FR18CR06

AS (2018) CR 06

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

Mercredi 24 janvier 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Élection du Commissaire aux droits de l’homme
(Second tour de scrutin – suite)

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous rappelle que nous procédons ce jour au second tour de scrutin pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Le scrutin a été suspendu à 13 heures. Il reprend immédiatement. Il se déroule dans la rotonde derrière la Présidence et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Les quatre scrutateurs, M. Sorre, Mme Pashayeva, M. Kobza et M. Destrebecq, désignés ce matin par tirage au sort, devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Les résultats seront annoncés avant la levée de la séance de cet après-midi.

2. Discours de M. Rasmussen, Premier ministre du Danemark

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle le discours de M. Rasmussen, Premier ministre du Danemark.

Après son discours, M. Rasmussen répondra aux questions des membres de l’Assemblée.

Monsieur le Premier ministre, c’est pour nous un grand honneur de vous accueillir à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui réunit des parlementaires de l’Europe entière. Nous vous accueillons tandis que votre pays, le Danemark, préside le Comité des Ministres de notre Organisation. À ce sujet, permettez-moi de vous remercier tout particulièrement de la généreuse hospitalité offerte par le Parlement danois aux membres de la Commission permanente lors de leur dernière réunion, qui s’est tenue au mois de novembre.

Nous avons aujourd’hui le privilège de vous recevoir à l’Assemblée après avoir eu l’honneur d’y accueillir hier Son Altesse Royale la Princesse Héritière de Danemark, et M. Samuelsen, ministre des Affaires étrangères, en sa qualité de Président du Comité des Ministres. De toute évidence, il y a là une manifestation très nette du profond engagement de votre pays en faveur de notre Organisation.

La Présidence danoise a lieu alors que notre continent vit une période particulièrement délicate. La crise des migrants et des réfugiés, avec ses conséquences humanitaires, la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes, la défiance croissante entre États membres, la menace du terrorisme, qui a frappé votre pays: tous ces phénomènes ont des conséquences sur nos vies quotidiennes et nos perspectives d’avenir. Votre expérience personnelle en matière d’inégalités entre les sexes, mais aussi concernant des sujets sociaux et écologiques complexes, intéresse vivement notre Assemblée. Nous nous réjouissons donc d’entendre vos réflexions sur la façon dont nous pouvons relever les défis de notre temps.

J’ai l’honneur, Monsieur le Premier ministre, de vous donner la parole, non sans vous remercier une fois encore de votre présence parmi nous.

M. RASMUSSEN, Premier ministre du Danemark* – Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Excellences, Mesdames et Messieurs, c’est pour moi un honneur de me trouver aujourd’hui au cœur de l’Europe, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, comme d’autres dirigeants européens avant moi. Il y a près de 70 ans, 10 pays ont franchi un premier pas, préfigurant la constitution du Conseil de l’Europe. Le Danemark en faisait partie. Depuis lors, l’Europe a parcouru un long chemin, et cette institution avec elle.

Aujourd’hui, les 47 États membres forment l’une des plus importantes institutions d’Europe, créée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis des décennies, le Conseil de l’Europe n’a cessé de protéger et de promouvoir avec succès les valeurs fondamentales de l’Europe, telles que les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit: l’Europe actuelle est bien meilleure que l’ancienne.

Aucun d’entre nous n’est capable de prévoir l’avenir, mais nous sommes contraints de tirer les enseignements du passé. Durant son histoire, l’Europe a été le berceau de la démocratie et un véritable centre de réflexion et de pensée. Mais, nous le savons tous, l’Europe n’a pas toujours été un continent de paix et de liberté: aucun autre continent sur Terre, au cours des deux derniers siècles, n’a produit autant de conflits, d’oppression et de dévastations dues à l’homme. Toutefois, sur les cendres et les ruines de la Seconde Guerre mondiale, de vrais dirigeants, de véritables visionnaires ont voulu faire en sorte que les ténèbres de la guerre et de la persécution ne viennent plus jamais hanter l’Europe. C’est bien pour maintenir la paix que la Convention européenne des droits de l’homme a vu le jour.

Aujourd’hui les principes de la Convention restent la référence morale et juridique pour notre famille européenne. Les normes en matière de droits de l’homme sont plus élevées que dans toute autre région du monde, et nous essayons constamment d’améliorer la protection de l’État de droit. Les normes de l’État de droit nous permettent de mesurer le succès de nos sociétés. Nous devons chérir cet héritage des dirigeants du passé, mais également veiller à ce que les solutions du passé soient adaptées à l’avenir et permettent de relever les défis qui se présentent à nous aujourd’hui.

Mon ambition est claire: je veux transmettre une Europe encore meilleure à mes enfants et à mes petits-enfants: une Europe où la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit sont protégés en tant que valeurs fondamentales et principes de base de notre quotidien; une Europe où personne ne serait exposé à la torture ou à des traitements dégradants; une Europe où les préjugés ne pèsent pas sur les relations humaines, où l’égalité des chances pour les hommes et les femmes est réelle et où nos enfants sont éduqués et élevés pour devenir les citoyens démocratiques de demain.

Cela requiert, bien entendu, une coopération internationale et des règles contraignantes, sur la base d’un véritable engagement des États membres et des peuples européens. Le Danemark est et a toujours été un fervent défenseur du système européen des droits de l’homme. C’est précisément pour cette raison que la priorité absolue de la présidence danoise sera de faire avancer le processus de réforme de ce système. Un système de droits de l’homme efficace ne pourra que bénéficier à l’ensemble de l’Europe. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de mener un débat continu, ouvert et honnête sur la façon dont nous voulons veiller au bon fonctionnement du système de la Convention, à partir des succès obtenus et en essayant de relever les défis au fur et à mesure qu’ils se présentent – ils sont aujourd’hui nombreux et le seront tout autant à l’avenir.

Il y a, d’abord, le problème de la mise en œuvre inadéquate des arrêts de la Cour, notamment concernant certaines difficultés liées aux droits de l’homme, de nature systémique et structurelle dans certains États membres.

Permettez-moi de donner un exemple qui a provoqué un débat animé dans mon pays, le Danemark. Ces dernières années, la Cour a clairement identifié les problèmes auxquels un grand nombre d’États membres sont confrontés s’agissant du système carcéral et a formulé des recommandations pour y remédier. Pourtant, ces problèmes perdurent dans de nombreux pays. C’est inacceptable pour ceux qui purgent des peines de prison; c’est inacceptable de la part des pays qui ne respectent pas les normes fixées par la Convention. Il n’est pas juste qu’un pays comme le Danemark accueille des criminels étrangers au motif que les conditions d’emprisonnement dans leur pays d’origine ne sont pas conformes aux règles de la Convention.

Il y a, ensuite, le problème de l’interprétation de la Convention. On s’est demandé si la Cour n’allait pas parfois trop loin dans son interprétation et ne laissait pas des marges de manœuvre trop étroites aux États membres. Dans certains cas, on a considéré comme une violation du droit à la famille le fait d’extrader des criminels étrangers vers leur pays d’origine. J’ai du mal à comprendre des décisions de ce type. D’ailleurs, cela ne correspond pas à l’idée que l’opinion publique se fait généralement des droits de l’homme.

Le fait de s’interroger sur les décisions de la Cour est parfois perçu comme une attaque et un refus de respecter les droits de l’homme. Ce n’est pas du tout le cas; c’est même exactement l’inverse: si nous avons à cœur de défendre les droits de l’homme et si nous voulons préserver l’autorité de la Cour, nous devons être en mesure d’aborder en toute franchise et honnêteté les questions difficiles. Sinon, nous risquons de perdre le soutien de l’opinion publique s’agissant des droits de l’homme et de la coopération internationale. Ce serait là l’un des plus grands échecs dont notre génération serait responsable.

Le troisième défi est celui du retard dans le traitement des dossiers par la Cour. C’est un grave problème: les requérants qui déposent des plaintes fondées, relatives à de graves violations des droits de l’homme, doivent attendre des années avant qu’elles soient traitées. C’est inacceptable.

Nous devons nous attaquer tous ensemble à ces problèmes. Nous devons nous engager pour améliorer constamment le système de la Convention et prendre les mesures nécessaires pour veiller à son bon fonctionnement. Nous avons besoin d’un système plus strict à l’égard des pays qui ne respectent pas leurs obligations en matière de droits de l’homme. Parallèlement, nous avons besoin d’un système qui n’interfère pas trop avec les décisions de pays qui prennent les droits de l’homme au sérieux.

La Cour semble évoluer dans la bonne direction: Nous devons appuyer et encourager cette évolution. Des résultats importants ont été obtenus: l’efficacité de la Cour a été améliorée, on a insisté sur la nécessité d’une meilleure mise en œuvre des arrêts de la Cour et le principe de subsidiarité a été renforcé.

Afin de conforter ces évolutions positives, le Danemark accueillera au mois d’avril, à Copenhague, une réunion des ministres en vue d’adopter une déclaration politique visant à donner un nouvel élan à la réforme du système de la Convention. Ce processus, engagé à Interlaken en 2010 et poursuivi à Izmir, Brighton et Bruxelles, offre aux États membres l’occasion de se doter d’un système plus efficace, plus ciblé et plus équilibré.

L’objectif du système de la Convention n’a jamais été de remplacer nos institutions nationales ou de faire de la Cour un tribunal de quatrième instance. Il serait d’ailleurs totalement impossible pour 47 juges à Strasbourg de gérer les procédures en appel pour plus de 800 millions de personnes. Cela risquerait de porter atteinte au système de la Cour plutôt que d’en faire une partie intégrante de nos institutions nationales. En effet, les autorités nationales doivent avoir la possibilité de jouer leur rôle. N’oublions pas que ce sont les États membres qui doivent protéger les droits de l’homme garantis par la Convention. Pour ce faire, ils doivent avoir une certaine marge d’appréciation – sous le contrôle de la Cour, bien entendu. C’est ce que l’on appelle le concept de responsabilité partagée.

Avec le Protocole no 15, le principe de subsidiarité va être intégré dans le corpus du texte de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est un important progrès. Cela permettra un meilleur équilibre entre le niveau national et le niveau européen.

L’une des priorités de notre présidence est de veiller à ce que le Protocole no 15 entre en vigueur. À ce jour, huit État membres l’ont ratifié et six autres doivent le faire. Nous encourageons les autres États membres à engager le processus de ratification.

Je ne vois aucune contradiction dans le fait de croire à l’importance des droits de l’homme tout en considérant que les décisions les concernant doivent être prises à l’échelon national. Il faut réformer pour préserver: c’est ainsi que nous pourrons avancer tout restant concentrés sur les piliers de l’Organisation que sont les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

Pour qu’un système de responsabilité partagée fonctionne, un dialogue continu doit s’établir entre les États membres et la Cour. Il n’est de l’intérêt de personne d’avoir un système de la Convention qui soit perçu par les États membres ou l’opinion publique comme étant décalé par rapport à la réalité. Cela requiert des efforts de tous: la Cour doit être à l’écoute des États membres et de leurs préoccupations, mais les États membres doivent aussi communiquer plus clairement et plus directement avec la Cour. Ils doivent exposer leurs préoccupations et leurs positions, y compris sur des questions sensibles.

Mesdames et Messieurs, nous espérons pouvoir compter sur le soutien de tous les acteurs au sein du Conseil de l’Europe, y compris l’Assemblée parlementaire, pour nous attaquer aux problèmes et relever les défis. Il y a 71 ans, le Premier ministre Winston Churchill, exprimant sa vision de l’Europe, disait qu’il fallait recréer la famille européenne en la dotant d’une structure régionale et que le premier pas dans cette voie prendrait la forme d’un conseil de l’Europe. Cette vision est devenue réalité. Churchill et les autres dirigeants européens voulaient réformer l’Europe, la faire briller pour que la lumière chasse les ténèbres. Ils y sont parvenus.

Aujourd’hui, nous devons nous demander comment veiller à ce que les droits universels édictés dans le passé continuent de nous guider à l’avenir. L’Histoire nous a enseigné que la meilleure façon d’avancer est d’engager un dialogue ouvert et constructif sur les enjeux de demain et sur les défis auxquels nous sommes confrontés. Mais il faut aussi avoir l’ambition de progresser.

C’est en mettant en œuvre des réformes aussi nécessaires qu’intelligentes que nous pourrons rétablir l’équilibre et, ce faisant, renforcer la protection des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Le Conseil de l’Europe ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme sont de véritables joyaux. Notre mission est de les faire briller. Notre vision est claire, des jalons ont déjà été posés. Il nous faut désormais avancer et, pour ce faire, nous espérons pouvoir bénéficier de votre soutien.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes et que vous devez poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je viens d’un État balte. Il y a 25 ans, le Danemark, votre pays, a été le promoteur le plus actif de l’intégration de cette région dans les structures européennes. Cela a été très important pour nous.

Quelle idée géopolitique vous guide-t-elle aujourd’hui? Êtes-vous toujours favorable à l’intégration d’autres régions au plus tôt, comme c’était le cas voilà un quart de siècle?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je vous remercie de cette question. Comme ma réponse doit être brève, je me bornerai à dire que nous avons toujours la même approche et que je crois fermement en une Europe intégrée.

Je représente un petit pays dont l’économie est orientée vers le marché européen. Nous recherchons l’interaction avec nos pays voisins. C’est précisément pour cela que je pense que nous devrions davantage essayer de relever des défis communs et de nous investir plus encore dans l’Union européenne pour agrandir nos frontières vers l’extérieur. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons continuer à aller dans le sens d’une Europe plus ouverte et plus intégrée.

Mme STRIK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Monsieur le Premier ministre, vous avez dit qu’il était important d’avoir un système de droits de l’homme effectif. Pensez-vous que l’indépendance de la Cour soit une condition nécessaire? Dans de nombreux pays, on constate que les juges sont moins indépendants. Vos propositions ne conduiront-elles pas à faire peser une pression supplémentaire sur les juges? Que proposez-vous pour répondre aux enjeux actuels et aux problèmes que vous évoquiez concernant l’absence de mise en œuvre des arrêts et de respect de la jurisprudence?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je puis vous assurer que je crois fermement à un système judiciaire indépendant. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup participé à cette discussion.

De toute évidence, la Cour est confrontée à des retards très importants. Cela dit, certains États membres ont bel et bien ancré la Convention dans leur système judiciaire national. Cela mérite d’être souligné. Aussi l’idée de la responsabilité partagée et du renforcement du dialogue entre les États et la Cour est-elle d’une importante primordiale.

M. HENRIKSEN (Danemark), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Premier ministre, je suis heureux de vous voir aujourd’hui dans cet hémicycle. Au nom du Groupe des conservateurs européens, je voudrais vous poser deux questions.

Tout d’abord, pourriez-vous indiquer à l’Assemblée la manière dont le Gouvernement danois agit pour autoriser différentes interprétations de la Convention par les différents États, afin de permettre à ces derniers, à l’avenir, d’expulser plus facilement les migrants ayant commis des délits et les clandestins? Il s’agit de permettre aux États de mener une politique migratoire.

Pourriez-vous ensuite nous dire comment vous percevez la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie et en Ukraine?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je vous renvoie à ce que j’ai dit dans mon discours et j’ajoute que nous avons très récemment facilité la tenue d’une conférence d’experts de haut niveau à Kokkedal, une ville proche de Copenhague. Nous y avons invité les États membres à participer à un débat portant sur des questions essentielles. 39 États membres y ont participé: j’y vois un engagement très clair de leur part pour aller de l’avant. C’est bien aussi notre intention: nous souhaitons avancer dans les négociations et, je l’espère, adopter une déclaration au mois d’avril à Copenhague.

Notre ambition est de faire adopter une déclaration politique faisant le point sur le processus de réforme en cours, proposant de nouvelles mesures en vue de renforcer le système de la Convention et fixant des directives pour les activités futures. Parmi les nombreuses idées avancées, l’une a été de faciliter la tâche aux États membres souhaitant saisir la Cour et plaider pour présenter leurs arguments. Ce sera sans doute l’une de nos priorités.

Ce matin même, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le président de la Cour et je ne vois pas la moindre opposition entre nous sur ce sujet. Je constate même que tout le monde partage le désir de protéger et de conforter le système des droits de l’homme mais, pour ce faire, il faut résoudre un certain nombre de problèmes. Je pense notamment à l’accumulation des dossiers que la Cour n’arrive pas à traiter. Cela dit, comme je l’indiquais dans mon discours, il faudrait aussi donner une marge de manœuvre plus importante aux pays qui respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme.

Je répondrai brièvement à votre seconde question, sans entrer dans le détail. Il est parfaitement évident que les droits de l’homme sont méconnus dans certains États membres et dans certaines régions spécifiques. S’agissant de l’Ukraine, les droits de l’homme de tous les habitants de Crimée doivent être garantis, conformément aux instruments du Conseil de l’Europe, à commencer par la Convention européenne des droits de l’homme. Toutes les parties doivent faire preuve d’un engagement constructif dans ce domaine et j’appuie les efforts du Secrétaire Général dans ce dossier. J’ajoute que le Danemark est très présent en Ukraine; nous avons joué un rôle important pour promouvoir la bonne gestion et l’État de droit, même si des difficultés subsistent.

M. BILDARRATZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Le Danemark a engagé une réforme institutionnelle il y a dix ans: vous avez modifié l’architecture territoriale et modifié les circonscriptions électorales en partant du principe que c’est au niveau local que l’on peut le mieux agir pour les citoyens. Quel bilan faites-vous de cette réforme? Après la réunion de Göteborg et l’adoption d’un nouveau pilier social européen, comment envisagez-vous l’articulation entre votre politique sociale nationale et ces nouvelles orientations?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je répondrai au second volet de votre question.

En qualité de Premier ministre d’un pays dont le système social fonctionne très bien, avec une longue tradition en matière d’égalité des chances entre les citoyens, le débat européen sur la cohésion sociale me semble fondamental. La réunion de Göteborg constitue une bonne initiative. Nous nous sommes mis d’accord sur les lignes directrices à suivre en matière sociale. Maintenant, il faut agir et mettre en œuvre ces idées. Nous devons nous doter d’une stratégie complète, améliorer la compétitivité, réduire les inégalités en matière de compétences et réformer le marché de l’emploi. Ce n’est pas là chose aisée. Il est impossible de réaliser ce programme depuis Bruxelles ou Strasbourg: chaque État doit travailler à son niveau. C’est le message que je voudrais transmettre aujourd’hui.

Je suis fier de notre tradition danoise qui amène les partenaires sociaux à la table des négociations. L’accord tripartite récemment signé pourrait servir de modèle pour d’autres pays.

Si nous n’essayons pas de résoudre les problèmes au plus près des gens, tels qu’ils se posent de manière concrète aux citoyens – qu’ils soient liés aux migrations ou au chômage, notamment celui des jeunes –, nous perdrons le soutien de nos opinions publiques. Je vous remercie d’avoir appelé mon attention sur ce sujet fondamental.

M. CROWE (Irlande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – L’Union européenne a mis en place la Coopération structurée permanente. Mon parti y est opposé tout comme à une possible armée européenne, qui serait dangereuse. Nous avons fait campagne contre l’implication irlandaise dans la CSP, qui menacerait la neutralité irlandaise. Le Danemark soutient-il cette approche? Pouvez-vous expliquer la position des Danois qui souhaitent adhérer à cette alliance militaire européenne?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je vais vous décevoir. Je suis favorable à ce que l’Union européenne prenne davantage de responsabilités dans le domaine de la sécurité compte tenu de la situation dans les pays voisins. Cependant, le Danemark ne peut participer à la politique de défense européenne pour des raisons juridiques. Pour participer, nous devrions organiser un référendum et je ne pense pas que cela soit opportun actuellement.

Le fait que nous ne rejoignons pas la CSP ne signifie pas pour autant que nous lui sommes hostiles. Nous appartenons à l’Otan. Il est évident, au regard de la nouvelle politique américaine et de la situation régionale en Europe, que l’Union européenne doit se préoccuper davantage des questions de défense. Ma priorité est de ne pas créer de doublon entre l’Otan et l’Union européenne. La stratégie européenne doit apporter une réelle valeur ajoutée.

Mme GAMBARO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Nous nous félicitons de votre engagement en faveur des droits de l’homme. Comment le Conseil de l’Europe peut-il rassembler ses membres afin que ces droits soient respectés partout?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Cela demande un travail considérable. Il convient de poursuivre le travail engagé ici, de rassembler des experts et des responsables politiques dans un dialogue ouvert et sans préjugés, afin de parvenir au meilleur système de protection possible.

Si j’avais une recette magique, j’en serais heureux, mais ce n’est pas le cas. La panacée n’existe pas. J’admire le travail effectué au sein de votre Assemblée: de très nombreuses personnes ont retrouvé la liberté ou vu leurs conditions d’existence s’améliorer grâce à votre travail. Il convient donc de le poursuivre.

LE PRÉSIDENT* – Nous prendrons les questions suivantes par séries de trois.

Mme DURANTON (France) – Monsieur le Premier ministre, parmi 175 États, le Danemark occupe depuis plusieurs années la première place du classement de l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International. Je vous en félicite.

Quelles sont, selon vous, les raisons qui expliquent cette situation? Comment le Danemark pourrait-il aider d’autres pays à progresser?

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Comme la presse l’a récemment souligné, le Danemark verse chaque année des millions de couronnes pour des arrestations et des détentions arbitraires.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur le fonctionnement du système judiciaire danois et sur votre politique en matière de lutte contre le terrorisme?

M. SCHWABE (Allemagne)* – Le débat sur la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas nouveau. En revanche, il est nouveau que l’on remette en question la Cour européenne des droits de l’homme aussi ouvertement que vous l’avez fait aujourd’hui, Monsieur Rasmussen.

L’Assemblée parlementaire a précisément pour mission de protéger cet organe du Conseil de l’Europe. Vous nous placez donc aujourd’hui dans une situation délicate. Au sein du Comité des Ministres, votre position est-elle suivie par d’autres pays?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Monsieur Howell, je répondrai à votre question en soulignant l’efficacité du système judiciaire danois qui, et je réponds du même coup à la dernière question, pourrait en effet inspirer d’autres pays. C’est d’ailleurs pourquoi j’insiste sur la notion de responsabilités partagées entre le niveau national et le niveau européen, afin que nous puissions concentrer, au niveau européen, nos ressources et notre énergie sur les pays qui en ont le plus besoin.

Mme Duranton souhaite connaître notre position sur la question de la corruption. La transparence qui caractérise la société danoise explique sans doute notre première place au classement de Transparency International. Nous sommes un petit pays, de seulement 5,8 millions d’habitants, fort bien organisé. Il y a quelques années, nous avons réformé notre système administratif et nous avons mis l’accent sur l’efficacité des municipalités et des régions. La manière dont notre système est organisé et structuré, mais aussi l’importance que nous accordons à l’égalité entre tous les citoyens, expliquent sans doute aussi notre première place. Cela nous donne toutefois une obligation d’agir au niveau international, dans la lutte contre la corruption, dont dépendent les libertés individuelles au sein de nos sociétés.

M. De BRUYN (Belgique)* – Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous dire combien j’apprécie l’idée d’organiser au mois de mars, à Copenhague, une conférence sur la vie privée en tenant compte des orientations de genre.

La prise en compte des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes – LGBTI – est actuellement problématique en Tchétchénie, en Azerbaïdjan et en Turquie. Le Danemark a-t-il l’intention de prendre des mesures au cours de sa présidence afin que le Conseil de l’Europe se saisisse de cette question?

M. SØNDERGAARD (Danemark)* – Monsieur le Premier ministre, dans votre discours, vous avez évoqué brièvement le problème de la non-exécution des arrêts de la Cour.

Que peut faire concrètement la présidence danoise? Avez-vous des propositions d’action dans la perspective de la future Déclaration de Copenhague?

Mme SCHOU (Norvège)* – L’une des priorités de la présidence danoise est d’encourager la participation des jeunes à la vie démocratique. Je soutiens pleinement cet objectif, l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme étant indispensable pour défendre, à l’avenir, le système de la Convention.

Quel sera, Monsieur le Premier ministre, votre principale initiative pour encourager la participation des jeunes?

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Je vous remercie pour ces trois questions essentielles. Il m’est évidemment difficile, étant donné le temps qui m’est imparti, de vous apporter des réponses détaillées, et je m’en excuse.

En ce qui concerne les personnes LGBTI, promouvoir la tolérance est certainement la principale action à mener. Le droit des minorités à vivre leur vie comme elles l’entendent doit être protégé. C’est l’une des priorités de l’Europe, et en particulier du Danemark – pas seulement, du reste, au cours de sa présidence du Comité des Ministres. Je suis fier de vous dire que le Danemark a été choisi pour agir dans ce domaine à l’avenir dans le cadre d’événements sportifs importants liés à cette thématique. Nous avons déjà fait beaucoup, mais il reste des défis à relever, pas uniquement sur le plan juridique mais aussi pour sensibiliser la population.

Pour promouvoir l’égalité des chances et la possibilité pour chacun de vivre librement, il ne faut pas travailler uniquement aux niveaux politique et législatif, il faut aussi organiser le débat et le dialogue au sein de la société de manière constante. C’est pourquoi je vous encourage à continuer à critiquer les pays qui ne respectent pas les droits des personnes LGBTI, en interdisant par exemple qu’elles manifestent.

S’agissant de la question posée par mon compatriote, M. Søndergaard, il est clair que certains pays ne sont pas suffisamment volontaristes dans l’exécution des arrêts de la Cour, mais je ne suis pas ici pour les montrer du doigt. Nous devons nous saisir de cette question car les citoyens européens souhaitent un système de protection des droits de l’homme plus efficace en Europe. Nous allons en discuter à Copenhague. J’ai évoqué cette question avec le Président aujourd’hui même.

Nous devons trouver le moyen d’inclure, dans notre déclaration finale, une solution visant à aider les États membres à transposer la Convention dans leur système juridique.

Enfin, l’éducation des enfants et l’égalité des genres sont des sujets prioritaires pour la présidence danoise. Comme l’a certainement dit Son Altesse Royale, nous allons organiser une conférence à Copenhague, en liaison avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, sur les bonnes pratiques en termes de respect de la vie privée, en particulier s’agissant de familles composées autour de couples du même genre. Nous voulons également organiser une réunion en avril pour passer des paroles aux actes. La Conférence se fondera sur les instruments élaborés par le Conseil de l’Europe en matière de citoyenneté.

Vous avez raison: tout commence avec l’enfance. C’est la raison pour laquelle nous devons apprendre à nos enfants à vivre dans une société démocratique et tolérante – tolérante à l’égard des LGBTI, mais pas seulement. Cela nous permettra, par la même occasion, d’éviter la radicalisation.

Mme HOFFMANN (Hongrie) – L’immigration illégale et les sociétés parallèles résultant de ce phénomène sont des risques graves pour la sécurité et posent un défi majeur aux sociétés européennes. Il nous faut une politique d’immigration stricte et systématique, comme celles qui sont appliquées en Hongrie et au Danemark, afin de protéger les citoyens européens.

Monsieur le Premier ministre, selon vous, comment pourrions-nous réduire l’immigration illégale pour garantir la sécurité des citoyens?

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Monsieur le Premier ministre, je vous remercie pour vos réponses précises et détaillées.

En 1960, sous l’impulsion de la présidente de la délégation danoise de l’époque, Mme Lowzow, l’Assemblée parlementaire a adopté une résolution relative à la reconnaissance de l’occupation des pays Baltes par l’Union soviétique. Comment pouvons-nous, ensemble, préserver la mémoire du rôle qu’a joué Mme Lowzow, figure importante de la vie politique européenne, décédée en 1985?

Mme De SUTTER (Belgique)* – Monsieur le Premier ministre, vous avez plaidé pour la réforme du système européen des droits de l’homme. Vous souhaitez faciliter la tâche aux États membres pour qu’ils puissent intervenir directement dans l’examen des cas portés devant la Cour. Vous appelez cela la «responsabilité partagée». Il me semble qu’une telle pratique comporte des risques: certains pays pourraient conclure que les droits de l’homme sont non pas universels, mais soumis au principe de subsidiarité.

M. LE PREMIER MINISTRE DU DANEMARK* – Madame De Sutter, les droits de l’homme sont universels; je tiens à le souligner. La question que nous posons est la suivante: quel serait le meilleur système permettant à chacun de jouir de ses droits et de se sentir véritablement protégé?

La Cour européenne des droits de l’homme a un retard important dans le traitement des affaires. Nous devons trouver une solution à ce problème. L’une des options est de faire plus au niveau national. Pour cela, la Convention européenne des droits de l’homme doit être transposée à l’échelon national dans les tous les États membres.

Cela dit, je souhaite préciser que ce n’est pas parce que, dans certains États membres, un grand nombre d’affaires sont portées devant la Cour que l’on doit forcément en conclure qu’ils ont davantage de problèmes que les autres. C’est peut-être tout simplement parce que, pour diverses raisons – des raisons techniques ou bien tenant aux traditions –, on n’accorde pas à la Convention, dans ces pays, la même importance que dans d’autres pays.

Quoi qu’il en soit, une meilleure coopération entre le niveau national et le niveau européen serait la bienvenue: si nous pouvions apprendre à certains pays à mieux mettre en œuvre la Convention, cela soulagerait la Cour, laquelle pourrait ainsi se concentrer sur les affaires les plus graves. Il est important d’affirmer que les droits de l’homme sont universels. Toutefois, il existe une responsabilité partagée dans leur mise en œuvre.

Monsieur Zingeris, vous avez raison: Marie Antoinette von Lowzow a joué un rôle extrêmement important dans l’histoire, à une époque où votre pays ne jouissait pas des mêmes libertés et de la démocratie. Comment pouvons-nous lui rendre hommage? Vous venez de le faire en la mentionnant et en rappelant la résolution relative aux pays Baltes, à l’époque du Rideau de fer.

Enfin, je suis pleinement d’accord avec Mme Hoffmann: pour assurer la cohésion sociale et culturelle en Europe, il nous faut trouver une façon de remédier au problème de l’immigration clandestine en Europe. Ce n’est pas chose facile. Nous devons mettre en œuvre une vaste stratégie afin de mieux protéger nos frontières extérieures, mais ce n’est pas suffisant. On ne peut résoudre les problèmes en érigeant des murs. Il faut tendre la main aux pays d’origine, travailler avec eux et leur demander de lutter plus efficacement contre les causes profondes de ces migrations.

Au cours de ces dernières années, notre politique à l’égard des États africains a avancé, même si la route est encore longue. Nous devons trouver une situation gagnante pour les deux parties. Il faut donner aux États africains un meilleur accès aux échanges avec l’Europe, les aider à développer leurs compétences et à trouver une bonne gouvernance; nous devons apporter plus d’assistance humanitaire et investir plus dans les infrastructures. En retour, les pays africains doivent s’engager à ce que nous puissions renvoyer les migrants clandestins vers leur pays d’origine. Nous avançons peu à peu dans cette voie. Si plus de pays voulaient se consacrer à cette tâche, nous pourrions aller plus vite. Je suis fier de dire que je représente un pays qui fait partie des cinq ou six pays dans le monde à atteindre l’objectif assigné par les Nations Unies, soit d’affecter au moins 0,7 % du PIB à l’aide au développement.

À long terme, à moins de donner de véritables espoirs aux jeunes Africains pour leur avenir, la pression pèsera sur l’Europe. À court terme, nous pouvons faire beaucoup à l’exemple du Danemark qui, après avoir renforcé sa politique en la matière, a reçu cette année beaucoup moins de demandeurs d’asile ou de clandestins par rapport aux neuf dernières années. Si nous voulons résoudre les problèmes, un meilleur partenariat entre l’Europe et l’Afrique est nécessaire.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le Premier ministre, je vous remercie vivement pour votre discours et vos réponses à nos questions.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe est en cours et sera clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Mme Mendes, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

3. L’intervention militaire turque en Syrie
(Débat d’actualité)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat d’actualité sur l’intervention militaire turque en Syrie.

Le temps de parole de chaque intervenant est fixé à 3 minutes, à l’exception du premier orateur, M. Kox, choisi par le Bureau, qui dispose de 10 minutes. Nous devrons avoir terminé ce débat vers 17 h 30.

M. KOX (Pays-Bas)* – Nous étions, pour la plupart d’entre nous, en route pour Strasbourg lorsque le Président Erdoğan a ordonné à son armée d’intervenir sur le territoire de l’État voisin, la Syrie. Le week-end dernier, des chasseurs ont commencé à bombarder des parties de la région kurde d’Afrin; l’infanterie turque a ensuite franchi la frontière.

À l’instant même où je m’exprime, un gouvernement d’un pays membre du Conseil de l’Europe a lancé une nouvelle guerre et ouvert un nouveau front en Syrie. Notre Assemblée a déjà évoqué sa profonde préoccupation face aux événements qui se déroulent dans ce pays. Nous ne saurions donc nous voiler la face. Ces événements vont conduire à davantage d’atrocités, et faire davantage de déplacés, de blessés et de morts. Encore une fois, un conflit politique entraîne une réaction politique violente, s’ajoutant aux nombreuses menaces que représente le conflit syrien pour la sécurité régionale et européenne. Je remercie l’Assemblée d’avoir accédé à la demande de mon groupe de tenir ce débat d’actualité, pour faire face à ce fait nouveau et choquant.

Cette nouvelle intervention de la Turquie en Syrie nous fait entrer dans une nouvelle phase du conflit syrien, qui a déjà fait tant de morts et de dommages. Dans le cadre du «printemps arabe», une insurrection pacifique s’est levée contre la répression des droits de l’homme et l’absence de progrès sociaux en Syrie; puis le régime a lancé une répression brutale; certaines parties de l’opposition ont alors décidé d’armer la résistance; puis le groupe État islamique a utilisé cette résistance interne à la Syrie pour créer ses propres bastions dans le pays et lancer ses menaces terroristes dans le monde entier; les puissances étrangères se sont ensuite engagées dans l’évolution du conflit, en partie à la demande du Gouvernement syrien – je pense à la Fédération de Russie –, en partie à la demande des forces d’opposition – je pense aux États-Unis –; une large coalition menée par les États-Unis a lancé sa propre alliance militaire contre la menace du prétendu État islamique (Daech). Des milliers de personnes civiles ont perdu la vie dans ces conflits. Des millions de personnes sont devenues réfugiées ou déplacées à l’intérieur de leur pays, ou cherchent un abri dans les États membres. Les autorités turques viennent aujourd’hui jeter de nouveau de l’huile sur le feu en lançant une intervention militaire unilatérale en Syrie.

Madame la Présidente, que faire face à cette décision unilatérale et à ses conséquences dans la région et dans le monde? En règle générale, le droit international interdit aux États de recourir à la force des armes sur le territoire d’un autre État. La Charte des Nations Unies énonce, à l’article 2.4: «Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.» Il n’y a que trois situations dans lesquelles cette interdiction générale peut être levée: premièrement, quand un État est invité par un autre État à l’aider pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité; deuxièmement, lorsqu’un État est mandaté par l’Onu et le Conseil de sécurité pour recourir à la force pour rétablir la paix et la stabilité internationale – il s’agit de l’article 42 de la Charte; troisièmement, conformément à l’article 51 de la Charte, un État peut exercer son droit à la légitime défense.

De toute évidence, les deux premières conditions ne sont pas réunies: la Syrie s’oppose explicitement à l’intervention militaire de la Turquie, et il n’existe aucun mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui vient tout juste de commencer à débattre de ces récents événements. Le Gouvernement turc ne fonde d’ailleurs pas son action militaire unilatérale sur ces deux possibilités, mais sur le critère de la légitime défense. Entre août 2016 et mars 2017, l’armée turque est déjà intervenue en Syrie sous couvert du principe de légitime défense contre les actions de l’État islamique en Turquie. Or, dans la pratique, ces actions militaires turques ne visaient pas l’État islamique, mais bien le parti de l’union démocratique des kurdes syriens, le PYD, qui est indépendant du Gouvernement syrien de Damas.

La nouvelle opération, intitulée «Rameau d’olivier», est dépeinte comme une réaction à la menace immédiate contre la sécurité turque. Or, aucune preuve de cette menace n’a encore été avancée par la Turquie. Bien au contraire, la région se trouvant actuellement sous le feu de l’armée turque est l’un des rares endroits qui, jusqu’à présent, avait été épargné par les affrontements violents et qui, de fait, servait d’asile aux milliers de déplacés internes en Syrie.

Toute une série de déclarations faites par le Président Erdoğan montre clairement que cette opération militaire n’a pas pour objectif la légitime défense. En octobre dernier, il annonçait dans la presse russe que la Turquie était prête à lancer une offensive militaire de grande ampleur, du nord de la Syrie jusqu’à Raqqa, pour éviter la création d’un État kurde. Il est clair que le Président Erdoğan est totalement opposé à la mise en place d’une région kurde de plus en plus autonome à la frontière de la Turquie.

Cela étant, le droit international n’autorise en aucune manière la Turquie à s’opposer à cette évolution politique dans un État voisin en intervenant militairement. Cette opération militaire ne saurait pas plus être vue comme une réaction à une menace immédiate. Les autorités ont clairement indiqué que l’armée turque entrait dans le nord de la Syrie pour établir une zone sûre de 30 kilomètres à l’intérieur du territoire syrien. Comme la région du Rojava n’entend pas laisser entrer l’armée turque sur son territoire, on n’échappera pas à des affrontements violents. Plusieurs personnes ont déjà été blessées ou tuées; certains fuient la région, des infrastructures ont été détruites. L’instabilité dans la région continuera de croître, et la sécurité de tous sera menacée encore davantage par cette opération unilatérale de la Turquie.

Dans le même temps, l’intervention de l’armée turque va également compromettre les relations avec la population kurde en Turquie. Des mesures très violentes à l’encontre de cette population ont déjà été prises; les attaques contre les communautés et leurs représentants, dont des élus du principal parti kurde au Parlement turc, sont constantes. Plus il sera fait usage de la violence, plus les tensions internes vont grandir, ce qui conduira à de nouvelles explosions de violence dans le pays.

Le Président Erdoğan a déjà annoncé que ceux qui voudraient utiliser leur liberté d’expression et leur droit de réunion pacifique en Turquie pour s’opposer à cette intervention militaire paieraient le prix fort. C’est un langage choquant de la part d’un pays membre du Conseil de l’Europe, qui peut laisser craindre une nouvelle vague de violations des droits de l’homme et de violence.

Il nous faut maintenant réagir, comme nous l’avons fait par le passé. Que peut faire le Conseil de l’Europe pour aider les citoyens sur place et pour protéger la sécurité internationale?

J’attends de mes collègues qu’ils réagissent aux quatre propositions suivantes:

Premièrement, appeler les autorités turques à mettre immédiatement un terme à leur intervention militaire en Syrie, et à respecter la Charte des Nations Unies en cherchant des moyens politiques pour régler les problèmes, y compris les besoins en matière de sécurité;

Deuxièmement, exhorter les États membres du Conseil de l’Europe à user de leur influence au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, pour rédiger le plus rapidement possible une résolution exigeant le retrait immédiat de l’armée turque du territoire syrien, et adopter cette résolution;

Troisièmement, demander au Conseil de l’Europe d’utiliser toutes les possibilités dont il dispose – Comité des Ministres, Assemblée parlementaire, Secrétaire Général, Commissaire aux droits de l’homme – pour convaincre les États membres que cette intervention militaire constitue une violation de la Charte des Nations Unies et des principes de base de notre Organisation;

Quatrièmement, enfin, appeler les autorités turques et la communauté kurde de Turquie à relancer un processus de paix, puisque celui-ci a été compromis en 2015 alors même que, aux termes de la Résolution 1925 (2013) adoptée par notre Assemblée, est «à l’évidence (…) la voie vers l’arrêt des violences et l’instauration d’un cadre pacifié pour le règlement de la question kurde».

Je me réjouis d’entendre les réactions de mes collègues parlementaires sur ces quatre propositions.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Il est clair que le terrorisme représente un danger majeur pour la paix régionale internationale et la sécurité.

Je me suis rendue en Turquie à différentes reprises: j’ai visité les régions frontières entre la Turquie et la Syrie, je suis allée dans un certain nombre de camps et je me suis entretenue avec des personnes qui ont directement souffert des actions terroristes. Je sais que ces personnes attendent une assistance du Conseil de l’Europe, et il est de notre devoir de nous saisir de cette tragédie humaine et d’agir.

Chers collègues, la Turquie est un membre fondateur du Conseil de l’Europe. Elle n’a cherché qu’à assurer la sécurité de ses citoyens et protéger les droits des civils touchés par le conflit. Dans ce contexte, il est évident que l’opération «Rameau d’olivier» lancée par la Turquie a pour but d’assurer une meilleure sécurité sur son territoire face à la menace terroriste. Cette opération a d’ailleurs été lancée en accord avec les droits internationaux de la Turquie, et, à ce titre, différentes décisions des Nations Unies visant à lutter contre le terrorisme peuvent être citées. Le droit à l’autodéfense contenu à l’article 51 de la Charte des Nations Unies justifie, en particulier, l’intervention turque.

La présence des unités de protection du peuple (YPG), en Syrie, n’a pas pour objectif de lutter contre l’État islamique, mais d’occuper des territoires et de mettre en danger l’évolution démocratique dans la région. La Turquie a été touchée par les attaques terroristes, qu’elles viennent des membres de l’YPG ou de l’État islamique. Tant de personnes innocentes sont décédées!

Mes chers collègues, nous espérons que les opérations turques permettront de ramener la paix dans le nord de la Syrie, et que les populations de la région ne seront plus menacées par les perfides attaques terroristes.

M. STROE (Roumanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Au nom de mon groupe, permettez-moi d’appeler votre attention sur le fait que les nouvelles d’un conflit armé sont toujours alarmantes, d’autant plus lorsqu’elles émanent de Syrie, où les innocents sont confrontés à une guerre tragique depuis trop longtemps.

Les nouvelles provenant de la région d’Afrin font état d’un grand nombre de victimes, combattants ou civils. Des frappes ont touché des résidences civiles, il y a donc forcément des victimes innocentes.

Ceux-là mêmes qui avaient fui face à la menace de Daech sont à nouveau en fuite. Plus de 800 000 civils se trouvent dans cette région, dont de nombreux réfugiés. Selon les déclarations de leurs porte-parole, ils craignent à présent que de nombreux groupes n’agissent en coulisses. Toutes les parties prenantes à ce conflit armé, notamment celles qui l’ont initié, ont la responsabilité de protéger les populations civiles.

Certes, tous les partenaires internationaux reconnaissent que la Turquie a le droit de se protéger des menaces terroristes. Néanmoins, le Gouvernement turc semble déployer des outils militaires pour résoudre un problème politique. Un nouvel afflux de réfugiés est-il de nature à apaiser les inquiétudes turques en matière de sécurité? Dans ce contexte, nous enjoignons l’Assemblée de formuler des solutions pacifiques. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est la sécurité des civils innocents, des deux côtés de la frontière.

Mme MIKKO (Estonie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Nous débattons aujourd’hui d’un sujet très sérieux. Les Européens que nous sommes ne doivent pas seulement parler mais aussi agir. La crise humanitaire en Syrie met en danger les civils. Nous sommes très préoccupés par l’offensive turque menée à la frontière syrienne et par ses conséquences. Selon les Nations unies, environ 5 000 personnes ont été déplacées dans le nord-ouest de la Syrie en raison du conflit opposant forces turques et combattants kurdes. Par ailleurs, 323 000 civils sont en danger. Il importe au premier chef de protéger les civils et de respecter le droit international. La Turquie doit faire preuve de retenue en matière militaire.

L’opération militaire qu’elle mène a ouvert un nouveau front dans ce conflit déjà complexe, ce qui n’était pas nécessaire. L’objectif, sur lequel la Turquie devrait se concentrer, est avant tout de lutter contre Daech et d’autres groupes terroristes. Il faut éviter toute perte civile. Les risques humanitaires doivent être évalués rapidement et il faut garantir un accès humanitaire à la région. En outre, 150 personnes ayant réagi à l’offensive militaire sur les réseaux sociaux, dont des journalistes et des militants politiques, sont emprisonnées en Turquie. En tout cas, aucune paix durable ne pourra être obtenue en Syrie hors du cadre des Nations Unies.

Interrogeons-nous également sur les conséquences potentielles de l’offensive militaire en Turquie même, notamment sur le processus de résolution du problème kurde et sur la défense des libertés, en particulier de la liberté d’expression, qui y sont restreintes depuis le mois de juillet 2016. Ces sujets nous intéressent directement.

L’an dernier, notre Assemblée a fait part de ses préoccupations relatives au non-respect par la Turquie des obligations qui lui incombent en tant que membre du Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, elle doit clairement affirmer que cette intervention militaire – quelles qu’en soient les raisons – ne peut avoir lieu qu’aux dépens des droits fondamentaux des citoyens turcs et des civils se trouvant en Syrie. Nous demandons donc à nos collègues turcs de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour parvenir à la paix par la voie diplomatique. L’Assemblée apportera son soutien à toute mesure allant en ce sens.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Il arrive qu’on entende ici des propos assez étranges, et ce débat en fournit un excellent exemple. En effet, nous pouvons tous constater que plusieurs de nos pays souffrent du terrorisme, non seulement la Turquie mais aussi les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni, la France ou l’Azerbaïdjan. Le terrorisme est un véritable cancer niché au coeur de l’Europe. Mais si un pays fait de son mieux afin d’éviter la propagation de ce fléau et de créer un environnement où prévaut le droit, on dénonce une invasion menée sous couvert d’intervention militaire!

Il ne s’agit pourtant ni d’une intervention militaire, ni d’une invasion, mais d’un ensemble d’opérations militaires visant à limiter la propagation de ce fléau qu’est le terrorisme. Il s’agit d’une lutte contre Daech et contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces deux organisations terroristes, reconnues comme telles à l’échelle internationale, constituent une véritable menace pour l’Europe et pour l’humanité tout entière. La Turquie a décidé de faire de son mieux afin de nettoyer ce territoire et de créer une situation acceptable pour la communauté internationale. Ce faisant, elle réitère à la communauté internationale le message selon lequel elle n’a aucune intention de l’occuper, contrairement à d’autres pays.

Par exemple, dans le cas de l’Azerbaïdjan, les autorités turques ont informé les États-Unis que la livraison de 4 000 camions à ces organisations terroristes pourrait créer de nombreux problèmes. La Turquie a informé la communauté internationale ainsi que les organisations internationales de la situation, mais personne n’y a prêté attention. Et à présent qu’elle procède à des opérations militaires au bénéfice de nos enfants et de nos familles, au lendemain des attentats survenus à Londres, Paris, Bakou et dans d’autres capitales, nous faisons comme s’il s’agissait d’une invasion! Non, chers collègues. La Turquie a besoin de notre soutien. Elle réagit au terrorisme de la seule façon possible. J’espère qu’elle mènera à bien les opérations engagées.

M. MARUKYAN (Arménie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Lundi, tandis que nous entamions nos travaux, les troupes terrestres turques, aidées par les rebelles de l’armée syrienne libre, sont entrées dans le nord de la Syrie dans le cadre de l’opération «Rameau d’olivier» afin d’en chasser les combattants de la milice YPG. Le Premier ministre turc, Binali Yıldırım, a annoncé son intention de créer une zone de sécurité de 30 kilomètres en Syrie.

Yasser Abdul Rahim, qui commande les rebelles, a informé l’agence Reuters qu’environ 25 000 combattants pro-turcs ont participé aux opérations. L’avancée de l’armée turque et de l’armée syrienne libre dans la province d’Afrin a des conséquences sur les populations civiles vivant dans cette province, car les forces armées turques procèdent à des bombardements. Cette zone, auparavant relativement stable et épargnée par le conflit syrien, subit à présent les graves conséquences de l’offensive turque. Le nombre de civils touchés augmente de jour en jour. Des milliers de civils fuient la province. La Syrie comptait auparavant 6,6 millions de personnes déplacées; elle en compte bien plus depuis le mois dernier et ce nombre devrait encore augmenter. Pourquoi les civils doivent-ils fuir la province d’Afrin?

Aussi, l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe s’inquiète de cette situation et de frappes dans des villes pacifiques. Nous demandons à la Turquie de mettre un terme aux opérations militaires et de ne pas alimenter l’escalade de la violence.

Mesdames, Messieurs, les États-Unis d’Amérique, la France et d’autres acteurs internationaux ont déjà exprimé leur préoccupation et demandé l’arrêt des actions militaires. La France a demandé au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies de s’emparer du problème. Mon groupe se joint à ces pays et demande à la communauté internationale d’intervenir afin de mettre un terme à l’escalade de la violence et aux violations des droits de l’homme en Syrie.

LA PRÉSIDENTE – Il est maintenant 17 heures. D’autres membres de l’Assemblée désirent-ils encore voter pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe?

Le scrutin est clos.

J’invite les quatre scrutateurs, M. Sorre, Mme Pashayeva, M. Kobza et M. Destrebecq à bien vouloir procéder immédiatement au dépouillement du scrutin.

Les résultats seront proclamés si possible avant la fin de la présente séance ou, à défaut, à l’ouverture de la prochaine séance.

Nous reprenons maintenant notre débat d’actualité.

M. KÜRKÇÜ (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais tout d’abord remercier M. Kox pour ses excellentes remarques.

Nous sommes ici pour comprendre pourquoi Afrin est devenue le théâtre d’une opération militaire baptisée ironiquement «Rameau d’olivier». D’après l’observateur des droits de l’homme, en dépit des dénis officiels, nombre de civils, dont des enfants et des personnes âgées, ont péri sous les bombardements et des milliers de personnes ont quitté leur domicile. On nous dit que cette incursion est conforme à l’article 51 de la charte des Nations Unies et à la résolution du Conseil de sécurité, alors qu’il n’y a pas eu d’agression ou de bombardement, contrairement à ce qui a été dit, depuis la région d’Afrin ni d’unités de Daech repérées. Il n’y a rien à dire non plus à propos des YPG.

Cette incursion touche des personnes qui avaient déjà subi des massacres de Daech, notamment à Kobané, ville qui est devenue un symbole non seulement pour la population locale mais pour le monde entier de la défense de la dignité humaine face à Daech.

Je voudrais rafraîchir vos mémoires. En 2016, l’Assemblée a décerné un prix à une femme yézidie qui avait été retenue en captivité en tant qu’esclave sexuelle. Bon nombre de femmes yézidies ont été libérées de cet esclavage par les YPG. Lorsque Daech a finalement été vaincu, ces femmes, qui avaient subi toutes sortes d’atrocités, ont été accusées de terrorisme alors qu’elles faisaient au contraire la couverture des grands magazines mondiaux. Aujourd’hui, Ankara s’en prend à ces femmes non en tant que terroristes mais parce qu’elles font partie d’une administration autonome: elles sont donc un mauvais exemple pour la Turquie! C’est pourtant une vertu que d’être partis ex nihilo pour devenir un exemple pour le monde!

Cette expédition contre la région d’Afrin se produit à l’approche d’élections. La seule raison de cette opération, compréhensible mais inacceptable, c’est la défense du nationalisme en Turquie et la répression de l’opposition. Nous demandons au gouvernement d’y mettre un terme. Nous demandons à l’Assemblée de réfléchir davantage à la question kurde plutôt que de fermer les yeux sur un conflit armé lointain. Défendre la paix est une priorité, notamment pour tous ceux qui sont emprisonnés pour avoir justement défendu la paix.

Mme De SUTTER (Belgique)* – Alors que nous ouvrions lundi notre partie de session, 24 personnes étaient arrêtées en Turquie, accusées de faire de la propagande kurde et une offensive militaire était lancée contre la ville d’Afrin. Au moins 260 personnes ont été tuées par les troupes turques. Les citoyens d’Afrin sont maintenant piégés.

Le Premier ministre turc affirme qu’il veut créer des zones de liberté en Syrie, mais comme M. Jagland l’a dit lundi, s’il est facile de traverser une frontière, il est difficile de s’arrêter. Après avoir traversé la frontière syrienne, où s’arrêtera la Turquie?

Le Gouvernement turc a baptisé cette opération «Rameau d’olivier». Ce n’est pas une opération pour la paix, c’est un désastre qui ne fait que dégrader la situation humanitaire et c’est totalement inacceptable. Selon des rapports locaux et internationaux, l’intervention militaire turque sur le territoire syrien a déjà fait de nombreuses victimes. Des centaines de milliers de personnes sont obligées de fuir le conflit par des températures hivernales. Des innocents qui tentaient de fuir sont morts de froid.

La situation est catastrophique au regard des droits de l’homme. L’offensive turque sur le territoire d’Afrin va exacerber la guerre civile en Syrie. On espérait que la diplomatie allait commencer à porter ses fruits. Or l’action de la Turquie ne va faire qu’aggraver les problèmes rencontrés par les civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants. La Fédération de Russie et les États-Unis jouent un sale jeu dans la région. La Turquie profite de la situation pour ses propres intérêts. Cela a conduit à cette situation dangereuse.

L’Assemblée a la responsabilité d’appeler l’attention sur les abus en matière de droits de l’homme. Les États membres doivent soutenir une solution diplomatique. Nous devons condamner les mouvements de blindés sur les territoires syriens. L’action menée par le Gouvernement turc est inexcusable. Nous sommes ici pour défendre la paix et les droits de l’homme. Nous sommes contre les incursions violentes. Dans ces conditions, nous devons nous prononcer contre cette action militaire et contre toutes les souffrances humaines en Syrie.

M. TÜRKEŞ (Turquie)* – La Turquie lutte en permanence contre des organisations terroristes qui représentent une menace pour sa sécurité nationale. Dans ce contexte, l’opération «Bouclier de l’Euphrate» a aidé à nettoyer la frontière entre la Turquie et la Syrie et a permis de libérer une zone de plus de 2 000 kilomètres carrés. La Turquie a ainsi créé une zone de sécurité qui a permis aux Syriens de revenir dans leurs foyers.

Malheureusement, la menace terroriste est toujours présente. Dans la zone d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, on trouve des organisations terroristes comme le PKK, le KCK, le PYD et les YPG qui menacent la vie et les biens de la population de la région et pour les personnes qui vivent du côté turc, de l’autre côté de la frontière.

Ces actes terroristes se sont poursuivis jusqu’à une date récente. Dans les provinces de Hatay et de Kilis, ont été dénombrées plus de 700 attaques. Les membres de Daech venus d’autres parties de la Syrie pour gagner cette zone représentent également un risque d’attaques contre la Turquie et, au-delà, contre l’Europe. La présence de ces organisations terroristes dans la région d’Afrin constitue donc une menace considérable pour l’intégrité territoriale de la Turquie et de la Syrie.

C’est dans ce contexte que les forces armées turques ont lancé l’opération «Rameau d’olivier». La Turquie a pris les mesures nécessaires pour la notifier à l’avance, conformément au droit international, aux parties concernées. L’Organisation des Nations Unies a été informée tout comme le consul général de Syrie à Istanbul et les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les ambassadeurs des pays voisins de la Syrie ont également été invités au ministère des Affaires étrangères turc pour être informés de cette opération.

Il ne faut pas oublier que les organisations terroristes ont causé le déplacement de 3,5 millions de personnes contraintes de quitter leurs foyers et que la plupart d’entre elles se sont établies en Turquie où elles ont trouvé refuge.

Permettez-moi enfin d’ajouter que cette opération ne vise aucunement l’État souverain de Syrie. Son seul objectif, ce sont les organisations terroristes et elle reste d’une portée limitée. Il ne s’agit en rien d’une opération d’occupation et dès que la mission sera terminée, les forces turques quitteront ce territoire.

M. KILIÇ (Turquie)* – Le conflit armé se poursuit, et ce depuis sept ans, avec des effets qui vont bien au-delà des frontières de la Syrie. Les organisations terroristes ont trouvé un terrain fertile dans cette région et constituent une véritable menace pour la sécurité régionale et internationale.

La sécurité nationale turque est menacée par ces organisations terroristes, parmi lesquelles Daech, le PYD, les YPG. Afin de faire face à cette menace terroriste, les forces armées turques ont lancé l’opération «Rameau d’olivier» à Afrin le 20 janvier 2018 à 17 heures. Elles veulent neutraliser les éléments terroristes qui appartiennent au PKK, au PYD, aux YPG et à Daech, dans la région d’Afrin dans la partie nord-ouest de la Syrie afin d’assurer la sécurité et la stabilité à nos frontières et d’épargner à la population de la région l’oppression et les persécutions.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies et d’autres organisations disent que les YPG et le PYD ont commis des atrocités contre la population turque de ces régions. La Turquie n’a pas de problème avec ses frères et sœurs kurdes; la Turquie a un problème avec le PKK, le PYD et les YPG.

L’opération «Rameau d’olivier» est lancée en accord avec le droit international. Alors que des enfants soldats, des civils se voient dotés d’armes et contraints de lutter, ce sont 3,5 millions de personnes qui ont été obligées de quitter la Syrie et différentes parties de la région pour se rendre en Turquie, laquelle fait ce qu’elle doit en termes d’aide humanitaire. Aucun État membre de cette Organisation n’accueille autant de réfugiés que notre pays. Le problème n’est donc pas en l’occurrence de savoir s’il s’agit d’une crise humanitaire ou pas: là, on parle de terrorisme! Et à ce terrorisme, il faut faire face! Il ne peut en être autrement. Pour ce faire, nous demandons à nos alliés d’être à nos côtés.

Nous prenons toutes les précautions nécessaires pour ne pas blesser de civils, car notre objectif n’est absolument pas celui-là. Il est de lutter contre les groupes terroristes, en particulier Daech, le PKK et les YPG, et de mettre un terme à leurs agissements.

Je pense que certaines des remarques qui ont été formulées dans cet hémicycle aident les groupes terroristes plutôt que la population civile et les États. Il faut que l’on soit du côté de la liberté et de la démocratie. Nous devons lutter contre le terrorisme en étant unis.

M. CROWE (Irlande)* – L’invasion de la Syrie par la Turquie constitue une violation du droit international. Le discours turc précise qu’il s’agit de sécurité, mais il n’y a jamais eu d’attaques provenant de cette région. Cette offensive, qui va contribuer à déstabiliser la région, doit être condamnée par cette Assemblée parce qu’elle est négative à bon nombre de points de vue.

Nous sommes tout à fait conscients des violations des droits de l’homme commises par l’armée turque sous le commandement du président Erdoğan. Au mois de mars 2017, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a publié un rapport très dur concernant ces violations des droits de l’homme et du droit international. Plus d’un demi-million de personnes ont été déplacées. Des villes ont été détruites, 100 000 personnes ont perdu leur emploi, des dizaines de milliers de personnes jetées en prison, torturés, y compris des parlementaires, des élus locaux. Le Parti démocratique des peuples (HDP), le troisième parti du Parlement turc, a fait l’objet d’attaques de la part du gouvernement, essentiellement en raison de son succès électoral.

Je crains que cette tactique à l’encontre des civils et de l’opposition légitime ne soit répliquée dans la région d’Afrin: il y aura mainmise sur des terres importantes et nous assisterons à une colonisation comme cela a pu se produire à Chypre. Les YPG ont réussi à combattre Daech à Afrin, le boutant hors de son fief dans le nord de la Syrie et créant une région sûre et inclusive pour bon nombre de minorités.

Malheureusement, cette invasion va entraver la lutte contre Daech, mais cela ne devrait pas être une surprise compte tenu des questions qui se posent par rapport au soutien larvé accordé par la Turquie à des groupes djihadistes en Syrie. Lors de la bataille de Kobané, des agressions ont frappé durement la ville assiégée et les soldats turcs sont restés les bras croisés – mais cette ville a été libérée de l’oppression de Daech.

Dans leur propre pays, les politiques antidémocratiques du Gouvernement turc sont injustes, inacceptables et ont été condamnées par notre Assemblée. Cette invasion illégale de la région d’Afrin doit être condamnée par les démocrates. Nous souhaitons un règlement pacifique à long terme pour la Syrie et son peuple.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Depuis le début du conflit syrien, la Turquie en a ressenti l’impact. Cela a créé un environnement favorable pour les groupes terroristes et représenté une menace pour la sécurité du pays. La situation humanitaire qui se dégrade a eu un impact sur la Turquie puisqu’elle accueille plus de 3,5 millions de Syriens qui ont fui les zones en conflit. Les enjeux sont donc importants pour la Turquie. C’est la raison pour laquelle celle-ci a lancé l’opération «Bouclier de l’Euphrate» sur une zone de 2 000 kilomètres carrés, qui a été nettoyée de tout groupe terroriste et qui est désormais exempte de terrorisme.

L’objectif de l’opération «Rameau d’olivier» est de neutraliser les terroristes dans la région, de garantir la sécurité des frontières turques, de protéger les civils des attaques terroristes et de lutter contre le PYD, les YPG et Daech.

Plusieurs textes internationaux permettent à la Turquie d’agir comme elle le fait, notamment la résolution sur la lutte contre le terrorisme adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui établit un droit à la légitime défense. La Turquie est là pour garantir l’intégrité territoriale de la Syrie.

Je viens d’un pays, Mesdames et Messieurs, qui a beaucoup souffert du terrorisme.

Mon pays a souffert du terrorisme des Arméniens pendant des années et il a déploré de nombreuses victimes. Les Arméniens ont mené une politique de génocide. Nous condamnons le terrorisme sous toutes ses formes et appuyons les efforts de la communauté internationale pour y mettre fin.

Il est important de s’attaquer aux causes profondes du terrorisme pour parvenir à la paix et à la sécurité dans la région. Nous, parlementaires du Conseil de l’Europe, devrions aider la Turquie dans sa lutte contre le terrorisme. Une fois l’opération «Rameau d’olivier» terminée, les réfugiés syriens pourront vivre en sécurité, la région sera purgée du terrorisme et les gens pourront rester chez eux. Si l’Europe protège ses propres valeurs, elle doit appuyer l’opération «Rameau d’olivier».

M. MİROĞLU (Turquie)* – On peut penser que le film Pentagon papers qui vient de sortir relate une histoire ancienne mais en réalité il nous parle de la situation d’aujourd’hui. Aujourd’hui comme hier, les médias manipulent l’opinion. Il est difficile de se faire une idée de la situation réelle. L’intervention en Irak et d’autres interventions au Moyen-Orient, par exemple, ont permis aux États-Unis de lancer des guerres par procuration dans la région. Lorsque la question kurde est évoquée dans cette enceinte, mes collègues parlementaires s’expriment ainsi souvent sur la base d’informations erronées.

Le Conseil de l’Europe doit comprendre que si l’Irak et la Syrie ne connaissent pas la paix, l’Europe ne la connaîtra pas davantage. Allez-vous armer des terroristes? Souhaitez-vous voir des organisations terroristes lever des armées? Lorsqu’on interroge les États-Unis sur leur politique, ils déclarent armer l’opposition contre l’Iran. Quelle est la légitimité de cette action? Tout cela ne se retournera-t-il pas un jour contre la Turquie?

Les YPG sont contrôlées par le PKK. Ces forces visent toutes la Turquie et continuent à l’attaquer. Alors que notre pays appartient à l’Otan, qu’il ambitionne de devenir membre de l’Union européenne, qu’il est un membre fondateur du Conseil de l’Europe, il est pourtant seul dans son combat contre le terrorisme.

Les turkmènes, les yézidis sont utilisés par les YPG comme boucliers humains. Il y a deux ans, ces forces ont occupé des villes du sud de la Turquie y causant des dommages. Aujourd’hui la même chose se reproduit à Afrin.

S’il avait été proposé, il y a quelques années, de créer une armée de l’IRA ou de l’ETA en pleine Europe, comment auriez-vous réagi? La Turquie ne mène pas cette opération contre la population, elle se bat contre une organisation terroriste afin de ramener la paix dans la région.

M. HUNKO (Allemagne)* – Je m’adresse au Gouvernement turc et à mes collègues qui ont évoqué l’intervention turque en Syrie. Vous n’avez pas le droit d’ignorer le droit international pour créer vos propres règles. La prohibition des violences ne peut être levée que dans des circonstances très spécifiques, par exemple, en cas de menace imminente ou sur autorisation du Conseil de sécurité de l’Onu.

En l’espèce, il n’y a rien eu de tel. Vous entendez créer votre propre droit lorsque vous prétendez lutter contre le terrorisme. Les YPG, agressées à Afrin, ne sont pas considérées comme un mouvement terroriste. Elles rassemblent ceux qui ont lutté contre l’État islamique et ont compté de nombreuses victimes en leurs rangs. Vous n’avez pas le droit d’utiliser les victimes pour justifier vos actions.

Je remercie mon collègue Kox d’avoir introduit ce débat. Il a fait une présentation équilibrée de ce conflit armé.

L’intervention turque en Syrie constitue une violation flagrante du droit international. Nous devons la condamner et demander au Gouvernement turc de retirer ses troupes immédiatement. Nous demandons aux États membres qui nous représentent au sein du Conseil de sécurité de défendre ces objectifs. Nous appelons les autres institutions du Conseil de l’Europe à agir dans le même sens.

Certains termes utilisés ici m’ont surpris. N’a-t-on pas parlé de «nettoyer» des territoires du terrorisme?

Nous n’avons pas d’autre solution que de revenir au processus de paix adopté en 2015. Cela doit être une décision ferme de cette Assemblée, conformément aux résolutions déjà prises. Il faut que la Turquie retire son armée de cette région.

M. ÖZSOY (Turquie)* – J’ai écouté avec attention les défenseurs de l’opération «Rameau d’olivier». Ils développent un seul argument: la Turquie lutterait contre le terrorisme. C’est un peu court!

Au cours des deux dernières années, des dizaines de milliers de personnes ont été jetées en prison dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – parlementaires, maires kurdes, journalistes, défenseurs des droits de l’homme. Toute personne qui critique le Gouvernement turc est considérée comme terroriste. Quand cette Assemblée a réintroduit la Turquie dans le processus de suivi, des représentants du gouvernement ont dit que l’Assemblée supportait le terrorisme!

En qualité de membre du HDP, parti d’opposition, je peux vous le dire: il n’y a pas de lutte contre le terrorisme en Turquie, il n’y a pas de lutte contre le terrorisme en Syrie. Sous ce fallacieux prétexte, le Gouvernement turc lutte en réalité contre le peuple kurde qui désire être autonome.

C’est ainsi que l’on arrive à de tels massacres au Proche-Orient. Le Président Erdoğan lui-même a déclaré à plusieurs reprises que la Turquie ferait tout son possible pour éviter la formation d’une zone équivalente à celle du nord de l’Irak. Cela signifie qu’il ne sera pas permis aux Kurdes de créer un territoire autonome en Syrie. Tel est le fond du problème, ce n’est pas la lutte contre le terrorisme. S’il s’agissait réellement de lutter contre le terrorisme, pourquoi alors la Turquie aurait-elle envoyé plus de 70 000 personnes en prison en un an? La question concerne strictement le Gouvernement turc, et non la population.

Je vous demande, mes chers collègues, de tenir compte de tout cela. Ne croyez pas que la Turquie lutte contre le terrorisme. Elle utilise ce prétexte pour mettre hors d’état de nuire les opposants au Gouvernement turc. Le Président Erdoğan a lancé sa campagne pour l’élection présidentielle en envahissant Afrin. C’est le fond de l’affaire.

Mme DURANTON (France) – La Syrie est ravagée par la guerre civile depuis 2011. De grandes puissances sont intervenues dans ce conflit, soutenant les uns ou les autres, suivant leurs intérêts. La Turquie, quant à elle, est intervenue à plusieurs reprises en Syrie. Entre août 2016 et mars 2017, elle a mené une opération militaire dans le nord de la Syrie. L’opération «Bouclier de l’Euphrate» avait pour objectif de lutter contre l’État islamique, mais aussi d’empêcher la constitution d’une région autonome kurde à la frontière turque. Les combattants de l’État islamique ont rapidement été défaits et les forces kurdes ont été contraintes de se retirer à l’est de l’Euphrate. Si les autorités occidentales ont salué cette intervention, le ministère des Affaires étrangères syrien l’a qualifiée de «violation flagrante de la souveraineté syrienne».

L’armée turque est de nouveau entrée dans le nord-ouest de la Syrie dans la nuit du 12 au 13 octobre 2017. Ce déploiement effectué en accord avec les autorités russes visait à protéger de Bachar el-Assad les forces d’opposition syriennes.

Le week-end dernier, la Turquie a lancé une vaste offensive contre les Kurdes du YPG, branche armée du parti des Kurdes de Syrie, installé à la frontière turque, dans la région d’Afrin, au nord de la Syrie. L’armée turque a massivement bombardé les positions du YPG, qu’elle considère comme l’allié du mouvement PKK, auteur d’attentats terroristes sur son territoire. Toutefois, le Président Erdoğan affirme intervenir pour renforcer les positions de l’opposition syrienne.

Dans un tel contexte, on ne peut être qu’inquiet pour les Kurdes qui ont courageusement lutté contre l’État islamique. On sait de quoi sont capables les forces militaires turques, accusées d’avoir commis de nombreuses exactions contre les populations civiles kurdes du sud-est de la Turquie. Déjà de nombreux civils seraient morts ou blessés depuis le début de cette opération, «Rameau d’olivier». La région d’Afrin abrite plus d’un million de personnes, dont certaines ont été déplacées en raison du conflit qui ravage la Syrie.

J’appelle donc le Gouvernement turc à faire preuve de la plus grande retenue et à éviter les bombardements aveugles. Certes, la Turquie est entourée de zones de conflit et elle est victime du terrorisme. Il est donc normal que le Gouvernement turc cherche à protéger son territoire. Mais cela ne peut pas se faire au mépris du droit international. Par ailleurs, en tant que membre du Conseil de l’Europe, la Turquie doit respecter la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, l’opération «Rameau d’olivier» a pour but de créer une zone sunnite sous protection turque en Syrie, ce que la Syrie et son allié iranien n’accepteront pas ; d’où le risque d’accentuer le conflit. Cette solution n’est donc pas de nature à assurer la paix en Turquie. Au contraire, elle pourrait affaiblir les négociations en cours.

Mes chers collègues, je voudrais vous dire que je suis moi-même considérée comme une terroriste en Turquie puisque j’ai observé le référendum en mission d’observation. Le Président Erdoğan, jugeant le rapport de l’Assemblée trop critique à l’égard de son pays, a accusé la délégation de terrorisme.

M. ÖNAL (Turquie)* – Conformément à la législation internationale, la Turquie doit pouvoir jouir de ses droits à l’intérieur de ses frontières. À l’échelle internationale, elle lutte contre Daech et contre le PKK, des organisations terroristes, reconnues comme telles. Je constate que cela gêne certains parlementaires au sein de notre Assemblée. Un jeune professeur de musique de 23 ans est récemment devenu un martyr au nom du terrorisme, mais ils s’en soucient peu.

Nous allons continuer à lutter contre les organisations terroristes. Depuis 1984, le conflit avec le PKK, et plus récemment avec le PYD, le parti kurde syrien, a fait près de 40 000 victimes. Notre budget pour les infrastructures et l’éducation a été absorbé par la lutte contre le PKK. La liberté de conscience et la liberté d’expression, et beaucoup d’autres droits des citoyens, ont pâti de cette situation. Quand le PKK prend les armes, vous n’y trouvez rien à redire, mais lorsque c’est la Turquie qui lutte contre le terrorisme, là vous n’êtes pas d’accord.

Jusqu’à aujourd’hui, la lutte contre Daech n’a pas été suffisamment efficace. La Turquie, elle, a gagné des batailles contre Daech. De nombreux combattants de Daech sont des citoyens européens. Si la Turquie n’avait pas lutté contre Daech, on aurait vu de nombreux autres attentats terroristes en Europe. Ceux qui ne sont pas en mesure de lutter efficacement contre Daech nous montrent du doigt parce que nous luttons contre le PKK. Ils sanctifient des organisations terroristes et sont de ce fait en totale incohérence avec leurs valeurs, celles de Robert Schuman et Konrad Adenauer. Ces derniers se retourneraient dans leurs tombes s’ils voyaient que les Européens soutiennent le terrorisme.

Mme TOPCU (Turquie)* – La Turquie, comme l’Iran et la Fédération de Russie, ont pris une initiative en Syrie pour permettre une paix durable dans le cadre du Processus d’Astana. Les zones de désescalade ont fait l’objet d’un accord par consensus tripartite et les forces turques sont actuellement dans la province d’Idlib, limitrophe de la région d’Afrin.

Mesdames et Messieurs, le régime de Bachar el-Assad a lancé une offensive de grande ampleur contre l’opposition dans la province du nord d’Idlib, en violation de l’accord de cessez-le-feu. À la suite de cette offensive des dizaines de milliers de personnes ont fui la province. Le groupe terroriste YPG, affilié au PKK, n’a pas hésité à utiliser ces civils se trouvant dans une situation désespérée comme bouclier humain.

En outre, selon un rapport annuel du Département d’État des États-Unis, l’organisation terroriste YPG a recruté et utilisé des enfants âgés d’à peine 11 ans comme militants.

Comme par le passé, la Turquie a multiplié ses efforts pour faire face aux besoins immédiats de cette dernière vague de personnes réfugiées qui ont dû fuir la province d’Idlib tenue par l’opposition, conformément à son approche humanitaire concernant la crise en Syrie.

Outre ses activités humanitaires, la Turquie mène également des politiques actives pour faire en sorte que les groupes terroristes ne jouent pas le moindre rôle dans le devenir de la Syrie au lendemain de la guerre. Dans ce contexte, l’opération «Rameau d’olivier» a pour seul objectif d’éliminer les terroristes de leurs zones d’intervention. Cette opération ne prend pas pour cible la population civile kurde. Elle ne vise que les groupes terroristes, le PKK, YPG et Daech.

J’espère fermement que la communauté internationale soutiendra les efforts de la Turquie en vue d’éradiquer le terrorisme.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

Je vous rappelle qu’à l’issue du débat d’actualité, l’Assemblée n’est pas appelée à voter.

Ce débat aura néanmoins permis un échange de vues intéressant entre les membres de l’Assemblée. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit renvoyée à la commission compétente pour rapport.

Je vous remercie pour vos interventions.

4. Élection du Commissaire aux droits de l’homme
(Résultats du scrutin)

LA PRÉSIDENTE – Voici les résultats du scrutin pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe:

Nombre de votants: 231

Bulletins nuls ou blancs: 2

Suffrages exprimés: 229

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. Goran Klemenčič: 19

M. Pierre-Yves Le Borgn: 103

Mme Dunja Mijatovič: 107

Mme Mijatovič, ayant obtenu une majorité relative des suffrages exprimés, est élue Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Son mandat de six ans commencera le 1er avril 2018.

5. Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Kox et de Sir Roger Gale, au nom de la commission de suivi, sur «Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine» (Doc. 14465).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 55. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Sir Roger Gale regrette de ne pas pouvoir être présent.

Monsieur Kox, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. KOX (Pays-Bas), corapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord présenter tous mes souhaits de prompt rétablissement à Sir Roger Gale. J’espère qu’il sera bientôt de retour parmi nous. Je voudrais également adresser tous mes remerciements à Caroline Ravaud, qui a collaboré à de nombreux rapports et qui est l’experte de la Bosnie-Herzégovine de la commission de suivi. Malheureusement, il est temps pour elle de nous quitter. Je serais tenté de proposer que nous votions pour ne pas la laisser partir car elle va beaucoup nous manquer. Mais elle m’a déjà dit que cela ne changerait rien !

Merci à vous Caroline pour tout le travail que vous avez réalisé pour cette Organisation.

Des membres de la délégation de Bosnie-Herzégovine sont dans l’hémicycle: sachez que vous nous avez manqué. Nous attendions votre avis sur les rapports et les résolutions vous concernant. Votre délégation est la première à ne pas réagir aux travaux menés par l’Assemblée parlementaire sur un pays. Nous pourrions en conclure que nos rapports sont excellents – ce qui est vrai! Non, le problème est complexe car une fois de plus, il n’a pas été possible d’obtenir une position commune sur nos propositions.

Un des problèmes principaux de la Bosnie-Herzégovine est le dysfonctionnement de ses institutions démocratiques. Il est urgent de développer le pays afin de maintenir sa stabilité, car celle-ci est sérieusement menacée. De plus en plus de citoyens en ont assez de l’impotence des institutions démocratiques du pays; elles ne fonctionnent pas!

D’aucuns parlent même d’un État qui a échoué. Nous ne souhaitons pas que cela soit le cas, car les conséquences seraient catastrophiques. N’oublions pas les conflits qui se sont déroulés dans les territoires de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie entre 1991 et 2001. Ils ont été les plus violents depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La communauté internationale a dû intervenir pour mettre un terme à cette guerre civile.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – qui a fermé le mois dernier – a été institué en 1993 pour mener des enquêtes sur toutes les affaires liées à cette guerre. Toutes les questions n’ont pas trouvé de réponses, notamment la question des personnes disparues qui restent les otages de l’Histoire.

L’État de droit doit être protégé. La Bosnie-Herzégovine est un pays membre du Conseil de l’Europe et une délégation a été envoyée auprès de cette Assemblée. La bonne nouvelle, c’est que quelques engagements ont été respectés et des conventions ont été signées. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il reste trop d’engagements qui ne sont pas respectés. Nous en citons un certain nombre dans notre rapport: la réforme constitutionnelle qui permettrait de mettre en place des institutions démocratiques qui fonctionnent; l’adoption d’un code des droits de l’homme, sanctionnant les règles discriminatoires; la possibilité d’intervenir au sein du parlement.

Il est nécessaire de donner aux citoyens de Mostar la possibilité de choisir leurs représentants au conseil municipal. Nous proposons que l’Assemblée dise clairement qu’il est urgent de mettre en œuvre les décisions de la Cour constitutionnelle de 2016 sur la composition de la Fédération et de la Chambre, et cela avant les prochaines élections de cette année. Sinon, il existe un risque que le gouvernement fédéral, étatique ne puisse plus agir, et que les droits démocratiques de Bosnie-Herzégovine ne soient pas respectés. La liste d’engagements non respectés est longue. J’invite nos collègues de Bosnie-Herzégovine à expliquer à tous qu’il faut comprendre que l’adhésion au Conseil de l’Europe ne va pas de soi. Pour appartenir à cette Organisation, qui dispose d’un grand nombre de conventions, ce pays doit respecter les engagements pris. Sinon, un grave problème se posera. J’invite nos collègues de Bosnie-Herzégovine, cette semaine, à venir me parler, en tant que corapporteur. Peut-être pourrons-nous nous revoir à Sarajevo et à Banja Luka.

Le moment est venu, pour vous, de prendre vos responsabilités, de mettre en place un certain travail, de faire preuve de créativité afin que la Bosnie-Herzégovine devienne un membre du Conseil de l’Europe qui fonctionne correctement au niveau démocratique. Je sais combien cela est difficile, et tous nous savons l’histoire du pays. Mais vous, vous vous êtes présentés aux élections, vous êtes des parlementaires, vous avez demandé à vos électeurs de vous élire, et cela afin de les servir. Ne dites pas qu’il n’est pas possible de faire en sorte que l’État fonctionne en Bosnie-Herzégovine. Ce n’est pas un argument dont vous pouvez vous prévaloir, vous êtes des hommes et des femmes politiques, vous avez demandé le soutien de vos citoyens, et c’est à vous d’agir, bien que cela soit particulièrement difficile.

J’espère sincèrement, Madame la Présidente, qu’en adoptant cette résolution, nous serons assez clairs pour dire que la Bosnie-Herzégovine œuvre au profit de ses citoyens, au profit de la stabilité dans le pays et de la région dans son ensemble. L’urgence est grande. Il faut agir dans ce merveilleux pays, qui est confronté à de nombreux problèmes. Je m’adresse au président de la délégation : ne nous dites pas que ce n’est pas possible. C’est à vous d’agir, c’est à vous de protéger vos citoyens; ils le méritent.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, il vous restera 4 minutes 30 pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Nous commençons la discussion générale par les porte-paroles des groupes.

M. Vareikis, porte-parole du Groupe du Parti populaire européen, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je voudrais revenir tout d’abord, Monsieur Kox, sur ce que vous avez dit à propos de Mme Ravaud.

Madame Ravaud, vous êtes notre experte pour la Bosnie-Herzégovine et pour beaucoup d’autres pays. Je tiens à vous remercier, au nom de notre groupe, pour l’ensemble du travail que vous avez effectué. Et je sais que même si nous votions à l’unanimité pour que vous restiez, vous ne respecteriez pas le résultat du vote…

Mais revenons au sujet du débat. La Bosnie-Herzégovine me tient particulièrement à cœur. L’agonie de ce pays est terrible. Elle piège ce pays et prive sa jeunesse de toute perspective d’avenir. L’an dernier, dans un livre que j’ai publié, j’ai donné la parole à beaucoup de jeunes gens qui vivent en Bosnie. Dans cette agonie, la seule perspective est de quitter le pays. Ils ne voient aucun avenir dans ce pays où rien ne bouge. Le premier à avoir bougé a perdu. Cette situation est inacceptable. La jeunesse est privée de toute possibilité de forger son pays pour l’avenir. Les Accords de Dayton existent, et les différentes parties devraient faire preuve d’un leadership commun. Cet État n’a pas de citoyens, mais trois groupes ethniques, et il ignore tous les autres pays. Personne ne pense à mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne.

Ce qui est terrible, c’est quand les jeunes ont un parent serbe et un parent bosniaque. Ils doivent rejeter un parent pour montrer qu’ils appartiennent à une ethnie. Ils ne le veulent pas! Beaucoup sont satisfaits d’être simplement citoyens de Bosnie-Herzégovine, les appartenances ethniques ne les intéressent pas.

Je le dis en tant qu’ancien président de la commission de suivi, cette situation est inacceptable. Il est inacceptable que nos collègues de Bosnie-Herzégovine ne réagissent pas et ne prennent pas position à la suite de ce rapport. Voilà qui est incroyable! Un rapport qui parle de la situation dans votre pays! Seul le club de football vous importe? Là, vous trouvez le moyen de nommer un responsable, sinon vous ne pourrez pas participer à la Coupe du monde! Pourquoi cela ne fonctionne pas de la même manière dans d’autres secteurs?

Le rapport de Tiny Kox permet de comprendre la situation en République serbe de Bosnie, ou Republika Srpska. Cette situation est inacceptable! Le Conseil de l’Europe ne peut l’accepter, vous devez agir en commun, en respectant les engagements pris. La ville de Mostar doit pouvoir fonctionner, comme toute municipalité, et ne doit pas rester sous curatelle. C’est une honte pour la ville de Mostar et pour ses responsables politiques! J’ai parlé sans ambages, car la Bosnie-Herzégovine est un pays que j’aime énormément.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Permettez-moi trois considérations. Tout d’abord, des mesures électorales sont nécessaires, un ajustement doit avoir lieu avant les prochaines élections d’octobre. Il en va de même pour les mesures économiques et les réformes défendues par l’initiative britannique de 2014. Enfin, il faut coopérer et faire preuve de tolérance, et trouver une issue à la rhétorique négative actuelle. Les deux rapporteurs doivent recevoir nos félicitations pour ce travail équilibré.

La Bosnie-Herzégovine doit aussi être félicitée pour les progrès déjà effectués, y compris pour la ratification en 2002 de la Convention du Conseil de l’Europe, pour son travail en faveur des réfugiés, avec l’adoption, en 2015, d’un programme fort ambitieux, et pour sa demande d’adhésion à l’Union européenne en février 2016. Cependant, il n’y a toujours pas eu de réforme électorale, comme l’a souligné la Cour constitutionnelle. Cette réforme est absolument nécessaire pour la ville de Mostar et pour la composition de la Chambre. La recommandation britannique de 2014, si elle avait été suivie, aurait permis d’atteindre un certain nombre d’objectifs: renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, tout en luttant contre la corruption, la criminalité organisée et le terrorisme.

Cela aurait également permis de réinstaurer la confiance dans l’État et dans l’économie. Entre 2014 et 2016, les choses ne se sont pas très bien passées; au cours des deux dernières années, le processus a été légèrement affaibli. C’est pourquoi il faut garder le cap.

Évitons la rhétorique politique et encourageons une attitude d’acceptation et de compréhension: en Bosnie-Herzégovine, il faut avant tout éviter les frictions entre les populations, et s’assurer que les institutions de l’État ne sont pas compromises. Le respect des obligations et engagements permettrait de souligner tous les efforts, notamment ceux qui doivent être faits pour aider le processus d’adhésion à l’Union européenne à se concrétiser.

Tant dans cette région que dans l’Europe entière, il faut que les choses soient claires pour renforcer et améliorer la situation.

M. O’Reilly, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Mendes au fauteuil présidentiel.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Tout d’abord, je souhaite remercier Sir Roger Gale et M. Tiny Kox: leur rapport met en avant les points les plus importants et rappelle les réformes politiques décisives indispensables pour devenir un État de droit.

Je partage l’opinion de M. Schennach: je ne suis pas un expert de la Bosnie, mais pour m’être rendu sur place, je pense que cette «ethnisation» forcée est un problème que nous devons surmonter. J’ai discuté avec des jeunes Bosniens, et ils ont longuement évoqué ce sujet. Ils m’ont dit que tout cela était une question de participation politique: il existe une division fondée sur les lignes ethniques.

Dans le cadre de mes différentes fonctions, dans mon pays et à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’ai, au cours des dernières années, rendu visite à de nombreux pays des Balkans occidentaux: Serbie, ex-République yougoslave de Macédoine, Monténégro… Et je voudrais formuler une réflexion: je crois que nous réalisons un très bon travail. Nous rédigeons de bons rapports, et celui-ci est excellent: il demande des réformes politiques claires, plus de démocratie, plus de respect de la primauté du droit, alors même que dans tous ces pays, nous constatons des problèmes sociaux et économiques qui détruisent les fondements mêmes d’un avenir. Sans avenir social, sans avenir économique, la jeunesse part chercher ailleurs – M. Schennach a d’ailleurs décrit cet exode des jeunes. Des réformes sont indispensables, elles doivent avoir lieu.

Nous ne pourrons pas résoudre ce problème dans le cadre du mandat qui nous est donné, mais je voulais néanmoins souligner son existence. Un certain nombre d’obligations incombent aux pays qui demandent à adhérer à l’Union européenne, mais toutes ne sont pas toujours dans l’intérêt des pays demandeurs, où il n’y a ni investissements, ni programmes de reconstruction. Cela est vrai pour les Balkans, mais également pour la Grèce. Il faudrait un véritable plan Marshall.

Tous ces problèmes, que je ne peux qu’évoquer, risquent de renforcer les obstacles auxquels notre travail est confronté. Ce n’est ni un prétexte, ni une excuse pour ces pays: leurs obligations doivent être mises en œuvre – je suis entièrement d’accord avec Tiny Kox sur ce sujet –, mais il faut tenir compte de ces problèmes fondamentaux.

M. LINK (Allemagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, je souhaite saluer le travail effectué par les rapporteurs, qui nous présentent un rapport très complet. S’il illustre les progrès accomplis dans certains domaines, il souligne cependant, dans sa plus grande partie, que les dirigeants de Bosnie-Herzégovine ont bien du mal à trouver une vision commune pour l’avenir de leur pays. Jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus.

Lorsque nous avons débattu du dernier rapport sur ce sujet, en 2013, il y avait encore de l’espoir, notamment que les dissensions politiques internes soient surmontées, que l’arrêt Sejdić et Finci soit pleinement exécuté. À l’époque, les dirigeants de Bosnie-Herzégovine s’étaient réunis à Bruxelles pour établir un plan d’exécution de l’arrêt selon des modalités qui respecteraient les attentes légitimes de leurs peuples constitutifs et les normes internationales applicables à la tenue d’élections démocratiques.

Ayant suivi de très près les élections générales qui se sont tenues en 2014, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le BIDDH – dont j’étais à l’époque le directeur – et mon groupe, sont tous troublés de constater que rien n’est sorti de cette initiative. Non seulement aucun progrès n’a été fait sur la pleine exécution de l’arrêt Sejdić et Finci, mais le cadre juridique de la Bosnie-Herzégovine compte désormais des restrictions supplémentaires – par exemple, un droit de vote actif ou passif fondé sur l’origine ethnique et la résidence – qui ne sont pas conformes au droit international et aux modalités d’élections libres et démocratiques, et doivent donc être supprimées du cadre législatif. Ces restrictions violent les droits fondamentaux des citoyens et sont de véritables obstacles à l’émergence d’une société libre et démocratique; elles constituent également une grave entrave à la trajectoire européenne que doit emprunter la Bosnie-Herzégovine.

Si les choses continuent ainsi, l’adhésion de ce pays à l’Union européenne pourrait demeurer à jamais une illusion. Au sein de cette Assemblée, nous prenons bonne note et nous saluons l’énergie fournie par certaines femmes et certains hommes politiques, tant au niveau national qu’au niveau international, pour trouver des solutions à ces questions fondamentales. Cependant, nous ne pouvons que constater que, jusqu’à présent, ces initiatives n’ont abouti à aucun grand succès. Bien au contraire, les droits individuels en Bosnie-Herzégovine restent la victime des dissensions entre peuples constitutifs. Il est donc essentiel de poursuivre la procédure de suivi et de continuer d’exercer une pression politique et juridique.

Au nom de l’ADLE, je remercie à nouveau Sir Roger Gale et M. Tiny Kox pour leur rapport extrêmement nourri.

M. FOURNIER (France) – Je remercie nos collègues, Sir Roger Gale et M. Tiny Kox, pour la qualité de leur rapport exhaustif, qui nous permet de connaître parfaitement la situation en Bosnie-Herzégovine.

Ce pays est membre du Conseil de l’Europe depuis 2002 et a présidé son Comité des Ministres au second semestre 2015. Il est donc très bien intégré à notre Organisation et, pourtant, à la lecture du rapport, on comprend que le chantier reste immense avant qu’il n’en partage les standards. C’est pourquoi je souscris à la proposition de nos corapporteurs de poursuivre la procédure de suivi.

La Bosnie-Herzégovine est indéniablement confrontée à de lourds handicaps structurels: une guerre qui a fait plus de 100 000 victimes et plus de 2,2 millions de personnes déplacées, un pays en ruines, une économie archaïque, un système institutionnel redoutablement complexe et inefficace qui accentue la faiblesse de l’État… Le plus grave reste toutefois la prégnance dans la vie publique et sociale des diverses appartenances ethniques, avec les multiples discriminations que cela induit. La Bosnie-Herzégovine est un pays profondément divisé, où les haines restent tenaces.

Certes, quelques progrès ont pu être enregistrés, et il faut s’en féliciter. Ces progrès concernant en particulier la lutte contre la corruption et le crime organisé, de telle sorte que le pays devrait prochainement sortir de la liste grise du blanchiment. De même, les négociations devraient reprendre avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Néanmoins, aucune tendance positive n’est perceptible à long terme. Chaque progrès peut rapidement se voir remis en cause. L’élan des réformes s’est brisé sur la perspective des élections prévues pour l’automne prochain. Les autorités bosniennes ne parviennent pas à s’entendre sur la réforme de la loi électorale et refusent de plus en plus souvent d’exécuter les décisions de justice, non seulement celles de la Cour de Strasbourg mais aussi celles de la Cour constitutionnelle nationale. Par ailleurs, la justice demeure excessivement politisée et les citoyens ne lui font pas confiance – on les comprend!

Certes, les dirigeants bosniens sont d’accord sur un point: l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, en vue de laquelle ils ont déposé une candidature au mois de février 2016. Toutefois, le rapprochement européen demeure lointain, comme l’a récemment rappelé le commissaire Hahn, critiquant vivement l’absence de résultats concrets et menaçant même de fermer la fenêtre d’opportunité. L’Union européenne exige notamment une meilleure protection de la liberté de la presse, la garantie des droits des personnes LGBTI et le renforcement de la protection des minorités, notamment des Roms.

Les prochaines échéances électorales doivent constituer l’occasion de débattre non pas de passions nationalistes et ethniques mais des enjeux dont dépend l’avenir de la Bosnie-Herzégovine. Le Conseil de l’Europe peut et doit aider ce pays fragile.

Mme SMITH (Royaume-Uni)* – J’ai plaisir à m’exprimer sur un aussi bon texte et félicite les corapporteurs de leur rapport complet et précis. Je me suis moi-même rendue en Bosnie-Herzégovine en 2008, en qualité de membre du Parlement britannique. J’ai rencontré dans tout le pays des responsables politiques et des membres de la société civile. Mes collègues et moi-même nous sommes notamment rendus à Mostar. Le principal problème y était l’absence d’élections locales, ce qui rappelait tristement la persistance de l’hostilité et des divisions entre Croates et Bosniaques dans cette région.

Le rapport dont nous débattons entre vivement en résonance avec l’analyse que j’ai dressée en 2008. La Bosnie-Herzégovine a un potentiel immense mais présente aussi un important retard en matière de développement économique, nonobstant certains progrès. Le secteur public demeure dominant et l’excès de réglementation empêche l’émergence d’une saine économie de marché. 27,7 % de la population est au chômage et 48 % des citoyens ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Le défaut de progrès économique est très inquiétant. Il découle pour l’essentiel de la paralysie politique du pays, comme le résume le paragraphe 124 du rapport selon lequel «la Bosnie-Herzégovine n’est pas une démocratie mais une ethnocratie». L’analyse que l’on peut y lire est déprimante. Les problèmes constitutionnels, politiques et économiques demeurent ancrés et irrésolus.

Il importe de mettre l’accent sur la nécessité de connaître la vérité au sujet des victimes de crimes de guerre et de faire en sorte qu’elles obtiennent justice. Il faut continuer à rechercher les disparus. Même si 70 % d’entre eux ont été identifiés, beaucoup reste à faire, car on dénombre toujours 7 000 disparus. L’Institut pour les personnes disparues, dont le budget n’augmente pas, est sous-financé. Or la vérité et la réconciliation sont essentielles afin que la Bosnie-Herzégovine retrouve le chemin du progrès. Le Conseil de l’Europe doit l’y aider. J’ai été témoin en 2008 du chagrin, de la colère et du désespoir qui habitent les Bosniens ayant connu la guerre. En l’absence de vérité et de réconciliation, nos amis de Bosnie-Herzégovine ne pourront pas instaurer la société réussie, sûre et juste qu’ils méritent.

M. ŠEPIĆ (Bosnie-Herzégovine)* – Tout d’abord, j’adresse ma reconnaissance à tous ceux qui ont voté pour la candidate bosnienne au poste de Commissaire aux droits de l’homme. Il s’agit d’une véritable victoire pour nous tous. Je les remercie de leur soutien. Je remercie par ailleurs tous ceux qui ont contribué à l’élaboration du rapport dont nous débattons aujourd’hui, qui aborde des questions très importantes pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Celles-ci auraient dues être résolues par nos élus il y a de nombreuses années, mais malheureusement nous ne nous sommes pas acquittés de cette tâche. Certains n’en ont pas fait assez tandis qu’ils étaient au pouvoir. Quoi qu’il en soit, il faut aujourd’hui penser à l’avenir et agir de façon responsable.

Le rapport ne porte pas sur les Bosniaques, les Serbes, les Croates ou les autres habitants du pays, mais sur les responsables politiques de Bosnie-Herzégovine – moi compris – mais aussi sur les représentants de la communauté internationale qui s’y trouvent. Ceux-ci ont choisi de mettre l’accent sur des actions que nous ne pouvons pas entreprendre ou sur lesquelles il nous est difficile de tomber d’accord. Les sujets importants pour les citoyens, tels que l’emploi, la lutte contre la corruption ainsi que la qualité de l’éducation et de l’assurance santé, sont laissés de côté. Au contraire, sous la pression étrangère, nos décideurs locaux ont accepté un programme abstrait éloigné des préoccupations des citoyens et traitant de sujets qui ne leur semblent pas vitaux, tels que la Constitution et la question de savoir qui est électeur, qui peut être élu et quel est le montant des indemnités. Cette façon de procéder a eu pour conséquence l’exode des jeunes et le désespoir des moins jeunes.

Je respecte le rapport, qui est juste et très équilibré. Je souhaite que le système politique de la Bosnie-Herzégovine parvienne à une bonne répartition des pouvoirs dans l’intérêt de tous les acteurs et que nous parvenions à nous entendre sur ce sujet le plus tôt possible. Malheureusement, notre système ne fonctionne pas comme nous le souhaitons. Cependant, je vous promets – en particulier à notre collègue Tiny Kox, notre rapporteur, qui m’a nommément cité tout à l’heure – de faire de mon mieux, en dépit de toutes les difficultés, pour encourager la majorité du peuple bosnien à lutter pour réaliser des progrès visibles et parvenir à la stabilité politique, à une vie digne pour chacun et à l’amélioration des perspectives européennes de notre pays au profit de nos enfants. Je vous remercie une fois encore de votre soutien, chers collègues.

LE PRÉSIDENT* – M. Torun, inscrit dans le débat, est absent de l’hémicycle.

M. HAJDUKOVIĆ (Croatie)* – Je félicite tout d’abord les deux rapporteurs de leur travail, qui est excellent et exhaustif. Le rapport livre une analyse claire et impartiale de la situation prévalant en Bosnie-Herzégovine et met l’accent sur les problèmes les plus importants auxquels le pays est confronté. Certes, de nombreux progrès ont été accomplis, mais beaucoup reste à faire. Il me semble donc souhaitable d’adopter le texte tel qu’il a été présenté.

Je vous assure, chers collègues, qu’une Bosnie-Herzégovine stable et en ordre de marche signifie que la région l’est aussi. Moi qui viens de Croatie, qui en est voisin, je puis vous assurer qu’il s’agit pour nous d’un point important, non seulement parce que de nombreux Croates vivent en Bosnie-Herzégovine, mais aussi parce que la stabilité et la prospérité de la région ainsi que ses perspectives d’intégration européenne en dépendent.

J’appelle votre attention, chers collègues, sur l’appel à la mise en œuvre des décisions de la Cour constitutionnelle du 1er décembre 2016, relatives à la composition de la Chambre des peuples de la Fédération, auquel procède le projet de résolution. Les autorités du pays doivent mettre en œuvre les décisions de ses propres institutions, ce qui permettra en outre de jeter des fondations stables de la représentation des diverses populations qui y vivent. Ainsi, la mise en œuvre des décisions de la Cour vise deux objectifs essentiels.

Quant au projet de résolution et au processus de suivi en général, ils ne visent pas à critiquer l’État bosnien ni à le montrer du doigt, mais plutôt à l’aider à s’améliorer. À mes yeux, ce projet de résolution constitue un pas dans la bonne direction. Je vous encourage donc à l’adopter, chers collègues.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Je tiens à féliciter les deux corapporteurs pour leur excellent rapport concernant le processus de suivi de la Bosnie-Herzégovine.

Je suis d’accord avec le rapport pour appeler à une véritable réforme constitutionnelle afin d’assurer le bon fonctionnement des institutions démocratiques. La commission a, à juste titre, souligné le développement de la rhétorique nationaliste et ethnique, en particulier des discours de haine. Le manque de respect pour la prééminence du droit est très préoccupant. Il est indispensable d’engager des réformes et de mettre en œuvre ce qui a déjà été décidé.

La connaissance des Balkans occidentaux est importante pour comprendre les défis auxquels nous sommes confrontés et les conflits entre groupes ethniques et minorités. Toutefois d’autres exemples de pays européens montrent qu’avec un dialogue constructif, la démocratie peut l’emporter sur la confrontation. La seule façon d’obtenir une démocratie durable et des institutions durables est bien de permettre à tous les groupes de s’exprimer et non au seul groupe au pouvoir.

À l’heure actuelle, comme indiqué dans le rapport, seuls les Serbes, les Croates et les Bosniaques peuvent briguer le poste de président ou être élus à la Chambre des peuples. Je suis d’accord pour dire qu’il est nécessaire d’apporter des changements à la Constitution et dans la loi électorale avant les prochaines élections législatives prévues pour le mois d’octobre.

Dans la mesure où la Bosnie-Herzégovine est membre du Conseil de l’Europe depuis près de 16 ans et souhaite adhérer à l’Union européenne, je relève qu’un certain nombre d’éléments de la Constitution ne sont pas conformes aux valeurs européennes, notamment la peine et mort et l’abolition de l’institution du médiateur.

Les réformes indiquées dans le rapport doivent être mises en œuvre dans un esprit de dialogue constructif entre tous les niveaux d’autorité et de pouvoir. Le Processus des Balkans occidentaux, dit Processus de Berlin, devrait apporter un réel progrès dans le processus de réformes et de réconciliation entre les différentes sociétés cohabitant dans la région.

Mme PUTICA (Croatie)* – Comme vous pouvez le comprendre, la Croatie est grandement intéressée par la situation qui prévaut en Bosnie-Herzégovine, notamment s’agissant d’assurer l’égalité des peuples et l’égalité entre trois peuples constitutifs.

La première condition de cette égalité est la loi électorale et l’adoption de la constitution comme pilier de l’État.

Pour que la démocratie puisse s’installer et pour assurer la stabilité démocratique, il faut mettre en place les éléments nécessaires. Sans stabilité en Bosnie-Herzégovine, la région entière sera privée de stabilité.

La Croatie, en tant qu’État membre du Parlement européen et de l’Union européenne est prête à soutenir le processus démocratique en Bosnie-Herzégovine, en mettant l’accent sur l’intérêt des Croates dans ce pays.

En bref, nous soutiendrons le projet de résolution présenté par la commission.

M. JURATOVIC (Allemagne)* – J’exprime ma reconnaissance aux rapporteurs. Je soutiens clairement tous les points du rapport et du projet de résolution, sachant que nous n’avons aucun autre instrument. Néanmoins, je dois souligner que sur place, les profiteurs de guerre, de tous horizons, se réjouissent des instruments politiques du Conseil de l’Europe, depuis deux décennies, en particulier les nationalistes.

Le plus pauvre des États européens, peuplé de quelque 3,2 millions d’habitants, compte plus de 100 multimillionnaires possédant un capital supérieur à 5 milliards d’euros, alors que le chômage des jeunes dépasse les 40 %. Les droits de l’homme que nous défendons sont inconnus. L’idéologie communiste a été remplacée par l’idéologie nationaliste. Les institutions ont perdu toute crédibilité. La Bosnie-Herzégovine est devenue une plateforme d’intérêts, aussi différents soient-ils. Les hommes et les femmes du pays perdent de plus en plus l’espoir en une issue. On assiste à un véritable exode. Rien que dans les cinq dernières années, 20 % de la jeunesse ont fui le pays.

C’est pourquoi j’appelle toutes celles et ceux ici présents à tout faire pour s’assurer que dans nos parlements nationaux, soient prises des décisions politiques de nature à assurer un développement proactif des structures démocratiques, des droits de l’homme et de la primauté du droit. Il faut renforcer la souveraineté des parlements, il faut soutenir activement les forces politiques pro-européennes, Il faut renforcer l’esprit européen, basé sur la réconciliation et un avenir pacifique. Il ne faut pas laisser le projet européen aux ONG ou en faire un simple projet pilote. Les institutions internationales sur place doivent être rendues activement opérationnelles. Elles ne doivent pas être de simples observateurs.

Mes chers collègues, compte tenu de la croissance des mouvements antidémocratiques et nationalistes, la Bosnie-Herzégovine est pour nous le test ultime de notre propre capacité, de notre propre crédibilité. En examinant la situation et son contexte, on constate que la Bosnie-Herzégovine est devenue le centre d’intérêt de nombre de pouvoirs étrangers qui jouent un jeu de balle avec elle. Nous devons être conscients du fait que c’est un facteur de risque non seulement pour le pays et pour la région, mais aussi pour l’Europe tout entière. Je rappelle que le pays a souffert de catastrophes naturelles, par exemple, Il y a deux ans, une terrible inondation qui a aussi permis aux habitants de faire la preuve de leur réactivité. Il faut que des décisions soient prises pour le bien collectif et non pour satisfaire des intérêts particuliers.

M. GOUTTEFARDE (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner la fierté et l’honneur que j’ai à m’exprimer pour la première fois devant vous, dans cette enceinte symbolisant l’idéal d’une Europe unie partageant les valeurs humanistes et défendant l’État de droit.

Je souhaite remercier les rapporteurs Sir Roger Gale et Tiny Kox pour leur rapport et leur projet de résolution qui me semblent équilibrés. Les rapporteurs, tout en soulignant les progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine dans le fonctionnement des institutions démocratiques, notamment depuis que cet État est devenu membre du Conseil de l’Europe en 2002, et plus récemment depuis l’adoption, en juillet 2015, d’un ambitieux programme de réformes, demeurent préoccupés par l’absence de progrès en matière constitutionnelle et loi électorale.

Il est regrettable que les clivages interethniques demeurent si prégnants dans l’État de Bosnie-Herzégovine et impactent la tenue et le résultat des élections, dont la conformité aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme n’est, de ce fait, pas évidente.

Une plus grande communauté de vue et le souhait d’une destinée commune entre les peuples constituants la Bosnie-Herzégovine, rendus difficiles notamment par le cadre institutionnel extrêmement complexe prévu par les Accords de paix de Dayton, sont pourtant nécessaires pour empêcher une crise institutionnelle majeure à l’issue des élections d’octobre 2018, pour étouffer la «rhétorique de la division» toujours en germe dans l’État et éviter la tendance à l’ethnocratie.

Le faible nombre de lois adoptées dans le courant de l’année 2017 par le Parlement de Bosnie-Herzégovine entrave la mise en œuvre de l’agenda des réformes 2015-2018, agenda dont l’application conditionne un rapprochement européen et crédibiliserait davantage la candidature de la Bosnie-Herzégovine à l’adhésion à l’Union européenne.

D’autre part, nous ne pouvons que nous inquiéter de la non-application de toute une série de décisions de la cour constitutionnelle de la fédération – je pense aux décisions Ljubic de décembre 2016 ou Sejdić et Finci de 2009. La politisation persistante du système judiciaire est aussi une source de préoccupation majeure.

Dès lors l’attention de notre Assemblée sur la situation de l’État de Bosnie-Herzégovine doit rester soutenue et la proposition de poursuivre la procédure de suivi contenu dans le projet de résolution de mes collègues me semble tout à fait opportune.

Mme KRIŠTO (Bosnie-Herzégovine)* – Étant donné qu’aujourd’hui, au titre de ce point de l’ordre du jour, nous discutons de la Bosnie-Herzégovine, je voudrais vous présenter un certain nombre de faits.

Conformément à l’annexe 4 des Accords de Dayton, la Bosnie-Herzégovine est un État composé de trois peuples – les Croates, les Bosniaques et les Serbes –, ainsi que d’autres citoyens. Or nous sommes à un tournant de notre histoire, placés devant le choix entre le progrès sur la voie de l’intégration euro-atlantique et un retour en arrière. La voie européenne est celle du progrès et de la stabilité pour la Bosnie-Herzégovine. Il n’y a pas de choix alternatif.

Le fait que les trois peuples constituants de la Bosnie-Herzégovine aient des visions différentes de l’avenir n’empêche pas que ce n’est qu’en œuvrant ensemble que nous aurons un avenir au sein de l’Union européenne. Sachant cela, il est surprenant que le rapport de suivi n’y ait pas prêté attention.

Le plus important, de mon point de vue, est le fait que, d’après les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, la constitution et la loi électorale contiennent des dispositions discriminatoires. Il importait donc de modifier la loi électorale en raison des décisions de la Cour constitutionnelle, qui écartaient les dispositions non constitutionnelles. En fait, aucune personne ne peut être représentée par une personne d’un autre peuple de la Bosnie-Herzégovine. Conformément aux principes généraux de la démocratie, le droit à la prise de décision démocratique ne peut se faire que selon une représentation politique légitime, qui doit s’opérer sur la base du choix démocratique des représentants. Seule la légitimité de la représentation créera la participation et la prise de décision démocratiques.

Autre question importante: la réforme du système de radio-télévision public. Il fait l’objet de nombreux niveaux de contrôle dans lequel sont impliquées les différentes minorités nationales.

La perspective d’adhésion à l’Union européenne est aussi un sujet très important pour nous, mais nous voyons bien que des problèmes se posent concernant la représentation politique dans notre pays. Bien entendu, cela se reflète dans notre situation vis-à-vis de l’Union européenne. Je pense qu’en ayant une approche plus sincère, plus honnête, plus franche, nous pourrions trouver plus efficacement un compromis pour l’avenir de la Bosnie-Herzégovine.

J’insiste sur le fait que la Bosnie-Herzégovine est un État composé de trois peuples constituants. Les représentants légitimes de ces trois peuples doivent se mettre d’accord sur l’avenir de la Bosnie-Herzégovine sur une base égalitaire afin d’assurer la stabilité politique, la survie du pays et ouvrir des perspectives euro-atlantiques.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, quel plaisir et quel privilège de parler sous votre présidence! Permettez-moi de vous féliciter de votre élection à la vice-présidence, nous sommes vraiment ravis qu’un Irlandais occupe cette fonction. Du fond du cœur, en tant que représentant du Royaume-Uni, je vous félicite donc de votre arrivée à ces hautes fonctions!

Cela me permet également de faire passer un message, monsieur le Président, car il est assez effarant qu’au xxie siècle en Europe, il y ait un pays où les personnes votent principalement au regard de leur appartenance ethnique, plutôt que d’étudier les programmes politiques des candidats.

J’ai eu le privilège de me rendre en novembre dernier à Sarajevo pour participer à une réunion des partis socialistes de toute la région des Balkans. J’y suis allé accompagné du président du Parti socialiste européen, l’ancien Premier ministre bulgare, M. Stanichev. Nous avons été ravis d’apprendre que notre parti frère de Bosnie-Herzégovine allait présenter un programme pluriethnique. Voilà ce qui doit se faire en Europe au xxie siècle. Comme c’était encourageant d’entendre cela! Nous les avons encouragés dans cette voie, leur disant que c’était la juste chose à faire.

J’espère que tous les groupes ici, pas seulement le Groupe socialiste, s’entretiennent avec leurs collègues de Bosnie-Herzégovine pour les encourager à emprunter la même voie pour leurs programmes électoraux. L’objectif est que les projets politiques proposés soient bons pour le pays et que les votants puissent se prononcer sur des programmes politiques et non sur l’ethnicité de ceux qui les présentent. Voilà ce qui distingue un pays moderne au xxie siècle! Voilà la voie vers laquelle nous devons les encourager, et j’espère que nous soutiendrons tous le rapport qui nous est soumis aujourd’hui!

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, Lord Foulkes, de vos paroles si aimables au début de votre intervention.

M. BOSIĆ (Bosnie-Herzégovine)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier les corapporteurs, Sir Roger Gale et M. Kox, pour leur étude impartiale de la situation en Bosnie-Herzégovine. Car il n’est pas facile de rester impartial à l’égard de la Bosnie-Herzégovine. Je vous en félicite donc et tiens également à remercier Caroline Ravaud, qui est une véritable experte de ces très difficiles questions. Je pense qu’elle connaît même mieux la situation en Bosnie-Herzégovine que moi. Ne plus vous avoir comme experte, Madame, sera une véritable perte pour cette commission.

J’aimerais commencer mon intervention par une citation de Léon Tolstoï: « Toutes les familles heureuses se ressemblent, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon ». On pourrait appliquer cette citation aux États: tout État stable et qui se porte bien ressemble à un autre qui l’est aussi, même si chacun fonctionne selon un système différent; mais les États qui sont en échec ont toutes les raisons pour l’être.

Il n’est pas facile de comprendre la situation de la Bosnie-Herzégovine quand on la regarde de l’extérieur. Je sais que pour nombre d’entre vous, il est très difficile de comprendre les subtilités des relations entre les peuples, les nations, et de leurs visions différentes de l’histoire. Comprendre cette guerre sanglante et les accusations rejetées par les uns sur les autres est difficile. Mais l’heure est venue d’aller de l’avant et je suis désolé de la triste image que donne d’elle-même la Bosnie-Herzégovine. J’espère que le tableau que vous avez dépeint est plus pessimiste que la réalité.

Quelqu’un a parlé de la fragilité du pays. C’est vrai, le pays est fragile et si l’on exerce des pressions trop fortes, peut-être y aura-t-il une implosion. Je puis vous assurer que beaucoup de personnes n’attendent que cela mais, malheureusement, une telle implosion n’aurait pas lieu de manière pacifique. La Bosnie-Herzégovine a donc besoin de votre aide et de votre compréhension. Elle a besoin d’être soutenue pour avancer.

La Bosnie-Herzégovine a été forgée par un processus de paix qui s’est développé à la suite de décisions prises par les peuples eux-mêmes. L’État a été façonné de l’extérieur. Sa constitution émane des Accords de paix de Dayton. Telle est la spécificité de la Bosnie-Herzégovine. Mais il ne faut pas se précipiter vers des conclusions hâtives. J’attends de vous que vous aidiez la Bosnie-Herzégovine, car si la Bosnie-Herzégovine a besoin de l’Europe, l’Europe a aussi besoin de la Bosnie-Herzégovine si elle veut vivre dans la paix et la prospérité.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Je voudrais à mon tour remercier les corapporteurs qui nous présentent ce rapport. Tenir une discussion sur la Bosnie-Herzégovine, sur la base de ce rapport, était indispensable dans notre Assemblée parlementaire. Je vous rappelle que, pour un peu, nous allions proposer la suspension de la Bosnie-Herzégovine. À mon avis, pour vérifier si les obligations sont remplies, il faut un véritable rapport, qui ne soit pas un rapport de routine mais un rapport approfondi, car il faut aussi d’urgence rapprocher notre Assemblée et la Bosnie-Herzégovine.

Cela fait longtemps que je connais MM. Šepić et Bosić. J’ai beaucoup appris en parlant avec eux sur un État qui doit survivre.

Lors d’une des premières visites que j’ai effectuées en Bosnie en qualité de membre de la commission des affaires étrangères du Parlement espagnol, il y avait des barrages de police aux frontières intérieures. Les choses se sont améliorées depuis.

Vous avez évoqué la possibilité d’une nouvelle loi électorale et du défi que constitue le recensement. Ces projets ne sont pas mis en œuvre car ils pourraient déséquilibrer les Accords de Dayton qui organisent la coexistence des peuples constituants.

Certains ont évoqué une ethnocratie. J’espère que, dans le futur, une démocratie pourra voir le jour avec des contre-pouvoirs et des partis fondés sur des bases idéologiques au-delà de la défense des intérêts ethniques. Mais il faut être réaliste, ces jours ne sont pas arrivés. Peut-être une conférence internationale organisera-t-elle le dépassement des Accords de Dayton? Oui, peut-être mais c’est impossible pour le moment au regard de la complexité de la situation.

Nous évoquons souvent dans notre Assemblée les influences extérieures existant dans certains États. Il est évident que la Bosnie-Herzégovine entretient des liens étroits avec d’autres pays. Ce trait est constitutif de son identité et doit être respecté, comme les droits des pays voisins.

LE PRÉSIDENT* - M. Arnaut, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je souhaite à mon tour la bienvenue à notre Président. Je félicite les rapporteurs pour leur travail, tout en souhaitant un prompt rétablissement à Sir Roger Gale. Ils se sont efforcés d’être positifs mais nous nous accorderons pour reconnaître que leur conclusion est somme toute assez sombre.

Certes, certains engagements pris auprès du Conseil de l’Europe ont été tenus mais combien d’autres sont restés lettre morte. L’État est paralysé. À la décharge de la Bosnie-Herzégovine, il convient de nous souvenir des circonstances de sa naissance. La Bosnie-Herzégovine a payé un lourd tribut lors de la guerre civile dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. Au moment de la signature des Accords de Dayton, le haut-représentant Paddy Ashdown les avait jugés bons pour la paix mais non susceptibles de fournir une base satisfaisante pour la construction d’un État. La lourde bureaucratie mise en place organise un fonctionnement fondé sur les groupes techniques et empêche l’émergence d’une administration capable de défendre l’intérêt général.

Le pays est gangrené par la corruption, l’administration publique représente deux tiers des emplois. La Fédération de Russie intervient en République serbe et freine toute ouverture vers l’Ouest. Crime organisé, extrémisme islamiste, fuite des jeunes - dont le taux de chômage atteint 67,6% selon la Banque mondiale, soit le taux le plus élevé du monde. Telle est la situation.

Nous pouvons blâmer la guerre civile et juger qu’il s’agit là de son héritage. Toutefois, la seule question qui vaille aujourd’hui est celle-ci: y a-t-il une volonté politique pour surmonter les intérêts des uns et des autres et pour moderniser l’État? A la lecture du rapport, force est de constater qu’elle semble faire défaut, ce qui justifie la position de l’Union européenne de refuser l’adhésion du pays. Sans cette volonté politique, il n’y aura en effet aucun progrès quels que soient les efforts du Conseil de l’Europe.

Il ne faut pas tomber dans le désespoir; pour autant, la procédure de suivi doit être maintenue à l’égard de la Bosnie-Herzégovine.

LE PRÉSIDENT* - Merci pour vos remarques personnelles, Lord Anderson.

M. STIER (Croatie)* – Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail. Il y a quelques années, Wilfried Martens, ancien président du PPE, ancien Premier ministre belge, aujourd’hui décédé, comparait la situation de la Bosnie-Herzégovine à celle de la Belgique. Que se passerait-il – disait-il – si les wallons ne pouvaient élire de représentants au Parlement fédéral, si leurs représentants étaient élus par les flamands? Cela bloquerait le pays et le déstabiliserait.

C’est exactement la raison pour laquelle la Cour constitutionnelle bosnienne – aux travaux de laquelle participent des juges internationaux – a jugé qu’il fallait modifier la loi électorale bosnienne. Il est indispensable que les trois communautés, quoiqu’inégales en nombre, soient égales en droit. C’est ce qui amènera la possibilité du pluralisme au sein de chaque communauté, première étape vers la désethnicisation du pays. Pour qu’un jour les démocrates-chrétiens d’une communauté travaillent avec les démocrates-chrétiens d’une autre communauté, il faut d’abord garantir une représentation électorale égale.

Comme l’exposent les rapporteurs, la modification de la loi électorale doit être réalisée avant les élections d’octobre prochain, faute de quoi la légitimité des résultats pourrait être remise en cause.

La Bosnie-Herzégovine est partagée entre trois peuples. Il faut que la vie politique se développe au sein de chacun d’entre eux. C’est le premier pas pour ensuite unir ces communautés et leur permettre de travailler ensemble.

Il y a quelques signaux d’espoir: l’élection de notre nouvelle commissaire aux droits de l’homme, dont la candidature a été soutenue par les trois communautés, en est un! Je saisis cette occasion pour féliciter la Bosnie-Herzégovine pour cette élection.

Mme MARKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) *- Je salue les efforts des rapporteurs pour décrire un pays complexe.

Je sais qu’il est difficile pour des étrangers de comprendre la structure du pays et le fonctionnement (ou le dysfonctionnement) de ses institutions.

Le rapport décrit les difficultés de la vie politique et en fait porter la responsabilité à la seule République serbe. Il constate que le pays reste divisé sur des bases ethniques 20 ans après la guerre, sans vision commune de l’avenir mais il omet d’expliquer les causes de cette situation: la Bosnie-Herzégovine s’est épuisée à forger un État.

Vous avez omis de dire que l’histoire du processus d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’Otan et celle de son processus d’intégration à l’Union européenne ont été semées d’embûches et que la Bosnie-Herzégovine en paie aujourd’hui le prix, qu’il s’agisse des problèmes politiques auxquels elle est confrontée ou des problèmes quotidiens auxquels est exposée sa population. Selon vous, le plus grand problème auquel le pays est confronté est la date de la fête nationale de la Republika Srpska, le 9 janvier. Vous dites qu’il est inacceptable qu’elle célèbre ce jour-là sa fête nationale alors que ce point est inscrit dans l’article 3 de la loi de la Republika Srpska sur les jours fériés. Vous avez oublié de dire que la Bosnie-Herzégovine n’a pas de loi sur les jours fériés parce qu’il n’était pas possible de décider de la forme d’une telle loi à l’échelle du pays.

Le principal problème auquel est confrontée la Bosnie-Herzégovine est le dysfonctionnement des institutions judiciaires au niveau de l’État, qu’il s’agisse du tribunal d’Etat, du bureau du procureur ou de la Cour constitutionnelle. Les juges chargés de juger les crimes de guerre au sein du tribunal libèrent des personnes pour lesquelles existent des preuves qu’ils ont commis des crimes de guerre à l’encontre des Serbes.

Dans votre rapport, un petit paragraphe est consacré à la lutte contre le terrorisme. Vous avez reconnu que plusieurs attaques terroristes isolées ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine au cours des dernières années, telles que des explosions de bombes dans des lieux publics ou l’attaque de l’ambassade des États-Unis. Vous avez constaté qu’il existe une communauté wahhabite en Bosnie-Herzégovine et qu’il reste environ 1 500 moudjahidines, combattants paramilitaires, pour la plupart originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

Pour conclure, il n’est pas juste d’accuser uniquement une partie de la Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska, de tous les problèmes du pays. La Republika Srpska et son président Milorad Dodik ne peuvent ni causer tous les problèmes, ni les résoudre. Ils veulent que la situation de la Bosnie-Herzégovine progresse. Elle appartient aux Serbes comme aux Croates, aux Bosniaques et à ses autres habitants.

M. KVATCHANTIRADZE (Géorgie)* – J’aimerais à mon tour saluer le travail des corapporteurs, qui mérite toutes nos félicitations. Nous devons tous, bien sûr, au sein du Conseil de l’Europe, soutenir la Bosnie-Herzégovine. Nous devons l’accompagner sur le chemin qui la rapproche de l’Union européenne et nous avons salué sa demande d’adhésion en 2016. Nous nous félicitons des réformes qui ont été menées et nous l’engageons à persister dans cette voie. Le renforcement des institutions démocratiques est un processus de longue haleine et complexe. Pour qu’elles évoluent dans le sens de l’État de droit, de la protection des droits de l’homme et d’élections libres et équitables, il faut que les réformes se poursuivent. C’est absolument vital pour ce pays comme cela le serait pour tout autre pays.

J’aimerais attirer votre attention sur une question très importante: la reconnaissance et le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États membres. Ce sont des principes fondamentaux pour chaque État membre du Conseil de l’Europe. Or il y a à peine quelques jours, des dirigeants des territoires géorgiens occupés par la Fédération de Russie, en Ossétie du sud, ont été officiellement accueillis en Republika Srpska, en Bosnie-Herzégovine. Ils ont été reçus par le Président de la Republika Srpska et par le patriarche de l’Église orthodoxe de Serbie. Cet événement a été présenté comme une simple visite à titre privé, mais nous devons relever qu’il s’inscrit dans un processus de légitimation conduit par les mouvements séparatistes en Europe. Ces prétendues visites à titre privé donnent lieu à des rencontres au plus haut niveau. Les personnes reçues représentent des régimes d’occupation. Ces visites ont lieu depuis longtemps déjà et sont soutenues par les Russes.

Il s’agit de toute évidence d’une violation du droit international, qui illustre la poursuite de la politique inique menée par la Fédération de Russie contre la Géorgie. Nous saluons l’appui officiel apporté par la Bosnie-Herzégovine à la souveraineté de la Géorgie et à son intégrité territoriale. Nous saluons le fait qu’elle ait refusé de reconnaître les régions occupées de la Géorgie. Toutefois, ceux qui soutiennent les mouvements séparatistes doivent être condamnés immédiatement.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. KOX (Pays-Bas), corapporteur* – Nos collègues de Bosnie-Herzégovine ont jugé le rapport tantôt négatif, tantôt positif. J’ai entendu leurs remarques, mais je ne saurais quant à moi dire s’il est plutôt l’un ou plutôt l’autre. Ce que nous avons souhaité, Sir Roger Gale et moi-même, c’est présenter un rapport objectif.

J’aimerais remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce débat. L’Assemblée a clairement montré son intérêt pour la Bosnie-Herzégovine. Merci pour le soutien que vous avez apporté dans les grandes lignes à nos propositions et notamment à celle de poursuivre le suivi de la Bosnie-Herzégovine. Je rappelle que je ne suis pas particulièrement favorable au fait que tel ou tel pays fasse l’objet d’un suivi. Selon moi, tous nos pays devraient faire l’objet d’un suivi. Toutefois, compte tenu du grand nombre de problèmes que connaît la Bosnie-Herzégovine, il est tout à fait pertinent qu’elle bénéficie de cette procédure.

Mais je dis à Monsieur Bosić: nous sommes là pour vous aider! Si l’exercice n’était pas utile, il n’aurait alors plus aucun intérêt. J’ai entendu l’observation selon laquelle il fallait rappeler l’ensemble du contexte. M. Hunko, en particulier, l’a souligné. À défaut d’une base économique et sociale stable, comment convaincre les citoyens de la Bosnie-Herzégovine que des réformes sont nécessaires pour mettre en place des institutions démocratiques? Il s’agit d’un grave problème, tout comme la fuite des cerveaux. Les jeunes n’ont plus confiance en l’État. Ils partent là où on a besoin d’eux, mais on a aussi besoin d’eux chez eux. Il faut trouver le moyen de faire participer les jeunes au développement de l’État de Bosnie-Herzégovine car il ne peut y avoir d’avenir sans jeunesse.

J’aimerais dire aux membres de la délégation de Bosnie-Herzégovine combien je suis heureux de les voir ici. J’ai beaucoup apprécié le fait que le chef de la délégation, M. Šepić, ait qualifié le rapport d’équilibré, qu’il respecte ce travail et qu’il puisse envisager de le soutenir. Mme Krišto, M. Bosić et Mme Marković ont regretté que certains éléments manquent dans le rapport et que certains points soient même exagérés. Je veux leur demander: pourquoi ne l’avoir pas dit avant? Pourquoi n’avoir pas réagi au projet de rapport? Je viens des Pays-Bas et je préfère que l’on dise les choses clairement. Je trouve que vous n’avez pas fait votre travail de parlementaire.

Je vous le demande donc, puisque je vais continuer mon travail de corapporteur: coopérez avec moi. Je suis intéressé par vos remarques. Je suis là pour servir notre Organisation. Vous avez eu neuf mois pour lire ce rapport et ce projet de résolution et pour nous faire part de vos critiques. Il faut neuf mois pour accoucher d’un enfant mais pas pour formuler des critiques! J’espère sincèrement que vous en tirerez des leçons pour l’avenir.

Madame Markovič, si vous considérez que ce rapport ne traite que d’une partie de la Bosnie-Herzégovine, c’est que nous ne parlons pas du même rapport. Si vous le souhaitez, nous pourrons en discuter tout à l’heure.

Madame Krišto, vous dites qu’il n’y a pas d’autre choix pour la Bosnie-Herzégovine que l’intégration européenne, mais aucun pays ne peut adhérer à l’Union s’il n’a pas mis en œuvre les arrêts de la Cour.

Enfin, Monsieur Bosić, vous considérez qu’il est difficile de comprendre ce qui se passe dans votre pays. Certainement, et nous l’avons indiqué. Je ne souhaite à aucun pays de partir d’où vous êtes partis, mais il s’agit de votre pays. Il relève de votre responsabilité. Nous ne pouvons pas le gérer à votre place.

J’espère sincèrement que, dorénavant, nous coopérerons de façon positive. Sir Roger Gale et moi-même sommes à votre disposition, mais vous devez également être à la nôtre. Si nous collaborons, nous obtiendrons, j’en suis sûr, des résultats positifs.

Mme MIKKO (Estonie), vice-présidente de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)* – Je félicite tout d’abord nos deux corapporteurs pour cet excellent travail. Ils ont mené à bien une tâche difficile.

Ce rapport nous rappelle la complexité du cadre constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine, créé après la signature des Accords de Dayton, et les obstacles politiques et économiques qui empêchent le bon fonctionnement des institutions démocratiques. L’accent a été mis sur les progrès réalisés depuis 2013; nous nous en félicitons. Cependant, il reste de nombreux défis à relever. J’en mentionnerai deux.

D’abord, l’application de l’arrêt rendu en 2009 dans l’affaire Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine de façon non discriminatoire. Ensuite, la nécessité d’apporter des modifications à la Constitution et à la législation électorale avant les prochaines élections générales, prévues en octobre 2018.

J’espère que ce rapport lancera un véritable débat dans le pays, sinon celui-ci risque d’être confronté à une grave crise politique dans les prochains mois, ce qui pourrait compromettre la stabilité de toute la région. J’espère que la Bosnie-Herzégovine prendra cette résolution au sérieux et répondra aux préoccupations et aux demandes de notre Assemblée.

Je renouvelle mes remerciements aux corapporteurs et leur confirme le soutien de la commission de suivi afin qu’ils poursuivent leur travail. Je vous demande, chers collègues, d’adopter le projet de résolution.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission de suivi a présenté un projet de résolution sur lequel 4 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidence de la commission proposait de considérer les amendements 3 et 4, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la vice-présidente?

Mme MIKKO (Estonie), vice-présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1.

Mme MARKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) – Cet amendement vise à supprimer la partie du paragraphe 14 qui concerne notamment le «vote par entité». En effet, en Bosnie-Herzégovine, le vote par entité relève du domaine constitutionnel. Un changement nécessiterait une révision de la Constitution, ce qui risquerait de compliquer encore un peu plus la situation.

M. KOX (Pays-Bas), corapporteur* – Je suis contre cet amendement, car la partie du paragraphe qu’il vise expose la conclusion que nous avons rendue. En l’acceptant, nous ouvririons la porte à d’autres propositions de ce genre. La délégation a eu neuf mois pour réagir et formuler des propositions. Vous ne pouvez pas déposer cet amendement au dernier moment.

Mme MIKKO (Estonie), vice-présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme MARKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) – Nous demandons la suppression de la partie du paragraphe 16 qui affirme que la Republika Srpska n’a pas mis en œuvre un jugement de la Cour d’État relatif à l’enregistrement, au niveau de l’État, des biens militaires situés sur son territoire. Or la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas de loi sur la propriété d’État. C’est la raison pour laquelle ces biens n’ont pas été enregistrés. Cela n’empêche pas les forces militaires de les utiliser sans le moindre obstacle.

M. KOX (Pays-Bas), corapporteur* – Je m’oppose à cet amendement. Je ne vois pas en quoi il pourrait améliorer le projet de résolution, lequel se borne à énumérer des faits. Si vous aviez proposé vos commentaires en temps et en heure, nous aurions pu en débattre, mais il n’est plus temps de modifier le texte de la résolution comme vous le proposez.

Mme MIKKO (Estonie), vice-présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14465, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (62 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions).

6. Pour une convention européenne sur la profession d’avocat

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme  Lahaye-Battheu, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, intitulé «Pour une convention européenne sur la profession d’avocat» (Doc. 14453).

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme LAHAYE-BATTHEU (Belgique), rapporteure de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – Monsieur le Président, chers collègues, ce rapport, le premier que je rédige pour l’Assemblée parlementaire, me tient beaucoup à cœur. En outre, il concerne une profession qui est indispensable au respect des droits de l’homme et de l’État de droit: la profession d’avocat.

Plusieurs événements, plus au moins directement liés à ce rapport, ont eu lieu aujourd’hui dans les locaux du Conseil de l’Europe. Dans le bâtiment Agora, un groupe d’avocats de pays de l’Europe de l’Est sont venus dans le cadre d’une visite d’étude. J’ai participé à leurs travaux, au cours desquels ils m’ont fait part d’une série de préoccupations concernant leur situation personnelle mais aussi celle de leurs pays. Immédiatement après, j’ai participé au side event organisé par le Conseil des barreaux européens, le CCBE, lors duquel j’ai entendu d’autres avocats parler des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur profession.

Je retiens surtout le témoignage de l’un d’entre eux, qui disait: «Être avocat n’a jamais été aussi difficile et dangereux». Je retiens aussi le fait que les barreaux sont non plus indépendants, mais sous le contrôle des gouvernements, et le problème des avocats qui sont dits disbarred, pour utiliser le terme anglais.

La commission a mené des auditions. Deux avocats, reconnus pour leur implication dans la défense des droits de l’homme, Ayşe Bingöl Demir, originaire de Turquie, et Khalid Baghirov, exerçant en Azerbaïdjan, ont parlé de la situation dans leurs pays et des problèmes qu’ils avaient rencontrés personnellement. Des organisations de la société civile, y compris le Conseil des barreaux européens et la Human Rights House Foundation, ont présenté des informations plus générales sur la situation en Europe. Enfin, la semaine dernière, j’ai été contactée par une autre ONG qui m’a exposé des faits que, pour la plupart, j’ignorais. De nombreuses autres organisations ont publié des rapports exposant d’autres cas. Il est donc évident qu’on parle ici d’un problème qui va s’aggravant dans un nombre de pays membres de plus en plus important.

Vous trouverez dans mon rapport un grand nombre de cas où des avocats ont subi des pressions, reçu des menaces, voire ont été victimes de violences. Plusieurs ont même été tués pour des raisons clairement liées à leurs activités professionnelles. Mon rapport n’est pas le seul document émanant de l’Assemblée à avoir établi ce constat. Le plus récent rapport de notre commission sur les défenseurs des droits de l’homme avait aussi mentionné de nombreux cas, et d’autres encore sont inclus dans les rapports de la commission de suivi. Cette situation est absolument inacceptable.

Le side event organisé par le CCBE ce midi avait pour titre: «Les avocats menacés: la fin de l’État de droit en Europe?». Ce titre est un peu dramatique, peut-être, mais tout à fait justifiable. Si les avocats ne sont pas en mesure d’exercer leurs activités professionnelles de manière indépendante, sans pression de la part des autorités ou de qui que ce soit, la protection des droits de l’homme par voie judiciaire et le bon fonctionnement du système judiciaire en général sont en danger. L’existence d’une menace pesant sur l’État de droit est donc une réalité. Ce problème touche le cœur du Conseil de l’Europe, car celui-ci défend la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit.

Cela dit, l’objectif principal de mon rapport n’a pas été d’établir un catalogue exhaustif des problèmes auxquels les avocats ont été et continuent d’être confrontés. C’est pourquoi le projet de recommandation se réfère à la situation en termes généraux, sans distinguer un ou plusieurs pays en particulier. Cependant, afin d’expliquer la nécessité d’agir, mon exposé des motifs présente des informations sur de nombreux pays. Il précise aussi que la situation dans certains d’entre eux suscite des préoccupations particulières.

Nous pouvons constater que les problèmes liés au libre exercice de la profession d’avocat sont très répandus. Toutefois, compte tenu du titre du rapport et de son objectif premier, c’est-à-dire proposer une convention du Conseil de l’Europe sur la profession d’avocat, il n’est pas nécessaire – ce serait même contre-productif d’un point de vue politique – de pointer du doigt tel ou tel État dans la recommandation elle-même.

En ce qui concerne le contenu éventuel d’une future convention, il existe déjà des normes de base pertinentes pour la profession d’avocat, y compris dans la Convention européenne des droits de l’homme et dans la jurisprudence de la Cour européenne. Cependant, pour ce qui concerne des aspects spécifiques et détaillés, nous nous trouvons face à des instruments non contraignants, telle que la Recommandation du Comité des Ministres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, qui date de l’an 2000. Outre ces sources, il existe d’autres normes non contraignantes détaillées, qui ont été proposées notamment par des associations internationales d’avocats. Il ne nous appartient pas de proposer le texte d’une nouvelle convention. Nous pouvons néanmoins orienter le Comité des Ministres vers ces textes, comme une source d’inspiration.

Mon rapport rappelle également des évolutions dans la situation juridique et réglementaire qui ont eu des conséquences sur l’exercice de la profession d’avocat. Il s’agit notamment de développements liés à la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le terrorisme. Les travaux sur une future convention devraient prendre en compte ces évolutions, afin de renforcer, le cas échéant, les garanties existantes.

Parallèlement à une nouvelle convention, il est aussi nécessaire de mettre en place un mécanisme d’alerte rapide. La plateforme du Conseil de l’Europe pour la protection des journalistes constitue un excellent modèle pour un tel mécanisme. L’Assemblée a déjà demandé la création d’une plateforme similaire pour les défenseurs des droits de l’homme. Nous devrions réitérer cet appel, en soulignant que le nouveau mécanisme devrait inclure les avocats dans son champ d’application.

Une autre question, non prévue dans la proposition, mais qui nous intéresse néanmoins, est celle de la situation des avocats internes, autrement dit des juristes d’entreprise. J’ai eu plusieurs rencontres avec des représentants d’associations de la profession, dont le souci principal est le manque de reconnaissance, dans un grand nombre d’États, du secret professionnel du juriste vis-à-vis de leurs communications avec la gestion de l’entreprise. Je propose donc que cette situation soit passée en revue par nos États membres. Toutefois, ce sera là le sujet d’un autre rapport.

N’oublions pas que les avocats sont des défenseurs des droits de l’homme, qui souvent, dans la défense des intérêts de leurs clients, se trouvent confrontés aux pouvoirs publics. L’Assemblée doit continuer à les protéger et promouvoir leur rôle essentiel. Je souhaite remercier mes collègues de la commission, ainsi que le secrétariat, et tout spécialement M. Milner, pour ce travail réalisé dans un excellent esprit.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, Madame Lahaye-Battheu. Il vous restera 4 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Au nom de mon groupe, je souhaite tout d’abord féliciter la rapporteure pour son travail et la pertinence de ses conclusions et de ses recommandations.

Il s’agit d’un sujet important pour l’administration de la justice dans les pays démocratiques. D’habitude, on se concentre sur les magistrats, les juges, les procureurs, le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance de la justice; mais les avocats occupent une place importante au sein du système judiciaire, en particulier dans la protection des droits de l’homme, parmi lesquels figure le droit à la défense, ne l’oublions pas.

Nous partageons l’avis de la rapporteure sur la nécessité de la mise en œuvre de la Recommandation (2000) 21 du Comité des Ministres relative à la liberté d’exercice de la profession d’avocat, qui appelait notamment à l’élaboration et à l’adoption d’une convention, pour disposer d’un instrument juridiquement contraignant concernant cette profession. Certains standards européens doivent être garantis et rendus obligatoires dans tous les États membres: le libre exercice de la profession d’avocat en est un.

Je partage également les préoccupations de la rapporteure quant aux abus signalés dans plusieurs pays membres: violences physiques contre les avocats – y compris de la part des agents publics –, menaces, abus de procureurs lors d’enquêtes pénales, perquisitions et saisies en dehors de tout cadre légal et légitime. Ces abus violent l’intégrité de l’avocat, le secret professionnel et la confidentialité de la relation avec les clients.

Enfin – et cela concerne également mon pays –, il faut réagir et garantir, au niveau européen, l’ensemble de ces droits et libertés fondamentales du libre exercice de la profession d’avocat.

Mon groupe se réjouit de constater que le rapport fait une différence entre, d’une part, la profession d’avocat, avec ses règles d’accès et de fonctionnement, et, d’autre part, le régime et le statut de conseil juridique des entreprises.

Je voudrais exprimer notre soutien à l’établissement d’un mécanisme d’alerte précoce au niveau européen, sur la base des modèles et précédents qui fonctionnent dans les pays membres de notre Organisation.

En conclusion, je voudrais exprimer à nouveau tout le soutien de notre groupe à l’adoption du projet de résolution.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – À n’en pas douter, il s’agit là d’un bon rapport et d’une proposition tout à fait intéressante. Mettre les recommandations en œuvre ne mangerait probablement pas de pain. Seulement, je me demande si cela est vraiment nécessaire.

Avons-nous réellement besoin d’une nouvelle convention pour régir l’exercice de cette profession en Europe? L’auteur de ce texte écrit que nous assistons peut-être à la fin de l’État de droit en Europe. Je vous le dis franchement: c’est très exagéré.

Je suis avocat au Royaume-Uni depuis plus de 40 ans, et, dans le rapport, les exemples qui concernent mon pays sont tout à fait anodins. Que ce soit en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, comment peut-on aller jusqu’à dire que les avocats, qui sont les mieux placés pour se défendre, puisqu’il s’agit de leur travail, sont visés par une quelconque menace? Bien sûr, il existe des abus dans certaines régions d’Europe. Les avocats, comme tous les professionnels, peuvent être en disgrâce aux yeux des gouvernements; parfois ils sont emprisonnés et les droits de l’homme en souffrent. Il y a des abus dans certains États, notamment ceux de l’ex-Union soviétique.

Cela dit, faut-il vraiment se doter d’une autre convention – une de plus? Allons-nous vraiment consacrer des rames de papier à l’impression de cette convention? Cela va-t-il réellement aider à convaincre les autorités de tous ces pays? Une convention du Conseil de l’Europe y changerait-elle vraiment la donne? Si un régime souhaite s’attaquer aux libertés fondamentales, ce n’est pas une convention qui l’arrêtera.

Le Royaume-Uni est un État de droit depuis 500 ans; nous sommes très fiers d’être les auteurs de la Magna Carta. Ce texte dit que l’Angleterre est un pays libre, que ses libertés et droits sont inviolables. Pourtant, lorsqu’il s’est agi de violer ces droits, le roi ne s’est pas gêné. C’est exactement ce qui s’est produit dans tous les pays qui, d’une façon ou d’une autre, ont eu à subir le pouvoir d’un tyran.

Je conclurai en disant que le Conseil de l’Europe souffre d’une lourde bureaucratie, soumise à d’importantes coupes budgétaires et confrontée à la corruption. Nous devons donc nous concentrer sur les vrais problèmes, en particulier ceux que l’on constate dans les pays de l’ex-Union soviétique, où il existe de graves violations des droits de l’homme. Si la Fédération de Russie doit revenir au sein de cette Assemblée, envoyez-y des équipes d’observateurs, et demandez-lui d’être pleinement transparente. Mais ne croyez pas que ces problèmes peuvent être réglés par une énième convention européenne.

M. MARUKYAN (Arménie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Avant de devenir parlementaire, j’ai travaillé durant 12 ans comme défenseur des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle il me paraît particulièrement important de rédiger une convention sur la profession d’avocat: l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe soutient fortement ce rapport et convient de la nécessité d’une convention. J’aimerais remercier la rapporteure pour l’excellent travail qu’elle a accompli. Elle a mis en évidence certains points importants.

Comme il est écrit à juste titre dans le rapport, en Europe centrale, les avocats, en tant qu’acteurs et intermédiaires entre le justiciable et les tribunaux, jouent un rôle central dans l’administration de la justice. Il est extrêmement important de souligner que la sécurité de ces professionnels doit être assurée pour qu’ils puissent agir de manière effective. Il est indispensable de prendre des mesures afin de s’assurer que ces garanties sont bien mises en œuvre.

Un certain nombre de principes sont fondamentaux, tels que l’accès à un avocat et les relations entre l’avocat et son client. Le rapport décrit de manière exhaustive différentes situations dans lesquelles des avocats, en Europe, sont physiquement menacés. Partout en Europe, des organisations luttant pour les droits de l’homme sont mises sous pression. Or ce sont les avocats qui font vivre ces organisations; en accomplissant leurs obligations professionnelles, ils deviennent la cible de différentes forces – y compris des autorités.

La législation nationale doit permettre aux avocats d’exercer leur profession et de se conformer à leurs obligations. Il faut donc passer la loi en revue et s’assurer qu’elle ne comporte aucun obstacle artificiel tel que l’insertion, dans le Code de procédure pénale, de dispositions prévoyant une amende pour les avocats ayant manqué de respect à un tribunal. Malheureusement, les autorités arméniennes ont instauré par voie législative une telle mesure, qui leur servira d’outil contre les avocats.

L’accès à un avocat doit également être débattu à l’échelle nationale afin de l’assurer sur le plan matériel mais aussi d’améliorer la confiance envers la profession. Je répète que les normes en vigueur n’ont aucun caractère contraignant et que les avocats sont soumis à une pression croissante. Dans de nombreux pays, ils ne jouissent pas d’une protection adéquate. Il est donc nécessaire de disposer d’un nouvel instrument, plus efficace, c’est-à-dire d’une convention.

Au nom des membres de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, j’appelle à la rédaction d’une telle convention sur la base de la recommandation adoptée par le Comité des Ministres prenant en compte le développement des normes juridiques en vigueur. Il va sans dire que cette convention doit comporter un mécanisme effectivement contraignant et que des États qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe doivent pouvoir y adhérer.

Enfin, je rappelle à notre collègue britannique qui s’est exprimé avant moi qu’on ne peut pas comparer, en matière d’État de droit, le Royaume-Uni et des pays en transition adoptant de nouvelles normes et dépourvus de système judiciaire ancien.

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous sommes aujourd’hui le 24 janvier, Journée internationale des avocats en danger. Cette année, elle met l’Égypte en avant. Je salue les avocats égyptiens, et plus généralement tous mes confrères qui travaillent sous pression ou qui sont emprisonnés, où qu’ils se trouvent. Je félicite Mme Lahaye-Battheu, qui a su décrire avec clarté et impartialité les problèmes auxquels sont confrontés les avocats.

Avocate moi-même depuis trente ans, j’estime que la situation dans laquelle ils se trouvent a empiré, en Turquie et dans de nombreux pays. Or les avocats sont les porte-paroles de ceux qui entendent faire respecter leurs droits et les garants de leur liberté. Indépendants, ils sont l’un des fondements du droit. Il n’existe nulle justice dans un système qui les prive de leur liberté.

Ainsi, en Turquie, les avocats sont l’une des professions les plus ciblées par les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, qui sont sans cesse renouvelées. De graves violations des droits de l’homme ont eu lieu et des centaines d’avocats ont été arrêtés. Les droits de la défense des avocats ont également été fortement entravés par des décrets-lois mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence. Des centaines d’avocats ont fait l’objet d’enquêtes illégales instruites sous le motif d’appartenance à une organisation criminelle interdite parce qu’ils défendaient des prévenus accusés du même crime.

Actuellement, les individus arrêtés sont privés d’avocat pendant 24 heures. En outre, les enregistrements vidéo et audio des interrogatoires sont légaux. Heureusement, toute oppression produit une résistance. Les avocats ont donc procédé à des tours de garde afin de manifester leur solidarité avec leurs collègues emprisonnés. Mais des violations de leurs droits ont eu lieu, ainsi que des agressions physiques et des assassinats.

C’est pourquoi nous devons agir sans attendre. La mise en place d’une convention contraignante instaurant un comité d’experts à même d’examiner la situation prévalant dans les pays signataires importe beaucoup aux yeux des avocats. Par exemple, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) joue un rôle très important dans l’application de la Convention d’Istanbul. Nous devons soutenir la mise en place d’un comité susceptible de jouer un rôle similaire en matière de droit des avocats. Il faut défendre l’indépendance de la justice. Il nous incombe de protéger les avocats qui exercent leur profession au risque de leur vie.

M. DIVINA (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Madame Lahaye-Battheu, permettez-moi d’évoquer un sujet que vous n’avez absolument pas abordé dans votre rapport, alors même qu’il aurait mérité de l’être. L’avocat joue un rôle essentiel dans la défense des droits individuels des citoyens. Votre rapport évoque des menaces adressées à des avocats et l’arrestation de certains d’entre eux. Mais si un avocat n’est pas à même de défendre convenablement les citoyens, ceux-ci en paieront le prix. Tel est le sujet que j’aimerais évoquer.

Notre débat doit porter, me semble-t-il, sur le meilleur moyen de garantir la défense des droits des individus par des avocats professionnels travaillant librement et respectant la déontologie. Les 27 États membres de l’Union européenne ont introduit la libre concurrence des professions libérales. Si ce principe est satisfaisant pour les marchandises ou le secteur de l’énergie, s’agissant des professions libérales, il est tout à fait délétère. Sa mise en œuvre a créé une véritable jungle, en Italie comme ailleurs dans l’Union européenne.

Ainsi, les universités continuent à former des juristes, qui deviendront avocats, en nombre très supérieur à ce que le marché du travail peut absorber. Comme tous ces nouveaux avocats doivent bien vivre, ils travailleront pour des honoraires défiant toute concurrence. Or une prestation d’avocat doit être payée à son juste prix, faute de quoi elle perd en qualité et en pertinence, au détriment de la garantie des droits des citoyens. J’en conclus qu’il faut que les avocats sérieux puissent travailler sérieusement, cela afin de garantir que les droits des citoyens seront protégés.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – J’exprimerai d’abord toute ma reconnaissance à Mme la rapporteure pour son travail très important, dont l’objectif n’est pas de protéger une profession particulière mais la primauté du droit et l’indépendance de la justice, dont l’équilibre est assuré par le travail de l’avocat. En protégeant les intérêts des justiciables, de l’accusé comme de la victime, il protège les intérêts de toute la société.

Dans le cadre du Conseil de l’Europe, nous évoquons souvent les valeurs européennes; certains en parlent, d’autres assument la responsabilité d’appliquer les droits. Le métier d’avocat sert l’intérêt de la société.

En tant qu’avocat et défenseur des droits de l’homme, je puis vous assurer, chers collègues, que l’on constate dans les jeunes démocraties de nombreuses violations des droits des avocats dans le cadre de leurs activités professionnelles, notamment le droit de communication avec l’avocat. Avocat moi-même, je me suis souvent vu demander: «Comment pouvez-vous défendre un assassin ou un voleur?» Dans les jeunes démocraties, seuls 1 % des condamnés bénéficient de mesures de clémence. Pour être protégé, un avocat est indispensable. Aujourd’hui, dans la Crimée annexée, il est devenu impossible de trouver un avocat. Les avocats ne veulent pas défendre les Tatars de Crimée. À sa descente d’avion, l’avocat Mykola Polozov a été arrêté pour les mots qu’il avait osé prononcer à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il faut réagir à un tel événement.

Le PPE soutient le rapport. Nous devons tout faire pour que la justice soit défendue, pour éviter toute violation – elles sont hélas fréquentes –, du secret professionnel, pour prévenir toute détention arbitraire d’un avocat pour des raisons politiques. Je vous appelle donc à défendre les avocats. Si un avocat ne peut se défendre, c’est toute la société qui n’est pas défendue.

Je vous invite à soutenir ce rapport tellement important pour le Conseil de l’Europe et pour la justice.

LE PRÉSIDENT – Mme Gorghiu, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme BESELIA (Géorgie)* – Il s’agit d’un rapport important et je remercie la rapporteure de son travail.

La profession d’avocat est une profession honorable, responsable et à haut risque, car les avocats défendent les intérêts de tiers. Pour avoir exercé la profession d’avocat pénaliste durant 14 ans, je comprends combien il est important que cette profession bénéficie de garanties de protection élevées. J’approuve donc pleinement les recommandations figurant dans le projet de résolution.

La Géorgie est un bon exemple en matière de normes. Jusqu’en 2012, les avocats subissaient toutes sortes d’abus et étaient envoyés derrière les barreaux sans le moindre motif juridique. Depuis cette date, les avocats abusivement détenus ont été libérés. Nous avons prévu dans le Code pénal de nouvelles garanties de protection des avocats pénalistes. Nous les avons dotés des mêmes garanties que les juges, les procureurs et les enquêteurs.

De surcroît, ces nouvelles garanties offertes aux avocats ont été consacrées dans la nouvelle Constitution. Nous montrons ainsi l’importance que nous accordons à la protection des avocats.

Il importe que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définisse des garanties de protection de la profession d’avocat, comme nous l’avons fait en Géorgie au niveau législatif. La protection des avocats contribue à promouvoir les principes déontologiques. Il faut que chaque pays reprenne ces garanties fondamentales assurant la pleine protection des droits de l’homme.

M. DİŞLİ (Turquie)* – La profession d’avocat est une profession de service public. Le rapport semble mettre l’accent sur la société civile et sur la notion de défenseur plutôt que sur la notion de service public. N’oublions pas que la profession judiciaire comporte d’autres piliers comme les juges et les procureurs, pour lesquels il n’existe pas non plus de convention européenne. Il faudrait sans doute actualiser la Recommandation du Comité des Ministres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat à la lumière des développements intervenus depuis son adoption. Il est indiqué dans le rapport qu’une convention pourrait être préparée sur la base des principes de la Recommandation existante. Toutefois, seul un nombre limité de ces principes de base peut faire l’objet d’une convention.

Le rapport propose un mécanisme envisagé comme un organe de contrôle, structure similaire à la plateforme pour la promotion de la profession de journaliste. Or celle-ci est critiquée même par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe au regard du rôle des organisations non gouvernementales (ONG), qui participent au processus. L’efficacité même de cette plateforme est remise en question. À la différence du journaliste, l’avocat fait partie intégrante du système judiciaire. C’est la fonction de base de la profession. L’introduction d’un mécanisme de contrôle pourrait conduire à des ingérences dans les procédures judiciaires.

À ce jour, le Comité des Ministres a traité des questions d’efficacité et d’indépendance du système judiciaire avec des recommandations, des lignes directrices ou des documents portant sur les bonnes pratiques. En conséquence, pour ce qui est de la profession d’avocat, il conviendrait de mettre à jour la recommandation existante au lieu d’adopter une nouvelle convention européenne.

LE PRÉSIDENT* – Il faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents dans le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

Mme LAHAYE-BATTHEU (Belgique), rapporteure – Je remercie pour leur soutien ceux de mes collègues qui se sont exprimés dans le débat.

Sir Edward Leigh a affirmé qu’il n’y avait pas de problème au Royaume Uni. Pourtant, à la page 11 du rapport, nous citons un exemple de pression exercée sur des avocats britanniques.

Ce qui figure dans le rapport et tout ce que nous avons entendu encore aujourd’hui montrent que la profession d’avocat est confrontée à des problèmes de plus en plus graves. Il est donc nécessaire d’adopter le rapport afin d’améliorer la situation de beaucoup d’avocats dans les États membres du Conseil de l’Europe.

Le précédent représentant de la Turquie a raison de dire qu’il n’est pas nécessaire de rédiger un nouveau texte. Nous ne souhaitons pas que le Comité des Ministres reprenne le travail à zéro. C’est pourquoi dans le rapport, nous mentionnons les documents existants et nous invitons le Comité des Ministres à commencer le travail à partir de l’existant. Mais surtout, nous avons besoin de documents contraignants et non pas non contraignants comme c’est aujourd’hui le cas.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Monsieur le Président, je regrette que l’heure tardive nous oblige à interrompre le débat. Nous savons que les droits de l’homme sont aujourd’hui sous pression et que ceux qui les défendent le sont plus encore. D’une façon générale, les avocats sont des défenseurs de droits de l’homme et sont donc sous pression.

En tant que président de la commission juridique, j’indique que la rapporteure a tout notre soutien. Elle a organisé une audition sur les professions juridiques à travers l’Europe, qui nous a permis d’obtenir des informations de première main. Nous avons compris que pour que l’État de droit soit respecté, les professions juridiques doivent s’exercer sans ingérence de l’État et sans que les avocats craignent pour leur vie.

C’est pourquoi j’en appelle à l’Assemblée pour qu’elle adopte ce rapport à une large majorité afin d’envoyer un signal fort au Comité des Ministres qui doit absolument réagir en proposant une convention.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de recommandation sur lequel 4 amendements et 2 sous-amendements ont été déposés.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Le non-respect des garanties et privilèges et les activités illégales d’investigation compromettant la garantie du secret professionnel des avocats et constituent un grave problème en Ukraine et dans toute l’Europe. C’est la raison pour laquelle je vous demande de soutenir cet amendement, ainsi que le sous-amendement, dont je suis l’un des signataires et qui est ainsi défendu.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission est favorable au sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement 1, tel que sous-amendé.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement, sous-amendé, a été adopté par la commission.

L’amendement 1 sous-amendé est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Je le retire.

LE PRÉSIDENT* – Personne ne souhaite le défendre ?

L’amendement 2 est retiré.

Je suis saisi de l’amendement 3, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Cet amendement doit être lu à la lumière du sous-amendement. Il s’agit de dire que les avocats doivent avoir la jouissance d’une immunité civile et pénale pour les déclarations pertinentes.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Thiéry pour défendre le sous-amendement.

M. THIÉRY (Belgique) – Monsieur le Président, vous me demandez de prendre la parole pour défendre un sous-amendement que ne n’ai pas déposé. J’imagine qu’il doit y avoir une erreur.

LE PRÉSIDENT* – Je suis désolé, mais votre nom figurait sur ce sous-amendement dans le compendium révisé.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Le sous-amendement, qui améliore le texte, est défendu.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Le sous-amendement a été adopté par la commission à une large majorité.

Le sous-amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement, ainsi sous-amendé, a également été adopté par la commission à une large majorité.

L’amendement 3 sous-amendé est adopté.

LE PRÉSIDENT* – J’ai cru comprendre que M. Logvynskyi souhaitait retirer l’amendement 4.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – En effet, Monsieur le Président, car la commission a émis à l’unanimité un vote négatif.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 4 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14453, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (33 voix pour, 4 voix contre et 0 abstention).

7. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 heures.

SOMMAIRE

1. Élection du Commissaire aux droits de l’homme (Second tour de scrutin – suite)

2. Discours de M. Rasmussen, Premier ministre du Danemark

Questions: M. Vareikis, Mme Strik, MM. Henriksen, Bildarratz, Crowe, Mmes Gambaro, Duranton, MM. Howell, Schwabe, De Bruyn, Søndergaard, Mmes Schou, Hoffmann, M. Zingeris, Mme De Sutter

3. L’intervention militaire turque en Syrie (Débat d’actualité)

Orateurs: M. Kox, Mme Pashayeva, M. Stroe, Mme Mikko, MM. Seyidov, Marukyan, Kürkçü, Mme De Sutter, MM. Türkes, Kiliç, Crowe, Mme Gafarova, MM. Miroğlu, Hunko, Özsoy, Mme Duranton, M. Önal, Mme Topcu

4. Élection du Commissaire aux droits de l’homme (Résultats du scrutin)

5. Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine

Présentation par M. Kox du rapport de la commission de suivi (Doc. 14465)

Orateurs: M. Schennach, Earl of Dundee, MM. Hunko, Link, Fournier, Mme Smith, MM. Šepić, Hajduković, Mmes Anttila, Putica, MM. Juratovic, Gouttefarde, Mme Krišto, Lord Foulkes, MM. Bosić, Xuclà, Lord Anderson, M. Stier, Mme Marković, M. Kvatchantiradze

Réponses de M. Kox, corapporteur et de Mme Mikko, vice-présidente de la commission de suivi

Vote sur un projet de résolution amendé

6. Pour une convention européenne sur la profession d’avocat

Présentation par Mme Lahaye-Battheu du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14453)

Orateurs: M. Corlăţean, Sir Edward Leigh, M. Marukyan, Mme Kerestecioğlu Demir, MM. Divina, Logvynskyi, Mme Beselia, M. Dişli

Réponses de Mme la rapporteure et de M. le président de la commission

Vote sur un projet de recommandation amendé

7. Prochaine séance publique

Appendix I / Annexe I

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ADAM, Claude [M.] (BRASSEUR, Anne [Mme])

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

AGRAMUNT, Pedro [M.]

AKTAY, Yasin [Mr]

AMON, Werner [Mr]

ANDERSON, Donald [Lord] (MASSEY, Doreen [Baroness])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BALFE, Richard [Lord] (ECCLES, Diana [Lady])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BECHT, Olivier [M.]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BESELIA, Eka [Ms] (PRUIDZE, Irina [Ms])

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BOSIĆ, Mladen [Mr]

BOUYX, Bertrand [M.] (MAIRE, Jacques [M.])

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BRUYN, Piet De [Mr]

BUSHATI, Ervin [Mr]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

CERİTOĞLU KURT, Lütfiye İlksen [Ms] (ŞAHİN USTA, Leyla [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

COURSON, Yolaine de [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

CROWE, Seán [Mr]

CRUCHTEN, Yves [M.]

DAEMS, Hendrik [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DİŞLİ, Şaban [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ]

DURANTON, Nicole [Mme]

EIDE, Petter [Mr] (EIDE, Espen Barth [Mr])

ENGIN, Didem [Ms] (BAYKAL, Deniz [Mr])

ESSL, Franz Leonhard [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

EVANS, Nigel [Mr]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FOULKES, George [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTOLIN, André [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GOGA, Pavol [M.] (KRESÁK, Peter [Mr])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRAF, Martin [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HALICKI, Andrzej [Mr]

HEBNER, Martin [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

HEER, Alfred [Mr]

HENRIKSEN, Martin [Mr]

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JENSEN, Gyde [Ms]

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

JURATOVIC, Josip [Mr] (SCHÄFER, Axel [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KAPUR, Mudassar [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

KARLSSON, Niklas [Mr]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr]

KYTÝR, Jaroslav [Mr]

LACROIX, Christophe [M.]

LAHAYE-BATTHEU, Sabien [Mme] (VERCAMER, Stefaan [M.])

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LINK, Michael [Mr] (KUHLE, Konstantin [Mr])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (DZHEMILIEV, Mustafa [Mr])

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])

LOUIS, Alexandra [Mme]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MAROSZ, Ján [Mr]

McCARTHY, Kerry [Ms]

MEHL, Emilie Enger [Ms]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MENDES, Ana Catarina [Mme]

MIKKO, Marianne [Ms]

MİROĞLU, Orhan [Mr]

MULLEN, Rónán [Mr] (HOPKINS, Maura [Ms])

MÜLLER, Thomas [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr])

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

NICOLAE, Andrei [Mr] (TUȘA, Adriana Diana [Ms])

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÖNAL, Suat [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O’REILLY, Joseph [Mr]

ÖZSOY, Hişyar [Mr] (KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms])

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PELKONEN, Jaana Maarit [Ms]

POCIEJ, Aleksander [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

PUTICA, Sanja [Ms]

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIGONI, Andrea [Mr]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

ŠEŠELJ, Aleksandar [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr]

SHEPPARD, Tommy [Mr] (BARDELL, Hannah [Ms])

SILVA, Adão [M.]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SØNDERGAARD, Søren [Mr]

STELLINI, David [Mr]

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

SUTTER, Petra De [Ms] (BLANCHART, Philippe [M.])

THIÉRY, Damien [M.]

THÓRARINSSON, Birgir [Mr] (ÓLASON, Bergþór [Mr])

TOPCU, Zühal [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TROY, Robert [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

ULLRICH, Volker [Mr]

VALLINI, André [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WASERMAN, Sylvain [M.]

WENAWESER, Christoph [Mr]

WHITFIELD, Martin [Mr] (GALE, Roger [Sir])

WILSON, Phil [Mr]

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

YAŞAR, Serap [Mme]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BÜCHEL, Roland Rino [Mr]

BULIGA, Valentina [Mme]

CORREIA, Telmo [M.]

CREASY, Stella [Ms]

JANIK, Grzegorz [Mr]

JØRGENSEN, Jan E. [Mr]

KELLEHER, Colette [Ms]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KERN, Claude [M.]

LANGBALLE, Christian [Mr]

LEŚNIAK, Józef [M.]

MAGAZINOVIĆ, Saša [Mr]

MARUKYAN, Edmon [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

RUSSELL, Simon [Lord]

UCA, Feleknas [Ms]

WIECHEL, Markus [Mr]

Observers / Observateurs

SANTANA GARCÍA, José de Jesús [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

AMRAOUI, Allal [M.]

BOUANOU, Abdellah [M.]

EL FILALI, Hassan [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

KHADER, Qais [Mr]

LABLAK, Aicha [Mme]

MUFLIH, Haya [Ms]

SABELLA, Bernard [Mr]

Appendix II / Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of the Council of Europe Commissioner for Human Rights / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection du/de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

AGRAMUNT, Pedro [M.]        A

AKTAY, Yasin [Mr]        B

BARDELL, Hannah [Ms] / SHEPPARD, Tommy [Mr]

BERNHARD, Marc [Mr] / OEHME, Ulrich [Mr]

BURES, Doris [Ms] / KASSEGGER, Axel [Mr]

BUSHATI, Ervin [Mr]        C

CATALFO, Nunzia [Ms] /SPADONI, Maria Edera [Ms]

CEPEDA, José [Mr]        C

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]        D

DONALDSON, Jeffrey [Sir] / BLENCATHRA, David [Lord]

DUMERY, Daphné [Ms] / DAEMS, Hendrik [Mr]

DUNDEE, Alexander [The Earl of]

EVANS, Nigel [Mr]        F

FARMANYAN, Samvel [Mr]        G

GILLAN, Cheryl [Dame]        G

GRAF, Martin [Mr]        G

GUZENINA, Maria [Ms]        H

HOPKINS, Maura [Ms] / MULLEN, Rónán [Mr]

JENSEN, Gyde [Ms]        J

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]        K

KESİCİ, İlhan [Mr]        K

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]        K

KRARUP, Marie [Ms]        K

KRESÁK, Peter [Mr] / GOGA, Pavol [M.]

KROSS, Eerik-Niiles [Mr] / AEG, Raivo [Mr]

KUHLE, Konstantin [Mr] / LINK, Michael [Mr]

KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr]        L

LIASHKO, Oleh [Mr] / VOVK, Viktor [Mr]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]        M

MALLIA, Emanuel [Mr]        M

MEHL, Emilie Enger [Ms]        M

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]        M

MIKKO, Marianne [Ms]        M

MİROĞLU, Orhan [Mr]        M

MÜLLER, Thomas [Mr]        N

NÉMETH, Zsolt [Mr]        Ó

ÓLASON, Bergþór [Mr] / THÓRARINSSON, Birgir [Mr]

ÖNAL, Suat [Mr]        O

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]        P

PACKALÉN, Tom [Mr] / LOUHELAINEN, Anne [Ms]

PREDA, Cezar Florin [M.]        R

RIGONI, Andrea [Mr]        S

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]        Š

ŠEŠELJ, Aleksandar [Mr]        S

SHEHU, Tritan [Mr]        S

STELLINI, David [Mr]        U

ULLRICH, Volker [Mr]        W

WASERMAN, Sylvain [M.]        W

WILSON, Phil [Mr]        W

WOLD, Morten [Mr] / KAPUR, Mudassar [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]