour protéger aussi bien les enfants que les femmes. Or les intégristes disent que nulle femme ne devrait avoir la possibilité de porter l’enfant d’un tiers et d’offrir ainsi le bonheur à cette personne. Qui peut jeter la pierre? Qui peut légitimement affirmer que cela doit être interdit? Je vous demande donc de rejeter les amendements qui ont été déposés.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Sur ce sujet, les passions se déchaînent. Cela se comprend, et il faut respecter ces réactions qui témoignent de l’importance du sujet. De fait, celui-ci soulève des problèmes moraux considérables. La maternité de substitution prête à toutes sortes d’abus, à de multiples formes d’exploitation des personnes et pose de nombreux problèmes pour les enfants venus au monde par son intermédiaire.

Pour ma part, je félicite Mme De Sutter pour le professionnalisme remarquable avec lequel elle a traité la question. Je salue également sa volonté de trouver des compromis – je le dis en tant que membre de la commission des questions sociales. Je déplore profondément qu’elle ait été la victime de tentatives d’intimidation. Je le dis clairement: personnellement, je suis tout à fait opposé à la gestation pour autrui à des fins lucratives. Cela dit, la maternité de substitution existe. C’est un fait: des enfants naissent de cette façon. Nous ne pouvons pas décider par un vote que ces enfants n’existent pas. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas le faire car, nous avons des responsabilités à l’égard des enfants qui sont nés.

À cet égard, c’est bien le minimum que nous puissions faire que de demander au Comité des Ministres, dans un premier temps, de vérifier s’il ne serait pas souhaitable de définir des lignes directrices européennes pour protéger les intérêts des enfants nés de telles conventions de maternité de substitution et, dans un second temps, de faire en sorte qu’un débat ait lieu avec la Conférence de La Haye de droit international privé. Ce n’est tout de même pas grand-chose. Or malgré cela, on nous soumet des amendements qui visent à condamner catégoriquement les pratiques en question. De cette condamnation à la privation de droits essentiels des personnes, il n’y aurait qu’un pas. Qui peut prétendre avoir le droit de priver un enfant de son droit d’exister dignement? Je vais évidemment voter contre les amendements et, s’ils sont adoptés, je voterai contre le projet de recommandation.

Mme CENTEMERO (Italie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Porter un enfant et lui donner le jour à la place d’une autre personne: voilà ce qu’est la maternité de substitution. Cette pratique tire souvent profit de difficultés économiques, de situations de privation et de faiblesse sociale et culturelle de certaines femmes. C’est pourquoi il ne s’agit pas simplement d’une technique de reproduction: c’est une question dont les implications éthiques sont immenses et ont des conséquences sur un grand nombre de droits de l’homme – ces droits de l’homme que le Conseil de l’Europe, donc cette Assemblée, veulent défendre.

Que la maternité de substitution ait un but lucratif ou bien des visées altruistes, il est une donnée qui ne change pas: dans tous les cas, le corps de la femme est l’objet qui permet de satisfaire le désir de parentalité d’autres personnes. Or selon le principe de non-disponibilité du corps humain, l’achat, la vente ou même la location du corps ou d’une partie du corps – telle que l’utérus – sont rigoureusement contraires au respect de la dignité humaine. La marchandisation de l’enfant, l’instrumentalisation du corps de la femme sont de véritables atteintes à la dignité humaine et donc contraires aux droits fondamentaux des personnes.

De nombreuses fractions de la société civile, si différentes qu’elles soient d’ailleurs, nous demandent d’adopter une position précise sur la question de la location de l’utérus. Voilà pourquoi nous devons avoir aujourd’hui le courage d’adopter une position claire et de prendre une décision univoque en mettant fin au processus long et compliqué qui a conduit à l’élaboration du rapport dont nous discutons aujourd’hui. Je vous rappelle en effet que nous ne lisons aujourd’hui que ce qui a survécu du texte, dont seule une partie demeure. Nous n’allons parler que de la proposition de recommandation puisque la proposition de résolution n’a pas été adoptée par la commission.

Nous devons donc, disais-je, prendre une décision. Pour cela, posons-nous la question suivante: quels sont les droits des enfants? Ils ont le droit de connaître leur identité, de savoir qui sont leurs parents, mais ils ont surtout le droit de ne pas être mis au monde sur la base d’un contrat. La maternité et la paternité doivent advenir dans la liberté. Ce n’est ni une obligation ni un droit. Le Groupe du Parti populaire européen a adopté une position claire, fondée sur les valeurs et les principes de notre famille politique: nous serons favorables aux deux amendements mais pas au sous-amendement à l’amendement 1.

Les droits des enfants ne peuvent pas être séparés des droits de l’homme. Les femmes ne sont pas des choses invisibles, comme les présentent ce rapport; ce sont des êtres humains qui donnent naissance à des enfants. Nous ne pouvons pas accepter que les droits fondamentaux des enfants et des femmes leur soient dérobés. Le Parlement européen, en décembre 2015, a ainsi adopté une résolution dans laquelle il condamne la pratique de la maternité de substitution. Il déclare dans ce texte que la pratique doit être interdite et considérée comme un sujet qu’il est urgent de traiter en matière de droits de l’homme.

À mon sens, il est de notre devoir, aujourd’hui, de nous exprimer de façon claire contre la maternité de substitution et en faveur des droits des femmes et des enfants, lesquels sont liés et ne sauraient en aucun cas être séparés.

LE PRÉSIDENT – Chers collègues, il est maintenant 17 heures. Certains d’entre vous souhaitent-ils encore voter pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme ?

Tel n’est pas le cas. Je déclare donc le scrutin clos.

J’invite les scrutateurs, Mme Anttila et MM. Geraint Davies, Hunko et Daems à bien vouloir aller procéder immédiatement au dépouillement du scrutin au service de la séance.

Le résultat du scrutin sera proclamé, si possible, avant la fin de la séance ou, à défaut, à l’ouverture de la prochaine séance.

Nous revenons au débat sur les droits de l’enfant liés à la maternité de substitution.

Mme BONET (Andorre), porte-parole du Groupe socialiste* – Le rapport traite d’un sujet moins complexe sur la forme que sur le fond.

Aborder cette question est un véritable défi. Nous qui sommes membres de la commission des questions sociales, nous portons encore les cicatrices du travail sur ce rapport. Les positions sont tranchées, les visions très variées, mais force est de constater qu’il s’agit d’une question sensible, impliquant de nombreux aspects, y compris des aspects bioéthiques. Il a donc été extrêmement difficile de recueillir une unanimité, malgré notre souhait.

La démocratie, c’est le débat. Mais sur un tel sujet, il est impossible d’avoir de débat. Seule le projet de recommandation a survécu, ce qui est vraiment regrettable parce qu’en tant qu’élus politiques, nous devrions être capables de trouver des réponses aux problèmes réels de nos citoyens. Or le problème des droits des enfants liés à la maternité de substitution est bien réel. Nous aurions dû être capables d’en discuter et de proposer pour cette session plénière un rapport permettant à l’Assemblée d’émettre un avis. Nous n’avons pas été capables de le faire et d’offrir cette possibilité aux autres membres de l’Assemblée. Il ne reste donc qu’un projet de recommandation comme fruit du travail de la commission des questions sociales.

Après l’échec du rapport, nous avons demandé à notre rapporteure de se concentrer sur les droits des enfants, ce qu’elle a fait. Nous pensions que nous pourrions parvenir à un accord sur ce point. Mais là encore, cela n’a pas été possible. Le Conseil de l’Europe est composé de nombreux pays, dont certains dans lesquels la maternité de substitution est une réalité. Cela signifie que les autres pays doivent réfléchir à la question. Si vous espérez que nous balayions le sujet d’un revers de la main, vous vous trompez, car le problème continuera de se poser et la situation risque d’empirer.

Nous ne cessons de dire qu’il faut défendre le droit des femmes et des enfants. Mais en refusant de poser le problème sur la table, on met en danger leurs droits. C’est ainsi que l’on en arrive à toutes ces situations d’illégalité auxquelles nous sommes confrontés.

Chacun doit voter en son âme et conscience. Le projet de recommandation ne nous dit pas comment trouver une solution, mais qu’il importe de trouver un consensus pour parvenir à la meilleure des solutions.

M. ARDELEAN (Roumanie)* – J’aimerais rappeler à nos collègues que ce sujet a donné lieu à des débats approfondis au sein de la commission. C’est certainement l’un des rapports les plus controversés qui ait été élaboré.

Nous avons senti une forte opposition à ce rapport parce qu’il ne suivait pas le projet de résolution initial. Il aurait fallu, dans un débat éthique, faire apparaître les différentes positions. Mais ce n’est pas ce qui a été fait. Des éléments ont été ajoutés. On nous a dit que ce rapport concernait la protection des enfants nés d’une maternité de substitution, ce qui n’était initialement pas le cas.

Il faut bien comprendre qu’une maternité de substitution est une pratique délétère qui porte atteinte aux droits et à la dignité de la femme. Des arrangements permettent d’utiliser le corps de la femme. Des accords contractuels le transforment en un réceptacle uniquement destiné à des fins de reproduction. Comment peut-on soutenir une telle pratique, véritable atteinte aux droits humains? Si l’on ne demande pas son interdiction, je crains que le marché de la maternité de substitution ne cesse de croître. Nous ne saurions le permettre. Nous devons donc inviter à l’interdiction de cette pratique au plan international.

Je ne saurais en conséquence soutenir le projet de recommandation de Mme De Sutter. Pour notre part, nous condamnons la maternité de substitution. Nous soutiendrons les amendements déposés et rejetterons le sous-amendement. Une femme doit pouvoir jouir de toute sa dignité et ne pas être considérée comme un simple réceptacle à des fins commerciales!

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’Assemblée parlementaire doit aujourd’hui se pencher sur un thème essentiel. Pour ma part, j’ai déposé une motion visant à protéger les femmes et les enfants mais, comme l’indiquait M. Geraint Davies, cette proposition a été rejetée par ceux qui ont voté contre le projet de résolution.

Malheureusement, la rapporteure a orienté le rapport différemment. Je respecte Mme De Sutter, mais je ne suis pas d’accord avec elle car, à mon sens, la maternité de substitution a des conséquences dangereuses pour les femmes et les enfants. En tant qu’Organisation qui doit protéger les droits de l’homme, les droits fondamentaux ainsi que les enfants et les femmes, nous devons interdire la maternité de substitution. Sans cette interdiction, comme l’a dit M. Ardelean, nous serons confrontés à une croissance du marché de la maternité de substitution. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous devons aller bien au-delà et nous demander comment réglementer de telles pratiques sans demander une interdiction totale de la maternité de substitution.

De nombreuses femmes qui se trouvent en situation vulnérable acceptent des conventions de maternité. Nous avons entendu un grand nombre d’histoire fort tristes de femmes qui étaient utilisées à des fins de reproduction dans des «fermes à bébés» en Inde, par exemple. Les enfants pas plus que les femmes, ne peuvent être utilisés de cette façon. Nous ne pouvons pas protéger les «fermes à bébés», nous devons protéger les femmes et les enfants car il n’existe aucune différence entre les enfants. Les enfants sont des enfants, et il faut les protéger.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable aux deux amendements. Je les soutiendrai et vous incite à voter en leur faveur et à rejeter le sous-amendement. Si ces deux amendements sont adoptés, nous pourrons voter pour le projet de recommandation, car ce n’est qu’ainsi, que nous arriverons à protéger les femmes, leur dignité et nos enfants.

Je vous incite donc instamment à soutenir ces amendements qui condamnent toute sorte de maternité de substitution. Il est de notre devoir en tant qu’Assemblée parlementaire de protéger les droits de femmes et des enfants: disons «non» au débat sur la maternité de substitution et «oui» à nos enfants!

De grâce, votez pour ces amendements et pour la recommandation si les amendements sont adoptés!

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – Que cela nous plaise ou non, la maternité de substitution existe et existera. Dans un monde globalisé, les Etats qui interdisent la gestation et la procréation pour autrui se retrouvent malgré tout, inévitablement, confrontés à ces phénomènes. Mieux vaut donc, avec pragmatisme, s’en emparer et les règlementer plutôt que de tenter, à coup d’interdictions illusoires, de les étouffer.

La maternité de substitution pose de nombreuses questions éthiques. En particulier celle pratiquée à but lucratif, qui revient peu ou prou à acheter les femmes et à vendre les enfants. Pour défendre au mieux les droits des unes comme des autres – et préciser aussi le statut des parents d’intention –, il s’agit d’encadrer ce phénomène au niveau international. Car pour les mères porteuses et les enfants portés, si vulnérables, «c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit».

Les mères porteuses qui signent une convention à but lucratif sont souvent pauvres et courent toutes, pour de l’argent, les risques liés à la grossesse et à l’accouchement. Sans parler des risques psychologiques associés à la séparation d’avec le nouveau-né, ni du risque d’ingérence des parents d’intention dans des décisions touchant à la santé de la mère et à son propre corps.

Les enfants issus de maternités de substitution à but lucratif sont, eux, exposés à une filiation incertaine ou boiteuse, réglée au cas par cas par les Etats d’accueil qui interdisent cette pratique. Ces enfants courent aussi le risque d’être abandonnés ou abusés par leurs parents d’intention. Ils sont vulnérables à la traite, et leur droit à connaître leurs origines est particulièrement menacé.

Mes chers collègues, il s’agit dans tous les cas d’accorder la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. Une manière possible et à mon avis pertinente de défendre cet intérêt serait, comme proposé dans le rapport, d’interdire la maternité de substitution à but lucratif et d’encadrer la maternité de substitution en prenant pour modèle le dispositif qui prévaut en matière de don d’organes.

Vous l’aurez compris, je vous invite instamment à soutenir la recommandation inchangée, c’est-à-dire sans les amendements proposés et, ce faisant, à écouter la voix de la raison plutôt qu’à suivre la voie de la prohibition. Ce sont d’ailleurs des recommandations de la Commission nationale suisse d’éthique dans le domaine de la médecine humaine, qui a appelé de ses vœux la levée de l’interdiction de la maternité de substitution dans mon pays. L’intérêt supérieur de l’enfant, qui est ici en jeu, vaut bien cet effort de pragmatisme et de recherche de solutions – si longue et difficile que soit cette recherche. Au nom des valeurs qui nous réunissent, je vous invite instamment à approuver le projet de recommandation telle qu’il était initialement rédigé, en attendant de prolonger nos débats pour l’adoption d’un projet de résolution, ce à quoi nous parviendrons un jour, je n’en doute pas, à l’issue d’une discussion enfin dépassionnée et sans cris.

M. REISS (France) – Le projet de recommandation sur les droits de l’enfant issu de la maternité de substitution, que nous examinons aujourd’hui ouvre pour moi une brèche dangereuse dans notre droit et dans notre échelle de valeurs.

En effet, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait servir de prétexte à une légalisation voilée de pratiques condamnables. Si je prends l’exemple de la France, ces enfants lorsqu’ils arrivent sur notre territoire ne sont pas en danger. On ne les enlève pas à leurs parents, ils ont droit à l’éducation et à la santé et ils ont un passeport, celui du pays où ils ont été conçus. Ils ont même la possibilité d’obtenir la nationalité française après cinq ans et des certificats temporaires de nationalité si un de leurs parents est français.

Le débat se focalise sur la filiation, mais les Etats sont-ils responsables de la situation de ces enfants? Certainement pas. N’oublions pas que les seuls responsables de cette situation sont les personnes qui, parce qu’elles veulent à tout prix un enfant, vont à l’étranger en commander un! C’est pour cette raison qu’il me paraît impossible d’isoler la question des droits de l’enfant, comme le fait le projet de recommandation.

On ne rappellera jamais assez ce qu’est en réalité la maternité de substitution: une marchandisation du corps de la femme, une réification de l’enfant qui devient, de fait, un bien de consommation comme les autres – je dirai même un bien de luxe, au regard de certains prix du marché! La GPA est une atteinte à la dignité humaine et plus particulièrement à celle des femmes, souvent vulnérables, qui sont les victimes de cette traite qui ne dit pas son nom. Surtout, comment peut-on invoquer la Convention sur les droits des enfants alors que l’enfant né par cette pratique est l’objet d’une commande, puis d’un achat!

Au-delà, doit-on accepter à l’état civil les conséquences d’un acte prohibé par le droit civil et réprimé par le droit pénal dans plusieurs pays? Si les enfants ne sont évidemment pas coupables, les parents le sont. Il est d’ailleurs intéressant de noter que plusieurs agences ukrainiennes de mères porteuses mettent désormais en avant la possibilité de transcrire des actes étrangers d’état civil pour montrer tout l’intérêt de cette pratique.

Si nous cédons sur l’état civil sans tenter d’empêcher le recours à la GPA pour nos ressortissants, quelles que soient leurs raisons, nous cautionnerons ce qui constitue bel et bien un marché aux bébés. Souhaitons-nous vraiment cela pour le Conseil de l’Europe?

Fixer des lignes directrices sur le statut de l’enfant né de la GPA sans remettre en cause cette pratique contraire à notre éthique et aux valeurs que nous avons défendues dans la Convention d’Oviedo ne serait pas acceptable. C’est pourquoi, chers collègues, je vous appelle à voter les amendements qui modifient le texte dans le sens souhaitable.

Mme BARTOS (Hongrie)* – Nous sommes parvenus, au terme de deux longues années de discussion portant sur une question complexe et sensible, à tomber d’accord sur deux points. Premièrement, le fait que le Conseil de l’Europe est l’une des organisations internationales les plus importantes lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’homme et la dignité; deuxièmement, l’idée selon laquelle un enfant est certainement le plus grand cadeau de la vie.

Il y a deux ans, lorsque nous avons commencé à nous pencher sur la question de la maternité de substitution, nous avons discuté de la définition de la traite des êtres humains, du marché noir, des accords à but lucratif et d’autres sujets, mais nous n’avons pas entendu dire qu’un enfant est un véritable cadeau. La complexité du problème se manifeste notamment par l’existence de deux approches totalement différentes.

Par ailleurs, c’est déjà le second rapport consacré à cette question. Le premier rapport portait davantage sur la situation et les droits d’autres parties prenantes que les femmes, mais la commission saisie au fond avait rejeté l’avant-projet de résolution et le projet de recommandation de ce premier rapport en invoquant les droits et la dignité des enfants à naître, qui n’étaient pas suffisamment évoqués. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut envisager différentes parties prenantes lorsque l’on parle de maternité de substitution – les parents d’intention, les mères porteuses, les donneurs de gamètes, les cliniques, les agences de coordination – et les procédures sont très complexes du fait de ce grand nombre d’acteurs impliqués. Nous ne sommes donc pas surpris que la première version du rapport n’ait pas pu se concentrer sur les instruments permettant de protéger les droits des enfants et des mères porteuses. Il faut se concentrer sur les droits des groupes les plus vulnérables, sur les droits et la dignité des enfants, mais ce ne serait pas une solution que de s’en tenir là: au contraire, cela aggraverait la situation en encourageant des procédures qui entraînent finalement des blessures physiques et psychologiques chez les enfants et chez les femmes.

Le Parlement européen a pris la mesure de ce défi, notamment en adoptant en 2011 un projet de résolution aux termes duquel les Etats membres peuvent reconnaître le problème que constitue la maternité de substitution, qui est une exploitation du corps des femmes et de leurs organes reproducteurs, et qui souligne que les enfants et les femmes font l’objet d’une exploitation et sont parfois considérés comme des biens sur le marché international. La majorité des membres de la commission des affaires sociales a partagé cet avis. Les deux amendements qui reflètent ce point de vue ont été adoptés en commission ce matin. Cette approche a pour objectif essentiel de protéger les droits et la dignité des enfants.

Mme LE DAIN (France) – Cette question est difficile, et même douloureuse. Beaucoup voudraient avoir des enfants, mais ce n’est pas toujours possible, pour des raisons complexes d’infertilité, ou des situations humaines et d’amour qui ne le permettent pas par nature.

Pour autant, avoir un enfant est-il un droit? Non. Le droit à l’enfant n’existe pas. Le droit des enfants existe, évidemment. Mais le droit des enfants n’est pas en péril. En France, les enfants sont accueillis, ils sont confiés à leurs parents d’intention, ils ont la sécurité sociale, ils vont à l’école, au bout de cinq ans ils peuvent prendre la nationalité française.

La seule chose qu’ils n’ont pas, c’est la filiation. La question de la filiation se résume ainsi: qui sera l’enfant de qui? De cette dame qui, moyennant finances, aura donné ses ovules? De la femme qui les aura portés, l’une et l’autre ayant subi nombre d’injections d’hormones, de substances chimiques pour stabiliser les cycles? De cette femme qui, ayant porté ces ovules, aura vécu nombre d’affres et que toutes les femmes enceintes ont pu connaître, pendant la maternité, ou pendant et après l’accouchement: risque de mortalité, risque de maladies, risque de cancers hormonodépendants, déclenchement de diabète. Je ne parle même pas des nausées, qui paraissent anodines à ceux qui ne les ont pas connues. Beaucoup de choses peuvent survenir au cours d’une maternité.

Ces femmes sont généralement pauvres. On nous parle de GPA altruiste ou éthique, par opposition à la GPA marchande. En pratique, dans les pays qui l’autorisent, de moins en moins de femmes souhaitent le faire. Pourquoi porter un enfant si l’on n’a aucune rétribution financière ou morale? On me dit que cela peut se faire au sein d’une famille. La sœur pour son frère? La mère pour son fils? Vous rendez-vous compte des pressions psychologiques que cela représente au sein d’une famille pour celle qui refusera? Toute sa vie elle s’entendra dire qu’elle a empêché sa sœur ou son frère de devenir mère ou père.

La question fondamentale n’est pas celle que l’on nous désigne comme fondamentale ici, celle de la situation de l’enfant. Il est en sécurité dans nos pays européens, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. S’il ne l’est pas, c’est à cela que cette instance devrait s’attacher, à savoir faire en sorte que les enfants soient en sécurité matérielle, éducative, médicale et morale, bien plus que de s’attacher à la question de l’identité. Identité auprès de qui? L’identité est une question complexe. Ce n’est pas qu’une histoire de gènes.

La grande fiction du monde d’aujourd’hui est de croire que nos gènes sont indispensables et qu’il faut absolument les transmettre. Une société est faite de personnes humaines, et l’humanité veut que nous ne cédions pas à cette question sur la gestation pour autrui et ne tombions pas dans le mirage tendant à faire croire que ces enfants n’ont pas d’identité et sont orphelins. Ce n’est pas vrai, ils sont accompagnés. Il faut les accompagner, mais n’en passons pas par le fait d’utiliser le corps de deux femmes pour les mettre au monde, et en plus de ne pas les payer.

M. WILK (Pologne)* – Le projet de recommandation qui nous est soumis est une autre tentative d’adopter des solutions concernant la natalité de substitution. Les documents précédents ont été rejetés par la commission des questions sociales. Cette fois, le projet se concentre sur le droit des enfants issus de la maternité de substitution, mais il ne dit rien de ce que cela représente au regard du droit international.

Je pense que cela est contraire au droit européen en matière de droits de l’homme. Peu importe que la maternité de substitution se fasse pour des raisons altruistes ou commerciales. La frontière est mouvante entre ces deux conceptions, il est bien difficile d’établir une distinction nette entre le prix et les arrangements prétendument contractuels. Nous sommes pour notre part opposés à toute forme de traite des êtres humains. C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous demande de voter en faveur des deux amendements dont nous sommes saisis.

M. LE DÉAUT (France) – Voilà presque deux ans que notre Assemblée étudie ce texte à géométrie variable. Déjà rejeté à deux reprises par la commission, un nouveau texte revient à nous. Je rejette cette proposition, car elle ne correspond pas à ma conception de la défense des droits de l’homme et de la femme, surtout quand ceux-ci sont vulnérables. Accepter de mettre le doigt dans cet engrenage reviendrait à accepter cette forme d’esclavage moderne. Je reprends les chiffres de Mme De Sutter: sur 20 000 cas de gestation pour autrui dans le monde, 5 000 ont lieu en Inde. Je suis sûr que vous avez en mémoire ces images d’internats pour mères porteuses, où des dizaines et des dizaines de femmes attendent pendant neuf mois de faire naître leur enfant.

Certains disent qu’il y a deux types de procréation: la procréation éthique ou altruiste et la procréation marchande. Mais qui va décider de ce qui est éthique et de ce qui ne l’est pas? Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en France, j’ai travaillé longuement sur l’éthique. Nous nous sommes interrogés sur le diagnostic préimplantatoire. Nous avons mis beaucoup de temps pour savoir qui allait décider si l’on pouvait ou non faire un diagnostic préimplantatoire. Dans le cas présent, qui décidera?

Nous avons abordé le problème par le mauvais côté. Nous aurions dû commencer par interdire la gestation pour autrui marchande. Madame Maury Pasquier, j’ai entendu vos arguments sur un environnement désormais mondialisé. Mais comment admettre que l’on vote des lois, et que l’on puisse s’en affranchir en se rendant dans un autre pays, sans considérer que la loi qui a été mise en place est la loi qui s’impose à tous ?

Nous avons certes raison d’aborder le problème de l’enfant. Mais nous aurions dû commencer, dans nos pays, par faire un inventaire de ce qui existait pour ces enfants. Quand ils reviennent ils ont un passeport, puis, au bout de cinq ans, ils peuvent avoir la nationalité. De plus l’adoption est l’un des moyens de régler cette question. En voulant mettre le doigt dans l’engrenage que nous appelons la gestation éthique, et que nous n’arrivons pas à définir, nous mettons le doigt dans l’engrenage de la gestation marchande et des situations désespérantes que nous voyons dans certains pays. Aux Etats-Unis, nous ne voyons pas une seule femme blanche porter en enfant pour un couple de parents blancs. Cela montre que nous devons continuer à débattre de ce problème et que nous devons, aujourd’hui, rejeter ce projet de recommandation.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Cette question donne lieu à des opinions et des points de vue divergents. Elle touche à des concepts éthiques et religieux importants. D’une part, de nouvelles opportunités, liées au développement des sciences et de la technologie, se présentent, et, d’autre part la maternité de substitution a des conséquences sur les valeurs fondamentales et essentielles d’un certain nombre de personnes. La maternité de substitution donne la possibilité à des familles, qui, pour des raisons médicales ou psychologiques, ne peuvent pas avoir d’enfants, d’en avoir. Elle leur donne la possibilité d’avoir leur propre enfant biologique.

La naissance d’un nouvel être humain est toujours un fait important, qui fournit l’occasion de se réjouir. La maternité de substitution existe en tant que possibilité, et les familles qui ont de bonnes intentions pourraient l’utiliser. Bien entendu, il y aura toujours des personnes qui voudront gagner de l’argent si ce mode de procréation ne fait pas l’objet d’une législation. Il est donc important de faire en sorte que les impacts négatifs de la maternité de substitution soient évités.

Pour le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation leader en faveur de la protection des droits de l’homme, il est essentiel de réglementer ce sujet, tout en respectant le droit des familles qui souhaitent avoir des enfants grâce à une maternité de substitution. Le rapport de Mme De Sutter représente une tentative pour réglementer cette question.

Nous sommes d’accord, il est désormais important de résoudre ce problème pour protéger les droits des enfants nés d’une mère de substitution afin qu’ils jouissent de leurs droits.

Etre favorable à l’idée principale que contient ce rapport constituerait un grand pas en avant et permettrait d’œuvrer en faveur de la protection des enfants. J’espère qu’à l’avenir nous continuerons à réfléchir à ces sujets et que nous trouverons les mécanismes juridiques appropriés qui protégeront le droit des mères porteuses, des parents biologiques et les droits de l’homme de tout un chacun.

Certains de nos collègues condamnent la maternité de substitution. Mais pourquoi développerions-nous les sciences, la technologie si nous n’utilisions pas ses bénéfices afin que les gens soient plus heureux? Il est nécessaire de réglementer, non pas d’interdire.

La maternité de substitution existe et continuera d’exister dans la mesure où elle rend les gens plus heureux et qu’elle leur permet d’avoir des enfants.

M. GYÖNGYÖSI (Hongrie)* – J’ai écouté le débat avec attention. J’ai l’impression que les membres de la commission des questions sociales n’ont pas tous les mêmes souvenirs des débats menés en commission.

Je vous rappelle que ce débat a commencé par la présentation d’un projet de résolution «Droits de l’homme et questions éthiques liées à la gestation pour autrui». Il y était dit que la maternité de substitution était une atteinte à la dignité des femmes et aux droits des enfants. Le rapport aurait dû être rédigé conformément à la proposition de résolution, en indiquant que la protection de la dignité et des droits humains des différents acteurs en lien avec la maternité de substitution devait être pris en compte.

Au mois de mars, le premier rapport a été rejeté par la commission, de même que le second, présenté à Paris au mois de septembre et intitulé «Les droits des enfants liés à la maternité de substitution à but non lucratif». Ces rapports ont été rejetés parce que la maternité de substitution est incompatible avec le droit international, ainsi que l’a souligné à l’instant M. Bartos.

La maternité de substitution est contradictoire au droit international et à la Convention d’Oviedo qui préconise d’interdire l’exploitation des femmes, la marchandisation du corps des femmes et de toutes parties du corps des femmes. On le sait, la Convention internationale des droits de l’enfant ne prévoit pas la maternité de substitution, qui est contraire à cette convention. Dans ces cas-là, les enfants deviennent un bien marchand dans le cadre d’un contrat qui prévoit que les enfants seront transférés après leur naissance à d’autres parents.

A la suite du rejet de ces rapports, une recommandation nous est présentée aujourd’hui qui devrait refléter l’historique de ce travail et tenir compte du fait que les deux rapports ont été rejetés à la majorité. Si notre objectif consiste à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, on ne peut y parvenir qu’en interdisant la maternité de substitution, car, à mon sens, il n’existe pas de maternité de substitution éthique. Prétendre qu’il faudrait légaliser la maternité de substitution au prétexte que des enfants seraient nés de mères de substitution relève d’une logique erronée et nous entraîne dans la mauvaise direction. Le Conseil de l’Europe qui est chargé de protéger les droits de l’homme et la dignité humaine doit en tenir pleinement compte.

Mme PECKOVÁ (République tchèque)* – Mon intervention portera sur la maternité de substitution altruiste.

Pourquoi débattons-nous aujourd’hui de ce sujet? Parce que des personnes ont le désir d’avoir un enfant, d’avoir un héritier, parce que nombre de jeunes femmes subissent des opérations de leurs organes de reproduction, parce que des femmes souffrent de différentes formes de stérilité. Pour ces femmes, la maternité de substitution est une option et la transplantation d’utérus offrira demain une nouvelle manière de se reproduire. Toutefois, si elle peut être une aide pour les parents, la maternité de substitution peut également mener à l’exploitation et à la traite.

La maternité de substitution peut être perçue comme éthique et acceptable, même si, souvent, elle est liée à la criminalité et au trafic d’organes.

Pour aborder la question de la maternité de substitution, nous pourrions suivre deux voies: la première consisterait à fermer les yeux et à nier le problème, mais qu’en serait-il des enfants qui sont nés suite à des conventions? Notre engagement ferme est de les traiter au mieux de leur intérêt.

La seconde voie que nous pourrions suivre consisterait à demander aux Etats membres d’établir un cadre juridique utile qui servirait de barrière contre tout type d’exploitation, quand bien même nous n’arriverions pas à avoir un avis unique, dans la mesure où ce sont les parlements nationaux qui décident en dernier ressort.

En République tchèque, la législation en matière de maternité de substitution n’est pas considérée comme nécessaire parce que nous avons signé la Convention d’Oviedo. Est-ce suffisant?

Si vous rejetez ces recommandations, vous ouvrirez la porte à toutes les formes de conventions de maternité de substitution, qu’elles soient altruistes ou non, et les enfants courront le risque d’être confrontés à un vide juridique et à la violation de leurs droits, y compris ceux de leurs parents d’intention.

Aussi, le Conseil de l’Europe doit-il être vigilant et tenir compte de l’ensemble des aspects éthiques et des progrès scientifiques réalisées. Peut-être que la prochaine fois que nous nous retrouverons pour étudier un thème technique, tel que le traitement de la stérilité, nous nous poserons des questions d’un autre ordre. Ne perdons pas cette occasion d’aider les autres. La maternité de substitution altruiste offre un espoir et aidera un grand nombre de couples stériles.

Mme MAIJ (Pays-Bas)* – Les questions éthiques font partie des questions les plus difficiles à traiter. Au reste, nous voyons la tournure que prend le débat, mettant en avant une fracture entre nous sur ce qu’est la maternité de substitution et sur ce qu’elle devrait être.

Après l’intervention de Mme Pecková, j’indiquerai que la pratique existe et est réglementée dans certains pays. Cela signifie-t-il que toute femme prenant part à une maternité de substitution loue son utérus? Je ne le crois pas, je crois qu’il existe une maternité de substitution altruiste, que l’on agisse pour des amies, des sœurs ou des cousines.

J’entends des personnes qui protestent, mais je pense avoir le droit d’exprimer mon avis. Je pourrais citer l’exemple d’amis proches qui ont utilisé ce moyen pour avoir un enfant. C’est possible. Ne nions donc pas de telles réalités au sein du Conseil de l’Europe.

Les femmes qui donnent naissance à un enfant pour les autres ne font pas l’objet d’une exploitation. La maternité de substitution commerciale n’est pas une bonne chose, mais lorsqu’il s’agit d’un choix libre et non commercial, ne soyons pas si prompts à le condamner.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce rapport ne porte pas sur le droit à la maternité de substitution et sur le fait qu’il faille l’entériner. Il a été très difficile de définir au sein de la commission des questions sociales ce que devrait être la maternité de substitution. Il s’agit de vous pencher sur les droits des enfants qui sont nés, de veiller à ce qu’ils en bénéficient dans tous nos pays.

Mettons de côté nos divergences concernant la maternité de substitution et votons pour la recommandation en l’état.

M. EßL (Autriche)* – La question de la maternité de substitution se pose dans de nombreux pays d’Europe. Dans certains, cette pratique est interdite, dans d’autres, elle est autorisée. Des organisations des droits de l’homme et des organisations féministes y sont favorables et d’autres craignent, à travers ce texte, que l’on parvienne à une légalisation de fait même pas détournée.

Rappelons qu’un certain nombre de contraintes naturelles sont très dures à vivre pour certaines personnes. Et le fait de ne pas pouvoir avoir un enfant en fait partie. Cependant, chercher à contourner ces obstacles naturels peut entraîner des problèmes tout aussi graves. On risque d’instrumentaliser, de marchandiser le corps des femmes et les enfants. Commercialiser les naissances est un vrai risque du moment où l’on parle de maternité de substitution. Et des femmes risquent de louer leur ventre pour porter un enfant. Dans quelles conditions grandiront ces enfants?

Passer un contrat pour avoir un enfant doit être quelque chose de déchirant pour ces personnes. Que se passera-t-il si l’enfant qui est né n’est pas conforme à la volonté des parents d’intention? Si l’enfant est handicapé, par exemple? Et si les parents d’intention décident de ne plus prendre en charge l’enfant, que se passera-t-il?

On parle beaucoup des droits des femmes et de la gestation pour autrui, mais il me semble que la maternité de substitution devrait être interdite. Une telle décision a déjà été prononcée, il y a quelques années, au Conseil de l’Europe. Et finalement, la commission des questions sociales est parvenue au même résultat, même si cette conclusion déplaît à la rapporteure.

Nous devons, aujourd’hui, dans cet hémicycle, nous prononcer de manière déterminée contre la maternité de substitution.

Mme SANTERINI (Italie)* – Je voudrais remercier ceux qui, comme la rapporteure, ont cherché des solutions à un problème compliqué.

Ce n’est pas par peur qu’il nous faut aujourd’hui modifier cette recommandation. Ce n’est ni pour des raisons idéologiques, ni par parti pris, ni par peur du progrès, ni parce que nous avons peur de défendre nos idées. Non, je crois au contraire qu’il nous faut beaucoup de courage pour dire que nous ne devons en rien légitimer la maternité de substitution, une forme de production d’un produit – un enfant – grâce au corps d’une femme.

Nombreux sont ceux qui souhaitent que l’on défende les enfants. Mais nous avons déjà des règles qui les défendent. En revanche, donner un mandat pour élaborer des lignes directrices reviendrait à légaliser la maternité de substitution. Or parfois il faut du courage pour dire «non».

Des associations féministes nous demandent de défendre les droits des femmes et les institutions qui s’occupent de l’adoption nous demandent de défendre ceux des enfants qui sont en attente d’adoption, partout dans le monde. Nous devons donc défendre aussi bien les femmes que les enfants.

Nous devons décourager cette pratique et non pas élaborer des lignes directrices comme cela est envisagé dans cette recommandation – alors que cette proposition été rejetée en commission. Personnellement, je suis très préoccupée par cette question. Il existe certainement des cas de maternités de substitution altruistes, mais en acceptant ce procédé, on acceptera un processus de marchandisation. La femme qui donne les ovocytes n’est pas celle qui portera l’enfant. En fait, l’enfant est celui de tous et de personne, sinon la mère pourrait décider de garder l’enfant et donc de ne pas le donner aux parents d’intention.

Je comprends la souffrance de ceux qui désirent des enfants et ne peuvent pas en avoir. Mais on ne peut pas créer leur bonheur au détriment d’autres individus. J’ai entendu parler de «bonheur». Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. On ne peut pas, avec la douleur de certains, garantir le bonheur des autres.

Contrairement à ce procédé, qui programme l’abandon, l’adoption permet de prendre en charge des enfants déjà conçus. Restons fidèles aux principes que nous défendons.

Je voterai pour les amendements.

M. MULLEN (Irlande)* – Nous sommes là face un choix important. Si nous votons en faveur de cette recommandation, nous disons clairement au Comité des Ministres que nous ne savons pas comment trancher cette question, que nous n’avons pas su nous mettre d’accord sur une résolution. Que nous n’avons rien à dire sur la maternité de substitution, commerciale ou prétendument altruiste. Or si nous sommes contre la maternité de substitution, il serait audacieux d’envoyer ce message au Comité des Ministres.

C’est la raison pour laquelle nous devons nous intéresser de près aux amendements qui ont été adoptés aujourd’hui par la commission. A savoir déclarer clairement que la dignité et les droits des femmes et des hommes nous poussent à nous prononcer contre la maternité de substitution.

On ne peut pas protéger les enfants, les personnes les plus vulnérables de nos sociétés en réglementant une pratique qui leur nuit. Nous avons suffisamment d’exemples d’abus et d’exploitation d’enfants. La loi ne peut pas protéger ces enfants de tous ces abus, en revanche, elle peut interdire toutes ces pratiques qui leur portent atteinte.

Dire non à la maternité de substitution ne nous empêchera pas de travailler sur des textes de loi qui permettent de tenir compte des familles qui sont sincères dans leur désir d’enfant.

Madame la rapporteure, je vous soutiens dans votre volonté de protéger les enfants, en revanche, je dois m’opposer à vous quand vous dites souhaiter réglementer cette pratique. Car en faisant cela, vous placez la dignité et les droits des femmes et des enfants au second plan.

Un consensus, de plus en plus large, existe quand il s’agit, par exemple, d’ériger en délit la commercialisation du sexe qui porte atteinte à la dignité des femmes. Cela ne veut pas dire que la prostitution sera abolie à tout jamais, mais nous devons essayer de protéger les victimes. Nous devons faire de même pour la maternité de substitution et protéger avant tout les femmes et les enfants qui en seront victimes.

Dès lors que ces idées ne sont pas retenues, je voterai contre cette recommandation.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – Je veux remercier la rapporteure d’avoir récrit son rapport à plusieurs reprises et d’avoir tenu compte des délibérations de la commission des questions sociales. Je ne ferai pas l’historique des différentes versions de ce texte. Puisqu’il n’y a pas d’unanimité sur la gestation altruiste, nous nous contenterons de demander au Comité des Ministres d’élaborer des lignes directrices et de saisir la Conférence de La Haye sur les droits civils.

Si la maternité de substitution était interdite, de toute manière, cela n’empêcherait pas cette pratique de se développer. Ce qui compte, en réalité, c’est que les pratiques soient sûres pour les femmes et les enfants. J’ai déjà entendu dire plusieurs fois que le problème principal était le droit des femmes. Je défends quant à moi ce droit qui, dans plusieurs pays ici représentés, a fait l’objet de luttes pendant des décennies. Je ne peux toutefois pas me rallier au point de vue de ceux qui disent que c’est le droit des femmes qui est ici en jeu, le droit de choisir.

Certaines femmes choisissent d’être mères porteuses pour toute une série de raisons. D’autres choisissent d’avoir recours à ces femmes parce qu’elles ne peuvent pas avoir d’enfants. Il ne faut pas les stigmatiser, ni leurs enfants avec elles. Je ne pourrai pas accepter le moindre amendement qui transformerait ce rapport en condamnation de toute forme de maternité de substitution. Bien entendu, ce rapport suscite la controverse et les différents points de vue doivent être respectés. Néanmoins, ce qui m’a profondément gênée dans la procédure d’élaboration de ce travail, ce sont les diverses tentatives d’intimidation de la rapporteure et de harcèlement de la commission. Je ne crois pas que des slogans agressifs doivent être prononcés dans un débat civilisé. Quelles que soient nos opinions, nous ne pouvons qu’être choqués par ce qui s’est passé. Nous devons toujours nous efforcer d’agir dans la dignité.

M. GUNNARSSON (Suède)* – En effet, la rapporteure a été courageuse de se saisir d’un thème aussi compliqué et de conduire la procédure jusqu’à son terme. Je suis triste de ce que j’ai vu pendant toute cette période, où le débat a été particulièrement animé. C’est dommage parce qu’il s’agit d’une question éthique difficile, dont nous devons nous saisir. Or nous n’avons pas eu la possibilité d’une discussion civilisée pour décider comment la traiter.

Le projet de recommandation qui nous est présenté aujourd’hui me semble relativement positif. Il ouvre un champ à la discussion et ne dit rien sur la maternité de substitution en tant que telle. C’est préférable pour des personnes comme moi qui ne se sont pas encore décidées. Je ne sais pas encore exactement ce que je pense. Lorsque l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’examiner l’opportunité et la faisabilité de lignes directrices européennes sur ce sujet, elle indique qu’il s’agit d’un thème très délicat qui doit être traité avec une grande sensibilité.

Des amendements ont été présentés, que je ne soutiendrai pas. Je préfère le projet de recommandation dans sa forme actuelle. Il devrait nous permettre de continuer à discuter de manière civilisée.

M. POZZO DI BORGO (France) – Mme De Sutter a choisi de réorienter son rapport sur les droits de l’enfant pour tenir compte de la position de rejet exprimée par la majorité de la commission des questions sociales.

Nous savons tous ici qu’en réalité la question de fond est celle de la gestation pour autrui (GPA), phénomène plus connu sous l’appellation de «mère porteuse». Nous ne devons certes pas sous-estimer la détresse des couples, hétérosexuels comme homosexuels, qui ne peuvent satisfaire leur sincère désir d’enfant. Pour autant, existe-t-il un droit à l’enfant? Quant à moi, je répondrai à cette question par la négative. La GPA soulève d’innombrables questions éthiques et pose des problèmes de conscience que chacun, généralement bien au-delà des clivages politiques, résoudra à sa manière.

Pour ma part, je considère la GPA comme une pratique intolérable qui comporte de sérieux risques pour la santé des femmes et des enfants, et pour l’équilibre social et sociétal. Elle constitue une exploitation des femmes, et plus particulièrement des plus démunies. Il suffit de voir ce qui se passe en Inde, où il existe des pratiques commerciales potentiellement sordides.

En France, je le rappelle, le Code civil prohibe toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui, au nom du principe d’indisponibilité du corps humain. Force est pourtant de constater que l’état du droit diffère d’un pays à l’autre, avec une grande diversité de situations, d’autant plus que certains Etats reconnaissent à la fois des formes dites lucratives et d’autres dites altruistes de la GPA, alors que d’autres ne reconnaissent que les secondes. Même si qualifier la GPA d’«altruiste» me paraît relever d’une hypocrisie certaine.

Il n’en demeure pas moins que cette situation entraîne des difficultés juridiques. En 2013, la Cour de cassation française avait considéré que la naissance par GPA était l’aboutissement d’une fraude à la loi. Mais en juin 2014, puis en juillet dernier, la Cour de Strasbourg a condamné la France pour non-transcription à l’état civil d’actes de naissance d’enfants nés à l’étranger par GPA en se fondant à la fois sur le respect de la vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme et sur la Convention internationale des droits de l’enfant. Il s’agit en quelque sorte de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents ayant eu recours à un contrat illicite. C’était une bonne décision, car les enfants doivent être protégés, mais elle a entraîné en France une offensive politique très forte de la part de nombreux partis de l’opposition et de la majorité contre la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, je suis satisfait que, ce matin, le Président de la République François Hollande ait rappelé que les décisions de la Cour européenne s’appliquent à l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe.

Pour conclure, j’indique que je voterai les amendements.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – De retour dans cette Assemblée, ce débat ne me passionnait pas jusqu’à ce que j’arrive à la commission des questions sociales. J’ai été très surpris de la campagne au vitriol menée contre le rapport et Mme De Sutter. Des manifestations ont été organisées devant les bureaux du Conseil de l’Europe à Paris. L’un des grands opposants à ce rapport, M. Ghiletchi, a utilisé tous les moyens en sa possession pour discréditer ce travail et parvenir à l’interdiction totale de la maternité de substitution. C’était très surprenant.

M. Donaldson nous a dit tout à l’heure que les membres du Groupe des conservateurs européens étaient mandatés pour voter contre le rapport. Mme Centemero, ensuite, a déclaré que le Groupe du Parti populaire européen voterait également contre. En tant que membre du Groupe socialiste, qui est partagé, je n’ai reçu aucune consigne de vote. Vous l’avez entendu, nous avons décidé que chacun devait voter librement, en son âme et conscience. J’espère qu’il en sera ainsi pour tous, quel que soit le groupe auquel chacun appartient.

À titre personnel, je suis contre la maternité de substitution à des fins commerciales. La plupart d’entre nous le sont, mais la question se pose pour les couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants. J’ai eu le bonheur d’avoir trois enfants et quatre petits-enfants, mais pour ceux pour ceux qui n’ont pas cette chance, la maternité de substitution représente une opportunité. Les enfants sont le plus grand bonheur du monde, partout sur la planète.

Beaucoup d’efforts ont été déployés pour saper ce rapport – je serais ravi d’en voir autant pour sauver les enfants de Calais ou ceux d’Alep! Je comprends la passion, mais elle a pris un tour très négatif. J’espère que nous rejetterons cette campagne au vitriol et que nous adopterons le rapport à une large majorité.

Mme GRECEA (Roumanie)* – Ce sont des émotions très fortes qui surgissent lorsque l’on évoque les enfants nés de la maternité de substitution. Les camps des pour et des contre avancent des arguments rationnels, mais aussi affectifs. Mais, alors qu’il s’agit d’un processus sacré, celui de la reproduction, il est pour le moins étrange de mélanger les questions d’enfantement et d’argent.

Durant sa grossesse, la femme crée un lien avec l’enfant à naître, objet ultime de la grossesse. Or la maternité de substitution empêche la mère de créer ce lien naturel avec son bébé et la force à se détacher de sa grossesse. Pour elle, l’enfant devient un moyen pour obtenir autre chose, à savoir de l’argent. Et lorsque l’enfant devient un moyen, il est marchandisé.

Je sais que la maternité de substitution existe dans un certain nombre d’Etats; cela ne peut qu’aboutir à l’exploitation de femmes pauvres, qui acceptent des conventions contre leur volonté. Elles acceptent non pas de donner la vie, mais d’accueillir un enfant, qui devient alors un produit. Cela est inacceptable.

Je vous pose la question: qui est la mère de l’enfant? Celle qui a sacrifié son corps afin de lui donner la vie, ou celle qui a commandité cette naissance? La maternité de substitution signifie que le nouveau-né est donné, sans qu’il ait le droit de savoir ou de définir qui est sa vraie mère.

On compare souvent la maternité de substitution, dans ses aspects physiques, à une forme de prostitution. Dans les deux cas, les femmes vendent leur corps pour des services intimes. Elles vendent leur corps et ses fonctions pour de l’argent. N’oublions pas que la maternité de substitution peut être très onéreuse et que la pratique n’est pas réglementée dans bien des pays occidentaux. Bien souvent, ce sont les femmes du tiers monde qui sont exploitées.

Nous avons le devoir moral de prendre soin des enfants abandonnés et des orphelins, qui existent et ont besoin d’une famille aimante, plutôt que de recourir à la maternité de substitution. Une campagne de sensibilisation est essentielle, et il faut investir dans des campagnes en faveur de l’adoption. Les autorités nationales devraient soutenir de telles initiatives et adopter une législation harmonisée, et prévisible, sur ce sujet. Nous devons défendre les droits des femmes et des enfants, et agir contre l’exploitation des mères porteuses. Ce sont avant tout les intérêts et le bien-être des enfants qui doivent nous animer dans l’élaboration de ces propositions de loi.

Aux couples qui veulent un enfant et pensent à la maternité de substitution, j’adresse cette aimable prière, ou plutôt cette invitation ferme: adoptez! Beaucoup d’enfants attendent une famille aimante!

Mme ÅBERG (Suède)* – Je remercie la rapporteure pour son travail et sa patience. La majorité des intervenants ont souligné que les femmes devaient pouvoir librement disposer de leur corps. Cela signifie donc qu’elles doivent avoir le choix de porter l’enfant d’un tiers si elles le souhaitent. Les femmes doivent avoir la maîtrise de leur corps, aussi bien lorsqu’il s’agit de pratiquer une interruption volontaire de grossesse que de porter l’enfant d’une autre.

Je sais bien que vous êtes nombreux à ne pas partager ce point de vue. Mais qui sommes-nous, nous qui avons eu la chance d’avoir pu donner naissance, pour juger du désir d’enfant d’autrui? Beaucoup d’enfants sont déjà nés grâce à des formes de maternité de substitution. Des personnes sont devenues parents, sans avoir porté l’enfant. Ces enfants sont nés, et leur situation reste très floue. Il est indigne d’un Etat de droit de laisser ainsi ces enfants dans les limbes juridiques.

Porter l’enfant d’autrui est une façon de lutter contre la stérilité. Pour des personnes qui n’ont pas d’autres moyens de créer une famille, recourir à la maternité de substitution est une manière d’en fonder une. Je pense aux femmes nées sans utérus, ou à celles qui sont devenues stériles à la suite de traitements ou d’opérations anticancéreux. La maternité de substitution a permis également ces dernières années à des couples de même sexe de devenir parents.

Les études qui ont pu être menées montrent que les enfants nés d’une maternité de substitution ont les mêmes chances de se développer harmonieusement que les autres. Rien ne montre que la gestation pour autrui pose des problèmes aux enfants. De la même façon, les scenarios catastrophes sur les problèmes qui pourraient surgir entre les parents d’intention et la mère biologique ne se sont pas concrétisés. De fait, il existe très peu de litiges.

Encore une fois, une femme doit pouvoir choisir d’interrompre une grossesse comme de porter l’enfant d’autrui.

M. De BRUYN (Belgique)* – Je comprends combien ce thème est sensible. J’ai participé à un certain nombre de réunions de la commission des questions sociales, et j’ai assisté à des débats où l’émotion le disputait à l’agressivité. Je respecte les différents points de vue, et je sais qu’il n’est pas facile de parvenir à un consensus. Mais à mon humble avis, nous n’avons pas pu discuter de cette question de façon constructive. Nous aurions dû nous concentrer sur les droits de l’enfant né de la maternité de substitution. C’aurait été une première étape, qui nous aurait permis de discuter ultérieurement de la maternité de substitution. Etant donné la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, permettez-moi de dire combien j’apprécie le travail de Mme De Sutter, qui nous propose un rapport fort équilibré. Celui-ci a été l’objet d’une véritable campagne de haine dans les médias et au sein du Conseil de l’Europe.

Je voudrais soutenir la recommandation proposée et demander au Comité des Ministres d’examiner l’opportunité et la faisabilité d’élaborer des lignes directrices européennes en vue de sauvegarder le droit des enfants et de coopérer avec la Conférence de La Haye de droit international privé, pour faire en sorte que l’avis du Conseil de l’Europe soit pris en compte.

M. UNHURIAN (Ukraine)* – Ce qui me préoccupe particulièrement, c’est que notre Assemblée se voie priée d’examiner une question aussi importante que la maternité de substitution sans disposer d’un rapport à part entière sur les conséquences de cette pratique sur les femmes et leurs droits. Le projet de recommandation est centré sur les enfants, et n’évoque à aucun moment l’exploitation des femmes. Bien des groupes féministes, des organisations des droits de l’homme sont particulièrement préoccupés par toute forme de légalisation de la maternité de substitution. Bien des femmes sont en situation de vulnérabilité lorsqu’elles acceptent des conventions de maternité de substitution. Nous avons tous entendu parler des épouvantables abus des droits de l’homme dont sont victimes les femmes, dans ces «fermes à bébés» indiennes. Où sont leurs voix dans cette proposition?

Le Conseil de l’Europe doit œuvrer en vue d’une interdiction de toutes les formes de conventions de maternité de substitution. C’est ainsi que nous pourrons montrer à ces femmes vulnérables que la communauté internationale travaille pour mettre un terme au marché de la maternité de substitution.

Nous devons protéger les femmes contre les abus et l’exploitation et veiller à ce que les enfants ne deviennent pas une marchandise que l’on peut transférer, acheter ou vendre. Réglementer ne suffit pas: seule une interdiction totale permettra de protéger les femmes et de sauvegarder les droits des enfants. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir le projet de recommandation de Mme De Sutter. J’appelle donc l’Assemblée à voter les deux amendements, qui ont d’ailleurs reçu le soutien de la commission des questions sociales.

Mme ROSETA (Portugal) – Tout d’abord, je salue le courage et la patience de Mme De Sutter. Ensuite, je crois, pour connaître un peu l’histoire des droits de l’homme, que l’univers des droits est en expansion constante: très souvent, il a fallu ajouter de nouveaux droits à ceux qui existaient déjà, car de nouveaux défis se sont présentés. La science et la société vont très souvent plus vite que la loi. Il ne faut pas fermer les yeux; il faut être attentif aux évolutions et savoir apporter une réponse aux demandes formulées par la société.

Au Portugal, nous venons d’adopter une loi qui légalise la maternité de substitution ayant des fins altruistes et qui pénalise sévèrement celle qui a des fins commerciales. Je trouve que c’est là une meilleure façon de réguler les abus dangereux dénoncés par plusieurs d’entre nous. Moi-même, je rejette totalement la maternité de substitution ayant une fin lucrative. En revanche, il arrive que la maternité de substitution ait des fins altruistes. C’est cette dernière qui est désormais légale au Portugal et je ne saurais imaginer que le Conseil de l’Europe, 42 ans après le rétablissement de la démocratie dans mon pays, soit capable de condamner une pratique que nous venons d’approuver démocratiquement, chaque parlementaire étant libre de son vote.

Sur le fondement de mon témoignage, je vous demande d’approuver le projet de recommandation en l’état, parce qu’il ne ferme pas la porte. C’est un premier pas, une manière de laisser ouverte la discussion et de la mener à son terme. Au Parlement portugais, nous avons mis quatre ans, avec deux gouvernements différents, pour conduire une discussion sérieuse et pour aboutir. C’est très difficile, il faut avoir du courage et de la patience. Surtout, je vous le rappelle, «No Hate no Fear».

Mme STRIK (Pays-Bas)* – Je souhaite tout d’abord remercier Mme De Sutter pour son courage et sa persévérance. Elle a défendu les personnes les plus vulnérables au sein de notre société, en l’occurrence certaines femmes exploitées par des pratiques commerciales et les enfants qui en sont nés. Ces enfants ne sont pas protégés par la législation; ils ne sont pas reconnus au même titre que vous et moi; ils ne jouissent pas de tous les droits humains universels.

On ne peut que déplorer que cette approche soit contrecarrée par certains groupes qui préfèrent empêcher qu’un débat ouvert se tienne sur cette question, permettant d’exprimer tous les arguments. Je suis donc heureuse que nous ayons malgré tout ce débat aujourd’hui. En effet, tenter de mettre un terme à une discussion est toujours un signe de faiblesse. Le détournement de la procédure est une chose, mais les attaques personnelles – voire l’intimidation des rapporteurs – vont à l’encontre de toutes les valeurs qui sont les nôtres au Conseil de l’Europe. J’éprouve à leur égard de la honte: nous devons condamner ces pratiques.

Notre rapporteure demande qu’il y ait une interdiction de la maternité de substitution à des fins commerciales. Or les enfants sont nés, ils n’ont pas le choix; ils sont là, c’est tout. Mais ils n’ont aucun droit, ils ne sont pas enregistrés, ils n’ont accès ni à la nationalité ni à l’information sur leurs origines.

Le projet de recommandation a pour but que les droits de ces enfants soient protégés. Je crois que tous ici nous pouvons appuyer cette proposition. L’amendement qui vise à condamner toutes les formes de maternité de substitution nous détourne en fait des véritables problèmes. Certes, il y a des abus, mais il existe des femmes décidant, de manière autonome, d’aider un membre de leur famille ou un ami. Or l’adoption de l’amendement risquerait de nuire aux droits des enfants nés de cette technique.

M. Van der MAELEN (Belgique)* – Le débat autour de ce rapport a rencontré de grandes difficultés. Personnellement, je crois qu’elles sont liées à certaines convictions religieuses très fortes. J’ai donc une question à vous poser, chers collègues: la Convention ne nous met-elle pas dans l’obligation de respecter toutes les convictions? Chacun ne doit-il pas pouvoir s’exprimer en son âme et conscience? Je crois que c’est la seule manière de procéder, vu la sensibilité du sujet. C’est la seule chose à faire à l’égard des enfants nés de mères porteuses. Nous savons très bien que nous ne ferons pas disparaître le phénomène sous toutes ses formes. Ce serait d’ailleurs ignorer les droits des enfants nés d’une maternité de substitution.

Cet après-midi, nous sommes appelés à voter sur la protection internationale des enfants. Il ne s’agit ni de condamner ni de légaliser la maternité de substitution en Europe. Au demeurant, le Conseil de l’Europe n’a pas le pouvoir d’interdire cette pratique: cela relève de la compétence des Etats membres. Tous ceux qui ont en mémoire l’audition de Mme Martínez-Mora, juriste à la Conférence de La Haye, savent que celle-ci a été claire sur ce sujet. Le seul objet de la collaboration proposée avec la Conférence de La Haye est d’examiner les dispositions internationales, dans l’intérêt de la protection des droits de l’homme.

Une fois encore, mes chers collègues, le vote auquel nous nous apprêtons à procéder ne porte pas sur la question de savoir si nous sommes pour ou contre la maternité de substitution. Ce n’est pas là l’objet du projet de recommandation. Il ne s’agit pas non plus de dire si notre pays doit reconnaître ou non les dispositions relatives à la maternité de substitution. Il ne s’agit pas davantage de décider si ce phénomène est exclusivement commercial ou s’il peut aussi avoir des fins altruistes. L’objet du projet de recommandation est bien d’assurer la protection internationale des enfants.

Mme CIMBRO (Italie)* – Tout d’abord, je me permettrai de répondre à ceux de nos collègues qui ont prétendu qu’en commission le débat n’avait pas été courtois. J’ai assisté à tous les travaux de la commission et j’ai exprimé ma solidarité à l’égard de Mme la rapporteure quand elle a été attaquée personnellement en dehors du Conseil de l’Europe, mais je peux témoigner qu’au sein de la commission, nous avons fait un excellent travail et nous avons pu échanger de façon tout à fait civile. Certes, les points de vue étaient extrêmement différents, mais il n’y a jamais eu la moindre agression personnelle à l’encontre de la rapporteure.

Je voulais que cela soit dit clairement pour démentir certaines contrevérités.

Néanmoins, il est vrai que la rapporteure a dû affronter des épreuves face à l’opinion publique. Des manifestations se sont déroulées devant le siège du Conseil de l’Europe à Paris, mais toujours dans le respect de sa personne. Alors, laissons donc de côté toutes ces victimisations qui, par des considérations qui n’ont rien à voir avec le sujet de fond, ne font que faire obstacle à un débat déjà difficile.

Comme l’ont dit de nombreux collègues, ce rapport est très important. Il part d’une proposition de M. Ghiletchi, reprise par Mme De Sutter. L’objectif initial était de réfléchir aux aspects éthiques de la maternité de substitution. Deux projets de résolution ont été rejetés par la commission des questions sociales, une commission compétente qui a voulu approfondir la réflexion, entendre des experts et se faire une idée claire qui ne fonde pas sur une opinion personnelle. En effet, nous ne sommes pas là pour exposer notre jugement personnel sur la maternité de substitution, mais pour représenter nos pays en tant que parlementaires sur un problème qui présente certes des aspects éthiques, mais aussi des aspects scientifiques.

J’aimerais donc savoir quelles études démontrent que la maternité de substitution a des résultats sur les effets mentaux de l’enfant, combien de mères s’offrent volontairement à cette maternité de substitution, combien le font pour des raisons commerciales ou par altruisme. Il n’existe pas d’études sur le sujet alors que d’autres études montrent, elles, clairement et de façon indiscutable que, pendant la grossesse, un lien étroit se crée entre la mère et son enfant.

Selon moi, les amendements, et en particulier le premier, ne sont pas là pour affaiblir le rapport de Mme De Sutter. Ils visent au contraire à ne pas condamner toute forme de maternité de substitution.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste 5 minutes 30.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure* – J’ai écouté avec attention tous les arguments, favorables et défavorables, et j’ai compté les interventions. Il est clair pour tous que la moitié des intervenants étaient en faveur de la recommandation, et l’autre moitié défavorable.

Il n’est pas tout à fait exact que les amendements votés au sein de la commission l’aient été à une large majorité parce que, deux semaines auparavant à Paris, la même commission avait voté pour la recommandation. Je pense donc que les majorités d’aujourd’hui et d’hier sont assez arbitraires et ne reflètent pas le véritable fossé qui nous sépare aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous devons aller plus loin et demander au Comité des Ministres de régler la question et d’en discuter au niveau de la Conférence de La Haye.

Permettez-moi de revenir sur quelques éléments qui ont été soulevés lors du débat.

Tout d’abord, à plusieurs reprises, il a été fait référence à la résolution du Parlement européen. J’aimerais préciser deux points à ce propos. Tout d’abord, il n’y a jamais eu de résolution du Parlement européen sur la maternité de substitution. Tout ce qui existe est un paragraphe dans une longue résolution: le paragraphe 1.15, tel que mentionné dans le rapport, portant sur les droits de l’homme et la démocratie, qui date de 2015. Ensuite, j’ai parlé avec de nombreuses personnes au sein du Parlement européen et toutes s’accordaient pour dire que le débat sur la maternité de substitution n’est pas terminé, qu’il ne fait que commencer. Il n’existe donc pas de résolution à ce sujet.

Le plus surprenant est que, dans ce paragraphe, le Parlement européen ne fait que demander l’interdiction de la maternité de substitution à but lucratif et, si je suis d’accord avec l’interdiction de cette forme de maternité de substitution, les amendements proposés sont en contradiction avec ce paragraphe.

Venons-en maintenant à l’argument selon lequel la maternité de substitution serait une violation des droits humains en soi, quelle que soit la manière dont elle est pratiquée.

Je ne suis pas d’accord avec cela. J’ai écouté avec grande attention tout le débat et je pense que nous sommes du même avis sur nombre de questions, mais que nous arrivons à des conclusions différentes. Nous sommes tous d’accord pour dire que la maternité de substitution à but lucratif doit être condamnée, mais j’estime que la conclusion des deux amendements n’est pas la bonne. Je vais vous expliquer pourquoi.

Comme la moitié des personnes au sein de notre commission, je pense que la maternité de substitution peut se faire de manière éthique. J’aimerais vous rappeler qu’en France, où elle est interdite, 57 % des Français estiment qu’il vaudrait mieux l’encadrer que l’interdire. Dans mon pays, comme dans d’autres, c’est plus 80 % des personnes qui pensent que la maternité de substitution peut se faire dans le respect des droits humains.

La maternité de substitution peut se faire de manière déontologique, en respectant les droits de la mère de substitution et de l’enfant. C’est un cadeau. Je suis d’accord avec vous, il n’existe pas de cadeau plus altruiste que de porter un enfant pour un autre. Bien souvent, ce sont des amies proches qui le font. La mère de substitution doit jouer un rôle important dans la vie de l’enfant, j’en suis d’accord et il ne faut absolument pas que soit conclu un contrat de nature commerciale. Nous sommes tout à fait d’accord: les mères de substitution doivent conserver tous leurs droits lors de la grossesse; leurs motivations ne doivent pas être financières et tout transfert des droits parentaux doit sauvegarder les droits des enfants.

Ce sont des critères stricts, mais qu’il est possible de respecter. Plusieurs pays du Conseil de l’Europe le font, précisément en réglementant de manière stricte cette pratique. Donc, la maternité de substitution n’est pas en elle-même une violation des droits humains. Nous voulons lutter contre l’exploitation et l’abus de ces femmes et de ces enfants, mais pas contre la pratique elle-même.

Nous sommes tous d’accord sur le sujet. Mesdames et Messieurs, le problème de la maternité de substitution est proche de celui de l’adoption, car l’adoption aussi fait que les enfants peuvent être vulnérables et susceptibles de faire l’objet de traites. Elle peut aussi donner lieu à des accords commerciaux inacceptables.

Il existe un cadre international en matière d’adoption. C’est la Conférence de La Haye qui a travaillé sur le sujet. Elle pourrait en faire autant pour la maternité de substitution. Donc, demandons au Comité des Ministres d’agir, et ce dans l’intérêt de l’enfant.

En conclusion, cette recommandation est le résultat des débats et des discussions que nous avons eues au sein de la commission pendant plus de 18 mois. Nous ne sommes pas d’accord sur certains points essentiels, mais nous sommes d’accord sur le fait que la pratique même de la maternité de substitution peut poser problème et mener à des violations des droits humains. La moitié d’entre nous pense qu’il faudrait l’interdire, l’autre qu’il faudrait en réglementer la pratique. Mettons-nous d’accord pour accepter nos divergences de vues, et acceptons notre responsabilité vis-à-vis de ces femmes et de ces enfants qui pourraient être des victimes de la traite. Agissons afin de trouver une solution à ce problème complexe!

Je vous demande de comprendre que le besoin en la matière est pressant et je vous invite à voter pour cette recommandation en l’état.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Chers collègues, je suis très heureuse que nous ayons pu avoir ce débat dans cet hémicycle aujourd’hui. Comme vous le savez, la route a été tortueuse avant d’arriver ici, le travail en commission a parfois été difficile et l’atmosphère tendue. Des attaques inacceptables ont malheureusement été portées à l’encontre de la rapporteure, des membres du secrétariat et de moi-même en tant que présidente de la commission.

A ce titre aussi je me dois de souligner que certaines des affirmations entendues dans cet hémicycle sur la procédure suivie en commission sont des contrevérités. Je n’entrerai pas dans les détails, mais je renvoie tous les membres de l’Assemblée intéressés aux procès-verbaux de nos réunions qui sont in extenso.

J’aimerais également souligner, parce que j’ai entendu le contraire, que Mme De Sutter a été élue rapporteure à bulletin secret en janvier à une large majorité.

Mes chers collègues, j’essaie toujours de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Au cours des derniers mois, j’ai eu droit à un cours accéléré de procédure et, pour moi, le fait que le débat puisse avoir lieu aujourd’hui était le plus important, afin que l’on puisse entendre tous les arguments des uns et des autres – car c’est l’objet même de notre Assemblée. Je suis profondément convaincue que ce que nous tient le plus à cœur, c’est avant tout les droits de l’enfant, y compris ceux de l’enfant né de la maternité de substitution. J’espère que, quelle que soit notre position sur ce point, nous ferons tous en sorte que, grâce au texte que nous voterons aujourd’hui, tous les droits de tous les enfants soient protégés et garantis.

En conclusion, je remercie Mme la rapporteure, le secrétariat, mais aussi tous les collègues qui ont participé aujourd’hui au débat.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de recommandation sur lequel deux amendements et un sous-amendement ont été déposés. Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 1 fait l’objet d’un sous-amendement.

Mme CIMBRO (Italie)* – Comme je l’ai déjà dit, l’amendement 1 ne poursuit pas l’objectif qui vous a été exposé par Mme la rapporteure. Nous souhaitons d’une part que cet amendement ne mentionne pas seulement les droits des enfants, mais aussi ceux des femmes; d’autre part, que notre Assemblée recommande également au Comité des ministres de condamner «toute forme de maternité de substitution», ce qui constituera une sorte de ligne directrice.

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au sous-amendement.

Mme MAIJ (Pays-Bas)* – Il est essentiel de prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un débat portant sur la condamnation ou non de la maternité de substitution – une question sur laquelle nous sommes, de toute évidence, divisés. Le sous-amendement vise à supprimer la condamnation, introduite par l’amendement 1, de toute forme de maternité de substitution.

M. MULLEN (Irlande)* – La commission a exprimé très clairement son souhait de voir l’amendement 1 maintenu en sa rédaction initiale, et je ne pense pas qu’un sous-amendement puisse avoir pour objet de priver un amendement d’une partie de son sens. En l’occurrence, accepter le sous-amendement  aurait pour conséquence de contredire l’avis de la majorité qui s’est exprimée, et de brouiller, en le rendant moins cohérent, le message que nous souhaitons adresser au Comité des Ministres.

Mme CIMBRO (Italie)* – Je suis évidemment opposée au sous-amendement, puisqu’avec l’amendement 1 je souhaite introduire la prise en considération des droits des femmes et la condamnation de toute forme de maternité de substitution. Je vous invite donc, chers collègues, à voter contre le sous-amendement 1 et pour l’amendement 1.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission n’a pas de position sur le sous-amendement 1, qui a été déposé après que nous avons examiné les amendements.

Le sous-amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous revenons à l’amendement 1.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Tous les amendements qui ont été présentés, y compris l’amendement 1, ne l’ont été qu’à des fins de manipulation, et vont à l’encontre du résultat que nous attendons. Si vous voulez défendre les droits de l’homme, faites-le et arrêtez de manipuler et distordre le sens du projet de recommandation!

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission a adopté l’amendement 1 par 24 voix contre 16.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme CENTEMERO (Italie)* – La version originale disait: «collaborer avec la Conférence de La Haye» sur les questions relatives à la maternité de substitution. Nous demandons de ne pas donner un chèque en blanc à la Conférence de La Haye, mais un mandat précis sur la façon dont ces travaux doivent être menés. Il s’agit d’une question qui relève du droit privé, et il faut décourager la maternité de substitution au lieu de la légitimer.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure – Je suis contre cet amendement. Il modifie complètement le but du rapport, en prenant position contre toute forme de GPA. Ce n’est pas du tout l’esprit du rapport.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission s’est montrée favorable à cet amendement par 27 voix pour et 16 voix contre.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14140.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation n’est pas adopté (77 voix pour, 83 voix contre et 7 abstentions).

5. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre
de l’Azerbaïdjan et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine»
(Résultats des scrutins)

LE PRÉSIDENT – Voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan.

Nombre de votants: 203

Bulletins blancs ou nuls: 25

Suffrages exprimés: 178

Majorité absolue: 90

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

Mme Kəmalə Abiyeva: 35 voix

M. Lətif Hüseynov: 134 voix

M. Rövşən Ismayilov: 9 voix

M. Hüseynov ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame élu juge à la Cour européenne des droits de l’homme. Son mandat de neuf ans commence au plus tard dans trois mois à compter de son élection.

Voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de «L’ex-République yougoslave de Macédoine».

Nombre de votants: 203

Bulletins blancs ou nuls: 6

Suffrages exprimés: 197

Majorité absolue: 99

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

Mme Natasha Gaber-Damjanovska: 86 voix

M. Jovan Ilievski: 106 voix

M. Zvonimir Jankulovski: 5 voix

M. Ilievski ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame élu juge à la Cour européenne des droits de l’homme. Son mandat de neuf ans commence à partir du 1er février 2017.

M. Agramunt, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

6. Enseignements à tirer de l’affaire des «Panama Papers»
pour assurer la justice sociale et fiscale

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur les «Enseignements à tirer de l’affaire des «Panama Papers» pour assurer la justice sociale et fiscale», présenté par M. Schennach au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 14141 et Addendum), ainsi que de l’avis présenté par M.  Van der Maelen au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie (Doc. 14165) et l’avis oral de M. van de Ven au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 20 h 15, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Le sujet des «Panama Papers», ainsi que des «Bahamas Leaks», devrait être examiné sous l’angle de la justice et de l’équité sociale et juridique. Il s’agit de gains et de patrimoines, obtenus légalement et illégalement, qui évitent la fiscalité des Etats.

Il ne s’agit pas d’un délit anodin, car, sur le plan de l’éthique, de l’équité et de la justice, ces grands et astucieux montages d’évasion fiscale s’apparentent à de la fraude fiscale et ensuite à du blanchiment d’argent.

Les chiffres montrent que les richesses de nos sociétés sont souvent dissimulées. Le réseau Tax Justice Network a travaillé avec l’OCDE ainsi qu’avec le Fonds monétaire international pour collecter les chiffres que je vais vous livrer. Plus de 8 % des richesses mondiales sont détenues offshore, 7,5 trillions de dollars américains, ne sont jamais déclarés au fisc. Les chiffres révèlent que 10 % de la richesse financière européenne et 4 % des actifs américains sont placés sur des comptes offshore. La situation revêt une ampleur plus grande encore sur d’autres continents: 20 % des actifs d’Amérique latine, 30 % des actifs africains, 50 % des actifs russes sont placés sur des comptes offshore. Si cet argent était imposé en moyenne à 30 %, il rapporterait annuellement 188 milliards de dollars américains.

Je place ce débat sous le signe de l’équité. L’artisan ébéniste, le coiffeur et le boucher payent leurs impôts, ils n’ont pas de comptes sur les Iles Caïmans ou sur les Iles Vierges. Ceux qui travaillent dans la fonction publique, dans les entreprises, tous payent des impôts. En revanche, les grandes entreprises qui sont en mesure de se payer les services d’une armée de juristes et de fiscalistes et les personnes qui sont à la tête de fortunes colossales ne payent pas ou peu d’impôts. Et c’est à ce point de ma réflexion que je pose la question de l’équité: toutes les personnes qui payent leurs impôts permettent à nos Etats, à nos villes, à nos municipalités de fonctionner. Ils financent la protection sociale, l’éducation, les infrastructures d’un pays et l’administration de l’Etat, tout cela est financé par ceux qui ne prennent pas l’avion pour les Iles Caïman pour y déposer leur pactole. Ces impôts sont payés par ceux qui n’ont pas de relation avec de grandes banques ou des cabinets d’avocats spécialisés en fiscalité, toutes ces infrastructures qui vivent de la confidentialité et du secret bancaire.

Les «Panama Papers» ont choqué par l’ampleur de l’information communiquée. Je ne citerai pas de noms, cela n’aurait pas de sens, mais l’affaire des «Panama Papers» nous donne une idée de l’ampleur du phénomène. Nous apprenons que les Etats-Unis imposent des règles à tous les autres Etats alors même que trois Etats des Etats-Unis contribuent à la dissimulation de sommes colossales. Un million de sociétés du Delaware sont enregistrées à ce titre, parmi lesquelles 60 % des cinquante plus grosses sociétés américaines.

Si nous avons voté des instruments juridiques contre le blanchiment d’argent, je rappelle que la Convention de Varsovie n’a été ratifiée que par 51 Etats et que 21 Etats du Conseil de l’Europe ne l’ont jamais ratifiée. En 2015, les Etats membres de l’Union européenne ont voté leurs dispositions anti-blanchiment en créant une task force. Et pourtant, le Moneyval, l’organe du Conseil de l’Europe de lutte contre le blanchiment, relève que la lutte organisée par les Etats membres est loin d’être parfaite. Ce qui prouve que nous avons besoin d’une culture de poursuite volontariste de ces actes et montages délictueux, et d’un système volontariste d’échange d’informations. C’est d’ailleurs pourquoi je suis satisfait des amendements déposés par deux commissions

Le rapport l’explique, il ne s’agissait pas de rechercher des cas précis d’optimisation d’évasion fiscale, mais de montrer que l’ampleur de l’évasion et de la fraude fiscale est telle dans nos sociétés modernes qu’elle constitue un danger pour la paix et la cohésion sociales. C’est pourquoi vous trouverez dans ce rapport des suggestions en matière de protection des donneurs d’alerte, des mesures à prendre contre les paradis fiscaux ainsi que la nécessité de se doter d’outils efficaces pour saisir ces actifs dans l’intérêt commun.

Je me réjouis du débat que nous allons tenir.

L’avis de la commission était presque unanime, j’espère qu’il en ira de même en séance plénière.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Schennach, il vous restera quatre minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

M. Van der MAELEN (Belgique), rapporteur pour avis de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Je félicite M. Schennach ainsi que la commission des questions sociales qui nous présentent un rapport extrêmement solide. Nous nous félicitons également que le rapporteur et la commission aient accepté quatre de nos cinq amendements. Je me limiterai donc à défendre l’amendement 2, qui plaide pour une approche multilatérale de la mise en œuvre de l’accord sur l’échange automatique de renseignements.

En effet, cet accord, qui existe sous l’égide de l’OCDE et du G20, propose une alternative aux Etats: ils peuvent remplir leur obligation d’échange de renseignements par le biais, soit d’un accord multilatéral, soit d’accords bilatéraux. Dans mon amendement, je plaide pour l’option multilatérale. Car, si les 196 nations optaient pour des accords bilatéraux, 38 220 accords seraient nécessaires pour parvenir à nos fins! Vous comprendrez donc que nous gagnerons beaucoup de temps et d’argent si les pays choisissaient l’approche multilatérale.

Par ailleurs, en cas d’accords bilatéraux, vous imaginez le temps qu’il faudrait pour mettre en place un réseau multilatéral! Il paraît évident que la couverture mondiale sera plus rapide avec un accord multilatéral. Enfin, avec un tel accord, nous bénéficierons d’un cadre multilatéral.

Je vous demande donc d’adopter l’amendement 2, recommandant aux Etats de choisir l’approche multilatérale.

M. van de VEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Au nom de notre commission, je souhaiterais féliciter M. Schennach pour son excellent rapport.

La commission des questions juridiques appuie d’un point de vue général le projet de résolution. Les propositions visant à lutter contre les pratiques d’évasion et de fraude fiscales, menées par des entreprises publiques et privées et par des personnalités, et contre le blanchiment d’argent sont essentielles si l’on veut restaurer la confiance des citoyens dans nos démocraties européennes.

Le rapport de la commission des questions sociales parle des citoyens qui ont été choqués par la divulgation des «Panama Papers». Des personnes connues, des artistes, des personnalités du monde sportif, des entreprises ont été montrées du doigt pour avoir dissimulé des actifs. Et ces personnalités ont une responsabilité toute particulière, car elles sont prises pour modèle. Pour ce qui est des politiques, leur attitude sape la confiance des citoyens dans la démocratie. Il ne peut donc y avoir d’impunité.

Dans la plupart des pays, les citoyens paient leurs impôts, en totale conformité avec la législation, pour bénéficier en retour de services sociaux et autres. Alors ils peuvent, en toute légalité, trouver des moyens de payer le moins d’impôts possible, mais cela ne doit pas mettre l’Etat en péril. Il faut donc encourager les Etats à mettre en place des règles de transparence, et les entreprises à partager les informations fiscales. Et les Etats devraient avoir la possibilité de percevoir et de collecter l’impôt auprès de ces entreprises.

Nous appuyons ce projet de résolution. La commission des questions juridiques, contrairement à ce qui a été dit par la commission des questions sociales, pense qu’il existe encore une marge de progression pour ce qui est d’améliorer le cadre juridique. C’est la raison pour laquelle nous proposons de négocier une nouvelle convention et de revoir les conventions de l’OCDE et du Conseil de l’Europe sur les questions fiscales. Ce processus d’examen devrait envisager de taxer les revenus des entreprises dans les paradis fiscaux.

La commission des questions juridiques proposera quelques amendements afin de renforcer plus avant le projet de résolution.

Sir Roger Gale, Vice–Président de l’Assemblée, remplace M. Agramunt au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme GÜNAY (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Le rapport dont nous débattons examine un problème devenu désormais chronique. C’est la raison pour laquelle je remercie tous ceux qui ont contribué à ce rapport.

La crise économique, qui a débuté en 2008, a montré que les millionnaires et les milliardaires étaient taxés différemment; toute une série de mesures devrait donc être prises pour éviter évasion et fraude fiscales. La divulgation des «Panama Papers» a montré que ces mesures sont nécessaires mais insuffisantes. Aujourd’hui, les Etats devraient, non pas seulement contrôler leur territoire, mais améliorer leurs capacités à suivre et à poursuivre leurs contribuables dans le monde entier.

Ces comportements sont le fait des multinationales, mais également des particuliers et des Etats. Les 7.5 trillions de dollars évoqués seraient mieux utilisés à créer des emplois et à permettre plus de protection sociale afin de surmonter la pauvreté et l’injustice sociale.

Lors de la dernière réunion du G20, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement – la régulation des marchés financiers a été discutée. Sous la présidence de l’Allemagne, la question de la fiscalité a été prioritaire. Le but principal est de créer un environnement permettant des investissements, mais également une bonne taxation. Pour contrôler de telles sommes d’argent, une coopération permanente et robuste est nécessaire. A ce stade, j’aimerais savoir quelle serait l’autorité qui fixerait les règles de coordination entre Etats et institutions.

Par ailleurs, les «Panama Papers» ont divulgué des milliers de noms qui représentent à eux seuls 11,5 millions de dossiers. Nous ne savons pas encore s’ils sont tous coupables. Alors, n’oublions pas que ces personnes ont le droit de se défendre. C’est la raison pour laquelle, une véritable enquête doit être menée pour séparer les innocents des coupables.

M. LOUCAIDES (Chypre), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Les «Panama Papers» ont été décrits comme la plus grande découverte du siècle, mais ce serait faire preuve d’hypocrisie que de dire que ce scandale a été une grande surprise. Il suffit de comprendre comment fonctionne le capitalisme mondial. Les «LuxLeaks» ont fourni les noms de ceux qui détenaient les plus gros dépôts au sein des banques suisses et les «Bahamas Leaks» ont rassemblé 1,3 million de fichiers. Outre les pratiques fiscales illégales, ont été dénoncées les activités de lobbys extrêmement puissants qui, comme le souligne le rapport dans sa conclusion, dictent leur politique fiscale aux gouvernements dans l’intérêt exclusif de quelques riches individus et grandes entreprises, soumis à une fiscalité très faible, alors que 99 % de la population continue d’endurer des mesures d’austérité impitoyables.

Nous ne pouvons nier que ces phénomènes définissent les caractéristiques inhérentes du système économique. Leur ADN est constitué par l’exploitation, la légalisation du vol et l’absence de transparence. Le rapport fournit des données qui démontrent l’échelle des recettes fiscales non perçues. En tant que parlementaires, nous devons intervenir afin que la vérité éclate et qu’il soit clair pour tous que la richesse est concentrée entre les mains d’un très petit nombre d’individus. Je souhaite donc remercier M. Schennach pour sa contribution au débat et pour ce rapport extrêmement solide et équilibré.

Malgré la vive réaction suscitée par le scandale des «Panama Papers», il semblerait que les élites offshore internationales continuent d’agir comme si de rien n’était. Cela devrait nous inciter encore davantage à renforcer de manière décisive la coopération internationale, à démanteler les réseaux, à renforcer nos cadres législatifs et à exposer au niveau politique ceux qui sont impliqués ou qui ont dissimulé des transactions douteuses.

En particulier, nous attendons avec impatience les conclusions de la commission d’enquête spéciale du Parlement européen (PANA), qui devrait faire la lumière sur les violations de la réglementation européenne et sur les pratiques illégales en Europe. Nous soulignons par ailleurs qu’il faut continuer de renforcer la législation et de l’actualiser, et de combler les lacunes qui existent en matière de blanchiment d’argent. De plus, il faut assurer un accès aux informations pertinentes de l’Union européenne et appliquer des sanctions plus fortes aux banques, ainsi qu’aux personnalités juridiques. Enfin, nous devons veiller à ce que les lanceurs d’alerte soient mieux protégés.

Pour conclure, nous devons nous poser une question essentielle: combien de temps allons-nous tolérer encore un système qui élabore une législation en violation avec la réglementation uniquement pour protéger les intérêts d’un petit groupe d’individus privilégiés au détriment de milliards de personnes?

M. OMTZIGT (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je commencerai par remercier le rapporteur et les deux rapporteurs pour avis pour les informations très utiles qu’ils nous ont fournies. Nous ne résoudrons pas le problème des paradis fiscaux ici ce soir, mais nous devrions sans doute commencer par réfléchir à la situation de nos propres pays.

Les rapporteurs originaires de l’Autriche et de la Belgique ont regretté que la Convention de Varsovie n’ait pas encore été ratifiée par de nombreux pays. Je suis personnellement des Pays-Bas et le précédent orateur vient d’un pays, Chypre, qui figure sur la liste des paradis fiscaux, aux côtés de Malte, deux pays membres du Conseil de l’Europe. Si nous commençons à montrer du doigt d’autres pays, il est à craindre que nous n’arrivions jamais à trouver une solution au problème. Je m’effraie d’ailleurs qu’après les «Panama Leaks» et les «LuxLeaks», ce soit celui qui est à l’origine de la fuite qui se retrouve aujourd’hui face aux juges. Il a lancé l’alarme et est condamné à une peine d’emprisonnement. En revanche, les personnalités identifiées par les «Panama Papers» restent impunies.

Habituellement, ici, à l’Assemblée, nous n’avons aucune difficulté à nommer qui que ce soit dans les rapports. Nous disons toujours précisément qui a tort. Avez-vous trouvé cette fois-ci, dans le rapport de M. Schennach, le nom des personnes impliquées? Moi pas. Je trouve cela très étonnant. Si l’on veut véritablement trouver une solution à l’évasion fiscale, il faut commencer par donner des noms.

J’aimerais donc demander au rapporteur ce que peut faire l’Assemblée selon lui, dans les deux ou trois ans, pour agir véritablement dans cette voie. Des rapports par pays devront-ils être présentés? Il est beaucoup plus facile de dire à un autre pays ce qu’il doit faire que de se pencher sur la situation dans son propre pays. Il convient de prendre des mesures contre les responsables politiques impliqués. Sans approche sérieuse, il est même inutile de participer à tout débat sur le sujet.

Mme RODRÍGUES RAMOS (Espagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Je voudrais tout d’abord féliciter M. Schennach pour son rapport, qui propose une approche très intelligente du problème. Pour lutter contre les paradis fiscaux, nous dit-il, nous n’avons pas besoin de davantage d’instruments internationaux et de réglementations. Nous devons simplement les mettre en œuvre. L’échec de la lutte contre l’évasion fiscale n’est pas dû à l’absence de réglementation, mais tout simplement à un manque de volonté de les mettre en œuvre.

Le rapporteur énumère les conventions internationales auxquelles les pays n’ont pas encore souscrit. Ce matin, nous avons évoqué l’absence de confiance des citoyens vis-à-vis des responsables politiques et de la démocratie à l’heure actuelle. Il est évident que si nous ne résolvons pas le problème de l’évasion fiscale, jamais nous ne mettrons un terme à leur défiance. Les paradis fiscaux sont comme la matière: ils n’augmentent pas, ils ne diminuent pas, ils ne font que se transformer. Les juridictions non coopératives et les territoires offshore sont toujours les mêmes, mais les flux financiers augmentent: 7,6 billions de dollars, selon le FMI, sont occultes, soit les PIB de l’Allemagne et du Royaume-Uni réunis; 199 milliards de dollars sont soustraits aux impôts, ce qui entraîne des coupes claires dans les politiques sociales et la baisse des salaires des moins riches.

Comme l’a souligné le rapporteur, nous devons appliquer les réglementations et échanger les renseignements pour sanctionner les pays qui couvrent, par le secret bancaire, des activités illégales. Les grandes entreprises doivent fournir les informations les concernant à tous les pays dans lesquelles elles sont implantées. A défaut, nous ne pourrons pas agir contre elles. En outre, elles doivent appliquer la réglementation bancaire et être empêchées de se soustraire à cette obligation en s’installant dans un pays voisin.

Enfin, il n’est pas possible d’être un responsable politique et de faire de l’évasion fiscale. Au bout de cinq ans de mandat, tout responsable politique doit donc être soumis à un contrôle fiscal.

M. BILDARRATZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je commencerai par un chiffre véritablement préoccupant: en 2014, dans l’Union européenne, 122 millions de personnes, c’est-à-dire une personne sur quatre, étaient exposées à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale.

Nous sommes les représentants d’Etats qui conduisent des politiques sociales, et dans lesquels les impôts permettent de ne pas laisser des citoyens au bord du chemin. La fraude fiscale et le blanchiment d’argent sont moralement répréhensibles, mais ils le sont d’autant plus que nous nous trouvons dans une situation économique particulière. Lorsque le citoyen moyen s’aperçoit que des personnalités de premier plan – chef d’Etat, Premier ministre, ministre ou sportif de haut niveau – pratiquent l’évasion ou la fraude fiscales, il se met en colère.

Les Nations Unies ont estimé que ces flux illicites, comme elles les appellent, équivalaient à 3,5 % du PIB mondial. Comme d’autres orateurs l’ont dit, nous devons pouvoir évaluer l’engagement de chacun des pays, et utiliser l’efficacité de la réglementation tant financière que fiscale dans chacun d’entre eux.

Dans ce rapport, quatre éléments me semblent essentiels: la transparence d’abord, qui doit être faite sur les titulaires réels des comptes et sur les comptes des entreprises. Nous devons être conscients du fait que le taux moyen d’opacité dans les pays de l’Union européenne est de 44 %! Au Panama, il est de 72 %. Le contrôle et la coopération internationale sont deux autres points importants. Enfin, il faut restaurer la confiance chez nos concitoyens. Et le seul moyen d’y parvenir, c’est d’abaisser le taux d’opacité de 44 % à 0 %!

Mme ZIMMERMANN (France) – On ne peut qu’approuver le principe des mesures tendant à lutter contre les paradis fiscaux et la fraude; certaines affaires choquantes, récemment révélées, sont venues en rappeler la nécessité.

Sur le rapport lui-même, je n’ai pas d’objections, même si je souhaiterais avoir des explications sur le point 7 du projet de résolution. Qu’entendez-vous, Monsieur le rapporteur, par «juridictions adeptes du secret»? Des juridictions secrètes existent-elles en Europe? J’avoue n’avoir pas connaissance de tribunaux secrets sur notre continent. Si oui, il y aurait lieu de les supprimer. S’ils sont hors d’Europe, comment les Etats européens peuvent-ils les supprimer? Ne sombrons pas dans ce travers des Etats-Unis, qui consiste à vouloir faire exercer à leurs tribunaux une compétence extraterritoriale. Cette forme d’impérialisme, en outre, ne fonctionne que du fait du poids politique et économique de la première puissance mondiale. Et s’il s’agit de juridictions protégeant le secret bancaire, le problème me semble être davantage celui des lois en vigueur dans les pays concernés que celui de leurs tribunaux. Là aussi, je mets en garde contre la tentation de l’extraterritorialité.

Dans ce même point 7, il est proposé de créer un principe de suspicion à l’égard des «personnes politiquement exposées». Dans le corps du rapport, on parle de «personnes politiquement exposées étrangères». Pourquoi cette différence?

Mais surtout, je voudrais souligner l’importance des dysfonctionnements de nos systèmes fiscaux comme cause des problèmes dont nous parlons aujourd’hui. Et je ne parlerai pas du Panama, mais de l’Europe. Si je consulte Eurostat, je constate qu’en 2014 les prélèvements obligatoires représentaient 47,9 % du PIB en France – cas extrême de surimposition – contre 30,5 % en Irlande, pays pratiquant le dumping fiscal à l’égard des entreprises. Récemment, l’Union européenne a courageusement mis en lumière la sous-imposition en Irlande d’Apple. Mais le problème ne se limite pas à ce seul pays.

De tels déséquilibres structurels constituent une véritable incitation à la fraude et à l’évasion fiscales. Nous avons créé un vaste marché unique, en partie ouvert à une concurrence sauvage et non régulée. Les solutions ne sont pas simples, mais je crois que cela mériterait une réflexion globale de notre Assemblée, en liaison avec l’Union européenne.

M. WILSON (Royaume-Uni)* – Je me félicite de la tenue de ce débat. Les «Panama Papers» ont montré ce que certains individus riches et de grosses sociétés étaient disposés à faire pour éviter de payer des impôts, au détriment des services publics. Dans une économie mondialisée, où beaucoup se sentent laissés pour compte, il est important de faire preuve de solidarité pour réglementer les marchés financiers et les systèmes fiscaux, et supprimer les paradis fiscaux. Le Sommet anti-corruption, qui s’est tenu à Londres au mois de mai, a constitué une étape importante dans cette coopération.

Des Etats du monde entier se sont réunis pour condamner la corruption et s’engager à l’éradiquer. Mais alors que Le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas ont accepté de publier un registre des sociétés établies sur leur territoire et des bénéficiaires effectifs, d’autres nations ont refusé de prendre une telle initiative. Il y a donc encore beaucoup à faire.

Il s’agit aussi de savoir quelle société paye quels impôts, et dans quel pays. Amazon, Starbucks, Google doivent payer des impôts sur leurs bénéfices dans les pays où elles les réalisent. Cela ne semble que justice! Le Gouvernement britannique a accepté un amendement à son dernier projet de loi de finances visant à instaurer plus de transparence, par le biais de nouvelles règles obligeant les entreprises à publier leur imposition. Cela se fera au travers d’accords bilatéraux.

Le Groupe d’action financière – Gafi –, créé par le G7 en 1989, avait établi les fondements de cette coopération: développement de la coordination; lutte contre le blanchiment; instauration de mesures préventives dans le secteur financier; établissement de responsabilités à l’endroit des autorités compétentes; renforcement de la coopération internationale et de la transparence, enfin, axes qui permettront de restaurer la confiance dans l’économie mondiale.

Le moment est venu, pour des institutions internationales comme le Conseil de l’Europe, de coopérer. Le moment est venu de condamner cette cupidité et d’éradiquer la corruption. L’équité doit être une vérité pour tous, à tout moment et en tout endroit.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – C’est avec plaisir que je prends la suite de mon collègue. C’est un peu comme les bus à Londres… on les attend longtemps et ils arrivent par paire!

Permettez-moi tout d’abord de féliciter M. Schennach. Je l’ai dit en commission, il a effectué un excellent travail. Mais comme d’autres l’ont souligné, ce n’est que le début. Pieter Omtzigt a raison lorsqu’il dit que nous devons commencer par nos propres pays. C’est ce que je faisais dans les années 1980, lorsque, jeune parlementaire, je me penchais sur le cas des Iles Caïmans, des Iles Vierges britanniques, mais aussi de Jersey et Guernesey, tous paradis fiscaux.

Nous avons un problème avec les médias, qui couvrent mal ce sujet. Pourquoi donc? Il s’agit de voir qui contrôle ces médias. Prenons l’exemple du Daily Telegraph, un grand quotidien britannique: il est détenu par deux frères, résidant dans une localité proche de Guernesey, paradis fiscal... Les autres médias se trouvent à peu près dans la même situation, et font partie du système. Il n’est donc pas étonnant que cette question ne bénéficie pas d’une véritable couverture médiatique dans certains journaux britanniques.

Mon bon ami Phil Wilson a parlé de Google, d’Amazon et de Starbucks, d’autres ont parlé de la répartition inégale des richesses dans tous nos pays. De fait, les riches voient leurs richesses augmenter bien plus rapidement que les pauvres et le fossé s’élargit de plus en plus.

M. van de Ven, rapporteur pour avis de la commission des questions juridiques, a raison: il faut parvenir à un accord au niveau international. Cela n’a aucun sens qu’un seul pays – le Royaume-Uni ou un autre – essaye de réprimer les paradis fiscaux si, de leur côté, le Luxembourg et les Pays-Bas continuent comme avant: il faut que tout le monde agisse. Le Conseil de l’Europe ne peut pas lui non plus agir seul: nous devons travailler avec l’Union européenne et d’autres organisations internationales pour mener une action globale. Et il faut vraiment le faire car notre monde est trop injuste: Philip Green, un entrepreneur britannique, achète des yachts énormes à sa femme à Monaco tandis que ses employés perdent leur emploi et n’ont aucun espoir de toucher une retraite. Nous voyons donc parfaitement ce qui se passe et notre responsabilité est d’agir.

Je vous remercie donc, Monsieur Schennach, d’avoir fait en sorte que nous commencions à le faire même si, comme l’a dit M. Omtzigt, la route sera longue.

LE PRÉSIDENT* – M. Gopp, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. SHAHGELDYAN (Arménie) – Je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur, M. Schennach, pour son très bon travail. Il me semble que le point le plus fort de ce rapport est son titre: «Enseignements à tirer de l’affaire des "Panama Papers" pour assurer la justice sociale et fiscale», mais aussi, me semble-t-il, la justice politique et internationale.

Mon intervention se concentrera sur trois points. Premièrement, la fin progressive de l’époque du secret. Les cas de WikiLeaks et de Snowden, ou encore l’affaire des «Panama Papers» montrent que les mondes de la diplomatie, de la politique et des affaires commerciales sont de plus en plus ouverts et transparents. À cet égard, l’affaire des «Panama Papers» n’est pas seulement un cas concret: c’est également, à mes yeux, un symbole du changement. Les citoyens des différents pays démocratiques ne sont plus prêts à vivre dans la méconnaissance ou l’ignorance. Les citoyens veulent en savoir plus sur les relations entre la politique et le big business. Il est certain que les collaborateurs des institutions diplomatiques, publiques et financières sont prêts à dévoiler à la population les secrets de l’institution qui les emploie. Cela témoigne de l’émergence d’une nouvelle mentalité – c’est ce que j’appelle la fin progressive de l’époque du secret. L’affaire des «Panama Papers» en est le premier signe et non le dernier.

Deuxièmement, des relations existent entre la finance dans les zones offshore et les conflits militaires régionaux. Par exemple, dans le cadre de l’affaire des «Panama Papers», on a révélé au monde entier la liste des propriétés et des ressources financières immenses de la famille du Président de l’Azerbaïdjan, gérées par la société panaméenne Mossack Fonseca. Or cela fait 20 ans que l’Azerbaïdjan raconte au monde entier l’histoire de réfugiés n’ayant pas de toit et de maison. L’Arménie, de son côté, dont le budget global est équivalent au seul budget de l’armée de l’Azerbaïdjan, a résolu le problème de ses 500 000 réfugiés. Où se trouve donc l’argent des Azerbaïdjanais? Dans les zones offshore. L’Azerbaïdjan finance par de l’argent gris la participation de ressortissants d’autres pays à l’agression contre le Haut-Karabakh, ou encore ce que l’on appelle la diplomatie du caviar, sans oublier l’affaire Safarov – entre autres.

Troisièmement – même si ce point peut prêter à discussion, je pense qu’il faut commencer à y réfléchir –, le fait pour tel ou tel homme politique ou haut fonctionnaire d’avoir reçu des fonds en provenance de zones offshore doit avoir des conséquences sur la suite de sa carrière, dans des conditions déterminées par la loi.

M. KIRAL (Ukraine)* – «Panama Papers», «Bahamas Leaks»… Bientôt, nous aurons aussi les «Swiss Papers», les «Deutsch Papers» – que sais-je encore. Monsieur Schennach, vous allez peut-être continuer à avoir du travail. Selon moi, c’est même une question de temps et non de probabilité avant que nous voyions surgir un nouveau Snowden ou avant qu’un autre administrateur de système ait accès à de nouvelles données. Il existe des dizaines de paradis fiscaux où des responsables politiques corrompus, mais également des hommes d’affaires respectés dissimulent leur argent afin de ne pas payer leurs impôts. De même, des dizaines de pays déversent des milliards dans les paradis fiscaux.

C’est l’avidité qui explique ce comportement. Si les hommes politiques dissimulent dans ces paradis fiscaux le fruit de la corruption, certains entrepreneurs le font pour créer de l’emploi. Les motivations sont différentes mais le résultat est le même: des milliards de dollars sortent de pays dont les capacités institutionnelles sont souvent faibles, qui souffrent de problèmes économiques considérables et subissent des contraintes fortes en matière sociale. Ceux qui acceptent ces fonds doivent accepter leur part de responsabilité.

Le problème comporte deux volets: pourquoi permettons-nous à ces paradis fiscaux d’exister et comment pouvons-nous protéger l’argent public, pour éviter qu’il ne fuie vers des pays où les contrôles sont insuffisants? Qu’en est-il de nos propres pays? Nos gouvernements sont-ils suffisamment efficaces, rendent-ils des comptes, travaillent-ils suffisamment pour réformer la fiscalité et renforcer les moyens de répression, participent-ils aux organismes supranationaux tels que le Gafi qui a mis en place le programme Moneyval, entre autres instruments? Et, si nous sommes parties à de tels programmes, comme c’est le cas de mon propre pays, l’Ukraine, à quelle fréquence utilisons-nous tous ces instruments qui, bien souvent, ne sont pas contraignants?

Aucune résolution ne pourra changer la situation tant que les politiques que nous sommes, et cela des deux côtés – du côté des pays qui reçoivent les fonds et de ceux dont ils proviennent –, nous ne nous acquittons pas de la fonction de contrôle qui nous incombe. Nous devons tous apporter notre appui aux journalistes d’investigation, aux spécialistes et aux ONG, leur donner la possibilité de travailler et veiller à ce que leur travail mène au résultat attendu, à savoir des poursuites pénales. Je remercie donc le rapporteur et lance un appel à nous tous, ici présents, pour que nous fassions nous aussi notre travail.

LE PRÉSIDENT* – Mme Maij, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – J’aimerais, après, avoir remercié M. Schennach pour son rapport extrêmement important, insister sur certaines caractéristiques de la société norvégienne.

La valeur clé du modèle norvégien est que chacun doit contribuer à la société en fonction de ses capacités et, en retour, reçoit en fonction de ses besoins: crèche, éducation, santé, retraite, indemnisation de l’incapacité, assurance chômage, congé maladie ou encore garantie d’un travail décent – pour ne citer que quelques éléments. Ce système fonctionne et les disparités de revenus sont relativement limitées. Bien sûr notre système n’est pas parfait, mais il est difficile d’en trouver un qui le soit. À travers l’éducation pour tous, nous disposons d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, ce qui est essentiel dans notre monde globalisé.

Mais ce qui est encore plus important, c’est que cette société où le bien-être est assuré à tous est la base de la confiance de la population – c’est là une condition sine qua non pour les démocraties et leur capacité à résoudre les problèmes qui se posent à nous, tels que la crise des réfugiés et la lutte contre le discours de haine et la radicalisation.

Les évasions fiscales à grande échelle et le blanchiment d’argent que révèlent les «Panama Papers» sont des exemples de cupidité écœurante et de criminalité.

Au niveau international, la croissance mondiale pourrait sauver des millions de personnes de la pauvreté. Il est donc scandaleux de voir que, dans certains pays en développement, les flux financiers illicites et la fraude fiscale empêchent les investissements et sapent la croissance au détriment de millions de personnes pauvres.

J’ai le plaisir de dire que les pays nordiques ont réussi à inscrire la question des flux financiers illicites à l’agenda de la Banque mondiale. En 2014, la Norvège a été le premier Etat européen à introduire l’exigence de rapports pays par pays des industries d’extraction. Nous demandons à ce que cela soit étendu à d’autres secteurs.

En 2011, nous n’étions pas loin de ratifier la Convention de Varsovie, mais nous ne l’avons toujours pas fait. Il faut le faire, et nous nous félicitons des recommandations figurant dans le rapport.

LE PRÉSIDENT* – M. Hunko, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. DAVIES (Canada, observateur)* – J’ai l’honneur de m’exprimer sur ce sujet de la justice fiscale et sociale, et de la confiance de la population dans notre système démocratique. Les «Panama Papers» nous ont tous alarmés. Ils ont démontré combien nous devions rester vigilants pour améliorer l’intégrité de nos systèmes fiscaux.

Les sociétés démocratiques se fondent sur un contrat social: les citoyens sont prêts à payer des impôts pour que l’Etat assure des services de base tels que l’éducation, la santé, la stabilité, la sécurité et garantisse une bonne qualité de vie. Mais la volonté des citoyens de payer leurs impôts pleinement et dans les temps ne se fonde pas uniquement sur l’efficacité des Etats à fournir des services publics, mais également sur l’équité du système, c’est-à-dire sur le fait que chacun paie sa part des impôts. Cela ne signifie pas que tout le monde doive payer la même chose et que le taux d’imposition doive être le même pour tous. Ceux qui paient le plus d’impôt sont ceux qui ont la possibilité de le faire parce qu’ils gagnent le plus d’argent. C’est la raison pour laquelle nous avons, au Canada, un système d’imposition graduel.

Nous comptons sur les contribuables pour déclarer leurs revenus et payer les impôts qui en découlent. Lorsque des individus ou des entreprises ne le font pas, s’ils ont des comptes offshore dans des paradis fiscaux, c’est l’intégrité même du système qui s’en trouve entamée. Si nous ne luttons pas contre cela, les citoyens auront de moins en moins la volonté de payer leurs impôts intégralement et dans les temps, et les services publics s’en trouveront compromis. Des marchés noirs et des économies souterraines pourraient apparaître, et faire de grands dégâts.

Or on constate aujourd’hui que de plus en plus de citoyens et d’entreprises ont des plans de transfert dans des paradis fiscaux. Au Canada, ces transferts représentent 270 milliards de dollars. Ce sont autant de dollars perdus pour l’Etat, qui pourraient être utilisés pour construire des crèches, améliorer les services de santé ou réduire la pauvreté.

Il est donc temps de mettre un terme à ce secret et d’en finir avec l’évasion et la fraude fiscales. Nous devons imposer des sanctions aux paradis fiscaux. Il est temps que tous les pays s’engagent à mettre en place des audits afin de mettre un terme à l’évasion fiscale. La démocratie et le contrat social l’exigent.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – L’un des sujets qui a suscité le plus large débat en 2016 aura été l’affaire des «Panama Papers». Plus de 200 personnes connues de plus de 50 pays différents ont été citées. Nous le savons, la transparence n’existera que si nous parvenons à améliorer l’assistance mutuelle et la coopération entre tous les pays, y compris entre les Etats membres de notre Organisation. Les «Panama Papers» nous ont également enseigné qu’il est nécessaire de conjuguer nos efforts contre la criminalité et de renforcer la pression internationale.

La récupération politique de l’affaire des «Panama Papers» a été multiple, notamment par l’Arménie, comme nous avons pu le constater ici, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée parlementaire, où le représentant de l’Arménie a tenu des propos diffamatoires. Cela poursuit certainement un objectif.

L’Arménie sait quels sont ses torts et combien de ses ressortissants ont des comptes offshore, notamment le major-général Mihran Poghosyan. Les médias et la presse écrite arméniens devraient également se sentir coupables. L’Arménie souffre d’une vie économique difficile et, chaque année, des milliers de personnes quittent leur patrie dans l’espoir d’une vie meilleure. L’inflation ne cesse d’augmenter et le pays approche tout doucement de l’asphyxie, mais des centaines de millions sont dépensés pour l’achat d’armements. D’où cela vient-il?

Cet argent sale arrive des territoires non contrôlés occupés. Des millions proviennent également du trafic de stupéfiants, permettant d’acheter des armes. Beaucoup d’argent finit dans les poches des criminels qui travaillent au sein des institutions arméniennes.

Il est important d’élucider tous ces cas. Ignorer la triste réalité des «Armenian Papers» est quasiment un crime en soi. Les forces progressistes arméniennes protestent et ont protesté dans la rue. Quand entendrons-nous la voix du Conseil de l’Europe pour dénoncer les «Armenian Papers», bien pires que les «Panama Papers»?

M. MELKUMYAN (Arménie)* – Je dois avouer que l’intervention de M. Huseynov me semble extrêmement étrange.

Sans doute le phénomène en question n’est-il pas nouveau, mais il atteint aujourd’hui un niveau menaçant par ses volumes, tandis que la lutte contre ce fléau est, il faut le reconnaître, insuffisante. Mais souvent, nous sommes témoins d’une complicité évidente. Ces phénomènes se manifestent de diverses manières et, tout d’abord, sous la forme de sociétés offshore. Mais on remarque également aujourd’hui la mise en œuvre de nouveaux outils électroniques, bancaires et autres. À mon avis, la communauté internationale et les différents gouvernements doivent joindre leurs efforts pour résoudre ces problèmes.

Cependant, cela relève parfois de l’impossible car, dans certains pays – en Azerbaïdjan, par exemple, ce sont les chefs d’Etat eux-mêmes qui contribuent à ces pratiques illicites et qui déclenchent, ensuite, des guerres pour les cacher, comme en témoigne la guerre engagée entre les 2 et 5 avril 2016 sur toute la ligne frontière entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh. Maintenant que le président d’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, a pérennisé son statut de président par le biais du dernier référendum, dites-moi si c’est ainsi que l’on parviendra à créer un Etat de droit démocratique dans une région de conflit. Bien évidemment, non! Voilà pourquoi, chers collègues, nous devons regarder de plus près ce phénomène.

Les «Panama Papers» comportent tout un chapitre consacré à la famille du Président de l’Azerbaïdjan, expliquant le système compliqué des sociétés offshore de ses membres. Ces documents montrent comment le ministre des Finances de l’Azerbaïdjan, M. Fazil Mamedov, a créé le conglomérat Ataholding, qui a ensuite inclus la famille Aliev. Ataholding possède des intérêts dans le secteur bancaire, les mines, les télécommunications, les industries de construction, le gaz et le pétrole du pays qui est très riche en ressources naturelles.

Par l’intermédiaire de la firme Mossack Fonseca, M. Mamedov a créé deux sociétés: FM Management Holding Group et Universe Foundation. La seconde contrôlant la première, et l’une de ses gestionnaires était Mehriban Alieva, l’épouse du président d’Azerbaïdjan. Quant à FM Management Holding, elle possédait une société au Royaume-Uni, et 51% de ses actions appartiennent à Ataholding.

Selon les «Panama Papers» et le «Projet de rapport sur le crime organisé et la corruption», le président Aliev a transféré le droit d’exploitation de six mines d’or situées en Azerbaïdjan à quelques sociétés, parmi lesquelles deux sociétés offshore, appartenant à ses filles Arzou et Leyla.

LE PRÉSIDENT* – Je demande aux prochains orateurs de bien vouloir limiter leurs interventions, afin de permettre au plus grand nombre des inscrits de prendre la parole.

Mme HUOVINEN (Finlande)* – Je remercie le rapporteur pour son important travail. Je ne puis m’empêcher de me demander s’il faudra toujours qu’il y ait un scandale, des fuites ou des révélations pour que nous discutions de questions aussi importantes. Nombre d’aspects sont soulignés dans le rapport, et je me félicite que ce document dise clairement que les «Panama Papers» ont entamé la confiance des populations dans le fonctionnement du système économique, comme dans les responsables des sociétés concernées.

Lorsque la Finlande a été industrialisée, au début des années 1900, les directeurs d’usine ont eu à cœur d’assurer les meilleures conditions de vie à leurs ouvriers – en construisant des églises et des stades, par exemple. Aujourd’hui, on a le sentiment que la plupart des dirigeants ne pensent qu’aux dividendes et aux bonus. Je me demande ce qu’il est advenu de notre responsabilité sociale. Derrière les entreprises qui réussissent, il ne faut pas oublier les pays où elles se sont implantées, qui leur ont souvent beaucoup apporté en investissant en matière d’éducation, d’Etat providence et de soutien financier. C’est pourquoi la transparence relative aux impôts payés par ces sociétés est essentielle.

Aujourd’hui, d’après l’OCDE, 10 % de la population mondiale contrôlent 90 % de la richesse mondiale et selon l’Oxfam, 62 personnes – je parle bien de 62 individus – possèdent autant que la moitié de la population mondiale, et leur richesse ne fait que s’accroître. Comment est-il possible que ces personnes cachent encore leur argent pour éviter de payer des impôts, empêchant ainsi d’autres de profiter de ce que la société leur a offert pour leur permettre d’atteindre ce niveau de richesse?

Je partage les conclusions du rapport. Je pense que nous devons travailler avec les administrations fiscales afin de poursuivre devant les tribunaux ceux qui commettent des actes relevant de la criminalité. Les experts en évasion fiscale sont souvent recherchés par les chasseurs de tête. Heureusement, nous constatons aujourd’hui une réaction générale conduisant à ce que nombre de législations entreprennent de lutter contre l’évasion fiscale. Afin de soutenir ce mouvement, nous devons continuer à parler de ce sujet sans attendre qu’éclatent de nouveaux scandales.

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – Chers collègues, je veux tout d’abord féliciter le rapporteur pour son excellent travail. En avril dernier, j’avais suggéré qu’une enquête parlementaire guide nos travaux. Aujourd’hui, j’exprime le souhait que l’affaire des «Panama Papers», dont nous traitons aujourd’hui, dissuade les personnes et les sociétés de placer leur argent offshore.

Nous avons exprimé notre préoccupation devant l’ampleur du phénomène dans notre société moderne, un phénomène impliquant des sociétés connues et des personnalités publiques censées être des exemples. L’Assemblée considère que le plus haut niveau d’éthique en politique et dans le monde des affaires est essentiel pour soutenir nos systèmes économiques et démocratiques.

Il y a quelques mois, le monde a été choqué par l’affaire des «Panama Papers», dans laquelle le nom du président de l’Azerbaïdjan et sa famille – sa femme, ses filles, sa sœur, etc. – apparaissaient en bonne place. Des milliards de dollars contrôlés par cette famille ont été dépensés pour acheter des armes au lieu de servir à de vraies réformes de démocratisation. Alors que son épouse mène une vie oisive et dilapide à elle seule des sommes que personne ne parviendrait à dépenser en dix générations, le président Aliev a modifié la Constitution pour s’arroger des pouvoirs illimités et proroger son mandat, assurant ainsi sa présence à la tête de l’Etat pendant de nombreuses années, ce qui a été condamné par la Commission de Venise. J’ai dit et je répéterai à l’envi que l’Azerbaïdjan est un pays de feu, de guerre, d’horreur et de crime.

Aujourd’hui nous avons appris que des élus corrompus représentent une menace pour l’Etat de droit, mais aussi le droit à la vie. Le consortium international des journalistes d’investigation a effectué un excellent travail. Des mesures utiles ont été prises dans nombre de pays. J’aimerais informer mes collègues azéris que, lorsque le scandale a éclaté, Mihran Poghosyan, qui dirigeait le service du ministère de la Justice, a présenté sa démission.

Il est important que des mesures adéquates soient mises en oeuvre dans tous les pays ou à défaut, qu’il ne soit pris aucune mesure constitutionnelle facilitant la vie des fraudeurs. Dans le projet de résolution, nous pouvons lire que l’Assemblée reconnaît la nécessité de rétablir la confiance des citoyens dans le système démocratique européen. Au sein de l’Assemblée parlementaire, nous devons être unis pour lutter contre la corruption et la spéculation financière. Tout ce dont nous avons besoin, c’est de confiance, et c’est l’enseignement le plus important à tirer de cette affaire.

Mme GOSSELIN-FLEURY (France) – Le 8 février 1893, Jean Jaurès, député français, dénonçait déjà en ces termes la corruption à l’occasion du scandale de Panama: «Ce n’est pas là un étroit procès instruit contre quelques hommes entre les murs étroits d’un prétoire; c’est le procès de l’ordre social finissant qui est commencé et nous sommes ici pour y substituer un ordre plus juste». Ces paroles prennent un sens tout particulier quand on pense à ce que l’affaire des «Panama Papers» a montré quant au manque de transparence et de justice fiscale en Europe, mais également dans le monde.

Sans transparence, il n’y a pas de démocratie moderne. Dans ce domaine, même les vieilles démocraties comme la France ont encore des progrès à accomplir. La crise de confiance des citoyens dans leurs institutions et, plus largement, dans l’ordre social établi – économique ou politique – en est la conséquence la plus dramatique, car elle ouvre la porte aux populismes et aux extrémismes.

En France, depuis 2013, nous essayons de réformer nos pratiques afin de lutter contre l’évasion fiscale et la corruption. Cela n’est pas simple, mais les contrôles mis en place donnent des résultats. Nous avons ainsi adopté des mesures relatives au reporting, au contrôle des marchés financiers, et créé une agence anti-corruption qui lutte contre ce fléau sur notre territoire et au-delà. Le 28 septembre dernier, nous avons adopté un amendement permettant une compétence universelle de la France pour poursuivre les fraudeurs, y compris à l’étranger.

Cette mesure sera particulièrement efficace pour atteindre les entités du numérique, souvent dépourvues de filiales françaises.

Pour ma part, je suis persuadée qu’une justice fiscale ne peut être réellement efficace que si chaque citoyen prend conscience que l’impôt, loin d’être une punition, est au cœur du pacte démocratique. Sans impôt, pas de liberté de choix pour un pays; sans impôt pas d’égalité car, dans beaucoup de pays, le droit à l’éducation ou à la santé ne peuvent être garantis que par des services publics efficaces et dotés de moyens; sans impôt, enfin, pas de fraternité ni de solidarité envers les plus démunis.

Cette justice fiscale est complexe car, comme vous le soulignez dans votre rapport, rien ne peut réussir sans une vraie collaboration internationale, par exemple sur les échanges de données bancaires. La convention de l’OCDE est, en la matière, un modèle et nous devons agir pour qu’elle soit signée par tous nos gouvernements.

Les leçons des «Panama Papers» ne sont pas seulement économiques, elles sont aussi un défi pour nos démocraties et pour nos valeurs.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Les «Panama Papers» viennent renforcer l’indignation du public qui couvait depuis de nombreuses années. Les citoyens ne peuvent plus tolérer des systèmes juridiques qui permettent aux plus riches d’éviter de payer leurs impôts sur des profits mal acquis, qu’ils peuvent ainsi dissimuler. D’autres payent leurs impôts alors que leurs revenus stagnent ou baissent. Les citoyens européens sont de plus en plus suspicieux à l’encontre de l’élite politique et économique. Nous devons prendre des mesures afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale au niveau international.

L’histoire des paradis fiscaux est aussi ancienne que la fiscalité européenne. Certains pays européens étaient parmi les premiers à introduire le concept des holdings. Le Panama est un des plus anciens paradis fiscaux du monde, prospérant à la fin du siècle dernier grâce au commerce de cocaïne. Le Panama a facilité le blanchiment d’argent pour les barons de la drogue latino-américains, en leur proposant toutes sortes de service financiers.

Il n’existe toujours pas de définition précise des paradis fiscaux. Le FMI a défini leurs caractéristiques, tels que l’orientation des activités, l’accent mis sur les non-résidents et un environnement réglementaire favorable. Nous devons veiller à ce que les banques et les institutions financières fassent preuve de la plus grande vigilance face à ces affaires extrêmement complexes au niveau international et vis-à-vis des clients potentiellement à haut risque. Nous devons appuyer avec fermeté le maintien d’une base juridique solide. Nous devons également condamner fermement les paradis fiscaux. Nous devons les empêcher d’agir. Voilà notre objectif principal. Ils sapent la confiance des populations dans la démocratie et menacent les valeurs fondamentales de la société européenne, y compris la justice sociale.

D’après ce bon rapport, la lutte contre l’évasion fiscale ne nécessite pas nécessairement de nouvelles normes juridiques ou techniques. Nous devons surtout veiller à ce que les normes existantes soient mises en œuvre de façon efficace.

M. DOWNE (Canada, observateur)* – Comme l’a souligné le rapport, il s’agit bien ici de justice. C’est la question qui nous tient à cœur au Canada. Notre agence chargée de la collecte des impôts n’a pas de ressources suffisantes pour lutter contre ce problème croissant.

Vous verrez sur notre site toute une série de condamnations iinfligées à des artisans, des pêcheurs, des salariés, qui ont cherché à échapper à l’impôt au Canada. Mais vous ne verrez pas une seule condamnation pour évasion fiscale en dehors du Canada, alors que les «Panama Papers» ont choqué beaucoup de Canadiens. Le premier cas a été repéré il y a neuf ans, dans un pays où 102 Canadiens détenaient des comptes en banque contenant plus de 100 millions de dollars. Huit ans plus tard, le fisc canadien a calculé que plus de 20 millions de dollars étaient dus à l’économie au titre de cette fraude fiscale. Aucune de ces personnes n’a jamais été inquiétée ou condamnée. Cette injustice préoccupe et fâche beaucoup de Canadiens. Pourquoi les uns paieraient-ils des impôts, alors que les autres peuvent, en toute impunité, cacher leur argent à l’étranger ? Il y a sept ans, un autre cas est apparu. Une fuite d’informations venant d’une autre banque où plusieurs centaines de Canadiens détenaient des comptes n’a entrainé aucune inculpation ni condamnation.

Non seulement le fisc n’a pas les ressources nécessaires, mais il ne s’intéresse que peu à la différence entre ce qu’il devrait collecter et sa collecte effective. Mais nous avons une bonne nouvelle: dans le dernier budget, 144 millions de dollars ont été votés pour recruter des comptables supplémentaires pour estimer ce différentiel.

Ce rapport est important pour nous. Nous ne pouvons agir seuls, nous avons besoin d’un échange d’informations au niveau international, de sanctions et de toutes les recommandations contenues dans le rapport, qui, je l’espère sera adopté et mis en œuvre rapidement.

LE PRÉSIDENT* – Mme Kerestecioğlu Demir, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. WELLS (Canada, observateur)* – Le Canada s’est engagé à mettre en œuvre un plan d’action afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales à l’échelle internationale et nationale. Je partage le point de vue de mon compatriote M. Downe. Nos efforts incluent le renforcement des exigences de reporting et de coopération avec la communauté internationale.

En 2013, pour suivre les entrées et sorties de fonds, le Gouvernement fédéral a introduit des mesures demandant aux institutions financières et à d’autres entités de signaler au fisc les transferts électroniques de fonds de plus de 10 000 dollars. Il a aussi introduit le programme sur les informateurs fiscaux offshore, qui offre une récompense pour toute information sur les cas de fraude majeure.

Le Canada a aussi mis en place un programme volontaire de divulgation. Les contribuables canadiens peuvent signaler des revenus qu’ils auraient omis de déclarer, à condition qu’ils le fassent avant que le fisc canadien ne les interroge.

Le Canada a signé 92 accords bilatéraux en matière fiscale, dans le but d’éviter la double imposition et de lutter contre la fraude fiscale. Nous avons également signé 22 accords d’échanges d’informations en matière fiscale sur demande, dits EOIR. Plus de 100 juridictions, dont le Canada, se sont engagées à mettre en œuvre les normes communes de déclaration et de diligence raisonnable (NCD), dans un calendrier permettant l’échange automatique d’informations d’ici 2018. Le Canada le fera d’ici juillet 2017.

Le Canada a annoncé des plans visant à mettre en œuvre les normes minimales, dans le cadre d’un projet conjoint du G20 et de l’OCDE, relatif à l’érosion de la base d’imposition et aux transferts de bénéfices, phénomène constaté à l’échelle internationale. Ces normes visent à ne pas encourager les entreprises à réduire leurs impôts de façon inappropriée par des transferts de bénéfices dans des juridictions à faible fiscalité.

Le Canada entend mettre en œuvre les mesures de suivi par pays et veiller au développement des échanges d’informations. Le Canada continuera à agir à l’échelle nationale et internationale pour réduire la fraude et l’évasion fiscales afin d’améliorer la justice sociale et de restaurer la confiance dans nos systèmes démocratiques.

M. JÓNASSON (Islande)* – Je veux tout d’abord féliciter le rapporteur, M. Schennach, pour son rapport, son initiative et son travail. J’appuie la résolution proposée sur la transparence, la défense des donneurs d’alerte et les échanges internationaux d’enquêtes, ainsi que sur l’harmonisation de la législation fiscale et l’accès aux renseignements fiscaux.

Le rapport contient de nombreuses préconisations d’un grand intérêt. Il n’est pas nécessaire de se rendre au Panama ou aux Bahamas pour être confronté au secret bancaire. Restons en Europe avec Gibraltar et la City à Londres, pour ne citer que ces seuls exemples.

Ces sujets suscitent des interrogations morales et économiques et posent la question de la pérennité de l’Etat providence et de son financement.

En Islande, des élections législatives anticipées avaient été prévues au printemps dernier mais, à la suite des révélations des «Panama Papers», on a découvert que des hommes politiques de premier plan avaient ouvert des comptes dans les paradis fiscaux. Cela a provoqué des manifestations dans les rues, la démission du Premier ministre et le report des élections, tant il est vrai que les populations éprouvent une certaine méfiance depuis qu’elles sont informées.

Nous devons remercier M. Schennach d’avoir maintenu le débat sur ce sujet et de nous permettre d’adopter un projet de résolution de nature à préserver notre Etat providence.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est close.

Monsieur Schennach, vous disposez de quatre minutes pour leur répondre.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je vous remercie, chers collègues, des félicitations que vous m’avez adressées, de vos commentaires et critiques. Je ne pourrai pas répondre à l’ensemble des orateurs, mais m’efforcerai de répondre sur l’essentiel.

Madame Günay, vous avez déclaré que peu importait que l’argent ait été gagné légalement ou illégalement dès lors qu’il a été placé dans des paradis fiscaux au détriment des intérêts de la société et de l’Etat. Afin de contrer de telles pratiques, l’OCDE, les Nations Unies, le Conseil de l’Europe, le Fonds monétaire internationale, l’ensemble de ces organismes ont créé des mécanismes.

Monsieur Omtzig, le rapport indique que le G8, le G20 et l’Union européenne ont souligné la nécessité d’avoir des enquêtes financières plus poussées, plus de ressources, plus de juges, plus de procureurs, plus de forces de police et des organisations indépendantes sur le plan politique, un registre central et d’autres moyens d’investigation, des objectifs que l’ensemble des Etats ont approuvés.

Il ne s’agit pas de faire comme si de rien n’était. Je pense l’avoir montré: le rapport cite des sociétés et leur siège. Une liste de banques européennes ayant participé à des opérations délictueuses a également été dressée. Oui, il faudra également balayer devant nos portes! Oui, il est nécessaire de poursuivre les efforts, taxer l’argent à la source, fiscaliser là où il y a production de biens ou prestations de services. Ce serait juste et équitable.

Mesdames, Messieurs, chers amis, je proposerai quelque chose d’un peu inhabituel. À la lumière de ce débat, je reviendrai sur mes propos et je vous demanderai de voter l’amendement 2. J’y suis incité par une explication fournie en séance plénière, que nous n’avons pas entendue au cours des travaux de commission, à savoir que les accords bilatéraux resteraient en place tant que les accords multilatéraux ne seraient pas effectifs. C’est pourquoi je vous invite à approuver cet amendement.

Je remercie le Bureau de la commission, le secrétariat qui a réalisé un travail remarquable. Nous disposons de nombreuses informations. Si vous me soutenez en votant ce projet de résolution, nous pourrons alors avancer dans notre travail sur un sujet essentiel, puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, de rétablir la confiance des citoyens, de sauver nos économies, notre protection sociale et nos systèmes éducatifs. Nos citoyens savent pourquoi ils payent des impôts, mais ne comprennent pas pourquoi les plus riches n’en paieraient pas.

J’ajoute que les personnes politiquement exposées feront l’objet d’un contrôle cinq ans après expiration de leur mandat. Nous avons mentionné le cas d’un commissaire européen. L’Union européenne, elle aussi, devra intervenir pour traiter des conflits d’intérêts.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je remercie tout d’abord notre rapporteur, M. Schennach pour son travail sur ce rapport à la fois opportun et complet.

Le texte est complexe qui fait état des liens entre l’économie, la politique et l’Etat providence. Il évoque la transparence en politique. À la lecture du rapport, nous comprenons l’urgence absolue de faire face aux problèmes de l’injustice sociale et fiscale.

La commission a voté à l’unanimité le projet de résolution et soutenu un grand nombre d’amendements présentés par les autres commissions. Le résultat dépasse toutes nos attentes. Je vous invite à soutenir ce projet de résolution, essentiel pour restaurer la confiance dans les pouvoirs publics.

Merci enfin aux membres du secrétariat pour l’immense travail réalisé.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de résolution sur lequel 15 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 8, 10, 11, 1, 3, 4, 5, 6, 7, 14 et 15, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Mes chers collègues, je vous informe que les amendements 12 et 13 étant respectivement identiques aux amendements 1 et 7, ils sont également considérés comme adoptés à l’unanimité.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Les amendements 8, 10, 11, 1, 3, 4, 5, 6, 7, 14, 15, 12 et 13 sont déclarés définitivement adoptés.

Je suis saisi de l’amendement 9.

M. van de VEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Cet amendement reflète notre position.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je suis contre cet amendement, car il parle de personnalités publiques. Mais quelle est la différence entre un homme politique et une personnalité publique? Il me semble que ce qui est contenu dans le rapport est suffisant.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission a émis un avis défavorable à cet amendement par 32 voix contre 1.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je voudrais intervenir avant même que le rapporteur pour avis ne défende cet amendement pour indiquer de nouveau que j’ai changé d’avis et demander à l’Assemblée de voter en faveur de cet amendement. Comme je viens de vous le dire, je ne détenais pas, ce matin, toutes les informations, et il est évident que nous avons besoin d’un accord multilatéral et non pas d’accords bilatéraux.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission* – La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement par 26 voix contre 1.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14141, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (47 voix pour, 4 voix contre et 2 abstentions).

7. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 25.

SOMMAIRE

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan
et de «L’ex-République yougoslave de Macédoine» (suite)

2. Pouvoirs de la délégation de Serbie

3. Communication du Comité des Ministres

M. Ligi, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Président du Comité des Ministres

Questions: M. Fischer, Mmes Blondin, Pashayeva, Earl of Dundee, MM. Hunko, Fournier, Rafael Huseynov, Omtzigt, Mme Bartos, MM. Billström, O’Reilly, Geraint Davies

4. Droits de l’enfant liés à la maternité de substitution

Présentation par Mme De Sutter, du rapport de la commission des questions sociales

Orateurs: Mme Rodriguez Hernández, Sir Jeffrey Donaldson, MM. Geraint Davies, Jónasson, Mmes Centemero, Bonet, MM. Ardelean, Ghiletchi, Mme Maury Pasquier, M. Reiss, Mmes Bartos, Le Dain, M. Wilk, Le Déaut, Mme Magradze, M. Gyöngyösi, Mmes Pecková, Maij, M. Eẞl, Mme Santerini, M. Mullen, Baroness Massey, MM. Gunnarsson, Pozzo di Borgo, Lord Foulkes, Mmes Grecea, Åberg, MM. De Bruyn, Unhurian, Mmes Roseta, Strik, M. Van der Maelen, Mme Cimbro

Réponses de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de recommandation

5. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» (Résultats des scrutins)

6. Enseignements à tirer de l’affaire des «Panama Papers» pour assurer la justice sociale et fiscale

Présentation par M. Schennach, du rapport de la commission des affaires sociales (Doc. 14141 et Addendum)

Présentation par M. Van der Maelen, du rapport de la commission des questions politiques, saisie pour avis (Doc. 14156)

Présentation par M. van de Ven, du rapport de la commission des questions juridiques, saisie pour avis

Orateurs: MM. Günay, Loucaides, Omtzigt, Mme Rodriguez Ramos, M. Bildarratz, Mme Zimmermann, M. Wilson, Lord Foulkes, MM. Shahgeldyan, Kiral, Mme Christoffersen, MM. Don Davies, Rafael Huseynov, Melkumyan, Mmes Huovinen, Karapetyan, Gosselin-Fleury, Anttila, MM. Downe, Wells, Jónasson

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution amendé

7. Prochaine séance publique

Appendix/Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement Les noms des titulaires remplacés figurent (entre parenthèses) après les noms des membres participants.

ÅBERG, Boriana [Ms] (GHASEMI, Tina [Ms])

ALIU, Imer [Mr] (MEHMETI DEVAJA, Ermira [Ms])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARDELEAN, Ben-Oni [Mr]

BARILARO, Christian [M.] (ALLAVENA, Jean-Charles [M.])

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BAYKAL, Deniz [Mr]

BERGAMINI, Deborah [Ms]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BILLSTRÖM, Tobias [Mr]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRUYN, Piet De [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

CATALFO, Nunzia [Ms]

CENTEMERO, Elena [Ms]

ČERNOCH, Marek [Mr] (MARKOVÁ, Soňa [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CIMBRO, Eleonora [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

CIMOSZEWICZ, Tomasz [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

CROZON, Pascale [Mme] (BAPT, Gérard [M.])

DAEMS, Hendrik [Mr] (MAHOUX, Philippe [M.])

DAVIES, Geraint [Mr]

DEBONO GRECH, Joseph [Mr]

DESKOSKA, Renata [Ms]

DI STEFANO, Manlio [Mr]

DİŞLİ, Şaban [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DJUROVIĆ, Aleksandra [Ms]

DOKLE, Namik [M.]

DONALDSON, Jeffrey [Sir]

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ]

DURRIEU, Josette [Mme]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]

EẞL, Franz Leonhard [Mr]

EVANS, Nigel [Mr]

FARMANYAN, Samvel [Mr]

FAZZONE, Claudio [Mr] (BERNINI, Anna Maria [Ms])

FEIST, Thomas [Mr] (WELLMANN, Karl-Georg [Mr])

FIALA, Doris [Mme]

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms]

FISCHER, Axel E. [Mr]

FISCHEROVÁ, Jana [Ms] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

FOULKES, George [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRÉCON, Jean-Claude [M.] (LE BORGN’, Pierre-Yves [M.])

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAMBARO, Adele [Ms]

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOPP, Rainer [Mr]

GOSSELIN-FLEURY, Geneviève [Mme] (ALLAIN, Brigitte [Mme])

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme]

GRECEA, Maria [Ms] (STROE, Ionuț-Marian [Mr])

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

GYÖNGYÖSI, Márton [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HANŽEK, Matjaž [Mr] (KORENJAK KRAMAR, Ksenija [Ms])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (VEJKEY, Imre [Mr])

HOPKINS, Maura [Ms]

HÜBINGER, Anette [Ms]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUOVINEN, Susanna [Ms] (KALMARI, Anne [Ms])

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

HUSEYNOV, Vusal [Mr] (MAMMADOV, Muslum [M.])

JAKAVONIS, Gediminas [M.]

JENSEN, Mogens [Mr]

JOHNSEN, Kristin Ørmen [Ms] (JENSSEN, Frank J. [Mr])

JÓNASSON, Ögmundur [Mr]

JONICA, Snežana [Ms] (TUPONJA, Goran [Mr])

JORDANA, Carles [M.]

JOVANOVIĆ, Jovan [Mr]

KARAPETYAN, Naira [Ms] (ZOURABIAN, Levon [Mr])

KARLSSON, Niklas [Mr]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KOÇ, Haluk [Mr]

KÖCK, Eduard [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KORODI, Attila [Mr]

KORUN, Alev [Ms]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LE DAIN, Anne-Yvonne [Mme] (MARIANI, Thierry [M.])

LE DÉAUT, Jean-Yves [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LESKAJ, Valentina [Ms]

LEYDEN, Terry [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUCAIDES, George [Mr]

LOZOVOY, Andriy [Mr] (VOVK, Viktor [Mr])

LUIS, Teófilo de [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MAELEN, Dirk Van der [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])

MAGRADZE, Guguli [Ms] (JAPARIDZE, Tedo [Mr])

MAIJ, Marit [Ms]

MANNINGER, Jenő [Mr] (GULYÁS, Gergely [Mr])

MARQUES, Duarte [Mr]

MARTINS, Alberto [M.]

MASSEY, Doreen [Baroness] (SHERRIFF, Paula [Ms])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MEALE, Alan [Sir]

MELKUMYAN, Mikayel [M.] (NAGHDALYAN, Hermine [Ms])

MENDES, Ana Catarina [Mme]

MIGNON, Jean-Claude [M.]

MIKKO, Marianne [Ms]

MILTENBURG, Anouchka van [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MULLEN, Rónán [Mr] (CROWE, Seán [Mr])

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICOLETTI, Michele [Mr]

NIKOLOSKI, Aleksandar [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr]

OEHRI, Judith [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]

OMTZIGT, Pieter [Mr] (OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms])

ÖNAL, Suat [Mr]

O’REILLY, Joseph [Mr]

OSUCH, Jacek [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

PACKALÉN, Tom [Mr]

PALIHOVICI, Liliana [Ms] (NEGUTA, Andrei [M.])

PALLARÉS, Judith [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PECKOVÁ, Gabriela [Ms] (KOSTŘICA, Rom [Mr])

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POSTOICO, Maria [Mme] (VORONIN, Vladimir [M.])

POZZO DI BORGO, Yves [M.] (DURANTON, Nicole [Mme])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (KAVVADIA, Ioanneta [Ms])

QUÉRÉ, Catherine [Mme] (ROCHEBLOINE, François [M.])

QUINTANILLA, Carmen [Mme]

RADOMSKI, Kerstin [Ms]

RAWERT, Mechthild [Ms] (DROBINSKI-WEIß, Elvira [Ms])

REISS, Frédéric [M.] (JACQUAT, Denis [M.])

REPS, Mailis [Ms]

RIGONI, Andrea [Mr]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme] (BATET, Meritxell [Ms])

ROSETA, Helena [Mme]

ROUQUET, René [M.]

SALMOND, Alex [Mr]

SAMMUT, Joseph [Mr] (SCHEMBRI, Deborah [Ms])

SANTANGELO, Vincenzo [Mr]

SANTERINI, Milena [Ms]

SAVCHENKO, Nadiia [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHRIJVER, Nico [Mr]

SCHWABE, Frank [Mr]

SCULLY, Paul [Mr] (GALE, Roger [Sir])

SHAHGELDYAN, Mher [M.] (ZOHRABYAN, Naira [Mme])

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SPADONI, Maria Edera [Ms] (ASCANI, Anna [Ms])

STOILOV, Yanaki [Mr]

STRIK, Tineke [Ms] (SCHNABEL, Paul [Mr])

GRECEA Maria [Ms] (STROE Ionuț-Marian [Mr])

TORNARE, Manuel [M.] (HEER, Alfred [Mr])

TORUN, Cemalettin Kani [Mr]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

UNHURIAN, Pavlo [Mr] (YEMETS Leonid [Mr])

USTA, Leyla Şahin [Ms]

UYSAL, Burhanettin [Mr] (BABAOĞLU, Mehmet [Mr])

VÁHALOVÁ, Dana [Ms]

VAREIKIS, Egidijus [Mr] (SKARDŽIUS, Arturas [Mr])

VASILI, Petrit [Mr]

VĖSAITĖ, Birutė [Ms]

VILLUMSEN, Nikolaj [Mr]

WALLINHEIMO, Sinuhe [Mr] (PELKONEN, Jaana [Ms])

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WILK, Jacek [Mr]

WILSON, Phil [Mr] (CRAUSBY, David [Mr])

XUCLÀ, Jordi [Mr]

YAŞAR, Serap [Mme]

ZELIENKOVÁ, Kristýna [Ms]

ZIMMERMANN, Marie-Jo [Mme]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Vacant Seat, Andorra/Siège vacant, Andorre (JORDANA, Carles [M.])

Vacant Seat, Croatia/Siège vacant, Croatie*

Vacant Seat,Cyprus/Siège vacant, Chypre

Also present/Egalement présents

Représentants et Suppléants non autorisés à voter/

Representatives or Substitutes not authorised to vote

BONET Sílvia Eloïsa [Ms]

CORREIA, Telmo [M.]

GJORCHEV, Vladimir [Mr]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr]

Observers/Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

DOWNE, Percy [Mr]

TILSON, David [Mr]

WELLS, David M. [Mr]

WHALEN, Nick [Mr

Partners for democracy/Partenaires pour la démocratie

ABOULFATH, Hanane [Mme]

Appendix/Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the Election of Judges to the European Court of Human Rights in respect of Azerbaijan and “the former Yugoslav Republic of Macedonia”

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Azerbaïdjan et de «l’ex-République yougoslave de Macédonia»

AMTSBERG, Luise [Ms]         A

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms] 

ARENT, Iwona [Ms] 

BARREIRO, José Manuel [Mr]/LUIS, Teófilo de [Mr]

BATET, Meritxell [Ms]/RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme]

BECK, Marieluise [Ms]/SCHMIDT, Frithjof [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme] 

BILLSTRÖM, Tobias [Mr] 

BUTLER, Dawn [Ms]/SHARMA, Virendra [Mr]

DAVIES, Geraint [Mr] 

DIVINA, Sergio [Mr] 

DJUROVIĆ, Aleksandra [Ms] 

DONALDSON, Jeffrey [Sir] 

DROBINSKI-WEIß, Elvira [Ms]/RAWERT, Mechthild [Ms]

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ] 

DURANTON, Nicole [Mme]/POZZO DI BORGO, Yves [M.]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr] 

FENECH ADAMI, Joseph [Mr] 

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme] 

GAMBARO, Adele [Ms] 

GHASEMI, Tina [Ms]/ÅBERG, Boriana [Ms]

GIRO, Francesco Maria [Mr] 

GOPP, Rainer [Mr] 

GULYÁS, Gergely [Mr]/MANNINGER, Jenő [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms] 

HALICKI, Andrzej [Mr]/OSUCH, Jacek [Mr]

HOPKINS, Maura [Ms] 

HÜBINGER, Anette [Ms] 

JÓNASSON, Ögmundur [Mr] 

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms] 

KLICH, Bogdan [Mr]/POCIEJ, Aleksander [M.]

LE DÉAUT, Jean-Yves [M.] 

LEITE RAMOS, Luís [M.] 

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr] 

LONCLE, François [M.] 

MARTINS, Alberto [M.] 

MEALE, Alan [Sir] 

MIKKO, Marianne [Ms] 

MILTENBURG, Anouchka van [Ms] 

MÜLLER, Thomas [Mr]/BÜCHEL, Roland Rino [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]/WIECHEL, Markus [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]/OMTZIGT, Pieter [Mr]

O’REILLY, Joseph [Mr] 

PRESCOTT, John [Mr]/FOULKES, George [Lord]

PRITCHARD, Mark [Mr] 

QUINTANILLA, Carmen [Mme] 

REPS, Mailis [Ms] 

RIGONI, Andrea [Mr] 

ROCHEBLOINE, François [M.]/QUÉRÉ, Catherine [Mme]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]        R

ROUQUET, René [M.] 

SCHWABE, Frank [Mr] 

SILVA, Adão [M.] 

VEN, Mart van de [Mr] 

VERCAMER, Stefaan [M.]/SUTTER, Petra De [Ms]

VILLUMSEN, Nikolaj [Mr] 

ZECH, Tobias [Mr] 

ZOHRABYAN, Naira [Mme]/SHAHGELDYAN, Mher [M.]

ZOURABIAN, Levon [Mr] /KARAPETYAN, Naira [Ms]