FR18CR09

AS (2018) CR 09

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la neuvième séance

Vendredi 26 janvier 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 05, sous la présidence de M. Ariev, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT* – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2018) 01 Addendum 6.

Ces propositions sont adoptées.

2. Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur « Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels », présenté par M. Ullrich au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 14443), ainsi que de l’avis présenté par M. Schennach au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 14487).

Je vous rappelle que le temps de parole des orateurs est aujourd’hui de 4 minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 10 h 50. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 10 h 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. ULLRICH (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues, nous examinons ce matin un rapport relatif à la situation juridique des agents des organisations internationales. Le sujet est très juridique mais la définition des conditions d’accès au droit revêt à nos yeux un intérêt fondamental.

Vous le savez, les organisations internationales – tout comme les États – jouissent d’une immunité qui rend difficile l’engagement de procédures à leur encontre devant les tribunaux des États où est installé leur siège. Ce principe d’immunité est juste et correspond à une longue tradition du droit international, mais il entraîne parfois des difficultés au regard des droits de leurs agents. Dans le domaine du droit du travail, ces agents ne peuvent faire valoir leurs droits ou résoudre un contentieux du travail devant un tribunal.

Bien entendu, certaines organisations internationales ont mis en place des mécanismes de résolution des conflits, des juridictions internes auxquelles les agents peuvent s’adresser, mais ces mécanismes de résolution des litiges internes n’ont souvent pas le même impact et n’offrent pas le même niveau de protection juridique que les tribunaux.

Dans ce contexte, et à la lumière de certains événements récents – je pense notamment à une affaire au sein de l’Office européen des brevets, à Munich, où beaucoup d’agents se sont plaints des possibilités limitées de faire valoir leurs droits –, le Conseil de l’Europe, par l’intermédiaire de notre commission des questions juridiques, s’est penché sur le renforcement de la protection des droits des agents des organisations internationales.

Le rapport indique clairement que les fonctionnaires et agents des organisations internationales doivent avoir un meilleur accès au droit, car celui-ci est ancré dans la Charte des droits de l’homme. Il ne s’agit pas de limiter l’immunité des organisations : nous voulons améliorer la situation de leurs agents.

Lors de l’élaboration de ce rapport, nous sommes entrés en contact avec la commission des questions sociales, qui nous a suggéré de ne pas nous pencher seulement sur les possibilités d’accès au tribunal mais d’examiner aussi la question du respect des droits sociaux. De fait, le droit des travailleurs est une des dimensions des droits fondamentaux des agents des organisations. Je suis très reconnaissant à mon collègue M. Schennach d’avoir fait cette suggestion.

Je tiens également à remercier l’ensemble du secrétariat de la commission des questions juridiques pour son aide précieuse dans la rédaction de ce rapport que je vous demande, chers collègues, de soutenir.

LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur Ullrich. Il vous restera un peu moins de 9 minutes pour répondre aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Mesdames et Messieurs, j’aimerais évoquer à mon tour l’Office européen des brevets, dont le siège est à Munich, car il est à l’origine de notre débat. En effet, au sein de cette institution, des incidents graves se sont produits du fait d’une restructuration : mises à la retraite anticipée, pressions sur le personnel, mobilité forcée – une personne s’est même suicidée.

Il s’agit ici de droits sociaux, donc de droits de l’homme. Comme M. Ullrich l’expliquait à juste titre, généralement, il n’existe aucune possibilité pour les agents des organisations internationales de se tourner vers les tribunaux nationaux et, trop souvent, les tribunaux administratifs dont se sont dotées ces organisations souffrent d’un manque de transparence et n’œuvrent pas dans le sens des droits des agents.

Ici, au Conseil de l’Europe, le tribunal administratif n’a qu’une seule instance, la première étant aussi la dernière instance, si je puis dire. Il faut bien comprendre ce que cela signifie. Habituellement, dans l’ordre juridique, quelles que soient les décisions prises, il y a toujours une instance supérieure devant laquelle il est possible d’introduire un appel. Eh bien, ce n’est pas le cas au Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, il existe une série de toutes petites organisations internationales. Le statut juridique de leurs agents n’est pas plus confortable que celui des grandes organisations – en tout cas, pas en cas de litige avec leur employeur. C’est la raison pour laquelle la commission des questions sociales a formulé la proposition que les petites organisations internationales puissent s’adresser à une autre organisation qui, elle, dispose d’un tribunal administratif, afin que leurs agents aient la possibilité de se tourner vers ces tribunaux. C’est déjà possible au sein du Conseil de l’Europe : les agents de certaines organisations internationales peuvent, en cas de conflit, s’adresser au tribunal administratif du Conseil de l’Europe pour faire juger leur affaire, le problème étant toutefois, comme je le disais précédemment, qu’il n’y a qu’une instance.

En outre, si les syndicats des agents du Conseil de l’Europe peuvent s’adresser au tribunal administratif, nous voulons que les comités d’entreprise aient également la possibilité de le faire, indépendamment d’eux.

Un autre point nous paraissait particulièrement important, et je suis sûr que vous comprendrez : dans le cadre du droit du travail, les juges d’un tribunal administratif n’appartiennent pas seulement à l’une des catégories en présence : il convient de veiller au respect d’une certaine parité. Or tel n’est pas le cas. J’ajouterai à cela un élément très important, qui rejoint le problème qui s’est produit à l’Office européen des brevets : les juges ne doivent pas être dans un lien de subordination par rapport à l’organisation ; ils doivent être indépendants, afin de pouvoir juger de manière totalement libre. Pour que les choses soient bien claires, nous avons établi le lien avec la Charte sociale européenne.

Les droits de l’homme s’appliquent donc pour les agents travaillant au sein des organisations internationales et bénéficiant à ce titre de l’immunité.

Je conclus en disant que la commission des questions sociales et la commission des questions juridiques ont voté ce texte et les sept amendements à l’unanimité. Le rapport a fait l’unanimité des deux commissions. Je vous invite donc à approuver le projet de résolution.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme ROJHAN GUSTAFSSON (Suède), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je commencerai par remercier M. Ullrich pour ce rapport très important. Pour les sociaux-démocrates, le droit à la sécurité des employés est une valeur absolument fondamentale. Ce rapport traite de cette question sous plusieurs angles.

À l’heure actuelle, l’immunité de juridiction des organisations internationales place ces dernières en dehors du droit du travail national. Cela signifie que le personnel des organisations internationales peut se voir priver du droit à une procédure équitable et transparente. J’insiste sur l’importance de la transparence, car il existe, de nos jours, des organisations ayant des tribunaux intérieurs qui traitent des litiges, mais ces juridictions n’offrent aucune garantie aux employés qu’ils auront accès à la procédure et qu’ils pourront vérifier la façon dont leur cas a été traité : ils ne peuvent pas savoir si le résultat est équitable.

La possibilité de travailler au sein d’une organisation internationale est une chance extraordinaire et les employés de ces organisations oublient un peu la question des droits des travailleurs. Cela accroît les risques pour ces employés qui sont particulièrement dépendants dans le cadre de leur relation avec l’organisation qui les emploie.

Ce rapport souligne le fait que l’immunité de juridiction ne saurait créer un espace extrajuridique et que les membres du personnel des organisations ont droit à des procédures transparentes et régulières. Nos organisations internationales sont des organismes importants, qui travaillent pour les droits de l’homme, pour promouvoir la démocratie et le bien-être des hommes et des femmes dans le monde entier. Ces organisations doivent se montrer à la pointe de la défense juridique de leurs employés.

M. van de VEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Mes chers collègues, j’ai lu avec grand intérêt le rapport de M. Ullrich, du Parti populaire européen, sur l’immunité de juridiction des organisations internationales et les droits des personnels. Au nom de mon groupe politique, je félicite M. Ullrich qui a rédigé un rapport équilibré mais reflétant la réalité.

Les organisations internationales sont créées par des États, elles sont des associations d’États et doivent se voir accorder un statut particulier s’agissant de l’exercice de la compétence juridictionnelle des États. L’indépendance d’une organisation internationale est un élément essentiel de son statut ; elle doit être garantie par toute une série de privilèges et d’immunités, en tant que de besoin, pour lui permettre d’atteindre les objectifs pour lesquels elle a été créée sans faire l’objet d’ingérences excessives.

Les besoins fonctionnels de l’organisation doivent être l’un des principaux critères appliqués pour déterminer l’étendue des privilèges et immunités qui lui sont accordés. De la même manière que les États qui se sont réunis pour fonder une organisation internationale sont égaux entre eux, ces États doivent être sur un pied d’égalité par rapport à l’organisation internationale dont ils sont membres. Cet ensemble de fait entraîne une conséquence, à savoir qu’une organisation internationale est une sorte de cage dorée : d’une part, l’organisation et son personnel devraient être protégés contre toute ingérence extérieure ; d’autre part, son immunité, qui fait d’elle une sorte d’État presque indépendant, pourrait entraîner des abus de la part de ses dirigeants, au détriment des personnels.

Les éléments de preuve qui ont été fournis par l’experte des Pays-Bas, Mme Zegveld, au cours de l’audition de décembre 2016 sur le cas du syndicat des personnels de l’Office européen des brevets, témoignent des abus qui peuvent se produire au sein d’organisations internationales. Les dirigeants de l’organisation doivent toujours respecter et reconnaître le personnel, même lorsqu’il y a un litige du travail. Sur la base de la réciprocité, dans le cadre d’un conflit du travail, l’État de droit s’applique aux organisations internationales exactement de la même manière qu’il s’applique pour un État.

Mes chers collègues, la question est de savoir s’il convient de lever l’immunité d’une organisation internationale en cas de litige du travail. Or notre groupe n’est pas convaincu, malgré la jurisprudence décrite dans le rapport M. Ullrich, qu’il conviendrait de lever l’immunité des organisations en cas de différends ou de conflits du travail.

Toute personne qui travaille dans une organisation internationale doit comprendre qu’elle pénètre dans une sorte de cage dorée. Cela dit, personne n’est obligé d’y travailler : c’est un choix personnel de signer un contrat avec ce type d’organisation. Si les conflits du travail y surgissent comme partout ailleurs, il est juste et légitime que la protection des membres du personnel s’exerce dans le cadre des privilèges et immunités dont jouissent les organisations internationales.

Certes, la protection des employés de ces organisations n’est pas équivalente à celle dont bénéficient les employés du secteur privé ou les fonctionnaires. Cependant, compte tenu de leur taille et de leur relation de dépendance avec des États, la marge de manœuvre des organisations internationales est faible. La qualité des relations de travail au sein de ces cages dorées dépend in fine de l’intégrité des personnels et des dirigeants.

Notre groupe propose de suivre de près les relations entre les organisations internationales et leurs employés. Tout en reconnaissant que les conflits du travail en leur sein ne peuvent pas tous être réglés de manière satisfaisante, nous n’approuvons pas la conclusion selon laquelle l’immunité de juridiction devrait être levée.

M. AKTAY (Turquie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Je remercie tout d’abord M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis pour leurs excellentes analyses.

Il ne fait pas de doute que l’efficacité d’une organisation dépend de la qualité de son personnel. Afin de pouvoir recruter et fidéliser des personnels compétents, les organisations internationales doivent pouvoir leur offrir un environnement de travail agréable. Si les conflits entre salariés et employeurs sont inévitables, il convient d’éviter que ces différends demeurent irrésolus et que les employés aient l’impression d’être dépourvus de protection.

Dans ce contexte, les propositions du rapporteur sur la transparence des organisations internationales, la protection juridique de leurs employés et la faculté pour ces derniers de faire juger leurs différends avec leur employeur et de bénéficier de la possibilité d’un second degré de juridiction, me paraissent très importantes.

Chers collègues, la crédibilité et de la légitimité des organisations internationales reposent sur leur objectivité et leur impartialité, qui ne peuvent être assurées que grâce à l’objectivité et à l’impartialité de leurs personnels. Toutes les organisations internationales devraient s’auto-évaluer sur ce point, mettre en place des mécanismes et prendre des mesures pour garantir l’impartialité et l’objectivité au sein de leurs institutions.

LE PRÉSIDENT* – M. Gutiérrez, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Aucun autre membre n’est inscrit ou ne souhaite s’exprimer.

J’appelle la réplique de la commission.

M. ULLRICH (Allemagne), rapporteur* – Je vous remercie, chers collègues, pour vos contributions au débat. Je constate que vous vous êtes penchés sérieusement sur le dossier.

Monsieur van de Ven, je comprends parfaitement que l’immunité juridictionnelle est indispensable au fonctionnement des organisations internationales, afin de les protéger des ingérences des États. Nous ne proposons en aucune façon de remettre en cause ce principe. Nous souhaitons, dans le cadre de l’immunité existante, améliorer la situation des agents et fonctionnaires de ces organisations. Le maintien de l’immunité juridictionnelle des organisations et l’amélioration de la situation juridique de leurs personnels ne sont pas incompatibles, bien au contraire : ces deux démarches sont complémentaires.

Si les projets de résolution et de recommandation sont adoptés, nous pourrons, dans un second temps, approfondir notre réflexion, interroger le Comité des Ministres afin de voir comment instaurer un mécanisme de résolution des litiges, avec possibilité d’appel, permettant d’assurer au personnel un niveau de protection juridique équivalent à celui des agents de droit commun ou, si cela n’est pas possible, comment prévoir un accès aux tribunaux nationaux pour les conflits du travail. Le but n’est pas d’attaquer l’immunité mais d’améliorer les droits des personnels, dans l’esprit de la Charte sociale européenne et de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Permettez-moi de mentionner un sujet qui pourrait concerner cette organisation d’ici peu. Les organisations internationales n’ont pas les mêmes pratiques et obligations que les employeurs de droit commun en ce qui concerne les préavis de licenciement. Dans nos pays, un préavis peut être contesté devant les tribunaux ; dans les organisations internationales, très souvent, un tel mécanisme n’existe pas.

Notre commission doit évoquer les droits accordés en cas de licenciement des employés des organisations internationales, car nous défendons ici les droits sociaux des salariés en général. Nous avons travaillé pour que les conventions internationales et la Charte sociale européenne garantissent des filets de sécurité en cas de perte d’emploi. Or ils n’existent pas dans les organisations internationales. Il est important que le Conseil de l’Europe, en sa qualité d’employeur, applique ces principes en son sein et que ses agents bénéficient d’un système de résolution des litiges, avec possibilité d’appel.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – La commission des questions juridiques a adopté ce rapport lors de sa réunion du mois d’octobre sur la base d’une motion qui proposait l’adoption d’une résolution sur l’immunité de juridiction des organisations internationales et sur les droits des personnels. Cette question peut paraître extrêmement technique et ne concerner qu’un petit groupe de fonctionnaires internationaux. En réalité, elle soulève plusieurs questions intéressantes au regard des droits de l’homme.

Ainsi, le rapport de M. Ullrich montre bien que les fonctionnaires internationaux ont des droits très limités en matière d’accès à un tribunal administratif. Leur protection est réduite en cas de conflit du travail, en particulier lors de harcèlements et de discriminations sur le lieu de travail. C’est pourquoi j’appuie sans réserve ce rapport, au nom de la commission. Il contient une analyse détaillée de ce sujet très spécifique.

Je remercie notre rapporteur, M. Ullrich, ainsi que le secrétariat de la commission des questions juridiques. Je remercie également la commission des questions sociales pour les amendements importants qu’elle a proposés et que nous avons adoptés à l’unanimité.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel 5 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel 2 amendements ont été déposés.

Nous examinons tout d’abord le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 1, 2, 3, 4 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT*– Y a-t-il une objection ?

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Je n’étais malheureusement pas présent hier lors de la réunion de la commission, ce qui m’a empêché d’exprimer certaines réserves à l’égard des amendements 2, 3, 4 et 5 et de l’amendement 6, qui porte sur le projet de recommandation.

LE PRÉSIDENT*– Il y a une objection. La demande du président de la commission est donc rejetée.

Tous les amendements seront discutés selon les modalités habituelles. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Cet amendement s’explique de lui-même : il s’agit simplement de mentionner la Charte sociale européenne. Je ne vois pas ce que l’on peut lui objecter. Du reste, il a été adopté à l’unanimité par les deux commissions.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a effectivement adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT*– Je suis saisi de l’amendement 2.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – De nombreuses organisations internationales sont trop petites pour disposer de leur propre tribunal administratif. Ce n’est pas parce qu’elles sont petites que la protection des employés y est meilleure. Nous avons donc pensé qu’elles devraient pouvoir se tourner vers des organisations de taille plus importante pour recourir à leurs tribunaux. À Strasbourg, plusieurs organisations utilisent le tribunal administratif du Conseil de l’Europe. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par les deux commissions.

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Les petites organisations internationales sont sur un pied d’égalité avec les États et les autres organisations. Les tribunaux d’autres organisations internationales devraient se déclarer incompétents pour traiter de leurs conflits du travail, en termes absolus comme en termes relatifs.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Comme le rappelait M. Schennach, la commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Nous proposons d’ajouter quelques mots au paragraphe 6.2 du projet de résolution afin de préciser que les syndicats ne doivent pas être les seuls à pouvoir saisir les tribunaux administratifs : il faut que les comités du personnel et les associations du personnel aient également cette possibilité. N’oublions pas qu’il s’agit ici de défendre les droits des employés des organisations.

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Les comités du personnel et les associations du personnel ne sont pas des organes des organisations internationales. Ce sont de petites structures qui ne devraient pas être autorisées à saisir les tribunaux administratifs.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Cet amendement découle de l’amendement 2. Comme je l’ai déjà dit, les petites organisations internationales ne disposent pas de tribunaux administratifs. Elles sont pourtant elles aussi exposées à des conflits du travail. Nous invitons donc les petites organisations à se tourner vers les organisations de taille plus importante pour recourir à leurs tribunaux administratifs.

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Je redis à mon tour que les petites organisations internationales sont sur un pied d’égalité avec les États et les autres organisations internationales. Par conséquent, le tribunal administratif d’une autre organisation devrait se déclarer incompétent pour traiter de leurs litiges professionnels, que ce soit en termes absolus ou en termes relatifs.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Je l’ai dit dans mon intervention : en la matière, le meilleur tribunal du monde ne peut fonctionner si une seule des parties au conflit a la possibilité de désigner les juges. Dans tous les tribunaux nationaux et internationaux, les deux parties sont représentées. Nous souhaitons, par cet amendement, formuler explicitement le droit des travailleurs à désigner une partie des membres du tribunal.

Encore une fois, Monsieur le Président, je rappelle que tous ces amendements ont été adoptés à l’unanimité par les deux commissions.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission est naturellement favorable à cet amendement.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14443, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (30 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous examinons maintenant le projet de recommandation.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques proposait de considérer les amendements 6 et 7, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Y a-t-il une objection ?

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Pour les mêmes raisons qui ont motivé mon intervention sur les amendements 2 et 4, à savoir la nécessité de préserver l’indépendance des organisations internationales à l’égard des États et d’autres organisations, je souhaite que l’amendement 6 soit examiné.

LE PRÉSIDENT* – Il y a une objection. La demande du président de la commission est donc rejetée.

Tous les amendements seront discutés selon les modalités habituelles. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 6.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Par cet amendement, nous rappelons que le tribunal administratif du Conseil de l’Europe ne permet pas, actuellement, aux syndicats de défendre les travailleurs. Or nous souhaitons qu’un syndicat puisse saisir le tribunal. Par ailleurs, nous souhaitons que le tribunal administratif du Conseil de l’Europe soit complété par une juridiction d’appel.

Je rappelle que cet amendement a été adopté à l’unanimité par les deux commissions.

M. van de VEN (Pays-Bas)* – Je m’oppose à cet amendement. Le principe de l’immunité des organisations doit être défendu. Cette immunité ne saurait être levée pour des cas individuels ou des différends du travail – différends qui doivent être réglés en interne, sur la base de l’intégrité de l’exécutif.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur pour avis* – Que l’on puisse contester cet amendement me laisse un peu perplexe, car il s’agit de faire référence aux droits sociaux.

En cas de litige au sein d’une organisation internationale, nous souhaitons qu’il y ait plusieurs options, et non pas uniquement celle de mettre un terme au contrat de travail de l’employé.

Par ailleurs, je rappelle une nouvelle fois que cet amendement, de même que les autres, a été adopté à l’unanimité par les deux commissions.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission est naturellement favorable à cet amendement.

L’amendement 7 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14443, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (34 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT* – Je remercie les rapporteurs et les commissions de leur bon travail.

3. Renforcer la réglementation internationale
interdisant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Vusal Huseynov, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, intitulé « Renforcer la réglementation internationale interdisant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort » (Doc. 14454).

Je vous rappelle que le temps de parole des orateurs est de 4 minutes.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 11 h 45. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 30, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. Vusal HUSEYNOV (Azerbaïdjan), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – C’est un plaisir et un honneur pour moi de vous présenter mon rapport sur le renforcement de la réglementation internationale interdisant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort. Le sujet peut paraître quelque peu technique, mais il ne faut pas sous-estimer ses implications en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements. Je vous encourage donc à aborder cette question sous un angle pratique.

L’interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants est inscrite dans tous les documents internationaux, notamment la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte internationale des droits de l’homme des Nations Unies et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies.

Cette interdiction est formulée de telle manière que les États sont également obligés de prendre des mesures destinées à prévenir l’apparition d’actes de torture dans les pays tiers. Les autorités des États membres du Conseil de l’Europe ont donc l’obligation juridique de prévenir tout acte de torture dans ces pays. Abolir la peine de mort et prévenir la torture dans les pays tiers n’est peut-être pas simple, mais nous pourrions empêcher que les outils servant à la torture y soient vendus. Nous ne voulons pas que ceux qui commettent les actes les plus graves le fassent avec des équipements vendus en Europe ou par des sociétés européennes.

La communauté internationale, depuis le début du xxie siècle, a beaucoup œuvré pour l’abolition de la peine de mort et l’interdiction de la torture. Les Nations Unies, en particulier, ont été très actives ; leur commission des droits de l’homme et les différents rapporteurs spéciaux ont permis des progrès significatifs. L’Union européenne a adopté, en 2005, un règlement considéré comme le document le plus avancé en la matière. Il classe les produits en différentes catégories, établissant une distinction entre ceux qui sont interdits – car ils n’ont pas d’autre but que d’appliquer la peine de mort ou de commettre des actes de torture – et ceux qui sont autorisés pour une utilisation limitée et légitime par les forces de sécurité, toute autre destination exigeant une autorisation spécifique.

La définition des échanges concerne l’importation, l’exportation, les intermédiaires, l’assistance technique, etc. Ce règlement exige des États membres qu’ils mettent en place des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pour toute violation des règles édictées. Les autorités compétentes ont l’obligation d’informer les États membres, la Commission, etc.

L’Union européenne ne s’est pas limitée à son territoire et a voulu porter la question au niveau international. En début d’année, avec l’Argentine et la Mongolie, elle a établi une alliance internationale pour mettre fin à l’échange de produits servant à la peine de mort ou à la torture. Ils ont adopté une déclaration politique invitant les États à agir sur le plan règlementaire. La plupart des États membres du Conseil de l’Europe se sont déjà associés à cette alliance et ont signé la déclaration politique.

En dépit de ce cadre international et de nombreuses initiatives, des préoccupations graves persistent ; des cas de torture sont attestés au sein même de nos États membres. L’Omega Research Foundation, basée au Royaume-Uni, et Amnesty International montrent que les échanges de ces produits continuent dans certains pays européens. La liste des exemples qui figure dans l’exposé des motifs du rapport est inquiétante, et cela d’autant plus que certains d’entre eux sont très récents.

Nous avons soumis un questionnaire aux États membres. Le but de la motion à l’origine de ce rapport était de mener des investigations et de faire un état des lieux. L’analyse montre qu’il faut développer des mesures dans certains États membres qui n’ont que des informations limitées en la matière et ont indiqué qu’aucune société sur leur territoire ne se livrait à de tels échanges commerciaux, alors que les sociétés en question participent à des foires commerciales. Une activité commerciale dans ce domaine a donc bien lieu dans nos États membres, alors que les produits visés sont explicitement interdits au regard de l’annexe du règlement de l’Union européenne.

Mon rapport a pour but de relancer les efforts dans ce domaine et de formuler des recommandations pour les différentes parties prenantes, à savoir l’Union européenne, les États membres et le Comité des Ministres, d’encourager des mesures pour renforcer l’efficacité du système, et de lancer un appel à l’Union européenne, même si cette dernière est un précurseur en la matière – un système est toujours perfectible. Il faudra mettre à jour l’annexe qui liste ces produits régulés et la réexaminer régulièrement. Nous devons encourager les États membres qui ne l’ont pas encore fait à publier leur rapport annuel, à consulter la société civile, à promouvoir l’alliance internationale que j’évoquais et à coopérer avec le Conseil de l’Europe.

Nous en appelons aussi aux États membres, car il n’y a aucune raison pour qu’ils n’adoptent pas des systèmes réglementaires compatibles avec celui de l’Union européenne. En termes juridiques et administratifs, cela n’a rien de révolutionnaire et n’est pas difficile à mettre en œuvre. Tous les États membres du Conseil de l’Europe sont soumis aux mêmes obligations fondamentales, et beaucoup ont déjà un système similaire en place. Même si la plupart d’entre eux sont aussi membres de l’Union européenne et, à ce titre, déjà couverts par les règlements de l’Union, notre appel représente une valeur ajoutée.

Les normes réglementaires les plus pertinentes qui s’appliquent aux États membres du Conseil de l’Europe n’ont pas de caractère contraignant. Certains produits ne peuvent être utilisés sans autorisation, mais le détournement de certains autres n’est pas pris en compte. Nous devons améliorer les réglementations nationales. L’harmonisation des législations permet aussi de renforcer l’efficacité du système par un échange d’informations. Tous les États membres doivent appliquer des normes générales.

L’Assemblée devrait soutenir l’alliance internationale et recommander au Comité des Ministres que le Conseil de l’Europe, qui a toujours été un précurseur de l’interdiction de la peine de mort, s’y associe. L’interdiction de la torture et l’abolition de la peine de mort sont au cœur des préoccupations du Conseil de l’Europe. Nous pouvons être fiers de nos accomplissements, mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers : nous devons faire plus. Mon rapport montre la voie, et j’espère que tous les membres de l’Assemblée y seront favorables.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 5 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – La Convention européenne des droits de l’homme interdit la peine de mort, la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. On ne peut en aucun cas déroger à cette interdiction. Le Protocole no 6 à la Convention, qui a été ratifié par pratiquement tous les États membres du Conseil de l’Europe, abolit la peine de mort. Le Conseil de l’Europe doit être un modèle et renforcer sa position dans ce domaine.

Le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort est illégal, et ne saurait être toléré. Contrairement aux principes et engagements de notre Organisation, ces biens sont encore produits et commercialisés dans certains États membres du Conseil de l’Europe. Le règlement européen interdisant le commerce de ces biens doit être plus strictement appliqué. L’Assemblée et les États membres ne peuvent pas permettre à des sociétés opérant sur leur territoire d’être impliquées dans le commerce de ces biens. Toute impunité en la matière aurait des conséquences tragiques, pour nous et pour l’ensemble de l’humanité.

Nous pouvons certes adopter des dispositions législatives en la matière, mais cela ne suffit pas : nous devons renforcer les mécanismes de mise en œuvre du règlement.

Les États membres doivent agir de bonne foi en la matière ; et l’Assemblée devrait, quant à elle, assumer plus de responsabilités et ne pas se contenter d’adopter une recommandation.

Cependant, je ne sous-estime pas l’importance du travail qui a été mené et de cette recommandation : je suis tout à fait favorable à la mise en place d’une Alliance mondiale contre le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort. Je me réjouis donc du projet de recommandation. C’est une étape importante sur la voie de l’interdiction de cette pratique.

Mme Trisse, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Ariev au fauteuil présidentiel.

M. MULLEN (Irlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Nous abordons ici une question fondamentale, qui relève de la dignité de l’être humain. Nous aimons penser que nous habitons une partie du monde où la torture, la peine de mort et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, appartiennent au passé. Il est indéniable que des progrès ont été réalisés avec la ratification quasi universelle de la Convention européenne des droits de l’homme et de ses protocoles nos 6 et 13, qui abolissent la peine de mort en temps de paix et en toutes circonstances. Seuls quelques pays – la Fédération de Russie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan – ont encore des progrès à faire pour ratifier ces protocoles.

Mais il ne s’agit pas seulement de ce qu’il se passe dans notre partie du monde : comme le montre clairement le rapport, ce sont des structures globales qui entraînent des pays – qui n’autorisent pourtant pas eux-mêmes ces pratiques cruelles, inhumaines et dégradantes – à devenir complices de ces pratiques. Par manque de réglementation ou de vigilance, ils permettent ainsi à d’autres pays de commettre ces atrocités sur les êtres humains.

Nous avons la chance de bénéficier d’une référence très claire sur ce sujet, le Règlement du Conseil de l’Union européenne de 2005, et de voir la création une Alliance mondiale pour mettre fin au commerce de biens utilisés pour torture et la peine de mort.

La recommandation dont nous débattons ce matin appelle les États membres à prendre des mesures efficaces et à éviter, dans leurs pays, toute activité qui pourrait encourager ou faciliter ces agissements – peine de mort, torture, traitements inhumains ou dégradants – dans d’autres pays. En combattant ces structures globales, le rapport nous aide à mettre en place des critères précis et des directives claires, vertueuses, pour assurer que nos pays ne se retrouvent pas complices de ces actes. À la lecture du rapport de M. Huseynov, j’ai cependant découvert des choses qui ne devraient pas exister, que nous ne devrions même pas imaginer : les « poucettes », vendues par des sociétés françaises et allemandes, les entraves lestées, commercialisées par des sociétés allemandes et tchèques, les dispositifs à décharge électrique destinés à être portés sur le corps, les lits-cages, les matraques à décharge électrique, ou encore les agents chimiques irritants, vendus dans un grand nombre d’États membres du Conseil de l’Europe. Que dire de ces dispositifs acoustiques conçus pour chauffer ou brûler la peau humaine, vendus par une entreprise finlandaise ?

J’ai été ébahi de lire dans le rapport qu’il est possible, en France, d’exposer et de vendre lors d’un salon des entraves lestées fabriquées en Chine, ou des menottes conçues en Allemagne ; j’ai été effaré de lire qu’il est possible de commander à distance un traitement par électrochocs, dont le vendeur fait la publicité avec le slogan « Jamais vous ne verrez une personne qui s’évade s’arrêter si vite ! ». Comment peut-on se considérer comme des personnes civilisées lorsque l’on est associé, de quelque manière que ce soit, à la commercialisation de ce type de dispositifs ?

Nous savons tous que le monde dans lequel nous vivons n’est pas parfait, que les efforts que nous menons ne peuvent pas éliminer ces actions déplorables. Mais il est essentiel de ne jamais baisser les bras dans ce combat, et c’est pourquoi mon groupe est très reconnaissant à M. Huseynov pour ce rapport.

M. CILEVIČS (Lettonie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je voudrais à mon tour féliciter M. Huseynov pour cet important rapport. L’abolition de la peine de mort et l’interdiction de la torture sont des obligations clés de la Convention européenne des droits de l’homme, et les principaux préalables à l’adhésion au Conseil de l’Europe. Nous discutons d’ailleurs beaucoup de ces deux points avec les États observateurs.

L’article 3 de la Convention définit un droit rare, car il est absolu et ne souffre aucune dérogation : l’interdiction faite à tous les États de pratiquer la torture, ou de soumettre une personne relevant de sa juridiction à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. Au-delà de la Convention, nous avons également un organe spécifique, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. (CPT).

Le problème recouvre des aspects d’ordre moral, juridique et pratique. D’un point de vue moral et juridique, on va bien au-delà des obligations négatives de ne pas torturer et de ne pas mettre à mort. Mais il faut faire plus : les États membres doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir les cas de torture et la peine de mort, y compris dans les pays tiers. D’un point de vue pratique, la question est loin d’être simple : n’importe quoi peut être utilisé pour torturer ou exécuter, comme nous l’a tristement prouvé Guantanamo. Des éléments comme l’eau, la musique ou la lumière peuvent ainsi devenir des instruments de torture.

Beaucoup de travaux ont été menés pour clarifier ces questions, des dispositions ont été adoptées par l’Union européenne, des normes ont été établies. L’Alliance mondiale contre le commerce de la torture, qui a déjà été mentionnée, est devenue la prochaine grande étape dans ce combat. Malheureusement, le Conseil de l’Europe a pris du retard dans ce domaine, alors même que ce problème relève pleinement de sa compétence, bien plus que du mandat de l’Union européenne.

Le rapport de M. Huseynov apporte une clarification utile des notions et des approches ; il est assorti de propositions pratiques et de lignes directrices, qui seront très utiles pour les gouvernements, les entreprises privées et les organisations non gouvernementales (ONG) qui souhaitent lutter contre le commerce de ces biens sans trop savoir comment s’y prendre en pratique.

Au nom de mon groupe, je soutiens le rapport et le projet de recommandation. J’espère que le Comité des Ministres rattrapera le retard qui a été pris et acceptera notre recommandation pour agir immédiatement et résolument.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je crois que, dans ce débat, nous ne pouvons tous qu’être d’accord ! Je félicite chaleureusement le rapporteur pour son excellent rapport. J’espère qu’il n’est pas trop déçu que si peu de monde soit présent dans l’hémicycle ce matin : la qualité est de toute façon plus importante que la quantité, et toutes les personnes ici appuient, je crois, les conclusions de M. Huseynov.

C’est un rapport important : le Conseil de l’Europe est bien entendu fermement opposé à la peine de mort, et il doit résolument défendre sa position contre la peine capitale, alors même que nous observons un retour des débats autour de cette question avec le développement de nouveaux partis politiques – et pas seulement des partis de droite –, un peu partout en Europe.

Pour notre part, nous devons défendre fermement notre opposition à la torture et à la peine capitale. Je souscris d’ailleurs à la proposition du rapport consistant à l’étendre à tous les traitements inhumains et dégradants, dont le rapport fournit des exemples édifiants. J’ai été particulièrement satisfait de constater que la pression que nous exerçons en vue de la réduction du commerce des instruments utilisés pour la peine de mort a parfois constitué une sanction pour les États où celle-ci est encore en vigueur, notamment les États-Unis. Si nous parvenons à exercer une telle pression sur d’autres pays, ce sera une excellente chose. Nous devons être très vigilants afin de bien identifier les biens susceptibles de faire l’objet d’un double usage, ce à quoi le rapport contribue grandement.

Certains estiment néanmoins que nous devrions en rabattre sur ce point en raison du terrorisme qui caractérise notre époque. Pour ma part, j’estime que nous devons relever le défi du terrorisme sans sacrifier notre dignité ni notre humanité que nous chérissons tant, car nous risquons d’y perdre davantage. Le rapport insiste tout particulièrement sur la formation des membres des forces de l’ordre, ce qui me semble une excellente chose. Il peut en effet leur arriver de s’affranchir de la préservation de la dignité humaine qu’il nous importe de défendre.

D’ores et déjà, le Comité des Ministres agit sur ce point. Le rapport l’encourage à continuer de promouvoir l’Alliance mondiale visant à mettre fin au commerce de biens utilisés pour infliger la peine capitale et la torture, ce qui me semble particulièrement judicieux. L’Argentine et la Mongolie, notamment, l’ont rejointe, ce qui est un bon début. Poursuivons son développement afin qu’elle constitue à l’échelle mondiale un véritable instrument de lutte contre la peine capitale et la torture. À cette fin, nous devons tous soutenir sans réserve les initiatives du Comité des Ministres en la matière.

Mme BRUIJN-WEZEMAN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – J’ai déjà eu l’occasion de féliciter notre rapporteur, M. Vusal Huseynov, de son excellent travail, et réitère mes félicitations au sein de l’hémicycle. Il est atroce d’imaginer que des gens conçoivent des dispositifs dont le seul objet est de torturer d’autres êtres humains. Je ne parviens pas à comprendre – comme sans doute la plupart des personnes sensées – que l’on puisse concevoir, fabriquer et vendre de tels produits. Si nous prenons au sérieux les droits de l’homme ainsi que la protection de l’intégrité et de la sécurité du corps humain, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre la fabrication et le commerce de ce type de dispositif.

L’interdiction absolue de la torture comme des traitements inhumains et dégradants constitue une norme irréfragable du droit international. Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont désormais aboli la peine de mort, qui constitue un traitement inhumain et dégradant. En outre, son effet dissuasif n’est nullement démontré et elle rend les erreurs judiciaires irréversibles.

Les États membres du Conseil de l’Europe doivent prendre, à l’échelle nationale, des mesures efficaces visant à proscrire toute activité susceptible de contribuer à la mise en œuvre de la peine capitale, de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Il devrait en résulter l’élaboration d’une réglementation efficace en matière de commerce des biens utilisés pour la torture et la peine capitale. En dépit de nombreux signes encourageants, beaucoup reste à faire afin d’en compliquer l’acquisition.

Le projet de recommandation invite donc les six États membres du Conseil de l’Europe précédemment évoqués qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à l’Alliance mondiale visant à mettre fin au commerce de biens utilisés pour infliger la peine capitale et la torture, dont les quarante et un autres États membres du Conseil de l’Europe sont déjà membres. Par ailleurs, le rapport invite le Comité des Ministres à exhorter les États membres du Conseil de l’Europe à élaborer – s’ils ne l’ont pas déjà fait – une législation encadrant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort.

En vue de la bonne exécution de ces mesures, le rapport leur recommande clairement de se conformer au Règlement du Conseil de l’Union européenne en vigueur, qui constitue à l’heure actuelle le meilleur code de conduite en la matière. Il exhorte par ailleurs l’Union européenne à encourager les États membres qui ne l’auraient pas encore fait à publier des rapports annuels sur les progrès de leurs réglementations respectives, comme l’exige le Règlement du Conseil de l’Union européenne, afin de leur conférer une transparence accrue. Les membres du groupe ADLE soutiennent l’ambition dont procède le rapport. Nous formons l’espoir qu’il permettra de faire progresser la prévention de la torture et de la peine de mort.

M. Petter EIDE (Norvège), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est choquant et perturbant de savoir que de tels biens sont encore vendus en Europe. J’ai participé hier à une réunion au cours de laquelle nous avons vu des photos de ces objets visant à faire souffrir ou à humilier des gens, élaborés par des médecins et des ingénieurs. J’en suis ressorti profondément choqué et perturbé.

La torture fait l’objet d’une ferme interdiction à l’échelle internationale. Des voix s’élèvent néanmoins – à tort, selon moi – affirmant que la lutte contre le terrorisme impose de revenir sur cette interdiction. Or cet argument constitue l’une des raisons pour lesquelles le marché des biens utilisés pour la torture et la peine de mort se porte plutôt bien. Néanmoins, la lutte contre la peine de mort a abouti à certains résultats. Le nombre de condamnations à mort et d’exécution diminue, même si des exceptions demeurent.

En dépit de vigoureuses interdictions, notamment par l’Union européenne, ce marché existe pourtant. Il y a quelques mois, des membres d’Amnesty International ont ainsi découvert que de tels produits étaient vendus à l’occasion d’un salon parisien, où l’on peut acheter des instruments de terreur dont l’objet est de faire souffrir des individus, de les placer sous contrainte et de leur arracher des informations. Il ne s’agissait pas d’un marché noir, illégal et dissimulé, mais d’un marché officiel destiné aux membres des forces de l’ordre et des forces armées françaises. Il est tout à fait choquant de constater que de tels marchés existent encore.

Une action législative ferme est nécessaire, mais il va de soi qu’elle ne saurait empêcher à elle seule la peine de mort ni les actes de torture. Il n’en est pas moins important d’agir en matière législative. En tant que socialiste et défenseur des droits de l’homme, j’estime qu’il est inacceptable que des individus s’enrichissent par la vente d’instruments de torture. Les pays européens doivent appliquer des réglementations strictes sur ce point et convaincre les autres de leur bien-fondé. Par ailleurs, la torture à laquelle se livrent certains membres des forces de l’ordre, de l’administration pénitentiaire et des forces armées constitue un problème majeur en Europe.

Ce commerce envoie à l’opinion publique le message que la torture serait une pratique acceptable, alors qu’il faut dire clairement le contraire. Le projet de recommandation appelle tous les États membres à adopter des règlements et législations en ce sens. C’est un signal important à l’adresse de certains pays européens.

Lutter contre la torture et la peine de mort est la pierre angulaire de la défense des droits de l’homme. Mettre fin à ce commerce est une impérieuse nécessité.

M. REICHARDT (France) – Je félicite d’autant plus notre collègue M. Vusal Huseynov pour cet excellent rapport qu’en tant que français, je me suis senti particulièrement concerné par l’existence, dans mon pays, du salon professionnel spécialisé dont il a fait état dans son rapport.

Les États membres de notre Organisation ont aboli la peine de mort en temps de paix ou institué un moratoire. De même, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme précise, comme cela a été dit, que nul ne peut être soumis à la torture. Cela montre l’attachement de nos sociétés au respect de la personne humaine qui ne peut être soumise à des traitements inhumains. Ces prises de positions témoignent également d’une certaine conception de la justice : elle n’est pas la vengeance et elle peut se tromper.

C’est au nom de valeurs universelles que nous avons décidé en Europe d’abolir la peine de mort et la torture, valeurs universelles auxquelles la France est très attachée – je le précise au cas où certains en douteraient à la lecture du rapport.

S’il ne s’agit pas de faire de l’ingérence dans les affaires d’États souverains, nous pouvons limiter le recours à la peine de mort et à la torture en interdisant le commerce des biens utilisés à cet effet. Le Règlement du Conseil de l’Union européenne no1236/2005 et ses annexes posent les bases d’une législation qui pourra être adaptée au sein de chaque État membre. Les législations restreignant le commerce de biens utilisés pour la peine de mort ont démontré leur efficacité. En effet, elles entravent la capacité de certains États à mettre à exécution cette peine. Il faut poursuivre en ce sens.

Certains diront : si ce n’est pas nous qui produisons ces biens, d’autres le feront. Peut-être ? Mais en attendant, nous défendons nos valeurs, car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’Alliance mondiale lancée avec le soutien de l’Union européenne permet de sensibiliser les États du monde entier à cette problématique. Sa déclaration politique qui condamne le commerce de biens utilisés pour la peine de mort ou la torture a déjà été adoptée par 58 États, dont certains d’Asie et d’Amérique du Sud. Il faut poursuivre ce travail de sensibilisation. De plus, les législations restreignant le commerce de biens utilisés pour la peine de mort entravent la capacité de certains États à mettre à exécution cette peine.

Toutefois, ces déclarations et règlements n’auront un impact que s’ils sont vraiment mis en œuvre par les États membres. En effet, le rapport qui nous est aujourd’hui présenté montre que cela n’est pas vraiment le cas, y compris au sein de l’Union européenne, à l’exemple de mon pays. Il est de notre rôle, en tant que parlementaires, d’œuvrer pour que des dispositions législatives nationales interdisent la production et le commerce de biens utilisés pour la torture et la peine de mort. Il nous revient également de contrôler l’action de nos gouvernements en la matière pour nous assurer que la recommandation qui nous est proposée ici soit mise en œuvre.

Mme McCARTHY (Royaume-Uni)* – Je me réjouis du projet de recommandation figurant dans le rapport. J’approuve tout ce qui est mentionné au sujet du commerce des biens utilisés pour la torture, la peine de mort ou des traitements inhumains ou dégradants. Normalement, les États membres du Conseil de l’Europe s’engagent à ne pas appliquer la peine de mort, mais beaucoup de sociétés y pratiquent encore ce commerce. Il est donc bien que le rapport appelle l’attention sur ce sujet.

Amnesty International et la Fondation de recherche Oméga ont identifié, en République tchèque, une entreprise qui commercialise des instruments administrant des chocs électriques, des bombes de gaz poivrés et des matraques. Cette société forme du personnel de sécurité, des membres des forces de sécurité et de police et leur apprend à positionner des prisonniers les pieds et les mains liés, technique que le CPT recommande de ne pas utiliser. Le site internet de la société présente des démonstrations avec des forces de police dans des pays comme la République démocratique du Congo, la Chine et le Togo. Nous ne permettrions pas cela dans nos pays. Si on le fait dans des pays qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe, il faut y remédier.

En Italie aussi, Amnesty International a relevé l’utilisation répétée de matraques électriques par la police sur des réfugiés et des migrants pour les obliger à donner leurs empreintes digitales dans des commissariats. Même des enfants ont été soumis à ce traitement.

L’Alliance mondiale contre le commerce de ces biens établie par l’Argentine, l’Union européenne et la Mongolie en septembre dernier est une évolution dont nous nous réjouissons. Elle vise non seulement à contrôler et à réduire l’exportation de ce type de biens, mais aussi à contrôler toutes les filières commerciales et à échanger des informations. Tous les pays membres du Conseil de l’Europe ne sont pas encore membres de l’Alliance et ils devraient y adhérer rapidement.

L’Union européenne a ouvert la voie avec des mesures contraignantes pour contrôler les exportations par ses États membres de certains produits pharmaceutiques à double usage : un usage médical légitime et une utilisation pour des injections létales. Ce fut aussi le cas avec des sociétés britanniques, mais un terme a été mis à ces pratiques.

En outre, l’initiative de l’Union européenne dite « Tout sauf les armes » vise à supprimer les barrières douanières pour les biens en provenance des pays les moins avancés, à l’exception des armes. L’Union européenne est leader en la matière. J’espère qu’après la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, nous garderons ces pratiques exemplaires.

Nous pouvons être fiers des efforts consentis par le Conseil de l’Europe, mais il faut faire encore bien plus en Europe et partout dans le monde pour débarrasser le monde du commerce de ces biens. Je soutiendrai le rapport.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. Vusal HUSEYNOV (Azerbaïdjan), rapporteur* – Je remercie mes collègues de leurs interventions. Leur soutien montre que nous sommes tous sur la même ligne et que nous partageons le désir d’agir.

J’aimerais pouvoir dire qu’aucun des produits en question n’est plus vendu dans le monde. Mais pour avoir également participé hier aux réunions en marge de l’assemblée auxquelles il a été fait allusion, nous savons que ces produits et ces technologies sont utilisés. Il serait irréaliste d’imaginer pouvoir les faire disparaître du jour au lendemain. En revanche, les préconisations du rapport sont, elles, réalistes.

Depuis 2005, treize années se sont écoulées et nous parlons toujours de ces phénomènes inquiétants. Il faut veiller à la mise en œuvre de ce texte au niveau national, à l’harmonisation des législations, à la formation, à l’éducation et à la sensibilisation.

Pour conclure, je remercie les organisations de la société civile de leur contribution, ainsi que les membres du secrétariat, et je vous invite à soutenir ce rapport.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* - Je tiens tout d’abord à remercier M. Vusal Huseynov ainsi que le secrétariat de la commission pour ce rapport et pour l’engagement dont il leur a fallu faire preuve.

Le débat l’a montré, nous sommes tous d’accord pour lutter contre la torture et la peine de mort. J’espère que tous les États associés au Conseil de l’Europe nous appuieront.

Il est important d’empêcher que, par des voies détournées, les produits en question soient commercialisés pour être utilisés dans des pays tiers. Je sais que, dans la pratique, il arrive trop régulièrement que ces produits soient commercialisés et utilisés. Les préconisations du rapport permettront de progresser en la matière.

Il serait donc bon que nous ayons un vote clair et net, sans appel, en faveur de ce rapport.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14454.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 38 votants.

4. Débat libre

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle le débat libre prévu par l’article 39 de notre Règlement.

Je rappelle que ces sujets d’intervention ne doivent pas être au nombre de ceux figurant à l’ordre du jour de la présente partie de session.

Je vais inviter les orateurs inscrits à s’exprimer sur le sujet de leur choix dans la limite de 4 minutes. Dans un souci de clarté du débat, je demanderai à chaque orateur de commencer en mentionnant le sujet sur lequel il souhaite s’exprimer.

Je vous rappelle que je devrai interrompre la liste des orateurs vers 12 h 50.

Nous commençons par entendre les porte-paroles des groupes.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Madame la Présidente, permettez-moi de dire au nom de mon groupe que nous souhaiterions que soit examinée la possibilité de ramener le débat libre au début de la partie de session, le lundi, car nous pensons qu’il est important que les membres de l’Assemblée aient la possibilité de soulever les questions qui les préoccupent en début de semaine. Je sais que notre voix sera entendue et en remercie par avance le secrétariat. Je comprends aussi les difficultés particulières pour appliquer cela cette semaine.

La question que j’aimerais évoquer dans ce débat libre est celle des inégalités flagrantes auxquelles sont confrontées les personnes souffrant d’autisme et leurs familles. Les travaux de recherche révèlent qu’une personne sur cent est touchée par l’autisme. Cela signifie qu’environ 5 millions de personnes au sein de l’Union européenne et près de 75 millions de personnes dans le monde sont concernées par cette question.

Malheureusement, même dans les pays les plus avancés, les personnes souffrant d’autisme ont à faire face à de multiples obstacles, en matière d’éducation, d’emploi, d’accès aux soins de santé et aux services publics, et ce de manière quotidienne. Ils courent davantage de risques de mourir de toute une série de problèmes de santé physique et mentale.

En 2016, une étude réalisée en Suède concluait que les personnes autistes meurent des décennies avant le reste de la population. Le même mois, une étude danoise cette fois démontrait que les personnes autistes risquaient, deux fois plus que les autres personnes, de connaître un décès prématuré.

Un diagnostic précoce peut aider à bénéficier de services appropriés. Mais il faut souvent des années pour avoir un diagnostic, et les dommages, la discrimination contre la personne autiste et sa famille se seront déjà produits. Le fait de ne pas avoir un diagnostic précoce peut conduire à des problèmes de santé mentale, d’exclusion de l’éducation, à des problèmes d’isolement, de criminalité et à un nombre de problèmes sans fin pour les familles qui cherchent, comme les autres parents, à soutenir leurs enfants.

Au Royaume-Uni, j’ai encouragé le parlement à légiférer sur le sujet à la Chambre des Communes et, avec l’aide d’un collègue socialiste de la Chambre des Lords, nous avons soumis une motion transpartisane. Je suis heureuse de dire que, cette année, pour la première fois, dans la formation des enseignants, un module est consacré à l’autisme. Donc, nous essayons de diffuser ces connaissances.

J’aimerais que l’Assemblée parlementaire soit au premier rang pour inciter les États membres et montrer qu’elle réagit à ce problème et au mouvement social croissant autour de la neuro-diversité. Il s’agit d’encourager les gouvernements et les entreprises à reconnaître les avantages que présente le fait d’inclure les personnes autistes, de ne surtout pas les exclure de la société.

Puisque je pensais m’exprimer sur ce sujet au début de la semaine, j’ai présenté une motion contenue dans le Doc. 14489, intitulé « Le traitement réservé aux personnes atteintes d’autisme et à leurs familles », visant à encourager l’Assemblée parlementaire à enquêter sur les attitudes et les préjugés et à préparer une résolution qui aiderait les États membres à renforcer le soutien aux personnes autistes et à leurs familles.

Le nouveau président du Comité des Ministres, le ministre des Affaires étrangères du Danemark, lorsque j’ai évoqué la question devant lui, a indiqué que le handicap serait l’une de ses priorités. C’est donc une occasion à ne pas manquer pour faire en sorte que notre Assemblée agisse en la matière, car l’autisme est un handicap caché et les personnes qui sont touchées souffrent de discriminations.

Je pense que nous pourrions faire beaucoup pour éliminer les idées reçues et les préjugés à l’encontre des personnes souffrant d’autisme et pour venir en aide à leurs familles et les aider à avoir accès aux services publics et à la justice. J’espère que l’Assemblée prendra en compte ma contribution.

Mme ŞUPAC (République de Moldova), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Chers collègues, je tiens à vous informer de la situation en République de Moldova.

Aujourd’hui, toutes les institutions étatiques de République de Moldova sont contrôlées par le Parti démocrate au pouvoir et son leader Vladimir Plahotniuc. Parmi ces institutions, citons le Bureau du procureur général, le Centre national anticorruption, la commission électorale centrale et la Cour constitutionnelle.

Le parlement est également contrôlé par le Parti démocrate, même si ce dernier n’a remporté aux dernières élections que 19 sièges sur 101. Au cours des trois dernières années, 38 parlementaires ont quitté leur parti pour rejoindre le parti au pouvoir. Pouvez-vous me citer un seul autre État où le nombre de parlementaires touristes – qui passent d’un parti à l’autre – atteint un tiers du nombre total de parlementaires ? Lors des élections locales, les représentants du Parti démocrate ont été élus maires dans 287 communes. Aujourd’hui, au moins 600 maires sont membres du parti au pouvoir.

Quel est donc le secret qui rend ce parti si attrayant pour les parlementaires et les élus locaux ? La recette est simple : l’argent, les pressions et l’intimidation. Une véritable chasse a été ouverte contre ceux qui tentent de résister. Les affaires récentes les plus connues sont la procédure pénale contre les maires de Taraclia et Basarabeasca, et contre le président du district de Dubăsari. Il y a déjà plusieurs exemples d’élus locaux et de militants de l’opposition qui ont demandé l’asile politique dans des pays membres de l’Union européenne. La semaine dernière, les conseillers locaux de Balti, la deuxième plus grande ville de mon pays, ont même entamé une grève de la faim pour protester contre les pressions exercées par le gouvernement sur eux.

À la fin de cette année, des élections législatives devraient avoir lieu en République de Moldova. Mais les Démocrates n’ont que faire de la Commission de Venise et ont modifié le système électoral à la proportionnelle pour en faire un système mixte. Après tout, ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent espérer garder le contrôle sur le prochain parlement.

À la fin de l’année 2017, la société civile de la République de Moldova a proposé l’organisation d’un référendum législatif en vue de remettre en cause le système électoral mixte. Les partis politiques d’opposition, de droite comme de gauche, ont soutenu ce projet. Mais il y a quelques semaines, la commission électorale centrale, qui est l’une de ces institutions phagocytées, a bloqué cette initiative, à l’image de la Cour constitutionnelle qui rend des décisions imposées par le parti au pouvoir. En octobre dernier, le porte-parole du parti communiste, M. Vladimir Voronin, a appelé l’attention des organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe, sur le manque d’indépendance de la Cour. Depuis 2011, la Cour a rendu au moins douze décisions qui violent manifestement le Constitution de la République de Moldova qu’elle est censée protéger.

Que faut-il de plus au Conseil de l’Europe pour faire preuve de fermeté et condamner publiquement les méthodes autoritaires des membres du Parti démocrate? Une consultation devrait être lancée parmi tous les groupes politiques de notre Assemblée afin de voter une résolution sur notre pays. Il est temps de reconnaître officiellement que la République de Moldova est un État captif et de travailler sur les moyens de la ramener vers la démocratie.

M. AKTAY (Turquie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – J’aimerais évoquer la situation en Égypte, sept ans après la révolution du 25 janvier 2011.

Il y a sept ans, le monde arabe fut traversé par un grand mouvement social, porté par toutes les couches de la société, exprimant la liberté, la démocratie et la fierté. Le nom de « printemps arabe » lui a été donné.

En Europe, nous devons défendre ces valeurs et nos principes de primauté de l’Etat de droit et de la démocratie. En Égypte, nous devons dénoncer l’incarcération de l’ancien président Mohammed Morsi, du président de l’Assemblée du peuple, le docteur Katatny et de dizaines de parlementaires et de ministres, de milliers de militants de toutes couleurs politiques. Durant les dernières semaines en Égypte, le régime du général al-Sissi a exécuté 21 jeunes hommes après des procès expéditifs, 10 autres se trouvent dans le couloir de la mort. Le régime égyptien est impliqué dans le meurtre du journaliste italien Giulio Regeni et dans l’incarcération de nombreux journalistes européens. Les organisations de défense des droits de l’homme ont dû cesser leurs activités et le régime a fait voter une loi qui interdit quasiment les organisations non gouvernementales.

Au Moyen-Orient, les partis politiques islamistes appartiennent à la communauté politique. Notre intérêt est de parler avec tous les partis en défendant ainsi nos valeurs plutôt que notre idéologie, car le « printemps arabe » reprendra et tous les partis devront dialoguer les uns avec les autres, et dépasser leurs différences.

Un régime qui a tué plus de 800 manifestants pacifiques et qui en maintient des dizaines en prison, faute de soins, doit être dénoncé.

Je vous livre une information récente : l’ancien chef d’état-major des armées, Sami Annan, qui avait annoncé mardi dernier sa candidature contre le putschiste Abdel Fattah al-Sissi, a été arrêté 4 jours après. Les autres candidats ont dû tous abandonner leurs candidatures.

Chers collègues, il y a précisément sept ans, le « printemps arabe » s’est répandu dans la région faisant naître le rêve de la démocratie et de l’égalité. Aujourd’hui, plus que jamais, l’Europe doit montrer sa solidarité avec la jeunesse et ses rêves. Nos intérêts seront toujours mieux servis par un régime démocratique que par un régime fasciste issu des armes et non des votes.

Nous devrions toujours être solidaires de ceux qui ne veulent rien d’autre que la démocratie, la liberté et une vie honorable et particulièrement du peuple égyptien qui ne s’est jamais laissé aller à la violence pour se défendre contre les attaques brutales du gouvernement actuel né d’un coup d’État.

M. MULLEN (Irlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen * – Je voudrais évoquer la situation d’Andrew Brunson, citoyen américain, pasteur originaire de Caroline du Nord, détenu en Turquie après avoir été accusé, sans preuve, d’espionnage politique et militaire et d’avoir tenté de renverser le gouvernement.

Tous les États membres s’accorderont sur le fait qu’une personne accusée d’un crime aussi grave a droit à un procès équitable et rapide et devrait pouvoir accéder à son dossier. La réalité est tout autre. Le Président Erdoğan a déclaré que M. Brunson serait libéré lorsque Fethullah Gülen serait remis à la Turquie. L’idée qu’il puisse ainsi être détenu sur la base d’accusations montées de toutes pièces, sans accès à son dossier, afin de servir de monnaie d’échange, dépasse l’entendement.

Pendant 23 ans, Andrew Brunson a vécu pacifiquement en Turquie avec sa femme et ses trois enfants qui sont allés à l’école turque. Pendant toutes ces années, il fut pasteur de l’église de la Résurrection dans la région d’Izmir. Comme chef de sa congrégation, il était connu et respecté dans son église et dans les autres communautés chrétiennes. La famille Brunson a montré qu’elle aimait la Turquie et la société turque.

Il est resté à l’écart de toute activité politique. Comme l’explique son avocat, il considérait qu’entretenir des relations politiques ou financières avec le gouvernement aurait nui à son apostolat.

Il a donc été stupéfiant que, le 7 octobre 2016, il se soit vu convoqué dans un commissariat. Il a pensé qu’il s’agissait d’un problème administratif, du renouvellement de son visa et s’est immédiatement rendu à la convocation. Là, il fut informé qu’un ordre de déportation avait été lancé contre lui et qu’il était soudainement devenu une menace pour la sécurité nationale.

À partir de ce jour, il a été détenu au centre d’Harmandali, sans pouvoir rencontrer son avocat avant le 9 décembre 2016, date à laquelle il fut transféré en pleine nuit dans le quartier de haute sécurité de la prison d’Izmir. Il fut alors informé qu’il était détenu en qualité de suspect, bien que les preuves n’aient pas été réunies contre lui, pour, lui a-t-on dit, appartenance présumée à une organisation terroriste. Les recours juridiques engagés n’ont pas abouti sans que jamais un élément de preuve ait été apporté à l’appui des accusations lancées contre lui. Son avocat n’a jamais pu consulter son dossier.

Depuis 400 jours, il est détenu arbitrairement sans motif dans une prison turque, ses droits bafoués, dans un État membre du Conseil de l’Europe signataire de la convention européenne des droits de l’homme.

Tout cela s’insère dans une situation plus générale de violation de la légalité internationale : le commissaire des droits de l’homme Thomas Hammarberg a souligné la durée excessive des détentions en Turquie.

Plus effrayant encore, le Président Erdoğan a déclaré en public qu’il exigeait l’échange entre le pasteur Brunson et Fethullah Gülen.

Nous appelons la Turquie à respecter les droits de l’homme et à libérer ce pasteur. Et nous appelons les États membres à faire pression sur la Turquie en ce sens.

Mme ENGIN (Turquie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Mon intervention portera sur la Marche pour la justice que nous avons effectuée l’année dernière en Turquie et sur les relations entre la Turquie et l’Union européenne.

Depuis de nombreuses années, les relations entre la Turquie et l’Union européenne font l’objet d’un jeu malhonnête. Le Président Macron s’est récemment exprimé pour dénoncer l’hypocrisie qui règne à ce sujet. Son opinion est partagée par de nombreux dirigeants de l’Union européenne bien qu’ils ne l’expriment pas ouvertement. Cette situation est fort regrettable car la Turquie a fait de considérables efforts depuis 59 ans.

Naturellement, plus les relations de la Turquie et de l’Union européenne se refroidissent, plus les citoyens européens sont défavorables à l’adhésion de la Turquie à l’Union. De même, le peuple turc ne montre plus autant d’intérêt pour l’adhésion à l’Union européenne, car il a perdu confiance en celle-ci. Or le rejet de la Turquie par l’Europe pourrait entraîner une rupture totale des relations, qui ne serait à l’avantage ni de l’Europe, ni de la Turquie, ni du Moyen Orient, ni de la paix mondiale. La Turquie et l’Union européenne sont complémentaires dans de nombreux domaines. Leurs stabilités sont étroitement liées. J’en appelle donc à tous les leaders européens, depuis l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, afin qu’ils prennent de toute urgence l’initiative de soutenir et d’encourager l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Mon parti, le Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition, soutient fortement l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et croit aux bénéfices majeurs que cette adhésion apportera à la Turquie et à l’Europe. Le fondateur de notre parti, Mustafa Kemal Atatürk, a fondé la République turque en 1923 et mis en place de nombreuses réformes afin d’intégrer la Turquie au monde démocratique contemporain. Or, en 2018, notre pays est dirigé avec des décrets - lois d’urgence et nous assistons à une régression dans de nombreux domaines, tels que le processus de démocratisation, les libertés fondamentales et l’affaiblissement considérable de l’État de droit.

C’est la raison pour laquelle nous avons effectué en 2017 une Marche pour la justice de 432 kilomètres, sans précédent, avec le leader de notre parti, ainsi qu’un grand rassemblement à Istanbul avec la participation de millions de citoyens. Ce rassemblement gigantesque montre à quel point est fort le désir de justice dans notre société.

En tant que CHP, nous sommes déterminés à poursuivre avec persévérance notre lutte pour la défense des libertés fondamentales dans notre pays, le respect des droits de l’homme, la démocratisation fondée sur le principe de séparation des pouvoirs, et l’État de droit laïc et social.

Mme JANSSON (Suède)* – J’aimerais à mon tour parler de la situation en Turquie. En mai 2016, afin d’influencer le résultat des élections et de faire taire les voix critiques du Parti démocratique des peuples (HDP), le Parlement turc a approuvé la levée de l’immunité de 138 députés de l’opposition, soit un acte inacceptable. Depuis novembre 2016, 13 élus du HDP sont emprisonnés, parmi lesquels le leader et le vice-président du parti.

Au début du mois de décembre, j’ai fait partie d’un groupe de parlementaires de différents pays européens qui se sont rendus en Turquie à l’invitation du HDP. L’objectif était de nous permettre d’assister à un procès, mais celui-ci a été déplacé du tribunal à une prison à l’extérieur d’Ankara. Malgré le fait que le groupe a été accrédité selon le règlement de la cour, notre groupe n’a pas été autorisé à assister à ce procès. Aucune ONG n’a pu le faire. Dans un autre procès, même l’inculpé n’a pas pu paraître devant la cour. Les journalistes n’ont pas eu le droit de nous interviewer et, parce que nous étions l’objet de menaces, nous avons dû quitter la région.

Venant de Suède, il m’est difficile d’imaginer ce que cela signifie, pour des élus, des journalistes, des juristes et des défenseurs des droits de l’homme, de se réveiller le matin en se demandant s’ils vont être les prochains à être arrêtés au seul motif qu’ils défendent les droits de l’homme, la liberté d’expression et la démocratie. Déjà, 11 défenseurs des droits de l’homme, parmi lesquels le directeur d’Amnesty International en Turquie, ont été arrêtés et envoyés en prison. La situation des journalistes est effrayante. Récemment, cinq d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison ferme. Aujourd’hui, plus de 150 journalistes sont emprisonnés. Quel chiffre !

La Turquie, comme tous les États membres du Conseil de l’Europe, doit permettre aux médias et aux journalistes de critiquer, de s’exprimer librement et de garantir à tous les citoyens, y compris les minorités, la protection de leurs droits. Nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité pour la Turquie de retrouver le chemin de la démocratie. Ce pays est bien plus que son leader actuel.

M. FARMANYAN (Arménie)* – Mes chers collègues, au mois de février prochain, nous allons célébrer le 30anniversaire du Mouvement du Karabakh, un mouvement démocratique et pacifique sans précédent qui a réuni des millions d’Arméniens aux marches méridionales de l’empire des soviets. Parallèlement aux mouvements d’indépendance dans les États baltes, au mouvement Solidarité en Pologne et à d’autres révoltes démocratiques dans des pays de l’Europe de l’Est, le Mouvement du Karabakh a mis en question les fondements mêmes de l’Union soviétique, contribuant ainsi à sa dissolution finale et pacifique à la fin de 1991.

À la veille de cet anniversaire historique, je pense qu’il serait utile non seulement pour les historiens, mais aussi pour les responsables politiques, de réfléchir à ce qui s’est passé à l’époque, à la consolidation démocratique intervenue dans les médias et dans les institutions politiques internationales à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Il est important de connaître l’histoire, pas seulement pour réunir l’ensemble des faits lorsque l’on essaie de trouver une solution globale à un problème, mais aussi pour comprendre quel était l’air du temps à l’époque, dans le monde et en Europe. C’est d’autant plus important à la lumière des tentatives inutiles de l’Azerbaïdjan de falsifier l’Histoire à grande échelle et de réécrire son propre passé, dans le cadre d’un processus de construction nationale qui repose sur un socle de haine à l’égard de l’Arménie. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, si des mensonges sont proférés ici à Strasbourg, alors la voix de la vérité doit être encore plus forte.

Dans sa Résolution du 12 janvier 1989, le Parlement européen a parlé du Haut-Karabakh comme une région qui « a été arbitrairement donnée à l’Azerbaïdjan par Staline ». Dans une autre résolution de la même année, il avait conclu : « Le conflit qui se déroule actuellement découle, pour une large part, de la division du territoire imposée par Lénine et en particulier de l’intégration forcée du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan en 1923. »

Dans une résolution datée du 10 novembre 1994, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé l’Azerbaïdjan « à mettre un terme immédiatement au blocus de l’Arménie ». Dans une décision du 24 octobre 1992, la Chambre des représentants des États-Unis a conclu que « Les États-Unis ne sauraient fournir une assistance à l’Azerbaïdjan aussi longtemps que le gouvernement de ce pays ne prendra pas des mesures claires mettant un terme à tout blocus et à tout autre recours à la force contre l’Arménie et le Haut-Karabakh ».

Des centaines d’autres résolutions et déclarations ont été adoptées par différentes organisations internationales et parlements nationaux. Des appels ont été lancés par des intellectuels de renom, par des dirigeants de mouvements démocratiques dans toute l’Europe, et des milliers de publications ont été diffusées dans des médias du monde entier ; tout cela a reflété la sympathie et l’appui du monde démocratique à l’égard de ce mouvement, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, soutenant la volonté de la population du Haut-Karabakh de jouir de la liberté et de l’indépendance.

Nous sommes reconnaissants au monde démocratique de maintenir cet appui aujourd’hui, malgré le cauchemar antidémocratique et l’obscurantisme croissant que connaît ce pays.

LA PRÉSIDENTE – M. Stevanović, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. MAKHMUDYAN (Arménie)* – Au cours de la précédente partie de session de l’Assemblée parlementaire, je me suis exprimé sur le génocide commis en 2014 contre le peuple yézidi dans le nord de l’Irak par les terroristes appartenant au groupe État islamique. Il est grand temps de passer des paroles aux actes pour faire cesser les violences, les décapitations, les enterrements de personnes vivantes, etc. Prononcer de beaux discours ne sert à rien si nous ne pouvons pas mettre la main sur les coupables.

Lors de cette même réunion, M. Omtzigt, notre collègue des Pays-Bas, a proposé dans un rapport, la mise en place d’un tribunal provisoire pour traduire les auteurs de ces crimes en justice. C’est une façon d’agir, effectivement, et j’appelle tous mes collègues à appuyer cette proposition. L’Arménie, elle, a pris des mesures, et trois mois après mon intervention devant l’Assemblée parlementaire, toutes les forces politiques du Parlement arménien ont adopté à l’unanimité la déclaration condamnant le génocide commis en Irak en 2014 contre le peuple yézidi par des terroristes. Dans cette déclaration, un appel a été lancé pour mettre en œuvre les moyens juridiques nécessaires afin de juger les auteurs de ces crimes. Avec cette déclaration, nous proposons également de traduire en justice les coupables. Au moment où nous célébrons les 70 ans de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, cela est indispensable. Je pense que les États doivent condamner le génocide commis contre les Yézidis et parvenir à identifier les responsables. C’est le moyen de prévenir les crimes contre l’humanité qui menacent tant de peuples.

M. Seyidov, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Trisse au fauteuil présidentiel.

M. BATRINCEA (République de Moldova)* – Je me félicite de l’adoption par l’Assemblée parlementaire, cette semaine, de la résolution sur la défense des langues régionales et minoritaires. C’est la seule norme qui permet de garantir et de défendre les intérêts de tous les citoyens du continent européen, indépendamment de leur nationalité et de leur langue.

Malheureusement, la République de Moldova n’a pas ratifié la convention-cadre sur les langues régionales, ce qui a créé certaines tensions. Les affirmations des autorités moldaves ont un caractère populiste, purement déclaratif ; dans la réalité, la défense de ces valeurs en République de Moldova est inexistante.

Au cours des 20 dernières années, quatre rapporteurs du Conseil de l’Europe et des Nations Unies et un grand nombre d’experts ont indiqué que la convention-cadre sur la défense des minorités nationales n’était pas respectée dans mon pays. Les citoyens rencontrent beaucoup de difficultés dans leurs relations avec les autorités. La résolution que nous avons adoptée cette semaine affirme que les minorités nationales doivent être représentées dans tous les organes du pouvoir ; or, en République de Moldova, le gouvernement ne compte aucun ministre représentant une minorité nationale.

La République de Moldova est un petit pays. Un million de citoyens s’identifient comme appartenant à des groupes minoritaires ou nationaux. Certaines personnes ont un problème d’accès à la justice – l’OSCE l’a constaté –, les instances judiciaires ne prévoyant pas la possibilité de s’exprimer dans une autre langue que la langue de l’État. Des citoyens connaissent de grandes difficultés en matière d’accès à l’éducation, alors que la résolution dit que l’État doit mettre à disposition les moyens budgétaires et accorder le droit à un véritable bilinguisme, notamment dans l’éducation. Or on ne trouve, dans le Code de l’éducation de la République de Moldova, qu’une seule langue : la langue de l’État. Même le russe, qui est parlé par un million de personnes, est considéré comme une langue étrangère.

Ainsi, la République de Moldova viole un grand nombre de ses obligations internationales. Il s’agit là d’une politique délibérée des autorités. Nous en arrivons à la situation absurde suivante : au parlement, la majorité adopte des projets de loi qui limitent l’accès à l’information des citoyens ! Elle vote des lois qui interdissent certains programmes d’information et notamment la télévision russe. Il s’agit là d’une censure de l’État, au XXIe siècle, sous le regard des organisations internationales.

Le Conseil de l’Europe, dont la vocation est de faire respecter la prééminence du droit et les normes démocratiques, quelle que soit la situation politique, doit réagir et faire en sorte que la République de Moldova, en tant qu’État membre, respecte ses obligations internationales. Il ne saurait y avoir ici une politique deux poids deux mesures. L’Assemblée parlementaire adopte des textes utiles, importants visant à assurer le respect du droit et de l’État de droit. Mais malheureusement, des intérêts géopolitiques forcent un gouvernement national à violer délibérément des dispositions constitutionnelles et des dispositions relevant du droit international.

Je m’adresserai au nouveau Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. J’ai ici une pétition, qui a été signée par 17 ONG qui défendent les droits des minorités en République de Moldova, et qui demande que l’on s’occupe ce problème. À la prochaine session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous proposerons un projet de résolution sur la défense des langues minoritaires.

M. ŠEŠELJ (Serbie)* – Mon intervention porte sur la situation en Serbie. Cela fait bientôt dix ans que le soi-disant Kosovo a déclaré son indépendance, même si cette déclaration était illégale, au regard du droit serbe et du droit international. Pourtant, elle a été soutenue par l’Union européenne et par les institutions européennes, y compris ce Conseil. L’indépendance du Kosovo a été accueillie à bras ouverts, dans toutes ces institutions. Dix ans après, nous voyons les conséquences. Ce Kosovo n’est qu’une organisation de gangsters et de criminels de guerre. Dans ce soi-disant Kosovo, l’activité économique principale est la traite d’êtres humains et le trafic d’organes, prélevés sur des Serbes et des Albanais.

L’Union européenne a donc assisté à la création d’un État totalement terroriste en Europe. Aujourd’hui, les commissaires de l’Union européenne disent haut et fort aux représentants de la République serbe qu’elle doit accepter l’indépendance du Kosovo, pour espérer devenir un État membre de l’Union européenne. Voilà la position officielle de l’Union et de toutes les institutions européennes. Je suis fier de vous dire que le peuple serbe ne veut pas de l’adhésion à l’Union européenne, et, qui plus est, que la République serbe n’acceptera jamais l’indépendance de ce soi-disant État du Kosovo.

Mme MEHL (Norvège)* – Je suis une nouvelle membre de l’Assemblée. Je suis étonnée de constater que la participation des membres aux débats décline progressivement tout au long de la semaine. Voyez la participation ce matin. Le résultat en est que notre Assemblée adopte des résolutions, des recommandations et des rapports qui parfois ne sont soutenus que par quelques voix, même si ces documents sont adoptés à l’unanimité des présents.

Hier, lors de l’adoption de la Résolution intitulée « Protéger les enfants touchés par des conflits armés », au cours de la séance de l’après-midi, nous étions 41 membres présents. Nous aurions été plus nombreux si chaque État membre avait été représenté par un seul parlementaire. Dans ce scrutin, seuls 17 États membres étaient représentés : 30 États membres n’étaient pas présents et ne se sont donc pas exprimés.

L’une des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe est de promouvoir la démocratie, et l’Assemblée parlementaire est un organe démocratique. Nous nous rassemblons ici en tant que représentants de nos pays respectifs, au nom de nos parlements nationaux et de nos citoyens, pour discuter et adopter des déclarations communes. Mais je me suis posé la question suivante cette semaine : « Est-ce une vraie représentation, une représentation équitable ? » Cette pratique sape la légitimité et la crédibilité des textes adoptés par l’Assemblée. Elle réduit aussi la portée du débat. Si 30 États membres ne sont pas représentés lors de la discussion et du vote sur un texte, nous pouvons dire que la diversité n’est pas respectée, que nous nous privons de points de vue importants. Dans certains cas, l’Assemblée appelle des États membres à prendre des mesures internes au pays, ou des mesures diplomatiques ; or, je me demande dans quelle mesure les membres du Conseil de l’Europe ressentent l’obligation d’agir et de suivre ces recommandations s’ils n’ont même pas participé au vote ou à la discussion.

Je trouve curieux que nous ne soyons pas dotés d’un système imposant un quorum ou la représentation équitable des pays et des groupes politiques lors des débats et des votes. L’absence de ce système, ou, s’il existe, le fait que l’on ne l’utilise pas, est préoccupant. De nombreuses raisons peuvent expliquer l’absence de certains représentants, raisons sans doute aussi nombreuses que les absents eux-mêmes. Je n’ai pas la réponse.

Cela étant dit, je pense que ces questions sont importantes, il faut les poser. Il faut réfléchir à la possibilité d’introduire des réformes ou des changements, pour faire en sorte que le Conseil ait davantage de légitimité et de crédibilité en raison de son travail et des textes qu’il adopte.

LE PRÉSIDENT* – M. Kürkçü, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Je regrette les fausses informations diffusées ici par la délégation arménienne. Nous allons commémorer dans un mois le génocide de Khodjaly commis par l’Arménie le 26 février 1992. Les responsables n’ont pas été traduits en justice.

La Résolution 1416 de l’Assemblée parlementaire demande le retrait des forces arméniennes du territoire occupé d’Azerbaïdjan, mais les représentants arméniens l’ont ignorée. L’Assemblée parlementaire n’a pas beaucoup protesté. Deux jeunes Azerbaïdjanais ont tenté d’empêcher une provocation des forces arméniennes, et ils sont morts. Les formes armées arméniennes ont assassiné des enfants, des douzaines de civils, ont détruit leurs maisons. Si cette résolution avait été mise en œuvre, beaucoup de civils, dont ces deux jeunes, ne seraient pas morts.

Malheureusement, plutôt que de faire pression sur l’Arménie pour qu’elle remplisse ses obligations, l’Assemblée parlementaire a invité le Président de ce pays dans cet hémicycle. Son discours était plein de mensonges, et nous le condamnons. Le Président de l’Arménie accepte l’occupation du territoire de l’Azerbaïdjan. Depuis des années, il refuse de mettre en œuvre les textes de notre Assemblée et des Nations Unies, qui demandent le retrait des forces arméniennes des territoires occupés, notamment pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux. L’Assemblée n’a pas demandé à un leader d’un pays occupant de se retirer des territoires occupés. Un million de réfugiés azerbaïdjanais ne peuvent rentrer chez eux.

Nous en appelons à l’Assemblée pour quelle n’applique pas une politique des « deux poids, deux mesures ». Elle doit respecter ces propres résolutions et prendre des mesures contre l’Arménie pour qu’elle respecte la Résolution 1416. Un million de réfugiés et de personnes déplacées attendent cela de vous. L’Arménie ignore les demandes du Conseil de l’Europe, et refuse de libérer les détenus et les otages. Exigeons cette libération, l’Arménie doit respecter leurs droits.

Nous en appelons aux membres de l’Assemblée pour faire des déclarations à la veille de l’anniversaire de ce génocide, et condamner les terribles crimes commis. Ensemble, nous devons traduire en justice ceux qui en sont responsables.

Chers amis, il y a quelques jours, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie ont inauguré la ligne ferroviaire Bakou-Tbilissi-Kars, qui permet de connecter l’Europe à l’Asie. C’est un projet important, pour nous comme pour l’Europe.

La tension créée par l’occupation de territoires azerbaïdjanais par l’Arménie représente une menace non seulement pour nos intérêts, mais également pour ceux de l’Europe tout entière. L’Assemblée devrait donc jouer un rôle plus actif lorsqu’il s’agit de résoudre cette question.

M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Président, je dois malheureusement souligner que les dirigeants arméniens et notre ami M. Farmanyan déforment la vérité historique. Le Haut-Karabakh est ma petite patrie, et la petite ville dans laquelle je suis né et j’ai grandi et est aujourd’hui occupée. Cela fait plus de 25 ans que je n’ai pas pu m’y rendre en raison de l’occupation des forces arméniennes.

Dans de telles conditions, parler du mouvement arménien dans le Haut-Karabakh comme d’un mouvement démocratique est impossible. Le nettoyage ethnique dont nous avons été victimes a été commis par un bataillon de forces armées russes qui se trouvait, à ce moment-là, dans la région – un ancien ministre arménien de la défense, a d’ailleurs dirigé cette base militaire. Après tout cela, dire que la démocratie au Haut-Karabakh doit être saluée par le Conseil de l’Europe n’est vraiment pas sérieux.

Cela est notre histoire, c’est ce que nous avons vécu et nous n’avons pas le droit de l’oublier. Mais l’important est la façon dont nous voyons l’avenir. En tant que membre du Comité directeur pour le Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, je cherche depuis longtemps des voies pour renouer le dialogue entre les communautés arménienne et azerbaïdjanaise de la région. Nous pensons que ce dialogue est le seul moyen qui permettra, au niveau politique, de donner au peuple ce que nous avons l’obligation de lui offrir : la relance des pourparlers de paix dans le cadre de l’Accord de Minsk. Je vous lance à nouveau cet appel : soutenez notre initiative de dialogue !

Nous avons le devoir d’instaurer ce dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, entre les Arméniens et les Azerbaïdjanais du Haut-Karabakh. Je pense que Samuel Farmanyan pourrait se joindre à moi, afin que nous donnions à nos populations respectives la possibilité de restaurer la confiance perdue. Une telle coopération serait une contribution positive de cette maison strasbourgeoise où nous recherchons la justice, la stabilité, la paix et la démocratie. Les dirigeants de nos pays ont l’obligation de se préoccuper du peuple, des « petites gens » qui ne sont pas responsables des choix politiques qui ont été faits. J’espère que ma voix portera jusqu’à vous, chers collègues ici présents – y compris ceux de la délégation arménienne ; j’espère que, ensemble, nous pourrons faire quelque chose dans le Caucase du Sud, et qu’arrivera enfin ce jour où nous pourrons tous vivre en paix.

LE PRÉSIDENT* – Merci beaucoup, Monsieur Rzayev, pour cet appel au dialogue.

M. ÖNAL (Turquie)* – Depuis quelques années, des activités d’exploitation de gaz naturel ont cours dans l’est de la Méditerranée. Cette région est devenue très importante d’un point de vue énergétique. Ce sont les Chypriotes grecs qui exploitent ces ressources, seuls, de leur côté, et leur administration ne permet pas aux Chypriotes turcs d’en faire de même : pourtant, tous les citoyens ont le même droit d’accès à ces ressources naturelles.

L’administration grecque du sud de Chypre a récemment accordé des licences à la zone turque de l’île, en particulier pour le lot n° 6, qui inclut des activités d’exploitation en Méditerranée. Alors même qu’une paix durable n’a pas encore pu être installée, l’attitude de l’administration grecque de Chypre – qui se considère comme seule légitime à représenter l’ensemble de l’île – est inacceptable. Dans plusieurs déclarations, la Turquie a mis en garde l’administration chypriote grecque : il s’agit de protéger tous les citoyens de Chypre, et pas seulement ses propres droits territoriaux. L’administration chypriote grecque, en déclarant qu’elle avait le droit de mener seule ses activités d’exploitation, menace véritablement la paix et la stabilité dans l’est de la Méditerranée. Certaines entreprises du secteur de l’énergie assument leur exploitation d’hydrocarbures et de ressources naturelles : au vu du contexte, cela complique un peu plus encore la situation.

La République chypriote turque souhaite, pour sa part, protéger les droits légitimes de sa population en ce qui concerne l’accès aux ressources naturelles. Elle a ainsi accordé des licences à certaines sociétés turques pour ces activités d’exploitation.

Mes chers collègues, au cours de la partie de session, deux collègues ont mentionné des activités prétendument antidémocratiques en Turquie, faisant notamment référence à des journalistes emprisonnés. Nous avons tenté de trouver les auteurs de la tentative de coup d’État de 2016, c’est le devoir de notre système judiciaire.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Les relations entre notre Organisation et le plus grand de ses États membres, la Fédération de Russie, sont très importantes. Certains défendent le retour des parlementaires russes ; la majorité y est opposée. La Fédération de Russie occupe le territoire de plusieurs de ses voisins et en conteste même la souveraineté : cela pèse lourdement sur nos débats.

Aujourd’hui, j’aimerais évoquer avec vous un cas précis. Le 19 mai 2016, un représentant des forces armées d’occupation russes est passé d’Abkhazie dans des territoires inoccupés pour tuer des citoyens géorgiens, dont un père de 21 ans.

L’occupation russe a coûté de nombreuses vies humaines à la Géorgie, comme à d’autres pays. Néanmoins, cet assassinat est différent des autres crimes, car une caméra de surveillance d’un magasin voisin l’a filmé. L’assassin est rentré en territoire occupé où il a été inculpé, mais de façon symbolique, car rien d’autre ne lui est arrivé. Les autorités d’Abkhazie ont classé la procédure engagée contre lui « faute de preuves ». Malheureusement, le gouvernement de mon pays ne donne pas suite à cette affaire aussi énergiquement qu’il le devrait. C’est pourquoi je l’évoque ici.

J’exhorte les États membres du Conseil de l’Europe, notamment ceux qui sont aussi membres de l’Union européenne, à inscrire ce cas particulier à l’ordre du jour de leurs échanges avec les autorités russes. Au regard du droit international, la Fédération de Russie est en effet une puissance occupante de ce territoire. Elle y est donc responsable du respect des droits de l’homme, et en l’espèce du châtiment de ce crime, dont il importe que l’auteur soit traduit en justice. Il devrait également être inscrit sur la liste noire de l’espace Schengen, afin qu’il ne puisse obtenir un visa d’entrée dans les États qui en relèvent.

Tel n’est toujours pas le cas, de sorte que cet individu peut se déplacer librement au sein de l’Union européenne, dont les États membres devraient le déclarer persona non grata dans un cadre bilatéral et non seulement par le biais d’Interpol. Les crimes et les injustices dont s’est rendue coupable la Fédération de Russie ne seront pas oubliés. Dans ce cas particulier, justice doit être rendue.

M. MARUKYAN (Arménie)* – Comment ne pas répondre aux propos tenus par nos collègues d’Azerbaïdjan ? En effet, je ne doute pas que tous les parlementaires qui siègent ici en ont assez de les entendre propager des mensonges. Je les exhorte donc à lutter pour la démocratie dans leur pays afin de favoriser l’émergence d’un Azerbaïdjan démocratique, seul à même de participer au règlement du conflit du Haut-Karabakh. Que ce pays, s’il entend devenir démocratique, développe véritablement la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l’homme et reconnaisse les valeurs fondamentales de l’Europe !

Je félicite notre nouvelle Commissaire aux droits de l’homme, Mme Dunja Mijatovic, qui est la première femme élue à ce poste éminent. Nous devons la soutenir, car la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit reculent partout en Europe. En dépit des difficultés auxquelles sont confrontées les instances du Conseil de l’Europe, celles-ci ne doivent pas se laisser gagner par le découragement, car les normes qu’elles élaborent constituent des minima pour les législations nationales comme pour les recommandations des institutions internationales visant à améliorer les situations particulières.

Sans vouloir sous-estimer le rôle de notre institution, j’aimerais rappeler l’importance du rôle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui repose notamment sur l’action du Commissaire aux droits de l’homme et des membres du Comité pour la prévention de la torture. Les rapports thématiques qu’elle publie périodiquement et les arrêts qu’elle rend favorisent l’accomplissement de progrès significatifs en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit. En outre, le soutien apporté aux défenseurs des droits de l’homme sur le terrain permet de faire face aux problèmes les plus pressants en leur apportant des solutions ayant fait leurs preuves à l’échelle internationale. Il permet également aux responsables politiques locaux d’appliquer des recommandations internationales formulées par des institutions jouissant d’une large reconnaissance.

En raison de l’évolution récente de la situation des droits de l’homme en Europe, il faut parvenir à des solutions universelles afin d’assurer le respect des normes en la matière. À cet égard, le travail accompli par le Commissaire aux droits de l’homme devrait constituer une priorité. En Arménie, la société civile place de grandes espérances dans la nouvelle titulaire de ce poste. En tant que membre de cette Assemblée, je l’assure de mon soutien plein et entier dans sa lutte pour la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit.

M. Nicoletti, Président de l’Assemblée, remplace M. Seyidov au fauteuil présidentiel.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je conteste les propos tenus par nos collègues arméniens, qui reposent sur de fausses informations.

Au cours des dernières années, de nombreux responsables politiques se sont livrés à l’apologie de la xénophobie et du racisme, ce qui nous préoccupe. Les attentats terroristes en Europe sont de plus en plus nombreux, ainsi que les victimes civiles dont ils sont cause ; pour autant, les appels au fascisme et à la discrimination religieuse doivent être condamnés. Une telle approche ne saurait réunir des soutiens au sein de la communauté européenne. Nous ne saurions laisser de telles tendances se renforcer. Le droit à la vie, à la dignité humaine, à l’égalité de traitement ainsi qu’à la liberté de conscience et de religion sont des droits universels, inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme. Leur protection et leur promotion sont inextricablement associées à la lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie et la xénophobie.

Il est inacceptable d’associer une religion – quelle qu’elle soit – au terrorisme ou de prétendre qu’elle sème la terreur. Toutes les religions, dont l’islam, encouragent la paix et appellent à la coexistence pacifique de tous. C’est à tort qu’on imagine que l’islamophobie ne pose problème qu’aux seuls musulmans, qui ont joué un rôle important dans la formation des valeurs européennes. Que certains responsables politiques visent une religion en particulier et tiennent des discours xénophobes peut avoir des conséquences dangereuses à l’avenir.

La stabilité dont jouit l’Europe de nos jours n’a pas été facile à obtenir ; elle a coûté des millions de vie et d’innombrables privations. Nous refusons donc que les erreurs de jugement de certains décideurs politiques particulièrement irresponsables débouchent sur des temps troublés. Rétablir une Europe présentant des discriminations raciales, religieuses et ethniques ne sera bon pour personne. Lutter contre la discrimination suppose de garantir la tolérance ainsi que le multiculturalisme et le dialogue entre les cultures. J’ai évoqué à de nombreuses reprises au sein de cette Assemblée le multiculturalisme qui caractérise mon pays, où plusieurs religions et plusieurs ethnies coexistent pacifiquement.

En tout état de cause, ces valeurs ne peuvent faire l’objet de décisions administratives. La tolérance procède d’une reconnaissance et d’un respect volontaires par chacun des opinions des autres, fussent-elles différentes. Elle fait pleinement partie de nos valeurs morales traditionnelles. En Azerbaïdjan, les communautés chrétiennes et juives jouissent des mêmes droits que la majorité musulmane. Personne n’a jamais fait l’objet d’un traitement spécifique en raison de sa religion ou de son appartenance ethnique.

En conclusion, je suis convaincu qu’aujourd’hui, pour réaliser une véritable intégration, il faut parvenir à une coexistence pacifique par le développement de la tolérance culturelle et religieuse. Protéger la diversité ne peut qu’enrichir nos nations.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – À suivre le forum économique mondial de Davos, deux visions du monde apparaissent de plus en plus clairement. Dès lors se posent les questions suivantes : où se situe l’Europe ? où souhaite-t-elle aller ? comment peut-elle contribuer à un monde où la mondialisation s’impose à tous ? Dans le contexte actuel, l’Europe est tellement préoccupée par elle-même et par ses propres problèmes qu’elle devient parfois sourde aux problèmes des autres, notamment aux préoccupations exprimées par ses voisins du Sud.

Le Conseil de l’Europe a toujours été un excellent forum pour tous les pays qui ont eu la chance d’accéder au statut de partenaire pour la démocratie. Mais au moment où le Conseil de l’Europe et l’Assemblée demandent aux partenaires pour la démocratie de respecter les valeurs qu’elles soutiennent, la réciprocité voudrait que le Conseil de l’Europe veille à résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques dans les pays partenaires du Sud ou, à tout le moins, contribue à mettre en œuvre des solutions par le biais d’une association avec l’Union européenne et en consolidant une véritable politique européenne capable d’apporter stabilité et paix, en particulier au Moyen-Orient.

Je suis très préoccupé par la tournure prise au Moyen-Orient par les relations entre Israël et nous, Palestiniens. À moins que, très hypothétiquement, quelqu’un, quelque part ne cède, l’avenir est très sombre. Malheureusement les États-Unis ne jouent pas leur rôle diplomatique. Ils n’appliquent pas la politique longtemps déclarée d’encouragement à un véritable processus de paix entre Palestiniens et Israéliens, afin de mettre un terme à ce conflit.

Je pose donc la question : y a-t-il un rôle pour l’Europe ? À tout le moins, que peut faire l’Europe pour promouvoir une forme de paix de nature à procurer un minimum de stabilité à cette partie du monde et pour trouver une solution de cohabitation en bonne intelligence ? Nous sommes ici fréquemment incités à lutter contre les discours de haine. C’est dans cet esprit qu’il faut éduquer nos jeunes afin de promouvoir la tolérance, l’acceptation de l’autre au-delà des conflits et des difficultés que nous rencontrons.

LE PRÉSIDENT* – M. Søndergaard, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – J’évoquerai la question importante et urgente du droit à l’éducation des populations des États où ce droit inaliénable n’est pas reconnu. Actuellement les citoyens de ces États sont privés du droit de participer aux programmes européens d’enseignement et sont ainsi exclus de l’espace européen d’éducation.

Je rappellerai qu’en 1960, l’Unesco a adopté la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, qui prévoit clairement que tout citoyen a droit à l’éducation, quel que soit son lieu de résidence.

J’invite donc de nouveau l’Assemblée à se pencher sur le problème de la reconnaissance des qualifications de l’enseignement supérieur de la population de la République du Haut-Karabakh, dans la mesure où il s’agit d’un principe essentiel des droits de l’homme, dont la protection est une des valeurs fondamentales de notre Assemblée. Or aujourd’hui, les écoliers et étudiants vivant dans le Haut-Karabakh sont privés du droit à une éducation conforme aux normes internationales et de toute possibilité d’intégration dans l’espace européen d’éducation. Nous avons pourtant déclaré à maintes reprises dans cette enceinte qu’il ne devrait pas exister de « trous noirs » en Europe et que les citoyens des États non reconnus devraient jouir des mêmes droits que tous les autres.

Il y a actuellement 219 écoles secondaires, 6 établissements d’éducation et 5 établissements d’enseignement supérieur dans la République du Haut-Karabakh. Toutefois les citoyens du Haut-Karabakh restent confrontés à des obstacles infranchissables, comme la non-reconnaissance des diplômes, ce qui crée de graves difficultés aux milliers d’étudiants des établissements d’enseignement de l’Artsakh. En outre, les étudiants de l’Artsakh sont exclus de l’espace européen de l’enseignement supérieur et ne bénéficient pas des programmes proposés par le Processus de Bologne.

Chers collègues, à l’évidence, quel que soit le statut de l’État, la communauté européenne a la responsabilité de garantir la protection et l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales des citoyens de l’Artsakh. C’est notre responsabilité commune, même si certains de ceux qui siègent ici sont hostiles à ce droit.

Je propose donc à l’Assemblée de créer un groupe de travail chargé de définir des moyens efficaces d’inclure les populations des États non reconnus dans les programmes européens d’éducation et de les faire participer au processus d’éducation.

Mme TOPCU (Turquie)* – Vous le savez, des millions de réfugiés ont fui des conflits et le danger, à la recherche d’un lieu plus sûr et d’une protection internationale. Pour survivre, ils ont bravé des dangers et risqué leur vie en traversant des zones dangereuses. Nous avons été les témoins de scènes honteuses de gens fuyant l’Irak, la Syrie, la Birmanie et d’autres pays.

La Turquie a dû faire face à cette crise humanitaire. Le nombre de réfugiés dépasse le nombre de 3,5 millions de personnes, de sorte que nous sommes le pays au monde qui en accueille le plus : Syriens, Irakiens, Afghans, Iraniens ; Somaliens, entre autres. Près de 230 000 personnes réfugiées sont réparties dans 21 camps où elles ont accès à un toit, à la santé, à l’éducation, à de la nourriture et à des activités sociales. Les réfugiés syriens en dehors des camps ont accès aux services de base.

En 75 mois, plus de 225 000 enfants sont nés. Les réfugiés représentent aujourd’hui 4,6 % de la population turque et mon pays a déjà dépensé pour eux plus de 25 milliards de dollars.

Mesdames et Messieurs, l’effort consenti par la Turquie pour assumer cette responsabilité humanitaire est énorme, mais elle est prête à continuer de le faire avec d’autres. Malheureusement, l’implication de certains États demeure très limitée. Les besoins dépassent de loin les programmes humanitaires de relocalisation et d’admission. Outre les politiques de visa assouplies, de regroupements familiaux, de bourses pour les universités, il nous faudrait mettre en œuvre un plan complet et les États européens et du Golfe devraient offrir plus d’opportunités à ces personnes afin de soulager un peu la pression qui s’exerce sur les États voisins de la Syrie et donner à un plus grand nombre de réfugiés un accès à la sécurité.

En conclusion, permettez-moi de dire qu’il est consternant de voir comment sont traités les Syriens alors qu’ils fuient une horrible guerre au péril de leur vie, en quête de protection en Europe.

M. MİROĞLU (Turquie)* – Mes chers collègues, j’estime qu’il serait important d’avoir une discussion sur le Parti démocratique des peuples, le HDP, au Conseil de l’Europe. Je m’exprimerai donc à ce sujet.

Permettez-moi tout d’abord de poser une question : un système démocratique peut-il continuer à tolérer sans limite l’appui qu’un parti, qui a participé à des élections libres et recueilli 6 millions de voix, fournit à une organisation armée ? Malheureusement, cette tolérance est ce que nous constatons en Turquie depuis 25 ans.

La situation évolue aujourd’hui parce qu’au fil des ans, les partis kurdes en Turquie se sont lancés dans la politique sous diverses formes, et que la loi turque les protège. Cependant, la tolérance concernant leur appui au Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK et le fait qu’ils ne dénoncent pas ses activités terroristes qui entraînent la mort de milliers de personnes, atteint aujourd’hui ses limites en Turquie. Avant que le HDP puisse expliquer ses arguments devant le Conseil de l’Europe, il faut qu’il le fasse devant les électeurs. Mais ils ne sont pas en mesure de le faire, car les électeurs ne veulent plus les entendre, à tel point qu’ils ne peuvent plus mener d’activité politique même dans des circonscriptions où ils avaient récolté 80 % des voix.

Il a été dit dans cet hémicycle hier qu’il n’y avait pas de problème de terrorisme en Turquie, mais que le gouvernement agissait comme s’il y en avait pour intimider et faire pression sur l’opposition. Je participe à la vie politique du pays depuis 40 ans. Je suis député de Mardin, qui est une ville stratégique, proche de la frontière avec la Syrie. Le PKK mène des activités terroristes dans cette région depuis longtemps. À cause des politiques tout à fait inadaptées de l’État dans les années 1990, nous continuons à déplorer ses actes. Quatorze personnes ont perdu la vie lors d’une explosion d’une bombe à Diyarbakır à la suite d’un attentat du PKK. Il ne restait que 60 kilogrammes de chair humaine de ces personnes.

On a évoqué hier la menace de Daech. Cela signifie-t-il que les Européens considèrent que toutes les organisations qui ne leur ont pas causé directement de dommages ne sont pas terroristes et qu’il faut les considérer comme légitimes ?

Je voudrais vous montrer ce livre que je tiens entre les mains. Il s’agit d’un livre dont je suis l’auteur, intitulé Les Kurdes et l’indépendance. Il y est question des personnes qui ont perdu leur vie dans des attentats terroristes. J’aurais souhaité que cet ouvrage fût traduit dans des langues européennes, car la normalisation des relations entre la Turquie et l’Union européenne dépend, pour une large part, de ce que l’on appelle « la question kurde ». La diversité doit être présente dans notre réflexion, dans nos idées et nous devons aller au-delà des informations publiés dans les bulletins du PKK ou du HDP.

Des électeurs ont soutenu le HDP sans réserves, et c’est ainsi que le HDP a pu obtenir une représentation au parlement. Aujourd’hui, ceux qui avaient voté pour ce parti remettent en question la politique conduite par le HDP. Son dirigeant, Selahattin Demirtas, avait invité les gens à descendre dans la rue pendant les événements du mois d’octobre et 50 personnes ont été tuées en deux jours. Selahattin Demirtas a agi comme si rien ne s’était passé. En fait le PKK criminalise les mouvements kurdes légitimes. Mais aussi longtemps que le HDP ne s’opposera pas à la politique du PKK, ni le Conseil de l’Europe, ni la Cour européenne des droits de l’homme, ni la cour constitutionnelle turque ne pourront aider Selahattin Demirtas et ses amis.

LE PRÉSIDENT* – MM. Psychogios et Abushahla ainsi que Mme Alqawasmi, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. SANTANA GARCÍA (Mexique,observateur)* – Monsieur le Président, chers membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au nom de la délégation mexicaine, je vous remercie de me donner l’occasion de participer à cette première partie de la session 2018 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

En premier lieu, je tiens à reconnaître l’importance des travaux de cette Assemblée dont les débats se concentrent sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, contribuant ainsi à l’amélioration de la législation des pays membres ainsi que des pays observateurs. De nombreux thèmes ont été abordés lors de cette partie de session, comme la défense de la profession d’avocat, la gouvernance dans le football et dans le sport en général, la protection des mineurs dans les conflits armés ou encore une analyse très sérieuse sur la mise en place d’un revenu de citoyenneté de base.

C’est la raison pour laquelle je tiens à revenir sur un sujet qui me semble capital et qui pourrait servir de fondement pour progresser dans les domaines qui vous intéressent en tant que pays membres ou observateurs. Je veux parler de la culture de la légalité.

La promotion et la mise en œuvre d’une culture de la légalité doivent se faire par le biais des parlements. Nous pouvons, en effet, contribuer à sensibiliser la société à ce que l’on appelle la responsabilité individuelle de chacun et ainsi contribuer à préserver l’État de droit au sein duquel les gouvernants comme les citoyens ont des responsabilités partagées.

Le respect de la légalité doit être présent dans des domaines comme l’éducation, la culture mais aussi l’urbanisme. Elle peut ainsi être la base pour prévenir l’illégalité et permettre aux citoyens de vivre dans de meilleures conditions. Cela permet également de prévenir la corruption et d’éviter l’indifférence qui règne dans nos sociétés.

Je voudrais vous rappeler l’expérience promue par l’Organisation des Nations Unies sur la culture de la paix en tant qu’instrument pour prévenir la violence et résoudre les conflits de manière pacifique. Cette idée a été reprise par le Parlement latino-américain et des Caraïbes pour proposer une loi type visant à favoriser la paix, et ce grâce au respect et à la tolérance. De la même façon, nous pourrions inciter nos parlements à être plus actifs et à incorporer dans nos législations respectives les principes qui permettront aux gouvernements d’adopter des stratégies et des outils pour former les enfants et les adultes à être des citoyens respectueux des règles.

Les moyens de communication pourront sans aucun doute être nos alliés. La coopération entre l’État et la société est fondamentale pour que les citoyens aient une meilleure connaissance des lois qui régissent nos sociétés, des lois qui doivent être respectées.

Il faut par ailleurs insister sur l’importance pour les citoyens de coopérer avec la justice.

Je tenais donc à vous dire aujourd’hui que les parlements doivent insister sur les valeurs et les comportements qui doivent être ceux des individus à l’égard des lois et des institutions. J’espère que, lors de futurs débats, nous pourrons approfondir cette question de la culture de la légalité.

LE PRÉSIDENT* – Le débat libre est clos.

5. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons maintenant au rapport d’activité du Bureau et de la commission permanente. Au cours de sa réunion de ce matin, le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée la saisine de commissions. Un document récapitulant ces saisines a été mis en distribution (Doc.14455 Addendum 4).

Ces saisines doivent être soumises à la ratification de l’Assemblée aux termes de l’article 26.3 du Règlement.

Ces saisines sont approuvées.

LE PRÉSIDENT* – Nous devons maintenant nous prononcer sur les autres propositions du Bureau figurant dans son rapport d’activité (Doc.14455 Addendum 4)

Les autres propositions du Bureau sont approuvées.

6. Constitution de la Commission permanente

LE PRÉSIDENT* – L’Assemblée est maintenant appelée à prendre acte de la constitution de sa Commission permanente (article 17.2 du Règlement).

Celle-ci est composée du Président de l’Assemblée, des Vice-Présidents, des présidents des groupes politiques, des présidents des délégations nationales, des présidents des commissions générales.

Cette composition est récapitulée dans le document Commissions (2018) 02.

La Commission permanente de l’Assemblée est ainsi constituée.

7. Palmarès des meilleurs votants

LE PRÉSIDENT* – Avant de déclarer close la première partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire de 2018, je dois vous présenter le palmarès des membres ayant participé à tous les votes durant cette partie de session.

La seule parlementaire remplissant cette condition est Mme Christoffersen de la Norvège, appartenant au Groupe des socialistes, démocrates et Verts. Madame, je vous félicite.

8. Clôture de la première partie de la Session ordinaire de 2018

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de nos travaux.

Je tiens maintenant à remercier ceux d’entre vous qui sont encore ici, ainsi que tous les rapporteurs des commissions qui ont accompli un travail considérable.

Je remercie également tous les Vice-Présidents qui ont contribué au bon déroulement de nos séances. Il s’agit de M. Amon, M. Ariev, M. Jonas Gunnarsson, Mme Mendes, M. O'Reilly, M. Seyidov, Mme Trisse.

Mes remerciements vont également à l’ensemble du personnel, permanent et temporaire, et aux interprètes qui rendent fidèlement compte de nos travaux. Les uns et les autres ont contribué à faire de cette partie de session une réussite.

J’informe l’Assemblée que la deuxième partie de la Session ordinaire de 2018 se tiendra du 23 au 27 avril 2018.

Je déclare close la première partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour 2018.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 05.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels

Présentation par M. Ullrich du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14443)

Présentation par M. Schennach du rapport de la commission des questions sociales, saisie pour avis (Doc. 14487)

Orateurs : Mme Rojhan Gustafsson, MM. van de Ven, Aktay

Réponses de M. le rapporteur, de M. le rapporteur pour avis et de M. le président de la commission des questions juridiques

Votes sur un projet de résolution amendé et un projet de recommandation amendé

3. Renforcer la réglementation internationale interdisant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort

Présentation par M. Vusal Huseynov du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14454)

Orateurs : Mme Pashayeva, MM. Mullen, Cilevičs, Howell, Mme Bruijn-Wezeman, MM. Petter Eide, Reichardt, Mme McCarthy

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de recommandation

4. Débat libre

Orateurs : Dame Cheryl Gillan, Mme Şupac, MM. Aktay, Mullen, Mmes Engin, Jansson, MM. Farmanyan, Makhmudyan, Batrincea, Šešelj, Mmes Mehl, Pashayeva, MM. Rzayev, Önal, Kandelaki, Marukyan, Mme Gafarova, M. Sabella, Mme Zohrabyan, Mme Topcu, MM. Miroğlu, Santana García

5. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

6. Constitution de la Commission permanente

7. Palmarès des meilleurs votants

8. Clôture de la première partie de la Session ordinaire de 2018

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ADAM, Claude [M.] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

AKTAY, Yasin [Mr]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BECHT, Olivier [M.]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

COMTE, Raphaël [M.] (FIALA, Doris [Mme])

CROWE, Seán [Mr]

CRUCHTEN, Yves [M.]

DAEMS, Hendrik [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])

EIDE, Petter [Mr] (EIDE, Espen Barth [Mr])

ENGIN, Didem [Ms] (BAYKAL, Deniz [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

FARMANYAN, Samvel [Mr]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GOGA, Pavol [M.] (KRESÁK, Peter [Mr])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

GRIN, Jean-Pierre [M.] (LOMBARDI, Filippo [M.])

HAIDER, Roman [Mr]

HEER, Alfred [Mr]

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

HUSEYNOV, Vusal [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KAPUR, Mudassar [Mr] (SCHOU, Ingjerd [Ms])

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]

KLICH, Bogdan [Mr]

KOBZA, Jiři [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KYTÝR, Jaroslav [Mr]

LACROIX, Christophe [M.]

LAMBERT, Jérôme [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

MAKHMUDYAN, Rustam [Mr] (HOVHANNISYAN, Arpine [Ms])

MARUKYAN, Edmon [Mr] (RUSTAMYAN, Armen [M.])

McCARTHY, Kerry [Ms]

MEHL, Emilie Enger [Ms]

MIKKO, Marianne [Ms]MİROĞLU, Orhan [Mr]MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MÜLLER, Thomas [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr])

NICK, Andreas [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

NORDQVIST, Rasmus [Mr] (JENSEN, Mogens [Mr])

ÖNAL, Suat [Mr]

O'REILLY, Joseph [Mr]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PODERYS, Virgilijus [Mr] (BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr])

PREDA, Cezar Florin [M.]

REICHARDT, André [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

ROCA, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

RZAYEV, Rovshan [Mr] (AGHAYEVA, Ulviyye [Ms])

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEŠELJ, Aleksandar [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms]

THIÉRY, Damien [M.]

TOPCU, Zühal [Ms]

TRISSE, Nicole [Mme]

ULLRICH, Volker [Mr]

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]

YEMETS, Leonid [Mr]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

CORREIA, Telmo [M.]

MASIULIS, Kęstutis [Mr]

MELKUMYAN, Mikayel [M.]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

Observers / Observateurs

SANTANA GARCÍA, José de Jesús [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

SABELLA, Bernard [Mr]