FR18CR03ADD1

AS (2018) CR 03
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la troisième séance

Mardi 23 janvier 2018 à 10 heures

ADDENDUM 1

La protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires en Europe

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par quatre membres inscrits sur la liste des orateurs et présents en séance mais qui n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

M. NISSINEN (Suède)* – Je me réjouis de notre débat d’aujourd’hui, car toutes nos langues européennes constituent une énorme richesse. Je propose donc de tenir cette fois-ci mon discours en français.

Le rapport présenté par Mme Hoffmann, au nom de notre commission de la culture, est excellent et mérite pleinement notre adoption. Il est en outre essentiel que la Charte sur les langues régionales et minoritaires soit signée et ratifiée par autant de nos États membres que possible.

Il est important de noter que la Charte, dans son article 1er, statue qu’elle « n’inclut ni les dialectes de la ou des langues officielles de l’État, ni les langues des migrants ». C’est une limitation significative car, comme nous le savons, nos pays membres hébergent actuellement aussi des groupes significatifs de migrants qui parlent un grand nombre de langues, peut-être une cinquantaine dans un pays comme le mien, la Suède. Il y a, par conséquent, un risque que l’expression « langue minoritaire » selon la Charte soit compris comme incorporant aussi ces langues, ce qui n’est donc pas le cas.

J’entends parfois cet argument en Suède. Or, si toutes les exigences posées par la Charte elle-même – ou proposées par notre projet de résolution – devaient inclure également toutes ces autres langues, aussi nobles et respectables qu’elles soient, dans ce cas-là, notre Charte finirait bientôt par devenir financièrement intenable, donc irréalisable.

En outre, nous ne devons pas oublier l’importance pour nos pays respectifs de posséder une langue nationale maîtrisée au moins par la grande majorité des citoyens, entre autres pour rendre possible l’intégration d’immigrants, socialement et culturellement.

Beaucoup de municipalités en Suède font leur maximum pour permettre l’accès à l’interprétation et à l’éducation pour les immigrés dans leur langue natale. Or, la conséquence pourrait être que leur intégration soit retardée ou devienne impossible, ou que se développent des communautés parallèles où l’on parle presque exclusivement d’autres langues. Cela s’est produit dans certaines zones urbaines de mon pays.

Pour conclure, il est important que nous gardions bien en mémoire l’article 1er de la Charte. Cela ne veut en rien dire que nous devrions arrêter toute aide linguistique à nos nouveaux concitoyens, mais seulement que cette assistance doit compléter, et non pas remplacer, là ou les langues qui sont « traditionnellement pratiquées » dans le pays hôte, selon les termes de la Charte.

M. KERN (France) – Les langues régionales ou minoritaires constituent un patrimoine culturel de grande valeur pour l’Europe. Elles sont le témoignage de la diversité culturelle de notre continent et de sa richesse qu’il faut maintenir. Ainsi, favoriser leur apprentissage me paraît être une nécessité.

Au-delà, ces langues sont le ciment de certaines communautés permettant la transmission de leur culture et la permanence de ces communautés.

Enfin, les minorités parlant la langue d’un autre pays européen représentent un atout en matière politique, économique et commerciale. En effet, cela permet de faciliter les échanges et de créer des contacts.
Ainsi, chacun doit pouvoir affirmer son identité linguistique comme le prévoit la Charte des langues régionales ou minoritaires. Cela correspond à l’esprit de notre Convention.

Toutefois, tous les États européens ne se sont pas construits sur les mêmes bases. Ainsi, la France a toujours été un État unitaire très centralisé alors que d’autres États européens se sont constitués sur la base d’un fédéralisme plus ou moins approfondi. La place attribuée aux langues régionales dans un État ne doit pas aller contre ses principes fondateurs. Ainsi, la Constitution française ne reconnaît qu’une seule langue, le français, qui est la langue de l’administration, et qu’un seul peuple, le peuple français. Or, la Charte prévoit la création de droits particuliers pour les groupes pratiquant ces langues, ce qui est contraire à la Constitution française. Ceci explique que la France n’ait pas ratifié cette Charte. En revanche, la Constitution française consacre bien l’appartenance des langues régionales au patrimoine de la France. Ainsi, l’enseignement de ces langues est prévu dans les écoles, collèges et lycées. Des subventions sont attribuées pour soutenir la création artistique dans ces langues.

En outre, la promotion des langues régionales ou minoritaires ne doit pas servir des volontés séparatistes et doit se faire dans le respect des institutions. En effet, à un moment où certains États européens doivent faire face aux volontés indépendantistes de certaines régions, il ne faudrait pas que notre engagement en faveur de la Charte soit perçu comme un encouragement. La langue est une cause qui fédère énormément les citoyens et qui peut être utilisée contre les institutions nationales. C’est là un danger à ne pas sous-estimer.

Je crois sincèrement que le respect des langues minoritaires ou régionales peut être un facteur de paix s’il permet à chacun de se sentir pleinement membre de la communauté nationale.

Mme KARAMANLI (France) – Le rapport met au cœur des droits fondamentaux et de la diversité culturelle les langues régionales. La charte européenne les concernant vise à assurer leur promotion et leur protection. Celles-ci font la force de l’Europe dans le monde.

Le droit de s’exprimer librement dans sa propre langue, y compris dans une langue moins répandue, fait partie intégrante des droits de l’homme.

En France, il y a la langue française et les langues de France, toutes contribuent à la cohésion intellectuelle, sociale et historique du pays. Breton, occitan, basque, corse, alsacien, langues polynésiennes et créoles, font partie du patrimoine culturel français.

Si ces langues sont parfois menacées, elles restent pour beaucoup de locuteurs leur langue de cœur et de leur identité.

Notre Assemblée s’est, à plusieurs reprises, prononcée en faveur du développement des langues régionales et minoritaires en Europe et a demandé aux Etats membres de signer la charte.

Elle a demandé aux États de l’appliquer. Plusieurs États ont pu ou peuvent justifier la non-ratification par la nécessité de garantir une cohérence avec d’autres lois nationales.

Les États, alors qu’ils reconnaissent facilement les droits des individus dans l’économie, y compris quand bien même ceux-ci mettent en cause leur souveraineté, sont souvent réticents à affirmer les droits des personnes dans le domaine de la culture.

Il faut aussi que les groupes politiques représentés dans notre Assemblée aient le courage de porter au sein des parlements nationaux le même discours selon lequel la reconnaissance de la diversité, si elle s’accompagne d’une politique d’égalité en direction des communautés et des individus, renforce la cohésion de la Nation et ne l’affaiblit pas.

Malheureusement il peut arriver que les groupes votent dans le sens d’une reconnaissance à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe mais optent pour des positions différentes au sein de leur parlement national.

Une décision prise ici ne devrait pas être en contradiction avec des décisions prises ailleurs.

M. THIÉRY (Belgique) – Ce rapport rappelle que les États membres doivent ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires s’ils ne l’ont pas encore fait.

Il propose de créer des groupes de travail chargés d’analyser la situation des langues régionales ou minoritaires au sein des parlements nationaux. Il serait intéressant que certains États membres, comme la Belgique, arrêtent de se retrancher derrière le principe de la définition des minorités pour  faire croire qu’on ne peut pas faire avancer ce dossier. Le rapport rappelle que seuls 25 États membres ont ratifié la convention. Il faut attirer l’attention des autres 22 États et les inciter à adhérer à la Charte le plus vite possible.

En Belgique, pays fondateur de l’Europe que nous défendons, le respect des langues régionales et minoritaires est bafoué au quotidien. Pas de signature de la charte de l’utilisation des langues, pas de ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales… Pourquoi ? Parce que les régions ne ratifient pas cette charte et plus spécifiquement la Flandre qui ne prétend pas reconnaître les quelque 300 000 francophones minoritaires en Flandre.

Comment laisser un pays fondateur donner des leçons à ses pairs alors qu’une de ses trois régions bloque toute discussion et donc toute négociation ? Est-il logique qu’un club de football ne puisse pas recevoir de subsides parce que les joueurs utilisent la langue minoritaire sur le terrain ? Est-il logique que des associations culturelles ne puissent recevoir des subsides comme une bibliothèque, car le nombre de livres disponibles dans la langue minoritaire est de plus de 25 % alors qu’au niveau local il y a 90 % d’utilisateurs de ces livres ? Est-il normal que le pouvoir régional interdise aux pouvoirs locaux de s’exprimer dans la langue minoritaire ? Et ce ne sont que trois exemples de discriminations parmi une centaine. Je demande aujourd’hui à chacun des membres de cette Assemblée d’avoir un œil attentif à ce qui se passe également dans les pays qui donnent des leçons de démocratie un peu partout en Europe mais qui n’appliquent pas les chartes et les conventions de notre institution. Il est facile de donner des leçons, nettement moins de les mettre en application. Merci, Madame Hoffmann, d’avoir mis ces éléments en lumière.

Je me tiens à la disposition de tous les membres intéressés pour donner les informations qui concernent le fonctionnement de la Belgique et plus spécifiquement des entités fédérées.