FR17CR12ADD1

AS (2017) CR 12
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2017

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la douzième séance

Mardi 25 avril 2017 à 10 heures

ADDENDUM 1

Le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par trois membres inscrits sur la liste des orateurs et présents en séance mais qui n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

M. THIÉRY (Belgique) – Nous avons tous pris connaissance du résultat du référendum en Turquie. Ce résultat ne plait pas à tout le monde. Il est serré mais il faut l’accepter ; c’est la règle. Par contre, la mission d’observation de l’OSCE a débouché sur un rapport préliminaire très critique sur les conditions de la tenue de ce référendum. Le référendum s’est déroulé en-deçà des normes démocratiques internationales. Il n’a pas été à la hauteur des critères du Conseil de l’Europe. Il reste manifestement beaucoup d’interrogations, mais il faudra attendre les conclusions définitives dans huit semaines avant d’agir. En Turquie, tous les recours ont été rejetés.

Les dernières déclarations incendiaires du président Erdogan à l’encontre des Pays-Bas, qu’il a comparés à une république bananière ou à des vestiges du nazisme, et de l’Allemagne, qu’il a qualifié de pays cachant et soutenant des terroristes, sont inacceptables !

Dès lors, au sein de l’Union européenne et surtout ici, au sein du Conseil de l’Europe, il est de notre devoir de suivre avec beaucoup d’attention la manière dont la Constitution turque sera modifiée, parce que si la Turquie est membre du Conseil de l’Europe, elle se doit avant tout de respecter ses valeurs et ses principes.

Quant aux négociations d’adhésion à l’Union européenne, elles sont gelées et le retour de la peine de mort est une ligne rouge en la matière : ce serait la fin du processus. Par contre, même si c’était le cas, soyons conscients qu’il faudra poursuivre le dialogue avec la Turquie en matière de migration, de sécurité ou de terrorisme.

Toutefois, nous ne devons pas oublier que nous dépendons de la Turquie pour avoir des informations sur des combattants étrangers revenant de Syrie ou d’Irak, ce qui nous permet de les appréhender dans nos pays respectifs. Il apparait dès lors comme fondamental que le dialogue reste présent et continue d’être la ligne de conduite dont nous ne devons pas dévier.

Il est vrai que l’évolution de ce pays ces derniers mois est très inquiétante. Après la Russie, il s’agit d’un régime autoritaire de plus à nos portes. L’Europe devra faire des progrès substantiels si elle veut être capable de faire face à la situation. Cela doit être notre engagement à tous.

M. LE BORGN’ (France) – Je souhaite apporter mon soutien au rapport de nos deux rapporteures sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie. Il est nécessaire en effet, au vu de la détérioration des droits et libertés dans ce pays, de rouvrir la procédure de suivi. Notre Assemblée avait condamné très fermement la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. De même, nous sommes amplement conscients des défis posés à la Turquie par l’exode de trois millions de réfugiés fuyant la guerre en Syrie et par le terrorisme qui a frappé à plusieurs reprises les grandes villes turques. Le recours à l’état d’urgence peut se concevoir dans un pareil contexte, à supposer cependant qu’il soit momentané et que les mesures prises dans ce cadre soient strictement proportionnées aux buts poursuivis. Or, près d’un an après le 15 juillet 2016, force est de reconnaître que cette proportionnalité fait malheureusement défaut. On assiste à une grave détérioration du fonctionnement des institutions démocratiques turques comme aussi au recul de la liberté d’expression.

Pourquoi douze parlementaires arrêtés en novembre 2016 se trouvent-ils toujours en détention, au mépris des règles essentielles d’immunité ? Pourquoi des dizaines de maires de communes sont-ils eux aussi privés de liberté ? Comment ne pas y voir une forme d’intimidation destinée à influencer le débat démocratique, au risque de le fausser comme lors du récent scrutin référendaire sur la réforme de la Constitution ? Des purges massives ont eu lieu dans l’administration et le système judiciaire, affectant profondément le fonctionnement des institutions. Que peut bien vouloir dire la révocation d’un quart des juges et des procureurs, la révocation de 5 000 universitaires ou l’incarcération de plus de 150 journalistes ? C’est la société que l’on veut mettre au pas, l’esprit critique que l’on veut museler, loin des Checks and Balances  et de la séparation des pouvoirs qui fondent les sociétés de liberté et de responsabilité.

Au Conseil de l’Europe, il n’est pas possible de vivre à côté de la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut s’y soumettre. Je souhaite la levée rapide de l’état d’urgence en Turquie, la remise en cause des révocations collectives de fonctionnaires, le respect des procédures individuelles et, dans ce cadre, de la présomption d’innocence.

M. BLANCHART (Belgique) – La Turquie est un État ami et les liens historiques, géopolitiques, économiques, sociaux et humains qui nous unissent sont, on le sait, importants. Mais le Conseil de l’Europe ne peut fermer les yeux sur un régime dont les dérives liberticides semblent encore s’accélérer, notamment après le référendum de ce mois d’avril dont l’objectif est de remplacer le système parlementaire actuel par un régime présidentiel. Cette situation me peine étant donné mon attachement à ce pays.

On parle toujours à raison de la candidature d’adhésion à l’Union Européenne de la Turquie, mais nous devons nous rappeler cette appartenance effective de la Turquie à la Charte européenne des droits de l’homme. Hors l’évolution de la situation sous l’angle de la liberté des médias et la liberté d’expression, de l’érosion de l’État de droit et des violations alléguées des droits de l’homme liées aux opérations de sécurité antiterroristes, constitue une menace pour le fonctionnement des institutions démocratiques et pour le respect par ce pays de ses obligations à l’égard du Conseil de l’Europe. Aucun des problèmes identifiés par le Conseil de l’Europe n’a été traité à ce jour ; au contraire, la situation s’est détériorée depuis.

Au niveau du Parlement fédéral belge, nous plaidons également pour le gel d’une série de fonds et la réorientation de ceux-ci vers d’autres activités en Turquie, pour venir en aide à la société civile et aux organisations non gouvernementales par le biais de l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, pour l’évolution vers un État de droit et une démocratie meilleure. Il n’y a malheureusement pas eu de consensus au Conseil Affaires générales, ni en Europe à ce sujet et j’invite les membres de l’Assemblée à reconsidérer leur position.

Mais si des mesures diplomatiques fortes s’imposent dans le cadre de la procédure européenne d’adhésion et au sein du Conseil de l’Europe, nous devons aussi impérativement être attentifs à ce que cette attitude forte n’ait pas des conséquences encore plus néfastes d’isolement sur l’opposition pacifique et démocratique ou sur la société civile et les Turcs eux-mêmes. Rappelons qu’ils ont été quand même 49 % à voter « non » au référendum et que M. Erdogan – et je suppose que c’est à son grand dam – ne représente pas 100 % de l’opinion publique turque. N’isolons pas davantage les forces progressistes et démocratiques de ce beau pays.