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AS (2017) CR 13

SESSION ORDINAIRE DE 2017

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la treizième séance

Mardi 25 avril 2017 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Questions au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT – Je souhaite la bienvenue à M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, qui répondra aux questions posées par les membres de l’Assemblée.

Je vous rappelle, chers collègues, que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes. Vous devez poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. Zingeris, qui devait être le porte-parole du Groupe du Parti populaire européen, n’est pas présent.

Mme FINCKH-KRÄMER (Allemagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Ma question est la suivante: que peuvent – et devraient – faire le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire pour éviter à l’avenir, s’agissant de fonctionnaires du Conseil de l’Europe ou de délégués de l’Assemblée parlementaire, toute suspicion de corruption ou d’acceptation de commissions ou de cadeaux?

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Tout d’abord, je dois rappeler très clairement que nous ne saurions tolérer quelque forme de corruption que ce soit au sein du Conseil de l’Europe.

Le Secrétariat est doté d’un système très solide, couvrant l’ensemble de ses services. Un enquêteur travaille, à temps plein, pour examiner immédiatement la moindre allégation, la moindre suspicion de manquement ou d’irrégularité. Un audit interne et un audit externe sont aussi prévus.

Pour ce qui concerne l’Assemblée parlementaire, je ne puis, en tant que Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, engager d’enquête à son endroit. C’est elle-même qui doit en décider. Le Bureau de l’Assemblée a pris une décision claire concernant la récente allégation de corruption, à savoir initier une enquête extérieure. Il ne l’avait pas encore fait lors de la dernière réunion à Madrid; c’est la raison pour laquelle j’ai écrit une lettre au Président de l’Assemblée, intimant à cette dernière de prendre des mesures immédiates. Ce climat de suspicion ne pouvait durer. Le Bureau s’est exécuté, et j’anticipe une suite rapide à cette décision.

J’éprouve beaucoup de sympathie pour l’Assemblée parlementaire en la situation actuelle. Il est très difficile pour vous d’avoir à traverser cette tourmente. Des allégations d’activités irrégulières ont touché des membres de votre Assemblée. Je ne sais si ces allégations sont fondées, mais, quoi qu’il en soit, voilà qui pose problème pour toute personne innocente. C’est pourquoi la plus grande clarté sur ce sujet est primordiale.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – J’aimerais m’attarder un instant sur la question de la corruption, qui se pose, à peu près, depuis l’année 2012. Qu’avez-vous personnellement fait, Monsieur le Secrétaire Général, pour lutter contre ce problème?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Comme je vous l’ai dit, chaque fois que j’ai été saisi d’allégations ou de soupçons de corruption visant des membres du Secrétariat du Conseil de l’Europe, j’ai pris les mesures nécessaires. Une personne est employée à temps plein pour mener, le cas échéant, une enquête interne. Entre audit externe et audit interne, le système peut, dans l’ensemble, être qualifié de robuste. Je ne puis en revanche engager d’enquête lorsque c’est l’Assemblée parlementaire qui est visée – c’est à elle de le faire. Je n’en soutiens pas moins pleinement l’approche du Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire, M. Sawicki. Je prends également note du fait que le Bureau a fait suite à la proposition formulée.

M. van de VEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Hier, nous nous sommes prononcés sur une demande de débat selon la procédure d’urgence en vue d’introduire une procédure de destitution des membres exerçant une fonction élective à l’Assemblée parlementaire. Malheureusement, la proposition n’a pas recueilli la majorité requise des deux tiers.

Cependant, vous pouvez, en tant que Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, prendre des initiatives et faire des propositions devant le Comité des Ministres. Envisagez-vous donc d’évoquer la possibilité d’instituer une telle procédure de destitution? Quels en seraient, selon vous, les avantages et les inconvénients?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Une assemblée parlementaire, je le répète, doit bien entendu choisir les procédures dont elle se dote, mais, comme je l’ai également dit, si des activités portent atteinte à l’ensemble de l’Assemblée, il faut faire quelque chose. C’est pourquoi j’ai écrit au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe la lettre que j’évoquais, dans laquelle j’expliquais clairement que l’Assemblée élit les juges à la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi un Commissaire des droits de l’homme et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, ce qui requiert une grande intégrité – de même, d’ailleurs, que l’accomplissement de son travail d’Assemblée parlementaire proprement dit. J’en appelle donc à l’Assemblée pour qu’elle prenne toutes les mesures qui s’imposent, mais, je le répète, la décision doit être prise par l’Assemblée elle-même.

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Secrétaire Général, des milliers de citoyens turcs attendent que justice leur soit rendue. Il a été décidé de créer une commission d’enquête pour se pencher sur le cas des citoyens turcs démis de leurs fonctions à la suite de la tentative de coup d’État, mais, malgré l’appel que vous avez lancé, cette commission n’a pas été installée. La voici devenue un simple prétexte pour empêcher les intéressés de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, si leur cas n’est pas examiné dans un délai raisonnable, ils ne peuvent pour autant saisir la Cour. N’est-ce pas là une violation de leurs droits?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – J’ai effectivement entendu cet argument mais il est inexact. Nous avons demandé la mise en place d’un système de recours judiciaire pour toutes les personnes déclarées coupables aux termes d’un décret-loi. Nous avons dit aux autorités turques que la situation actuelle était inacceptable: si la loi vous définit d’emblée comme coupable, vous ne pouvez plus faire appel devant les tribunaux, car un tribunal ne peut aller contre la loi – il ne peut qu’interpréter celle-ci. Nous avons donc dit aux autorités turques qu’elles devaient mettre en place une commission pour examiner chaque cas et ouvrir une voie de recours juridique à ces personnes.

Si la Cour européenne des droits de l’homme est saisie, celle-ci, conformément aux stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’elle ne peut que respecter, indiquera aux requérants qu’il leur faut d’abord épuiser les voies de recours nationales, ce qui prendrait des années. La mise en place d’une commission permet de procéder beaucoup plus rapidement. Il est donc urgent qu’elle soit mise sur pied, et il faut qu’elle se mette immédiatement au travail. Gardons bien sûr à l’esprit, c’est très important, que la Cour de Strasbourg suivra la situation avec la plus grande attention. Elle souhaitera vérifier si cette commission fonctionne de manière totalement indépendante. Si cette dernière ne peut le faire, alors la Cour pourra intervenir et condamner l’absence de recours ouvert au niveau national.

Cela étant, aucune autre option ne nous était ouverte, la Convention ne nous laissait pas d’autre choix que de procéder de cette manière. L’idée selon laquelle on pourrait saisir directement la Cour de Strasbourg ne fera que retarder la procédure pour les nombreuses personnes concernées.

Deuxième élément de réponse, la Cour européenne est le seul recours possible des personnes arrêtées, journalistes et députés, s’il n’y a pas de procédure équitable dans le pays. En ce qui concerne les journalistes qui ont déjà saisi la Cour, celle-ci a indiqué que si un procès ne démarrait pas rapidement en Turquie, elle pourrait intervenir, mais il faut d’abord établir si, oui ou non, une voie de recours judiciaire nationale est ouverte à ces personnes. La Cour est, je le répète, le dernier recours pour toutes ces personnes, et je ne vois pas d’autre moyen de faire en sorte que justice leur soit rendue. Il faut garder tous ces faits présents à l’esprit et respecter les textes et les procédures. Sans cela, nous ne pourrons agir en faveur de toutes ces personnes.

J’ai tenté de transmettre ces informations aussi clairement que possible aux autorités turques. Récemment encore, le ministre de la Justice turc était présent ici. Je lui ai dit que, s’agissant des journalistes, le processus doit commencer rapidement, faute de quoi il faudra que la Cour européenne des droits de l’homme intervienne, conformément à la Convention.

Quant aux personnes qui ont été licenciées, démises de leurs fonctions, une procédure de recours a été mise en place et, là encore, il faut appliquer les règles existantes. Surtout, il faut que la procédure démarre rapidement.

LE PRÉSIDENT – Si vous le permettez, Monsieur le Secrétaire Général, nous prendrons dorénavant les questions par groupe de trois.

M. FOURNIER (France) – L’élection de Donald Trump aux États-Unis pourrait ouvrir une ère d’incertitude diplomatique, même si nous devons rester prudents, comme l’a montré la récente intervention militaire américaine en Syrie. Comment, dans ce contexte nouveau, envisagez-vous la relation avec les États-Unis, qui ont le statut d’observateur au Conseil de l’Europe?

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – La situation des droits de l’homme en Crimée, région annexée illégalement par la Fédération de Russie, est horrible. Le régime de Poutine tente de faire de la Crimée une terre d’impunité et de peur. Je voudrais vous interroger à propos de la résolution des Nations Unies sur la Crimée: quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que le mécanisme de contrôle des droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’applique également à la Crimée?

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Le Conseil de l’Europe ne doit pas éviter ses responsabilités s’agissant de l’agression arménienne en Azerbaïdjan. L’un des problèmes principaux tient au Groupe de Minsk de l’OSCE. Récemment, les États-Unis – qui coprésident ce groupe – ont fourni à l’Arménie l’un des outils de renseignement militaire les plus modernes, baptisé C4ISR. La Russie a par ailleurs fourni à ce pays un système mobile de missiles balistiques de courte portée, appelé Iskander. Comment une telle structure, dont les coprésidents s’emploient à renforcer les capacités militaires d’une des parties au conflit, pourrait-elle remplir son rôle d’honnête arbitre?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Pour répondre à la première question, comme l’a dit M. Fournier, les États-Unis ont le statut d’observateur au Conseil de l’Europe. Ils sont présents chaque semaine au Comité des Ministres, et je ne pense pas que les élections américaines y changent quoi que ce soit. Il est possible que le président Trump et ses conseillers souhaitent modifier leur statut vis-à-vis du Conseil de l’Europe, mais nous n’avons pas reçu de signaux en ce sens. Nous continuerons donc à dire aux Américains que nous sommes opposés à la peine de mort, nous poursuivrons nos efforts pour les convaincre d’y mettre fin dans les États qui l’appliquent encore. Quoi qu’il en soit, nous entretenons de bonnes relations avec les États-Unis en tant qu’observateur au Conseil de l’Europe, et cela se poursuivra; c’est à tout le moins ainsi que j’envisage la situation.

Je remercie M. Goncharenko à propos de sa question sur la Crimée. Je tiens à vous dire le plus clairement possible que les droits des personnes vivant sur le territoire de la Crimée sont tout en haut dans l’ordre de mes priorités, au même titre que les droits de toutes les personnes vivant sur le territoire du Conseil de l’Europe. Il ne peut pas y avoir de zone grise au sein du Conseil de l’Europe. Voilà pourquoi j’ai envoyé une mission en Crimée, pour surveiller la situation des droits de l’homme, mais aussi pour y préparer l’application du mécanisme de contrôle.

Je dois vous dire que j’ai reçu des rapports inquiétants à propos des lieux de détention en Crimée. C’est pourquoi nous devons insister sur l’envoi du Comité pour la prévention de la torture dans cette région. Le CPT doit absolument s’y rendre, quelles que soient les modalités de ce déplacement, car nous devons nous soucier de sort des personnes en Crimée – en particulier certaines des plus vulnérables, qui y sont emprisonnées. Voilà une première chose que nous pourrions faire, et personne ne saurait nous en empêcher.

Je poursuivrai donc la politique que j’ai engagée il y a fort longtemps: je ferai tout mon possible pour que les organes de contrôle surveillent ce que se passe en Crimée. C’est la même politique que je mène partout où il y a ce que l’on appelle des zones grises. Nous devons nous intéresser aux droits des personnes; il ne s’agit pas de s’ingérer dans des questions politiques, mais on ne peut donc pas nous barrer le chemin. Tout cela, bien sûr, doit se faire conformément aux principes qui régissent le Conseil de l’Europe. Concernant la Crimée, notre position est très claire: nous nous intéressons aux droits des personnes et continuerons à le faire, et ce quel que soit le statut futur de la région.

J’en viens au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Je ne peux rien répondre à ce sujet, car cela relève du Groupe de Minsk, même si j’ai bien noté que vous le regrettiez. Malheureusement, nous n’avons pas été invités par le Groupe de Minsk à participer au processus. Si les membres de ce groupe souhaitent que le Conseil de l’Europe intervienne dans le domaine des droits de l’homme, nous pourrons le faire, mais, en tout état de cause, nous ne saurions freiner le processus.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur le Secrétaire Général, il y a deux ans, j’avais posé une question à propos des ONG à statut participatif. Vous m’aviez répondu que les règles applicables en la matière seraient revues. À ma connaissance, toutefois, cela n’a pas encore été fait. Quand ces modifications nécessaires auront-elles lieu pour que les ONG à qui ce statut a été refusé puissent faire appel?

LE PRÉSIDENT – M. Kandemir et Mme Mikko ne sont pas présents dans l’hémicycle pour poser leur question.

M. TROY (Irlande)* – Au nom de la délégation irlandaise, je voudrais porter à votre connaissance le cas d’un citoyen irlandais et européen, M. Ibrahim Halawa, emprisonné par les autorités égyptiennes depuis près de quatre ans. Lors de son arrestation, il était encore mineur. Il est détenu dans des conditions révoltantes, et sa santé se détériore rapidement. Monsieur le Secrétaire Général, que peut faire notre Assemblée pour aider ce jeune homme?

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Monsieur le Secrétaire Général, vendredi matin, l’Arkansas a procédé à la première d’une série d’exécutions capitales. Hier soir, deux personnes supplémentaires ont été exécutées. En juin dernier, au Comité des Ministres, vous aviez dit que vous alliez faire des propositions pour renforcer les actions du Conseil de l’Europe contre la peine de mort à l’échelle mondiale. Dans quelle mesure le Conseil de l’Europe pourrait-il effectivement contribuer à mettre un terme à l’application de la peine de mort aux États-Unis?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Pour ce qui est du problème des ONG, Monsieur Ghiletchi, je ne suis pas tout à fait à jour. Je me rendrai à Chișinău dans quelques semaines: j’espère vous y voir et vous donner une réponse à ce moment-là.

Pour ce qui est de ce jeune ressortissant irlandais détenu en Égypte, je commence par rappeler que cela ne relève pas de notre champ de compétence; cela étant, la situation des droits de l’homme en Égypte nous intéresse. J’ai, de temps à autre, des contacts avec le défenseur des droits de l’homme en Égypte. Il n’y a pas très longtemps, d’ailleurs, j’ai appris qu’elle a été expulsée du Parlement en raison de son implication dans la défense des droits de l’homme. La situation est donc assez difficile. Je le regrette, mais le Conseil de l’Europe ne peut pas faire grand-chose en la matière.

Pour ce qui est de la peine de mort aux États-Unis, nous essayons de renforcer notre coopération avec toutes les instances dans le monde qui œuvrent pour l’abolition de la peine de mort. Je pense notamment aux Nations Unies, où nous avons des partenaires qui, avec nous, luttent contre la peine de mort. Nous allons continuer à exercer des pressions et à protester contre toute application de la peine de mort aux États-Unis. C’est l’une de nos priorités.

Il nous revient également de veiller à ce que la peine de mort ne revienne pas sur notre continent. C’est un aspect tout à fait fondamental de notre action, et je pense que tout le monde en sera d’accord avec moi.

M. LE BORGN’ (France) – Monsieur le Secrétaire Général, ma question portera sur la situation d’Alexey Pichugin, privé de liberté en Russie dans le contexte de deux jugements successifs en rupture avec les règles de procès équitable contenues dans la Convention européenne des droits de l’homme et rappelées par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt, non exécuté à ce jour.

C’est une situation intolérable que je vous rappelle en tant que rapporteur en charge de la mise en œuvre des arrêts de la Cour, pour vous demander si vous en avez parlé avec les autorités de la Fédération de Russie et afin de savoir ce qu’il est possible de faire, pour vous et pour nous.

M. KÖCK (Autriche)* – La traite des êtres humains est pour les passeurs une activité lucrative, même si elle est répréhensible. Beaucoup d’êtres humains meurent en Méditerranée tous les jours. Quelle est la position du Conseil de l’Europe sur les informations selon lesquelles des ONG travailleraient avec ces passeurs?

M. HONKONEN (Finlande)* – La liberté d’expression est très limitée aujourd’hui en Hongrie, et la situation des universités est elle aussi en péril. Le Parlement hongrois a adopté récemment une loi visant à conduire à la fermeture de l’Université d’Europe centrale de Budapest.

Monsieur le Secrétaire Général, quelle est réellement la situation en Hongrie et quel pourrait être le rôle de notre Assemblée dans la protection des libertés des universités?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Monsieur Le Borgn’, l’arrêt auquel vous vous référez relève maintenant de la compétence du Comité des Ministres qui, comme vous le savez, a la charge de veiller à l’exécution des arrêts de Cour. Le Comité des Ministres a insisté auprès des autorités russes afin que des mesures soient prises et la question sera à nouveau inscrite à l’ordre du jour du Comité.

Je vous remercie, Monsieur Köck, pour votre question portant sur les migrations. Notre mandat ne s’applique pas pour ce qui relève de la protection des frontières de la zone Schengen ni pour ce qui se passe en mer Méditerranée. Mais la situation nous importe, comme elle importe à de nombreux Européens.

En revanche, notre mandat s’applique à ceux qui se trouvent sur le continent européen. Chacun d’entre eux doit avoir la possibilité réelle de demander l’asile politique ou le statut de réfugié. Il nous faut notamment veiller à la protection des mineurs non accompagnés. C’est un problème croissant en Europe – cela nous ramène à ce que nous disions à propos de la traite des êtres humains et des passeurs – et il faut dire que certains États membres ont durci leur législation en matière de regroupement familial.

Je me suis rendu à Athènes où je me suis entretenu dans les camps avec des mineurs non accompagnés arrivés en Grèce. Un garçon me disait qu’il savait que sa famille était quelque part en Europe, mais qu’il ne pouvait pas la rejoindre en raison de la promulgation d’une nouvelle loi sur le regroupement familial. Ce garçon se retrouve coincé en Grèce, le danger étant qu’il disparaisse en cherchant à rejoindre ses parents par tous les moyens.

De nombreux pays créent de nouvelles règles introduisant des permis de séjour temporaires jusqu’à l’âge de 18 ans. C’est ainsi que de nombreux jeunes disparaissent par peur d’être expulsés une fois qu’ils auront atteint l’âge de la majorité. Ils se retrouvent donc seuls sur les routes d’Europe et deviennent souvent les victimes de passeurs et de réseaux qui cherchent à les exploiter. La situation de ces jeunes isolés et exploités devient un problème de plus en plus important en Europe.

Les nouvelles règles représentent un problème de sécurité. Nous en appelons aux gouvernements pour qu’ils examinent d’autres possibilités. Tomáš Boček, mon représentant spécial sur les migrations et les réfugiés, se déplace en Europe pour étudier la situation et discuter avec les différents gouvernements. Lors de la prochaine réunion ministérielle à Nicosie, nous pourrons, je l’espère, adopter un plan d’action pour les mineurs non accompagnés. Sachez donc que toute notre attention va à ce problème.

Pour ce qui est de la Hongrie, je me suis entretenu hier longuement avec le ministre de la Justice hongrois. Cette rencontre nous a permis de passer en revue différents points d’actualité: l’avenir de cette université de Budapest, les lois concernant les ONG ainsi que les centres de détention qui ont été ouverts à la frontière entre la Serbie et la Hongrie.

Nous sommes tombés d’accord pour que les comités d’experts du Conseil de l’Europe examinent ces questions de concert avec les autorités hongroises, pour voir ce qu’il est possible de faire afin de corriger les mesures engagées. J’ai eu l’occasion de dire au ministre hongrois qu’il n’était pas acceptable que soient prises des lois ou des mesures ayant pour effet de stigmatiser les ONG. Nous sommes tombés d’accord pour que cette question soit examinée de plus près.

Mme HOFFMANN (Hongrie) – Un parlementaire qui a pris la parole avant moi a posé une question sur la Hongrie. Je dois dire qu’il est regrettable que, durant cette session surchargée, et alors que nous avons à discuter de très graves problèmes, certains jugent nécessaires de traiter de faux conflits créés et exagérés en Hongrie. Selon vous, quelle pourrait être la solution du problème de la Hongrie, que je ne rappellerai pas?

LE PRÉSIDENT – M. Ariev et M. Farmanyan, qui s’étaient inscrits pour poser une question, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

À titre exceptionnel, et malgré son retard, je donne la parole à M. Zingeris.

M. ZINGERIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je vous remercie, Monsieur le Président.

Ma question au Secrétaire Général concerne les évènements récents affectant la communauté LGBT en Tchétchénie. L’État a ordonné de cibler systématiquement les membres de la communauté homosexuelle en République tchétchène. Ce sont donc des instructions officiellement données par le Gouvernement. Que pouvez-nous dire à ce sujet, Monsieur le Secrétaire Général, alors que parmi nos invités se trouvent des victimes venues témoigner à Strasbourg, qui méritent notre soutien?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – S’agissant de la question hongroise, je ne sais pas quel sera le résultat du débat ici mais, de manière générale, il faut garder présent à l’esprit que le Conseil de l’Europe est une organisation très étendue, dotée d’un grand nombre d’organes. Il doit être respecté. Nous surveillons la situation dans l’ensemble des 47 pays membres: en Turquie, en Hongrie, en Norvège – partout. Les organes intergouvernementaux de surveillance et de contrôle travaillent en permanence dans tous les États membres. Le Commissaire aux droits de l’homme se rend sur place en Turquie et reste perpétuellement saisi de la situation – en Turquie comme dans d’autres pays. La Commission de Venise et la Cour européenne des droits de l’homme, dont les arrêts font l’objet d’un suivi, doivent également être pris en considération. Les débats qui se tiennent ici, au sein de l’Assemblée parlementaire, viennent s’y ajouter. Quoi qu’il en soit, je le répète, en ce qui concerne la Hongrie comme en ce qui concerne la Turquie, nous avons eu la possibilité de discuter de toutes les questions qui constituent des sujets de préoccupation.

Monsieur Zingeris, je vous remercie de m’avoir interrogé sur les droits des personnes LGBT. Nous ne saurions tolérer la moindre discrimination ni la moindre violence contre la communauté LGBT. Ces personnes ont exactement les mêmes garanties que toute autre personne au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Lorsque j’ai pris connaissance des allégations concernant la Tchétchénie, j’ai immédiatement pris contact avec le médiateur de la Fédération de Russie pour les droits de l’homme: je lui ai demandé par écrit des informations sur les faits. J’ai soulevé la question au sein du Comité des Ministres, et l’ambassadeur de la Fédération de Russie m’a indiqué que les autorités russes étaient grandement préoccupées, qu’elles mèneraient une enquête à ce sujet et nous tiendraient informés de ses résultats. Je puis donc vous assurer que nous suivons cette situation de près, elle nous préoccupe ainsi que les autres organes de surveillance du Conseil de l’Europe.

Mon rapport annuel, publié il y a environ deux semaines, attache une attention toute particulière aux tendances populistes en Europe, notamment aux mesures prises contre les personnes LGBT, à l’instar des faits allégués en Tchétchénie. Ce sont là les pires actes de populisme que l’on puisse imaginer. En effet, le populisme consiste souvent à attaquer des minorités pour détourner l’attention d’autres problèmes et accroître le pouvoir de ceux qui le détiennent, ou permettre à d’autres d’y accéder. De tels actes visant les personnes LGBT sont l’une des pires formes du populisme, lequel est malheureusement toujours présent sur notre continuent.

LE PRÉSIDENT – Nous en avons terminé avec les questions au Secrétaire Général, que je remercie une fois de plus pour sa présence parmi nous.

2. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente
et rapport sur l’observation d’élections en Bulgarie (suite)

LE PRÉSIDENT – Nous reprenons la discussion du rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (Doc. 14289, Addendums 1, 2 et 3), ainsi que celle du rapport de la commission ad hoc du Bureau sur l’observation des élections législatives anticipées en Bulgarie du 26 mars 2017 (Doc. 14294).

Il faudra en avoir terminé avec notre débat sur ce rapport au plus tard à 17 heures. Nous interromprons donc la liste des orateurs quelques minutes avant.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. NÉMETH (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je souhaite féliciter la Bulgarie pour la tenue réussie des élections législatives. Étant corapporteur pour le dialogue postsuivi avec ce pays, j’ai suivi de très près le déroulement du scrutin, et je peux vous dire que le niveau d’organisation était plus que satisfaisant.

J’évoquerai la question de l’enquête indépendante sur la corruption. D’un côté, je suis heureux que nous soyons enfin en mesure de fusionner ces trois concepts, et que le Bureau ait trouvé un consensus sur cette question, après d’autres discussions. Mais, de l’autre, je fais part de ma déception car lundi après-midi, le Bureau a écarté l’accord concernant la procédure qui avait été conclu entre les différents groupes au sein du Comité des Présidents. C’est un précédent tout à fait dommageable, car nous n’avons pas pu présenter d’amendements au texte au nom de nos collègues; je ne pense pas que ce soit la façon la plus démocratique de traiter ce genre de problèmes. C’est pour cela que j’estime qu’il nous faut absolument trouver une solution.

Je soumets donc une idée aux membres du Bureau. Nous aurons dorénavant la possibilité de créer une sous-commission de liaison, au sein du Bureau, pour examiner les allégations de corruption. Toutefois, il faudrait trouver rapidement un moyen de mettre sur pied ce sous-comité de liaison de manière à remédier au fait que la procédure employée soit en elle-même problématique. Ce sous-comité de liaison pourrait intégrer des éléments de la procédure qui existe au sein du Parlement européen, dont nous devrions nous inspirer.

M. SCHWABE (Allemagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Chers collègues, force est de constater que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe traverse une crise profonde, illustrée par les débats d’hier et d’aujourd’hui. Je ne tiens pas à aggraver la situation, mais, très franchement, je ne vois pas comment nous pourrions sortir de cette crise avec le Président Agramunt. Il me semble important qu’il en tire les conséquences.

Nous avons la responsabilité de tous les États membres, lesquels réunissent 850 millions de citoyens; nous élisons les juges à la Cour; nous représentons les valeurs les plus précieuses en Europe. C’est un privilège, assurément, mais c’est également une responsabilité pour nous tous: nous, qui siégeons ici, devons avoir les plus hautes exigences vis-à-vis de nous-mêmes. Or on a l’impression que des réseaux se constituent autour de nous, dont le but est de protéger des États de toute critique alors que des violations des droits de l’homme y ont été commises. Cela n’est pas acceptable. Nous représentons les hommes et les femmes d’Europe: nous ne sommes pas élus pour protéger les États et les gouvernements.

Les accusations de corruption ne font que renforcer cette crise existentielle, et celle-ci deviendra mortelle pour notre institution si nous ne sommes pas en mesure de faire toute la clarté – peu importe l’issue.

C’est la raison pour laquelle les réponses que nous apporterons cette semaine sont d’une importance considérable. En tant que représentant du Groupe socialiste, je tiens à souligner que nous avons besoin de réponses extérieures et indépendantes parce que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir régler ces problèmes en interne. Il nous faut trouver trois personnes au-dessus de tout soupçon et ayant le plus haut niveau d’intégrité possible, et nous avons besoin d’un rapport qui soit remis directement à l’Assemblée. C’est pourquoi je ne comprends pas la proposition de créer une commission ou une sous-commission. Il est important que le rapport soit présenté à l’Assemblée tout entière, en séance plénière. Chacun doit être obligé de coopérer, et il faut protéger les lanceurs d’alerte si nous voulons que l’enquête soit effective.

J’espère que nous trouverons les réponses adéquates à cette situation difficile, pour retrouver un peu d’intégrité en ces lieux. Il serait catastrophique de devoir évoquer les visites en Syrie du Président et d’autres membres de cette Assemblée, qui ne sont malheureusement que la pointe émergée de l’iceberg: le Président n’a jamais contribué à élucider les reproches de corruption – au contraire: les reproches ont été tournés en direction des ONG et de ceux qui exprimaient des doutes.

Il faut avoir le courage de regarder vers l’avenir mais, je l’espère, avec un autre Président.

LE PRÉSIDENT – M. Liddell-Grainger, porte-parole du Groupe des conservateurs européens, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme BRASSEUR (Luxembourg), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je tiens, au nom de mon groupe, à évoquer deux sujets: la visite en Syrie de trois de nos membres et les allégations de corruption.

Aujourd’hui, au cours de son audition, tout comme hier, lors de son discours d’ouverture, le Président de l’Assemblée a déclaré: «En effet, la façon dont certains médias ont présenté cette visite a mis notre Assemblée parlementaire, et notre Organisation tout entière, dans une situation complexe.» Je tiens à affirmer que ce ne sont pas les médias qui ont mis notre Assemblée dans une situation complexe: ce sont les trois membres – et, parmi eux, surtout notre Président – qui se sont rendus en Syrie. Ils devaient bien s’en rendre compte. Je ne trouve donc pas satisfaisante – loin de là – l’explication que le Président a donnée hier et ce matin.

Hier, mon groupe a pris la décision de publier un communiqué, dont je souhaite vous lire un extrait. (Poursuivant en anglais) «L’ADLE au sein de l’Assemblée déplore vivement la visite du Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Pedro Agramunt, en Syrie. Nous condamnons aussi et déplorons vivement la participation à cette visite de deux membres du Groupe ADLE, le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, M. Alain Destexhe, et le président de notre groupe politique, M. Jordi Xuclà. La rencontre avec M. el-Assad soulève une préoccupation particulière.» (Reprenant en français) Je voulais vous rappeler que notre groupe condamne cette visite.

S’agissant des allégations de corruption, il y a une certaine tendance, dans cette maison, à vouloir contrecarrer la proposition initiale du Bureau d’instituer un organe indépendant de contrôle, faite sur la proposition de notre commission du Règlement. Le Secrétaire général de notre Assemblée a, sur le mandat du Bureau, élaboré une proposition qui n’a pas été acceptée. On a commencé alors à tergiverser.

J’ai été choquée d’apprendre que d’aucuns voulaient charger un groupe interne, donc nous-mêmes, de cette investigation. D’autres voulaient élargir ce groupe aux ONG et aux membres du staff. Les ONG sont-elles responsables de tout cela? Je ne comprends plus.

Si nous voulons combattre la corruption – et nous le devons –, il faudra commencer par faire le ménage dans notre propre maison, aussitôt que possible.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous traversons des turbulences et nos valeurs fondamentales sont sous pression. Les partis traditionnels perdent du terrain parce que les citoyens sont déçus de voir que ces partis n’apportent pas les réponses politiques aux défis auxquels nos sociétés sont confrontées.

De nouvelles forces politiques se présentent comme des solutions alternatives. Alors qu’il faut donner de nouveaux espoirs à nos concitoyens, beaucoup essaient d’insuffler la crainte et la peur. L’extrême droite, qui s’attaque aux valeurs fondamentales de nos sociétés, obtient pourtant un fort soutien de la part de nos concitoyens. Le score de la candidate du Front national au premier tour de l’élection présidentielle française est très inquiétant, tout comme l’est le score du candidat du Parti de la liberté aux Pays-Bas. Nous discuterons de la xénophobie, de l’antisémitisme et de la façon dont nous pouvons arrêter ces évolutions dangereuses partout dans nos pays.

Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est ce qui se passe dans un de nos plus anciens États membres, la Turquie. Nous avons évoqué le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie ce matin – ce débat, demandé en janvier, avait été reporté.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne se réjouit de la tenue de ce débat et applaudit la décision qui a été prise de rouvrir la procédure de suivi pour la Turquie: les citoyens turcs méritent notre assistance et notre attention pour que leur pays soit remis sur la bonne voie. Il est important que les institutions y fonctionnent bien et que l’État de droit, les libertés fondamentales et les droits de l’homme y soient respectés.

Mais, nous aussi, connaissons des turbulences, avec la remise en cause, ici, de la Présidence de M. Pedro Agramunt à la suite de sa visite en Syrie. Il a répondu aux questions des membres lors de son audition, aujourd’hui. Si j’ai été déçu par ses réponses, je me réjouis de sa déclaration selon laquelle il reverrait sa position et reviendrait sur le sujet lors de la réunion du Bureau, vendredi prochain. Il informera l’Assemblée.

Une autre crise interne concerne les soupçons de corruption visant des membres et d’anciens membres de l’Assemblée, soupçons qui portent atteinte à sa crédibilité. Il faut donc agir aussi rapidement que possible et conduire une enquête extérieure indépendante. La décision en avait déjà été prise en janvier et notre Bureau, hier, a finalement adopté les modalités de cette enquête indépendante, qui pourra enfin être lancée pour faire la lumière sur tous les soupçons de corruption au sein de l’Assemblée.

Si nous voulons rester une instance européenne interparlementaire qui protège l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme, si nécessaires par ces temps extrêmement dangereux, il faut commencer par faire le ménage chez nous aussi rapidement que possible. Ce n’est qu’en maintenant notre crédibilité que nous pourrons demander à nos parlements et à nos gouvernements d’accepter des recommandations et des résolutions sur la façon de protéger nos valeurs fondamentales dans l’ensemble de nos États membres.

Mme DURANTON (France) – Les élections législatives anticipées du 26 mars dernier en Bulgarie, que j’ai pu observer au titre de notre Assemblée sous la direction de ma compatriote Marie-Christine Dalloz, que je salue, comportaient pour ce pays des enjeux importants.

Ceux du développement économique et social, d’abord: la Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’Union européenne et a perdu environ un million d’habitants en vingt ans – sa population pourrait d’ailleurs continuer de décroître sensiblement d’ici à 2050 et les minorités, en particulier roms et turcophones, représenter 30 %.

Des enjeux de renouveau démocratique ensuite: les citoyens bulgares n’ont été que 54 % à participer à ces élections législatives, le sixième scrutin depuis 2013. Ce chiffre traduit la désillusion et la lassitude des électeurs, confrontés à une corruption qui reste très élevée et à des médias sans doute encore trop sensibles aux intérêts privés. De même, la vie politique bulgare demeure à la fois atone et instable et souffre d’un manque de renouvellement: les faibles résultats du bloc réformateur l’attestent une fois de plus.

Pour autant, les élections législatives anticipées en Bulgarie, provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale, décidée par le Président Radev, élu le 13 novembre 2016, se sont déroulées dans des conditions globalement satisfaisantes, permettant de conclure à leur caractère démocratique.

Certes, le code électoral et la législation demeurent perfectibles sur plusieurs points, en particulier la transparence de la propriété des médias, le financement des partis politiques et des campagnes électorales, et une plus grande intégration des minorités au processus électoral. Toutefois, je suis optimiste sur les résultats auxquels la coopération des autorités bulgares avec le Conseil de l’Europe et ses organes devrait permettre d’aboutir.

Au total, et pour la quatrième fois après 2009, 2013 et 2014, le parti GERB, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie, du Premier ministre sortant, Boyko Borisov, remporte les élections. Celui-ci devrait donc diriger le prochain Gouvernement bulgare, qui sera un gouvernement de coalition avec les partis nationalistes.

Je forme le vœu d’une plus grande stabilité politique en Bulgarie, nécessaire pour relever des défis importants dans un avenir proche. En effet, la Bulgarie doit, pour la première fois, exercer la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2018. Nous pouvons nous réjouir que l’opinion publique bulgare soit très largement favorable à l’intégration européenne. Les autorités sont également pro-européennes, même si elles entretiennent des relations pragmatiques avec la Russie, en lien avec l’histoire de leur pays. Elles devraient toutefois, selon moi, réfléchir aux limites d’une politisation excessive de la haute fonction publique, préjudiciable au bon fonctionnement de l’État.

Enfin, Sofia aurait tout intérêt à entretenir des relations équilibrées avec Ankara. À elle seule, la frontière bulgaro-turque symbolise le rôle de protection des frontières européennes que joue la Bulgarie et le risque qu’une Turquie à la dérive pourrait faire peser sur le projet européen.

LE PRÉSIDENT – Mme Chugoshvili, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Nous avons aujourd’hui la possibilité de débattre ouvertement, peut-être pour la première fois dans l’histoire de cette Organisation, des activités du Bureau et des principaux organes de l’Assemblée parlementaire, mais je ne crois pas que la manière proposée soit la meilleure. En effet, à la lecture de ce rapport, nous ne voyons rien sur la visite en Syrie, rien non plus sur les problèmes de corruption.

Je voudrais commencer par remercier M. Sawicki, notre Secrétaire général, pour la position de principe qu’il a exposée au Bureau. Il nous a proposé une procédure pour régler le problème de la corruption au sein de l’Assemblée. Je rappelle que cette question ne concerne pas uniquement M. Sawicki, mais toute notre Assemblée. Le projet qu’il nous propose pour enquêter sur cette question est le bon.

Deuxièmement, je m’étonne que l’auteur de ce rapport n’ait pas dit un mot de sa visite en Syrie. Quand bien même elle n’était pas officielle, il aurait dû l’évoquer après le scandale qu’elle a suscité au sein de notre Assemblée.

Troisièmement, Monsieur Xuclà, comment pouvez-vous être rapporteur sur la question ukrainienne si vous utilisez un avion militaire russe pour vous rendre en Syrie? Si vous êtes un homme honnête, vous ne pouvez pas ne pas admettre qu’il y a là un conflit d’intérêts et que vous ne pouvez assumer la tâche qui consiste à étudier la démocratie et la transparence en Ukraine après avoir voyagé dans un avion de l’armée de l’air du ministère de la Défense de la Fédération de Russie.

C’est peut-être la première fois que nous décidons de conjuguer tous nos efforts pour instaurer des règles claires et je veux remercier l’ensemble de mes collègues qui ont participé au débat qui s’est tenu aujourd’hui à 13 heures. Je veux croire que ce n’est que le début d’un processus de nettoyage, non seulement de cette Assemblée, mais de toute l’Organisation, en vue d’éradiquer des méthodes qui ne nous permettent pas d’être honnêtes vis-à-vis de nos mandants.

M. ORELLANA (Italie)* – Je remercie nos collègues qui ont participé à la commission ad hoc du Bureau sur l’observation des élections législatives anticipées en Bulgarie, ainsi que les membres du secrétariat de la Commission de Venise pour leur excellent travail. Je n’ai pas participé à cette mission d’observation, mais je me suis rendu à plusieurs reprises en Bulgarie à l’occasion d’autres élections législatives et présidentielles.

Les conclusions de ce rapport mettent en exergue des points critiques, qui se répètent au fil des élections et qui imposent d’être améliorés. Je citerai notamment la transparence sur la propriété des médias, les critères de distribution des sièges à l’étranger, l’appartenance des députés aux minorités ethniques, la possibilité de faire campagne dans une langue autre que le bulgare, tous sujets qui ont d’ores et déjà été soulevés à l’occasion d’autres élections, notamment par la Commission de Venise. Depuis 2013, la Bulgarie a connu six élections et ces différents points ont déjà été mentionnés.

J’aimerais que nous intervenions pour répondre aux difficultés. Les autorités bulgares doivent revoir la législation électorale afin que de telles critiques ne soient pas réitérées à chaque élection.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Permettez-moi, pour commencer, de remercier le rapporteur pour son travail qui reflète les activités passées de l’Assemblée et qui se révélera très utile à l’avenir pour nos activités.

Au cours de cette partie de session, nous aurons donc à réfléchir à ce qu’il convient de modifier au sein de notre Organisation: notre Règlement, mais surtout, en premier lieu, notre code de conduite. Si nous n’adoptons pas une approche plus sérieuse s’agissant de la révision de notre code de conduite, nous ne serons pas en mesure d’éviter à l’avenir de tels scandales, ni d’éviter les problèmes auxquels notre Organisation est aujourd’hui confrontée.

Au-delà de ce code de conduite, qu’il conviendrait de réformer, il est grand temps également de modifier notre procédure de suivi, celle-ci ne reflétant plus la réalité.

Dans le cadre du débat sur la Turquie, le rapporteur a cité Mme Durrieu: selon elle, la procédure de suivi témoignerait des liens d’amitié de l’Assemblée avec la Turquie. S’il en est ainsi, pourquoi l’Assemblée n’établit-elle pas une procédure de suivi avec les 47 pays membres du Conseil de l’Europe? Il est urgent de résoudre les problèmes que nous rencontrons au sein même de notre Assemblée, problèmes liés notamment à notre Règlement.

Nous avons par ailleurs évoqué la question de la corruption au sein de notre Assemblée. La corruption va l’encontre des principes et des valeurs sur lesquels le Conseil de l’Europe a été bâti. De toute évidence il est bien difficile d’avoir une image objective de notre Organisation, qui n’est pas en mesure de trouver une solution à la crise des migrants et dont 9 des 47 pays membres sont en guerre les uns contre les autres.

L’Assemblée parlementaire devrait penser à se réformer elle-même avant même d’intervenir dans les États membres.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Toutes les élections législatives qui se tiennent dans nos États membres revêtent un sens particulier pour notre Organisation, la composition de l’Assemblée parlementaire reposant sur les résultats de ces élections. En conséquence, nous sommes contraints d’observer ces élections de très près, d’analyser les évolutions et de tirer des conclusions.

Les élections anticipées qui se sont tenues en Bulgarie le 26 mars dernier se sont soldées par un bilan plutôt positif. Ce n’est pas le cas des élections qui se sont déroulées le 2 avril en Arménie. Cette conclusion, qui est la mienne, ne se fonde pas uniquement sur les nombreuses informations que les acteurs de la société arménienne ont fournies. Pour les 3 112 observateurs civils présents en Arménie, ces élections parlementaires se sont accompagnées de nombreux manquements, qui ont sapé la confiance des électeurs quant à l’issue du scrutin. L’ex-président d’Arménie, aujourd’hui dans l’opposition, Levon Ter-Petrossian, a lui-même parlé de destruction totale de la classe moyenne par le régime dictatorial.

Ignacio Sanchez Amor, le coordonnateur de la mission de l’OSCE en Arménie, a dénoncé les achats de votes, les prises d’influence et les intimidations exercées sur de nombreux électeurs, ainsi que les violations des droits des médias.

Heidi Hautala, chef de la mission d’observation électorale du Parlement européen, a déclaré que les élections législatives en Arménie avaient été faussées par des achats de votes, que de nombreuses infractions à la loi avaient été commises et qu’une pression avait été exercée sur les électeurs.

Piotr Switalski, le chef de mission d’observation électorale de l’Union européenne, a parlé, quant à lui, de «corruption politique», un terme qui peut être perçu comme une innovation dans le langage politique. Il a évoqué la fraude électorale la plus bizarre qu’il ait pu observer en Arménie, des personnes handicapées mentales ayant pris part au vote depuis leur établissement hospitalier, sous le contrôle de médecins. Je ne partage pas sa position: selon moi, seules des personnes handicapées mentales peuvent voter en faveur d’autorités arméniennes qui privent la nation du développement et du progrès qu’elle mérite, en faveur d’autorités qui jettent le peuple dans la misère.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Je souhaiterais faire un rappel au Règlement. On me dit que les amendements qui ont été présentés au Bureau ne peuvent pas être discutés et votés par l’Assemblée parlementaire. J’insiste pour que l’Assemblée puisse s’exprimer sur ces amendements dont je suis l’auteur et pour qu’ils fassent l’objet d’un vote, cet après-midi ou vendredi.

LE PRÉSIDENT – Le Règlement ne permet pas de répondre favorablement à votre demande, Monsieur Tarczyński.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – J’aimerais attirer l’attention des membres du Bureau et de la Commission permanente, et de tous les parlementaires présents ici, sur le dernier rapport consolidé du Secrétaire Général sur le conflit en Géorgie, qui décrit la situation dans les provinces géorgiennes actuellement occupées par la Fédération de Russie. Ce rapport évoque les restrictions imposées par la Russie au droit à l’instruction dans la langue géorgienne et au droit à la liberté de circulation des rares personnes qui traversent les frontières, subissant les contrôles incessants du Service fédéral de la sécurité russe, le FSB. Ce rapport évoque également la restriction des droits patrimoniaux de ceux qui ont été obligés de quitter les territoires à la suite du nettoyage ethnique, à savoir la majorité de la population. Il indique, enfin, que la Fédération de Russie a le contrôle effectif de ces territoires et appelle les autorités russes à respecter les droits fondamentaux.

Lorsque nous avons suspendu le droit de vote de la Russie, nous avons exigé que celle-ci respecte les droits inscrits dans trois résolutions de l’Assemblée concernant la Géorgie. Il est important que, dans les demandes que nous formulons à l’égard de la Fédération de Russie, la Géorgie ne soit pas oubliée. Le retrait des troupes russes de Géorgie et la reconnaissance du nettoyage ethnique doivent rester une priorité pour la communauté internationale et le monde civilisé.

M. ÖNAL (Turquie)* – L’observation des élections est un instrument important pour le développement de la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. Il s’agit de garantir le bon déroulement des élections et de donner un accès égal à tous les citoyens.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a une grande expérience dans ce domaine, auquel nous attachons beaucoup d’importance. La contribution de l’Assemblée parlementaire doit se maintenir, tel est mon souhait, mais une procédure totalement indépendante et impartiale est nécessaire. Il suffit que les observateurs affichent un symbole de parti politique ou celui d’une organisation, pour que des doutes surgissent quant à l’impartialité et à l’indépendance d’une mission d’observation. Lors de l’observation du référendum du 16 avril en Turquie, un parlementaire, membre de notre Assemblée, portait le drapeau et les affiches d’un parti politique: voilà qui est contraire aux valeurs de notre Organisation.

Après les attaques terroristes horribles qui se sont produites en France et en Belgique, au cours desquelles des innocents ont perdu la vie, auriez-vous pu envisager qu’un parlementaire de cette Assemblée se fasse photographier avec un membre de l’organisation terroriste qui a revendiqué ces attentats, donnant ainsi le sentiment de la soutenir? Parlons honnêtement! Si l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe représente la conscience de l’Europe, elle doit agir en conséquence, faute de quoi des doutes sérieux pèseront sur la crédibilité de cette Organisation.

Aujourd’hui, au sud-est de la Turquie, cinq soldats turcs qui ont été tués à la suite de l’explosion de bombes artisanales du PKK. N’avez-vous donc aucun message à faire passer à ceux de vos membres qui se sont fait photographier aux côtés des membres du PKK? Qui va protéger le prestige de cette Assemblée?

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – Hier, 24 avril, nous avons commémoré le génocide arménien. Une fois de plus, je souhaite dire que nous devons, au sein de cette Assemblée, conjuguer nos efforts pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus.

Je souhaiterais que mon collègue azéri utilise des termes appropriés pour parler des élections arméniennes. En tant que membre de l’Assemblée parlementaire, je rappelle que les élections parlementaires en Arménie ont respecté les droits de l’homme: le rapport de la mission d’observation des élections le confirme, mais il en va autrement dans la presse azérie.

Les élections législatives qui ont suivi l’adoption de la nouvelle Constitution ont constitué une nouvelle étape pour l’Arménie. Notre nouveau système électoral bénéficie d’un soutien technique important. La transmission en direct des résultats de tous les bureaux de vote exclut toute possibilité de fraude électorale et permet de créer une véritable confiance dans la validité des résultats. L’Arménie vit une transition vers un nouveau type de gouvernance. Tous ces changements ont pour objectif de rendre le processus électoral valable, et résultent de débats et de discussions qui ont permis de trouver un consensus entre tous les partis politiques et la société civile. Le code électoral a été modifié à la demande de l’opposition et nous avons accepté toutes les suggestions qui ont été faites. L’objectif a été atteint et nous avons obtenu la confiance des électeurs. Nous notons avec satisfaction la participation active des médias, des réseaux sociaux et de la société civile au processus électoral. Plusieurs missions internationales d’observation des élections ont été accueillies et le Gouvernement arménien a associé 30 000 représentants d’organisations locales et publiques. De nombreux observateurs étrangers étaient présents. La couverture télévisuelle a été équilibrée, surtout pendant la campagne. Si nous voulons être un pays progressiste, nous devons comprendre que nous n’avons pas d’autre alternative que la démocratie.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Sur le sujet de la corruption, j’ai trouvé que la déclaration contenue dans le rapport d’activité du Bureau était un peu trop réductrice et qu’elle sapait la crédibilité de notre institution. On constate une faiblesse générale. La politique de l’autruche a été largement appliquée. Je soutiens évidemment la proposition de M. Liddell-Grainger. Pour autant, elle ne doit se transformer ni en chasse aux sorcières, ni en opération de couverture.

Le rapport d’activité du Bureau daté du 24 avril fait état de la révision du mandat de rapporteur général sur les droits des personnes LGBTI. Voilà un sujet de grande inquiétude car, en Tchétchénie, les personnes LGBTI sont mises à mort. Je souhaite que le rapporteur veuille bien demander au Commissaire aux droits de l’homme de se rendre en Tchétchénie pour constater par lui-même la situation et pour y mettre un terme.

Je devais initialement participer à la mission ad hoc du Bureau sur l’observation des élections en Bulgarie, mais j’ai été retenu par des obligations dans mon propre parlement. La commission ad hoc a constaté que ces élections s’étaient tenues dans de bonnes conditions. Cependant, des manquements ont eu lieu, qui concernent la xénophobie et le rôle joué par les nationalités. Dans quelle mesure le phénomène de xénophobie a-t-il eu un impact sur le résultat des élections? Quant à l’allégation d’immixtion de puissances étrangères, comme celle supposée de la Russie dans les élections américaines, quelle est la réalité en Bulgarie?

J’ai apprécié, dans le rapport de Mme Dalloz, les commentaires sur la lassitude des électeurs. Je comprends bien ce sentiment, surtout à l’heure où nous nous apprêtons, en Grande-Bretagne, à tenir de nouvelles élections générales. Le fait que la télévision ait consacré si peu de temps aux élections et aux candidats est inquiétant. Les citoyens peuvent-ils comprendre que les élections sont importantes et qu’elles sont le moyen de trouver une stabilité gouvernementale en Bulgarie?

LE PRÉSIDENT – Mme Sotnyk, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. ARIEV (Ukraine)* – La tempête qui a soufflé sur l’Assemblée a pesé sur nos nerfs, mais parfois une tempête fait du bien, car elle nettoie. Nous parlons de l’observation des élections dans plusieurs pays. Mais j’observe que nous n’avons pas surveillé l’élection des organes de notre Assemblée. Voilà qui pourrait faire l’objet d’un débat à l’avenir, un débat autour de la question de la responsabilité. Lors de la dernière réunion du Bureau, la proposition d’un débat selon la procédure d’urgence a été évoquée à propos d’une modification du Règlement visant à permettre de destituer des membres de l’Assemblée. Une telle procédure n’existe pas, mais il faudrait pourtant pouvoir destituer ceux qu’on nomme. Nous devrons examiner cette possibilité. La question de la responsabilité est éminemment d’actualité pour l’Assemblée. La récente visite de trois de ses membres en Syrie n’a fait que confirmer qu’il fallait continuer à nous demander comment renforcer notre responsabilité de membres de l’Assemblée.

Comme un certain nombre de mes collègues, j’attends de M. Agramunt qu’il démissionne avant la fin de cette partie de session. Je vous remercie tous pour la qualité de la discussion que nous avons eue aujourd’hui, lors de l’audition du Président. Cependant, le financement de cette visite, notamment celui du vol en avion, reste peu clair. La question pourra entrer dans le champ de l’enquête sur la corruption – cela a été évoqué en réunion du Bureau –, de même que d’autres accusations de corruption. J’espère que l’Assemblée exigera et obtiendra des réponses claires, et que toutes les responsabilités seront éclaircies.

Je pense moi aussi, Monsieur Xuclà, qu’une fois que nous aurons des informations sur le financement de votre visite, nous pourrons parler de votre fonction de rapporteur pour l’Ukraine. Il pourrait y avoir un clair conflit d’intérêts.

Il faut réfléchir à notre avenir sereinement, mais nous devons faire en sorte que notre Organisation soit à l’abri de tout soupçon et qu’elle se comporte de manière éminemment responsable.

LE PRÉSIDENT – MM. Bereza, Zourabian et Mme Naghdalyan inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. van de VEN (Pays-Bas)* – En tant que membre de la commission ad hoc d’observation des élections du 26 mars dernier en Bulgarie, je souhaite revenir sur l’excellent rapport de Mme Dalloz. Mes propres impressions sur cette journée de scrutin corroborent totalement ce qu’elle a écrit, et je tiens d’abord à la remercier pour sa compétence. Mme Dalloz a très bien présidé notre commission, notamment lors de notre rencontre avec les représentants de différentes organisations.

Pour ma part, c’était la première fois que je participais à une mission d’observation électorale, et je souhaite remercier également Mme Sotnyk, qui m’a beaucoup aidé. Le jour du scrutin, Mme Sotnyk et moi-même avons visité différents bureaux de vote, à une centaine de kilomètres de Sofia. L’un d’entre eux était en fait établi dans les murs d’une institution pour personnes souffrant d’un handicap mental.

Dans cette région où Bulgares et Roms vivent ensemble, nous avons observé la fermeture du bureau de vote et le dépouillement. Ancien inspecteur des impôts, j’ai l’habitude de reconnaître la fraude. En l’occurrence, je n’ai pas eu l’impression qu’il y en avait. Les opérations de vote se sont déroulées de façon transparente, nonobstant quelques problèmes, mineurs, qui tenaient, par exemple, à une méconnaissance des procédures ou à une familiarité insuffisante avec celles-ci. J’ai aussi relevé que peu de jeunes gens venaient voter.

Samedi 25 mars 2017, l’équipe nationale de football de Bulgarie l’a emporté contre les Pays-Bas par un score de 2-0. Le 26 mars 2017, la Bulgarie, à mon avis, a de nouveau remporté la partie. Il y a, en Bulgarie, des progrès incontestables en matière de droits de l’homme, d’État de droit et de démocratie.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Je voudrais, chers collègues, vous féliciter tous. Hier et aujourd’hui, nous avons prouvé que notre Organisation pouvait résister aux tentatives de manipulation – je songe notamment à ce qui concerne les graves crimes de guerre perpétrés par le régime syrien. Nous avons montré que nous pouvions lutter contre ces menaces.

Quel est l’objectif de notre Organisation? C’est la promotion des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie dans les États membres, mais aussi dans le reste du monde, toutes valeurs que nous nous devons de respecter nous-mêmes pour être au-dessus de tout soupçon. Hier, M. Agramunt a vraiment essayé de balayer d’un revers de main cette visite en Syrie, comme si ce n’était pas important. Nous avons montré que ça l’était au contraire. Montrons-nous vraiment insoupçonnables pour pouvoir promouvoir ces valeurs. Je vous remercie, chers collègues, d’en avoir exprimé la volonté. Optons pour la même attitude face à la corruption et montrons-nous à la hauteur pour nous défendre des accusations que nous entendons.

Je voudrais vous demander de rester aussi solides à l’avenir. J’espère que l’Assemblée parlementaire tirera des enseignements de ce qui s’est passé ces dernières semaines et que nous ne reverrons plus jamais ce genre d’événements.

Quant à MM. Xuclà et Destexhe, je leur demande vraiment de réfléchir. Aucune ombre ne doit être jetée sur notre Organisation. Vous ne pouvez plus, chers collègues, être rapporteurs pour l’Ukraine ou d’autres pays au cours des prochaines parties de session. Nous devons montrer que notre Organisation est tout à fait en mesure de lutter contre Poutine et les autres dictateurs qui nous manipulent pour nous mettre en contradiction avec nos valeurs.

Mme LUNDGREN (Suède)* – Merci pour ce rapport d’activité. Nous voyons bien qu’il y a eu quelques petits progrès sur certaines questions traitées par le Bureau et la Commission permanente. Nous avançons en revanche très lentement sur la motion que j’ai présentée avec 52 autres membres de l’Assemblée pour que la lumière soit faite sur les mobiles de l’assassinat de Boris Nemtsov. Nous attendons depuis un an. La question se pose: pourquoi cette inertie?

À présent, de toute évidence, cette affaire a été pour ainsi dire sortie du frigo: j’en suis ravie, mais les choses ont pris beaucoup trop de temps. Étant donné la sensibilité de ce dossier, ce n’est pas acceptable. Nous avons pourtant été nombreux à demander que les choses avancent! J’espère obtenir, sur ce point, des éléments supplémentaires par rapport à ce qui figure dans le rapport d’activité.

Les progrès ont été lents sur une autre question: j’attendais de la Commission permanente et du Bureau qu’ils agissent plus rapidement sur les questions liées à la corruption. Nous avons, là aussi, été nombreux à demander une enquête extérieure et indépendante en matière de corruption. Nous avons appris que le Bureau n’avait pas été en mesure de présenter des mesures à ce sujet dans le rapport d’activité; des décisions ont été prises, mais tardivement. À présent, chers collègues, nous devons faire en sorte que les résultats de cette enquête mettent l’Assemblée parlementaire à l’abri des critiques. Nous exigeons de nos États qu’ils luttent contre l’impunité: nous ne pouvons pas nous rendre coupables des mêmes faits que ceux que nous leur reprochons! Personne ne doit être à l’abri de ces enquêtes, que ce soit le Président de notre Assemblée ou qui que ce soit d’autre, dès lors qu’il s’agit de corruption.

Pour finir, se pose la question de la visite en Syrie. Nous devons nous assurer que le prochain rapport d’activité présentera des informations utiles à ce propos, faute de quoi cette question sera à nouveau posée.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

Monsieur le rapporteur, il vous reste cinq minutes de temps de parole.

M. XUCLÀ (Espagne), rapporteur* – Je remercie toutes les personnes qui sont intervenues dans cette seconde partie du débat sur ce rapport d’activité. Je suis ravi que nous nous penchions enfin sur la question des soupçons de corruption au sein de cette Assemblée. Je confirme ce qu’a dit M. Németh: il y avait un accord entre les groupes parlementaires pour présenter des amendements sur ce document. Je voudrais donc demander à M. le Président pourquoi cela n’a pas été possible, techniquement et juridiquement. Notre Assemblée est ici réunie en session plénière: cela devrait donc être possible. Quoi qu’il en soit, je me réjouis que nous abordions enfin cette question.

Monsieur Sobolev, j’ai parlé hier de la Syrie, alors que Sir Roger Gale présidait notre Assemblée. J’avais demandé à en parler même si cette question ne figure pas dans le rapport d’activité, mais Sir Roger Gale ne m’a pas donné plus de temps de parole pour le faire.

Je voudrais vous dire encore une chose, Monsieur Sobolev. J’ai parlé avec M. Ariev, chef de la délégation ukrainienne, pendant une demi-heure. Je crois que le moment est venu de remettre de l’ordre dans beaucoup de domaines: cela vaut pour chacun d’entre nous. Notre Assemblée doit être efficace et utile. Mais si les autorités ukrainiennes ne m’acceptent pas comme interlocuteur, alors je ne pourrai pas être rapporteur sur ce sujet. Cela doit être confirmé dans les jours ou les semaines à venir: M. Ariev a demandé que je rencontre la délégation ukrainienne.

Vous savez, Monsieur Sobolev, dans la vie, il faut savoir tirer des leçons soi-même: si vous m’avez bien écouté ce matin, alors vous aurez compris que je suis arrivé à mes propres conclusions, assez radicales, sur la base de certaines expériences que j’ai vécues ces derniers temps.

Je suis d’accord avec la personne qui a dit que les procédures de suivi doivent être révisées, afin que nous puissions étudier chaque cas, chapitre par chapitre. C’est très juste: il faudrait adopter une procédure similaire à celle que l’Union européenne applique aux pays candidats. Il faut étudier chaque obligation, pour voir si elle a été respectée, avant de passer à la suivante. C’est ainsi que le système devrait être amélioré.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Howell: nous devons être plus impliqués dans la protection des personnes LGBTI dans le Caucase du Nord. La violation de leurs droits est en effet un grave sujet de préoccupation.

Madame Lundgren, j’ai signé la proposition demandant l’ouverture d’une enquête visant à faire toute la lumière sur l’assassinat, pour des raisons politiques, de Boris Nemtsov, qui était vice-président d’un parti d’opposition en Russie. J’ai été pendant très longtemps en minorité sur ce sujet. Les choses se terminent bien puisque la commission des questions juridiques va nommer un rapporteur sur cette affaire: c’est une très bonne nouvelle.

Mesdames et messieurs, voilà ce que j’avais à vous dire. J’ai présenté l’ensemble du rapport dans ma première intervention.

Hier soir, le Bureau s’est réuni. Nous avions décidé que le délai de dépôt des amendements se terminerait le mercredi, et que l’adoption définitive aurait lieu le vendredi. C’est l’accord entre les cinq présidents de groupe, au nom des groupes. C’est toujours une bonne chose d’enrichir les textes, de les améliorer. Cette décision a été prise hier.

Un parlementaire polonais souhaitait présenter des amendements, comme c’est son droit. C’est un droit fondamental dans notre Assemblée. Je voudrais donc, Monsieur le Président, que vous me disiez pourquoi, sur le plan politique et juridique, cela n’est pas possible.

LE PRÉSIDENT – Après un long débat, le Bureau a décidé que l’Assemblée se prononcerait sur ce texte sans amendements. Nous avons voté sur la question de savoir si l’Assemblée se prononcerait ou non sur les amendements, et le résultat du vote a été clair: il n’est donc plus possible, aujourd’hui, de revenir sur ce sujet. Je suis désolé, Monsieur le rapporteur.

M. XUCLÀ (Espagne), rapporteur* – Une question technique toutefois: pourquoi un membre de cette Assemblée parlementaire ne pourrait-il pas présenter un amendement en séance plénière? Par le passé, cela s’est fait. En outre nous avons révoqué des décisions du Bureau.

M. SAWICKI, Secrétaire général de l’Assemblée Parlementaire* – La décision du Bureau de créer un groupe chargé de réfléchir à son mandat est simplement soumise à la ratification de l’Assemblée, et non pas à une procédure de présentation d’amendements. L’Assemblée ne peut qu’approuver ou rejeter cette décision: elle peut la rejeter, mais elle n’est pas habilitée à modifier une décision du Bureau. Les règles sont claires: les décisions du Bureau sont soumises à ratification par l’Assemblée.

C’est exactement le même type de procédure qui est employé pour la création de commissions ad hoc par le Bureau: l’Assemblée peut juste dire oui ou non.

M. XUCLÀ (Espagne), rapporteur* – Vous dites que la plénière ne peut pas se prononcer sur une décision d’une telle importance. Cela signifie, tout simplement, que les règles ont changé ici. C’est un document extrêmement important, qui reste en quelque sorte bloqué au niveau du Bureau. Je ne comprends pas pourquoi un parlementaire ne pourrait pas présenter d’amendements.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE* – Le texte du Règlement est parfaitement clair : la définition des mandats relève de la compétence du Bureau et non de l’Assemblée dans son ensemble. L’Assemblée est saisie pour ratification: elle peut les accepter ou les rejeter.

Il serait possible de demander à l’Assemblée de préparer un rapport officiel sur cette question. Ainsi, le rapport serait renvoyé à l’une des commissions et vous disposeriez d’un texte émanant d’une commission sur lequel vous pourriez introduire des amendements suivant la procédure habituelle d’adoption d’une résolution au sein de l’Assemblée.

Mais ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. C’est le Bureau qui a créé cet organe; il a donc la compétence pour en définir le mandat. Le Règlement est parfaitement clair sur ce point et, dans cette procédure, l’Assemblée est saisie pour dire «oui» ou «non», sans autre possibilité.

Le rapport d’activité est approuvé.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Rappel au Règlement. Ma question concerne les responsabilités de l’Assemblée parlementaire. Nous savons que si le Bureau prend une décision, l’Assemblée peut modifier cette décision dès lors que dix membres de l’Assemblée se lèvent pour exprimer leur refus. L’Assemblée est la dernière instance de décision.

Monsieur le Secrétaire général, ce que je viens de dire est-il exact?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE* – Si je comprends bien, M. Seyidov évoque la procédure suivie pour la présentation d’un amendement oral devant l’Assemblée mais, en l’occurrence, c’est l’inverse: c’est l’Assemblée dans son ensemble qui doit décider si un amendement oral doit être mis aux voix ou non. Si dix membres de l’Assemblée se lèvent pour objecter, l’amendement n’est pas recevable et ne peut être mis aux voix.

Cette procédure figure effectivement dans le Règlement, mais ne concerne pas les autres décisions, j’en suis désolé.

3. Les droits de l’homme dans le Caucase du Nord: quelles suites donner
à la Résolution 1738 (2010)?

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle à présent la présentation et la discussion du rapport de M. McNamara, au nom de la commission des questions juridiques, intitulé «Les droits de l’homme dans le Caucase du nord: quelles suites donner à la Résolution 1738» (Doc. 14083). C’est M. Schwabe qui présentera ce rapport pour la commission.

Je vais inviter les orateurs à s’exprimer dans la limite de 3 minutes, comme pour les autres débats de la journée.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 15. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur Schwabe, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport de M. McNamara et la réponse aux orateurs.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur suppléant de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Chers collègues, M. McNamara, qui n’est plus des nôtres, a beaucoup travaillé pour élaborer ce rapport. C’est un sujet dont nous n’avons pas suffisamment parlé, mais le rapport étant rédigé, il m’a demandé d’en faire la présentation, ce qui a été finalement décidé par la commission des questions juridiques. Je tiens à féliciter M. McNamara et lui rendre hommage pour son excellente coopération avec l’administration et la commission sur cette question extrêmement complexe.

La situation des droits de l’homme dans le Caucase du Nord et en Tchétchénie est catastrophique et l’on a du mal à croire que l’on se trouve dans un des pays membres du Conseil de l’Europe, car il s’y passe des choses purement incroyables.

Ce rapport, que je vous invite à adopter, est une suite apportée au dernier rapport qui a été rédigé sur la situation dans cette région par notre ancien collègue suisse, M. Marty. Le rapport Marty avait été adopté en juin 2010 à l’unanimité. Ce faisant, la délégation de la Fédération de Russie avait envoyé un message très clair à Ramzan Kadyrov, qui règne en maître absolu sur la Tchétchénie. Souvent, Moscou envoie des messages de modération vers la Tchétchénie. Parfois, cela va dans l’autre sens. Je déplore donc d’autant plus que nos collègues russes ne soient pas parmi nous aujourd’hui pour discuter de la question de savoir pourquoi ce message n’a visiblement pas été entendu, ni respecté.

Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation des droits de l’homme dans cette région?

Quand on parle du Caucase du Nord, on parle de la Russie. Même si certains d’entre vous ne le savent pas très bien, je vous rappelle que le Caucase du Nord fait partie de la Russie. C’est donc à elle qu’il appartient de veiller à ce que l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme y soient respectés. Notre rapport l’expose de façon détaillée.

En 2010, nous avions déjà constaté que régnait un climat d’impunité s’agissant de graves violations faites aux droits de l’homme. Rien n’a changé à ce jour; au contraire, la situation n’a fait qu’empirer. De nombreux cas d’assassinats, de disparitions et de torture n’avaient pas été élucidés en 2010. Depuis, ils ne l’ont pas plus été. Cela signifie que des centaines d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, dans lesquels il est constaté que des enquêtes n’ont pas été menées, n’ont pas été exécutés. Le Comité des Ministres continue d’insister sur l’exécution de ces arrêts et de demander que les enquêtes soient menées, mais les autorités russes refusent de prendre des mesures en ce sens – comme l’installation d’un laboratoire pour faire des analyses ADN en Tchétchénie.

Il faut en tirer les conséquences. La Convention européenne des droits de l’homme prévoit plusieurs outils, tels que les requêtes interétatiques à l’article 33.

Le rapport qui vous est présenté date de quasiment un an. Pour différentes raisons, cela a pris du temps avant qu’il ne trouve sa place dans l’ordre du jour en plénière. Une audition y a contribué, qui a rassemblé en janvier de cette année, des représentants de la société civile, de Human Rights Watch, du Comité Helsinki norvégien et du centre des droits de l’homme Memorial. Ils nous ont montré à quel point la situation est terrible pour les personnes vivant dans la région. À partir de là, la commission a décidé d’insister auprès du Bureau pour qu’il y ait enfin un débat sur ce rapport.

Pour des raisons de procédure, la commission n’a pas pu présenter de version actualisée de ce rapport. Mais pour que ce texte reste actuel, nous avons accepté de nombreux amendements venus d’organisations chargées de la protection des droits de l’homme. Ils ont donc été nombreux, mais ne pourront être adoptés en procédure simplifiée, parce que la commission les recommande et les a adoptés, pour la plupart, à l’unanimité.

Nombre d’idées nous sont parvenues, émanant de la société civile. Cela a été extrêmement impressionnant. Nous avons reçu une multitude d’amendements, que notre Assemblée peut appuyer. Il s’agit pour l’essentiel de tenir compte de nouvelles évolutions dans la situation depuis l’adoption du rapport en commission.

M. le Secrétaire Général l’a évoqué, puisqu’une question lui a été posée à ce sujet, nous avons notamment reçu de nombreux rapports ces dernières semaines sur la persécution des personnes LGBTI en Tchétchénie.

Des rapports dramatiques font état d’assassinats, de mauvais traitements et d’arrestations arbitraires. En guise de dénégation, Ramzan Kadyrov affirme que des persécutions contre les homosexuels en Tchétchénie sont impossibles, car ce type de personnes n’existe pas en Tchétchénie. Selon lui, au sein de la société tchétchène, les familles veillent à ce que cela ne soit pas possible. Ce type de persécutions brutales contre des minorités déjà très exposées, et ces réactions cyniques des représentants officiels sont totalement inacceptables au sein d’un État membre du Conseil de l’Europe, de même que le refus d’appliquer les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

Il est également inacceptable que des principes fondamentaux du droit russe, par exemple sur l’égalité entre les hommes et les femmes, ou l’interdiction des mariages forcés, ne soient pas respectés et que l’État central russe n’entreprenne rien pour y remédier.

Nous devons envoyer un message important à Moscou: il faut veiller à ce que dans le Caucase du Nord, le droit russe soit appliqué sans aucune discrimination, sans que l’on ferme les yeux ou que l’on prétende que les violations sont de la responsabilité des dirigeants locaux.

Évidemment, selon certains, tout cela est nécessaire pour lutter contre le terrorisme. La Tchétchénie est devenue une sorte de laboratoire d’essais. On y a combattu le terrorisme avec des méthodes très brutales: assassinats, tortures, disparitions. On compte plus de 5 000 disparitions en quelques années, dans une région dont la population est à peu près équivalente à celle du Luxembourg. Pour autant, le calme n’est pas revenu. De nombreux attentats font encore beaucoup de victimes parmi les civils et les forces de sécurité. Les médias n’en parlent pas à cause des nombreuses intimidations à l’égard des journalistes, dont le rapport fait état.

Si les victimes sont moins nombreuses, il ne faut pas en tirer les mauvaises conclusions. De nombreux combattants sont partis en Irak ou en Syrie, et beaucoup d’entre eux vont revenir bientôt. Dans le rapport de Dick Marty de 2010, il était souligné que le terrorisme ne peut être combattu qu’avec l’aide des populations locales, pas contre elles. Le temps a donné raison à M. Marty, à nous d’en tirer également les enseignements lorsque dans nos pays, nous décidons des moyens avec lesquels nous voulons combattre le terrorisme.

Le Caucase du Nord montre que les méthodes brutales ont pour effet de permettre aux terroristes de recruter de nouveaux terroristes. Je vous demande d’adopter le rapport de M. McNamara avec la majorité qu’il mérite. Veillons à ce que dans les années à venir, nous puissions faire la lumière sur tout ce qui s’est passé dans la région et améliorer la situation. Je rappelle que nous sommes l’une des rares institutions qui essaient d’appeler l’attention sur cette situation dramatique. Les gens là-bas n’ont que le Conseil de l’Europe en qui faire confiance. Seul le Conseil de l’Europe peut les aider. Il faut donc adopter ce rapport avec une très large majorité.

Mme Oomen-Ruijten, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Rouquet au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme LUNDGREN (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Merci, Monsieur Schwabe, de la présentation du rapport, même si ce dernier fête déjà son premier anniversaire. Les amendements transmis par la commission des questions juridiques apportent des améliorations, c’est pourquoi je vous demande de les accepter.

La situation dans le Caucase du Nord a poussé l’ADLE à prendre une position musclée. Vous vous souvenez tous que M. Marty nous relatait le trou noir humanitaire existant dans le Caucase du Nord. Je m’étonne que la Russie, en tant qu’État membre – la Russie a accepté les règles lorsqu’elle est devenue membre – refuse de coopérer. Il est donc impossible de se rendre sur place et de travailler. Cela doit s’ajouter à la liste des manquements de la partie russe, malgré ses engagements.

La Tchétchénie est à l’évidence un territoire où sont commis des abus systématiques des droits de l’homme, en toute impunité. Cela semble constituer la règle. Nous avons constaté ces dernières années que la situation a empiré. Les populations LGBTI ont été pourchassées, persécutées, enlevées, incarcérées, dans des lieux secrets, torturées, c’est inacceptable. Nous avons également assisté aux réactions de Moscou, demandant à Kadyrov ce qui se passait. Ce dernier a répondu qu’il ne se passait absolument rien, car les LGBTI n’existaient pas dans la société tchétchène. La personne chargée du conseil des droits de l’homme de Kadyrov prétend que si ces personnes existaient, alors tout le système judiciaire tchétchène approuverait leur traitement.

Prétendre que les personnes LGBTI n’existent pas, et que si elles existaient, il serait acceptable de les assassiner est intolérable. Si nous ne réagissons pas, la même chose risque d’arriver en Russie. Il faut donc adopter tous ces amendements.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il a fallu du temps, beaucoup trop, pour que ce rapport nous parvienne, mais je me félicite du contenu de la résolution et du rapport, et de la suite donnée à notre résolution de 2010 sur les droits de l’homme dans le Caucase du Nord.

Au nom de la Gauche unitaire européenne, je peux dire que nous sommes favorables à ce projet de résolution, qui rappelle les obligations que la Russie a assumées voici sept ans, et qui sont pourtant restées en grande partie lettre morte à ce jour. Comme le rapporteur le dit à juste titre, nous avons adopté à l’unanimité la résolution 1738 en 2010, avec l’appui de nos collègues parlementaires russes. Il est donc malheureux qu’aujourd’hui, nous devions débattre de cette question sans qu’ils soient présents dans l’hémicycle en raison du conflit qui perdure sur les sanctions prises par l’Assemblée contre la délégation russe. Encore une fois, j’appelle notre Assemblée à chercher les moyens de surmonter ce conflit pour renouer le dialogue politique qui nous permettra de nous entretenir avec nos collègues russes. Il faut essayer de convaincre les autorités russes de respecter leurs obligations touchant les droits de l’homme dans le Caucase du Nord.

Sept années se sont écoulées depuis l’adoption de notre résolution, et il est clair que la Russie ne fait pas tout ce qu’elle pourrait faire pour en respecter les termes. Bien au contraire, à bien des égards, la situation concernant les droits de l’homme se détériore dans le Caucase du Nord, ou en tout cas dans certaines parties, notamment dans la République tchétchène. En plus du cas de la communauté LGBTI, je pourrais évoquer bien d’autres exemples de violations des droits de l’homme contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ratifiée par la Fédération de Russie et aux obligations spécifiques que la Russie a acceptées dans la résolution de 2010.

Je sais qu’il y aura des réactions à cette résolution et à ce rapport, qui a été rédigé sans contribution des Russes et sans visite sur place.

Le fait que les Russes aient refusé de laisser entrer nos rapporteurs dans leur pays est la cause de cette lacune du rapport. J’appelle de nouveau les autorités russes à autoriser nos rapporteurs à faire leur travail. En tant qu’État membre du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie a l’obligation de coopérer avec l’Assemblée.

Je le répète: nous devons surmonter le conflit qui nous oppose au Parlement russe pour qu’à l’avenir nos collègues russes puissent accepter de remplir leurs obligations et participer aux travaux de l’Assemblée. Le Conseil de l’Europe n’est pas une organisation touristique. Les États membres doivent participer aux travaux de l’Assemblée au même titre qu’à ceux du Comité des Ministres. Mon groupe voudrait, en conséquence, que la recommandation exhorte le Comité des Ministres à utiliser tous les moyens en son pouvoir pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le Caucase du Nord.

Je remercie de nouveau le rapporteur pour ce projet de résolution et pour ce projet de recommandation auxquels mon groupe est favorable.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je tiens tout d’abord à dire une chose que je ne dis pas très souvent: ce rapport et le projet de résolution sont excellents. Je n’ai à formuler aucune critique sur ce texte. Je soutiendrai les différents amendements.

S’agissant de l’essence même de la résolution, du fond du document, je suis nettement moins optimiste, pour ne pas dire que je suis pessimiste. À M. Kox, qui a affirmé qu’il était regrettable que les Russes ne soient pas présents, je répondrai que les Russes ne sont pas là parce qu’ils n’appliquent pas la résolution. Ce qui est regrettable, c’est qu’ils ne mettent pas en œuvre nos décisions. Je rejoins les propos de M. Marty: le Caucase du Nord est une zone obscure pour les droits de l’homme. J’aimerais également souligner que la Résolution 1738 a été approuvée en présence des Russes, qui ont voté en faveur de celle-ci, comme nous tous ici. Or nous pouvons observer aujourd’hui qu’aucun de ses points, ou presque, n’a été appliqué. Il n’y aucun dialogue visant à une résolution pacifique du conflit: la coopération est très limitée entre les autorités et les organisations non gouvernementales. Il existe une longue liste d’actions illégales commises par des forces qui retirent la leur non pas des lois qui les créent mais de celle qu’elles utilisent. Très peu de dispositions sont appliquées et de nouveaux problèmes surgissent, notamment en matière d’absence d’égalité de droits des femmes, en tout cas des droits que nous défendons ici, sans compter les problèmes tragiques que connaissent les minorités sexuelles – tous sujets que le projet de résolution évoque.

Merci pour ce texte fort bien préparé! J’espère que certaines de nos résolutions au moins seront appliquées à l’avenir.

M. Mogens JENSEN (Danemark), porte-parole du Groupe socialiste* – Le Groupe socialiste se réjouit également de ce rapport et appuie ses conclusions et ses recommandations. Il est fort regrettable que les recommandations adressées aux autorités dans notre résolution – cela a déjà été rappelé –, après avoir été adoptées à l’unanimité avec la participation de la délégation de la Fédération de Russie, n’aient malheureusement pas été mises en œuvre. Ce qui est inquiétant, c’est que les autorités de la République de Tchétchénie continuent d’entretenir un climat de peur. Son chef a publiquement menacé des opposants politiques et des militants des droits de l’homme. Il en a été de même dans d’autres régions de la Russie.

La situation des femmes dans la République de Tchétchénie se détériore. Les autorités essaient actuellement de promouvoir l’application du droit coutumier tchétchène, avec une interprétation de la charia qui entraîne des discriminations à l’encontre des femmes.

Le Groupe socialiste est également préoccupé par les articles parus dans la presse concernant des enlèvements et des actes de torture commis sur des personnes en raison, apparemment, de leur orientation sexuelle. Des centaines de personnes ont été détenues, trois ont été assassinées et nombreuses sont celles qui ont été torturées. Manifestement, les pouvoirs locaux incitent à la violence à l’encontre des personnes LGBTI, ce qui est outrageant et inacceptable.

Nous demandons donc à l’Assemblée d’en appeler aux autorités russes pour qu’elles lancent une enquête complète sur ses affaires, qu’elles garantissent la libération immédiate des personnes encore emprisonnées et qu’elles veillent à ce que celles qui ont été ciblées par ce type d’agression soient protégées contre les représailles et les crimes dits d’honneur.

Il y a encore, effectivement, des trous noirs en Caucase du Nord. Nous nous félicitons de toutes les recommandations de ce rapport. Nous espérons que nous pourrons ainsi mettre un terme au climat d’impunité qui y règne et que nous pourrons restaurer la confiance mutuelle dans la région.

M. GONCHARENKO (Ukraine), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Au nom du Groupe des conservateurs européens, je tiens à remercier les rapporteurs pour leur excellent travail: leur rapport est de très grande qualité.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à poser une question à M. Kox, pour qui l’absence de la délégation russe empêche tout dialogue: la présence dans l’hémicycle de la délégation russe permettait-elle d’établir un dialogue? La réponse est non. Ce n’était que du blabla. Rien n’a été décidé ni fait par le Parlement russe à la suite des recommandations et résolutions de l’Assemblée parlementaire. L’Ukraine est un cas d’école: les décisions prises concernant la Crimée et le Donbass n’ont pas été prises en compte par la Fédération de Russie. Il en a été de même de la Résolution de 2010. La délégation de Russie était présente: nous n’avons jamais observé aucun début d’exécution des résolutions, même lorsqu’elles avaient été entérinées par les Russes. Il n’y a eu aucune amélioration ni en 2012, ni en 2013, ni en 2014. La situation n’a fait qu’empirer. Aucun progrès n’a été constaté.

Quid alors de ce dialogue? Le dialogue est nécessaire lorsque la situation évolue, et non lorsqu’il reste creux.

S’agissant des droits de l’homme, la situation du Caucase du Nord est terrible. Tous ceux qui s’intéressent à cette question le savent. Le Caucase du Nord est une base militaire pour Poutine. C’est là qu’il peut tuer ses opposants politiques. S’il ne le fait pas là-bas, il les fait exécuter à Moscou, à côté du Kremlin.

Le Caucase du Nord est, par conséquent, une base d’entraînement militaire, où l’on utilise des méthodes pour tuer tous ceux qui sont susceptibles de remettre en cause le pouvoir en place.

Vous avez évoqué Ramzan Kadyrov. Mais ce n’est que le prolongement du bras de Poutine. Les Russes ont annexé la Crimée, où Poutine est en train de créer une seconde Tchétchénie. On parle de violations, mais c’est édulcorer la réalité, car nous savons bien que les droits humains ne sont appliqués ni dans le Caucase du Nord ni en Crimée.

Le travail produit est d’excellente facture et il convient maintenant d’exercer la pression la plus forte qui soit sur la Fédération de Russie, et ce même pas pour améliorer, mais pour mettre fin à la détérioration de la situation dans le Caucase du nord et sur le territoire de la Fédération de Russie en général.

M. FOURNIER (France) – C’est un tableau bien sombre de la situation des droits de l’homme dans le Caucase du Nord que nous brosse M. McNamara. Son rapport fait froid dans le dos, et ce d’autant plus qu’aucune amélioration n’a pu être observée depuis les investigations de notre Assemblée en 2010.

Le constat, en effet, est accablant: climat de violence et de peur, étouffement de la société civile, arrestations arbitraires et tortures, impunité généralisée, voire entretenue par les forces de sécurité, harcèlements et intimidations des opposants politiques, procès truqués, non-exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, situation épouvantable des femmes, etc. La liste des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales les plus élémentaires est longue, trop longue, hélas! Le Caucase du Nord est devenu une zone de non-droit.

Comme le note le rapport, avec consternation et résignation, la situation en Tchétchénie et au Daghestan «demeure l’une des plus graves de l’ensemble de l’espace géographique du Conseil de l’Europe».

À cette liste d’atrocités, nous pourrions aussi ajouter les persécutions dont sont victimes les homosexuels en Tchétchénie, comme l’a récemment révélé un journal russe indépendant.

Quant à la situation politique, elle y est aberrante: les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un homme et de son clan qui ont mis la région en coupe réglée, et l’on ne perçoit guère de motifs pour croire à une évolution prochaine.

Le pire, sans doute, est que tout cela se déroule dans une indifférence générale, à commencer par celle des autorités russes.

Pourtant, personne n’est dupe: nous savons très bien que le Kremlin a passé un accord tacite avec les dirigeants du Caucase du Nord qui consiste à leur laisser les mains libres pourvu qu’ils assurent l’ordre et la lutte contre le terrorisme dans ces républiques qui ont longtemps été rebelles à Moscou. Le cas le plus exemplaire est, bien sûr, celui de la Tchétchénie.

Malheureusement, nous ne pouvons en discuter avec nos collègues russes qui, en dépit des appels répétés des plus hautes instances de notre Assemblée, s’entêtent dans leur refus de siéger de nouveau parmi nous. Car, bien sûr, la solution à ces difficultés ne se trouve pas sur place, mais à Moscou. Les autorités russes pourraient contribuer à améliorer très nettement la situation dans le Caucase du Nord si elles acceptaient de coopérer avec notre Organisation qui ne manque pas de moyens pour promouvoir l’État de droit et les droits de l’homme, à commencer par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme.

C’est une question de volonté politique. Manifestement, elle n’existe pas au Kremlin.

LA PRÉSIDENTE* – Mme Chugoshvili et M. O’Reilly, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme FINCKH-KRÄMER (Allemagne)* – Je souhaite intervenir sur un sujet qui vaut pour de nombreuses régions souffrant de violations des droits de l’homme.

Les graves violations des droits de l’homme en Tchétchénie sont liées au fait qu’après le démantèlement de l’Union soviétique, les Tchétchènes ont pensé que, par la violence, ils pourraient imposer leur indépendance à la Russie. Parallèlement, le Gouvernement russe a réagi, à l’époque, par une violence militaire, aboutissant ainsi rapidement à une violence des deux parties.

La Tchétchénie est l’un des exemples qui montre que réagir à la violence par la violence conduit à une situation où les droits de l’homme ne sont plus respectés. Cela vaut particulièrement pour les droits des femmes et des minorités.

Je me réjouis que nous menions ce débat aujourd’hui et qu’un groupe d’organisations non gouvernementales, à commencer par Amnesty international et l’organisation non gouvernementale russe Memorial, en ait pris conscience et nous ait présenté des recommandations pour nourrir notre travail d’amendements, nous permettant ainsi d’actualiser notre rapport.

Nous ne devons jamais oublier que des organisations militent également en faveur des droits de l’homme en Russie et que des journalistes extrêmement courageux s’engagent pour la défense des droits de l’homme, dénoncent les violations et subissent des pressions bien plus fortes que dans les autres pays membres du Conseil de l’Europe.

Il est donc important que nous pensions à ces personnes qui sont nos alliés. La Russie est un grand pays et il n’est pas uniquement constitué d’un gouvernement qui a recours à des moyens extrêmement douteux dès lors qu’il s’agit de gérer les velléités d’indépendance du Caucase du Nord, un gouvernement qui a également mal réagi ainsi que l’avons vu à l’occasion des attentats terroristes. La Russie compte également une société civile avec laquelle nous sommes liés et qui se sent européenne.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Si, avant cette réunion, j’étais soucieux de la situation du Caucase du nord, je le suis plus encore après la lecture de ce rapport dont je remercie l’auteur.

Je suis vraiment inquiet des violations à l’encontre des droits de l’homme qui se traduisent par des enlèvements, des tortures, des assassinats, etc. L’exécution des arrêts de la Cour des droits de l’homme a été ignorée. Un appel a été lancé pour mettre un terme à l’impunité dans la région. Cet appel à intervenir dans les cas individuels au niveau du Comité des Ministres prouve que les Russes agissent comme bon leur semble.

Je condamne le fait de viser les membres de la communauté LGBTI en Tchétchénie comme je condamne la détention massive de plus d’une centaine d’hommes en raison de leur orientation sexuelle. Le rapport suggère qu’au moins trois personnes auraient été assassinées et bien d’autres torturées, ce qui est profondément choquant. J’en appelle aux autorités pour élucider ces violations des droits de l’homme.

Les mesures prises au prétexte de lutter contre le terrorisme suscitent également l’inquiétude. Par exemple, les Russes prennent prétexte de la lutte contre les salafistes au Daghestan pour opérer des rafles, brûler des maisons, des familles ou des personnes susceptibles d’être des combattants salafistes.

Pour combattre ce terrorisme, nous devons commencer par lutter contre la pauvreté et la violation des droits de l’homme.

S’agissant du Daghestan, les forces de sécurité russes sont accusées d’avoir violé des droits de l’homme lors d’opérations contre les insurgés: les suspects n’ont pu être accompagnés d’un représentant légal, des maisons ont été détruites sans qu’aucune réparation ne soit accordée aux propriétaires et des rafles massives ont été commises. En Tchétchénie, en revanche, des djihadistes et leurs familles ont été expulsés du territoire et leurs propriétés ont été détruites.

Pour sauvegarder les droits de l’homme dans cette région, de nombreuses personnes prennent des risques, des ONG et des défenseurs des droits de l’homme sont attaqués. Je condamne fermement toutes ces attaques.

LA PRÉSIDENTE* – M. Troy, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. HERKEL (Estonie)* – Sept après un premier débat, nous discutons à nouveau de la situation des droits de l’homme dans le Caucase du Nord.

Je suis membre de l’Assemblée parlementaire depuis 2003 et déjà, il y a plus de 10 ans, la Tchétchénie était au cœur de nos débats. Nous avions, à l’époque, la possibilité d’envoyer sur place une commission d’établissement des faits. Si la situation était terrible, elle est toujours aussi brûlante et nous avons perdu 7 ans. En 2006, le rapporteur avait décrit ce scénario catastrophe, prédisant que le climat d’impunité allait se répandre dans tout le Caucase du Nord; c’est exactement ce qui s’est produit avec l’islamisation et la modernisation.

Nous tirons aujourd’hui des conclusions, mais nos recommandations restent lettre morte. Les autorités russes n’ont procédé à aucun changement ni exécuté aucun arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

Nous devons être reconnaissants à l’égard des personnes très courageuses qui défendent les droits de l’homme en Fédération de Russie. Le rapport repose pour l’essentiel sur leur travail et leurs conclusions. Je pense notamment au Comité contre la torture de Nijni-Novgorod et au Centre des droits de l’homme Memorial. Il est également très important de pouvoir compter sur le Centre de documentation Natalya Estemirova à Oslo.

Notre objectif est d’instaurer un dialogue avec les pays concernés. Mais si celui-ci est impossible, nous ne devons pas oublier quel sort subissent les populations. Ce rapport est donc une manière de leur prouver notre soutien moral. M. Goncharenko a indiqué que la Tchétchénie était un théâtre d’opérations, un camp d’entraînement où M. Poutine assassine les opposants politiques et les journalistes. Je répondrai à notre collègue que tout a commencé en Tchétchénie: les problèmes de sécurité comme les violations des droits de l’homme. Puis ont suivi l’Ossétie du Sud, l’Ukraine et maintenant la Syrie.

Mme HIGGINS (Irlande)* – Je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son excellent travail. Il a souhaité être aussi juste et impartial que possible et s’adresser, sur un même plan, à toutes les parties en présence.

Ce rapport évoque les résolutions de 2006 et de 2010 auxquelles la Fédération de Russie avait donné son accord. Le rapporteur rappelle que, en raison de l’absence de la Russie au sein de l’Assemblée parlementaire, il n’a pu s’entretenir avec elle, notamment dans le cadre de certaines commissions. Il a tendu la main à un certain nombre de représentants de la Douma et leur a demandé d’apporter leur contribution à l’examen de la question sans obtenir de réponse de leur part. Il a cependant tout mis en œuvre pour rédiger un rapport équilibré.

Ce rapport, très préoccupant, fait état de la détérioration de la situation: 247 arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme n’ont pas été suivis d’exécution et nous observons le recours de plus en plus fréquent au droit coutumier. Je me félicite de ce rapport et des amendements visant à le renforcer.

Oui, ce rapport a pris du temps, mais il arrive à un moment opportun. Nous avons désormais la possibilité de faire état des évolutions préoccupantes pour ce qui est notamment des droits des LGBTI. Nous ne pouvons pas laisser la Tchétchénie devenir un champ d’expérimentation, où de nouveaux moyens d’oppression et de mauvais traitements seraient testés. Nous devons saisir l’occasion qui nous est donnée pour faire une déclaration ferme et condamner la détérioration de la situation en Caucase du Nord. Pour ce faire, je suis disposée à cosigner les amendements qui traitent de la question du mariage forcé, une situation extrêmement préoccupante.

S’agissant des droits des LGBT, les messages actuellement diffusés par les services administratifs et gouvernementaux incitent à la haine, violant ainsi les pratiques et les normes du Conseil de l’Europe. Enfin, nous devons soutenir les amendements relatifs au rôle des journalistes, car nous avons à quel point ils sont menacés dans cette région.

Je vous appelle à soutenir ce rapport et à voter les amendements.

LA PRÉSIDENTE* – M. Kandelaki, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KÖCK (Autriche)* – Ce rapport est capital. Nous ne devons pas oublier la situation qui prévaut dans la région ni les propositions formulées dans ce rapport.

Cette situation est inconcevable pour un grand nombre d’entre nous. Nous ne pouvons imaginer la vie en Tchétchénie et dans le Caucase du Nord. M. Kochenko, du centre LGBT de Saint-Pétersbourg nous a décrit la situation comme étant véritablement atroce. Sebastian Kurz, le ministre autrichien des Affaires étrangères, a condamné la situation dans le Caucase du Nord, qui est décrite comme une situation d’impunité où d’innombrables violations des droits de l’homme sont commises et où les attaques sont politiquement motivées.

Il y a toujours eu des conflits et des guerres dans cette région. Génération après génération, les habitants ne connaissent pas la paix. Sur 30 000 demandeurs d’asile tchétchènes qui se sont présentés en Autriche – indicateur le plus élevé en Europe – 3 000 d’entre eux font l’objet de poursuites pénales.

Voilà quelques semaines, 22 Tchétchènes ont été appréhendés en possession d’armes automatiques. Ils avaient participé à des activités criminelles et étaient membres de différents réseaux.

Même si ces membres de la communauté tchétchène sont dans le pays et connaissent la situation qui prévaut, nous avons vu ce qui s’est passé. Il est très difficile de gérer de tels individus. Une action in situ doit avoir lieu si l’on souhaite améliorer la situation. Ils doivent pouvoir rester là-bas, pour ne pas avoir à trouver refuge ailleurs.

Un cadre législatif doit être mis en place et appliqué. Il est regrettable que la Fédération de Russie ne soit pas représentée ici, mais la vérité est la suivante: même si les Russes avaient été présents, peut-être n’auraient-ils pas coopéré. Notre action doit passer par les différentes organisations internationales, telles que le Conseil de l’Europe. Ce dernier doit coopérer avec la Fédération de Russie, afin de garantir une véritable mise en œuvre de la législation en vigueur et améliorer la situation sur place.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Nous avons eu trois journées d’audition importantes au sein du Groupe du Parti populaire européen, où les démocrates russes défendent les tchétchènes victimes des autorités locales. Les témoignages sont épouvantables. Nous avons rencontré M. Kochetkov, président de l’association LGBT Russie, et Elena Mikhailovna, rédactrice au journal Novaïa Gazeta. Après avoir voté en commission des questions juridiques un certain nombre d’amendements, je dois vous inviter à en faire autant.

Huit années après notre rapport, la situation n’a fait que se détériorer. Ma mère a passé plusieurs années dans des camps de concentration nazis. Elle me parlait du triangle rose qu’on imposait aux homosexuels. Nous devons être très vigilants, les persécutions contre les homosexuels et d’autres communautés ont toujours existé. Faisons savoir aux autorités russes que ces violations gravissimes des droits de l’homme, qui font écho aux événements qui ont eu lieu avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, doivent cesser. Ils nous rappellent les régimes totalitaires.

Je remercie les rapporteurs. Prenons les choses au sérieux, mettons un terme à l’idéologie de la haine, aux violations des droits de l’homme et aux assassinats des homosexuels, luttons contre les violations de la liberté d’expression et contre la terreur dont les sociaux-démocrates russes sont victimes.

LA PRÉSIDENTE* – M. Divina, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. De BRUYN (Belgique)* – Je souhaite attirer une nouvelle fois votre attention sur la situation que connaissent les hommes homosexuels en Tchétchénie. Leur existence est niée, tout comme leur capacité à vivre une vie normale. L’oppression, la détention, la torture, voire les assassinats extrajudiciaires, tout cela est le fait d’autorités et de pouvoirs locaux et régionaux.

Ni la religion, ni la culture, ni la tradition ne sauraient jamais être mis en avant pour justifier ces atrocités. Si la Convention européenne des droits de l’homme a un sens pour nous, non seulement il nous faut nous ériger contre cette déshumanisation que subissent les hommes homosexuels en Tchétchénie, mais il faut aussi que nous passions immédiatement à l’acte et que nous lancions cet appel. L’article 14 de la Convention stipule: «La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune…» Nous ne saurions garder le silence. Ma confiance en la Fédération de Russie pour défendre les droits des personnes LGBTI est assez faible. Je demande une enquête internationale indépendante sur ces faits. Notre préoccupation est aussi très vive eu égard à ces journalistes qui couvrent ces atrocités et à ces militants qui travaillent sans relâche pour promouvoir les droits des personnes LGBTI. Il faut défendre l’égalité des droits pour tous, et je vous appelle instamment à voter les amendements qui soutiennent les droits des personnes LGBTI en Tchétchénie.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur Schwabe, il vous reste 4 minutes de temps de parole.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur suppléant* – Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui ont exprimé leur reconnaissance vis-à-vis de M. McNamara. Je l’en informerai et lui transmettrai vos remerciements. Il a énormément travaillé pour établir ce rapport, ainsi que M. Marty. Ils sont les deux auteurs de ce rapport, et j’ai le sentiment qu’ils ont fait un excellent travail.

Il ne faut pas se contenter de critiquer nos adversaires et de complimenter nos amis. Quand un ami vous critique, l’effet est décuplé. Quand les représentants du Groupe pour la gauche unitaire européenne s’expriment contre la Russie, le message peut ainsi passer.

Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d’être trop pessimistes. Nous devons faire entendre notre voix. Si nous ne faisions rien ce serait encore pire. Nous devons dénoncer la situation dans le Caucase du Nord. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne peuvent être remis en cause, ils doivent être appliqués. Voilà ce que devrait faire la Russie dans cette région du Caucase du Nord.

Parfois, l’espoir repose sur la dénonciation des violations des droits de l’homme. L’action de Natalia Estemirova fut essentielle. J’ai récemment parlé avec le responsable du centre d’information sur la Stasi, à Berlin. Toutes les actions de ce centre sont très importantes, car les violations des droits de l’homme, où qu’elles aient lieu, doivent être dénoncées, partout dans le monde, y compris celles contre les personnes LGBTI.

La réaction des autorités tchétchènes et russes fut cynique, disant que M. Poutine et M. Kadyrov s’étaient rencontrés. Le porte-parole de M. Poutine a tenu les propos de M. Kadyrov pour formidables.

Quoi qu’il en soit, cela a provoqué une véritable vague de critiques. Cela doit nous encourager. Même si le rapport n’évoque pas la question d’une procédure de suivi, nous devrions tous nous demander quelle est notre responsabilité et, au cours des prochaines années, nous devrons continuer à suivre cette situation extrêmement grave. Je vous remercie, et espère que le projet de résolution sera adopté.

M. DESTEXHE (Belgique), président de la commission des questions juridiques – Chers collègues, M. Herkel a raison de dire que notre Assemblée ne s’est plus penchée depuis très longtemps sur la situation dans le Caucase du Nord, notamment en Tchétchénie. M. Schwabe nous présente ce rapport comme la commission a décidé de le faire lors de notre réunion du mois de décembre, mais il supplée en fait M. McNamara, qui a énormément travaillé; je vous prie, cher collègue, de bien vouloir lui transmettre les remerciements de notre commission.

En fait, ce rapport a déjà été adopté au mois d’avril 2016, à l’unanimité. La commission a regretté que les représentants russes, avec lesquels M. McNamara travaillait très bien au début, ne soient plus présents ensuite, pour les raisons que nous connaissons tous. S’il s’est passé un an depuis l’adoption du rapport en commission, ce n’est pas lié au travail de notre commission, et la délégation russe n’est, de toute façon, toujours pas de retour pour discuter avec nous. D’une certaine façon, à tout malheur – et à tout délai –, quelque chose est bon, puisque cela nous aura permis d’actualiser ce rapport et de souligner encore la situation extrêmement difficile, désastreuse dans un certain nombre de cas, des gays, comme l’a dit M. De Bruyn, ou de la communauté LGBTI en général. Ce point n’était pas vraiment développé dans le texte initial mais, grâce au travail de M. Schwabe et de quelques autres membres de la commission, nous avons pu améliorer le rapport et quelques amendements et sous-amendements ont été adoptés à l’unanimité.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution sur lequel 31 amendements ont été déposés, dont deux font l’objet de sous-amendements oraux, et un projet de recommandation sur lequel deux amendements ont été déposés. Les amendements seront examinés dans l’ordre dans lequel il figure dans le recueil. Je vous rappelle, chers collègues, que la durée des interventions est limitée à 30 secondes.

Nous examinons tout d’abord le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que le président de la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les 27 amendements qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission comme adoptés par l’Assemblée. Il s’agit des amendements 8 à 10, 12 à 16, 1, 17 à 20, 22, 21, 23, 2 à 4, 6, 25, 27, 26, 28, 29, 7 et 30.

Est-ce exact, Monsieur le président de la commission?

M. DESTEXHE (Belgique), président de la commission – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

L’amendement 24 a également été adopté à l’unanimité par la commission. Cependant, il sera discuté selon les modalités habituelles car il interfère avec d’autres amendements.

Je suis saisie de l’amendement 11, qui fait l’objet d’un sous-amendement oral, proposé au nom de la commission.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur suppléant* – Nous souhaitons vraiment soutenir le processus de réconciliation et nous voulons évoquer tous ceux qui sont partie prenante à ce processus, sans nous limiter à la communauté salafiste.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par M. Cilevičs du sous-amendement oral suivant:

«À l’alinéa 2 de l’amendement 11, supprimer les mots: ‘‘comme la communauté salafisteˮ.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner. Je ne vois pas M. Cilevičs dans l’hémicycle. M. Destexhe va le présenter.

M. DESTEXHE (Belgique), président de la commission – Ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité par la commission. Je vous invite donc à en faire autant.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur suppléant* – J’approuve ce sous-amendement oral.

Le sous-amendement oral est adopté.

L’amendement 11, ainsi sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 33, qui fait l’objet d’un sous-amendement oral.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Lors de la réunion de la commission, nous nous sommes penchés sur cette oppression extrêmement forte des personnes LGBT et la terreur qui règne, persécution orchestrée par l’État. Nous disposons d’une lettre envoyée par un réseau de défense des droits de l’homme, par laquelle celui-ci nous demande d’adopter cet amendement qui nous permet d’énoncer de façon limpide ce qu’il en est de la situation de la communauté LGBT en Tchétchénie.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par Mme Lundgren d’un sous-amendement oral, au nom de la commission, visant à supprimer la première phrase de l’alinéa 2 de l’amendement 33, à savoir: «Les récentes informations faisant état d’enlèvements à grande échelle, de détentions secrètes, de tortures et d’exécutions extrajudiciaires de personnes LGBT en Tchétchénie constituent un nouveau défi pour le Conseil de l’Europe.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants au moins s’y opposent et se lèvent. Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Mme Lundgren n’est pas présente dans l’hémicycle. M. Destexhe va présenter ce sous-amendement.

M. DESTEXHE (Belgique), président de la commission – L’amendement 33 de M. Zingeris comprend deux phrases. Le sous-amendement vise à supprimer la première d’entre elles, qui est redondante par rapport à la rédaction actuelle du paragraphe 3.3. Voilà ce que propose Mme Lundgren.

Le sous-amendement oral est adopté.

L’amendement 33, ainsi sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement 24, comme je l’ai déjà dit, a été adopté à l’unanimité par la commission. Cependant, nous allons l’étudier selon les modalités habituelles, car son adoption ferait tomber l’amendement 5.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur suppléant* – Le texte évoque comme cause de la dégradation de la situation des femmes et jeunes filles en Tchétchénie, les normes religieuses. Il nous semble que c’est trop restrictif.

L’amendement 24 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – En conséquence, l’amendement 5 n’a plus d’objet.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14083, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (70 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions).

Nous en venons au projet de recommandation.

J’ai cru comprendre que le président de la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 31 et 32, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

M. DESTEXHE (Belgique), président de la commission – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14083, tel qu’il a été amendé. Je rappelle que la majorité des deux tiers est requise.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (71 voix pour, 0 voix contre, 3 abstentions).

M. Jordana, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Oomen-Ruijten au fauteuil présidentiel.

4. La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale
et le développement économique

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Hunko au nom de la commission des questions sociales sur le rapport intitulé «La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de promouvoir la cohésion sociale et le développement économique» (Doc. 14287).

Cette fois encore je vais inviter les orateurs à s’exprimer dans la limite de 3 minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 55, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. HUNKO (Allemagne), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – La question des inégalités est devenue, au cours des dernières années, une question de premier plan. Les chiffres publiés par l’ONG Oxfam sont bien connus: 1 % des personnes les plus riches au monde possèdent la moitié de la richesse mondiale. 99 % 99% de la population se partagent donc le reste. Je n’entrerai pas dans les détails, mais d’après les études les plus récentes, il est évident que les inégalités se sont creusées non seulement à l’échelle mondiale, mais aussi dans pratiquement tous les pays d’Europe.

Dans mon rapport, je me suis concentré sur les inégalités de revenus, qui sont fondamentales. Je vous donnerai quelques chiffres concernant l’Allemagne, pourtant présentée comme un modèle en matière de développement social De 1991 à 2013, le PIB allemand a augmenté de 22 %, tandis que les revenus les plus élevés augmentaient de 27 %. Mais les 40 % des revenus les plus bas se sont à peine améliorés depuis 1991; certains salaires ont même baissé. On peut observer une évolution semblable dans d’autres pays.

L’une des explications à ce phénomène est la dérèglementation du marché du travail. Sur celui-ci, sont surtout proposées des offres de travail précaire. De plus en plus de personnes en âge de travailler ne trouvent pas de travail ou trouvent des postes de travail précaire avec des salaires tellement bas qu’ils ne peuvent pas en vivre.

Une étude a été réalisée sur les pays membres de l’Union européenne, mais les études dont sur l’ensemble de l’Europe sont rares et nous ne disposons que de peu de données précises, statistiques ou chiffrées, sur ce qui se passe dans l’ensemble de l’Europe, dans les pays d’Europe centrale et orientale, en Russie, etc. Il serait bon de pouvoir réaliser une étude à l’échelle du Conseil de l’Europe. Cela dit, il est évident que la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire!

Par ailleurs, s’agissant des inégalités, nous avons essayé de voir comment sont calculés les revenus à l’OCDE et au Fonds monétaires international. Sur les 25 dernières années, nous avons pu constater que, dans les discours, il était question de réduire les inégalités afin de motiver les populations. Mais, aujourd’hui, l’approche de ces organisations internationales a changé. Tant le FMI que l’OCDE considèrent qu’il convient de réduire les inégalités car, si elles continuent de se creuser, cela créera de très graves problèmes de stabilité économique et sociale.

Je présente donc un certain nombre de propositions pour essayer de traiter ce problème des inégalités, l’essentiel étant de donner toute l’importance qu’elle mérite à cette question des inégalités de revenus dans les débats politiques. Car, en effet, dans certains pays, la situation est véritablement dramatique.

Les deux autres aspects essentiels sont le marché du travail et la politique salariale. De ce point de vue, nous devrions conduire une véritable politique de lutte contre les emplois précaires et les salaires excessivement bas. Le salaire minimum doit être garanti partout afin que les personnes qui travaillent au salaire minimum puissent vivre de leur travail. Or des millions de personnes, y compris en Europe, travaillent sans pouvoir vivre de leur salaire. Ce sont les «travailleurs pauvres».

À cet égard, nous devons aussi prendre des mesures pour combler le fossé existant entre les revenus des hommes et des femmes. Il faut défendre l’idée qu’à travail égal, salaire égal.

Il est également possible, par ailleurs, d’établir un plafond pour les salaires des dirigeants d’entreprise ou des cadres de haut niveau. Dans certaines entreprises, il arrive que les dirigeants gagnent cent, voire mille fois plus que l’ouvrier. L’écart doit être réduit. À un moment ou un autre, il faudra bien que les différents pays adoptent des législations pour réglementer cette situation.

Il conviendrait également de lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. J’en parle dans le rapport.

En conclusion, je voudrais dire qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de justice ou de stabilité économique, il s’agit surtout de mesurer les conséquences que peuvent avoir ces inégalités. Le creusement de ces inégalités peut véritablement remettre en cause la démocratie parce que, souvent, les plus pauvres vont voter pour des partis populistes extrémistes, ce qui peut créer une véritable instabilité dans nos sociétés. De plus, de telles inégalités ont des conséquences très négatives pour la cohésion sociale.

Nous devons donc nous attaquer au problème et envoyer un signal très clair aux gouvernements sur la nécessité impérative de le traiter.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Hunko, il vous restera 5 minutes 30 pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Permettez-moi tout d’abord de remercier au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne M. Hunko pour cet excellent rapport que nous appuyons intégralement.

La question des inégalités de revenus est devenue une priorité ces derniers temps. Comme Oxfam l’a souligné à de nombreuses reprises ces dernières années, les niveaux d’inégalité au plan mondial ont augmenté comme jamais. Le pourcent le plus riche a aujourd’hui accumulé plus de richesses que le reste du monde réuni.

Les écarts de salaires ont augmenté en Europe. Dans mon pays, la Suède, considéré comme l’un des plus égalitaires, nous remarquons malheureusement que les écarts de salaire ont augmenté, et ce depuis un certain temps déjà. C’est très clair si l’on compare les salaires de l’élite et d’un travailleur social. Ainsi, un grand cadre gagne 66 fois plus qu’une simple infirmière.

Ces écarts de salaire divisent la société et créent un fossé entre les nantis et les démunis. Ils empêchent la mobilité sociale et réduisent la confiance entre les citoyens. Ils renforcent également les problèmes d’inégalité.

Une mesure essentielle pour réduire ces écarts est de mettre en place un système de soins sociaux efficaces, financés principalement par ceux qui gagnent le plus d’argent. L’une des causes principales de ces écarts est que les revenus augmentent bien plus que les salaires. Il faut que ceux qui gagnent le plus contribuent le plus. Le moment est donc venu d’augmenter les impôts sur les grandes sociétés et sur le capital. Il faut prendre des mesures fiscales à cet égard. Ce ne sont pas les ressources qui font défaut, mais la répartition qui pose problème.

Les pays européens doivent aussi mettre en place des stratégies pour lutter contre le chômage élevé. C’est particulièrement important. Il faut cibler avant tout les groupes économiques vulnérables, comme les jeunes, les femmes et les migrants.

Des syndicats forts constituent aussi un prérequis pour un développement positif sur le marché de l’emploi. La société doit appuyer la construction de syndicats forts, qui pourront négocier les salaires et de bonnes conditions de travail. Le modèle suédois de négociation collective fonctionne très bien.

Les pays européens doivent également mettre au point de stratégies pour remédier aux inégalités de salaire entre les hommes et les femmes. Les femmes européennes gagnent 73,6 % de ce que gagnent les hommes. Or elles ont généralement une meilleure instruction que les hommes, mais travaillent souvent à temps partiel et assument davantage de responsabilités au sein de la famille et du foyer. Les femmes gagnent moins tout simplement parce qu’elles sont des femmes. Le moment est venu d’y remédier et d’introduire l’égalité salariale entre les sexes.

Il faut donner le droit à un emploi à temps plein. C’est essentiel pour l’autonomisation des femmes. L’économie inclusive donne lieu à des sociétés cohésives et inclusives. C’est essentiel.

Mme RODRÍGUEZ RAMOS (Espagne), porte-parole du Groupe socialiste – Je félicite l’auteur de ce rapport opportun, qui présente une excellente analyse.

C’est un fait, les inégalités de revenus ont augmenté dans les pays développés, en particulier au cours des dernières années, avec des conséquences dramatiques. Les 10 % de la population les plus riches ont neuf fois plus de revenus que la population la plus pauvre. Cela génère des conflits sociaux, entrave le développement social de nos pays et freine les possibilités de développement économique, car l’économie ne peut profiter du potentiel que présentent les plus vulnérables.

Mais les plus vénérables, aujourd’hui, ne sont pas seulement les exclus de nos sociétés. Ce sont aussi, malheureusement, les travailleurs pauvres.

Les inégalités sont de plus en plus nombreuses, et même des organisations internationales qui d’habitude ne s’intéressent pas beaucoup aux inégalités, comme le Fonds monétaire international, ont tiré la sonnette d’alarme. Les inégalités empêchent le développement économique, affectent la consommation et le PIB.

L’égalité va de pair avec la démocratie. Plus il y a d’inégalités, moins la démocratie est de qualité, car les plus nantis ont de plus en plus d’influence et peuvent prendre en otage les politiques publiques. Ils ne défendent plus que leurs intérêts, et non pas l’intérêt de leur société. Plus d’égalité permet aussi de reconnaître des droits fondamentaux tels que le droit à la santé ou le droit à l’éducation. Or, avec les inégalités, les États sont plus fragiles et les investissements publics dans ces deux domaines sont moindres.

Les inégalités sont donc un thème prioritaire à l’agenda international, il faut une feuille de route pour améliorer les salaires, lutter contre les salaires précaires qui ont fait apparaître la catégorie des travailleurs pauvres, qui travaillent mais ne peuvent pas vivre de leur salaire. Il faut aussi permettre l’insertion des femmes et des jeunes sur le marché du travail par le dialogue social. Les systèmes fiscaux doivent faire payer des impôts aux riches, des impôts sur le capital, et pas seulement sur les salaires. Il faut aussi lutter contre ce puits sans fond que constituent les paradis fiscaux, où se cachent les fonds et la fraude fiscale. Il faut un nouveau contrat social pour ce XXIe siècle.

Mme GÜNAY (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Les inégalités croissantes représentent une préoccupation générale partout dans le monde, et leurs retombées économiques, sociales, politiques et sécuritaires sont plus menaçantes que jamais. Merci pour ce rapport, qui tombe à point nommé.

Les retombées économiques et sociales de la crise financière mondiale ont entraîné une croissance économique plus modeste et des problèmes d’emploi, restreignant le gâteau à se partager au niveau national et accroissant les écarts de revenus entre les riches, la classe moyenne et les pauvres.

Les inégalités croissantes ont des retombées économiques majeures pour la croissance et la stabilité macroéconomique. Elles mettent également en péril la stabilité politique et sociale. Au cours des élections et des référendums qui ont eu lieu récemment dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis et en Europe, nous avons vu que les sentiments nationaux et l’hostilité à l’immigration étaient en recrudescence, menaçant la cohésion et la paix sociale ainsi que les valeurs européennes.

Toutefois, réduire la pauvreté ne suffit pas. Nos politiques doivent dépasser les approches ciblées et envisager des objectifs de cohésion sociale plus vastes, de façon à réduire les inégalités de revenus et à améliorer l’accès aux services élémentaires et aux possibilités d’emplois décents. Cela devrait également permettre la mobilité sociale ascendante. De nouveaux modèles de croissance inclusive, qui englobent des politiques de redistribution plus efficaces et des programmes de protection sociale exhaustifs sont essentiels pour garantir le développement durable et la cohésion sociale. La croissance inclusive donne des possibilités à tous les segments de la population et répartit les dividendes d’une prospérité accrue, tant monétaires que non monétaires, d’une façon équitable au sein de la société.

À ce stade, nous devons réfléchir aux causes profondes et aux solutions à la hausse des inégalités. Cette question n’est pas un problème national, mais une thématique mondiale. Toutefois, il n’y aura pas de modèle unique. Les décideurs des pays membres doivent comprendre l’ampleur des inégalités, leurs causes et ce qu’il convient de faire dans le cadre d’une croissance participative. Les inégalités omniprésentes dans l’accès à l’éducation, aux soins de santé, au marché du travail et à la finance devraient être une priorité.

Dans le rapport, le rôle du Conseil de l’Europe n’est pas clair. Le Conseil de l’Europe peut définir une politique générale sur la croissance inclusive, définir des objectifs et coordonner les stratégies et les mesures nationales.

M. van de VEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – L’ADLE est stupéfaite par ce rapport, qui est clairement motivé par l’envie et la jalousie. Dans un État démocratique, les citoyens doivent s’acquitter d’un impôt sur le revenu pour donner à l’État les fonds suffisants au financement des objectifs politiques du gouvernement. La taxation des revenus des citoyens pour la part du total qui leur revient est un point classique du processus budgétaire annuel.

En tant que libéral, j’estime que l’ingérence de l’État auprès des individus et du secteur privé devrait être réduite au minimum. Cela étant, je soutiens – à nouveau en tant que libéral – toutes les mesures introduites par les États afin de lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale agressive. Mais l’État n’est pas un moyen d’appliquer une impôt-vol, ou un impôt-kleptomane, pour niveler le revenu des citoyens en redistribuant les revenus élevés de certains vers les citoyens à revenus plus faibles.

Chaque individu a le droit – mais également le devoir – d’exploiter ses talents et de gagner le revenu le plus important possible afin d’atteindre son propre bonheur. Créer une situation dans lequel le niveau de revenus serait le même pour tous aboutirait à un désastre pour les individus et le système de protection sociale.

L’ADLE ne partage pas les conclusions du rapport et en appelle au bon sens des membres de cette Assemblée. Je conclurai la contribution de l’ADLE à ce débat en citant Margaret Thatcher: «Les socialistes seraient prêts à ce que les pauvres soient plus pauvres pourvu que les riches soient moins riches.»

M. HUNKO, rapporteur*– Je remercie tous mes collègues de leurs commentaires.

Madame Günay, nous sommes dotés de la Charte sociale européenne, c’est une des conventions les plus importantes du Conseil de l’Europe, ainsi que de la Charte sociale de l’Union européenne. Quand les pauvres s’appauvrissent et que les riches s’enrichissent, mêmes les gouvernements les plus libéraux doivent se rendre compte que ces inégalités peuvent porter atteinte à la stabilité de nos pays, et il faut que les États apportent quelques corrections à ces inégalités. Il faut un système d’imposition progressif, sans qu’il soit confiscatoire.

LE PRÉSIDENT – M. O’Reilly, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. FRIDEZ (Suisse) – Je tiens en préambule à féliciter M. Hunko pour son rapport et ses propositions. C’est un sujet important, une problématique que j’ai eu l’occasion d’approfondir en me plongeant dans les écrits de Joseph Stiglitz ou de Thomas Piketty. Je suis convaincu que l’égalité salariale entre femmes et hommes et un salaire minimum correct permettant de vivre décemment des fruits de son travail représentent des objectifs essentiels pour assurer la cohésion sociale, et surtout pour atteindre un monde plus juste et solidaire.

Je vais me permettre d’aborder un sujet particulier, car pour obtenir un salaire décent, encore faut-il disposer d’un travail, ce qui n’est pas toujours le cas, le chômage frappant de trop nombreux travailleurs.

Aussi la question d’un revenu de base inconditionnel me paraît-elle une idée d’avenir – en tous cas une idée à creuser. Elle n’est pas encore trop d’actualité, j’en conviens. Benoît Hamon n’a pas réussi à convaincre en France ces jours-ci en faisant de ce thème le point fort de son programme. En Suisse, voilà peu, cette idée a été balayée par quelque 75 % des électeurs. Mais le revenu inconditionnel de base est testé ailleurs – en Finlande, par exemple. À suivre.

Mais pourquoi ce revenu est-il une idée à creuser? Tout d’abord pour redistribuer les richesses et combattre les inégalités de revenus, à travers l’impôt – un impôt progressif et juste. Pour redistribuer, donc, et, avec les moyens dégagés, permettre à chacune et à chacun de vivre décemment et non plus simplement de survivre.

C’est une idée à creuser non seulement pour redistribuer mais aussi dans un but de simplification. Je prends l’exemple de la Suisse, un pays que je connais bien et où l’on compte beaucoup de personnes riches, c’est vrai, mais également des pauvres, en trop grand nombre. En Suisse, de toute façon, chacune ou chacun reçoit de quoi vivre, que cette personne travaille ou non. Si elle ne travaille pas, elle touche ordinairement le chômage ou, à défaut, une aide sociale, soit un minimum vital. Mais la situation peut se compliquer si la personne est malade: de longues procédures l’attendent et différents organismes vont déployer de nombreux artifices pour la renvoyer vers un autre contributeur. Assurances invalidité, aide sociale, qui agit alors au titre de la subsidiarité: tous ces organismes se renvoient la balle. Le citoyen peut alors traverser de longues périodes de tracasseries administratives et d’insécurité avec, en définitive, toujours une caisse qui paiera.

Le revenu de base inconditionnel serait, en l’occurrence, une belle simplification. De la musique d’avenir, peut-être: je vous propose quand même de soutenir dès aujourd’hui l’excellent projet de notre collègue.

M. ROCA (Espagne)* – Ce débat sur l’inégalité porte en réalité sur notre système de protection sociale. Nous ne sommes pas une société menée par l’argent, mais une société de services. Pourquoi? Parce que ce n’est pas la richesse qui est le plus important: ce sont les services. Nous devons lutter contre l’inégalité par la prestation de services.

Nous vivons une ère nouvelle, une nouvelle donne économique, qui ne connaît aucun obstacle. Les nouvelles technologies nous font peut-être peur: elles sont toutefois autant de chances à saisir. Il ne faut pas les considérer que comme des pièges. Nous devons cependant adapter les services publics au XXIe siècle.

Contre le populisme, pas de raccourci possible, pas de solutions faciles. Nous devons nous retrousser les manches et entamer un véritable dialogue pour que des services publics efficaces et de qualité soient proposés à tous. Comment accepter des services publics qui ne soient pensés que pour ceux dont les moyens sont déjà satisfaits? Il faut les fournir à ceux qui ont le plus besoin de services efficaces, spécialisés et professionnels. Ces services doivent leur permettre de retrouver un foyer, de l’énergie, une alimentation ou un moyen de transport. Ces services doivent également être gérés de façon efficace.

Par ailleurs – et c’est un point tout aussi important que ceux que je viens d’évoquer –, nous devons lutter contre l’inégalité dont souffrent les personnes qui sont l’expression de la diversité de nos société: je pense notamment aux personnes âgées, qui comptent parmi les membres les plus vulnérables de nos sociétés. La meilleure politique sociale que nous puissions mettre en œuvre est celle qui permet de proposer un emploi stable et de qualité à tous ceux qui sont aujourd’hui au chômage.

Je ferai un dernier commentaire: je ne crois pas qu’il soit vrai qu’aujourd’hui les pauvres sont plus pauvres et les riches plus riches. Les chiffres doivent nous conduire à nous méfier de certaines conclusions. Il semble bien que les économies planifiées soient les plus pauvres, et les économies libérales les plus riches.

Mme BLONDIN (France) – Je voudrais d’abord féliciter notre rapporteur, Andrej Hunko, pour la qualité de son rapport auquel il a donné une touche personnelle évidente.

Ce rapport met en avant deux tendances fortes de notre époque: d’une part, l’augmentation des inégalités de revenus, dans un contexte global marqué, malgré tout, par un recul de la pauvreté à l’échelle mondiale et un enrichissement global comparé à des périodes historiques passées; d’autre part, des conséquences inquiétantes de ce creusement des inégalités sur la stabilité de nos démocraties – l’histoire ne manque pas de crises graves, voire de guerres provoquées par des troubles économiques.

Notre époque est paradoxale: jamais nos économies n’ont été autant mondialisées et jamais la critique de la mondialisation n’a été aussi vive. Nos difficultés actuelles, notamment les inégalités croissantes et le chômage élevé, sont-elles liées à la mondialisation? Face à ce diagnostic aujourd’hui largement partagé, un remède semble s’imposer avec la force de l’évidence: le protectionnisme et le repli à l’intérieur des frontières nationales. C’est ce que propose une des candidates de notre élection présidentielle.

Pourtant, les causes de nos problèmes économiques sont plus complexes qu’il n’y paraît. Elles tiennent d’abord à la dégradation de la qualité et de l’efficacité des facteurs de production, qui augmentent moins vite qu’avant la crise de 2008. Or la vigueur de la productivité est essentielle à la hausse du niveau de vie. Depuis la crise, les entreprises investissent moins et effectuent des placements moins productifs, dans l’immobilier par exemple.

En outre, dans la plupart des pays industrialisés, la part du revenu rémunérant le travail a sensiblement diminué, au profit de celle rémunérant le capital. Dans le même temps, le salaire des peu qualifiés augmente moins vite que celui des très qualifiés. Selon le FMI, cette évolution résulterait en partie du progrès technologique – les emplois moyennement qualifiés sont automatisés, et je n’évoque pas la taxe robot qui a été citée par l’un de nos candidats – et de la globalisation – les revenus dans les secteurs exposés à la concurrence internationale diminuent. En outre, la propriété du capital se concentre chez les plus riches.

Enfin, l’économie mondiale souffre de flux de capitaux non optimaux, certains d’entre eux alimentant des bulles spéculatives en raison des défaillances de la régulation financière internationale.

Il est peu probable que la relance, préconisée par les populistes de tous bords, apporte des solutions à ces trois problèmes majeurs de l’économie mondiale.

Le dynamisme économique n’est pas une fin en soi, certes, mais il permet aussi de donner une dignité aux salariés et d’assurer leur attachement à la démocratie.

LE PRÉSIDENT – MM. Evans et Troy, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme ÅBERG (Suède)* – Dans son rapport, M. Hunko affirme que la Suède est l’un des pays où les différences de revenus se sont le plus creusées au cours des dernières décennies. Je voudrais que les choses soient claires: la Suède est l’un des pays au monde qui connaît le système de prise en charge sociale le plus complet. En Suède, une famille avec enfants dans laquelle aucun des parents ne travaille reçoit des prestations sociales si élevées que prendre un travail peu rémunéré ne présente aucun intérêt à leurs yeux. Ce n’est pas là un objectif vers lequel il faut tendre.

Le système suédois repose sur l’idée selon laquelle toute personne pouvant travailler doit le faire. Lorsqu’une personne est en mesure de travailler et qu’elle choisit de ne pas le faire, le système s’effondre.

Selon le rapport, ce sont les différences de revenus qui créent des tensions sociales et mènent à l’extrémisme et à la xénophobie. Mais les tensions surgissent également au sein de la société lorsque ceux qui sont en mesure de travailler constatent qu’il n’est pas rentable de le faire.

Le rapport de M. Hunko suggère que «les institutions de négociation collective» devraient être renforcées. Mais la difficulté tient au fait que les syndicats veillent sur les intérêts de leurs affiliés sans tenir aucun compte de la situation de ceux qui sont au chômage – je pense aux jeunes et aux migrants. En raison de salaires de départ élevés, les employeurs préfèrent embaucher une personne très expérimentée, qui maîtrise la langue, plutôt qu’un jeune ou une personne qui ne la maîtrise pas.

Le rapport de M. Hunko recommande l’impôt progressif. Le niveau d’imposition ne revêt pas uniquement une dimension politique et morale: elle est également économique. Lorsque le niveau de fiscalité est très élevé, les augmentations supplémentaires conduisent l’État à perdre des recettes fiscales. En effet, au lieu de percevoir un salaire plus élevé, des personnes préfèrent avoir des vacances plus longues, et ceux qui ont un bon niveau d’éducation quittent les pays où le niveau d’imposition est très élevé pour s’installer ailleurs.

L’idée d’avoir des revenus égaux pour tous a pris forme des décennies durant dans les pays communistes. Nous savons quel en a été le résultat. L’État a confisqué tous les avoirs, les salaires étaient fixés par l’État central et, au bout du compte, tout le monde s’est trouvé à égalité de pauvreté.

Le devoir du politique n’est pas de faire en sorte que chacun reçoive la même chose. Non: il est de faire que, dès le départ, chacun bénéficie des mêmes chances. Cela suppose de bonnes écoles et un véritable accès au système de prise en charge sociale. Ce système de protection sociale doit être financé par un sens de la responsabilité partagée, chacun individu devant être en mesure de profiter des fruits de son travail.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je remercie M. Hunko de son rapport, qui est absolument capital. Comme il le souligne à juste titre, des inégalités de revenus substantielles ont des retombées véritablement négatives sur la cohésion sociale, sur la performance économique, sur la croissance et sur le développement durable. Partout en Europe, la part de la population qui perçoit des revenus mais qui reste sous le seuil de pauvreté est en progression. Ce n’est bon ni pour la société ni pour nos peuples; surtout, c’est délétère pour les enfants concernés.

Autres conséquences graves de la pauvreté croissante: l’agitation sociale, la recrudescence du populisme, le nationalisme, la désintégration et la méfiance, avec pour ultime conséquence la radicalisation et les attentats terrorisme, ainsi que nous en avons vu de bien trop nombreux exemples tragiques.

La semaine dernière, notre Secrétaire Général a initié un nouveau rapport formulant des recommandations sur la façon dont les dirigeants politiques responsables seraient susceptibles de coopérer pour combattre le populisme et pour encourager l’affirmation d’États sûrs et stables.

Le Secrétaire Général avance là un argument de qualité: les inégalités de revenus relèvent du domaine politique, elles sont le fruit de décisions politiques, elles n’apparaissent pas ex nihilo. Je souhaiterais que M. Hunko réagisse à cette dernière observation dans sa réponse aux orateurs.

L’État providence en Norvège repose sur trois piliers: la coopération tripartite – les niveaux de salaires, en particulier, sont définis grâce à la négociation collective et non par des décisions politiques –; un modèle de service public et des services de santé publique, le tout conjugué à un niveau relativement élevé d’imposition, à des allocations sociales généreuses ainsi qu’à une bonne assurance maladie.

Pendant un temps, l’OCDE affirmait sans ambages que le modèle social norvégien ne serait pas tenable à long terme. Pourtant, à la suite de la crise financière, durant laquelle nous avons pu maintenir un faible taux de chômage, cette organisation a changé d’avis.

Après quatre ans d’un gouvernement conservateur, le niveau de chômage est, à l’heure actuelle, à son paroxysme, ce que nous n’avons pas connu depuis 20 ans. Le taux d’emploi a baissé pendant que les inégalités de revenus ont progressé de quasiment 10 %. Les impôts des personnes riches ont été réduits substantiellement; parallèlement, des coupes budgétaires sont venues amoindrir les aides aux personnes souffrant de handicaps, celles destinées à la prise en charge des enfants, des parents isolés, ainsi que les allocations chômage – pour ne citer que quelques exemples.

Par ailleurs, nous observons que les droits des travailleurs bien établis sont durement touchés, l’emploi temporaire devenant de plus en plus répandu. Ce sont les résultats de décisions politiques délibérées.

Nous nous préparons aux élections législatives qui auront lieu en septembre de cette année. Indubitablement, la campagne électorale suivra ces mêmes lignes de fracture entre le gouvernement actuel et les sociaux-démocrates.

Mme DALLOZ (France) – Christine Lagarde, présidente du Fonds monétaire international, rappelait, à l’occasion d’une conférence, que la hausse des inégalités de revenus était un frein au développement de la croissance économique et que, de fait, la lutte pour une réduction de ces inégalités était bénéfique à l’économie. Au-delà de ces avantages, il est clair que l’augmentation des inégalités dans tous les pays européens a des conséquences dramatiques sur la cohésion sociale.

L’inégalité des revenus est accentuée par la disparité des minima sociaux. Certains pays ont mis en place une allocation spécifique en faveur des personnes âgées, d’autres en faveur des plus jeunes. L’accès à ces aides est également disparate. Ainsi, dans les pays nordiques, un jeune, même vivant sous le toit de ses parents, peut recevoir des allocations. Ces minima sociaux devraient, dans l’ensemble de l’Europe, tenir compte du coût de la vie, ce qui n’est pas toujours le cas.

Malheureusement, les dernières échéances électorales en Europe et dans le monde – j’en veux pour exemple l’élection de Donald Trump aux États-Unis –, nous ont démontré que cette disparité des revenus représentait à terme un danger pour nos démocraties. Le sentiment d’abandon, voire de frustration de certaines populations, se traduit par des taux d’abstention élevés, mais surtout par un vote populiste. Ainsi, des analyses post-électorales en France ont montré que 45 % des ouvriers auraient voté pour Marine Le Pen et que les personnes affirmant avoir des fins de mois difficiles avaient également porté leur voix sur les candidats des partis extrêmes.

De même, il est frappant de constater sur la carte de France que les chiffres d’une abstention forte émanent souvent des territoires sinistrés économiquement, mais aussi de zones où l’État n’est plus présent. À cela s’ajoute aussi la peur du déclassement social, accentuée par la faiblesse de l’ascenseur social autrefois porté par l’école.

Appartenir à une nation, c’est avoir droit à l’égalité, où que l’on vive sur le territoire. Je suis élue dans une zone rurale et je me bats contre la fermeture de services publics dans un secteur de montagne, où il peut s’avérer compliqué, pendant l’hiver, de parcourir des dizaines de kilomètres. Les politiques nationales devraient mieux prendre en compte les spécificités des territoires, et renforcer des services publics de proximité – ce qui, de fait, attirerait aussi de l’emploi. Comment imaginer une start-up dans un désert numérique – je pense aux fameuses «zones blanches»? C’est à cela que nous devons veiller en tant que politiques: réduire les inégalités entre les territoires, démontrant ainsi que l’État ne traite pas différemment ses citoyens, et faire de l’emploi la priorité. C’est une bataille difficile mais que nous devons gagner, car la liberté est en danger dès lors que le sentiment d’égalité et de fraternité n’est plus là.

M. KRONBICHLER (Italie)* – Je remercie sincèrement notre collègue M. Hunko d’avoir inscrit ce rapport à l’ordre du jour. Le sujet des inégalités est, en effet, la question centrale de notre époque: il n’en est pas de plus importante.

L’inégalité est d’abord d’ordre économique. N’oublions pas le problème actuel des grandes migrations qui procèdent de la pauvreté. Même dans nos pays, les salaires et les revenus des populations les plus pauvres, voire des classes moyennes, non seulement n’augmentent pas, mais diminuent.

Il nous faut élaborer une politique instaurant l’égalité des revenus. Trop longtemps, nous nous sommes préoccupés du chômage, pensant que poste de travail égale revenu. Aujourd’hui, pour un grand nombre de personnes, le salaire ne suffit plus pour vivre et encore trop de pays n’ont pas instauré le salaire minimum garanti. En Italie, le revenu minimum n’existe pas, nous parlons de «revenu de citoyenneté»; une expression certes très jolie mais qui ne signifie pas grand-chose.

Enfin, nous devons nous attaquer à un autre problème, celui de toutes ces sociétés qui en donnent toujours plus à ceux qui en ont déjà trop. La différence honteuse qui peut exister entre les revenus est une question morale. Nous devons lutter contre cette différence démesurée de revenus. Le rapporteur l’a dit, les inégalités de revenus mettent véritablement en danger la démocratie. Or la démocratie, c’est la paix.

Le Conseil de l’Europe a pour mission de protéger ces valeurs – c’est l’une des missions les plus nobles de l’Assemblée parlementaire.

LE PRÉSIDENT – M. Wilk, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme CROZON (France) – Je partage votre conviction, Monsieur le rapporteur, que la cohésion sociale n’est pas une simple conséquence du développement économique. Elle en est le socle et l’une des principales conditions. C’est ce qu’avaient compris des industriels tels que Ford, lequel disait que, pour vendre des voitures, il fallait donner à ses ouvriers les moyens d’en acheter. C’est ce qu’avaient compris nos gouvernements d’après-guerre qui, en bâtissant nos États providence, ont posé les bases de la société de consommation des Trente Glorieuses.

Mais le monde a changé. Il s’est ouvert et a mis en compétition des systèmes sociaux de niveaux très inégaux. Les régions, les pays se sont spécialisés et les marchés de production et de consommation sont bien plus séparés que par le passé. Les financiers ont remplacé les capitaines d’industrie et demandent des rendements inatteignables par la seule croissance de l’économie réelle.

Ce nouveau monde exige des réponses rapides et nouvelles, des protections sociales adaptées, des stabilisateurs sociaux qui continuent de faire en sorte que le peu de croissance dont nous disposons soit réparti de façon à produire un effet multiplicateur.

Or comme vous le soulignez justement, tel n’est pas le chemin suivi en Europe depuis une décennie d’austérité. Ce sont au contraire les protections sociales, les retraites, l’assurance maladie, les services publics – qui sont le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine privé –, qui sont les premiers mis à contribution des stratégies de relance par l’offre. Ces politiques, fondées sur la construction fondamentalement idéologique selon laquelle l’offre produit une demande potentiellement infinie, et sur la théorie du ruissellement, qui dit qu’il faut enrichir les plus riches pour en faire bénéficier les moins aisés, ne fonctionnent pas.

Les inégalités de revenus se creusent dramatiquement, sans faire redémarrer la croissance. C’est typiquement ce qu’il se passe en Grèce, où ce n’est plus le niveau de dépenses qui interdit le désendettement, mais l’effondrement de la croissance, sous l’effet des efforts demandés au peuple grec.

Mais l’autre effet sur lequel je veux insister, c’est celui de la dévalorisation du travail. Il y a dans mon pays des agriculteurs, des artisans, des autoentrepreneurs qui travaillent plus de 60 heures par semaine pour ne pas se payer le smic. Il y a des salariés, à 80 % des femmes, qui travaillent moins de 18 heures et assument l’essentiel de la flexibilité sous forme de précarité. Il y a des jeunes de plus en plus qualifiés qui galèrent, de petit boulot en petit boulot, pendant cinq ans, avant de trouver un emploi stable.

C’est dans cette distribution inégalitaire du travail et sa déconnexion de plus en plus criante avec les moyens d’en vivre dignement que se creusent aujourd’hui les inégalités de revenus. Je crois que c’est là le vrai enjeu d’avenir: reposer la question du sens du progrès, du sens des gains de productivité, de l’émancipation au travail; et pour cela, de son partage.

M. HANŽEK (Slovénie)* – Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Dans son livre intitulé Égalité vs efficacité. Comment trouver l’équilibre?, publié en 1975, Arthur Okun exposait l’un des principaux postulats du développement de l’économie néolibérale: seul le marché choisit les vainqueurs qui sont nécessaires à la croissance économique. Il ajoutait que la recherche de la rentabilité causait inévitablement des inégalités. Cet argument, qui n’a jamais été vérifié, a été repris par de nombreux économistes et décideurs mondiaux en tant que base pour modifier, non seulement l’économie, mais l’ensemble du modèle social.

Même les avertissements de la Banque mondiale, que l’on ne peut pas considérer comme étant de gauche, n’ont pas suffi à convaincre ces personnes du fait que le fonctionnement de nos sociétés était quelque peu plus complexe. Selon la Banque mondiale, des analyses interétatiques démontrent que les sociétés les plus inégales sont les moins stables sur le plan politique et social, ont moins d’investissements et connaissent une croissance plus limitée.

L’économiste William Petty écrivait, au XVIIe siècle que la raison d’être de l’économie était non pas d’obtenir le PIB le plus élevé possible, mais avant tout de garantir le bonheur de chaque être humain. Cette mise en garde et beaucoup d’autres ont été négligées à dessein par les défenseurs de la richesse matérielle, ceux qui considèrent qu’il s’agit du seul moteur du développement. Ce faisant, l’inévitable s’est produit: les inégalités croissantes ont entraîné une pauvreté accrue et l’exclusion de classes sociales entières de la société.

Ainsi, ces personnes ont causé l’érosion de la démocratie, ont mis en place des mesures d’économie qui ont touché avant tout les plus pauvres, ont provoqué un plus fort taux de chômage et une concentration insensée de la richesse dans les mains de quelques privilégiés qui l’utilisent pour établir des régimes totalitaires.

Il ne s’agit pas de choisir un vainqueur. Cette question a trait au développement de la société dans son intégralité. Il s’agit d’établir une société dans laquelle chaque individu a suffisamment de moyens pour mener une vie décente.

Les inégalités sociales entravent le développement du capital social et humain et réduisent la croissance économique, limitent la qualité de la vie de l’individu et de la société dans sa totalité. C’est la raison pour laquelle le projet de résolution qui nous est soumis est fondamental. Nous tirons à nouveau la sonnette d’alarme face à une catastrophe sociale vers laquelle certains arguments jamais vérifiés nous entraînent. L’austérité n’est pas un besoin économique: c’est une idéologie.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni)* – Le rapport de M. Hunko, qui est excellent, nous invite à regarder le précipice politique et économique au bord duquel nous nous trouvons.

Un pour cent de la population détient plus de 50 % de la richesse mondiale. Selon les études du FMI et de l’OCDE, les inégalités entravent la croissance économique. Nous devons, non pas agrandir le gâteau, mais distribuer des parts plus égales.

À l’échelle de l’Europe, c’est au Royaume-Uni que les inégalités sont les plus grandes. S’ajoutent une croissance de 0,3 % et des coupes claires dans les services publics et l’éducation, alors que l’éducation est essentielle pour prévenir les inégalités. Les pauvres doivent payer pour compenser l’appât du gain des banquiers et des riches. Les enfants et les plus vulnérables sont de plus en plus pauvres, et les riches de plus en plus riches.

Mme Thatcher défendait la démocratie. À l’époque, des indemnités pour les plus pauvres existaient. Aujourd’hui, les jeunes ont perdu leur moyen d’existence tout en faisant des études. Les retraités ne peuvent pas vivre de leur retraite. Il faut investir dans le salaire minimum, dans la santé et l’éducation, et réduire le différentiel entre le salaire le plus élevé et le salaire le plus bas. Un système fiscal juste est aussi nécessaire. C’est le fondement des valeurs que nous défendons ici, dans cette maison de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. C’est une honte de devoir dire que, alors que nous approchons du Brexit, il y aura une majorité conservatrice aux prochaines élections. Les avocats du Brexit montraient du doigt les immigrés, pour les blâmer de notre pauvreté, tout comme Trump montrait du doigt les musulmans et les mexicains. Nous devons nous faire les avocats de l’investissement public, essentiel pour réduire le chômage. Je crains que malheureusement nos parts du gâteau ne soient de plus en plus réduites.

M. GYÖNGYÖSI (Hongrie)* – Cet excellent rapport attire l’attention de chacun sur les inégalités de revenus dans les États membres. Il indique les mesures à prendre à l’échelon national et met l’accent sur la nécessité de modifier l’assiette fiscale et le niveau de salaire minimum, et sur l’importance de changements législatifs: modifications des règles du marché du travail et des règles syndicales, promotion de la petite entreprise et des entreprises familiales.

Mais ces actions à l’échelon national ne suffisent pas. Le monde est un village. Nous vivons dans des économies ouvertes. Dans notre marché commun européen, l’économie repose sur la doctrine néo-libérale, surtout depuis le Traité de Maastricht, qui implique la libre circulation du travail et du capital et la libéralisation, la décentralisation et la privatisation dans tous les domaines.

Les pays d’Europe centrale et orientale issus de l’ancien bloc soviétique ont adopté ces recettes néolibérales pour effectuer leur transition et réduire la fracture entre l’Europe de l’Est et celle de l’Ouest. Les stratégies nationales reposent sur une faible imposition des entreprises, un faible niveau de rémunération et des lois sur le travail extrêmement souples, afin d’attirer les investissements directs étrangers. Ce modèle de transition a connu un échec retentissant et a eu des effets désastreux. La pauvreté ne cesse d’augmenter, les inégalités se creusent, le niveau de dette augmente, les jeunes se déplacent en masse vers les pays d’Europe occidentale.

En Hongrie, plus de 600 000 personnes ont quitté le pays depuis que nous avons rejoint l’Union européenne. Il s’agit pour la plupart de jeunes gens qui ont un niveau d’éducation élevé. L’Union européenne a également une politique de cohésion dont l’objectif est de combler ce fossé qui existe entre les nouveaux États membres et les anciens. Des fonds considérables ont été dépensés pour encourager la cohésion et la convergence. Mais cette stratégie a elle aussi connu un échec retentissant. Aucun objectif quantifiable n’a été dégagé. L’Union est incapable d’assumer ses responsabilités. Les fonds n’ont pas été consacrés à l’éducation et à l’amélioration du capital humain; au contraire, tout est passé dans les projets d’infrastructure.

Je souhaite attirer votre attention sur une initiative lancée au mois de mars en Europe centrale et orientale: huit pays se sont associés pour lancer une initiative des citoyens européens. Ils se sont tournés vers l’Union européenne pour traiter la question de l’inégalité des revenus, essayer de trouver des réponses et demander à la Commission européenne de prendre des mesures juridiques afin de remédier à cette situation.

M. DOWNE (Canada, observateur)* – Tous nos pays souffrent d’inégalités de revenus. Or les gouvernements n’ont pas suffisamment de ressources pour les compenser. Une partie du problème, au Canada, est lié à la fraude fiscale. Notre système fiscal national est excellent. Nous connaissons peu de problèmes d’évasion fiscale au plan national. Mais celui de l’évasion fiscale à l’étranger est titanesque. Nous avons besoin de la coopération des autres pays pour y remédier.

Ainsi le Conseil de la Fédération a publié un rapport, il y a quelques semaines, soulignant nos pertes fiscales, c’est-à-dire la différence entre ce que nous collectons et ce que nous pourrions collecter, soit 47 milliards de dollars canadiens. Cette manne d’argent n’est pas à la disposition du Gouvernement canadien pour régler les problèmes évoqués dans le rapport. Ces deux dernières années, il a consenti davantage de ressources, à savoir un milliard de dollars canadiens, aux services fiscaux pour avoir davantage de commissaires aux comptes et d’auditeurs. Il faut découvrir qui sont les véritables propriétaires des sociétés qui fraudent, où l’argent se trouve, et pourquoi il est caché, plutôt que de contribuer à l’économie canadienne, ce qui permettrait à tout le monde d’avoir des ressources plus efficaces. Nous avons au Canada une politique de deux poids deux mesures. Ceux qui cachent de l’argent à l’étranger n’ont pas de soins de santé à l’étranger; lorsqu’eux-mêmes ou des membres de leur famille sont malades, ils viennent au Canada pour se faire soigner sans contribuer au système social. C’est pourquoi nous devons compter sur l’aide des autres pays pour régler le problème de la fraude fiscale et des paradis fiscaux.

Mme HIGGINS (Irlande)* – Les inégalités sont une préoccupation pour l’Europe et pour le monde. Elles se sont creusées au cours des dernières années. Le modèle spéculatif néolibéral nous a menés droit dans le mur et a conduit à la crise dès 2008. Malgré tout, le marché a saisi l’occasion de la crise financière pour renforcer son pouvoir. Nous avons constaté un transfert massif des richesses vers le capital et vers les banques, plutôt que vers les individus. Le nombre de milliardaires augmente, alors qu’à travers l’Europe le nombre de pauvres est passé de 7 à 50 millions.

En Irlande, les plus riches ont augmenté leur part de richesse de 35 % à 39 %, et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) reconnaît que l’Irlande est le pays qui a le plus de travailleurs pauvres, essentiellement des femmes. L’Irlande a un excellent système de protection sociale, qui a permis de combler les difficultés des travailleurs pauvres. Mais c’est inacceptable! Le contrat social est rompu, et notamment l’idée que celui qui travaille sera suffisamment payé pour pouvoir en vivre. Les contrats de travail précaires sont de plus en plus étendus, et l’ascenseur social n’existe plus. Les familles les plus pauvres n’y ont plus accès, ce qui rompt la promesse de nos sociétés.

Que disent le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation pour la coopération et le développement économiques? Au mois de juin 2014, le FMI a publié un rapport qui montrait, sur trente ans, à partir des données de plus d’une centaine de pays, que l’augmentation des revenus des 20 % les plus pauvres entraînait une croissance économique tandis que l’augmentation des revenus des 20 % les plus riches entraînait une contraction de l’économie. Ce sont là des preuves tangibles.

Le problème n’est cependant pas qu’économique. Il faut soutenir les petites et moyennes entreprises, comme le préconise le rapport, car c’est ainsi que s’opère une certaine redistribution. En revanche, lorsque l’argent est concentré entre les mains des plus riches, il profite à des personnes se livrant à l’évasion et à la fraude fiscales. Les personnes ont besoin d’avoir le sentiment qu’elles peuvent prendre des décisions pour leur propre vie et que la richesse est bien distribuée. Il faut que l’Europe soit là pour tous et pas simplement pour les plus nantis. Nous devrons prendre des mesures pratiques et évaluer nos économies en nous fondant non seulement sur le produit intérieur brut mais aussi sur le coefficient de Gini, et il nous faudra combler le fossé qui sépare les salaires des femmes de ceux des hommes. Je me félicite de ce rapport et je vous demande de soutenir le projet de résolution.

LE PRÉSIDENT – M. Pleșoianu, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. MAVROTAS (Grèce)* – Permettez-moi, tout d’abord, de remercier M. Hunko et de dire que je suis en tous points d’accord avec lui: il faut se saisir de la question des inégalités de revenus, qui est effectivement une bombe à retardement et qui menace la cohésion sociale, la croissance économique et même la démocratie. L’enchaînement est connu: ce déséquilibre suscite une défiance à l’égard des institutions nationales mais aussi internationales, telle l’Union européenne, et offre un terreau favorable au développement de la xénophobie, du populisme et de l’extrémisme. En temps de crise, la réduction des revenus mène à une très mauvaise répartition de ceux-ci et à une situation explosive.

Que peut-on faire? Nous devons tout d’abord savoir évaluer et mesurer correctement les revenus. Ce ne sont pas là des considérations abstraites: nous disposons des outils nécessaires – je songe notamment au ratio S80/S20. Nous pouvons donc prendre la mesure de la mauvaise répartition des revenus comme du produit national brut (PNB) par habitant. Cela devrait nous mener à de meilleures décisions politiques.

Le rapport de M. Hunko comporte plusieurs propositions pour combattre cette mauvaise répartition des revenus. Il prône notamment un effort coordonné pour combattre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux: on ne peut plus accepter que certaines personnes localisent toutes leurs dettes et aucun profit dans un État donné.

Les différences de revenus existeront toujours. C’est d’ailleurs l’un des moteurs de l’économie et de la croissance. Ce qui n’est pas justifié, c’est l’avidité; les Grecs prônaient d’ailleurs la mesure. Nous devons nous fonder, pour parvenir à une nouvelle et juste croissance, sur l’économie, l’environnement et la société, et non pas seulement sur l’économie. Sans cela, le système sera déséquilibré, ce qui sera au détriment au tous.

LE PRÉSIDENT – M. Harangozó, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. LOUCAIDES (Chypre)* – Je voudrais tout d’abord féliciter mon collègue Hunko pour cet excellent rapport, particulièrement important. Effectivement, le manque de débat parlementaire sur cette question ô combien aiguë des inégalités sociales sur tout le continent européen, est criant. Il est tout à fait normal que dans une enceinte telle que la nôtre, où différents groupes politiques sont représentés, des points de vue divergents s’opposent. La manière dont nous percevons les inégalités est étroitement liée à nos représentations idéologiques de l’économie et, au bout du compte, du lien entre capital et travail. Cependant, la crise économique mondiale a mis en lumière des faits importants et brisé un certain nombre de mythes. Personne ne devrait l’ignorer.

Tout d’abord, tout le monde n’est pas sorti perdant de la crise, bien au contraire. Le rapport le montre d’ailleurs bien. Les élites ont vu leurs richesses s’accroître encore, tandis que les inégalités ont atteint un niveau sans précédent. Deuxièmement, la reprise économique toute relative et la baisse des taux de chômage enregistrée dans certains pays – malheureusement pas dans tous – ne se sont pas traduits par une amélioration des conditions de vie des populations, ni n’ont permis de réduire les inégalités. Troisièmement, les politiques d’austérité, d’incitation fiscale pour les grandes entreprises, de sauvetage des banques, et j’en passe, ont mené non pas à la croissance et à la prospérité pour tous, mais à un accroissement des inégalités et à de plus nombreuses situations d’exploitation. J’estime qu’il est indispensable de reconnaître ces vérités pour ce qu’elles sont. Nous ne réglerons pas la question des inégalités de revenus et, plus généralement, des inégalités sociales, si nous n’identifions pas les causes profondes de cette situation.

Permettez-moi de citer l’archevêque brésilien Hélder Câmara: «Lorsque je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint, mais lorsque je demande pourquoi les pauvres ont faim, on dit que je suis un communiste.» Cela vaut également en matière d’inégalités. Il n’est pourtant pas besoin aujourd’hui d’être un communiste pour comprendre que les inégalités de revenus sont une caractéristique intrinsèque d’un système inique d’exploitation qui concentre la richesse entre un nombre toujours plus réduit de mains. En d’autres termes, ce n’est pas par hasard que nous avons des pauvres et des riches: nous avons des pauvres parce que nous avons des riches, et vice versa. C’est la raison pour laquelle la solution à long terme de cette question tient à notre capacité à choisir une autre voie de développement économique et sociale, conforme à l’intérêt de tous nos pays, de tout notre continent.

Toute personne sincèrement et profondément choquée par ces inégalités criantes, qui se creusent sans cesse, ne peut que souscrire aux recommandations du rapport.

M. OLIVER (Canada, observateur)* - C’est pour moi un honneur que de m’exprimer aujourd’hui devant vous à propos des inégalités de revenus, sur la cohésion sociale, le développement économique, la santé et le bien-être des individus. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les conditions dans lesquelles les personnes sont nées, grandissent, travaillent, vivent et vieillissent, sont des déterminants sociaux de la santé. L’OMS note également que ces conditions sont affectées par la distribution de la richesse, du pouvoir et des ressources. Comme le note le rapporteur, tout montre que les inégalités de revenus sont une menace pour la cohésion sociale. Elles entraînent plus de violence, de maladies physiques et mentales, de toxicomanie, d’obésité, de grossesses précoces, et j’en passe. En 2008, la Commission des déterminants sociaux de la santé, créée par l’OMS, a recommandé que la richesse soit mieux répartie.

Au Canada, nous avons des preuves que ces inégalités affectent la santé de la population. Les peuples autochtones du Canada sont ainsi exposés à un risque de développer un diabète de type 2 plus élevé que la population non-autochtone. En 2011, un rapport du système de santé publique a montré que le coût des soins de santé pour les groupes les moins avantagés, par comparaison avec les groupes à moyens et hauts revenus, avait crû de 18 milliards de dollars.

Au Canada, il y a eu des réductions d’impôts pour les classes moyennes. Nous avons mis en place des prestations sociales pour les enfants de familles à revenus faibles ou moyens. Nous avons également mis en place un fonds visant à stimuler la construction de logements plus accessibles. Pour aider les populations autochtones, un investissement de 8 milliards de dollars a été décidé dans l’éducation, les infrastructures, la formation, et d’autres domaines encore.

Le Premier ministre Justin Trudeau a demandé la mise en œuvre d’une stratégie de réduction de la pauvreté au niveau national, pour améliorer la situation des chômeurs, en particulier chez les autochtones. Nous avons voulu agir pour les membres les plus vulnérables de nos sociétés, car nous ne pouvons pas ignorer les défis que représentent les inégalités de revenus. Nous devons améliorer la santé et le bien-être de nos concitoyens.

LE PRÉSIDENT* – Mme Kerestecioğlu Demir, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. DAVIES (Canada, observateur)* – Chers collègues, peu de questions sont aussi importantes pour nos sociétés, pour les citoyens que nous représentons, que celles relatives à la répartition des revenus, de la richesse. Cette répartition détermine la qualité de vie, a des répercussions sur la cohésion nationale, et influence le développement économique, social et culturel.

Malheureusement, nous observons depuis quarante ans une tendance alarmante à la hausse des inégalités économiques au niveau mondial. En 2013, l’OCDE a montré qu’entre les années 1980 et la fin des années 2000, les inégalités de revenus mesurées par le coefficient de Gini avaient augmenté considérablement dans la plupart des pays pour lesquels des données sont disponibles. Selon Oxfam, les huit individus les plus riches au monde contrôlent à présent autant de richesses que les 50 % les plus pauvres de la population mondiale.

Mon propre pays, le Canada, ne fait pas exception à la règle: une étude de 2014 a souligné que le Canada fait partie des pays où la richesse est particulièrement concentrée. Les deux Canadiens les plus riches possèdent aujourd’hui plus de richesses que 30 % des Canadiens réunis, soit 11 millions de personnes.

Les causes de cette situation sont plurielles, mais se résument essentiellement aux politiques économiques néolibérales ayant exacerbé la concentration des richesses. Un niveau d’imposition réduit, des services publics limités, la déréglementation, la privatisation, les lois antisyndicales, une éducation moins accessible, des politiques commerciales permettant aux capitaux de se déplacer dans des pays aux législations plus avantageuses: tous ces éléments n’ont fait qu’accroître les inégalités de revenus. Nous le savons désormais de façon empirique. En effet, pendant les décennies où les hommes politiques de l’après-Seconde Guerre mondiale ont accru les services publics, élargi l’accès à l’éducation publique, défini des bases fiscales appropriées et mené des politiques progressistes en matière d’emploi, les écarts de revenus se sont réduits et l’égalité des salaires a progressé.

Paradoxalement, la croissance des inégalités de revenus s’est produite dans un contexte de croissance de la production mondiale et de progrès technologiques sans précédents. Toutefois, la richesse mondiale ne profite pas à tous ceux qui participent à sa création: elle est récupérée de façon disproportionnée par les élites nationales et internationales. Les conséquences politiques et économiques de cette situation doivent être soulignées: les pauvres qui travaillent ont été plongés dans une insécurité économique chronique, et perdent le contrôle sur leur vie ainsi que leur identité propre. La classe moyenne s’évapore. Nous avons renié le contrat social que nous avions passé avec nos jeunes, à qui l’on promettait que le fait de travailler dur et de faire de bonnes études leur garantirait des carrières gratifiantes. Pris ensemble, ces facteurs mènent à la haine, à l’intolérance et à la xénophobie, qui peuvent facilement être exploitées.

Nous savons que la lutte contre les inégalités de revenus serait profitable à nos économies. Nous devons reconnaître qu’il faut prendre des mesures sérieuses pour garantir le développement de sociétés stables et de démocraties fonctionnelles.

Chers collègues, les principes de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, ainsi que de la prééminence du droit, sont les pierres angulaires de cette Assemblée. Mais ils sonnent creux dès lors que les citoyens doivent lutter pour survivre, ou ont le sentiment que les racines de leurs sociétés plongent dans l’injustice économique. Lorsque nous sortirons de cet hémicycle, nous devrons tout faire pour renverser les inégalités de revenus dans nos pays.

LE PRÉSIDENT – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Nous en venons à la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste 4 minutes de temps de parole.

M. HUNKO (Allemagne), rapporteur* – Je remercie tous ceux qui ont participé au débat, qui a montré l’importance de ce sujet. Nous nous sommes aperçu que nous traversions une période charnière: nous assistons à un véritable changement de paradigme. On nous a dit qu’après la Seconde Guerre mondiale, à partir d’une idéologie contraire à celles d’aujourd’hui, on est arrivé à lutter contre les inégalités: c’est ainsi que l’on a obtenu davantage de progrès. Ces avancées se trouvent d’ailleurs consacrées par les constitutions élaborées dans de nombreux pays à cette époque. Elles sont en outre consacrées par la Charte sociale du Conseil de l’Europe.

Mais par la suite, dans les années 1980 et 1990, on a commencé à considérer que les inégalités n’étaient pas une si mauvaise chose, qu’elles étaient normales. Aujourd’hui, nous assistons de nouveau à un changement de paradigme. Le FMI, l’OCDE, la Banque mondiale, l’Union interparlementaire: toutes ces organisations ont publié des rapports soulignant que les inégalités sont un vrai problème.

Je souhaite à présent répondre à certaines interventions. Monsieur Roca, il ne s’agit pas ici de proposer une économie planifiée, ni de faire gagner le même salaire à tout le monde. Ce n’est pas du tout l’objet de mon rapport. Nous avons beaucoup parlé du protectionnisme – Mme Blondin, en particulier, en a parlé, ainsi que de l’économie néolibérale mondialisée. M. Downe en a parlé également.

Il faut donc prendre des mesures non seulement au niveau national, mais aussi au niveau international. Le Conseil de l’Europe, précisément, est une organisation internationale: nous devons faire progresser la lutte contre les paradis fiscaux, la fraude et l’évasion fiscales. Il faut, pour cela, une vraie coopération internationale, sans quoi il y aura de plus en plus de solutions nationalistes.

Pour finir, je voudrais vous parler d’une étude très intéressante publiée par un auteur allemand. Il étudie sur le long terme l’évolution des sociétés au regard de leur degré d’inégalité. Il conclut que les sociétés les moins inégalitaires sont aussi les plus heureuses, les plus saines, et souffrent de moins de peurs, de moins de menaces et de moins d’angoisses. C’est bel et bien ce que l’on constate, toutes choses étant égales par ailleurs.

Je tiens enfin à remercier Mme Lambrecht du secrétariat de la commission pour son aide.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), présidente de la commission des questions sociales * – En ma qualité de présidente de la commission des questions sociales, qui soumet un projet de résolution, je soutiens fermement notre rapporteur qui a rédigé ce rapport. La présentation liminaire de M. Hunko nous a vraiment convaincus.

Les niveaux actuels d’inégalité de revenus en Europe sont, en effet, inacceptables. Ils donnent lieu à de grandes tensions sociales et à un déficit démocratique. Je rappelle que l’inégalité des revenus telle qu’elle se présente aujourd’hui couvre des écarts très importants entre ceux qui sont en haut de l’échelle sociale et ceux qui ont les niveaux de revenus les plus bas.

Il existe également des différences marquées entre les pays, les régions, les secteurs économiques et les entreprises. On note également une inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes. C’est un phénomène prégnant dans toute l’Europe. Nous le savons fort bien.

D’aucuns diront que certains niveaux d’inégalité se justifient par les écarts de qualification, d’expérience professionnelle ou en raison des emplois proposés. Mais nous avons bien dépassé cette perception aujourd’hui. Le niveau d’inégalité de revenus constaté aujourd’hui en Europe et dans le monde ne saurait être justifié par quelque argument que ce soit. Cela va au-delà de toute explication d’ordre national.

C’est la raison pour laquelle nous, hommes et femmes politiques, ne devons pas nous borner à constater ces différences de revenus. Nous devons étudier les procédures et les institutions qui permettent la définition du revenu. Nous devons promouvoir le dialogue social et envisager la négociation collective. Tout cela fait partie du modèle social que soutient notre Assemblée régulièrement.

Le texte de M. Hunko est très complet à cet égard. Je vous invite tous à soutenir ce rapport et à adopter le projet de résolution dans sa rédaction actuelle afin que tous nos gouvernements comprennent bien quels sont les niveaux auxquels ils doivent intervenir pour modifier le schéma de redistribution au sein de nos sociétés.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de résolution, sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons procéder au vote sur ce projet de résolution contenu dans le Doc. 14287.

Le projet de résolution est adopté (40 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions).

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 heures.

SOMMAIRE

1. Questions au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Mme Finckh-Krämer, MM. Howell, van de Ven, Mme Kerestecioğlu Demir, MM. Fournier, Goncharenko, Rafael Huseynov, Ghiletchi, Troy, Mme Christoffersen, MM. Le Borgn’, Köck, Honkonen, Mme Hoffmann, M. Zingeris

2. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente et rapport sur l’observation d’élections en Bulgarie (suite)

Orateurs: MM. Németh, Schwabe, Mme Brasseur, M. Kox, Mme Duranton, MM. Sobolev, Orellana, Seyidov, Rafael Huseynov, Tarczyński, Kandelaki, Önal, Mme Karapetyan, MM. Howell, Ariev, van de Ven, Goncharenko, Mme Lundgren

Réponse de M. Xuclà, rapporteur

Approbation du rapport d’activité

M. Seyidov, M. le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire

3. Les droits de l’homme dans le Caucase du Nord: quelles suites à donner à la Résolution 1738 (2010)?

Présentation par M. Schwabe, suppléant M. McNamara, du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14083)

Orateurs: Mme Lundgren, MM. Kox, Vareikis, Mogens Jensen, Goncharenko, Fournier, Mme Finckh-Krämer, MM. Howell, Herkel, Mme Higgins, MM. Köck, Zingaris, De Bruyn

Réponses du rapporteur et du président de la commission des questions juridiques

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de recommandation amendé

4. La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique

Présentation par M. Hunko du rapport de la commission des questions sociales (Doc.14287)

Orateurs: Mmes Johnsson Fornave, Rodríguez Ramos, Günay, MM. van de Ven, Fridez, Roca, Mmes Blondin, Åberg, Christoffersen, Dalloz, M. Kronbichler, Mme Crozon, MM. Hanžek, Geraint Davies, Gyöngyösi, Downe, Mme Higgins, MM. Mavrotas, Loucaides, Oliver, Davies (Canada)

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution

5. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARENT, Iwona [Ms]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BALFE, Richard [Lord] (GILLAN, Cheryl [Ms])

BAYKAL, Deniz [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BLAZINA, Tamara [Ms] (ASCANI, Anna [Ms])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BONNICI, Charlò [Mr] (FENECH ADAMI, Joseph [Mr])

BOSIĆ, Mladen [Mr]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

CEPEDA, José [Mr]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORSINI, Paolo [Mr]

CROWE, Seán [Mr]

CROZON, Pascale [Mme] (ALLAIN, Brigitte [Mme])

CRUCHTEN, Yves [M.]

DALLOZ, Marie-Christine [Mme] (MARIANI, Thierry [M.])

DAVIES, Geraint [Mr]

DEBONO GRECH, Joseph [Mr]

DESTEXHE, Alain [M.]

DIVINA, Sergio [Mr]

DJUROVIĆ, Aleksandra [Ms]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

FAZZONE, Claudio [Mr] (BERNINI, Anna Maria [Ms])

FEIST, Thomas [Mr] (OBERMEIER, Julia [Ms])

FIALA, Doris [Mme]

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms]

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTI, Marco [M.]

GERMANN, Hannes [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GOGA, Pavol [M.] (MADEJ, Róbert [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOSSELIN-FLEURY, Geneviève [Mme] (KARAMANLI, Marietta [Mme])

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme]

GROTH, Annette [Ms] (AMTSBERG, Luise [Ms])

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

GYÖNGYÖSI, Márton [Mr]

HANŽEK, Matjaž [Mr] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

HARANGOZÓ, Gábor [Mr] (MESTERHÁZY, Attila [Mr])

HERKEL, Andres [Mr] (NOVIKOV, Andrei [Mr])

HIGGINS, Alice-Mary [Ms] (HOPKINS, Maura [Ms])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOWELL, John [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

HUSEYNOV, Vusal [Mr] (PASHAYEVA, Ganira [Ms])

JAKOBSDÓTTIR, Katrín [Ms]

JENSEN, Mogens [Mr]

JENSSEN, Frank J. [Mr]

JOVANOVIĆ, Jovan [Mr]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KARAPETYAN, Naira [Ms] (ZOHRABYAN, Naira [Mme])

KARLSSON, Niklas [Mr]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (LABAZIUK, Serhiy [Mr])

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KÖCK, Eduard [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KRONBICHLER, Florian [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LE BORGN’, Pierre-Yves [M.]

LE DÉAUT, Jean-Yves [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOUCAIDES, George [Mr]

LUNDGREN, Kerstin [Ms] (BILLSTRÖM, Tobias [Mr])

MAMMADOV, Muslum [M.]

MARQUES, Duarte [Mr]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (ŠAKALIENĖ, Dovilė [Ms])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MAVROTAS, Georgios [Mr] (KASIMATI, Nina [Ms])

MEALE, Alan [Sir]

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NICOLETTI, Michele [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÖNAL, Suat [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O’REILLY, Joseph [Mr]

ORELLANA, Luis Alberto [Mr] (SANTERINI, Milena [Mme])

OVERBEEK, Henk [Mr] (MAIJ, Marit [Ms])

PALIHOVICI, Liliana [Ms] (BULIGA, Valentina [Mme])

PALLARÉS, Judith [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PAŠKA, Jaroslav [M.]

PECKOVÁ, Gabriela [Ms] (KOSTŘICA, Rom [Mr])

PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POMASKA, Agnieszka [Ms]

POSTOICO, Maria [Mme] (VORONIN, Vladimir [M.])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

PUPPATO, Laura [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

QUÉRÉ, Catherine [Mme] (BAPT, Gérard [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme] (JORDANA, Carles [M.])

RIGONI, Andrea [Mr]

ROCA, Jordi [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

ROUQUET, René [M.]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SILVA, Adão [M.]

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SPADONI, Maria Edera [Ms] (CATALFO, Nunzia [Ms])

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TOPCU, Zühal [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (HEER, Alfred [Mr])

TROY, Robert [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TUȘA, Adriana Diana [Ms]

VÁHALOVÁ, Dana [Ms]

VALEN, Snorre Serigstad [Mr]

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VERCAMER, Stefaan [M.]

VILLUMSEN, Nikolaj [Mr]

VIROLAINEN, Anne-Mari [Ms]

WENAWESER, Christoph [Mr]

WERNER, Katrin [Ms]

WOLD, Morten [Mr]

WURM, Gisela [Ms]

YEMETS, Leonid [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr] (D’AMBROSIO, Vanessa [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BÎZGAN-GAYRAL, Oana-Mioara [Ms]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

HOPKINS, Maura [Ms]

JORDANA, Carles [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.]

MAGAZINOVIĆ, Saša [Mr]

MULLEN, Rónán [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

DOWNE, Percy [Mr]

ELALOUF, Elie [M.]

LARIOS CÓRDOVA, Héctor [Mr]

MALTAIS, Ghislain [M.]

O’CONNELL, Jennifer [Ms]

OLIVER, John [Mr]

ROMO MEDINA, Miguel [Mr]

TILSON, David [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

KHADER, Qais [Mr]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Erdal ÖZCENK