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AS (2018) CR 12

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la douzième séance

Mardi 24 avril 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 05 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Monténégro

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre du Monténégro.

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent dans le document 14514. L’avis de la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme sur la liste des candidats est présenté dans le document 14529, Addendum 2.

Le vote aura lieu dans la rotonde derrière la présidence.

À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de quatre scrutateurs que nous allons désigner par tirage au sort: M. Rafael Huseynov ; Mme Glasovac; Mme Bures; M. Lupu.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la présidence à 17 heures.

J’espère pouvoir annoncer le résultat du scrutin avant la levée de la séance de cet après-midi. En cas de besoin, un deuxième tour pourra se dérouler demain mercredi, lors des séances du matin et de l’après-midi.

Le scrutin est ouvert.

2. État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à
l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Comte, au nom de la commission des questions juridiques, sur «État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme.» (Doc. 14506).

Pour terminer l’examen de ce texte, votes inclus, à 12 heures, nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 11 h 15, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je vous rappelle, chers collègues, que nous avons décidé de limiter le temps de parole des orateurs prenant part à ce débat à trois minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. COMTE (Suisse), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme –
Monsieur le Président, chers collègues, la Convention européenne des droits de l’homme est le fondement de la protection des droits de l’homme aux niveaux national et régional dans toute l’Europe. Le maintien de la démocratie et de l’État de droit dépend de l’effectivité de droits tels que la liberté d’expression et d’association, l’interdiction de la détention arbitraire et le droit à un procès équitable et à un recours effectif, mais la Convention prévoit des situations dans lesquelles les États ne sont pas tenus de respecter tous ces droits. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, un État partie à la Convention peut déroger à certains droits, en ayant recours à l’article 15.

Du point de vue de la protection des droits de l’homme, une dérogation est une question extrêmement grave. Dans les limites de la proportionnalité, un État est autorisé à prendre des mesures qui, en temps normal, constitueraient des violations manifestes. Les normes habituelles de protection des droits de l’homme, destinées à s’appliquer à tous les États parties, peuvent alors être écartées. Un État ne devrait donc déroger à la Convention que dans les circonstances les plus exceptionnelles, lorsque les mesures ordinaires sont manifestement inadéquates, pour la durée et dans la mesure strictement requises par la situation d’urgence.

Récemment, trois États membres ont déclaré des dérogations à la Convention: l’Ukraine, la France et la Turquie. Chaque dérogation a une origine différente et peut trouver une justification compréhensible. Il est néanmoins préoccupant de constater que trois États, dans une période relativement courte, ont eu recours à ce qui devrait être une mesure exceptionnelle, et l’on pourrait encore évoquer d’autres cas dans les années qui ont précédé. Tout cela ne doit pas conduire à une banalisation du recours aux dérogations.

Chaque dérogation a pris également une forme très différente, avec des effets très divers. Ainsi, la dérogation de l’Ukraine est limitée à un territoire déterminé, alors que la dérogation française couvrait l’ensemble du territoire national, ce qui est également le cas de la dérogation turque. Les dérogations ukrainienne et française concernent un nombre de lois limité, alors que la dérogation turque a une portée extrêmement large, dans des domaines très diversifiés.

Mon rapport, comme son titre l’indique, met l’accent sur la proportionnalité des mesures prises dans le cadre de ces dérogations. Là encore, les conclusions sont très différentes d’un pays à l’autre.

Concernant l’Ukraine, le rapport met le doigt sur une disposition permettant une détention administrative pouvant aller jusqu’à 30 jours. Certes, cette disposition semble n’avoir jamais été utilisée − et c’est tant mieux! −, mais on peut sérieusement douter de sa conformité avec la Convention. Son abrogation pourrait être un signal positif et ne devrait pas poser de problèmes pratiques, puisque les autorités ont à leur disposition d’autres instruments légaux parfaitement efficaces. De plus, le rapport invite les autorités ukrainiennes à intensifier leur action afin de minimiser les impacts pratiques d’autres mesures. Il serait également souhaitable que la Cour constitutionnelle ukrainienne examine la constitutionnalité des lois dérogeant à la Convention.

La principale critique de l’état d’urgence en France concernait sa durée. Il peut être politiquement plus facile de déclarer l’état d’urgence que d’y mettre fin, et nous ne pouvons que nous réjouir que la France ait mis fin à l’état d’urgence, alors même, et nous le savons tous, que la menace terroriste persiste. La sortie de l’état d’urgence a cependant fait l’objet de certaines critiques dans la mesure où certaines des mesures valables sous l’état d’urgence ont été reprises dans le droit ordinaire, certes − il faut le souligner − avec des modifications de leur nature et de leur exercice. Il est essentiel que la récente loi adoptée par le Parlement français soit appliquée en pleine conformité avec les normes de la Convention. Une attention particulière devra être apportée à l’application de certaines définitions parfois subjectives et peu précises et pour lesquelles il conviendra que les autorités fassent preuve de retenue.

La Turquie a fait face à de sérieuses menaces quant à son ordre constitutionnel et à sa sécurité intérieure avec, d’une part, une tentative de coup d’État qui a mené au décès de centaines de civils et, d’autre part, plusieurs attentats terroristes, avec une menace toujours présente. Mais la portée des mesures d’urgence et leur impact sur nombre d’individus et d’organismes privés semblent largement excessifs.

Comme l’a souligné la Commission de Venise, les mesures prises pour protéger l’ordre constitutionnel ne doivent pas elles-mêmes saper cet ordre. C’est pourtant ce qu’il nous semble voir en Turquie.

Mon rapport est loin d’être le premier à arriver à cette conclusion. L’Assemblée elle-même, sur la base du rapport de la commission de suivi, a déjà dit la même chose. Elle l’a fait en se référant aux travaux détaillés de la Commission de Venise. Depuis lors, une autre année s’est écoulée et les critiques sur la durée de l’état d’urgence ne sont devenues que plus pertinentes au fil des jours.

Il est temps que le Gouvernement turc mette fin à l’état d’urgence et que les instruments législatifs ordinaires soient utilisés pour faire face aux défis sécuritaires du pays.

Les recours judiciaires doivent fonctionner à nouveau pleinement, et la Cour constitutionnelle devrait examiner les mesures d’urgence qui ont depuis lors été approuvées en tant que lois ordinaires. Les 140 000 fonctionnaires qui ont été renvoyés sans préavis, souvent sur la base d’éléments de preuve douteux et soumis à ce qu’on a appelé une «mort civile», doivent avoir la possibilité de contester la décision prise à leur encontre. Les chaînes de télévision, journaux et autres médias indépendants doivent être autorisés à rouvrir afin que le débat public libre et pluraliste puisse pleinement reprendre.

Au-delà des situations individuelles de chaque État, nous devons également tirer des leçons générales des expériences récentes. Bien que les dérogations permettent des restrictions parfois extrêmes en matière de droits de l’homme, elles sont soumises, au niveau du Conseil de l’Europe, au même examen que les autres affaires relatives aux droits humains. Les dérogations sont soumises au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, mais au moment où la Cour intervient, les dommages peuvent déjà être considérables.

Notre rapport contient donc une série de propositions faites aux États membres, au Secrétaire Général et au Comité des Ministres visant à minimiser le recours futur aux dérogations et à éviter les abus les plus dommageables.

Il s’agit notamment d’inviter le Secrétaire Général à utiliser systématiquement les pouvoirs que lui confère l’article 52 de la Convention pour enquêter sur l’effet des mesures prises dans le cadre d’une dérogation. À nos yeux, cet examen doit être systématique car il faut absolument éviter que l’ouverture ou non d’une enquête soit perçue comme un choix politique, avec la part d’arbitraire que ce choix peut comporter.

Nous proposons également que le Comité des Ministres examine la pratique des États à la lumière des exigences de l’article 15 et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et qu’il adopte ensuite une recommandation à l’intention des États membres.

Monsieur le Président, chers collègues, ce rapport traite de certaines des questions les plus graves auxquelles le Conseil de l’Europe peut être confronté. Notre projet de résolution est circonstancié, mais chaque mot a été soigneusement pesé et choisi. Il ne peut pas faire que des heureux, mais notre Assemblée a justement pour but de favoriser le dialogue et de nous permettre de progresser collectivement, ce qui n’est possible que si nous nous parlons franchement.

Je me réjouis d’entendre vos prises de position sur le rapport que je présente au nom de la commission et je compte naturellement sur votre soutien.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera cinq minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commencerons par les porte-paroles des groupes.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* - Ce rapport traite d’une situation qui n’est guère courante. Il donne l’exemple de trois États membres qui ont mis en place des dérogations: l’Ukraine, la France et la Turquie, bien que la France ait maintenant retiré sa dérogation. La Convention prévoit que les États membres puissent, dans certaines circonstances y déroger, dans les cas de guerre, d’urgence ou de menace à l’ordre public.

Il ne faut pas sous-estimer l’étendue et l’horreur de la menace terroriste qui a pesé sur la France, avec les défis imprévisibles qui en découlent. De même, il est difficile de se représenter l’étendue des problèmes qu’a posée l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Fédération de Russie ou, dans le cas de la Turquie, dans des circonstances difficiles, les conséquences de la tentative de coup d’État. Il s’agit de circonstances extrêmement graves.

L’une des choses que nous devons nous efforcer d’évaluer en tant que gardiens des droits de l’homme en Europe, c’est la question de savoir si les mesures qui ont été prises étaient bien proportionnelles à la menace. C’est bien le critère essentiel.

Il est approprié que le Conseil de l’Europe se penche sur la question et adopte une position très ferme en matière de droits de l’homme. À défaut, nous rendrions la situation pire encore, comme ceux qui s’efforcent d’exploiter la situation. Quels que soient les conseils que peut formuler notre Organisation et son Secrétaire Général, le recours aux dérogations reste une prérogative des États. Il est question ici de trouver l’équilibre entre les droits de l’État et les droits d’organes supranationaux comme le nôtre de prendre des mesures. Dans cet esprit, nous devons agir avec beaucoup de prudence − les pays aussi. Nous devons faire en sorte que le Secrétaire Général n’ait pas de possibilité de droit de veto à l’égard du droit des pays à prononcer une dérogation. Une dérogation ne signifie pas que la Convention ne s’applique pas; elle n’a pas non plus d’incidence sur l’étendue des obligations de l’État.

Ce rôle ne doit pas revenir au Secrétaire Général. Nous devions plutôt songer à faire appel à l’avis d’un juge de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne serait pas habilité à juger dans la suite d’une affaire à cet égard. Il serait préférable qu’un juge soit désigné à cette fin pour utiliser toutes ses compétences dans ce domaine.

M. van de VEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Quel que soit l’État, un gouvernement doit assumer sa responsabilité en cas de danger public. En cas d’attaque terroriste ou de guerre, les citoyens sont effrayés, la société est sous le choc et, souvent, le gouvernement est paralysé pendant 24 heures et ne sait exactement comment réagir.

Dans ce cas de figure, des mesures d’urgence existent ainsi qu’un cadre juridique prévu par la constitution de cet État qui permet de prendre des mesures de prévention pour préserver les intérêts de l’État. Néanmoins, de telles mesures qui dérogent à la loi existante doivent être proportionnées par rapport aux valeurs de la démocratie et des droits de l’homme et prévoir un retour rapide à une situation normale.

Au nom de l’ADLE, je félicite notre collègue M. Comte pour son analyse très claire et équilibrée des questions de proportionnalité en lien avec les dérogations prévues à l’article 15 de la Convention. La comparaison qu’il établit entre les lois d’urgence adoptées par l’Ukraine, la Turquie et, tout récemment, par la France, montre à quel point cette question est complexe et présente des aspects tout à fait spécifiques.

Néanmoins le gouvernement ne doit pas utiliser cette situation pour élargir ses pouvoirs, en allant à l’encontre de la démocratie et des droits de l’homme. Conférer des pouvoirs illimités au gouvernement n’est pas acceptable et se ferait au mépris de l’État de droit. Il est inacceptable que la gestion d’une crise évolue vers une dictature.

L’article 15 de la Convention, en son paragraphe 3, exige des États qu’ils informent le Secrétaire Général des mesures qui ont été prises et des raisons pour lesquelles elles ont été prises. Dans ce cas, les décrets-lois doivent être comparés aux obligations internationales de l’État en question pour s’assurer que la démocratie et les droits de l’homme sont respectés.

Chers collègues, je crois que tout rapporteur a le droit de poser au moins une question. J’aimerais savoir si, au cours de l’élaboration de ce rapport, le rapporteur a été informé de l’explication donnée par le ministre turc des Transports s’agissant de justifier le décret d’urgence concernant l’usage des pneus d’hiver.

Je confirme que, pour le reste, nous appuyons toutes les propositions du projet de résolution. Nous sommes également d’accord avec le projet de recommandation adressé au Comité des Ministres.

M. ÖZSOY (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous ne parlons pas ici de la question de savoir si les pays cités avaient le droit de déroger ou non à certaines obligations découlant de la Convention puisque toutes les situations, que ce soit en Ukraine, en France ou en Turquie, étaient des situations vraiment critiques. Nous parlons ici de proportionnalité.

À la lecture du rapport, il m’est apparu très clairement que la situation en Turquie était extrême. En France, on a levé l’état d’urgence. Mais malheureusement, la France est devenue un mauvais exemple pour la Turquie, parce que cette dernière ne cesse de se référer à l’exemple de la France pour justifier la prorogation de l’état d’urgence.

De toute évidence, quand un État se sent menacé et perçoit une menace sur la nation, il est en droit de suspendre certaines obligations énoncées dans la Convention. Mais, en Turquie, nous constatons que ces pouvoirs exceptionnels sont eux-mêmes devenus une menace pour la nation et son avenir démocratique. Le gouvernement a, en effet, utilisé la tentative de coup d’État comme une occasion non seulement de réprimer l’opposition avant l’élection présidentielle, mais encore pour émettre plus de 30 décrets-lois qui réforment la société et tout le système politique, apportant des changements qui ne sont plus soumis au contrôle du parlement ou du pouvoir judiciaire. Pour l’essentiel, le parlement ne fonctionne plus. Quant au pouvoir judiciaire, il est totalement sous la coupe du gouvernement; il travaille sous les ordres directs du pouvoir exécutif.

Dans de telles circonstances, nous tenons à souligner le fait que ces pouvoirs exceptionnels en Turquie sont une véritable menace pour la nation. Nous avons eu un référendum sur le système présidentiel l’année dernière qui s’est tenu dans des conditions d’état d’urgence. En tant que parti d’opposition, dont 6 000 membres sont aujourd’hui derrière les barreaux, y compris notre co-vice-président, des députés et des maires, l’état d’urgence a rendu extrêmement difficile le fait de mener campagne.

Dans près de deux mois, une élection présidentielle se déroulera en Turquie. Il ne s’agit pas d’élections normales, il s’agit simplement de savoir qui va diriger le pays. Ces élections concernent l’instauration d’un nouveau système politique. Si le gouvernement réussit dans son entreprise, nous aurons désormais en Turquie un système très autoritaire, voire dictatorial.

Les pouvoirs exceptionnels de l’état d’urgence ont été utilisés par le gouvernement et par ses alliés pour mettre en place ce système extrêmement autoritaire. C’est en ce sens que l’état d’urgence et les pouvoirs exceptionnels qu’il confère au gouvernement constituent une menace pour la nation. Nous ne cessons de le dire: des élections ne devraient jamais se dérouler sous un état d’urgence.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Nous pensons tous que la démocratie est un pouvoir doux, juste et que tout s’y passe bien. Mais parfois, la démocratie doit aussi faire preuve de fermeté; c’est précisément ce qui se produit en cas de situation d’urgence.

L’état d’urgence fait partie intégrante du système démocratique. On ne peut y avoir recours trop souvent mais, de temps en temps, il faut être prêt non seulement à le déclarer, mais aussi à l’appliquer. Ce rapport s’appuie sur trois exemples de pays du Conseil de l’Europe très différents: la France est une démocratie de longue date, où ne se posent pas de grands problèmes en termes de droits de l’homme; la Turquie est membre du Conseil de l’Europe depuis de longues années, mais se trouve confrontée à une situation géopolitique différente et des problèmes internes; et l’Ukraine, quant à elle, est une nouvelle démocratie qui est encore en train de consolider ses institutions.

Il est indiqué dans le rapport que si l’état d’urgence fait partie de la démocratie, le principe de proportionnalité doit toujours être respecté, et ce en fonction des pays et des circonstances. D’une façon générale, l’état d’urgence est là aussi pour défendre les droits de l’homme; il est le gardien des droits de l’homme. S’il devient un instrument pour, au contraire, fouler au pied les droits de l’homme, c’est que le principe de proportionnalité n’a pas été respecté.

Il est difficile d’avoir une référence permettant d’en prendre la mesure et de savoir quand il doit être appliqué et quand il ne doit plus l’être. Cette proportionnalité dépend de la situation. Comment protéger la société face aux menaces extérieures et intérieures, quand s’arrêter parce que cela devient contreproductif, sont autant de questions qu’il convient de se poser.

Mme MIKKO (Estonie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Chaque État a le devoir de protéger ses citoyens et de préserver leur sentiment de sécurité dans les situations d’urgence. Toutefois, la réaction de l’État doit être proportionnée et rester dans le cadre des conditions très strictes énoncées à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Même en temps de guerre, le droit à la vie ne saurait faire l’objet de la moindre dérogation. Personne ne peut être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude. Il ne saurait y avoir de peine ne reposant pas sur des dispositions légales. Un certain nombre de droits ne peuvent donc faire l’objet de dérogations.

Le rapport traite justement de l’enjeu de la proportionnalité, en donnant l’exemple d’États ayant invoqué le droit de déroger à la Convention. Je viens de rentrer d’une mission en Turquie, destinée à établir les faits. La situation y est préoccupante et la réaction au coup d’État a été disproportionnée. Le Gouvernement turc a utilisé cette situation à des fins allant au-delà de ce qui était exigé par l’urgence de la situation. L’état d’urgence a été prorogé à sept reprises, ce qui a conduit à des mesures disproportionnées, notamment les licenciements massifs de fonctionnaires et les fermetures d’associations et de médias.

La Turquie est en droit de remédier à ses problèmes de sécurité, mais elle ne saurait le faire aux dépens des libertés démocratiques. Comme l’a montré la Cour européenne des droits de l’homme, les critiques formulées par l’opposition à l’encontre de la politique gouvernementale ne doivent pas se traduire par des chefs d’accusation invoquant le terrorisme. Le Gouvernement turc donnerait un signal très positif, en matière de démocratie, s’il annonçait le plus rapidement possible la mise en place d’un processus de transition vers un retour à la situation antérieure.

Il ne fait aucun doute que les pays qui ont décrété l’état d’urgence sont confrontés à des problèmes graves, mettant en péril le sentiment de sécurité de leurs citoyens. Il faut cependant trouver un équilibre approprié entre le besoin de sécurité et l’exigence de démocratie. Il faut faire en sorte que toutes les voix, y compris les voix dissidentes, soient entendues. Toute restriction doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire et proportionné à la situation.

Enfin, et c’est très important, la commission de suivi vient d’adopter une déclaration demandant le report des élections prévues en Turquie. Le Groupe des socialistes, démocrates et verts est favorable à l’adoption de certains amendements, déposés sur le projet de résolution, allant dans ce sens.

LE PRÉSIDENT* – Je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro est en cours dans la rotonde située derrière la présidence. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez voter jusqu’à 13 heures. Le scrutin sera ensuite suspendu et reprendra entre 15 h 30 et 17 heures.

Nous poursuivons notre débat.

M. FOURNIER (France) – Les dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme doivent rester exceptionnelles. Les circonstances qui ont amené l’Ukraine, la France et la Turquie à recourir à l’article 15 de la Convention sont parfaitement justifiées. En effet, face au terrorisme, en cas de guerre ou de coup d’État, il est nécessaire que l’État mobilise des moyens exceptionnels pour préserver les institutions et la démocratie.

Toutefois, ces mesures doivent être proportionnées. Pour cela, il est tout d’abord nécessaire qu’elles soient limitées dans le temps. En effet, l’état d’urgence ne peut être permanent. En France, celui-ci a été en vigueur pendant deux ans, ce qui peut être contre-productif, compte tenu des moyens humains et financiers mobilisés.

En outre, les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence ne doivent pas servir des intérêts autres que le rétablissement de la sécurité et de l’État de droit. Ainsi, l’état d’urgence ne doit pas servir des intérêts politiques partisans. En France, il s’agissait de lutter contre le terrorisme. On peut donc regretter que certaines manifestations sociales aient été interdites durant la période où l’état d’urgence était en vigueur.

En Turquie, la situation est très préoccupante. Les atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse sont manifestes. Notre Assemblée s’était inquiétée de la situation dès juin 2016, donc avant la mise en œuvre de l’état d’urgence. Celui-ci a permis au Gouvernement turc de fermer de nombreux médias d’opposition et de restreindre encore davantage les libertés fondamentales.

Enfin, il est nécessaire que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence puissent faire l’objet d’un recours: cela doit permettre de limiter les excès. La mise en place d’une commission d’enquête spéciale chargée notamment d’examiner les mesures individuelles prises dans le cadre de l’état d’urgence en Turquie était nécessaire. Toutefois, on peut s’interroger sur son impartialité et les moyens dont elle dispose pour travailler.

En Ukraine, il est nécessaire de s’assurer que les tribunaux transférés en dehors des zones qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement disposent des ressources nécessaires pour fonctionner.

En France, l’état d’urgence a été levé. On ne peut que s’en féliciter. Je souhaite vivement que la Turquie et l’Ukraine fassent de même. En Ukraine, la mise en œuvre des Accords de Minsk devrait permettre de lever rapidement l’état d’urgence. Il faut poursuivre le dialogue pour permettre de trouver une issue au conflit avec la Fédération de Russie.

En Turquie, la situation demeure très préoccupante. Ainsi, l’absence de contrôle parlementaire systématique des décrets-lois est en contradiction avec la Constitution turque elle-même. Cet état de fait ne peut durer. La Turquie, après presque deux ans sous le régime de l’état d’urgence, doit redevenir un État de droit.

M. VENIZELOS (Grèce)* – Les dérogations prévues par l’article 15 de la Convention constituent une disposition classique de l’ordre constitutionnel: la possibilité d’instaurer temporairement un régime d’exception est prévue dans toutes les constitutions nationales. L’activation de cette disposition en cas de guerre ou de menace extérieure est facile à confirmer. L’activation de l’état d’urgence pour des raisons internes pose souvent des difficultés importantes puisqu’elle est liée à la qualité et à la durabilité des institutions démocratiques et des garanties légales offertes par l’État. Il y a va également d’enjeux aussi critiques que la défense et la sécurité nationale. Par exemple, la situation en Turquie est très sensible, non seulement pour l’État, mais aussi pour la stabilité et la paix dans l’ensemble de la région de la Méditerranée orientale.

C’est la raison pour laquelle la convocation immédiate du parlement est prévue par les constitutions, à titre de garantie procédurale, afin qu’il approuve la mise en œuvre de l’état d’urgence. Dans de nombreux cas, l’examen de ces mesures par la Cour constitutionnelle est également prévu.

Les garanties prévues par l’article 15 de la Convention sont inférieures à celles qui sont données par les constitutions nationales. Le fait de tenir le Secrétaire Général pleinement informé, conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la Convention ne suffit pas. L’Assemblée parlementaire dispose de compétences importantes en matière de suivi, mais elles ne représentent pas une garantie aussi forte que peut l’être la compétence d’un parlement national, généralement inscrite dans la constitution, en cas de déclenchement de l’état d’urgence.

Je suis d’accord avec le rapport de M. Comte, qui est excellent. L’Assemblée parlementaire devrait examiner, avec l’aide de la Commission de Venise, si les dispositions des Constitutions des États membres, concernant l’état de siège, sont compatibles avec les acquis européens. Il faut examiner si ces dispositions constitutionnelles ont été respectées par les États membres ayant demandé une dérogation au titre de l’article 15. Voilà quel devrait être l’objet de l’enquête que nous demandons au Secrétaire général d’effectuer, conformément à l’article 15 de la Convention.

M. GROSDIDIER (France) – Le respect de la Convention européenne des droits de l’homme engage l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. Celle-ci vise à garantir aux citoyens des États membres le respect des droits fondamentaux. Certaines circonstances peuvent nécessiter des dérogations et la mise en place d’un régime temporaire d’exception. Toutefois, cette dérogation temporaire doit être proportionnée.

En France, l’état d’urgence a été décrété à la suite des attaques terroristes de novembre 2015, au cours desquelles 130 personnes ont été tuées et 413 blessées. Jamais la France n’avait connu pareil massacre et le gouvernement se devait de réagir. Il l’a fait dans le respect des règles prévues par l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’état d’urgence est resté en vigueur près de deux ans, ce qui peut paraître excessif. Pourtant, il était nécessaire pour renforcer la sécurité de nos concitoyens. En outre, une fois l’état d’urgence décrété, il était politiquement difficile d’y mettre fin alors que la menace terroriste est toujours présente. Rappelons que sans sécurité, il ne peut pas y avoir d’État de droit.

L’état d’urgence a pris fin avec l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Le Sénat français, où je siège, a amendé le projet du gouvernement pour obtenir un texte plus respectueux des libertés fondamentales. Le Sénat français a conféré un caractère temporaire aux principales mesures restrictives de libertés, notamment en limitant dans le temps l’application des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. En outre, la fermeture administrative de lieux de culte ne peut se faire que dans le but de prévenir des actes de terrorisme. Cela montre le rôle que nous, parlementaires, pouvons jouer pour assurer le respect de l’État de droit. L’ensemble de ces éléments devrait garantir que ce texte sera appliqué dans le respect des normes du Conseil de l’Europe.

Avant cela, l’état d’urgence a été appliqué trois fois en France durant la guerre d’Algérie, puis trois fois en outre-mer durant les années 1980 et, enfin, en 2005, en raison d’émeutes dans les banlieues. L’usage qui en est fait est donc restreint, fort heureusement, mais des réformes pourraient être envisagées pour mieux circonscrire la mise en œuvre de mesures individuelles. Le Sénat a institué à cet effet une mission pluraliste, comprenant un membre de chaque groupe politique, pour observer l’application des mesures votées.

Les situations en Turquie et en Ukraine sont bien différentes, s’agissant respectivement d’un coup d’État manqué et d’une situation de guerre. Nul doute que ces situations nécessitaient que l’état d’urgence soit décrété. Aujourd’hui, il paraît toutefois nécessaire d’en sortir. En effet, les mesures d’urgence ne sont pas efficaces sur le long terme et sont très coûteuses. Surtout, l’état d’urgence ne doit pas se substituer à l’État de droit, lequel doit trouver en son sein les moyens de prévenir les risques pérennes.

LE PRÉSIDENT* – M. Cepeda, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KERN (France) – Les dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme sont des mesures exceptionnelles, qui impactent nécessairement l’État de droit. Que ce soit dans le cas de mon pays, la France, de la Turquie ou de l’Ukraine, les gouvernements de ces États pouvaient légitimement prendre ces mesures exceptionnelles. En effet, chaque État a été confronté à des menaces graves, justifiant le recours à ces dérogations. Mais celles-ci ne doivent pas avoir d’autre finalité que de permettre un retour rapide à l’État de droit. Son application doit donc être proportionnée et limitée dans le temps.

En France, l’état d’urgence a duré presque deux ans, ce qui peut sembler bien long. En juillet 2017, une loi renforçant la lutte contre le terrorisme et élargissant les pouvoirs de police a été adoptée, permettant de mettre fin à l’état d’urgence. Il faudra néanmoins veiller à ce que cette loi, dans sa mise en œuvre, ne remette pas en cause les libertés fondamentales.

En Turquie, la situation est aujourd’hui très inquiétante, au point que les relations avec l’Union européenne se sont fortement dégradées. En effet, les dispositions prises dans le cadre de l’état d’urgence sont manifestement disproportionnées. Certes, il fallait réagir face au terrorisme, d’une part, mais aussi face à une tentative de coup d’État, qui menaçait la démocratie turque, d’autre part. Mais, comme je le disais au début de cette intervention, l’état d’urgence a pour but de permettre un retour rapide à l’État de droit. Or, l’état d’urgence en Turquie est en vigueur depuis presque deux ans. Quel est le bilan? Plus de 150 000 fonctionnaires ont été révoqués, 177 entreprises de médias et 1 800 associations ont été fermées. Si toutes ces mesures n’ont pas permis de mettre fin à la menace réelle que représente FETO pour la démocratie turque, c’est que cette méthode n’est pas la bonne. Loin de favoriser le retour à l’État de droit, ces mesures désorganisent l’administration et l’ensemble de la société turque. Il est donc temps de mettre fin à l’état d’urgence. Cela est d’autant plus nécessaire que la Turquie procédera à des élections présidentielle et législatives anticipées le 24 juin. On se rappelle que l’état d’urgence avait justifié, en 2017, l’interdiction de certaines réunions électorales pendant la campagne référendaire sur la réforme constitutionnelle.

Enfin, concernant l’Ukraine, la situation est toujours aussi conflictuelle. Seul un accord de paix permettra de mettre fin à la situation chaotique qui règne aujourd’hui dans l’est du pays. La mesure devant permettre la détention préventive durant trente jours sans décision d’un juge ne me semble pas de nature à permettre de résoudre les difficultés actuelles. Son utilité devra donc être reconsidérée.

M. EFSTATHIOU (Chypre)* – Je n’ai pas du tout l’intention de vous donner une leçon de droit. Je ne voudrais d’ailleurs pas que nous nous laissions aller à un débat strictement juridico-juridique: quand on parle des droits de l’homme, on ne parle pas seulement de droit, mais essentiellement de politique. La démocratie des droits de l’homme, la primauté du droit, voilà nos raisons d’être.

Nous pouvons vraiment nous demander si l’article 15 autorise ou légitime une interférence massive de l’État, ainsi qu’une réduction massive des droits civils et politiques des citoyens ou des personnes résidant sur un territoire. L’article 15, stricto sensu, ne peut s’appliquer que dans des cas de guerre ou de menaces graves à la survie d’un pays. Il ne s’agit pas de l’invoquer pour des troubles intérieurs ou un état d’urgence.

La Convention européenne des droits de l’homme limite d’ailleurs les dérogations possibles, même en cas de menaces graves. Il faut respecter, même dans les situations extrêmes, les principes d’une société démocratique, le principe de proportionnalité et la primauté du droit. Tout est bien encadré: les garanties qui sont offertes par un État de droit doivent être respectées dans tous les cas, avec ou sans dérogation prévue à l’article 15.

Il ne s’agit pas du tout de permettre que l’État s’immisce dans l’exercice des droits fondamentaux des citoyens. Encore une fois, l’article 15 porte sur des dispositions de droit international, pas sur des situations internes. On ne peut pas en discuter in abstracto, mais toujours au regard d’une situation complexe. N’oublions pas que la séparation des pouvoirs doit s’appliquer: le Président, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur ne peuvent pas tout décider. En l’occurrence, on ne peut pas dire qu’une situation de droit international justifie ce qui se passe en Turquie.

Les droits de l’homme en Turquie sont réduits d’une manière inacceptable et incompatible avec l’article 15, qui n’est utilisé que comme un alibi. En revanche, dans le cas de l’Ukraine, certaines dérogations peuvent être justifiées si elles sont encadrées dans le temps et dans leur portée. De même, en France, la loi garantit certains droits.

Il ne faut donc pas adopter un discours trop politiquement correct. Pour ma part, je ne pourrais pas accepter l’application extensive de l’article 15.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – Je souhaite tout d’abord féliciter M. Comte pour son rapport très précis et raisonnable. En particulier, il est tout à fait pertinent en ce qui concerne la situation en Turquie à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.

Les partis d’opposition, dont le mien, le Parti démocratique des peuples, le HDP, et le Parti républicain du peuple, le CHP, ont voté contre la déclaration d’état d’urgence et s’opposent évidemment à l’invocation d’une dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cela donnerait au régime Erdoğan une marge de manœuvre encore plus grande pour saper la démocratie et pour supprimer les derniers éléments de la séparation des pouvoirs qui demeurent encore en Turquie.

Lorsque le coup d’État a échoué, Erdoğan s’est exclamé: «C’est un don de Dieu!». Malheureusement, je doute qu’il mérite vraiment un tel don. On ne sait d’ailleurs pas très bien comment les événements se sont déroulés, dans quelle mesure Erdoğan et son équipe n’étaient pas prévenus de ce qui allait se passer, dans quelle mesure le gouvernement n’a pas laissé faire, justement pour profiter de l’occasion. Erdoğan présente une version très particulière des faits, tandis qu’on peut penser qu’il était au courant qu’il se tramait quelque chose, et qu’il n’a rien fait pour l’empêcher, justement pour pouvoir en profiter après coup, afin de se débarrasser de soldats, de juges, d’avocats, etc. En effet, dès le lendemain, plusieurs centaines de juges ont été révoqués. Comment se fait-il que tant de juges aient pu être ciblés le lendemain d’une tentative ratée de coup d’État dont le gouvernement prétend qu’il ignorait tout? Comment se fait-il qu’une liste entière de personnes à éliminer, à révoquer, soit apparue en l’espace de 24 heures? Comment se fait-il qu’on ait pu épurer toute la fonction publique du jour au lendemain, liste à l’appui? Encore une fois, il serait nécessaire de disposer d’une présentation objective des faits.

En fait, il est très probable que toute cette affaire ait été manipulée, combinée, organisée par le régime pour pouvoir écraser l’opposition. Pendant 18 mois, le Gouvernement turc n’a cessé de durcir la situation; il a fait voter des lois de plus en plus répressives dans tous les domaines au parlement, en invoquant l’état d’urgence. Sous l’état d’urgence, la Turquie est devenue un État hors norme. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait s’en rendre compte et suivre de très près ce qui se passera le 24 juin, car le destin du pays est en jeu.

M. USOV (Ukraine)* – Les situations en Turquie, France et Ukraine ne sont pas comparables, certes, mais nous tous devons respecter nos engagements vis-à-vis de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est vrai que l’Ukraine fait face à une agression ouverte de la part de la Fédération de Russie, qui présente une menace pour notre nation. C’est la seule raison pour laquelle le Parlement ukrainien et le Gouvernement ont pris ces mesures difficiles. Elles visent à garantir la survie de notre peuple, de notre nation, de notre État, à protéger ceux qui souffrent de l’agression russe.

Aujourd’hui encore, après quatre ans de guerre, la loi et l’ordre règnent dans les villages et les cités ukrainiennes où notre drapeau flotte. En revanche, dans les territoires occupés, les droits de l’homme ne sont plus reconnus ni garantis: il n’y a plus de liberté de parole, de liberté de mouvement ou de justice impartiale. Tout cela est de la responsabilité directe de la Fédération de Russie, comme l’a souligné l’Assemblée à maintes reprises. Pour que les dérogations mises en œuvre par l’Ukraine puissent être annulées, nous demandons à la Fédération de Russie de mettre un terme à cette agression armée contre l’Ukraine. Nous exigeons qu’elle retire toutes les forces militaires et autres unités subordonnées au ministère de la Défense et à d’autres institutions de maintien de l’ordre, ainsi que tous les conseillers, structures ou groupes armés illégaux, groupes de mercenaires qui sont commandés ou financés par la Fédération de Russie.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Au cours de ces années, nous avons pu réfléchir au rôle dévolu à cette Assemblée parlementaire. Nous sommes saisis aujourd’hui d’un thème qui justifie pleinement le rôle qui doit être celui de l’Assemblée. C’est la raison pour laquelle je salue la qualité du rapport dont nous sommes saisis.

Dans nos constitutions, dans nos différentes législations, comme en Espagne, sont inscrites des mesures extraordinaires destinées à permettre à la démocratie de se défendre. Cependant, selon moi, au-delà de la sécurité, la liberté est essentielle à la démocratie, et, par-delà la liberté, les droits de l’homme. On ne peut pas réellement concevoir la démocratie sans liberté et sans droits de l’homme. À cet égard, l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme nous donne une référence particulièrement importante, qui complète l’article 7, où il est affirmé qu’il n’y a pas de peine sans loi. C’est là une affirmation fondamentale qui sous-tend notre débat. Certains droits incarnés dans la Convention ne peuvent faire l’objet de dérogation. Ainsi, on ne peut pas déroger au droit à la vie, pas plus qu’il n’est possible d’envisager la torture.

L’Ukraine, la France et la Turquie présentent des situations différentes. Dans chacun de ces cas, on peut chercher à justifier l’action du gouvernement. Permettez-moi de faire référence au dernier rapport des Nations Unies sur cette question, lequel adopte une approche très concrète à l’égard de la Turquie.

Dans le rapport de janvier de 2017, les Nations Unies parlent de détentions arbitraires, de torture et d’autres abus vis-à-vis des droits fondamentaux. Notre Assemblée a un rôle essentiel à jouer dans la définition de ces notions. Je soutiens la démarche suivie dans ce rapport et j’approuve le rôle dévolu au Conseil de l’Europe, mais je serai critique vis-à-vis de tous les États qui ne respectent pas les normes que nous nous sommes tous imposées.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je remercie le rapporteur d’avoir abordé ce sujet délicat avec sensibilité et enthousiasme. La Turquie est toujours disposée à travailler avec le Conseil de l’Europe. Si nous travaillons en étroite collaboration et de manière constructive, dans le respect mutuel, nous réussirons. C’est dans cet esprit qu’il faut poursuivre les consultations. Discuter, débattre avec l’Assemblée, voilà ce que nous proposons. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre dialogue constructif.

Certains faits expliquent pourquoi, face à une grave menace, l’état d’urgence a été imposé en Turquie. La Turquie, en tant qu’État souverain, avait le droit et le devoir de prendre des mesures, pour garantir l’unité et la continuité de l’État, et garantir les droits des victimes de la tentative de putsch. Le Gouvernement turc a cependant conscience du fait que son attitude doit être rigoureuse, précise, et qu’elle doit limiter au maximum les atteintes aux droits de l’homme.

En tant qu’ancien président de la commission des droits de l’homme du Parlement turc, je peux vous assurer que le Gouvernement turc fait tout ce qui est en son pouvoir pour agir au mieux. Nous avons toujours voulu vous expliquer la situation et vous informer. Malheureusement, je dois reconnaître que certains membres de notre Assemblée ne comprennent pas ou ignorent la gravité de la menace terroriste qui pèse sur notre pays. Nos collègues français ont dit qu’il est toujours difficile de lever un état d’urgence alors que la menace terroriste perdure. Ce qui était vrai pour la France reste d’une extrême actualité en Turquie. Comment réagiriez-vous si vous connaissiez des attentats tous les jours?

Et comment réagiriez-vous si, d’une certaine façon, l’Organisation accordait son soutien à des terroristes? Si non seulement elle fermait les yeux, mais aussi soutenait le terrorisme? Je vous remets en mémoire des faits récents, au Parlement européen, à propos de l’organisation basque Batasuna! Ici même, hier, dans le cadre d’une manifestation annexe, un groupe a invité un chef terroriste, qui a pu s’exprimer au sein de notre Organisation. Nous devons tous être très fermes, et tous ensemble dire non au terrorisme.

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro est en cours. Le scrutin se terminera à 17 heures. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez aller voter, dans la rotonde située derrière la présidence.

Mme TRISSE (France) – L’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule qu’en «cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la nation», un État signataire «peut prendre des mesures dérogeant aux obligations» de la Convention, sous réserve d’en informer le Conseil de l’Europe. À la suite des terribles attentats du 13 novembre 2015, les autorités françaises ont effectivement recouru à cette possibilité, alors qu’elles enclenchaient l’état d’urgence pour faire face à la menace exceptionnelle qui pesait sur notre pays.

L’état d’urgence, prévu et régi par la loi du 3 avril 1955, a été prorogé à cinq reprises. Non par commodité ou par manque de courage politique, comme cela a parfois été abusivement dit, mais bien par impérieuse nécessité de sécurité publique. J’en veux pour preuve que le 14 juillet 2016, à Nice, quelques heures à peine après que le président Hollande avait évoqué la sortie de l’état d’urgence, un attentat meurtrier endeuillait la promenade des Anglais.

À chaque fois, le Parlement français s’est saisi de cette question avec gravité, sérieux et objectivité. Une mission d’information spécifique a été diligentée par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Elle a suivi attentivement la mise en œuvre des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Elle a d’ailleurs rendu un rapport détaillé sur cette question fin 2016.

Les plus hautes juridictions françaises, qu’il s’agisse du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, ont également exercé un contrôle vigilant pendant toute cette période, jusqu’à l’expiration de l’état d’urgence le 1er novembre dernier. Il ne s’agissait en aucun cas qu’il perdure indéfiniment.

À cet égard, le Président Macron et son gouvernement ont pris leurs responsabilités, en engageant un profond travail d’adaptation de notre droit interne pour sortir d’un état d’exception qui n’avait pas vocation à se maintenir. Les événements survenus à Carcassonne et Trèbes, le 23 mars dernier, ne remettent pas en cause ce constat; ils montrent que les choix faits ont été courageux, face à une menace durable, et difficile à anticiper.

La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, contrairement à ce qui a été parfois hâtivement affirmé, n’est pas un copier-coller du régime de l’état d’urgence dans le droit commun. Elle a prévu des moyens d’action nouveaux et adaptés, sous le contrôle des juridictions, pour les pouvoirs publics français. Elle a aussi permis le retour plein et entier de la France dans le régime de la Convention européenne des droits de l’homme.

Je tiens à remercier notre rapporteur, M. Comte, pour la qualité de son travail. Sur l’essentiel, je souscris aux constats et aux souhaits qu’il a formulés dans son rapport. Je crois pouvoir dire que les autorités françaises elles-mêmes accorderont la plus grande attention à la résolution examinée ce matin par notre Assemblée.

M. HUNKO (Allemagne)* – Nous discutons de trois cas d’invocation de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, en Ukraine, en France et en Turquie. Je me félicite que nous puissions avoir ce débat. Les raisons invoquées d’un pays à l’autre varient beaucoup. Il est bon de pouvoir en discuter de façon plus globale. Je me félicite aussi de l’approche retenue par le rapporteur. En Ukraine, la cause invoquée est la guerre dans le Donbass, en France la vague d’attentats à Paris, et en Turquie la tentative de coup d’État ratée. Les cas de figure sont différents. Mais le fait qu’il y ait eu une première invocation de l’article 15 a eu un effet d’entraînement. En Turquie, l’état d’urgence et ses prorogations ont souvent été justifiés par l’exemple français.

Cependant, en Europe, ces dernières années, d’autres choix ont été faits. Je voudrais par exemple évoquer les attentats de 2011 en Norvège. Le terroriste Anders Breivik a tué 77 personnes et fait exploser des bombes à Oslo. Quelle fut la réaction du Gouvernement norvégien? Il aurait pu choisir la voie de la répression et de l’autoritarisme. Mais le Premier ministre norvégien a dit qu’il n’abandonnerait pas la démocratie.

Il a déclaré: «Face à cette barbarie, nous avons besoin non pas de moins, mais bien de plus de démocratie et d’ouverture.» Je ne dis pas qu’il ne faut jamais appliquer l’article 15, mais qu’il faut le faire avec le plus de prudence et de modération – comme cela est d’ailleurs rappelé dans le rapport.

En Turquie, c’est dans le cadre de l’état d’urgence que le référendum, qui a totalement bousculé l’ordre des choses, s’est tenu, il y a un an; c’est encore dans le cadre de cet état d’urgence que des élections anticipées auront lieu, le 24 juin prochain. Or, ces élections marqueront sans doute durablement la destinée du pays. On peut donc déplorer qu’elles se tiennent dans le cadre de l’article 15.

M. Petter EIDE (Norvège)* – Je tiens à remercier le rapporteur pour ce projet de résolution, dont je me félicite et qui encadre strictement les possibilités offertes aux États de déclarer l’état d’urgence. Le débat qui nous occupe ce matin a été déclenché par la situation d’état d’urgence déclaré en France, en Turquie et en Ukraine. Cependant, la résolution a des conséquences plus larges.

J’aimerais appeler l’attention de l’Assemblée sur le fait que certaines autorités, en Europe, se demandent comment utiliser la législation réglementant l’état d’urgence pour réduire l’arrivée de demandeurs d’asile et de réfugiés sur leur territoire. La question est la suivante: serait-il légal, dans le cadre de la Convention, de déroger à ses obligations si on devait faire face à un afflux de réfugiés? Une telle situation pourrait-elle être définie comme une crise nationale, constituant ainsi un fondement juridique à des dérogations à la Convention?

En Norvège, la question se pose. Le Gouvernement réfléchit à la possibilité d’amender la législation sur l’état d’urgence pour pouvoir déroger au droit d’asile si une nouvelle crise des réfugiés venait à surgir. Si cette législation était adoptée par le parlement, les autorités nationales pourraient interrompre, par la force, l’afflux de réfugiés et refuser l’accès à des demandeurs d’asile.

J’appelle l’attention de l’Assemblée sur cette question essentielle, et je m’oppose fermement à une telle évolution des choses. Je me félicite de cette résolution, qui précise que l’état d’urgence ne peut être invoqué que dans un état de guerre, ou dans un état d’urgence menaçant un pays. La situation créée par les millions de réfugiés qui traversent la Méditerranée, souvent au péril de leur vie, est avant tout une crise pour les réfugiés eux-mêmes, pas pour les pays européens. Elle ne doit pas permettre aux États de déclarer l’état d’urgence.

Le rôle de notre Assemblée dans ce débat me semble tout à fait clair: déclarer l’état d’urgence ne doit pas servir d’excuse pour déroger aux obligations fondamentales, pour refuser l’accès aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, ou pour nier leurs droits fondamentaux.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. COMTE (Suisse), rapporteur – Je tiens à remercier mes collègues pour leurs félicitations. Elles s’adressent évidemment à l’ensemble de la commission, qui a amélioré le projet de résolution, ainsi qu’à son secrétariat, qui doit être loué pour son excellent travail.

Je tiens à revenir sur quelques modifications proposées au texte, qui sont dues à l’évolution de la situation, en particulier en Turquie. En effet, lorsque nous avons rédigé le projet de résolution, tous les décrets-lois adoptés n’avaient pas été transmis au Secrétaire Général, bien que cela soit obligatoire. Depuis, tous l’ont été: nous pouvons donc supprimer ce point du projet de résolution.

De même, nous mentionnions dans le projet de résolution initial que tous les décrets-lois devraient être examinés de manière critique par le Parlement turc: là encore, depuis, c’est chose faite. Chacun des décrets-lois est devenu une loi ordinaire. Chacun est libre de porter le jugement politique qu’il souhaite sur la nature des mesures adoptées, mais il faut reconnaître que l’examen par le Parlement turc a bien eu lieu – même si le retard dans la procédure était important.

Ce ne sont que des exemples, pour vous montrer que les corrections que nous proposons sont purement factuelles. Elles n’affaiblissent en aucun cas le contenu du texte de la résolution.

Parallèlement, une autre évolution nous inquiète, dont il est important de faire état dans le projet de résolution: l’annonce de la prolongation de l’état d’urgence, alors même que des élections anticipées doivent être organisées. La Commission de Venise a indiqué que l’organisation d’élections ou de référendums alors que l’état d’urgence est déclaré est extrêmement problématique – et ce d’autant plus que l’état d’urgence actuel en Turquie a des répercussions sur les partis politiques et sur les médias. Un référendum, comme des élections, nécessite un débat libre que l’état d’urgence peut entraver. Cela doit donc être un objet d’inquiétude pour notre Assemblée.

Au cours des prochaines années, nous devrons sans doute faire à nouveau face à de telles situations, certains États seront peut-être amenés à déroger à l’article 15 de la Convention. C’est pourquoi il me paraît essentiel que nous nous dotions d’outils permettant de garantir le plein respect du principe de proportionnalité si de tels cas de figure venaient à se reproduire. L’état d’urgence ne doit pas devenir un remède pire que le mal; il doit permettre de préserver les droits humains, et non les attaquer. Nous devrons, à l’avenir, accorder une attention toute particulière à l’état d’urgence et au principe de proportionnalité.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Le rapport de M. Comte est très important: il porte sur un sujet clé, essentiel pour le Conseil de l’Europe, en particulier compte tenu de la situation dans certains pays, comme la Turquie.

Lorsqu’un État déroge à certaines normes et conventions, il peut exister une menace pour l’État de droit et la démocratie. Nous étions donc chargés d’observer d’un œil critique les récentes dérogations faites à l’article 15, et de formuler des recommandations en cas d’autres déclarations d’état d’urgence.

En janvier dernier, notre excellente coopération avec les délégations concernées avait permis de trouver un large consensus sur un sujet politiquement épineux: c’est un bon exemple de collaboration efficace au sein de notre Assemblée. Je tiens donc à remercier tous les collègues ayant participé au débat, tant en commission que dans l’hémicycle. Enfin, j’adresse une nouvelle fois mes compliments à notre rapporteur.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution, sur lequel 19 amendements ont été déposés, ainsi qu’un projet de recommandation, sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Concernant le projet de résolution, j’ai cru comprendre que le président de la commission souhaitait proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 5, 6, 9, 10, 11 et 1, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements. Je vous rappelle, chers collègues, que le temps de parole est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 2.

M. GRAF (Autriche)* – La France ne s’est pas simplement défendue contre des attaques terroristes. Elle a lutté contre l’État islamique qui mène une guerre religieuse. Il faudrait donc parler «d’attaques djihadistes», et cela devrait se retrouver dans le corps du texte.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je m’oppose à cet amendement. Non seulement les terroristes se prétendent à tort «djihadistes», mais ce serait faire le jeu des extrémistes que de reprendre les termes dont ils se prévalent.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. GRAF (Autriche)* – Pour faire bref, je vous renvoie aux propos que j’ai tenus précédemment.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je comprends les motivations de cet amendement: on veut incriminer les mosquées. Il ne s’agit pourtant pas de lutter contre une religion précise, et toutes doivent participer à ce combat contre le terrorisme.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Il faut rappeler, comme l’a notifié la Turquie au Secrétaire Général, que des dispositions ont été prises pour déroger aux obligations découlant de la Convention.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été approuvé par la commission à une large majorité.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Si les attentats ayant visé la France ont été fermement condamnés, il serait bon que la condamnation des attaques terroristes dont la Turquie a été victime figure dans la résolution.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie d’un sous-amendement oral, présenté au nom de la commission des questions juridiques. Il ne porte que sur la version anglaise du texte:

«À l’amendement 7, supprimer la deuxième occurrence du mot: ‟ terrorist ˮ.»

Je considère que ce sous- amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. COMTE (Suisse), rapporteur – Il y a une contradiction entre la version anglaise et la version française. La version anglaise qualifie effectivement de «terroriste» la tentative de coup d’État. Or nous n’avons pas retenu cette qualification dans nos précédentes résolutions. Tenons-nous en donc à la version française.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je préfère ne pas me prononcer sur le sous-amendement oral.

Le sous-amendement oral est adopté.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – La commission a approuvé à l’unanimité l’amendement tel que sous-amendé.

L’amendement 7, sous amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Ma proposition vise à éviter une généralisation.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été approuvé par la commission à une large majorité.

L’amendement 8 est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Je suis saisi de l’amendement 18.

M. YEMETS (Ukraine)* – Cet amendement de caractère technique vise à préciser qui contrôle vraiment ces territoires ukrainiens et à utiliser la même terminologie que celle utilisée dans d’autres résolutions.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission des questions juridiques du sous-amendement oral suivant:

«À l’alinéa 2 de l’amendement 18, supprimer le mot: ‟ occupés ˮ.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. COMTE (Suisse), rapporteur – Ce sous-amendement rédactionnel vise à faire référence à d’autres résolutions précédemment adoptées. Nous sommes d’accord pour dire que ces territoires ne sont plus sous le contrôle de l’Ukraine, puisqu’ils sont placés sous celui de la Fédération de Russie et des forces militaires qui s’y trouvent actuellement.

M. YEMETS (Ukraine)* – Avis favorable.

Le sous-amendement oral est adopté.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* - L’amendement sous-amendé a été approuvé à une large majorité par la commission.

L’amendement 18, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 19.

M. YEMETS (Ukraine)* – Même exposé des motifs que pour l’amendement précédent.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission des questions juridiques du sous-amendement oral suivant:

«À l’alinéa 2 de l’amendement 19, supprimer les mots: ‟ temporairement occupés ˮ et après le mot ‟ Lougansk ˮ, insérer le mot: ‟ temporairement ˮ.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. COMTE (Suisse), rapporteur – Puisque nous avons modifié le texte de l’amendement précédent, il est logique de corriger aussi la rédaction proposée pour celui-ci.

M. YEMETS (Ukraine)* – Avis favorable.

Le sous-amendement oral est adopté.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement sous-amendé a été approuvé à une large majorité par la commission.

L’amendement 19, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Je suis saisi de l’amendement 12.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Il s’agit de faire en sorte que la résolution ne contienne pas une information erronée.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été rejeté par la commission.

L’amendement 12 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 13.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Toutes les modifications ont été adoptées par la Grande assemblée nationale de Turquie. Toutes les réformes souhaitables ont été faites. Nous avons suivi les modalités habituelles. La vérification a été opérée par la Cour constitutionnelle. C’est pourquoi cette modification du texte est nécessaire.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été approuvé à une large majorité.

L’amendement 13 est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Je suis saisi de l’amendement 14.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Il faut rappeler les grands principes, tels que l’indépendance, l’impartialité et la transparence, afin de renforcer ce qui figure dans le paragraphe visé. Ce sont d’ailleurs les termes utilisés par M. Jagland lors de sa dernière visite en Turquie. C’est pourquoi je fais cette proposition.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été approuvé en commission à une large majorité.

L’amendement 14 est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Je suis saisi de l’amendement 15.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Les décrets qui ont été pris ont été autorisés par la Grande assemblée nationale de Turquie. Les dispositions qui figurent dans la loi ont été respectées. Il n’y a donc plus de décret susceptible d’être abrogé. Une telle demande n’a par conséquent plus de sens.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – Amendement approuvé à l’unanimité par la commission !

L’amendement 15 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie, par la commission des questions juridiques, de l’amendement oral suivant:

«Dans le projet de résolution, au paragraphe 18.3.6, substituer aux mots: ‟ le rétablissement de toute mesure qui peut l’exiger ˮ, les mots: ‟ l’introduction de toute mesure future qui peut l’exiger ˮ».

Je considère cet amendement oral comme recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. COMTE (Suisse), rapporteur – Puisque nous venons de supprimer la première phrase de ce paragraphe, il nous faut adapter le texte qui suit et demander à la Turquie, si elle devait prendre de nouvelles mesures, de suivre véritablement le processus administratif et législatif ordinaire. Il s’agit donc d’une modification rédactionnelle liée à la suppression de la phrase que nous venons tout juste de décider.

L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 16.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Le dialogue qui existe entre les experts et le Conseil de l’Europe doit se poursuivre. Cet amendement propose de le rappeler.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été approuvé à une large majorité par la commission.

L’amendement 16 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 17.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Ce paragraphe tend à poser une limite temporelle. Or les circonstances qui ont mené à l’état d’urgence ont leur propre dynamique. C’est la raison pour laquelle, s’il faut être précis pour éviter les violations des droits de l’homme, il ne faut pas poser de délais trop stricts.

M. SCHWABE (Allemagne), président de la commission* – L’amendement a été rejeté à une large majorité par la commission.

L’amendement 17 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14506, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (110 voix pour, 4 voix contre et 7 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14506.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (111 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre du Monténégro, est en cours. Le scrutin sera clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à 11 h 50, est reprise à 12 heures sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

3. Discours de M. Dimitrov, ministre des Affaires étrangères de
«l’ex-République yougoslave de Macédoine»

LE PRÉSIDENT* – Chers collègues, nous allons maintenant entendre l’allocution de M. Nikola Dimitrov, ministre des Affaires étrangères de «l’ex-République yougoslave de Macédoine». À l’issue de son discours, M. le ministre répondra aux questions.

Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est un honneur de vous recevoir. Notre Assemblée est la plus grande assemblée politique européenne. C’est un lieu de rencontre pour les responsables politiques des quatre points cardinaux d’Europe. Ici, tous se rencontrent pour discuter de sujets d’actualité.

Votre allocution nous permettra de braquer nos projecteurs sur la situation en Europe du Sud-Est, une région clé, d’une importance essentielle pour la stabilité du continent. Votre région et votre pays, en particulier, font face à de grands défis. Des défis extérieurs avec la crise des réfugiés, mais aussi un certain nombre de défis internes à relever, un processus de réforme très ambitieux étant en cours.

L’intégration européenne, qui concerne tous les pays de votre région, est évidemment une grande source d’inspiration pour le processus de réforme: c’est un moteur des réformes, mais c’est aussi la possibilité de rendre toute la région plus solide face aux pressions internes et externes. Nous sommes donc très impatients de vous entendre, afin de savoir comment se déroule le processus de réforme chez vous et comment évolue toute la région.

Dans ce contexte, permettez-moi de souligner l’importance, à nos yeux, d’avoir de bonnes relations avec les États voisins. Je songe en particulier aux discussions en cours avec votre voisin grec, discussions qui s’intensifient depuis quelque temps. Nous nous en félicitons et espérons que vous pourrez nous en dire plus quant aux chances de parvenir à un accord sur les points qui divisent encore vos deux pays.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. DIMITROV, ministre des Affaires étrangères de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»* –
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Excellences, Mesdames, Messieurs, chers amis, c’est un honneur particulier pour moi de pouvoir m’adresser à vous, dans la plus ancienne maison du parlementarisme européen.

Je souhaite vous expliquer très brièvement pourquoi je suis venu. J’ai beaucoup travaillé avec le Conseil de l’Europe lorsque j’ai rejoint le ministère des Affaires étrangères dans les années 1996 ou 1997. À cette époque, il fallait rédiger l’article 14 de notre Convention – la disposition sur la non-discrimination –, et j’ai rédigé une thèse sur la protection des minorités nationales. Les idées et les valeurs qui prévalent au Conseil de l’Europe me sont très chères.

Monsieur le Président, j’ai bien sûr d’autres raisons, moins égoïstes, d’être présent. J’espère pouvoir vous présenter les choses de manière positive, alors que nos valeurs et notre démocratie sont mises à mal. Nous avons en effet besoin d’histoires positives.

Le 27 avril marquera le premier anniversaire de la journée la plus noire de notre démocratie depuis notre indépendance, avec l’agression du parlement par une foule de mécontents, qui avait fait intrusion et attaqué des parlementaires. Depuis, qu’avons-nous fait? En moins d’une année, nous avons opéré un changement à 180 degrés. Le rapport d’activité de la Commission européenne reconnaît d’ailleurs le travail très important fait tant par notre gouvernement que par la société dans son ensemble pour s’acheminer rapidement vers l’intégration européenne.

Permettez-moi de rappeler les propos tenus tout récemment par Mme Mogherini à Skopje: «Vous avez tellement obtenu en si peu de temps!» Le commissaire Hahn a quant à lui ajouté que notre pays était devenu un exemple de changement démocratique dans toute la région.

Ce rapport contenait des recommandations claires et nettes pour commencer des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, saluant les réformes menées par notre gouvernement.

Un autre rapport de Freedom House, organisation indépendante qui mesure la liberté des médias, affirme que notre pays représente une réelle chance d’avancée démocratique en Europe. Selon ce rapport, il est petit mais offre d’énormes possibilités, étant passé de la position d’un État pris en otage, figurant généralement sur la liste des pays à problèmes, à celle d’un pays offrant de nombreuses opportunités.

Bien sûr, tout ne peut se faire du jour au lendemain. La situation n’est pas parfaite, loin de là, mais il y a une véritable volonté d’y parvenir. Pour cela, il faut un débat ouvert, transparent, constructif mais surtout une approche honnête de la part de nous tous. Cela s’applique à nos partenaires stratégiques, dont le soutien est essentiel. Nous avons besoin d’une relation sincère pour travailler chez nous, mais aussi pour avoir de véritables perspectives européennes. Si une erreur a été commise, il faut l’avouer mais si quelque chose de bien est fait, il faut aussi le reconnaître.

La seule façon de préserver la stabilité et la prospérité dans les Balkans, c’est justement d’accélérer l’intégration européenne. La stratégie d’élargissement aux Balkans occidentaux constitue un nouvel élan. Que peut-on faire pour améliorer la situation dans cette région? Les pays resteront les mêmes en rejoignant l’Union: le changement doit venir de l’intérieur. Il faut que le pays soit plus européen.

L’enjeu, pour moi, ce sont la liberté d’expression, l’État de droit, les poids et les contrepoids, la liberté des médias, la lutte contre la corruption. Il faut que les pouvoirs soient contrôlés et que le Gouvernement ait des comptes à rendre.

Or mon pays a connu une crise des institutions, celles-ci n’ayant pas réagi comme il fallait aux dysfonctionnements. Pendant deux ans et demi, nous avons connu des tergiversations politiques: notre pays mérite mieux que cela. Notre société est plus résiliente que nos institutions. La grande promesse de ce gouvernement est justement de renforcer les institutions, de veiller à ce qu’il n’y ait plus d’abus, quelle que soit la personne au pouvoir. Pour nous, la question n’était pas de lutter pour la gauche ou pour la droite, mais de lutter pour la démocratie: voilà ce qui était en jeu.

Concernant la politique étrangère, nous mettons l’accent sur notre intégration dans l’Union européenne et dans l’Otan, sur de bonnes relations de voisinage et sur la coopération régionale.

Un nouvel esprit préside aux relations avec nos voisins, qui témoigne de notre volonté de surmonter tous les problèmes. En effet, la diplomatie consiste bien à régler les problèmes, à ouvrir des portes et à faire naître l’amitié. Là encore, je me tourne vers Strasbourg comme vers un symbole de la réconciliation. Guidés par ces exemples positifs, nous avons réussi à conclure un accord de coopération et d’amitié avec la Bulgarie, ce qui marque un tournant dans nos relations bilatérales et montre que les deux camps sont tout à fait disposés à travailler à un avenir européen.

Nous souhaitons faire de même avec nos amis grecs. Ainsi, c’est à Athènes que j’ai fait ma première visite en tant que ministre des Affaires étrangères. Dans une région très riche sur le plan historique, nous sommes résolus à tirer les leçons du passé et à façonner l’avenir. Au départ, avec mon homologue, nous nous sommes efforcés d’accroître la confiance réciproque, et maintenant que cette confiance existe, nous essayons de régler un problème qui remonte à l’indépendance de mon pays, en 1991, afin de répondre à la fois aux exigences d’Athènes et à celles de Skopje. Ainsi, nous nous efforçons de distinguer le pays qu’est la Macédoine et la région de Macédoine. Cette distinction est importante afin de ne pas saper l’identité des deux entités. Si nous y parvenons, ce sera une avancée extraordinaire. Je me rendrai ensuite à Vienne pour d’autres négociations. Il existe une solution, mais il ne faut pas sous-estimer la difficulté de cette question qui se pose depuis deux décennies. En outre, nous devons faire vite afin de ne pas être dépassés par l’évolution européenne.

Venons-en à l’avenir. Nous essayons de bâtir quelque chose, mais la coopération bilatérale peine à trouver un terrain commun. Cependant, le fait d’avoir un voisin stable, démocratique, et amical me paraît être essentiel également pour la Grèce. Nous prenons également des initiatives avec l’Albanie, la Serbie et le Kosovo afin de faire progresser nos relations économiques. En effet, soit nous progresserons ensemble, soit nous chuterons ensemble. Nous avons donc tout intérêt à bâtir une région prospère et démocratique.

Permettez-moi d’en venir aux réformes intérieures. Nous consacrons beaucoup d’efforts à remédier aux faiblesses qui ont été identifiées, notamment en ce qui concerne le système de justice, la liberté des médias, ainsi que le fonctionnement du système politique, en mettant en place des contrepoids régulateurs et en luttant contre la corruption.

Ainsi, nous avons déjà entamé une réforme substantielle du système judiciaire. Je pourrais en parler longuement, mais je vous en donnerai simplement un exemple. Le fameux «Conseil pour l’établissement des faits» utilisé pour influencer les juges, a été démantelé; nous avons également conduit des enquêtes et examiné les logiciels utilisés à l’encontre de certains juges. Nous souhaitons en effet parvenir à l’indépendance de la justice. Les pouvoirs exécutif et législatif doivent faire des efforts dans ce sens, car l’intégrité des personnes qui représentent le pouvoir judiciaire est en jeu.

Par ailleurs, certains d’entre vous se souviennent de problèmes d’interception de communications en «ex-République yougoslave de Macédoine». Nous avons mené de longues discussions avec nos partenaires, et en particulier avec la Commission européenne. Désormais, il ne sera plus possible d’abuser de ce système à des fins personnelles ou politiques; le ministère de l’Intérieur ne pourra plus procéder à de telles interceptions; le développement des techniques des communications sera clairement séparé de tout examen du contenu de ces dernières. En outre, le Parlement et le parquet opéreront un contrôle afin d’éviter tout abus.

Nous avons également fait des progrès en ce qui concerne la liberté d’expression. Par exemple, l’agression du 27 avril dont j’ai parlé n’a pas été présentée avec exactitude par plusieurs chaînes qui sont censées défendre l’intérêt public. Nous avons rédigé des lois, et surtout nous les appliquons. Nous n’utilisons plus l’argent des contribuables pour financer des publicités dans les médias. Les forces du marché jouent donc à nouveau leur rôle. Nous avons réellement changé d’attitude: ces médias permettent d’entendre les représentants de l’opposition et de la société civile, car nous pensons que le débat est tout à fait sain.

Plus généralement, la société civile participe à toutes ces réformes. En effet, la voix de la société est entendue, par l’intermédiaire des différents groupes d’experts.

La lutte contre la corruption est également une de nos priorités. Nous travaillons avec le GRECO pour lutter contre la corruption à tous les niveaux. Nous faisons en sorte que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» se soumette effectivement dès cette année à la méthodologie développée par Cecilia Malmström, commissaire chargée des Affaires intérieures pour mesurer la corruption réelle et non seulement la corruption perçue.

De plus, nous sommes attachés à l’Accord-cadre d’Ohrid qui est essentiel pour la cohésion interethnique dans notre société. Nous veillons à ce que les différentes communautés travaillent ensemble, car plus la cohésion est importante, plus le pays sera fort. C’est dans cet esprit que nous abordons cette question. Cette crise politique aura finalement eu du bon, car elle permet de nous mobiliser au-delà des lignes ethniques, sur la base de principes, de valeurs, telles que la responsabilité, la transparence et la justice. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Permettez-moi de rappeler l’importance du programme horizontal de trois ans pour les Balkans de l’Occident et la Turquie, qui permet d’aider ces pays à mettre en œuvre les recommandations des groupes de suivi du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, nous avons ratifié la Convention d’Istanbul, l’accord international le plus complet pour lutter contre la violence domestique.

Mesdames et Messieurs, tous ces efforts exigent une volonté politique solide. Nous sommes déterminés à poursuivre ces efforts, pour éviter de rechuter et pour renforcer la résilience de notre système. Notre volonté politique et notre nouvelle approche à l’égard de l’Union européenne sont des facteurs essentiels. Ils nous encouragent à lancer les négociations d’adhésion au mois de juin. Nous ferons de notre mieux pour trouver un consensus.

Nous vivons dans un monde incertain et imprévisible. Défendre les valeurs du Conseil de l’Europe est très important. Compte tenu de son histoire turbulente, il est essentiel de rappeler que nous, les 47 États membres de l’organisation européenne la plus ancienne, avons l’obligation et la responsabilité de défendre ses normes. Nous devons protéger et promouvoir ses valeurs pour poser les fondements d’un meilleur avenir et faire en sorte que les nouvelles générations vivent en paix, prospères et libres. Nous connaissons tous de nouvelles difficultés: montée du populisme, de la xénophobie, vagues migratoires, fake news, difficultés financières, etc. Ces problèmes dépassent les frontières nationales et exigent une réponse coordonnée.

En tant que responsables politiques, nous devons travailler tous ensemble pour trouver une solution à ces problèmes. Nous devons défendre une vision du monde fidèle à celle de nos prédécesseurs, qui ont créé ces structures de coopération. Nous appuyons l’organisation d’un sommet du Conseil de l’Europe pour défendre l’unité européenne, la démocratie et la sécurité, ainsi que le système de protection des droits de l’homme. L’effectivité du mécanisme de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme est aussi en jeu. Dans la déclaration de Copenhague du 13 avril, les États membres ont rappelé qu’il fallait partager les responsabilités pour mettre en œuvre cette Convention, appliquer les arrêts de la Cour et prendre toutes les mesures nécessaires à la meilleure élection possible des juges. Nous nous félicitons aussi de toutes les mesures prises pour réduire la charge de travail. Le Protocole 15 a été ratifié par 42 États membres, dont l’ex-République yougoslave de Macédoine.

Monsieur le Président, pour conclure, je souhaiterais revenir sur une question qui est d’actualité pour l’Assemblée. Je m’exprime maintenant en tant que citoyen européen, et non comme représentant de mon gouvernement. Le rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire a été publié. Ce que nous avons appris de la crise que nous avons traversée, c’est qu’il ne faut pas laisser les problèmes se régler seuls. Il faut faire toute la lumière sur ces allégations ou ces suspicions. Nous devons cela à nos pères fondateurs et à nos enfants. Défendons la moralité de notre Organisation, gardienne de la démocratie, de la liberté et de la justice. Je vous remercie pour votre attention, et serai ravi de répondre à vos questions.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre très intéressante allocution. Les membres de l’Assemblée souhaitent vous poser des questions.

Chers collègues, je vous rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes, et que vous devez poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* –
Monsieur le ministre, vous avez déjà abordé la question délicate du nom de votre pays. Vous semblez optimiste, mais prudent. Je souhaiterais savoir comment vous comptez aborder la question au sein même du pays. Est-il envisageable de réunir une large coalition politique pour porter cette question, compte tenu de la crise que vous avez traversée tout récemment?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE»* – Je vous remercie pour votre question, qui n’est pas facile. Une solution durable au différend portant sur le nom de mon pays, entre la République hellénique et «l’ex-République yougoslave de Macédoine», doit tenir compte de l’attitude de l’opinion publique dans les deux pays. Une solution qui risquerait de fracturer la société en deux ne serait pas durable. C’est pourquoi nous avons des obligations politiques manifestes. Nous devons aussi préparer notre opinion au fait qu’un compromis est essentiel pour notre avenir.

Les politiques songent aux responsabilités liées à leurs actes, mais ils songent plus rarement à la responsabilité politique qui vient de l’inaction. Pour tout ministre des Affaires étrangères, il serait néfaste d’ignorer la question. Ce serait tentant, mais totalement négatif. Nous avons beaucoup à gagner à prendre le problème à bras-le-corps. Ce processus avec la Grèce nous permettra de devenir amis et alliés, une fois que nous aurons trouvé la solution. À la différence de la stratégie antérieure sur cette question, nous souhaitons présenter des arguments pour toutes les forces politiques. La politique étrangère de mon pays dans la région est telle qu’il est difficile d’ouvrir un conflit avec nous. Il est difficile d’entrer en conflit avec ceux qui ne souhaitent pas en créer.

M. Espen Barth EIDE (Norvège), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* –
Excellence, je vous souhaite la bienvenue dans notre hémicycle. Mes interrogations portent également sur le nom de votre pays. Cette question retarde depuis trop longtemps votre intégration euroatlantique. Quelles mesures peuvent être prises rapidement pour profiter de la fenêtre d’opportunité qui vient de s’ouvrir, pour trouver très rapidement un éventuel accord et aller de l’avant?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE»* – Comme je vous l’ai dit, l’idée est de retourner le plus rapidement possible à Vienne pour engager un nouveau cycle de discussions avec le médiateur, M. Nimetz. Jusqu’ici, le ministre des Affaires étrangères n’était pas directement impliqué dans les discussions: faire ce choix aujourd’hui est évidemment un peu risqué, mais je suis convaincu qu’une fenêtre d’opportunité s’est ouverte.

Quant aux mesures envisagées, je crains de ne pouvoir être très concret pour le moment: nous devons faire de notre mieux et avoir une vision stratégique à long terme, car nous aurons alors d’autant plus de chances de trouver une solution.

Par le passé, il y a eu un grave déficit d’explications, qui a nourri les stéréotypes, les préjugés et l’ignorance dans les deux pays. Personne n’a jamais prétendu que le chemin serait facile: notre mission est de ne rien négliger pour saisir pleinement l’opportunité qui s’offre à nous aujourd’hui.

The Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Il semble que vous ayez une possibilité d’ouvrir prochainement les négociations d’adhésion avec l’Union européenne. Réformer la justice, mettre en place un contrôle parlementaire des services de sécurité, développer des procédures de recrutement non partisan dans la fonction publique, et garantir une couverture pluraliste de la presse: ne pensez-vous pas que ce sont autant de sujets sur lesquels vous devez encore progresser?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE»* – Je ne vais pas répéter tout ce que j’ai déclaré dans mon discours: vous venez de rappeler l’essentiel de notre mission. Depuis 2005, beaucoup de réformes ont été engagées, elles sont porteuses d’espoir et d’impatience: en 2001, l’ex-République yougoslave de Macédoine a été la première à signer un accord de stabilisation et d’association à Luxembourg; en 2005, on nous a accordé le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Depuis, la Commission européenne a recommandé le démarrage des négociations d’adhésion. Certes, nous avons vécu des temps difficiles, une véritable crise, mais nous avons aujourd’hui la possibilité de faire grandir notre société et de la rendre plus responsable. On nous offre une opportunité, à nous de saisir cette immense chance! Notre but n’est pas tant d’adhérer à l’Union européenne que de devenir un véritable État démocratique.

Dans son rapport, la Commission a mis en lumière 9 domaines fondamentaux dans lesquels nous devions encore nous améliorer. Parmi eux, nous avons déjà fait des progrès en matière de liberté des médias, ainsi que sur les chapitres 23 et 24, qui concernent le système judiciaire et les droits fondamentaux, la justice, la liberté et la sécurité. Nous travaillons également à une réforme de l’administration publique. Pour la première fois depuis 2010, notre bilan est globalement favorable.

Mais, je le répète: en dehors de toute considération d’adhésion à l’Union européenne, nous devons mener à bien notre mission. Soyez assurés que nous continuerons de faire notre travail honnêtement. La volonté politique et l’envie sont là: le peuple a le sentiment que c’est maintenant ou jamais. Et que nous pouvons y arriver.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Monsieur Dimitrov, la Commission européenne a recommandé d’ouvrir les négociations en vue de l’adhésion de votre pays à l’Union européenne. Pourtant, deux questions se posent sur le plan international.

Tout d’abord, plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé l’ingérence de votre gouvernement dans les médias, ce qui remet en cause la liberté de la presse. Ensuite, la Commission a indiqué qu’il restait beaucoup à faire en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé. Quelles mesures concrètes votre Gouvernement prendra-t-il donc sur ces deux aspects?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE»* – Je vais revenir de manière détaillée sur chacune de ces questions.

Tout d’abord, la transparence sur la gouvernance de notre pays a été considérablement améliorée. Dès ma prise de fonction, en réalisant que les dépenses du ministère étaient classées «confidentielles», j’ai immédiatement pris des mesures pour les déclassifier et maintenant tout est accessible au public. Il est important que tout se fasse dans la transparence et la lumière, et c’est pourquoi, à bien des égards, nous avons largement ouvert les procédures.

Concernant la lutte contre la corruption, nous devons mener des études approfondies auprès des citoyens et des sociétés pour disposer d’un état des lieux précis, et pouvoir ensuite mettre en place des mesures sectorielles.

Quant aux médias, je le répète, aucun fonds public n’est utilisé à des fins de publicité. Par le passé, un certain nombre d’élections se sont déroulées sans qu’aucun débat politique ait lieu entre les candidats. Dans une démocratie, cela n’est pas sain, et des débats sont désormais organisés. Par ailleurs, l’opinion publique est devenue particulièrement intolérante vis-à-vis des erreurs de l’exécutif: sa critique se porte autant sur des situations mineures que sur des questions majeures. Un projet de loi portant sur les télédiffuseurs et radiodiffuseurs publics vise à garantir l’indépendance rédactionnelle vis-à-vis de leurs conseils d’administration. Avec cette indépendance financière, le gouvernement ne sera donc plus en mesure d’influencer le contenu des chaînes publiques.

Comme le montrent les rapports de la Commission et de l’organisation non gouvernementale Freedom House, nous sommes clairement sur la bonne voie. Et ce n’est pas seulement parce que nous voulons une bonne note: nous faisons avant tout cela pour nous-mêmes, compte tenu de l’expérience difficile que nous avons connue jusqu’à présent.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Alors que les conclusions définitives des enquêtes menées à la suite de cet épouvantable empoisonnement à Salisbury ne sont pas encore connues, de nombreuses expulsions de diplomates sont intervenues en Europe. Pourquoi donc «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a-t-elle participé à cette vague d’expulsions? Il ne me paraît pas raisonnable de préjuger des conclusions d’une enquête ou du verdict d’un éventuel procès.

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE* – Nous n’avons pas pris cette décision à la légère, Monsieur Hunko. Nous avons pesé le pour et le contre et nous avons examiné tous les aspects de la question. Nous avions d’ailleurs aussi des raisons internes propres: la personne concernée a en effet cherché à obtenir des renseignements confidentiels sous couvert de son statut de diplomate. Nous avons pris notre décision après mûre réflexion.

Nous voulons des relations amicales avec les grands et les petits pays, mais cela suppose sincérité et compréhension des besoins légitimes de l’autre. Par ailleurs, cet épisode est intervenu à la suite de la publication par Moscou d’un communiqué selon lequel notre demande d’adhésion à l’Otan était de nature à nuire à la stabilité de la région. Nous demandons aux grands comme aux petits pays de respecter la volonté de notre peuple. Les trois quarts des Macédoniens souhaiteraient que toutes ces questions en suspens soient enfin réglées. Vous savez que l’une des toutes premières déclarations de notre parlement, en 1993, portait précisément sur l’adhésion à l’Otan. Notre candidature n’est dirigée contre personne, mais nous jugeons cette adhésion nécessaire pour stabiliser notre pays et la région. Nous avons suffisamment de problèmes dans notre région pour ne pas chercher à attiser les conflits entre la Fédération de Russie et l’Ouest. Je n’en dirai pas plus.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Monsieur le ministre, que pourrait, selon vous, apporter aux Balkans occidentaux le sommet qui doit se tenir en Bulgarie au mois de mai? Le Président Macron a déclaré que la réforme de l’Union européenne était une priorité par rapport à l’adhésion de nouveaux membres. Les critiques formulées dans son rapport par la Commission européenne sur la liberté des médias, l’Etat de droit et la lutte contre corruption ne risquent-t-elles pas de retarder l’entrée de votre pays dans l’Union européenne ?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE* – Le sommet de Sofia se tiendra quinze ans après la promesse faite à Thessalonique par l’Union européenne. Nous allons nous concentrer sur la connectivité et la sécurité, mais un message politique fort serait important, quinze ans après Thessalonique et la stratégie de la Commission européenne. Vous avez évoqué la déclaration du Président Macron. Je ne crois pas que la consolidation et la réforme de l’Union européenne empêchent forcément un élargissement. De toute façon, aucun des pays de notre région n’est sur le point d’adhérer. Les échéances données, à titre indicatif, par la Commission européenne, renvoient plutôt, approximativement, aux années 2020-2025. Ce qui est important, c’est tout ce processus, cette voie que nous devons suivre pour aller vers l’adhésion, ces réformes que nous devons mener.

Dernier point, il n’est pas possible de consolider l’Europe si l’on exclut les Balkans. La crise migratoire montre l’importance d’une vision intégrée de la sécurité.

Pour conclure, je citerai Lord Robertson, impliqué dans les affaires de notre région en 2001, alors qu’il était Secrétaire général de l’Otan: «Si vous n’êtes pas capable de monter deux chevaux en même temps, que faites-vous dans ce cirque au premier plan?»

Je m’en tiens là pour l’instant.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le ministre, nous allons regrouper les questions suivantes par séries de trois.

Mme KASIMATI (Grèce)* – Bienvenue, Monsieur le ministre.

Il faut être confiant. Les négociations en cours devraient permettre un véritable rapprochement et une amélioration des relations entre nos pays, si chacun fait preuve de bon sens et de bonne volonté, si chacun se soucie d’améliorer la situation des populations. Il faut quand même reconnaître que l’Onu, l’Union européenne et l’Otan ont demandé un accord sur le nom de votre pays. Comment pensez-vous préserver ce qui a déjà été acquis si vous campez sur votre volonté de conserver le nom constitutionnel de votre pays? Votre objectif est-il, d’une certaine façon, de parvenir à un «double nom»?

Mme SCHOU (Norvège)* – Au cours des débats que notre Assemblée a tenus hier, la corruption a été qualifiée de cancer pour la démocratie et l’Etat de droit, et je sais bien que la lutte contre la corruption fait partie de vos priorités. Votre ordre juridique et institutionnel semble, à cet égard, adapté, mais que faut-il encore faire, selon vous, pour lutter efficacement, concrètement, contre la corruption en «ex-République yougoslave de Macédoine»?

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Monsieur le ministre, qu’a fait «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour améliorer sa situation depuis sa comparution, en 2012, devant la Cour européenne des droits de l’homme?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE* – Merci pour ces questions très détaillées.

Nous discutons depuis des mois avec nos amis grecs. Je ne veux pas parler en leur nom, mais, pour notre part, il est vrai que nous devons concilier deux exigences qui ne sont pas toujours compatibles: protéger l’intégrité du processus et informer l’opinion publique. Le problème est que lorsque des positions de négociation sont publiées elles deviennent l’objet d’un grand débat national, et cela limite la liberté du négociateur.

Tout en vous parlant, je m’interroge sur l’opportunité de fournir des éléments concrets à ce stade. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il serait utile d’indiquer que tel ou tel point doit absolument figurer dans la solution finale. Il convient naturellement de faire en sorte que les éléments primordiaux aux yeux d’Athènes et de Skopje s’y retrouvent. Pour y parvenir, il faut donner plus de poids aux discussions et élever le niveau du débat. Lorsque nous aurons fixé un cadre acceptable pour les deux pays, nous pourrons en faire publiquement état. Je le répète, c’est un exercice d’équilibriste et je ne suis pas sûr que le moment soit venu.

S’agissant de la jurisprudence de la Cour, je répondrai d’une manière symbolique et je vous dirai ce que nous faisons au plan interne. Pour celui qui considère qu’il n’a pu obtenir justice dans son pays, la Cour de Strasbourg représente un phare. Comme je l’ai dit à la fin de mon discours, il est primordial de protéger l’intégrité et la crédibilité de ce phare, de cet exemple, qui est perçu comme un ultime recours en Europe, alors que de telles possibilités ne sont pas légion.

Sur le plan interne, il faudra préserver deux éléments afin d’assurer la poursuite des efforts. La société civile s’éveille et elle se rend compte qu’elle doit être forte pour surveiller l’action du gouvernement, encadrer son action et, le cas échéant, protester ou critiquer. Qu’elle en soit consciente représente déjà un projet en soi, indépendamment de tout processus législatif ou politique.

Quant à la lutte contre la corruption, nous prévoyons une nouvelle loi relative aux marchés publics, conforme aux normes européennes. Ainsi, pour attirer des investissements étrangers directs, les pays ont tendance à proposer des facilités en termes financiers ou de règlementation sociale. Mais jusqu’à présent, les propositions faites aux investisseurs potentiels restaient secrètes. Nous proposons de rendre publiques les contreparties offertes aux investisseurs. Au lieu de garder secrètes les tractations, les éléments seront mis sur la table, ce qui permettra en outre aux entreprises d’établir des comparaisons en pleine connaissance de cause.

LE PRÉSIDENT* – J’invite les quatre derniers membres inscrits à poser brièvement leurs questions.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Monsieur le ministre, il subsiste une controverse sur le statut de la langue albanaise pour la communauté albanophone. Comment envisagez-vous l’avenir de vos relations avec vos voisins albanophones et la communauté albanophone dans votre propre pays?

Mme GROZDANOVA (Bulgarie)* – Ma question concerne les progrès obtenus en matière de coopération transfrontalière entre l’«ex-République yougoslave de Macédoine» et le Kosovo dans le cadre des instruments de pré-adhésion et les résultats en matière de lutte contre les migrations irrégulières entre les deux pays.

M. CSENGER-ZALÁN (Hongrie)* – D’après les éléments les plus récents, la pression migratoire continue à monter à la frontière avec la Turquie. Comment considérez-vous ce problème et quelles mesures envisagez-vous de prendre à la frontière macédonienne pour fermer cette voie des Balkans occidentaux?

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je renonce à poser ma question.

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE»* - Pour la toute première fois, nous avons tenu une réunion gouvernementale conjointe avec l’Albanie, réunion au cours de laquelle nous avons évoqué un certain nombre de nouveaux accords. Nous avons beaucoup d’intérêts en commun et une relation positive s’est instaurée entre nous. Nous sommes une société multiethnique. Notre région l’est également et mon pays ne fait pas exception à la règle.

Il existe deux visions d’avenir pour les Balkans: l’intégration européenne ou l’ethnicité. Nous savons où cette dernière nous a conduits dans les années 1990. Par conséquent, la seule perspective pacifique, durable et juste est l’intégration européenne. La volonté politique existe. Certes, nous pouvons faire encore davantage au plan interne et dans la région, mais si ces efforts réels de réforme interne vont de pair avec une perspective européenne crédible et si les choses se font de façon franche et sincère, les progrès suivront.

Pour ce qui nous concerne, les défis à long terme consistent à jeter davantage de passerelles entre les jeunes des différentes communautés ethniques. L’un des meilleurs instruments pour ce faire, c’est un enseignement intégré. Nous avons un niveau de protection élevé que nul ne remet en question, mais à long terme, nous devrons nous concentrer sur le renforcement de la cohésion entre les jeunes des générations montantes ayant des origines ethniques différentes. Des idées sont émises en ce sens, notamment au sein du Haut-commissariat sur les minorités nationales de l’OSCE et au sein de notre pays.

Concernant la coopération transfrontalière, nous travaillons sur les points de passage. Nous avons des états de service en ce qui concerne l’utilisation des fonds européens disponibles en matière de passages transfrontières. Nos deux voisins ont leur propre vision des choses et nous souhaitons vivement que ces questions soient réglées. Nous souhaitons avoir des relations étroites avec nos deux voisins. Parfois, nos relations avec l’un ou l’autre souffrent de leurs propres dynamiques, et nous ne voulons pas être acteurs de tels phénomènes. Il existe sans nul doute une relation de travail au niveau des acteurs politiques, mais je ne peux vous fournir des détails en matière de coopération transfrontalière. Peut-être pourrai-je vous en fournir ultérieurement.

Pour ce qui est de la crise migratoire, il n’existe pas de réponse simple.

Toutes les préoccupations sont fondées. L’importante question des relations entre l’Union européenne et la Turquie est effectivement très complexe et peut avoir, et a d’ailleurs des conséquences sur les défis que représentent les migrations. La question de la route des Balkans est aussi très importante; de nombreux pays souhaiteraient que cette route soit fermée. Se pose aussi la question de la solidarité et de la maîtrise des flux sur ce territoire qui n’est pas facile à contrôler étant donné l’accès par la mer à de nombreuses îles et littoraux.

Je ne pense pas possible de vous présenter une vision détaillée de cette question complexe. Nous devons continuer à faire de notre mieux et à tenir compte de nos amis européens, de nos voisins, tout en veillant à nos propres intérêts, à ceux de notre peuple et au respect de nos frontières nationales. Mais sans nul doute, ce problème dépasse les frontières nationales. La seule façon de le traiter est d’entretenir des relations intereuropéennes très étroites. Il convient également de songer aux besoins des réfugiés, notamment ceux qui fuient leur pays pour sauver leur vie. À cet égard, je pense que nous pourrions faire mieux, nous et l’Europe dans son ensemble.

Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’adresser à cette Assemblée, Monsieur le Président. Merci, Mesdames, Messieurs, de votre attention.

LE PRÉSIDENT* – Nous devons effectivement mettre un terme à cet échange avec M. Dimitrov. Monsieur le ministre, au nom de notre Assemblée, je vous remercie chaleureusement pour votre discours et pour les réponses que vous nous avez apportées.

Je vous adresse mes compliments pour les résultats atteints par votre pays en matière de promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Nous apprécions vivement votre engagement envers le Conseil de l’Europe, et saluons la ratification de la Convention d’Istanbul par votre pays.

Permettez-moi également de vous remercier pour la façon très constructive avec laquelle vous abordez les négociations, délicates, en cours avec la Grèce notamment. Il importe effectivement de renforcer les liens d’amitié entre tous les pays, entre tous les États membres du Conseil de l’Europe. À la fin de votre discours, vous avez tiré les enseignements de la crise dans votre pays en disant qu’il ne faut jamais fermer les yeux et refuser de voir les problèmes, qu’il faut savoir les aborder. C’est une leçon que nous devons nous aussi retenir.

Chers collègues, je vous rappelle que nous votons pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre du Monténégro. Le scrutin est maintenant suspendu; il reprendra, cet après-midi, à 15 h 30, et sera clos à 17 heures.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 05.

SOMMAIRE

1. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro

2. État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme

Présentation par M. Comte du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14506)

Orateurs: MM. Howell, van de Ven, Özsoy, Vareikis, Mme Mikko, MM. Fournier, Venizelos, Grosdidier, Kern, Efstathiou, Kürkçü, Usov, Bildarratz, Yeneroğlu, Mme Trisse, MM. Hunko, Petter Eide

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

3. Discours de M. Dimitrov, ministre des Affaires étrangères de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»

Questions: MM. Ghiletchi, Espen Barth Eide, The Earl of Dundee, Mme Rodríguez Hernández, M. Hunko, Mmes Filipovski, Kasimati, Schou, MM. Howell, Vareikis, Mme Grozdanova, MM. Csenger-Zalán

4. Prochaine séance publique

Appendix I / Annexe I

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

AKTAY, Yasin [Mr]

ALEKSANDROV, Nikolay [Mr] (BOGDANOV, Krasimir [Mr])

AMON, Werner [Mr]

ARENT, Iwona [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]

BAKUN, Wojciech [Mr] (JAKUBIAK, Marek [Mr])

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BARTOS, Mónika [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

BECHT, Olivier [M.]

BENEŠIK, Ondřej [Mr]

BENNING, Sybille [Ms] (VOGEL, Volkmar [Mr])

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BERNHARD, Marc [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BEYER, Peter [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BLAZINA, Tamara [Ms] (QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSHKA, Klotilda [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

CHITI, Vannino [Mr]

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CHUGOSHVILI, Tamar [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

CIMBRO, Eleonora [Ms] (SANTANGELO, Vincenzo [Mr])

COMTE, Raphaël [M.] (MÜLLER, Thomas [Mr])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORREIA, Telmo [M.] (MARQUES, Duarte [Mr])

CORSINI, Paolo [Mr]

COURSON, Yolaine de [Mme] (MAIRE, Jacques [M.])

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

CSÖBÖR, Katalin [Mme]

CZELEJ, Grzegorz [Mr] (WOJTYŁA, Andrzej [Mr])

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DI STEFANO, Manlio [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DONCHEV, Andon [Mr] (HRISTOV, Plamen [Mr])

DUMERY, Daphné [Ms]

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr] (LOUCAIDES, George [Mr])

EIDE, Espen Barth [Mr]

EIDE, Petter [Mr] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (PASHAYEVA, Ganira [Ms])

FIALA, Doris [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTI, Marco [M.]

GAVAN, Paul [Mr]

GENTVILAS, Simonas [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GLASOVAC, Sabina [Ms] (BALIĆ, Marijana [Ms])

GOGA, Pavol [M.] (MAROSZ, Ján [Mr])

GOGUADZE, Nino [Ms] (KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRAF, Martin [Mr]

GRECH, Etienne [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])

GROSDIDIER, François [M.]

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (MARSCHALL, Matern von [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HOYO, Belén [Ms] (GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr])

HUNKO, Andrej [Mr]

HUOVINEN, Susanna [Ms] (GUZENINA, Maria [Ms])

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JABLIANOV, Valeri [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (OHLSSON, Carina [Ms])

JONES, Susan Elan [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (HAIDER, Roman [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KELLEHER, Colette [Ms] (COWEN, Barry [Mr])

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KITEV, Betian [Mr]

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]

KOBZA, Jiři [Mr] (NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms])

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LACROIX, Christophe [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LIDDELL-GRAINGER, Ian [Mr]

LOVOCHKINA, Yuliya [Ms]

LUCHERINI, Carlo [Mr] (ZAMPA, Sandra [Ms])

LUCIO, Pilar [Ms] (RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme])

LUPU, Marian [Mr]

MANNINGER, Jenő [Mr] (GULYÁS, Gergely [Mr])

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MIKKO, Marianne [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

NICOLINI, Marco [Mr] (D’AMBROSIO, Vanessa [Ms])

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr]

OBREMSKI, Jarosław [Mr] (BUDNER, Margareta [Ms])

OSUCH, Jacek [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

OVERBEEK, Henk [Mr] (MULDER, Anne [Mr])

ÖZSOY, Hişyar [Mr] (KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms])

PACKALÉN, Tom [Mr]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POLIAČIK, Martin [Mr] (KAŠČÁKOVÁ, Renáta [Ms])

POPA, Ion [M.] (PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms])

PREDA, Cezar Florin [M.]

RAUCH, Isabelle [Mme] (SORRE, Bertrand [M.])

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

ROCA, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (KRARUP, Marie [Ms])

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SANTERINI, Milena [Mme]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHIEDER, Andreas [Mr] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

SCHMIDT, Frithjof [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SEKULIĆ, Predrag [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

STANĚK, Pavel [Mr]

ȘTEFAN, Corneliu [Mr]

STELLINI, David [Mr]

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]

STIENEN, Petra [Ms]

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TRISSE, Nicole [Mme]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TSKITISHVILI, Dimitri [Mr] (PRUIDZE, Irina [Ms])

TUȘA, Adriana Diana [Ms]

TZAVARAS, Konstantinos [M.]

USOV, Kostiantyn [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

VALLINI, André [M.] (CAZEAU, Bernard [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VENIZELOS, Evangelos [M.] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

VERDIER-JOUCLAS, Marie-Christine [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

VILLUMSEN, Nikolaj [Mr]

VLASENKO, Sergiy [Mr] (LOGVYNSKYI, Georgii [Mr])

VOGT, Ute [Ms] (BARNETT, Doris [Ms])

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WHITFIELD, Martin [Mr] (SHARMA, Virendra [Mr])

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WOLD, Morten [Mr]

XHEMBULLA, Almira [Ms] (SHALSI, Eduard [Mr])

YEMETS, Leonid [Mr]

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ANTL, Miroslav [M.]

AST, Marek [Mr]

AZZOPARDI, Jason [Mr]

BALFE, Richard [Lord]

BAYR, Petra [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr]

EROTOKRITOU, Christiana [Ms]

HAMOUSOVÁ, Zdeňka [Ms]

JANIK, Grzegorz [Mr]

LUNDGREN, Kerstin [Ms]

MAVROTAS, Georgios [Mr]

RUSSELL, Simon [Lord]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr]

Observers / Observateurs

DOWNE, Percy [Mr]

O’CONNELL, Jennifer [Ms]

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr]

TILSON, David [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

AMRAOUI, Allal [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

LABLAK, Aicha [Mme]

LEBBAR, Abdesselam [M.]

MUFLIH, Haya [Ms]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan

Appendix II /Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of the Council of Europe Commissioner for Human Rights and in the ballot for the election of a Judge to the European Court of Human Rights in respect of Montenegro / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection du/de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro

ÅBERG, Boriana [Ms]        Æ

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]        A

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]        A

AKTAY, Yasin [Mr]        A

AMON, Werner [Mr]        A

ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms] /VENIZELOS, Evangelos [M.]

ARIEV, Volodymyr [Mr]/ USOV, Kostiantyn [Mr]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]        B

BALIĆ, Marijana [Ms] / GLASOVAC, Sabina [Ms]

BARNETT, Doris [Ms] / VOGT, Ute [Ms]

BARREIRO, José Manuel [Mr] / GONZÁLEZ TABOADA, Jaime [M.]

BECHT, Olivier [M.]        B

BERNHARD, Marc [Mr]        B

BERNINI, Anna Maria [Ms] / AMORUSO, Francesco Maria [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]        B

BEYER, Peter [Mr]        B

BLONDIN, Maryvonne [Mme]        B

BOGDANOV, Krasimir [Mr] / ALEKSANDROV, Nikolay [Mr]

BRASSEUR, Anne [Mme]        B

BURES, Doris [Ms]        B

BUSHATI, Ervin [Mr]        B

BUSHKA, Klotilda [Ms]        C

CEPEDA, José [Mr]        C

CHITI, Vannino [Mr]        C

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]        C

CHUGOSHVILI, Tamar [Ms]        C

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]        C

CORSINI, Paolo [Mr]        C

COWEN, Barry [Mr] / KELLEHER, Colette [Ms]

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]        C

CSÖBÖR, Katalin [Mme]        D

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms] / NICOLINI, Marco [Mr]

DAMYANOVA, Milena [Mme]        D

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]        D

DIVINA, Sergio [Mr]        E

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]        E

EIDE, Espen Barth [Mr]        E

ESSL, Franz Leonhard [Mr] / SCHIEDER, Andreas [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme]        F

FOURNIER, Bernard [M.]        F

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]        G

GAFAROVA, Sahiba [Ms]        G

GAILLOT, Albane [Mme] / VERDIER-JOUCLAS, Marie-Christine [Mme]

GALE, Roger [Sir]        G

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr] / HOYO, Belén [Ms]

GATTI, Marco [M.]        G

GERASHCHENKO, Iryna [Mme] / GOLUB, Vladyslav [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]        G

GIRO, Francesco Maria [Mr]        G

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]        G

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]        G

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]        G

GULYÁS, Gergely [Mr] / MANNINGER, Jenő [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]        G

GUZENINA, Maria [Ms] / HUOVINEN, Susanna [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]        H

HAJIYEV, Sabir [Mr]        H

HALICKI, Andrzej [Mr] / MUNYAMA, Killion [Mr]

HEINRICH, Gabriela [Ms]        H

HUSEYNOV, Rafael [Mr]        J

JABLIANOV, Valeri [Mr]        J

JENIŠTA, Luděk [Mr]        J

JENSEN, Mogens [Mr]        J

JONES, Susan Elan [Ms]        K

KALMARI, Anne [Ms] / HONKONEN, Petri [Mr]

KARLSSON, Niklas [Mr] / JANSSON, Eva-Lena [Ms]

KAŠČÁKOVÁ, Renáta [Ms] / POLIAČIK, Martin [Mr]

KITEV, Betian [Mr]         K

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]        K

KLICH, Bogdan [Mr] / POCIEJ, Aleksander [M.]

KOVÁCS, Elvira [Ms]        K

KRONBICHLER, Florian [Mr]        K

KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr] / GOGUADZE, Nino [Ms]

KYTÝR, Jaroslav [Mr]        L

LACROIX, Christophe [M.]        L

LAIZĀNE, Inese [Ms] / CILEVIČS, Boriss [Mr]

LEITE RAMOS, Luís [M.]        L

LIASHKO, Oleh [Mr] / VOVK, Viktor [Mr]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]        L

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr] / VLASENKO, Sergiy [Mr]

LOUCAIDES, George [Mr] / EFSTATHIOU, Constantinos [Mr]

LUPU, Marian [Mr]        M

MAIRE, Jacques [M.] / COURSON, Yolaine de [Mme]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]        M

MARQUES, Duarte [Mr] / CORREIA, Telmo [M.]

MARSCHALL, Matern von [Mr] / HEINRICH, Frank [Mr]

MASSEY, Doreen [Baroness]        M

MATARÍ, Juan José [M.] / ROCA, Jordi [Mr]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]        M

MIKKO, Marianne [Ms]        M

MOTSCHMANN, Elisabeth [Ms] / HARDT, Jürgen [Mr]

MULDER, Anne [Mr] / OVERBEEK, Henk [Mr]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]        N

NENUTIL, Miroslav [Mr]        N

NICK, Andreas [Mr]        O

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]        O

OHLSSON, Carina [Ms] / JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms] / FILIPOVSKI, Dubravka [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms] / FATALIYEVA, Sevinj [Ms]

PREDA, Cezar Florin [M.]        P

PRUIDZE, Irina [Ms] / TSKITISHVILI, Dimitri [Mr]

QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms] / BLAZINA, Tamara [Ms]

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]        R

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]        R

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme] / LUCIO, Pilar [Ms]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]        S

SANTANGELO, Vincenzo [Mr] / CIMBRO, Eleonora [Ms]

SEKULIĆ, Predrag [Mr]        S

SEYIDOV, Samad [Mr]        S

SHALSI, Eduard [Mr] / XHEMBULLA, Almira [Ms]

SHARMA, Virendra [Mr] / WHITFIELD, Martin [Mr]

SILVA, Adão [M.]        S

SMITH, Angela [Ms]        S

SOBOLEV, Serhiy [Mr]        S

SOTNYK, Olena [Ms]        S

STANĚK, Pavel [Mr]        Ș

ȘTEFAN, Corneliu [Mr]        S

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]        S

STIENEN, Petra [Ms]        S

STRIK, Tineke [Ms]        Ş

ŞUPAC, Inna [Ms]        T

TERIK, Tiit [Mr]        T

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]        T

TRISSE, Nicole [Mme]        T

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]        T

TUȘA, Adriana Diana [Ms]        V

VAREIKIS, Egidijus [Mr]        V

VEJKEY, Imre [Mr] / BARTOS, Mónika [Ms]

WENAWESER, Christoph [Mr]        W

WILSON, Phil [Mr]        W

WOJTYŁA, Andrzej [Mr] / CZELEJ, Grzegorz [Mr]

YEMETS, Leonid [Mr]        Y

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]        Z

ZAMPA, Sandra [Ms] /LUCHERINI, Carlo [Mr]