FR18CR02
AS (2018) CR 02
SESSION ORDINAIRE DE 2018
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(Première partie)
COMPTE RENDU
de la deuxième séance
Lundi 22 janvier 2018 à 15 heures
Dans ce compte rendu:
1. Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.
2. Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.
3. Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.
4. Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.
5. Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.
Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.
La séance est ouverte à 15 h 05 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.
LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.
1. Communication du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle l’intervention de M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Cette communication sera suivie des questions posées par les membres de l’Assemblée.
Monsieur le Secrétaire Général, soyez le bienvenu dans cet hémicycle. Je me réjouis très vivement à la perspective de travailler en étroite coopération avec vous, ainsi qu’avec la Secrétaire Générale adjointe, au cours de mon mandat. Le Conseil de l’Europe a une mission politique: être le gardien de l’unité européenne et préserver notre patrimoine commun – sur les plans tant culturel qu’humaniste et juridique –, lequel est incarné par notre système de conventions.
En ces temps de défis et d’épreuves, il est d’une importance cruciale de rester unis et de garder le cap en nous centrant sur un ordre du jour qui nous rassemble. C’est la raison pour laquelle, aux côtés des présidents de commission, des chefs des groupes politiques et des présidents des délégations nationales, je m’efforcerai d’œuvrer en synergie avec vous et la Secrétaire Générale adjointe, afin d’offrir des réponses efficaces et politiquement appropriées aux différents défis que nous devons relever.
Je vous remercie pour votre présence, Monsieur le Secrétaire Général; nous nous réjouissons d’écouter votre communication.
M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, je suis heureux d’être devant vous aujourd’hui, à un moment essentiel pour le Conseil de l’Europe.
Tout d’abord, j’aimerais féliciter M. Nicoletti pour son élection à la présidence de l’Assemblée. Ces derniers mois, il a fait preuve d’une grande clarté dans son engagement visant à unir l’Europe, à préserver l’intégrité de cette Organisation et à souligner l’importance d’organiser un 4e Sommet du Conseil de l’Europe. Je ne doute pas qu’il sera un remarquable Président. Il succède à Mme Kyriakides, dont la présidence, courte mais remarquable, a aidé à restaurer la confiance envers l’Assemblée parlementaire.
Tout au long de l’année écoulée, qui a été difficile pour le Conseil de l’Europe et pour son Assemblée parlementaire, j’ai été déterminé à vous soutenir dans vos efforts pour renforcer l’obligation redditionnelle, l’intégrité et la transparence.
Grâce aux enseignements que nous pouvons en tirer, l’Assemblée parlementaire pourra tourner la page et avancer avec confiance. À cet égard, les recommandations du GRECO et de l’organe d’enquête externe indépendant seront d’une importante cruciale. Tandis que nous abordons l’année 2018, les défis que nous devons relever sont immenses et tous les membres de cette Organisation doivent s’efforcer de formuler des réponses adéquates.
Je sais parfaitement que bon nombre d’entre vous siègent ici pour la première fois. C’est pourquoi il convient d’être parfaitement clair à propos de la mission du Conseil de l’Europe. Notre mandat est très clair: il s’agit de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit dans chacun des 47 États membres. En nous efforçant d’harmoniser les normes juridiques des États membres, nous renforçons l’unité européenne.
Comment est née l’idée d’un espace juridique commun? Elle a émergé, comme vous le savez, d’un concours de circonstances précis. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un quasi-consensus s’est dessiné, en Europe et au-delà, autour de l’idée selon laquelle le nationalisme débridé et la souveraineté absolue constituaient des menaces pour la paix. Ce changement de valeurs supposait la mise en place d’un nouveau système de contre-pouvoirs et de freins visant à prévenir les conflits, rétablir la confiance et veiller à ce que les horreurs de la guerre – en particulier les persécutions auxquelles elle a donné lieu – ne se reproduisent pas sur notre continent.
Des contraintes étaient donc nécessaires, en matière d’interactions entre États mais aussi au sein même des pays. Il fallait fixer des limites au pouvoir exercé par les autorités sur l’individu. Un nouvel ordre international a donc été constitué et l’a emporté. Il repose sur deux piliers essentiels: la Charte des Nations Unies, entrée en vigueur en 1945, et la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948. L’article 24 de la Charte des Nations Unies indique clairement que les États membres «confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale». Il dispose en outre que les 15 membres du Conseil de sécurité agissent au nom de tous les États membres. Sur notre continent, il incombe à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – l’OSCE – d’aider le Conseil de sécurité à s’acquitter de son mandat. Par conséquent, l’OSCE joue un rôle dans les conflits dans l’est de l’Ukraine et du Haut-Karabakh, ainsi que dans les négociations visant à régler le problème de la Transnistrie.
Notre mandat consiste donc à mettre en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. À cette fin, la Convention européenne des droits de l’homme prévoit la mise en place de plusieurs organes, dont le principal est la Cour européenne des droits de l’homme. Les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation d’exécuter les arrêts de la Cour. En ratifiant la Convention européenne des droits de l’homme, ils ont reconnu que les arrêts de la Cour s’imposaient à eux.
Notre mission consiste à protéger l’individu contre un exercice arbitraire du pouvoir par son propre gouvernement. Nous traitons donc des questions relatives aux droits de l’homme et à l’État de droit au sein même des pays. C’est ce que nous appelons la «sécurité démocratique» et le «pouvoir d’influence». Pour nous acquitter de ce mandat, nous devons agir indépendamment de tout intérêt géopolitique, géostratégique et économique: il nous revient de protéger les droits individuels, y compris en cas de conflit.
Je comparerai notre rôle – sans vouloir créer aucun malentendu – avec celui de la Croix-Rouge. Celle-ci doit remplir sa mission humanitaire en toutes circonstances, tout en évitant d’être entraînée dans les conflits. De la même façon, nous devons protéger les droits des peuples et les droits de l’homme, où que résident les individus et quelles que soient les circonstances politiques.
Ainsi, tous nos organes ont adopté une position très claire à propos de l’annexion illégale de la Crimée et du conflit dans l’est de l’Ukraine. Néanmoins, dans le cadre de l’ordre international actuel, nous ne pouvons résoudre ces conflits. Cela ne doit pas nous empêcher de protéger les droits des peuples en Ukraine – y compris en Crimée et dans l’est du pays –, ni en Fédération de Russie, bien au contraire.
Le seul fait qu’un conflit ouvert ait lieu doit nous amener à recourir à tous les instruments dont nous disposons en la matière – y compris ceux de l’Assemblée parlementaire. Là doit résider notre contribution à la résolution de ces problèmes. Il s’agit de veiller à ce que les deux parties reconnaissent leurs responsabilités en matière de protection des droits des peuples. C’est la raison pour laquelle nous devons être présents dans les deux camps. À l’heure actuelle, pourtant, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n’est pas en mesure de procéder ainsi. J’espère que nous trouverons le moyen de sortir de cette situation.
Plus largement, nous savons que les menaces pesant sur nos valeurs sont bel et bien réelles. Dans certains de nos États membres, les politiciens nationalistes et populistes ne font que gagner en audience. Le populisme est un appel lancé aux émotions permettant de mobiliser les revendications de l’opinion contre les élites. Les populistes, bien entendu, revendiquent une autorité morale exclusive pour faire valoir la volonté du peuple.
La polémique reposant sur l’opposition de «nous» contre «eux» délégitime toute opposition, menace le pluralisme et sape nos institutions fondamentales, lesquelles ont justement été conçues – entre autres choses – pour protéger les groupes minoritaires. Dans une période marquée par des migrations importantes et de très forts bouleversements économiques, ce phénomène se produit en Europe de nos jours. On constate par exemple une tendance croissante à mettre en cause l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme. Certains affirment que leur droit interne, reposant sur leur Constitution, l’emporte sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et refusent donc de mettre en œuvre ces derniers, ce qui nuit à leurs propres citoyens et, malheureusement, sape l’ensemble du système.
La stabilité et le fonctionnement concret de ce système sont soumis à d’autres menaces. Je pense au sous-financement des institutions, en raison de la politique de non-compensation de l’inflation que certains États membres persistent à mener. Certains pays suspendent même leurs versements ou modifient le niveau de contribution préalablement établi. Nos organes statutaires ne peuvent être préservés s’ils ne disposent pas d’un financement stable et prévisible. Le fait de s’acquitter de sa contribution n’est pas facultatif et ne saurait être utilisé comme un instrument à des fins politiques: il s’agit bien d’une obligation. On paie avant de participer.
Mes chers amis, en 2018, nous ferons face à une forte tempête. Nos valeurs, l’autorité de la Cour et notre leadership sont mis en cause, ce qui requiert une mobilisation rapide de nos forces. Or notre capacité à agir est considérablement limitée par un défaut de vision politique. Ce sont les citoyens qui paient le prix, fort élevé, de cette inaction.
Si vous doutez de la pertinence de notre Organisation, examinez les réalités. Nous coopérons avec les États membres, lesquels en retirent des avantages concrets. On pourrait en citer bien des exemples.
En Azerbaïdjan, plusieurs mesures de droit pénal ont été prises afin d’encourager le recours aux sentences non privatives de liberté. Dans la Fédération de Russie, au cours des deux dernières années, plus de 500 affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme ont été tranchées, ce qui témoigne d’un net renforcement de l’efficacité du système judiciaire. Les avis de la Commission de Venise constituent désormais une référence pour évaluer les lois les plus complexes dans tous nos États membres, tant la Géorgie et la Pologne que la République de Moldova, la Hongrie ou l’Ukraine. En Turquie, une commission nationale a été créée afin d’examiner les cas de licenciements de fonctionnaires et les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence. Elle est pleinement opérationnelle et les décisions qu’elle prend permettent d’ouvrir la voie à d’éventuels appels, au niveau national puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. Grâce à notre assistance, l’Arménie dispose désormais d’une nouvelle Constitution.
Tous ces faits – et bien d’autres – ne résultent pas du hasard: ils viennent du fait que ces pays font partie de notre famille de nations et que nous avons œuvré ensemble afin qu’un certain nombre de valeurs et de critères soient respectés. Du reste, cela n’a rien d’inhabituel: jour après jour, nous dialoguons avec des universitaires, des experts et des fonctionnaires dans un grand réseau d’assistance mutuelle qui quadrille notre continent et améliore à bien des égards la vie de millions de citoyens.
L’année 2017 n’a pas fait exception à la règle. Au cours de l’année écoulée, dans bien des États membres, nous avons constaté des améliorations en matière d’exécution des arrêts de la Cour. Un nombre record d’affaires a pu être clos. Nous avons constaté des améliorations significatives en matière de conditions de détention et de traitement des détenus. J’en veux pour preuve les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants – le CPT.
Notre Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a attiré de nouveaux signataires, y compris l’Union européenne, et de nouvelles ratifications.
Nous avons signé un accord de coopération avec des entreprises du secteur informatique en vue de promouvoir un internet sûr et ouvert, où les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit seront respectés.
Notre plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes s’est également considérablement renforcée.
Nous avons lancé un plan d’action sur la protection des enfants réfugiés et des migrants adoptés. Les passeports spécifiques fournis aux réfugiés ont connu un grand succès.
Notre Convention sur les infractions visant à prévenir et combattre le trafic illicite et la destruction de biens culturels ou d’antiquités a été adoptée.
Nous avons lancé l’Institut européen des Roms pour l’art et la culture, qui sera dirigé par des militants, d’éminents universitaires et artistes.
Nous avons adopté un certain nombre de recommandations visant à reconnaître les qualifications des migrants et des réfugiés.
Notre Protocole de Riga pour éviter l’entrée de terroristes étrangers est entré en vigueur.
Nous poursuivons la mise en œuvre de nos plans d’action. En Ukraine, par exemple, le plus grand plan d’action que nous n’ayons jamais lancé représente quelque 23 millions d’euros. Nous le faisons pour le peuple d’Ukraine, pour lutter contre la corruption dont il est victime et pour mettre en place un système judiciaire dans lequel il puisse avoir confiance afin de renforcer la souveraineté et l’indépendance de l’État.
Ces événements font rarement la une de la presse; pourtant, ils modifient considérablement la vie des citoyens des pays concernés.
Nous devons continuer à progresser. En 2018, les gouvernements de tous nos États membres devront résister à l’appel des sirènes du nationalisme mesquin et du populisme. La Convention européenne des droits de l’homme a créé un espace juridique commun où s’appliquent les mêmes normes et de nature à créer la confiance. J’appelle à la préservation de cet espace juridique unique allant de Vladivostok à Lisbonne, du Grand Nord au Caucase du Sud. C’est la raison pour laquelle je félicite l’Assemblée d’avoir constitué une commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire, qui sera un instrument de la plus grande importance pour atteindre cet objectif.
À mon sens, nous devons travailler à une harmonisation des règles de l’Organisation, et ce quelle que soit la situation actuelle s’agissant des droits de vote de la délégation russe. La commission ad hoc doit se saisir de bien des questions pour renforcer le système des conventions dans son ensemble. Y parvenir serait sans doute la meilleure façon de célébrer le 70e anniversaire de l’Organisation.
Il est indispensable que tous les États membres nous rejoignent pour ce travail de réforme si important. Nous devons tous avoir pour objectif de mettre à profit la situation difficile à laquelle nous sommes confrontés pour obtenir un résultat important, à savoir que les 47 États membres renouvellent leur engagement à se conformer à leurs obligations, à coopérer en toute bonne foi avec les organes statutaires, chacun ayant les mêmes obligations et les mêmes droits – c’est le seul principe qui nous permette de garder ensemble tous les membres de notre famille. Ne permettons pas que l’Europe soit à nouveau divisée.
Cet échec institutionnel, ce retour vers le passé ne ferait aucun gagnant: il n’y aurait que des perdants. C’est pourquoi j’en appelle au Comité des Ministres pour qu’il joigne ses efforts à ceux de l’Assemblée afin de résoudre nos problèmes avec force et détermination.
Mes chers amis, l’Europe moderne, après la Seconde Guerre mondiale, a été définie par les valeurs inscrites dans la Convention européenne, notamment ses articles 2, 3, 4 et 7: pas de peine de mort, pas de torture, pas de travail forcé ou d’esclavage et pas de peine sans loi. La Convention dispose que les États ne peuvent déroger à ces articles, même dans des situations d’urgence. Ils représentent les valeurs les plus fondamentales; ils sont l’âme même de l’Europe. Nul État membre qui violerait ces valeurs fondamentales ne saurait demeurer membre de notre famille. Nous ne pouvons accepter le moindre compromis en la matière.
Cela ne veut pas dire que les États membres ont toute latitude pour violer les autres articles. S’il y a violation d’autres articles de la Convention et une absence systématique de volonté d’amélioration, de la part d’un État membre, les hautes parties contractantes à la Convention peuvent demander à la Cour, aux termes de l’article 46.4, de statuer. Il y a des limites à ce que nous pouvons accepter.
L’idée fondamentale est de préserver l’espace juridique commun pour le bien des peuples. N’oublions jamais que la Convention et la Cour sont le dernier recours pour tant de citoyens de notre continent. Nous sommes tenus de penser à eux.
Monsieur le Président, en écoutant votre impressionnant discours, ce matin, j’ai pensé à la série de fresques de Lorenzetti que l’on peut voir à Sienne, dans votre pays, intitulée Allégorie sur le bon et le mauvais gouvernement. Dans les fresques consacrées aux effets du bon gouvernement, on voit une ville, au XIIIe siècle, dont les portes sont grandes ouvertes; des gens travaillent dans les champs, à l’extérieur de la muraille. Les effets d’une mauvaise gouvernance sont figurés par une ville fermée, détruite par la guerre et la violence. Mes chers collègues, que ces deux œuvres restent toujours présents dans notre esprit. L’humanité peut être son propre ennemi – et le pire ennemi –, mais elle peut aussi produire les plus belles choses qui soient.
Regardons ce qui existe aujourd’hui: les devises communes, les marchés ouverts et les espaces juridiques communs – en particulier le nôtre, qui va de Vladivostok à Lisbonne, du nord de l’Europe au sud du Caucase. Croyez-moi, on ne saurait aller plus loin dans l’unité de l’Europe sans cet espace juridique commun. C’est la base de tout. Sans cela, l’Europe risque de s’engager dans la même voie que Sienne, à l’époque de l’œuvre que j’évoquais. Il faut garder ouvertes les portes de la ville pour les 47 États membres, comme ce fut le cas lors de l’âge d’or de Sienne. Du reste, c’est le sens de nos statuts: en défendant cet espace juridique commun, nous contribuons à l’unité de l’Europe, donc à la paix sur le continent.
LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur le Secrétaire Général, pour votre passionnante intervention qui a fort justement rappelé les fondements de notre Organisation et ses objectifs et qui a fait un point sur la mise en œuvre des conventions.
Vous avez rappelé les difficiles défis que nous devons relever et indiqué la façon dont nous pourrions mieux coopérer en Europe.
Je vous remercie également d’avoir évoqué Lorenzetti et ce chef-d’œuvre de l’art italien qu’est l’Allégorie sur le bon et le mauvais gouvernement.
Monsieur le Secrétaire Général, un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes, que vous devez poser une question et non faire un discours.
Nous commençons par les porte-paroles des groupes.
Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts * – Conformément à nos recommandations, la Turquie a mis en place une commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, afin d’examiner les effets de celles-ci. Cette commission vient de commencer ses travaux, 100 000 à 150 000 requêtes ont déjà été déposées. Très peu de dossiers ont été traités jusqu’à présent et nous constatons bien peu de progrès. Or, a priori, tant que les personnes concernées n’auront pas obtenu de réponse de cette commission nationale, elles ne pourront pas ester auprès de la Cour de Strasbourg.
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Cette commission a été mise en place pour ouvrir une voie de recours judiciaire à toutes les personnes qui ont été révoquées car, comme vous le savez, leurs noms étaient cités dans les décrets-lois. Nous avons dit que cela n’était pas acceptable, qu’il fallait prévoir un recours national, car on ne peut aller directement à Strasbourg: il faut auparavant avoir épuisé tous les recours internes.
C’est ainsi qu’est née l’idée de cette commission visant à examiner la situation de toutes les personnes révoquées. La commission a engagé ses travaux – son secrétariat comprend environ 400 personnes – et a commencé à rendre des décisions. Les personnes concernées auront ensuite la possibilité de se tourner vers la justice administrative turque, et ensuite seulement vers la Cour de Strasbourg. En effet, la règle, je le redis, est que tout le monde doit pouvoir déposer un recours à Strasbourg mais pas avant d’avoir épuisé tous les recours nationaux. Cela vaut pour la Turquie comme pour les autres pays.
Il sera intéressant de voir comment les choses se passent. Bien entendu, il faudra bien, à un certain moment, que la Cour se prononce sur la réalité des moyens de recours et que les juges se saisissent de la question; mais je ne saurais préjuger leur réponse.
Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Secrétaire Général, vous allez certainement devoir procéder à des coupes budgétaires. Qui en sera victime? Comment cette situation va-t-elle se répercuter sur les organes de l’Organisation, en particulier le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, et dans quelle mesure cela sera-t-il compatible avec le fait que l’une des missions du Conseil est de redonner de la vigueur à l’État de droit, à la démocratie et aux droits de l’homme au niveau local?
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je vous remercie de cette question qui m’offre la possibilité de dire qu’effectivement nous devons relever un grave défi d’un point de vue budgétaire.
Tout d’abord, la Turquie a réduit sa contribution. Elle est redevenue simple contributeur, ce qui représente un manque à gagner d’au moins 20 millions d’euros. À cela s’ajoute le problème de la non-compensation de l’inflation, qui représentera, pour l’année prochaine, un manque à gagner de quelque 4,5 millions.
Cette réduction de la part turque nous a pris de court: annoncée très tardivement l’an dernier, elle s’applique dès le 1er janvier de cette année. Je ne sais encore comment, mais nous allons faire face, bien évidemment. Il n’en demeure pas moins que certaines activités seront touchées et certains postes supprimés au sein de l’Organisation.
Je le répète: les États membres doivent s’acquitter de leur contribution pour assurer le fonctionnement des organes statutaires du Conseil de l’Europe. Aucune exception n’est possible. Tout un chacun doit contribuer en fonction des barèmes fixés. Je ne pourrai réaliser 20 millions d’euros d’économies sans que cela ait le moindre effet sur les activités de l’Organisation, surtout compte tenu du budget de cette année.
M. PASQUIER (Monaco), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – La décision de la Turquie de renoncer à son statut de grand contributeur va représenter un manque à gagner d’au moins 15 millions dans le budget ordinaire du Conseil de l’Europe. Je rappelle que le budget annuel de notre Assemblée est de l’ordre de 17 millions, soit 7 % du budget global.
Avant d’accepter la moindre réduction, mon groupe voudrait savoir quelles seront les priorités sur lesquelles sera construit le budget et quelles coupes budgétaires traduiront ces choix.
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – J’en suis désolé, mais je ne suis pas en mesure de donner des détails pour l’instant. La réduction de la contribution turque a été annoncée tardivement et nous a pris de court. À vrai dire, c’est surtout son entrée en vigueur immédiate qui nous a surpris.
Tout ce que je peux dire, c’est que les organismes statutaires et leurs activités doivent être financés. Cela vaut pour l’Assemblée parlementaire, mais aussi pour le Comité des Ministres, pour la Cour, qui emploie 600 personnes, et le Commissaire aux droits de l’homme. Ce sont les instruments centraux de notre Organisation. Mon souci sera de protéger au maximum ces organes, mais je ne peux vous donner de détails pour l’instant.
Nos choix stratégiques sont connus: nous devons avant tout protéger les organes conventionnels. C’est la mission essentielle. C’est clair pour moi et j’espère que c’est clair aussi pour tout le monde.
M. Petter EIDE (Norvège), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je partage cet objectif de l’unité de l’Europe mais face au conflit avec la Fédération de Russie, que comptez-vous faire concrètement? Que faites-vous pour empêcher une escalade du conflit et un retrait encore plus marqué de la Fédération de Russie?
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* - D’abord, je recommande que vous souteniez la formation d’une commission ad hoc pour examiner cette question.
Ensuite, le Gouvernement russe a l’obligation de payer la première tranche de sa contribution d’ici le mois de février comme tous les autres gouvernements ainsi que l’exige le règlement financier. J’espère que la Fédération de Russie respectera cette règle. Si tel est le cas, nous nous situerons dans un processus positif. À ce stade, il serait peu sage que j’en dise davantage sur le cap à suivre.
Il est clair qu’un pays qui ne contribue pas financièrement ne peut voter pour désigner les plus hauts représentants de l’Organisation qu’il s’agisse des juges, du Commissaire aux droits de l’homme ou du Secrétaire Général lorsque mon poste sera vacant. On ne peut être entre deux chaises, à moitié dehors et à moitié dedans. De nombreuses organisations, l’Unesco par exemple, ont connu des moments difficiles. Nous sommes une Organisation fondée sur le droit; des obligations juridiques découlent de l’appartenance au Conseil de l’Europe. Chacun est soumis aux mêmes règles. À défaut, l’Organisation ne peut plus fonctionner.
J’espère que l’Assemblée et le Comité des Ministres continueront à participer à un vaste programme de réformes afin de célébrer notre 70e anniversaire plus forts que jamais en ayant toiletté nos textes fondamentaux.
Mme GAMBARO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Vous avez cité des mesures mises en œuvre concrètement par le Conseil de l’Europe dans les États membres, notamment la plateforme internet pour renforcer la sécurité des journalistes. Comment les États membres réagissent-ils? Y a-t-il eu une réaction rapide pour protéger les journalistes?
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – L’objet de cette plateforme – que de nombreuses organisations de journalistes ont rejoint, ainsi, notamment que l’Union européenne de radiodiffusion tout récemment – est de permettre et même d’imposer l’ouverture d’un dialogue avec les pays concernés par les signalements. Parfois des progrès ont été enregistrés, ce qui constitue une bonne nouvelle pour les journalistes concernés, lesquels doivent être rassurés par l’existence de cet outil.
LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant regrouper les questions par séries de trois.
Mme DURANTON (France) – Monsieur le Secrétaire Général, le Président Erdoğan a récemment signé un décret qui parait particulièrement dangereux pour l’État de droit en Turquie ou ce qu’il en reste. Ce texte accorde une immunité à tous les civils, quelle que soit la nature de leurs actes, dès lors qu’ils agissent au nom de l’anti-terrorisme. L’ancien président Gül, pourtant cofondateur de l’AKP, s’en est ému. Connaissant la propension des autorités turques à qualifier de terrorisme toute forme d’opposition, comment envisagez-vous de réagir face à ce nouveau durcissement de l’état d’exception en Turquie?
Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie)* – Il y a deux jours M. Erdoğan, a déclaré la guerre dans l’enclave d’Afrin. Il y a des victimes civiles; le ministre français des Affaires étrangères, notamment, a déploré ces actions en Syrie. Que pouvez-vous faire pour rétablir la situation?
M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Dans un an, nous célèbrerons le 70e anniversaire de l’Organisation. Je propose de frapper une médaille commémorative. Que pouvez-vous faire pour vous assurer que nous aurons des commémorations dignes de ce nom et que l’initiative que j’ai proposée soit reprise?
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – S’agissant de l’immunité pour ceux qui «protègent» l’État de droit, je partage vos inquiétudes. J’ai l’impression que toute opposition est qualifiée de terroriste. Il s’agit d’une dérive que nous dénonçons depuis longtemps. Nous en avons parlé avec les autorités turques. De nombreux journalistes ou parlementaires ont été arrêtés. Nous en parlons au sein de la commission conjointe.
La Cour constitutionnelle turque a récemment dénoncé ces arrestations; elle a demandé la libération de journalistes. Un tribunal local refuse. N’oublions pas qu’une commission administrative nationale a été créée sur la base de nos recommandations afin que tous les citoyens disposent d’un recours devant la Cour, laquelle a longtemps rendu ses arrêts en s’inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il sera intéressant de voir comment les choses vont évoluer. Je vais prochainement rencontrer le président de la Cour constitutionnelle. Nous sommes en tout cas en contact permanent avec les autorités turques sur tout ce qui concerne la mise en œuvre des lois anti-terroristes.
Il y a des difficultés mais, comme je l’ai déjà dit, il est important de maintenir le dialogue avec les autorités turques.
En ce qui concerne les opérations militaires qui viennent d’être déclenchées en Syrie, elles ne relèvent pas de la mission du Conseil de l’Europe, mais du Conseil de sécurité des Nations Unies. Une fois encore, à chacun son mandat. L’important est de protéger le droit des personnes de s’exprimer, de protester et de se rassembler, conformément aux normes de la Convention européenne, qui doivent être défendues. Nous en parlerons bien entendu avec les autorités turques.
Toutefois, les conflits entre les nations, en particulier lorsqu’ils concernent un État membre et un État non membre du Conseil de l’Europe, ne relèvent pas de notre compétence. C’est au Conseil de Sécurité d’intervenir. À titre personnel, je crois qu’il est toujours beaucoup plus facile de commencer une guerre que de la terminer. Nous avons pu nous en apercevoir en Europe au cours des vingt ou trente dernières années. Soyons donc très prudents.
En ce qui concerne la proposition de M. Huseynov de célébrer l’anniversaire de notre Organisation en frappant une médaille, elle mérite d’être examinée. Cependant, nous avons déjà une médaille pro merito, remise aux personnalités qui ont œuvré à la défense des valeurs du Conseil de l’Europe. Elle n’est pas attribuée très souvent, mais nous pourrions envisager une médaille de ce type.
Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Monsieur Jagland, vous avez semblé suggérer, dans votre intervention, que nous pourrions résoudre le problème russe en renouvelant notre engagement d’appliquer le principe: «Obligations égales, droits égaux.» Toutefois, comment appliquer ce principe, dans le contexte actuel, sans remettre en cause les valeurs du Conseil de l’Europe?
M. VEJKEY (Hongrie)* – Le Conseil de l’Europe dispose de plusieurs instruments pour renforcer les structures démocratiques dans les différents États membres et faire respecter les normes de l’Organisation. Pourtant, il n’existe aucun moyen juridiquement contraignant de faire appliquer les recommandations formulées dans le cadre du mécanisme de suivi ou par la Commission de Venise.
Monsieur le Secrétaire Général, comment pourrez-vous, dans ces conditions, convaincre les autorités ukrainiennes de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de Venise s’agissant de la nouvelle loi sur l’éducation?
Mme ANTTILA (Finlande)* – Je vous remercie, Monsieur Jagland, pour votre excellent exposé et pour vos paroles sur l’avenir du Conseil de l’Europe. Nous avons affronté bien des défis ces derniers temps, notamment avec la crise en Ukraine et la tentative de coup d’État en Turquie.
Notre Organisation traverse une période exceptionnelle et j’aimerais savoir quels moyens lui permettront de maintenir son rôle institutionnel au sein des États membres.
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Comment résoudre le problème russe et veiller à ce que la Fédération de Russie respecte ses obligations? Je n’ai pas dit que nous pouvons résoudre le problème entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. Je crois même avoir dit le contraire. Bien des militants, des chercheurs et des universitaires ont travaillé sur la question de la paix. Ils sont en désaccord sur de nombreux points mais se rejoignent sur un fait: les pays qui défendent la prééminence du droit et qui respectent les droits de l’homme n’entrent pas en guerre avec d’autres pays. L’Histoire l’a démontré. C’est pourquoi il est important que, dans tous les pays, les acteurs se mobilisent pour défendre les valeurs du Conseil de l’Europe: elles font partie du projet de paix lancé par Winston Churchill après la Seconde Guerre mondiale; la paix devait alors se fonder sur les droits de l’homme et la prééminence du droit. Aujourd’hui encore, c’est grâce à ces valeurs que nous pouvons prévenir les conflits entre nos États membres. Il ne s’agit donc aucunement de compromission vis-à-vis de nos principes. Ceux-ci sont parfaitement clairs.
Nos organes statutaires, le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, ont souligné à maintes reprises que l’annexion de la Crimée était illégale, tout comme d’ailleurs bien d’autres institutions internationales. Conformément à la Charte des Nations Unies, ce sont les Nations Unies et l’OSCE qui ont la responsabilité de maintenir la paix entre les nations, mais aucun de ces organes n’a agi autant que nous, alors que nous n’avons pas cette charge en principe.
Nous n’avons aucunement l’intention de faire des compromis vis-à-vis de nos principes. Nous devons continuer à protéger les droits individuels dans tous les États membres. C’est ainsi, nous l’espérons, que nous pourrons éviter les conflits entre les nations. La meilleure chose que nous puissions faire pour l’Ukraine est de l’aider à construire un État dans lequel les populations aient confiance. Nous ferons bien entendu tout notre possible pour obtenir, en outre, un accord garantissant l’accès à la Crimée. Nous y travaillons, mais c’est extrêmement difficile.
Que pouvons-nous faire, m’a interrogé M. Vejkey, pour faire respecter les avis de la Commission de Venise et de la commission de suivi? Ces avis, vous le savez, ne sont pas de nature contraignante pour les États membres. Nous ne pouvons donc que continuer à œuvrer en toute bonne foi, aux côtés des États membres, afin de les aider à appliquer les avis de nos différents organes. Nous avons d’ores et déjà obtenu des résultats assez extraordinaires, s’agissant en particulier des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et de la situation des détenus. C’est même assez incroyable. Et cela a été obtenu grâce à une coopération fondée sur la confiance entre le CPT et les États membres.
J’espère, parce que la Commission de Venise est sollicitée par de nombreux États membres, que ses avis, qui leur donnent une excellente orientation, seront davantage utilisés qu’ils ne le sont actuellement.
Madame Attila, vous me demandez de quels moyens nous disposons. J’ai déjà abordé la question. Ils se résument dans la coopération avec les États membres, les plans d’action, les bonnes pratiques, l’assistance par les organes de suivi, les avis de la Commission de Venise et, bien entendu, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme avec, d’abord des mesures concernant le requérant – pour préjudice moral ou matériel –, et, ensuite, des mesures d’ordre général dans lesquelles elle cite les législations qui doivent être amendées pour que la Convention, à l’avenir, ne soit plus violée.
Par ailleurs, le Comité des Ministres a la possibilité de se tourner vers la Cour qui sera amenée à déclarer si un État est en conformité ou non avec la Convention. Mais, effectivement, nous n’avons ni moyens militaires, ni moyens économiques.
LE PRÉSIDENT* – Il nous faut arrêter là les questions à M. le Secrétaire Général.
Monsieur Jagland, je vous remercie vivement, en notre nom à tous. Nous sommes impatients de continuer à coopérer avec vous.
2. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)
LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons la discussion du rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (Doc. 14455 et Addendums 1 à 3, Doc. 14471).
Mme Kyriakides, la rapporteure, a dû quitter Strasbourg à la suite du décès d’un membre de sa famille. Elle vous prie de bien vouloir l’excuser. Elle sera remplacée par Mme Schou.
Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de ce matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.
Il faudra en avoir terminé avec notre débat au plus tard à 17 heures. Nous interromprons donc la liste des orateurs vers 16 h 45.
Nous reprenons cette liste.
M. GONCHARENKO (Ukraine)* – J’exprimerai tout d’abord mes sincères condoléances à Mme Kyriakides.
M. Jagland a cité de bons exemples en termes de bonne et de mauvaise gouvernance. Cependant, il s’agit là de nouveaux mots. À la Renaissance, les termes utilisés étaient la «paix» et la «guerre», et ce sont eux qui doivent régir nos discussions actuelles. Qui a introduit la guerre en Europe? La Fédération de Russie et non la Géorgie, l’Ukraine ou la République de Moldova. Qui, pour la première fois dans l’histoire du Conseil de l’Europe, a annexé le territoire d’un autre pays membre du Conseil de l’Europe? La Fédération de Russie, avec M. Poutine à sa tête. Et quelles dispositions a pris le Conseil de l’Europe pour répondre à cette annexion? Le minimum indispensable, à savoir quelques sanctions et résolutions. Nous n’avons ni stoppé ni empêché la Fédération de Russie de participer aux travaux de l’Assemblée parlementaire. Et, aujourd’hui, certains d’entre nous tentent de la faire revenir dans nos débats, arguant que tous les pays doivent y participer. D’accord pour qu’elle revienne, mais qu’elle respecte d’abord les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe! C’est la raison pour laquelle je vous demande de ne pas soutenir le point 4.3 du rapport d’activité.
Au sein de la commission ad hoc, les choses étaient différentes. Si un grand nombre de points ont été discutés, il n’a pas été question de revenir sur le respect et la mise en œuvre des résolutions de l’Assemblée parlementaire par la Fédération de Russie.
En outre, parmi les deux membres du Parlement russe qui ont été invités à venir débattre de la situation, l’un avait voté en faveur de l’annexion de la Crimée – un délit international! De quoi, dans ces conditions, allons-nous parler? Sommes-nous incapables de trouver, dans toute la Fédération de Russie, une seule personne qui ait été défavorable à l’annexion de la Crimée? C’est là une provocation de la part de la Fédération de Russie, qui nous montre là l’importance qu’elle accorde à nos résolutions. Nous devons réagir à une telle provocation. Elle doit d’abord mettre en œuvre les résolutions de l’Assemblée parlementaire, ensuite seulement nous pourrons discuter.
Mme CREASY (Royaume-Uni)* – Je participe aujourd’hui à ma première partie de session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mais je sais qu’aucune Stella ne saurait être réduite au silence quand bien même elle souffrirait. J’adresse donc, au nom de l’Assemblée parlementaire dans son ensemble, toute notre sympathie à Mme Kyriakides.
La guerre est un problème, tout comme la persécution et le changement climatique. J’ai travaillé pendant deux ans à Calais avec les migrants; ils sont des milliers et ne représentent qu’une fraction de ceux qui migrent en Europe. Ils viennent d’Érythrée, d’Éthiopie, d’Afghanistan, d’Irak, du Kurdistan irakien, du Soudan et de bien d’autres pays encore.
Nous devons, ensemble, aller de l’avant, même quand les problèmes nous paraissent impossibles à surmonter. Tout le monde peut apporter sa contribution. Nous devons défendre les droits de l’homme ensemble, comme le veut notre mandat.
Si de nombreux réfugiés font face à la brutalité policière, ils sont également les victimes, sur notre continent, des trafiquants et des gangs. À Calais, 150 des 3 000 réfugiés sont des mineurs. Certains ont à peine 10 ans et trois sont morts au cours de ces dernières semaines. Un jeune Afghan de 15 ans a été renversé et son compagnon, seulement âgé de 13 ans, non accompagné, a dû appeler l’ambulance après avoir vu son ami mourir. Voilà un exemple de ce que vivent les réfugiés partout sur le continent.
Nous nous exprimons dans des langues différentes, mais tous nous reconnaissons que la bureaucratie n’est pas toujours de bon augure. Comment peut-on se permettre de voir des enfants mourir, alors qu’ils sont dans l’attente de l’examen des papiers dont ils ont besoin? Des centaines d’enfants se sont tournés vers les autorités; ces dernières n’ont pris aucune mesure.
Mme Kyriakides nous a rappelé, dans son rapport, que la situation en Grèce était catastrophique. À Moria, 5 000 personnes occupent un centre d’une capacité de 1 800 places. Des centaines, des milliers de personnes dorment dehors; de nombreuses femmes et de nombreux enfants sont victimes des trafics humains.
Nous tous aurions pu être les victimes de ces trafics. Ma famille est d’origine huguenote; nous tous aurions pu connaître ce même destin, alors que nous avons la chance de vivre confortablement, avec nos smartphones et nos tablettes en main. Nous devons jouer le rôle dont parle Mme Kyriakides, nous devons aider ces jeunes.
M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Au mois de mai, le Conseil de l’Europe s’approchera de son soixante-dixième anniversaire. Penchons-nous sur le passé: l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a su avoir un regard critique sur son activité. Au cours des sessions précédentes, des exemples clairs ont prouvé qu’elle est capable d’autocritique, y compris concernant sa présidence, quand les actions de cette dernière ne sont pas conformes à nos valeurs. Notre Assemblée a prouvé qu’elle est capable de prendre des sanctions contre un pays particulier, malgré les difficultés financières que cela entraîne. N’abandonnons pas cette ligne de conduite.
Le Conseil de l’Europe peut donc atteindre ses objectifs lorsqu’il le souhaite. Il est capable de prendre les mesures adéquates en cas de nécessité. Mais pourquoi, alors qu’il fait preuve de fermeté à l’égard de certains, est-il plus souple vis-à-vis d’autres pays ou d’autres personnes, dont l’action est tout aussi négative? Soyons clairs. L’Arménie a agressé un État membre, comme cela a été confirmé dans une résolution du Conseil, il y a plusieurs années. Pourquoi n’y a-t-il pas de sanction contre ce pays, qui n’a pas respecté la résolution du Conseil, et viole ses principes?
De nombreux pays qui sont le théâtre d’actions portant atteinte à notre Organisation semblent vouloir prendre leurs distances. Il faut absolument mettre un terme aux processus de division et de séparation. Le Conseil de l’Europe a des moyens et une riche expérience. Il peut tirer profit du paysage politique actuel. Ne privons pas le Conseil de l’Europe d’opportunités d’action.
M. ARIEV (Ukraine)* – Monsieur le Président, je vous félicite pour votre élection et je vous souhaite le meilleur dans cette fonction. L’avenir s’annonce intéressant. La création d’une commission ad hoc témoigne du souhait d’harmoniser les règles entre le pouvoir exécutif et le pouvoir parlementaire. Voilà ce qui sera un précédent très intéressant pour l’avenir. Mais nulle part les deux pouvoirs n’obéissent aux mêmes règles, et cette entreprise me paraît très compliquée.
On nous demande de nous prononcer sur cette commission ad hoc. Mais la situation est étrange. Cette commission serait créée pour changer les règles et les procédures, comme l’a demandé – exigé même – la Fédération de Russie, pour accepter de revenir au sein de notre Assemblée et de payer sa contribution au budget: c’est une forme de chantage! C’est comme changer le Code pénal, afin que le criminel ne soit plus un criminel. Voilà le récit que l’on nous propose! Je vous demande d’y réfléchir à deux fois.
Si nous devions changer les règles, notamment la possibilité de contester les pouvoirs d’une délégation nationale – comprenez la Fédération de Russie –, les procédures de suivi ne seraient plus possibles. Ainsi nous affaiblirions l’Assemblée et les pouvoirs des délégations: une violation de nos principes ne serait jamais suivie de réaction de la part de l’Assemblée; qu’il s’agisse de la composition d’une délégation ou de tout autre sujet, rien ne pourrait être contesté comme avant.
On nous a expliqué que nous devions être 47 au sein de cette institution. Mais nous ne sommes pas un conseil des ministres des finances. Pour être présents au sein de notre Assemblée, il faut respecter ses valeurs. Nous devrions réfléchir à deux fois avant d’apporter tous ces changements.
J’espère, Monsieur Nicoletti, que vous serez le Président qui protègera et sauvera l’Assemblée de cet affaiblissement programmé.
LE PRÉSIDENT* – Monsieur Ariev, n’ayez crainte.
M. Seyidov et Mme Brasseur, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.
M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Je suis tout à fait désolé d’apprendre que Mme Kyriakides ne peut être présente, elle qui a été présidente de notre Assemblée à un moment particulièrement difficile de son histoire.
Nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes qu’il va falloir résoudre au cours de cette année. Les réponses de M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à nos questions sont fournies. Cependant, quand la commission des affaires juridiques lui a demandé d’aller plus avant dans la discussion concernant l’arrêt Mammadov vs Azerbaïdjan, il a refusé de s’exprimer au sein de notre commission. Monsieur le Président, il serait peut-être opportun que vous abordiez ce point avec M. le Secrétaire Général, pour lui expliquer que nous souhaitons un échange en profondeur à ce sujet, sans être limité par des questions de 30 secondes, en particulier lorsqu’il s’agit de questions aussi inquiétantes et importantes.
Deuxièmement, notre Assemblée a toujours besoin d’un certain «nettoyage». Je félicite le Bureau, qui a accordé à la commission trois mois supplémentaires pour mener son enquête. Cependant, il faut que les choses soient claires: le nouveau Bureau ne devra pas hésiter une seconde à transmettre le rapport, dans son intégralité, à l’Assemblée. Il ne faut pas qu’il existe de secrets: la transparence la plus complète et l’ouverture sont de mise. Ce rapport devra être disponible dès le début de la prochaine partie de session.
Enfin, nous avons décidé de qualifier de génocide les crimes commis par l’État islamique en Irak et en Syrie. C’est la première fois qu’autant de nos propres concitoyens participent à un génocide, et pourtant, je ne vois aucune action concertée. Je vous rappelle qu’il est nécessaire de demander à nos gouvernements ce qu’ils font au sujet des milliers de combattants étrangers qui forment les rangs de l’EI, au sujet de ces personnes qui tuent au nom de la religion – qu’il s’agisse de chrétiens, de musulmans, ou d’autres encore. Ils doivent être punis, jusqu’au dernier: c’est notre devoir de le faire.
Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Je suis désolée que le Bureau ait refusé que nous abordions en séance plénière la question importante de la haine, du racisme et de l’extrémisme.
À la veille de la Première Guerre mondiale, le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, Sir Edward Grey, a dit: «Les lumières s’éteignent dans toute l’Europe, nous ne les reverrons plus s’allumer de notre vivant.». Même s’il est probable que Sir Edward Grey ait voulu dire autre chose, ces paroles deviennent prophétiques aujourd’hui. Il avait raison. Aujourd’hui les lumières s’éteignent vraiment dans l’Europe; le racisme, la xénophobie, l’idéologie politique extrême tuent l’Europe.
Il y a quelques années, à l’initiative du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, des autorités menées par Joschka Fischer se sont rassemblées ici pour essayer de comprendre comment prévenir la grave crise des valeurs en Europe. Six ans après cette rencontre, l’Europe reste confrontée à d’importants défis, et ses dirigeants s’avouent presque incapables de lutter contre le racisme, l’extrémisme, l’intolérance religieuse et interculturelle. Nous avons approuvé ensemble, ici-même, une résolution énonçant que les dirigeants politiques de certains États membres du Conseil de l’Europe devaient être traduits en justice pour leurs discours de haine et de xénophobie. Pourtant, connaissez-vous quelqu’un qui a été sanctionné pour ses déclarations racistes méprisant la cohabitation interculturelle et interreligieuse? Il est probable que la réponse soit non!
Ce n’est pas un secret qu’au sein même du Conseil de l’Europe, il y a un pays où l’arménophobie est ancrée dans les mentalités depuis si longtemps qu’elle est devenue une politique d’État. Je cite l’une des réflexions géniales du Président de l’Azerbaïdjan: «Les Arméniens, partout dans le monde, ainsi que les politiciens sales sous leur influence, sont nos ennemis principaux.» Le premier chef religieux de l’Azerbaïdjan, Allahshukur Pashazade, a quant à lui déclaré: «Le mensonge et la tricherie sont dans le sang des Arméniens, et nous devons combattre les Arméniens». Le directeur de l’Institut des problèmes de radiation de l’Académie nationale des sciences d’Azerbaïdjan, M. Adil Garibov, a même proposé d’organiser en Arménie un tremblement de terre de magnitude 9, pour vérifier si la centrale nucléaire de Metsamor était parasismique. Comme il est difficile d’imaginer qu’un dirigeant religieux puisse appeler à verser du sang, et un scientifique, à organiser un tremblement de terre! Mais si l’arménophobie continue d’être le leitmotiv principal des programmes d’enseignement et des contes pour enfants, une telle réalité sera inévitable.
M. GARCÍA HERNÁNDEZ (Espagne)* – Tout d’abord, je souhaite exprimer mes plus sincères condoléances à notre amie Stella Kyriakides, et toutes mes félicitations à notre nouveau Président, M. Nicoletti, dont le discours m’a beaucoup inspiré.
Pour occuper ce poste, il faut une certaine intelligence politique, et notre président italien a bien compris quel était le problème principal du Conseil de l’Europe.
Depuis mon arrivée au Conseil de l’Europe, mon étonnement est grand – car je n’avais pas imaginé que cela arriverait au cours de ma vie politique – d’être confronté à un populisme qui touche tous les partis politiques. À mes yeux, c’est là que se situe véritablement le problème: le Conseil de l’Europe parle de moins en moins de droits de l’homme et de qualité de la démocratie; de jour en jour, de plus en plus d’interventions visent à mettre en cause la qualité d’un représentant ou d’une institution, sans même prêter attention à ce que nous avons construit depuis le XVIIIe siècle: une démocratie et des institutions de qualité.
Voilà pourquoi je suis surpris lorsque j’entends ces populistes qui prennent de l’importance au sein de chaque famille politique. Leurs discours nous éloignent du Conseil de l’Europe. Certains émanent de grands pays: on cherche des explications politiques. Le financement de certains partis par des puissances étrangères en est une. Le Conseil de l’Europe doit y être attentif. Mais la question n’est pas vraiment là. Aujourd’hui, j’ai entendu des prises de position politiques qui me semblent invraisemblables, notamment des contradictions entre différents radicaux. Certains essaient d’alimenter ce phénomène pour nous monter les uns contre les autres: c’est particulièrement surprenant. Nous devons donc trouver une sortie de crise démocratique.
C’est la raison pour laquelle des élections ont eu lieu en Catalogne le 21 décembre dernier: le peuple s’est exprimé dans un cadre légal, comme le veut la démocratie. Seul ce respect de la démocratie nous permet d’adhérer fièrement au Conseil de l’Europe, et de trouver des solutions juridiques et démocratiques à tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, afin que la génération à venir hérite d’une véritable démocratie.
M. LE PRÉSIDENT* – M. Vareikis, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.
M. MARUKYAN (Arménie)* – Je remercie tout d’abord les corapporteurs qui ont suivi le dossier arménien pour leur travail extraordinaire. Je souhaite partager avec vous certains points du rapport, et présenter les solutions suggérées au niveau national.
Je voudrais souligner que le rôle du Conseil de l’Europe est crucial pour contraindre les autorités nationales à prendre les mesures nécessaires: supprimer le clientélisme électoral, instaurer la responsabilité de la police, passer d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire.
Comme l’ont dit les corapporteurs, lors des élections parlementaires qui se sont tenues en 2017, le clientélisme électoral était encore très répandu: pour contrer ce phénomène, il faut légiférer.
Je ne pense pas que cela soit nécessaire, car celui-ci est déjà interdit par le Code pénal arménien. Il suffit d’appliquer les textes et de poursuivre les élus corrompus après chaque élection.
Le rapport évoque également le recours abusif aux ressources administratives. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a formulé à plusieurs reprises des recommandations visant à adapter la législation afin de lutter efficacement contre le recours abusif aux ressources administratives lors des élections. Ce problème demeure l’un des plus répandus. Lors des élections municipales à Erevan, le mouvement Way out a introduit un recours visant à établir les responsabilités en matière de clientélisme électoral. Le procureur général a classé l’affaire, mais le procès est en suspens.
La Résolution 1677 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, adoptée en 2009, recommandait que la responsabilité de la vie politique nationale soit confiée à un organisme spécialisé. Nous avons notamment recommandé que certains organes du gouvernement soient transformés en ministères afin qu’ils soient directement responsables devant le parlement, en vue de renforcer la responsabilité du pouvoir exécutif et le contrôle parlementaire. La réforme constitutionnelle doit être hiérarchisée en priorités.
Au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, j’affirme que nous veillerons au bon déroulement de la transition entre les deux systèmes, car nous ne pouvons pas accepter autre chose.
M. MELKUMYAN (Arménie) – À nos yeux, le règlement des conflits, des massacres et des génocides est très important. Je m’adresse tout particulièrement à Rafael Huseynov, ici présent. Voici trente ans, à Soumgaït, en Azerbaïdjan, des Azéris ont perpétré un atroce massacre d’Arméniens qui y vivaient. Jusqu’à présent, nous ne disposons d’aucune évaluation juridique et politique sérieuse sur ce sujet.
Il s’agit d’un cas d’exécution d’êtres humains motivé par leur seule appartenance à une nation – arménienne, en l’espèce. Des documents ont été conservés, y compris des documents audiovisuels montrant une foule furieuse et enragée de milliers de personnes envahissant les appartements et les maisons des Arméniens pour en massacrer sauvagement les occupants innocents. Ces événements ont eu lieu les 27 et 28 février 1988. À ce jour, ces crimes n’ont fait l’objet d’aucune évaluation juridique et politique concrète par les organisations internationales ni par les institutions européennes. Il n’est pas exclu que des amis ou des parents de certains membres de la délégation azérie ici présents aient pris part à ces atrocités.
Certes, ces événements se sont produits sous le régime soviétique; à l’évidence, l’ordre propre aux États centralisés ne peut influencer la conscience et la morale humaines. Ou bien l’homme est un être humain, ou bien il est un animal d’apparence humaine. Malheureusement, les descendants des exécutants du massacre de Soumgaït ont continué à faire de même depuis lors, mais dans le cadre d’armées dotées de matériels militaires modernes capables de mener une guerre de l’information et une guerre électronique.
Si nous acceptons que l’homme éduqué et civilisé, maîtrisant plusieurs langues, puisse commettre des atrocités, cela détruira l’humanité et nous mènera dans le gouffre. Il est temps de se ressaisir et d’agir. Il est indispensable de prendre des mesures contre les responsables de ces atrocités afin d’empêcher que d’autres drames ne se produisent. Je suis convaincu que trente ans forment une période assez longue pour le déroulement d’une véritable investigation.
M. KANDELAKI (Géorgie)* – Disons les choses franchement: beaucoup ici estiment que la création d’une commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire est une tentative à peine voilée d’y faire revenir les représentants russes sans que la Fédération de Russie soit contrainte de respecter ses résolutions et ses exigences relatives au retrait des forces armées russes du territoire de certains pays voisins.
En outre, adopter l’article 4.3 du texte qui nous est soumis constituerait une violation constitutionnelle de l’autonomie de cette Assemblée, que ses pères fondateurs ont voulue indépendante. Imposer des sanctions à certaines délégations fait partie de ses compétences exclusives et ses décisions résultent d’un vote démocratique, alors que le Comité des Ministres procède par consensus. Adopter cet article mettrait à mal l’architecture initiale de notre institution.
Supposons que les autorités d’un État membre décident de réintroduire la peine de mort, d’emprisonner tous les membres de l’opposition ou d’envoyer à l’Assemblée parlementaire une délégation composée exclusivement d’hommes. Sanctionner cet État ou sa délégation serait alors impossible, car ils pourraient opposer leur veto dans le cadre du Comité des ministres, dont je viens de rappeler qu’il procède par consensus.
Le choix que nous devons faire est donc simple: oui ou non, permettrons-nous à la Fédération de Russie de faire revenir ses représentants dans cette Assemblée sans satisfaire aux exigences que celle-ci a formulées? Je pense parler ici au nom de beaucoup d’entre nous en affirmant que l’article 4.3 de ce texte devrait être mis aux voix. Lorsqu’une assemblée telle que la nôtre prend une décision importante, il est normal qu’elle soit mise aux voix. Une telle décision ne peut pas être prise sans que chacun ait la possibilité de s’exprimer par un vote.
M. XUCLÀ (Espagne)* – Monsieur le Président, permettez-moi de vous féliciter de votre élection à la tête de notre Assemblée. Tous mes vœux de succès vous accompagnent. J’espère que vous serez un excellent président et un bon arbitre dans une période complexe pour notre Assemblée. Nous débattons ici du rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente, qui aborde des thèmes de fond essentiels, fût-ce dans le cadre d’un court paragraphe. Comme plusieurs d’entre nous l’ont rappelé ce matin et cet après-midi, la commission ad hoc comptait parmi ses membres les représentants d’un pays qui n’a pas présenté de pouvoirs pour participer aux travaux de cette assemblée. Il faut appeler un chat un chat et réfléchir aux fondements de l’action de notre Assemblée!
S’il est bon de se doter d’une commission ad hoc et que celle-ci puisse travailler, ses propositions doivent faire l’objet d’un débat et d’un vote au sein de cette Assemblée, qui, souveraine, a donné son avis par le passé et devra encore le donner à l’avenir. Il faut approfondir la réflexion et le dialogue afin que la présence des représentants de chaque État membre ne mette pas en danger notre Assemblée et ne crée pas davantage de tensions similaires à celles qui ont émergé au cours des dernières années.
Deuxième observation: d’un débat à l’autre, nous ne devons pas oublier, en tant que parlementaires, de nous inquiéter de la situation financière du Conseil de l’Europe. Dans son intervention, le Secrétaire Général a partiellement répondu à cette interrogation. Mais de même que dans nos parlements, nous savons exactement ce qu’il en est de nos budgets, de même, nous devons examiner attentivement, au sein de la commission pertinente les finances de l’Assemblée parlementaire au regard du budget global du Conseil de l’Europe. Peut-être aboutirons-nous à la conclusion que les coupes budgétaires ne sont pas nécessairement justifiées. Ce message doit être transmis au Comité des Ministres par les États membres mais également par l’Assemblée parlementaire, en adoptant une position critique.
Mes chers collègues, c’est un sujet important. Les chiffres ne sont pas jamais passionnants mais en parler est de nature à améliorer les capacités de travail d’une institution comme la nôtre. C’est pourquoi il me paraît nécessaire de se pencher attentivement sur la situation budgétaire du Conseil de l’Europe.
M. van de VEN (Pays-Bas)* – Monsieur Nicoletti, permettez-moi, après beaucoup d’autres, de vous féliciter pour votre élection à la présidence de l’Assemblée. Je vous souhaite plein succès dans votre fonction.
La délégation néerlandaise avait adressé à Mme Kyriakides et au Bureau de l’Assemblée une lettre au sujet de la création d’une commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire, lettre dont j’aimerais partager avec vous la substance.
La délégation néerlandaise soutient la décision du Bureau de donner mandat à cette commission pour formuler des propositions sur la mise en œuvre de la Résolution 2186 (2017) et préparer des propositions en direction de la commission des questions politiques. Mais le 16 janvier, lors de la réunion préparatoire à cette session, la délégation néerlandaise a estimé, à la majorité, que le mandat de cette commission, formulé de manière générale, devrait être revu à la lumière des débats de l’Assemblée depuis 2014 sur des questions telles que l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, le rôle de la Fédération de Russie à l’est de l’Ukraine et l’absence de coopération et d’investigation concernant le vol abattu au-dessus de l’Ukraine.
LE PRÉSIDENT* – Il nous reste encore un peu de temps pour écouter Mme Brasseur.
Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Monsieur le Président, merci de m’autoriser à prendre la parole. Je voulais d’abord vous féliciter pour votre élection. Vous accédez à cette fonction au moment où notre Organisation traverse une période difficile. Comme nous tous, j’ai été attentive à votre discours, ce matin. En dépit de nos différences politiques, nous devons rester unis pour défendre les fondements mêmes de cette Organisation. Aujourd’hui, compte tenu des nombreuses divisions constatées, nous ne pourrions plus faire adopter une convention européenne des droits de l’homme. Pensons néanmoins à ceux qui, en 1949, ont décidé de créer cette Organisation: dix pays d’abord, suivis par la Grèce et la Turquie, puis par d’autres. Nous sommes aujourd’hui 47 États membres pour dire non à la guerre.
Nous avons besoin d’un lieu pour travailler, un lieu où chaque individu ait sa place, un lieu siège de la Cour. Je suis inquiète pour notre Assemblée, mais aussi, parce que des arrêts de la Cour ne sont pas exécutés par certains États membres. Nous devons rester unis, non pas pour ou contre nos gouvernements respectifs ou pour ou contre nous-mêmes, mais pour les 820 millions de personnes vivant sur le territoire du Conseil de l’Europe. C’est notre devoir. J’espère que grâce à votre présidence, ensemble, nous pourrons remettre notre Organisation sur la bonne voie.
Je remercie aussi Mme Kyriakides, qui s’est battue pour devenir présidente de l’Assemblée à un moment où celle-ci traversait des moments très difficiles, pour sa façon de présider et pour la sérénité qu’elle a réintroduite au sein de l’Assemblée.
Un dernier mot à propos de la Fédération de Russie. Lorsque j’avais l’honneur de présider cette Assemblée, j’ai essayé d’instaurer le dialogue dès le début du conflit avec l’Ukraine, J’ai immédiatement pris contact avec le président du Parlement ukrainien et le président de la Douma pour que les canaux du dialogue restent ouverts. Avec le Comité présidentiel, nous nous sommes rendus à Moscou. J’ai également rencontré le président du Conseil de la Fédération, et le président de la Douma est venu à Strasbourg. Malheureusement, ils ont décidé unilatéralement de ne plus envoyer de délégation à l’Assemblée. J’aimerais leur rappeler qu’il existe une résolution de 2014 que l’on ne peut balayer d’un revers de main. Des responsabilités, mais aussi des obligations s’imposent à nous, pas seulement à un seul État mais à chaque État. J’espère que nous trouverons une solution non pour des raisons budgétaires ou pour ou contre la Fédération de Russie, mais en faveur de la paix en Ukraine. C’est un État membre et nous ne pouvons pas accepter que perdure un conflit sur le territoire du Conseil de l’Europe.
Il faudra bien trouver une solution avec les Russes, qui sont une grosse partie du problème. Nous ne pouvons donc pas faire sans eux. Nous avons tous cette lourde responsabilité. Je n’ai pas de solution magique à proposer, mais nous ne pouvons pas réduire nos exigences en matière de normes, car ce ne serait pas la solution.
LE PRÉSIDENT* – Merci beaucoup, Madame Brasseur. Votre expérience, votre passion, vos connaissances sont essentielles pour notre Assemblée.
La liste des orateurs est épuisée.
Madame Schou, il vous reste une minute pour répondre aux orateurs.
Mme SCHOU (Norvège), rapporteure suppléante* – Monsieur le Président, tout d’abord, permettez-moi de vous souhaiter grand succès à la présidence de notre Assemblée parlementaire.
Ce rapport traite des activités du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente entre le 13 octobre 2017 et le 21 janvier 2018. Après avoir entendu M. Ariev et M. Kandelaki, notamment, parler du point 4.3, je rappellerai que la décision a été prise par le Bureau le 15 décembre et qu’il était possible de voter pour ou contre le rapport ou pour ou contre un point de celui-ci. J’aimerais que les choses soient claires à ce sujet. N’oublions pas tous les autres paragraphes, qui sont importants.
Je répondrai également à M. Omtzigt. Demain matin, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a prévu une audition, et M. Jagland participera à un échange de vues sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, concernant, entre autres, l’arrêt Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan. La discussion que M. Omtzigt appelle de ses vœux pourra donc avoir lieu.
Monsieur le Président, il est essentiel d’œuvrer ensemble à la recherche d’une solution à la situation de la Fédération de Russie, laquelle continue à participer aux travaux du Comité des Ministres mais pas à ceux de notre Assemblée. Il faut en discuter et soutenir toutes les initiatives favorables au dialogue avec la Fédération de Russie. Cela ne doit en aucun cas être considéré comme un soutien ou une remise en cause de nos valeurs fondamentales. Ce serait contre-productif. Mais notre institution doit continuer de dialoguer avec la Fédération de Russie. C’est essentiel pour toutes les parties impliquées.
LE PRÉSIDENT* – La discussion est close.
Avant de procéder à l’approbation du rapport d’activité, nous devons nous prononcer sur les propositions du Bureau figurant dans ce rapport.
Le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée des saisines de commissions (Doc. 14455 et Addendum 1).
Ces saisines sont ratifiées.
LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant nous prononcer sur les autres propositions du Bureau figurant dans son rapport d’activité contenues dans les Doc. 14455 et Addendums 1, 2 et 3.
M. KANDELAKI (Géorgie)* – J’ai une objection à formuler sur un point particulier. Si la procédure l’autorise, ma proposition serait de mettre ce point au vote pour ne pas être obligé de revenir sur tout le rapport compte tenu des circonstances dont nous avons déjà discuté.
LE PRÉSIDENT* – Vous demandez donc s’il est possible de voter uniquement sur un paragraphe.
M. KANDELAKI (Géorgie)* – C’est tout à fait cela, car mon objection ne porte que sur le paragraphe 4.3 du rapport d’activité.
Mme BAKOYANNIS (Grèce)* – Je suis étonnée de cette objection, parce que ce rapport se fonde sur un premier rapport. C’est ce que nous avions décidé précédemment qui débouche sur cette proposition de commission ad hoc qui permettra à tout un chacun de prendre position puisque toutes les délégations y seront représentées.
En fait, par son objection, M. Kandelaki nous dit qu’il est contre le dialogue. Pourtant, ce dialogue est nécessaire, primordial parce que si nous arrêtons de dialoguer, cette Assemblée continuera d’être divisée comme elle l’a été en 2017. Or nous sommes bien d’accord pour dire qu’il s’agissait d’une très mauvaise période pour le Conseil de l’Europe, Monsieur le Président. Donc, de grâce, ayons au moins une discussion honnête entre nous!
Mme SCHOU (Norvège), rapporteure suppléante* – Je suis défavorable à la proposition de M. Kandelaki. Je voterai pour le rapport et en faveur de la position du Bureau.
LE PRÉSIDENT* – J’invite donc l’Assemblée à se prononcer, par un vote à la majorité simple, sur l’objection présentée par M. Kandelaki. Ceux qui sont favorables à cette objection voteront «oui». Ceux qui y sont défavorables, et approuvent donc la position du Bureau, voteront «non».
L’objection n’est pas adoptée (26 voix pour, 74 voix contre et 12 abstentions).
Les autres propositions du Bureau figurant dans le rapport d’activité sont adoptées.
3. Prochaine séance publique
LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté ce matin par l’Assemblée.
La séance est levée.
La séance est levée à 16 h 55.
SOMMAIRE
1. Communication du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
M. Jagland
Questions: Mme Christoffersen, Earl of Dundee, MM. Pasquier, Petter Eide, Mmes Gambaro, Duranton, Kerestecioğlu Demír, M. Rafael Huseynov, Lord Foulkes, M. Vejkey, Mme Anttila
2. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)
Orateurs: M. Goncharenko, Mme Creasy, MM. Rafael Huseynov, Ariev, Omtzigt, Mme Zohrabyan, MM. García Hernández, Marukyan, Melkumyan, Kandelaki, Xuclà, van de Ven, Mme Brasseur
Réponse de Mme Schou, rapporteure suppléante
Vote sur le rapport d’activité
3. Prochaine séance publique
Appendix / Annexe
Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.
Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.
ÅBERG, Boriana [Ms]
AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]
AKBULUT, Gökay [Ms] (SCHÄFER, Axel [Mr])
AKTAY, Yasin [Mr]
ALLAVENA, Jean-Charles [M.]
AMON, Werner [Mr]
ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]
ARIEV, Volodymyr [Mr]
BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])
BAKOYANNIS, Theodora [Ms]
BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])
BALFE, Richard [Lord] (ECCLES, Diana [Lady])
BARDELL, Hannah [Ms]
BARNETT, Doris [Ms]
BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])
BATRINCEA, Vlad [Mr]
BEREZA, Boryslav [Mr]
BERNACKI, Włodzimierz [Mr]
BĒRZINŠ, Andris [M.]
BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]
BEYER, Peter [Mr]
BILDARRATZ, Jokin [Mr]
BİLGEHAN, Gülsün [Mme]
BILOVOL, Oleksandr [Mr]
BLAHA, Ľuboš [Mr]
BLAZINA, Tamara [Ms] (ZAMPA, Sandra [Ms])
BLONDIN, Maryvonne [Mme]
BOUYX, Bertrand [M.] (GAILLOT, Albane [Mme])
BRASSEUR, Anne [Mme]
BRUYN, Piet De [Mr]
BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]
BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (HEER, Alfred [Mr])
BUDNER, Margareta [Ms]
BUSHATI, Ervin [Mr]
CEPEDA, José [Mr]
CERİTOĞLU KURT, Lütfiye İlksen [Ms] (ŞAHİN USTA, Leyla [Ms])
CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]
CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])
CORLĂŢEAN, Titus [Mr]
CORSINI, Paolo [Mr]
CREASY, Stella [Ms] (SHARMA, Virendra [Mr])
CROWE, Seán [Mr]
DAEMS, Hendrik [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])
DALLOZ, Marie-Christine [Mme]
D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]
DANESI, René [M.] (ABAD, Damien [M.])
DESTREBECQ, Olivier [M.]
DURANTON, Nicole [Mme]
DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]
EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]
EIDE, Petter [Mr] (SCHOU, Ingjerd [Ms])
ESSL, Franz Leonhard [Mr]
ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])
EVANS, Nigel [Mr]
FARMANYAN, Samvel [Mr]
FIALA, Doris [Mme]
FOULKES, George [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])
FOURNIER, Bernard [M.]
FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]
GAFAROVA, Sahiba [Ms]
GAMBARO, Adele [Ms]
GARCÍA ALBIOL, Xavier [Mr]
GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr]
GASHI, Afrim [Mr] (HADRI, Shpresa [Ms])
GATTI, Marco [M.]
GATTOLIN, André [M.] (GROSDIDIER, François [M.])
GERASHCHENKO, Iryna [Mme]
GHILETCHI, Valeriu [Mr]
GILLAN, Cheryl [Dame]
GIRO, Francesco Maria [Mr]
GOGA, Pavol [M.] (KRESÁK, Peter [Mr])
GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]
GONCHARENKO, Oleksii [Mr]
GONZÁLEZ TABOADA, Jaime [M.] (BARREIRO, José Manuel [Mr])
GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]
GOUTTEFARDE, Fabien [M.]
GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme]
GRAF, Martin [Mr]
GÜNAY, Emine Nur [Ms]
GUNNARSSON, Jonas [Mr]
GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]
HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]
HAJIYEV, Sabir [Mr]
HALICKI, Andrzej [Mr]
HARANGOZÓ, Gábor [Mr] (MESTERHÁZY, Attila [Mr])
HENRIKSEN, Martin [Mr]
HERKEL, Andres [Mr] (MIKKO, Marianne [Ms])
HOFFMANN, Rózsa [Mme] (GULYÁS, Gergely [Mr])
HONKONEN, Petri [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])
HOPKINS, Maura [Ms]
HOWELL, John [Mr]
HUNKO, Andrej [Mr]
HUOVINEN, Susanna [Ms] (GUZENINA, Maria [Ms])
HUSEYNOV, Rafael [Mr]
IBRAHIMOVIĆ, Ervin [Mr] (SEKULIĆ, Predrag [Mr])
JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])
JENIŠTA, Luděk [Mr]
KALMARI, Anne [Ms]
KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])
KARAMANLI, Marietta [Mme] (DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme])
KAVVADIA, Ioanneta [Ms]
KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]
KERN, Claude [M.] (WASERMAN, Sylvain [M.])
KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]
KITEV, Betian [Mr]
KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]
KOBZA, Jiři [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])
KOÇ, Haluk [M.]
KOPŘIVA, František [Mr]
KORODI, Attila [Mr]
KOX, Tiny [Mr]
KRARUP, Marie [Ms]
KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]
LACROIX, Christophe [M.]
LEIGH, Edward [Sir]
LEITE RAMOS, Luís [M.]
LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]
LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]
LOMBARDI, Filippo [M.]
LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])
LOUIS, Alexandra [Mme]
MAIRE, Jacques [M.]
MALLIA, Emanuel [Mr]
MARQUES, Duarte [Mr]
MARUKYAN, Edmon [Mr] (RUSTAMYAN, Armen [M.])
MAVROTAS, Georgios [Mr] (KASIMATI, Nina [Ms])
McCARTHY, Kerry [Ms]
McGINN, Conor [Mr] (BYRNE, Liam [Mr])
MÜHLWERTH, Monika [Ms] (BURES, Doris [Ms])
MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]
MÜLLER, Thomas [Mr]
MUNYAMA, Killion [Mr] (TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr])
NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms]
NENUTIL, Miroslav [Mr]
NICK, Andreas [Mr]
NISSINEN, Johan [Mr]
OHLSSON, Carina [Ms]
OMTZIGT, Pieter [Mr] (MAEIJER, Vicky [Ms])
ÖNAL, Suat [Mr]
OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]
O’REILLY, Joseph [Mr]
PASHAYEVA, Ganira [Ms]
PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms])
POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])
POMASKA, Agnieszka [Ms]
POPA, Ion [M.] (ȘTEFAN, Corneliu [Mr])
PREDA, Cezar Florin [M.]
PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms]
PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])
PUTICA, Sanja [Ms]
RIGONI, Andrea [Mr]
ROCA, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])
RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]
RUSSELL, Simon [Lord] (GALE, Roger [Sir])
SANTA ANA, María Concepción de [Ms]
SCHWABE, Frank [Mr]
ŠEPIĆ, Senad [Mr]
SHALSI, Eduard [Mr]
SILVA, Adão [M.]
ŠIRCELJ, Andrej [Mr]
ŠKOBERNE, Jan [Mr]
SMITH, Angela [Ms]
SOBOLEV, Serhiy [Mr]
SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (WOLD, Morten [Mr])
SØNDERGAARD, Søren [Mr]
SORRE, Bertrand [M.]
SOTNYK, Olena [Ms]
SPAHIU, Klodiana [Ms] (BUSHKA, Klotilda [Ms])
STANĚK, Pavel [Mr]
STELLINI, David [Mr]
STRIK, Tineke [Ms]
STROE, Ionuț-Marian [Mr]
SUTTER, Petra De [Ms] (BLANCHART, Philippe [M.])
THIÉRY, Damien [M.]
TOPCU, Zühal [Ms]
TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])
TORUN, Cemalettin Kani [Mr]
TOUHIG, Don [Lord] (MASSEY, Doreen [Baroness])
TRISSE, Nicole [Mme]
TROY, Robert [Mr] (COWEN, Barry [Mr])
TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]
VEJKEY, Imre [Mr]
VEN, Mart van de [Mr]
VENIZELOS, Evangelos [M.] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])
VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])
WENAWESER, Christoph [Mr]
WERNER, Katrin [Ms]
WILSON, Phil [Mr]
WOJTYŁA, Andrzej [Mr]
XUCLÀ, Jordi [Mr] (RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme])
YAŞAR, Serap [Mme]
YEMETS, Leonid [Mr]
YENEROĞLU, Mustafa [Mr]
ZINGERIS, Emanuelis [Mr]
ZOHRABYAN, Naira [Mme]
ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])
Also signed the register / Ont également signé le registre
Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter
BAKRADZE, David [Mr]
BRANDT, Michel [Mr]
BULIGA, Valentina [Mme]
BYRNE, Liam [Mr]
CANNEY, Seán [Mr]
COAKER, Vernon [Mr]
CORREIA, Telmo [M.]
COURSON, Yolaine de [Mme]
FATALIYEVA, Sevinj [Ms]
GOGUADZE, Nino [Ms]
HEER, Alfred [Mr]
HOLLIK, István [Mr]
HUSEYNOV, Vusal [Mr]
KAPUR, Mudassar [Mr]
KELLEHER, Colette [Ms]
LANGBALLE, Christian [Mr]
LEŚNIAK, Józef [M.]
LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr]
MAKHMUDYAN, Rustam [Mr]
MASSEY, Doreen [Baroness]
MELKUMYAN, Mikayel [M.]
ÖZSOY, Hişyar [Mr]
PALLARÉS, Judith [Ms]
PRESCOTT, John [Mr]
RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]
SCHOU, Ingjerd [Ms]
SHARMA, Virendra [Mr]
UCA, Feleknas [Ms]
WHITFIELD, Martin [Mr]
Observers / Observateurs
LUNA CANALES, Armando [Mr]
SANTANA GARCÍA, José de Jesús [Mr]
Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie
ABUSHAHLA, Mohammedfaisal [Mr]
AMRAOUI, Allal [M.]
CHAGAF, Aziza [Mme]
EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]
KHADER, Qais [Mr]
SABELLA, Bernard [Mr]