FR18CR13

AS (2018) CR 13

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la treizième séance

Mardi 24 avril 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Prix de l’Europe 2018

LE PRÉSIDENT* – La sous-commission chargée du Prix de l’Europe a désigné la ville gagnante du Prix de l’Europe 2018.

Il y avait six finalistes: Bamberg et Münster en Allemagne, Cervia en Italie, Issy-les-Moulineaux en France, Ivano-Frankivsk en Ukraine et Sopot en Pologne.

J’ai l’honneur d’annoncer que le gagnant du Prix de l’Europe 2018 est la ville d’Ivano-Frankivsk en Ukraine.

J’adresse toutes mes félicitations à cette ville pour son engagement fort en faveur de l’Europe, ainsi qu’à nos collègues ukrainiens.

2. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Monténégro (Suite)

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, le vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro est de nouveau ouvert. Il sera clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après la clôture dans les conditions habituelles, sous le contrôle des quatre scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin, à savoir M. Rafael Huseynov, Mme Glasovac, Mme Bures et M. Lupu. Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Nous continuons nos travaux pendant la durée du vote.

3. Questions au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle les questions à M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.

Je vous rappelle que celles-ci ne doivent pas dépasser 30 secondes et que vous devez poser une question et non pas faire un discours.

Monsieur le Secrétaire Général, je vous souhaite la bienvenue. Beaucoup de sujets très importants sont inscrits à notre ordre du jour, parmi lesquels la préparation de la session du Comité des Ministres, qui se tiendra à Elseneur, la poursuite de la réforme du système de la Convention, le suivi de la Conférence de Copenhague, ainsi que la mise en œuvre des mesures pour faire face à la nouvelle situation budgétaire. Je suis sûr que les membres de notre Assemblée souhaiteront poser des questions sur tous ces points, ainsi que sur bien d’autres.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. KANDELAKI (Géorgie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Secrétaire Général, vous occupez cette fonction importante depuis neuf ans. Il y a un consensus, dans cette enceinte et au-delà, pour considérer que cette Organisation a connu une érosion, dont le rapport du Groupe d’enquête publié dimanche donne un exemple significatif. Êtes-vous prêt à assumer la responsabilité politique personnelle de ce qui est décrit dans ce document? On y lit qu’en 2011 vous avez reçu des informations concrètes concernant certains des actes décrits. Pouvez-vous expliquer à l’Assemblée pourquoi vous avez décidé de ne rien faire? Enfin, êtes-vous toujours aussi vigoureusement favorable au retour des parlementaires russes au sein de cette Assemblée depuis l’utilisation d’armes chimiques sur le territoire du Royaume-Uni par la Fédération de Russie, tout en sachant que, par ailleurs, ce pays ne s’est pas acquitté de ses obligations? Oui ou non ?

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – La Convention européenne des droits de l’homme ne s’est pas érodée, au contraire. Ainsi, la Cour est plus forte que jamais. Lorsque je suis arrivé au Conseil de l’Europe en 2009, l’arriéré d’affaires s’élevait à 130 000 cas pendants. Des réformes majeures ont été engagées, au sein de la Cour comme du Conseil de l’Europe en général. Ces réformes ont été très utiles. La Cour est désormais sur un terrain beaucoup plus solide, l’arriéré a été réduit à un niveau acceptable – c’est ce que dit le président de la Cour lui-même – et l’exécution des arrêts s’est beaucoup amélioré, d’après le dernier rapport du Comité des Ministres.

Nous avons déployé des ressources dans différents États membres, y compris la Géorgie, ce qui l’a beaucoup aidée d’après son gouvernement. Nous avons augmenté nos ressources extrabudgétaires pour ces opérations, à concurrence de 60 millions d’euros, soit le double du montant qui était utilisé à mon arrivée. Ces moyens ont également été utilisés dans d’autres pays, en Ukraine notamment, pour aider ces pays à se réformer, afin que moins de requêtes soient introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Ne chercherait-on pas avec tout cela à détourner l’attention du contenu du rapport du Groupe d’enquête, qui décrit des violations aux règles d’éthique et des actes de corruption du fait de certains membres de l’Assemblée parlementaire ? Je suis très attristé d’entendre que d’anciens présidents de groupe, dont l’un était encore en poste jusqu’à hier, sont mêlés à ces affaires.

S’agissant du rôle, dont traite le rapport, joué par l’Azerbaïdjan dans ces actes de corruption au sein de cette Assemblée, permettez-moi de vous livrer ma version des faits. Dès 2014, j’ai écrit un article dans The Guardian et dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung sur la situation en Azerbaïdjan et la corruption dans ce pays, sur la base des rapports qui m’avaient été transmis. En 2015, j’ai invoqué pour la première fois l’article 52 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui m’autorisait à enquêter sur cette situation et sur le fait que l’Azerbaïdjan n’avait pas exécuté un arrêt important de la Cour européenne des droits de l’homme visant à obtenir la libération d’un détenu.

En 2016, j’ai commencé à invoquer l’article 46 alinéa 4 de la Convention, ce qui n’avait jamais été fait dans toute l’histoire du Conseil de l’Europe. J’en ai parlé au Comité des Ministres et, à la fin de l’année 2016, celui-ci a déclenché l’article 46-4: le Comité des Ministres demandait ainsi à la Cour européenne des droits de l’homme de dire si l’Azerbaïdjan avait respecté ses obligations au titre de la Convention.

Je suis très triste de devoir dire que, lorsque le Comité des Ministres et moi-même nous nous battions pour faire sortir cet homme de prison, et alors que nous déployions beaucoup d’efforts pour que l’Azerbaïdjan respecte la Convention, au même moment, trois présidents de groupe, ici, à l’Assemblée, et plusieurs autres personnes évoquées dans le rapport, faisaient tout leur possible pour saper mon autorité vis-à-vis de l’Azerbaïdjan. C’est une bien triste histoire que nous vivons, et toute tentative de détourner l’attention du contenu de ce rapport est totalement inacceptable. Et je pourrais dire bien d’autres choses, y compris à propos de la présence ici de la Fédération de Russie. Mais ce n’est pas l’objet de ce rapport: il traite de l’Azerbaïdjan et d’éventuels actes de corruption ou, à tout le moins, d’actes contraires à l’éthique du fait de plusieurs membres de cette Assemblée.

Si vous souhaitez que j’évoque la situation de la Fédération de Russie, je vous répondrai de la façon suivante: il est inacceptable que la Fédération de Russie ne verse pas sa contribution au budget de l’Organisation. Je l’ai déjà dit très clairement, ici même; je l’ai dit au Comité des Ministres; je l’ai dit M. le ministre Lavrov: c’est une obligation au titre de la Convention et de la Convention de Vienne sur le droit des traités pour un pays membre de s’acquitter de ses obligations de bonne foi.

D’ailleurs, le Règlement du Comité des Ministres prévoit que si un État membre ne paie pas sa quote-part du budget pendant deux ans, le Comité des Ministres doit prendre des mesures à l’égard de cet État. Nous arriverons à la fin de cette période au milieu de l’année 2019: le Comité des Ministres devra alors agir vis-à-vis de la Fédération de Russie. Dans l’intervalle, nous sommes à même de gérer la situation, car nous avons mené de très nombreuses réformes ayant généré des économies, ce qui nous permet de disposer d’un budget solide, permettant de financer nos activités jusqu’au milieu de l’année 2019. Je peux vous assurer que je conseillerai le Comité des Ministres aussi fermement que je l’ai fait au sujet de l’Azerbaïdjan s’agissant du non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme.

Lord FOULKES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Dans le droit fil de la question de M. Kandelaki, je voudrais dire la chose suivante: soit M. Jagland l’a mal comprise, soit il l’a, à dessein, mal interprétée. À propos de la Fédération de Russie, je sais que M. Jagland veut que les Russes restent car il veut leur argent, mais ce n’est pas seulement une question d’argent! Les Russes doivent adhérer à nos conventions et respecter nos principes – les droits de l’homme et l’État de droit.

Quelles mesures proposez-vous pour faire en sorte que les Russes respectent véritablement nos principes? Comment les y obliger?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je souhaite que la Fédération de Russie reste à l’intérieur du Conseil de l’Europe mais aussi que les règles de notre maison soient respectées. Le seul organe qui peut exclure un État membre du Conseil de l’Europe, c’est le Comité des Ministres. Selon la règle, si un État cesse de payer ses contributions pendant deux ans, le Comité des Ministres doit prendre des mesures à son encontre. C’est le Règlement et, pour ma part, j’obéis au Règlement.

En ce qui concerne les obligations multiples de la Fédération de Russie vis-à-vis du Conseil de l’Europe, je dirai tout d’abord que la Fédération de Russie est dans le même panier que tout le monde. Les citoyens russes peuvent saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, le Comité des Ministres est l’organe qui a la responsabilité collective de mettre en œuvre les arrêts de la Cour.

Il est très important pour moi d’insister sur le point suivant: dans la mesure où un État membre est présent tant que le Comité des Ministres n’a pas pris de décision dans un sens inverse, ce pays doit être considéré comme responsable au regard de ses citoyens. Les citoyens des États membres sont les plus importants: nous existons parce que nous sommes au service des citoyens et non des États membres. La Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg a une importance majeure pour les citoyens de la Fédération de Russie.

Des ONG, des personnalités très importantes au regard de l’histoire de l’Europe seraient horrifiées à l’idée que la Fédération de Russie ne soit plus obligée par les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, celle-ci est le dernier recours pour les citoyens de la Fédération de Russie. C’est pourquoi il faut trouver une solution à ce problème.

Cette solution ne doit évidemment pas dépendre de pressions financières exercées sur l’Assemblée ou sur un autre organe du Conseil de l’Europe. La Fédération de Russie devra donc payer sa contribution et il faudra trouver une solution afin que nous puissions ensemble protéger les droits des individus dans ce pays, comme en Azerbaïdjan, en Norvège, en Suède, au Royaume-Uni et ailleurs. Tel est notre mandat. Je le respecterai, comme je respecterai le Règlement dont nous nous sommes dotés.

M. LEŚNIAK (Pologne), porte-parole du Groupe des conservateurs européens – Étant donné les résultats de votre activité, vous considérez-vous toujours comme la personne adéquate pour rétablir réellement la confiance dans le Conseil de l’Europe?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Vous m’avez élu et j’ai déjà parlé des décisions que nous avons prises. La Cour européenne des droits de l’homme a été sécurisée, ce qui n’était pas le cas lorsque j’ai pris mon mandat. L’exécution des arrêts s’est largement améliorée. Nous avons déployé des ressources dans tous les États membres d’une manière inédite. En Géorgie comme en Ukraine ou en République de Moldova, les plans d’actions ont été les plus importants jamais lancés, comme en témoigne le budget extraordinaire de 60 millions d’euros: nous avons décidé une décentralisation des ressources afin d’aider les États membres à réaliser leurs réformes.

Comme vous le savez, la Cour européenne des droits de l’homme reçoit beaucoup de requêtes et j’espère vraiment que ce processus de réforme pourra aller de l’avant.

Alors même que nous sommes confrontés à une crise économique parce que nous manquons de fonds, alors que la Turquie a quitté son statut de grand contributeur, nous pouvons néanmoins surmonter les difficultés car nous avons géré nos dépenses de manière responsable au fil des ans. Si notre gestion n’avait pas été correcte, nous aurions déjà dû prendre des mesures qui auraient fait du tort à toute l’Organisation. Nous disposons même des réserves financières pour surmonter jusqu’au milieu de l’an prochain le fait que la Fédération de Russie n’a pas payé sa contribution. Cependant, après cette date, je prendrai les mesures qui risquent d’être nécessaires avant la fin de mon mandat. Il me semble donc que le bilan n’est pas si mauvais: le Conseil de l’Europe a plutôt bien réussi, alors même que nous nous trouvons dans une situation extrêmement difficile à cause de certains États membres, ce qui est extrêmement regrettable.

M. TERIK (Estonie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Après les élections en Fédération de Russie, où nous n’avons pas pu être présents en qualité d’observateur, on nous dit que vous avez félicité M. Poutine pour sa réélection. Cela signifie-t-il que vous approuvez les résultats de cette élection et surtout la manière dont elles se sont déroulées, y compris dans des territoires occupés tels que ceux de la Crimée? Quel message pensez-vous que cela représente concernant nos valeurs?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – J’ai agi comme tous les chefs d’État et de gouvernement en Europe qui ont félicité M. Poutine pour sa réélection. En revanche, je n’ai pas accepté le fait que ces élections se tiennent également en Crimée. En effet, le Comité des Ministres et cette Assemblée ont à de nombreuses reprises affirmé qu’ils ne reconnaissaient pas l’annexion de la Crimée. De fait, le Comité des Ministres est la seule organisation internationale à avoir pris un certain nombre de décisions en la matière, avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous n’avons donc jamais accepté l’annexion de la Crimée que nous avons jugée illégale.

Pour ce qui est des élections en Fédération de Russie, je me réfère au rapport du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, le BIDDH, qui est l’autorité reconnue pour l’observation des élections. Conformément à ce qui est coutumier dans les relations internationales, j’ai accepté le résultat de ces élections en Fédération de Russie, comme de nombreux autres responsables.

M. NICOLINI (Saint-Marin), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – En janvier dernier, un dossier sur une parlementaire de Saint-Marin est appelée à comparaître devant la Cour de justice de Luxembourg pour avoir mis en cause un homme d’affaires italien. Or elle s’était exprimée au sein du parlement de son pays. Si l’on peut poursuivre un homme ou une femme politique pour ce qu’il ou elle a dit pendant un débat parlementaire, cela signifie que la liberté d’expression est menacée. Que peut faire le Conseil de l’Europe devant un tel manque de considération à l’égard des institutions d’un Etat membre ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je ne dispose pas de détails sur cette question. Je sais que les tribunaux en ont été saisis. Par conséquent, je ne peux pas faire de commentaires. Je puis cependant réaffirmer que l’État de droit est pour nous un principe fondamental. La Cour devra donc se prononcer sur ce cas en fonction du respect de l’État de droit.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Pourquoi le Conseil de l’Europe n’a-t-il pas condamné l’utilisation de la force et l’arrestation de Marko Djuric, haut responsable du Gouvernement de la Serbie, le 26 mars 2018 au Kosovo? Comment est-il possible de faire abstraction de cet événement en violation des droits de l’homme qui sont un des piliers de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Nous sommes très préoccupés par ce qui s’est passé ce jour-là. Nous nous sommes évidemment entretenus avec les autorités serbes à ce sujet et nous sommes aussi en contact avec les autorités du Kosovo. Nous espérons que cela ne nuira pas davantage aux négociations entre Pristina et Belgrade, qui se tiennent avec l’assistance de l’Union européenne. Il est extrêmement important de comprendre ce qui s’est passé ce jour-là.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant regrouper les questions par séries de trois.

M. GOUTTEFARDE (France) – En Allemagne, des drapeaux israéliens ont été brulés pour protester contre la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu; en Suède, des lieux de culte juifs ont été pris pour cible; en Pologne, une loi interdit de mentionner le caractère polonais de certains camps de la mort; dans mon pays, une épicerie casher a été incendiée en banlieue parisienne… On pourrait multiplier à l’envi les manifestations de xénophobie en Europe. Y a-t-il à vos yeux un regain de l’antisémitisme ou une tentation négationniste sur le sol européen? Quels sont les moyens dont dispose le Conseil de l’Europe pour y répondre?

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – La culture, le sport et la science ont pour objectif de rapprocher les êtres humains. Malheureusement, ces valeurs sont manipulées comme outils de confrontation politique. C’est par exemple le cas pour la Coupe du monde de football, attendue avec impatience par toute la planète. Aujourd’hui, certains opposent un refus politiquement motivé et ne participent pas à cet événement. Quels sont les recours potentiels du Conseil de l’Europe pour éviter des tendances aussi peu souhaitables ?

M. KIRAL (Ukraine)* – Monsieur le Secrétaire Général, vous avez félicité M. Poutine à l’occasion de sa réélection. C’est honteux. Comment avez-vous pu omettre de condamner, dans votre courrier, l’élection illégale qui s’est tenue en Crimée, territoire illégalement annexé? Vous dites par ailleurs qu’il faut protéger les droits des citoyens russes. Or, vous savez que la Cour constitutionnelle russe elle-même a dit que ses décisions prévalaient sur celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans cette mesure, comment voulez-vous protéger les droits de ces citoyens?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je suis tout aussi préoccupé que vous, Monsieur Gouttefarde, quant aux actes antisémites qui ont lieu partout en Europe. Nous les condamnons évidemment tous. Mais un élément nouveau, très important, doit être pris en compte, grâce au Conseil de l’Europe: le travail dans les écoles. Nous voulons que les jeunes, partout sur le continent, sachent ce qu’est la primauté du droit et le droit européen, le droit à la paix et à la coexistence pacifique, indépendamment des religions ou des origines. Ces compétences sont enseignées à l’école, sur la base de programmes élaborés avec l’aide de scientifiques et de matériels pédagogiques pertinents. L’effet sera aussi positif que celui des compétences linguistiques. De plus, Monsieur Gouttefarde, je souhaiterais rappeler la récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme sur les médias sociaux, qui doivent désormais interdire les discours de haine et les discours antisémites. Ils ont l’obligation d’effacer tous ces discours. Ce point est très important. Il nous faut travailler avec les enfants et les jeunes, pour leur apprendre ce que sont la culture européenne et les normes juridiques. Mais il faut aussi qu’il y ait une répression contre tous les discours de haine, et notamment toute forme d’antisémitisme. Certains pays ont adopté au niveau national des lois sur l’interdiction du déni de l’Holocauste, ce qui montre à quel point les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont importants pour les pays membres.

Monsieur Huseynov, je ne puis répondre à votre appel. À mon avis, tout événement sportif ou culturel devrait être perçu comme moyen de réunir les peuples et les nations. Les événements sportifs et culturels doivent être organisés par des organisations indépendantes, et ce sont elles qui doivent décider de sanctions éventuelles.

Quant aux élections russes, je rappellerai que la Fédération de Russie est un État membre. Il me paraît normal que je félicite les vainqueurs d’une élection dans l’un de nos États membres. Le Comité des Ministres ne cesse de répéter inlassablement que l’annexion de la Crimée est un acte illégal. L’Assemblée parlementaire a fait la même chose. Il n’y a aucun doute sur la position de notre Organisation. À propos de la décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, et de la suprématie des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sur les législations nationales, j’ai clairement dit à la Fédération de Russie, ainsi qu’à d’autres pays – par exemple à la Suisse, où un référendum aura bientôt lieu – que dès lors qu’un État membre invoquait sa propre Constitution ou ses décisions parlementaires pour renverser des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, cela voulait dire qu’il abandonnait son statut de membre. Il s’agit là d’un principe fondamental, ancré dans la Convention. La Cour européenne des droits de l’homme prime sur les tribunaux nationaux. Dès lors que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie affirme qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ne sera pas mis en œuvre, cela signifie qu’elle ne peut être membre de notre Organisation. Je ne cesse de le répéter.

Mme HOPKINS (Irlande)* – Voilà deux semaines, nous avons célébré les vingt ans de l’Accord du Vendredi saint. Il est la pierre angulaire de notre engagement pour la paix et la stabilité sur l’île. Personne ne veut voir revenir les frontières du passé. Le Brexit est donc un défi majeur. Son effet est potentiellement très négatif sur la frontière et l’économie irlandaises. Nous avons des relations excellentes, ici, au Conseil de l’Europe, avec nos collègues britanniques. En tant que Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, je vous demande de faire en sorte que des relations très proches soient entretenues avec le Royaume-Uni dans le contexte du Brexit.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – D’après le rapport du Groupe d’enquête indépendant, en 2010 et ultérieurement, l’ambassadeur de l’Azerbaïdjan vous aurait informé de cas de corruption dont il avait eu connaissance. Quelle a été votre réaction, quelles ont été les mesures que vous avez prises après en avoir été informé? Avez-vous sonné l’alerte? Avez-vous engagé une enquête? Ou n’avez-vous rien fait?

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – La Commission de Venise a fermement conseillé aux autorités de mon pays de ne pas introduire un processus électoral mixte étant donné l’absence de consensus dans le pays et le risque de corruption parmi les candidats de la majorité. Que pensez-vous du fait que le parti démocrate, au pouvoir, a ignoré la recommandation de la Commission de Venise?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je puis assurer à Mme Hopkins que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire respecter l’Accord du Vendredi saint. Il stipule que la Convention européenne des droits de l’homme s’applique en Irlande du Nord. Ce fut un moment très fort, et c’est un élément essentiel de l’Accord. Je ne doute pas que ce principe sera respecté dans le cadre du Brexit. Je n’ai d’ailleurs aucune indication qui me laisserait penser le contraire. Je pense que les relations devraient rester aussi étroites que possible entre votre pays et le Royaume-Uni après le Brexit, mais cela ne relève pas de ma compétence.

J’en viens à la question de M. Omtzigt, selon qui j’aurais été informé de tous les cas de corruption. C’est tout simplement faux. Les membres du Groupe d’enquête n’ont d’ailleurs jamais demandé à m’auditionner: s’ils avaient estimé cela nécessaire, ils l’auraient fait. Je ne les ai vus qu’à l’occasion d’une visite de courtoisie d’une dizaine de minutes, lors de laquelle je les ai remerciés d’avoir accepté cette mission et assurés de mon soutien.

La première fois que l’ambassadeur que vous mentionnez est venu me voir, j’ai été très surpris. Il m’a en effet indiqué que j’étais considéré comme l’ennemi n° 1 de l’Azerbaïdjan et que j’avais toutes les raisons de m’inquiéter. Il peut en être porté témoignage. L’ambassadeur de l’époque m’a également parlé de la corruption en Azerbaïdjan, du comportement du régime, du traitement des organisations non gouvernementales: j’étais très étonné que le représentant de cet État vienne me voir, dans mon bureau, pour saper la réputation de son pays!

C’est l’une des raisons – mais ce n’est pas la seule – pour lesquelles j’ai commencé à agir. J’ai tout d’abord publié un article dans le Guardian et le Frankfurter Allgemeine Zeitung pour alerter la communauté internationale sur la situation en Azerbaïdjan. Ensuite, j’ai invoqué l’article 52 de la Convention pour demander l’ouverture d’une enquête. Cette initiative ayant échoué, j’ai alors, pour la première fois dans l’histoire du Conseil, utilisé les dispositions de l’article 46-4 de la Convention – celui-là même qu’a finalement utilisé le Comité des Ministres, à défaut d’une autre solution.

Mais le plus surprenant a certainement été d’apprendre que, alors que nous prenions toutes ces mesures pour faire en sorte que l’Azerbaïdjan se conforme à ses obligations et libère un prisonnier, certains ici, au sein même de l’Assemblée, œuvraient contre mon initiative et mon autorité. Si j’en crois le rapport, pas moins de 3 présidents de groupes étaient impliqués! L’un d’entre eux était, jusqu’à hier, le président de votre groupe, Monsieur Omtzigt. En janvier dernier, vous aviez élu M. Agramunt – fortement compromis dans ce rapport – non seulement à la présidence de votre groupe, mais également à la présidence de l’Assemblée! Voilà la réalité!

Lorsque des informations me sont parvenues, depuis plusieurs institutions en Europe, j’ai commencé à alerter votre Assemblée. J’ai dit qu’il fallait enquêter. Les 9 et 10 mars 2017, le Bureau n’étant pas parvenu à un accord sur la création d’une commission d’enquête, j’ai personnellement écrit à M. Agramunt, à l’époque président de l’Assemblée, pour l’inviter à créer cet organe. Dans ma lettre, je lui rappelais que l’Assemblée parlementaire était chargée de l’élection des juges à la Cour, du Commissaire aux droits de l’homme, du Secrétaire Général et du Secrétaire Général adjoint, et que s’il n’était plus possible d’avoir confiance dans l’Assemblée, la seule solution était la création d’une commission d’enquête. J’y regrettais aussi que le Bureau n’ait pas pris cette décision.

À la suite à cette lettre, le Groupe d’enquête a finalement été créé, avec le résultat que nous connaissons. Aujourd’hui, il est important de ne pas chercher à détourner l’attention du contenu du rapport. Ce matin, M. Schwabe, candidat à la présidence du groupe des socialistes, démocrates et verts, disait à la radio qu’il inviterait le Bundestag à retirer ses pouvoirs à Mme Strenz, dont le nom figure dans le rapport. Voilà une véritable réponse!

Si nous essayons de mettre les problèmes sous le tapis, nous traverserons une crise profonde, qui frappera durement l’ensemble de l’Organisation. À l’heure où la Cour est plus forte que jamais – elle est respectée par les États membres, ses arrêts y sont appliqués –, il serait extrêmement regrettable que le fruit d’un long travail soit sapé par l’absence de réponse politique à ce rapport. Je serais attristé de devoir le constater.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant arrêter là les questions à M. le Secrétaire Général que je remercie chaleureusement pour ses réponses au nom de l’Assemblée.

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – M. le Secrétaire Général n’a pas répondu à ma question, Monsieur le Président!

LE PRÉSIDENT* – J’en suis désolé. Nous lui demanderons de vous répondre par écrit.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le premier tour du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro est en cours. Il sera clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Mme Kyriakides, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

4. Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Prescott, au nom de la commission des questions sociales, sur «Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris» (Doc. 14521).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance d’hier lundi matin de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes et que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 10, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Chers collègues, je me souviens d’un grand nombre de débats dans cet hémicycle sur le changement climatique, mais je constate que les choses ont changé depuis l’époque, il y a 20 ans, où je négociais le protocole de Kyoto au nom des Nations européennes. Ce cadre international était controversé et un certain président ne voulait rien savoir, un peu comme celui qui aujourd’hui ne veut rien savoir non plus. Une volonté mondiale de s’atteler à la question du changement climatique n’en était pas moins présente. Aujourd’hui, le débat porte non plus sur les faits scientifiques mais sur le cadre dans lequel il faut réduire les émissions de carbone et même s’acheminer vers une économie entièrement décarbonée.

Quarante-quatre d’entre vous, chers collègues, se sont inscrits pour prendre part à ce débat. Je tâcherai donc d’être le plus bref possible, pour que le plus grand nombre d’orateurs puissent s’exprimer. J’espère donc que vous avez lu le document, que je n’ai pas l’intention de répéter. Je voudrais simplement replacer les choses dans leur contexte. Tout a commencé avec les négociations du protocole de Kyoto, conclu par 46 pays. Ensuite, vingt ans plus tard, à Paris, des objectifs ont été fixés, qui sont inscrits dans les législations nationales. En vue de la prochaine conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ou COP, qui se tiendra l’an prochain, nous nous orientons vers d’autres propositions.

Les débats que nous avons tenus dans cet hémicycle ont joué un rôle essentiel au fil des ans. Nous avons élaboré et adopté des rapports sur ce qui devait être fait à Paris, à Copenhague ou ailleurs. Le travail sur le texte que nous avons aujourd’hui sous les yeux a été lancé en 2013, et nous avons toujours dit, pendant les COP, ce que nous-mêmes voulions dire. De Kyoto à Paris, nous sommes passés d’un cadre purement international à des objectifs nationaux. Ce sont des parlementaires qui ont décidé, sans forcément être influencés par leurs gouvernements. L’ironie est qu’en matière de lutte contre le changement climatique les Nations Unies reconnaissent le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) mais pas celui des parlementaires. Le Conseil de l’Europe en a pourtant fait la démonstration: les parlementaires réfléchissent aux problèmes avant que les gouvernements ne le fassent. Notre influence sur ces négociations est donc réelle, et c’est ce sur quoi porte le rapport que j’ai rédigé.

La prochaine étape est la définition de cadres nationaux. Il faut que chaque nation prenne des engagements. En accepter le principe est une chose, passer à l’acte, par exemple en réduisant ses émissions de carbone de 20 % d’ici 2050, conformément aux objectifs de 80 % et 50 % qui ont été fixés, est bien moins simple.

Par ce rapport, j’essaie de montrer que nous, parlementaires, avons de nouvelles propositions à faire, avant même les gouvernements. Tout a commencé au Maroc. Nous avions dit que les normes devaient être édictées à un niveau inférieur, et que les pays développés et les pays en développement devaient travailler ensemble, avec des partenariats civiques, au niveau des universités, des autorités locales, secteur privé et secteur public ensemble, pour réduire les émissions de carbone et améliorer la gestion de ce problème climatique. Je travaille en ce sens avec le Maroc et le Ghana. Nous le montrons également dans ma région du Humber notamment.

Nous pouvons utiliser la science, tirer profit de nos différents atouts pour travailler avec les pays en développement à un niveau local comme aujourd’hui. Cette approche montre que nous pouvons jouer un rôle de chef de file. Si nous nous acheminons vers des économies entièrement décarbonées, évidemment, il faudra renouveler nos infrastructures. C’est ce que nous essayons de faire dans mon pays. Et puis voyez l’exemple de la Chine: le développement des réseaux routier et ferroviaire va de pair avec une action visant à une réduction des émissions de carbone et un travail avec tous les pays limitrophes.

J’évoque également dans mon rapport le rôle des estuaires, au nombre d’environ 400 en Europe. Ils attirent beaucoup d’industries. Les énergies renouvelables se développent ainsi dans ma région du Humber. Je ne détaillerai pas les exemples donnés dans le rapport, mais il est important de reconnaître que les choses changent pour répondre aux attentes des économies mondialisées et nous orienter vers une économie plus décarbonée. Cela vaut pour les pays développés et les pays en développement.

Je préconise un certain nombre de dispositions législatives. En 1997, seul le Royaume-Uni avançait sur cette voie; ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais quelque 190 nations devront se doter d’un cadre solide, qui ait quelque traduction concrète. Aujourd’hui, nous voyons des pays se doter de législations dont le non-respect peut donner lieu à des contentieux, par exemple pour obtenir un air plus pur ou plus de justice sociale dans tout ce qui est lié à l’environnement. Nous devons encourager cela. Le rapport s’inscrit bien dans cette logique à laquelle de nombreux parlementaires souscrivent: les parlementaires doivent toujours être chefs de file, faire office de pionniers. Et si vous avez des objectifs nationaux, chers collègues, vous pouvez veiller à leur respect par vos gouvernements respectifs. C’est aussi notre responsabilité. Nous devons jouer un rôle dans nos parlements respectifs.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera un peu plus de cinq minutes pour répondre aux orateurs.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe remercie M. Prescott non seulement pour son rapport mais pour les propos qu’il vient de tenir à propos de ce changement climatique qui affecte les sociétés et économies de chacun de nos pays. Le rapport insiste donc sur notre mission: veiller au respect des droits de chacun d’entre nous. L’Accord de Paris aura été un jalon historique. Ce n’est cependant pas un point final, c’est plutôt le socle d’un engagement qui nous lie tous, l’engagement de construire un avenir durable.

Notre groupe souhaite des accords de plus en plus ambitieux et contraignants, dont la portée ne se résume pas à une signature au bas d’une feuille de papier. Nous avons donc déposé des amendements qui concernent la mise en œuvre pratique de l’Accord de Paris.

Nous avons proposé un amendement parce que nous regrettons que les zones insulaires ne figurent pas dans le rapport.

Le changement climatique est un défi mondial: il met en péril le droit à respirer un air pur, le droit à avoir une eau potable, soit, en fin de compte, le droit à la vie de nos concitoyens.

On a beaucoup parlé de migrants climatiques. À cet égard, le rapport revêt une importance sans précédent. Nous avons assisté à des catastrophes naturelles sans précédent également. Nous devons assumer nos responsabilités politiques.

À cela s’ajoute le coût économique. D’après l’Agence européenne pour l’environnement, le coût dû au changement climatique a été multiplié par deux au cours des 30 dernières années. Les pertes causées par des phénomènes climatiques extrêmes dans les pays de l’Espace économique européen ont été estimées à 436 millions d’euros en 2016.

Il faut être proactif. Il faut aussi considérer ce défi comme une opportunité pour moderniser nos économies, rendre nos industries plus concurrentielles, travailler à une économie durable à faible émission de gaz carboné. C’est aussi l’occasion de dire à nos concitoyens que nous voulons leur offrir un avenir durable. C’est une opportunité à laquelle nous devons tous travailler, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Je remercie donc le rapporteur. Pour nous, la lutte contre le changement climatique, c’est non seulement parler de l’avenir, mais aussi agir au présent.

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport. Le changement climatique représente une grave menace pour l’humanité.

La signature de l’Accord de Paris en 2015 par 194 pays de l’Union européenne et des Nations Unies a montré le succès de la sensibilisation et la gravité du sujet. En dépit de cette signature historique, l’Accord n’a pas été suivi par l’engagement nécessaire de la plupart des grandes parties prenantes, en particulier les États-Unis.

Malgré le retrait des États-Unis, 70 % des gaz à effet de serre sont couverts par les engagements nationaux conclus au titre de l’Accord de Paris. Cependant, pour empêcher la montée de plus de 2 degrés de la température d’ici à 2050, il sera nécessaire de consentir des efforts supplémentaires durant la prochaine décennie.

Les propositions visant à ce que la mise en œuvre de l’Accord de Paris progresse de concert avec les objectifs de développement durable de l’agenda des Nations Unies pour le développement durable, accepté par la communauté internationale, doivent être mises en œuvre.

Au nom de l’Assemblée, j’appelle à des mesures fortes au niveau national pour promouvoir la mise en œuvre de l’Accord de Paris, cela à tous les niveaux de gouvernance. Je me félicite en particulier des points 6.1 à 6.12 du rapport.

L’Islande, pays que connaît bien le rapporteur, peut être perçu comme un excellent exemple, avec nos ressources hydroélectriques et géothermiques renouvelables, nos ressources relativement propres, mais nous ne pouvons relâcher notre effort d’engagement, nous voulons participer pleinement à la lutte contre le changement climatique. Bien que pionnier en matière d’énergie renouvelable, l’Islande ne pourra pas respecter ses engagements au titre de l’Accord de Paris en temps voulu, ce qui est très inquiétant. C’est aussi un rappel du fait que les 194 nations signataires de l’Accord de Paris doivent rester vigilantes. Nous avons une responsabilité immense. Il ne suffit pas d’avoir signé l’Accord, il faut travailler avec acharnement pour atteindre ses objectifs.

N’oublions pas que le rapport souligne que les pays en développement sont les plus gravement touchés par le changement climatique, alors qu’ils sont moins responsables de la propagation des gaz à effet de serre que les pays développés. L’inégalité entre les nations est une question des plus pertinentes dans la discussion sur le changement climatique. Ces inégalités doivent être combattues. Il faut aussi aborder la question des réfugiés climatiques.

Mes chers collègues, l’Europe s’est résolument engagée dans la lutte contre le changement climatique. Nous devons assurer un climat meilleur pour les générations actuelles et futures, où qu’elles vivent. Serrons-nous les coudes pour y parvenir!

Mme DE PIETRO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Le changement climatique est l’un des plus grands défis auxquels est confrontée l’humanité. Certains de nos pays en subissent déjà les conséquences: température plus élevée, augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, désertification, acidification, augmentation du niveau de la mer, érosion des côtes. Tout cela a des effets sur la santé de l’être humain, les écosystèmes, la biodiversité et les ressources.

Les conséquences sont lourdes aussi sur toutes les infrastructures nécessaires à la vie sociale et économique.

Le changement climatique a aussi un impact sur la sécurité. Le manque d’une ressource comme l’eau peut déclencher des conflits entre les populations touchées, donc des flux migratoires difficiles à contrôler, qui génèrent des urgences humanitaires.

Notre groupe est engagé dans le soutien aux États membres et aux ONG qui œuvrent pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris.

Tout cela se répercute sur la politique extérieure en matière de stabilité et de sécurité, comme nous le voyons dans différents foyers de crise dans le monde. La tâche de l’Assemblée serait de mettre en œuvre une diplomatie du climat, d’en faire une priorité stratégique, tout en soutenant la mise en œuvre de l’Accord de Paris par le développement de toute mesure ayant un effet positif sur le climat et tout en mettant l’accent sur le lien étroit entre le climat, les ressources naturelles, la prospérité, la stabilité et les migrations.

La diplomatie parlementaire devrait jouer un rôle important pour les États en leur permettant de mettre en œuvre l’Accord de Paris.

Nous sommes favorables au projet de résolution et au travail du rapporteur, même si nous savons qu’ils n’ont pas d’effet contraignant sur les États membres, alors que cela serait nécessaire pour résoudre les problèmes.

Demandons-nous ce que pourrait faire cette Assemblée au-delà des invitations à consentir des efforts adressées aux États membres. Un point important du projet de résolution est la demande de plus d’implication des parlementaires des délégations, avec notamment leur participation aux grandes conférences internationales sur le changement climatique. Il est important qu’au niveau national, on prenne les mesures législatives nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Ce n’est que par la somme des mesures positives prises à différents niveaux – national, régional et local – que l’on pourra espérer inverser la tendance.

L’engagement de l’Assemblée doit perdurer. Il faut pousser tous les États membres à prendre les mesures concrètes pour transformer l’Accord de Paris en réalité, avec des objectifs de plus en plus ambitieux, je l’espère.

M. KORODI (Roumanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je tiens tout d’abord à féliciter M. Prescott. En tant qu’ancien ministre qui a participé aux processus de Copenhague et de Paris, vous avez fait un excellent travail.

S’agissant des mesures à prendre pour résoudre le problème mondial du changement climatique et de ses effets, l’application de l’Accord de Paris est la seule façon pour l’humanité d’y arriver. La limitation à moins de 2 degrés du réchauffement mondial demandera des efforts ambitieux de la part de toutes les nations.

L’engagement de l’Union européenne, de ses États membres et d’autres pays de l’Europe doit combler la carence que représente le retrait des Américains de l’Accord de Paris. La décision des États-Unis est regrettable mais je voudrais saluer le très grand nombre d’acteurs non fédéraux, notamment des États et des villes des États-Unis qui ont réaffirmé leur engagement à atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

Nous sommes convaincus que l’Europe doit rester un pilier de stabilité dans les discussions sur le climat. Nous devons rester engagés avec nos partenaires pour poursuivre les discussions. Les objectifs de limitation des émissions doivent s’accompagner des efforts réalisés pour atteindre les Objectifs de développement durable. Nous avons tous conscience de l’impact du changement climatique. L’impact des infrastructures urbaines est de plus en plus visible. Il y a aussi de nombreux impacts sur la société et la santé. Il faut donc des mesures de nature à inverser la tendance.

C’est la raison pour laquelle le rôle du parlement dans le débat et dans l’action publique se révèle de plus en plus important.

Nous sommes de l’avis du rapporteur sur le besoin de coordonner la mise en œuvre de l’Accord de Paris avec les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030. Dans le cas du développement urbain notamment, les autorités locales doivent avoir la possibilité de mettre en œuvre différents programmes. Les mesures engagées, qui doivent être prises par tous les pays, doivent se fonder sur la solidarité entre pays développés et pays en voie de développement. Ce principe doit aussi prévaloir entre les pays européens.

En définitive, le succès de l’initiative Climat ne se concrétisera qu’avec la participation de tous les acteurs, y compris les parlementaires qui, en tant que législateurs, doivent veiller à la cohérence des politiques.

Mme De SUTTER (Belgique), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Au nom de mon groupe, je félicite le rapporteur pour son rapport très urgent. Comme Christiana Figueres l’a dit au Forum mondial de Davos, réussir à réunir 196 pays et les mettre d’accord sur l’Accord de Paris était facile, mais il faut maintenant passer au travail concret.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre est essentiel pour rester en dessous de 2 degrés de réchauffement et, pour cela, il faut aussi assurer la durabilité de la justice sociale. Cela signifie qu’il faut traiter de la qualité de vie, de la capacité écologique, de la démocratie et de la justice. C’est ce pour quoi plaide ce rapport: pour une implication des parlementaires, pour plus de solidarité entre les pays développés et les pays en développement. Ce n’est que justice, car les pays les plus responsables des émissions de COsont la Chine, les États-Unis, l’Europe et la Fédération de Russie.

Proche de l’Union européenne, la Fédération de Russie, membre du Conseil de l’Europe, compte parmi les dix pays les plus forts émetteurs de gaz à effet de serre et elle n’a toujours pas ratifié l’Accord de Paris. Saint-Marin, la Turquie et la Fédération de Russie restent les seuls États membres à devoir ratifier l’Accord de Paris.

L’Afrique et l’Asie seront les continents les plus affectés par le changement climatique. Un pays comme le Bangladesh subit déjà des températures extrêmes et des inondations. Le Vietnam sera le premier pays frappé par l’élévation du niveau de la mer, sans oublier les petits États insulaires en voie de développement qui, en raison de leurs caractéristiques, sont encore plus vulnérables face au réchauffement climatique.

Le rapport insiste également sur l’implication et la consultation des différentes parties prenantes. Une initiative a déjà été prise en ce sens par les Nations Unies au titre des ODD; l’une des idées pour atteindre les ODD était de créer des partenariats.

Dès 1992, dans la Déclaration de Rio, certains groupes, comme les femmes, les agriculteurs et les populations autochtones, étaient considérés comme des groupes essentiels dans la mise en œuvre de ces politiques. Il faut développer une économie verte, il faut créer des réseaux entre les gouvernements et tous les acteurs impliqués, y compris les parlementaires. C’est la seule façon de répondre à ce slogan: «Agir localement pour un objectif mondial.» Il convient donc de contribuer au financement de plans d’énergie intégrée et de plans climatiques à l’horizon 2030.

Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre excellent rapport!

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Ce rapport présente de nombreux points intéressants. Le réchauffement planétaire s’opère à un rythme inquiétant et je suis moi-même inquiet que les États-Unis se soient retirés de l’Accord de Paris, mais j’aimerais, pour ma part, revenir sur le Partenariat de Marrakech et la situation dans les pays en voie de développement.

En tant qu’émissaire au Nigéria du Royaume-Uni en matière de commerce, je pense qu’il est important de réfléchir à une coopération avec ce pays en voie de développement dont la population s’établira autour des 400 millions d’habitants en 2050. Ce sera le troisième pays le plus peuplé du monde, avec une économie fondée sur le pétrole et le gaz – ce qui a conduit à de nombreux problèmes en matière de durabilité, de monnaie et de devises. Il s’agit donc d’établir un agenda politique reposant sur la diversification de l’économie et le leadership attendu de l’Europe en matière d’alternative au pétrole et au gaz est quelque chose dont on pourrait se féliciter. L’énergie solaire a décollé et l’on constate qu’il y a de plus en plus d’installations solaires. C’est un excellent exemple de ce que le rapport appelle des acteurs bien informés, jouant un rôle actif, combiné à une agriculture plus durable. C’est un modèle qui me paraît des meilleurs pour les pays en voie de développement.

Ma collègue Cheryl Gillan vous parlera des véhicules électriques, je me contenterai de dire qu’ils ont un rôle majeur à jouer dans la réduction de la pollution. Pour que la situation évolue dans le bon sens, il faut construire une véritable cohérence politique partout dans le monde, mais je laisse à ma collègue le soin de vous en dire plus à ce sujet.

Le rapport traite de la réduction des émissions de CO2, mais j’aimerais insister pour ma part sur la matière plastique. Car il ne s’agit pas seulement de protéger l’environnement marin, mais de limiter les émissions. Je suis heureux de constater que cette problématique est prise en charge au niveau international. D’ailleurs, lors de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth à Londres, le Royaume-Uni a alloué 20 millions de livres sterling pour limiter la pollution générée par la fabrication de la matière plastique.

Comme cela a été souligné dans le rapport, les quatre dernières années ont été les plus chaudes de la planète. Nous devons travailler d’arrache-pied pour nous assurer de lutter contre les émissions de COet les réduire. Nous devons travailler à l’échelle internationale car le problème est international.

Mme HOPKINS (Irlande)* – Je remercie M. Prescott pour son excellent rapport. La réussite de l’Accord de Paris a été de rassembler pour la première fois quasiment tous les pays autour d’un but commun, celui d’atteindre des objectifs permettant d’inverser la tendance du changement climatique. C’est un point positif qui va dans le sens du renforcement de l’action internationale.

Ces derniers mois, en Irlande, nous avons eu des indications très fortes démontrant que le changement climatique est une réalité incontestable. Nos actions doivent être tout aussi réelles et intervenir de toute urgence. Nous avons pu constater l’impact des tempêtes, des orages et des pluies hors normes qui ont eu un effet sur notre agriculture et sur les revenus des agriculteurs.

L’Irlande devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre, mais il ne faut pas sous-estimer la complexité de la tâche. Notre premier plan national en la matière a été publié en juillet dernier et prévoit un cadre pour orienter les décisions d’investissement des autorités et toutes sortes de mesures pour éviter les émissions de gaz à effet de serre.

Cela inclut, comme le disait notre collègue, la création d’emplois verts durables, une production alimentaire verte durable, une meilleure sécurité alimentaire, une meilleure sécurité énergétique et une transformation de l’environnement pour une meilleure santé.

Des mesures sont prévues pour faire face aux risques d’inondation. Des mesures seront également prises s’agissant des transports publics à partir de 2019 et, à partir de 2021 environ, l’efficacité énergétique de 30 000 logements sera renforcée chaque année. L’Irlande va donc dans le bon sens, même s’il reste beaucoup à faire pour respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord historique qui a été signé à Paris. Au demeurant, ce constat vaut pour tous les pays. Tous les secteurs doivent apporter leur contribution à la réduction de l’impact sur le climat, car le changement climatique est une réalité. Un effort ciblé et soutenu est nécessaire de la part des gouvernements, mais aussi des entreprises et de chaque citoyen.

M. SCHWABE (Allemagne)* – J’aimerais tout d’abord remercier John Prescott pour son excellent rapport. Nous nous connaissons depuis longtemps et, depuis plus de dix ans, nous avons participé ensemble à de nombreuses réunions et à de nombreux colloques consacrés au climat. C’est toujours un plaisir de vous revoir, cher collègue, et c’est encore plus le cas à l’occasion de la présentation de ce rapport devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Le lien entre la protection du climat et les droits de l’homme a été rappelé à plusieurs reprises. Ce sont en fait les plus riches et ceux qui vont le mieux qui polluent le plus et qui frappent le plus durement ceux qui en profitent le moins, qui sont les plus pauvres et qui doivent subir les effets du changement climatique. On le voit bien avec le Bengladesh, où 35 millions de personnes vivent un mètre au-dessus du niveau de la mer. On peut imaginer ce que le changement climatique signifie pour eux.

D’autres changements très profonds auront lieu à l’avenir. Il faut que nous transformions en profondeur notre société, que nous le voulions ou non. Nous devons arriver à la neutralité carbone. C’est une entreprise difficile, y compris au niveau de chaque État, comme j’en ai fait l’expérience: l’Allemagne elle-même pourrait être beaucoup plus avancée dans la réalisation des Objectifs de développement durable. Cela dit, j’aimerais donner aussi un peu d’espoir: dans certains pays, des évolutions ont lieu, peut-être lentes, mais que l’on n’aurait peut-être pas attendues, par exemple en Azerbaïdjan. J’ai pu voir de mes propres yeux que ce pays producteur de pétrole et de gaz est passé à l’énergie éolienne et hydroélectrique. Certains pays ont donc vraiment pris le tournant qui s’impose.

J’aimerais en revenir à la question du lien entre les droits de l’homme et la protection contre le changement climatique. Non seulement un accord a été conclu entre de nombreux États du monde, mais nous avons inscrit dans le Préambule de l’Accord de Paris l’importance de s’occuper des questions touchant aux droits de l’homme. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, quant à lui, se penche sur les questions climatiques, et le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies lui-même dit que le changement climatique a un impact sur les droits de l’homme. Un certain nombre d’initiatives ont été prises, par exemple à Genève, en 2015, où un groupe d’États, dont l’Allemagne, s’est réuni pour approfondir la question du lien entre droits de l’homme et changement climatique.

Un nombre important de mesures visant à lutter contre le changement climatique résultent de bonnes intentions mais ont des incidences négatives sur les droits de l’homme: certains instruments internationaux vont finalement conduire à ce que des pays soient plus touchés que d’autres. Le lien entre les droits de l’homme et le changement climatique est donc un sujet essentiel, et il faudrait lui accorder plus d’importance encore à l’avenir.

Mme BARTOS (Hongrie)* – Tout d’abord, permettez-moi de remercier le rapporteur pour le choix de ce sujet. Il est important de souligner que la lutte contre le changement climatique requiert de la cohérence, de la constance et de la volonté. En 2015 et en 2016, nous avons beaucoup parlé de l’importance de s’attaquer au changement climatique au sein des enceintes internationales. Nous avons aussi souligné l’importance des Objectifs du millénaire pour le développement. Il est évident que l’intérêt pour ces questions ne va pas en diminuant, même si d’autres problèmes requièrent aussi notre attention, parmi lesquels les migrations et le terrorisme. Des défis régionaux et mondiaux de toutes sortes se présentent à nous.

Le changement climatique n’est pas seulement le sujet d’un rapport: c’est une question essentielle pour l’avenir de l’humanité. Nous avons beaucoup parlé des migrations au cours des dernières années. La Hongrie a toujours mis l’accent sur le fait que les migrations sont un symptôme et non une cause. Par conséquent, nous devons tout d’abord nous occuper des phénomènes qui entraînent les migrations. Or le changement climatique est, en partie, lié à ce problème. Je suis tout à fait d’accord pour souligner, comme le fait le rapport, qu’il est urgent d’appeler l’attention de la communauté internationale dans son ensemble et de chaque État pris individuellement sur l’importance de prendre des engagements plus forts et d’entreprendre une action plus résolue pour atteindre nos objectifs.

J’aimerais mettre en lumière deux questions en particulier. Tout d’abord, la durabilité repose sur différents piliers qui sont d’ordre personnel, socio-économique et environnemental. Je voudrais évoquer, par exemple, la deuxième stratégie de lutte contre le changement climatique adoptée par mon pays, qui tient compte des effets du changement climatique, des conséquences naturelles, sociales et économiques, et qui passe aussi par une évaluation de la vulnérabilité des écosystèmes, sans oublier un certain nombre de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et le développement de différentes méthodes d’adaptation et de prévention, ainsi que de sensibilisation.

Nous sommes la génération du changement; nous apprenons ce que nous devons faire. Nous ne devons pas nous décourager. Les petits pas et les résultats modestes ne doivent pas être sous-estimés. Nous ne pouvons obtenir des résultats que si nous développons la confiance. La Hongrie s’engage pour l’application de l’Accord de Paris – elle a d’ailleurs été le premier pays de l’Union européenne à le ratifier. En février 2017, la délégation hongroise à l’Union interparlementaire a organisé un séminaire régional pour l’Europe centrale et orientale et pour l’Asie centrale sur le thème de la mise en œuvre des Objectifs du millénaire pour le développement. Nous pensons que les parlements jouent un rôle essentiel à cet égard.

Je conclurai en remerciant une fois encore le rapporteur pour son travail très consciencieux.

LA PRÉSIDENTE* – Il est presque 17 heures. Si d’autres membres de l’Assemblée désirent encore voter pour l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro, je les invite à le faire immédiatement.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni)* – J’aimerais à mon tour féliciter Lord Prescott pour son excellent rapport: merci, cher collègue, d’avoir partagé votre expérience, dans l’intérêt de tous, avec le Conseil de l’Europe.

Comme le disait mon collègue John Howell, il s’agit de réduire les émissions de CO2. Le développement des véhicules électriques dans nos États membres représenterait une contribution importante à la réalisation de cet objectif: pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, il va falloir nous débarrasser de nos véhicules diesel et à essence. Mon pays a ainsi décidé de mettre un terme à la vente de nouveaux véhicules diesel et à essence à partir de 2040. D’autres pays sont encore plus ambitieux.

Il y a deux obstacles à l’accomplissement de ces objectifs. Premièrement, le niveau d’investissement dans les véhicules électriques, et surtout dans l’infrastructure – absolument indispensable – permettant de recharger les batteries, est trop faible. L’Agence européenne de l’environnement a rédigé un rapport mettant en évidence le sous-investissement dans les points de recharge des batteries. Si les Pays-Bas et l’Allemagne ont des milliers de bornes, la Turquie et la Grèce en ont respectivement 76 et 38. Le Royaume-Uni, pour sa part, en compte 14 000. Il faut absolument qu’une infrastructure permettant de recharger les batteries soit mise en place pour que des clients achètent ces véhicules et puissent se déplacer. La pénétration sur le marché des véhicules électriques est malheureusement faible. Si nous voulons augmenter leurs parts de marché, il faut faire autrement. Dix des vingt-huit pays de l’Union ont ainsi mis en place des incitations financières à la mise en place de bornes de rechargement.

Deuxièmement, les décideurs politiques doivent être conscients des plus récentes données de l’Association européenne des constructeurs automobiles, qui montrent que la part de marché de l’électrique ne dépasse 1 % que dans les pays d’Europe dont le PIB par tête est de plus de 30 000 euros. Les pays dont le PIB est en-deçà de 17 000 euros ont une part de marché proche de zéro, ce qui couvre nombre de pays de l’Europe centrale et orientale. Il s’agit donc de réveiller tous les décideurs politiques. Si l’on veut s’assurer de réduire la part du CO2, il faut des mesures de décarbonisation inclusives, permettant à tous les pays de faire des progrès.

J’espère que l’Assemblée et le rapporteur encourageront les parties à l’Accord de Paris à mettre en œuvre le paragraphe 7 de la résolution et intensifieront leurs efforts en vue de lutter contre le changement climatique. Je propose en particulier que des bornes pour véhicules électriques soient installées dans tous nos pays car les pays les moins avancés doivent aussi pouvoir aider leurs consommateurs à accéder à ces nouveaux véhicules électriques.

Sir Roger Gale, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Kyriakides au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous informe que le scrutin pour l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro est clos.

J’invite les scrutateurs, M. Rafael Huseynov, Mme Glasovac, Mme Bures et M. Lupu, à bien vouloir procéder immédiatement au dépouillement du scrutin, derrière la présidence. Le résultat du scrutin sera proclamé si possible avant la fin de la présente séance.

Nous poursuivons notre débat.

M. TORNARE (Suisse) – Les États-Unis se sont retirés de l’Accord de Paris pour les raisons que l’on connaît, préférant leurs intérêts économiques à l’avenir de leurs enfants. C’est une occasion unique pour l’Europe de se distinguer et de s’imposer dans ce dossier. Il faut peut-être un peu plus de volonté de la part de l’Europe. Tel était le premier point que je voulais souligner.

Deuxième point: nous avons entendu beaucoup de parlementaires parler ici de la signature par leur pays de la COP21. Une signature, c’est un engagement. Souvent, des pays signent sans que l’on voie les effets ni l’efficience de cette signature. Une signature, c’est une responsabilité. Chers collègues, vous êtes tous parlementaires dans vos pays, comme je le suis à Berne: je vous engage, sans vouloir vous donner d’ordre, à faire pression sur vos gouvernements pour légiférer dans le sens de la COP21 et du développement durable. Les mots sont une chose, les actes en sont une autre!

Troisième point: l’action sur l’opinion publique. Ici, nous admettons tous que le dérèglement climatique existe. Or, dans l’opinion publique, on entend souvent le contraire, l’intoxication étant orchestrée par de pseudo-scientifiques. Il faut donc renforcer l’information, la communication, l’action dans les écoles, avec preuves à l’appui, pour démontrer que le dérèglement climatique n’est pas une fake news mais une réalité.

Quatrième point, qui me tient à cœur: l’action des lobbies. Nous l’avons constaté dernièrement au sujet du glyphosate dans beaucoup de nos parlements. Les lobbies sont dans les parlements, ils sont à la porte des parlements; souvent ils payent des députés, il y a de la corruption – le glyphosate en est l’exemple. Cela influence les débats et les votes sur ces sujets cruciaux. Il faut donc lutter contre les lobbies: c’est un impératif catégorique.

Cinquième point: je souhaite que l’on crée une ONU verte, avec un siège soit à Genève, soit à New York, qui puisse véritablement suivre la mise en œuvre des décisions liées à la COP21.

L’avenir de la planète n’est ni de gauche, ni de droite: il s’agit de faire en sorte, pour paraphraser Albert Camus, que le monde ne se défasse pas.

Mme EBERLE-STRUB (Liechtenstein)* – L’impact du changement climatique sur la nature et sur l’homme est connu depuis les années 1971. C’est l’être humain qui est la cause principale des changements climatiques constatés. Montée du niveau de la mer, phénomènes climatiques, sécheresse, inondations: tous ces phénomènes représentent une menace croissante pour la sécurité et génère des flux migratoires.

Au Liechtenstein aussi, nous constatons les résultats du changement climatique: les températures, en 150 ans, ont augmenté de 1,9 degré; le nombre de jours d’été depuis 1970 est passé de 40 à 50; il y a de moins en moins de neige, ce qui pose problème aux stations de ski situées entre 1 200 et 1 600 mètres d’altitude.

Pour transposer l’Accord de Paris, différentes législations seront adaptées au Liechtenstein, parmi lesquelles la loi sur les échanges des émissions et la loi sur le COet sur l’efficacité énergétique. D’ici à 2030, le Liechtenstein souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990; 30 % de cette réduction devront être atteints par des mesures nationales. Les économies principales seront obtenues par la baisse des émissions de COgrâce à la rénovation des bâtiments et à l’installation de pompes à chaleur. Le Liechtenstein subventionnera les rénovations de bâtiments, l’installation de collecteurs solaires et de systèmes photovoltaïques. Tout cela permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons, depuis des années, augmenté les émissions de CO2, mais les voitures électriques et hybrides permettront de baisser ce triste record. Les émissions devront être réduites d’au moins 30 %. D’autres réductions, pouvant aller jusqu’à 10 %, seront obtenues par des mesures à l’étranger, des mécanismes d’échanges internationaux et des échanges de certificats d’émission. Seuls les certificats vérifiés et attestés par les Nations Unies et bénéficiant du label «Gold standard», pourront être achetés. Ainsi, des installations de biogaz en Thaïlande ont été soutenues, ainsi qu’une autre installation en Inde.

Le Liechtenstein a ratifié l’Accord de Paris le 20 septembre 2017. Nous ferons tout le nécessaire pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

M. O’REILLY (Irlande)* – Permettez-moi, pour commencer, de féliciter chaleureusement M. Prescott pour son rapport. Je salue toutes ses années de travail dans ce domaine.

Nous sommes confrontés à une grande menace pour l’humanité et pour l’ensemble de notre civilisation. L’objectif est d’empêcher les températures de monter de 2° C d’ici à 2050. C’est une question relative aux droits de l’homme: cette menace pour les personnes déplacées aura surtout un impact sur les plus pauvres et les plus vulnérables.

Nous avons des preuves: les phénomènes météorologiques sont de plus en plus aléatoires et les épisodes sont de plus en plus graves. Cela coûte extrêmement cher de nous y adapter: il faut donc trouver les bonnes stratégies. Malgré le retrait malheureux des États-Unis, 70 % des émissions mondiales sont couvertes par l’Accord de Paris.

Il faut des stratégies nationales. Je suis très heureux qu’en Irlande, nous ayons un plan de réduction des risques. S’il faut aussi des projets particuliers pour l’agriculture, je veux lancer un appel pour une agriculture raisonnée, telle qu’elle est pratiquée en Irlande pour produire du bœuf et du lait.

Nous avons besoin de systèmes de soutien nationaux. L’Union européenne s’est engagée à une réduction de 40 % de ses émissions d’ici 2030: nous devons atteindre cet objectif dans tous nos États et dans l’Union européenne. Nous devons aussi en tirer les conséquences du point de vue de l’éducation et de l’emploi: tout cela doit aller ensemble.

Des parlementaires doivent travailler sur ce sujet, comme le dit le rapport.

Nous avons un devoir en la matière. Nous devons donc soutenir le Fonds vert pour le climat. Le rapport note que le XIXe siècle était celui des débuts de l’industrie, le XXe siècle, celui de la consommation, tandis que le XXIe siècle doit être celui de la durabilité.

Je considère moi aussi que les véhicules électriques sont très importants et que les technologies s’améliorent dans ce domaine. Il faut également développer les énergies solaires et marémotrices et soutenir la recherche universitaire dans ce domaine. De fait, l’Union européenne doit financer toute une gamme de stratégies en rapport avec l’Agenda vert. En effet, les mécanismes de soutien financier au sein de l’Union européenne doivent toujours être liés à cet agenda écologique.

Je conclurai en rappelant qu’il nous faut tenir compte à la fois des dimensions locale et mondiale et en me réjouissant que ce thème si important soit débattu dans cette Assemblée.

M. BLAHA (République slovaque)* – J’apprécie beaucoup ce rapport, en particulier parce qu’il aborde la question de la solidarité avec les pays en développement. En effet, nous devons faire face à une immense injustice historique. Les pays du Nord ont eu l’occasion historique d’utiliser la révolution industrielle pour favoriser leur bien-être et leur progrès, ce qui a eu pour résultat non seulement leur croissance industrielle mais aussi le changement climatique. Ainsi, ils ont dévasté la nature pendant deux cents ans et ils sont les principaux responsables des dommages portés à l’environnement. Et maintenant, ils disent aux pays pauvres du Sud d’être plus écologiques, plus verts et de se réfréner dans leur stratégie industrielle! Bien sûr, c’est vrai, car nous devons protéger notre terre nourricière. Mais, en même temps, il faut envisager pour les pays du Sud une compensation pour cette injustice historique. D’où l’appel à la solidarité en vue des Objectifs de développement durable, les ODD.

Il est facile d’adopter une pensée post-matérialiste dans les pays riches du Nord de l’Europe! Mais quand on fait face à des problèmes de pauvreté, de famine, on ne peut pas penser à ces valeurs post-matérialistes. C’est pourquoi il est normal que l’Union européenne soit à la tête de l’Agenda vert.

Ainsi, je suis fier que l’Accord de Paris ait été signé pendant la présidence par la Slovaquie de l’Union européenne. Toutefois, nous, Européens, ne devons pas nous contenter d’exprimer notre solidarité à l’égard des pays du Sud en ce qui concerne les objectifs écologiques. Nous devons comprendre leur courage. La majorité de leur population ne vit pas dans de grandes métropoles, elle n’est pas composée principalement de classes moyennes, il n’y a pas nécessairement dans ces pays d’État providence. Nous ne devons pas nous montrer paternalistes et pontifiants envers ces pays où il y a encore des problèmes matériels.

Le Conseil de l’Europe est toujours très critique à l’égard des violations des droits de l’homme partout dans le monde: les Européens critiquent les Chinois, les Asiatiques, les Africains, les Arabes, les Latino-Américains... Mais quand les États-Unis se retirent de l’Accord de Paris, on se contente d’en rendre compte poliment dans ce rapport! Je ne le comprends pas. Cette décision arrogante des États-Unis peut conduire à davantage de pollution, de migrations, de famine, de morts à cause du changement climatique. Les États-Unis n’avaient pas ratifié l’Accord de Kyoto et ils ne vont pas honorer les engagements qu’ils ont pris à Paris. C’est un crime contre l’humanité! Pourquoi ne condamnons-nous pas l’arrogance américaine dans ce rapport au lieu d’être si polis?

Mme McCARTHY (Royaume-Uni)* – Je suis très fière d’avoir fait partie du gouvernement travailliste qui, en 2008, a fait adopter une loi pionnière ensuite reprise par plus de cent autres pays. Notre vice-premier ministre, John Prescott, était à l’origine de cette initiative verte, obligeant le Gouvernement britannique à s’assurer que les émissions de COsoient plus faibles de 80 % en 2050 par rapport à 1990, selon les termes du Protocole de Kyoto.

Pour que l’Accord de Paris soit mis en œuvre, une bonne volonté politique beaucoup plus grande est nécessaire.

Jusqu’en 2040, les énergies fossiles continueront d’être largement utilisées, en particulier dans les grandes industries qui ne peuvent pas s’adapter aux énergies renouvelables. Mais cela ne signifie pas qu’il faille exploiter au maximum toutes nos réserves fossiles. Si nous voulons atteindre nos objectifs, il faut nous assurer que ces fossiles restent dans le sol, que l’Arctique soit protégé, que l’on n’ouvre pas de nouvelles exploitations.

En outre, nous avons constaté que les émissions des voitures, des bateaux et autres moyens de transport, restent inférieures aux émissions dues à l’agriculture et à la consommation de viande importées. Cependant, il n’y a pas de courage moral pour prendre des décisions dans ce domaine.

Je conclurai en rendant hommage à mon collègue travailliste, Lord Prescott, dont la ville natale, Bristol, est située dans un estuaire. Nous avons beaucoup à apprendre de ce que Lord Prescott écrit dans son rapport sur les estuaires. Bristol est la première ville qui a reçu le titre de capitale verte de l’Europe en 2015. Malheureusement, le Brexit a pour conséquence que ce sera la dernière ville du Royaume-Uni à recevoir un tel prix. Toutefois, nous devons nous assurer que le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, s’il devait se concrétiser, n’ait pas d’impact sur la lutte contre le changement climatique.

Le rapport fait état des ODD. À ce sujet, je me réjouis du fait qu’avec le mandat de Marvin Rees, le maire de Bristol, cette ville devienne une ville plus durable. En effet, il est très important que les villes jouent un rôle pionnier en réduisant leurs émissions et en accordant toute leur importance à des logements neutres en termes d’émission de COet à des moyens de transport verts. J’espère que ce rapport permettra à chacun de comprendre à quel point il est urgent d’agir et de s’engager davantage sur le plan politique pour que les mots de l’Accord de Paris deviennent réalité.

M. LOUCAIDES (Chypre)* – Je souhaite d’abord féliciter Lord Prescott pour son excellent rapport.

Stephen Hawking a un jour affirmé: «Pour sauver l’humanité des menaces du changement climatique, des maladies et du surpeuplement, il faudra coloniser Mars dans les cent ans à venir.» Je me demande si une telle solution ne va pas devenir nécessaire.

Pendant vingt ans, les négociateurs des Nations Unies ont essayé en vain d’établir un traité international contraignant qui obligerait les États à réduire leurs émissions. De la même manière, le Sommet de Paris pour le changement climatique devait déboucher sur un accord contraignant afin que la contribution de tous les pays permette de limiter l’augmentation de la température moyenne à moins de 2° C. Le résultat a malheureusement été négatif car certains pays n’ont accepté de s’engager qu’à titre individuel et sur une base volontaire. C’est bien ce qui a permis à Donald Trump d’annoncer au mois de juin dernier que les États-Unis se retiraient de l’Accord.

Par voie de conséquence, et même si la communauté internationale a approuvé cet accord, aucun changement significatif n’est intervenu depuis 2015. Par exemple, alors que le principe de solidarité est un facteur déterminant pour la bonne mise en œuvre de l’Accord, même les pays en voie de développement les plus pauvres, au Sud, attendent encore les soutiens financiers qui leur permettraient de s’adapter au changement climatique avec de nouvelles technologies.

En outre, il semble clair que les politiques qui auraient pour but de réguler les problèmes par des mécanismes de marché ne permettront pas de résoudre le changement climatique. En effet, ces mécanismes ne font rien pour régler les problèmes de la pauvreté, du chômage et les autres nombreux problèmes sociaux que rencontrent les populations. Ainsi, tant que la croissance économique se fera dans le cadre des systèmes socio-économiques existants, qui donnent au profit la priorité sur les peuples et l’environnement, nous nous approcherons dangereusement du point zéro de la planète.

À propos du changement climatique et de la protection de l’environnement, je rappelle que dans deux jours nous commémorerons les événements de Tchernobyl. Permettez-moi de conclure mon intervention en soulignant le danger majeur que représente la ratification par la Turquie et la Fédération de Russie d’un accord pour la construction d’une centrale nucléaire sur la côte sud de la Turquie à Akkuyu. Elle sera située à 90 kilomètres des côtes de Chypre, dans une région aux activités sismiques majeures et à valeur environnementale particulière. Il est plus que sûr que les conséquences d’une catastrophe nucléaire seraient dévastatrices pour toute la région du sud-est méditerranéen.

M. REISS (France) – Le changement climatique n’est pas seulement une question de degrés. Il s’inscrit au cœur même de nos valeurs. En effet, les effets dévastateurs du dérèglement climatique, qu’il s’agisse des sécheresses extrêmes ou de la montée des eaux, toucheront en premier lieu les populations les plus pauvres des pays en voie de développement. Créant des conflits pour le contrôle des terres, mais aussi des mouvements de migrations climatiques vers notre continent bien plus importants que les afflux de réfugiés aujourd’hui, ce bouleversement du climat représente un véritable défi pour nos démocraties.

L’espoir né de la COP21 et de l’Accord de Paris a fait place à une certaine désillusion, avec le désengagement américain et la solidarité modérée des pays riches face aux défis du continent africain en matière de lutte contre les conséquences du changement climatique.

La croissance verte ne va pas de soi, même si de nombreux efforts ont été faits pour développer des énergies renouvelables. La biomasse-énergie est la principale source d’énergie renouvelable en France: elle représente plus de 55 % de la production d’énergie finale et contribue donc significativement à réduire la consommation d’énergies fossiles. D’autres techniques, comme la géothermie profonde, sont appelées à se développer. Cependant, pour les pays en voie de développement, certaines énergies renouvelables sont hors de prix. Il est donc logique que des pays comme le Sénégal ou le Maroc aient choisi le photovoltaïque, dont le coût semble plus accessible.

Parmi les défis pouvant conduire à des conflits ouverts, figure la gestion de l’eau. Au-delà de 2 degrés de réchauffement par rapport à 1990, chaque degré pourrait entraîner une réduction des ressources renouvelables en eau de 20 % pour au moins 7 % de la population mondiale. Ainsi, quand l’eau devient rare, notamment pendant les périodes de sécheresse, les populations ont recours aux eaux de surface, souvent insalubres. Les inondations, quant à elles, portent préjudice à la qualité de l’eau et aux stations d’épuration, ce qui conduit très souvent à une augmentation des maladies d’origine hydrique. C’est un défi énorme car, sans sécurité de l’eau, les droits humains sociaux et économiques autour de l’alimentation et de la santé n’existent plus.

Enfin – et ce problème concerne particulièrement notre continent – les engagements en matière d’économies décarbonées ne sont pas si simples à réaliser. Je prendrai pour exemple l’échec de la mise en place de la taxe carbone en France. Il est clair que l’application de la taxe carbone de manière isolée conduirait de fait à une distorsion de compétitivité entre les entreprises touchées ou non par la taxe. Dans ce domaine, comme dans tant d’autres touchant au changement climatique, seule une action concertée et coordonnée des pays européens est envisageable.

Ce tableau semble bien noir, mais il ne dépend que de notre capacité de travailler ensemble, y compris avec les pays du Sud, et à prendre nos responsabilités pour ne pas décevoir les générations futures. Monsieur Prescott, je vous félicite pour ce rapport déterminant pour l’avenir de notre planète.

LE PRÉSIDENT* – M. Madison, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GROSDIDIER (France) – Il était important de faire le point sur la réalité de la mise en œuvre de l’Accord de Paris tant sa conclusion a suscité d’espoirs face aux risques multiples que le dérèglement climatique fait courir à la planète et à l’humanité. L’excellent rapport de M. Prescott et le projet de résolution arrivent tous deux à point nommé.

On connaît l’objectif accepté en 2015. Rester en dessous de 2 degrés de réchauffement par rapport aux niveaux préindustriels, et si possible en dessous de 1,5 degré. Les pays ont donc présenté de vastes plans d’action nationaux en vue de réduire leurs émissions; les gouvernements ont convenu de communiquer tous les cinq ans leurs contributions pour des objectifs plus ambitieux; ils ont également accepté de s’informer réciproquement de leurs progrès pour garantir la transparence et le contrôle de leur action.

Paradoxalement, même après la défection des États-Unis, la réalité scientifique du réchauffement climatique est confirmée. Et il y a urgence: il ne reste qu’un crédit de 1 000 milliards de tonnes de carbone à émettre pour limiter le réchauffement à 2°C. Au rythme actuel, ce seuil sera atteint dans 20 ou 25 ans! Il y a urgence.

Les choses avancent, même si c’est trop lentement. Je citerai, dans le cadre de l’Organisation maritime internationale, l’accord de la semaine dernière sur la fixation d’un objectif de réduction d’au moins 50 %, d’ici à 2050 par rapport à 2008, des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports maritimes internationaux. Les répercussions du retrait américain sur la tenue des objectifs seront surtout financières. L’Europe ne pourra pas compenser cette perte. Il faut relancer la réflexion sur des taxes internationales et des marchés carbone pour trouver des solutions.

Mais l’Accord de Paris, ce ne sont pas que les États. Les entreprises ont un rôle à jouer. Le rôle important des acteurs non étatiques dans l’action climatique est aussi un atout. Ces acteurs sont la société civile, le secteur privé, les gouvernements locaux et régionaux. Ainsi, pour compenser le retrait américain, nous pourrons compter sur le réseau des grandes villes et des États de ce pays. Qu’ils soient démocrates ou républicains, des maires et des gouverneurs marquent leur volonté de respecter les engagements pris par les États-Unis.

Nous devons rester mobilisés, car le changement climatique a des répercussions directes et indirectes sur la sécurité et la stabilité internationales, touchant principalement les plus vulnérables, provoquant des déplacements de populations et des troubles sociaux et politiques, ainsi que de nouvelles migrations. Enfin, pour forcer l’économie de marché à intégrer cet impératif, nous devons développer les interactions entre les politiques climatiques et les politiques commerciales. Ce n’est qu’en les liant que nous réussirons l’indispensable transition vers une économie sûre et durable à faible émission.

M. HONKONEN (Finlande)* – Le changement climatique est sans aucun doute un phénomène actuel. Les mesures de l’Accord de Paris sur le climat doivent être mises en place rapidement. En novembre dernier, l’Accord de Paris a posé les bases pour rester en dessous de 2 degrés de réchauffement climatique. Or, au rythme actuel, l’augmentation de la température sera de 3 degrés, ce qui sera catastrophique pour la planète, les humains, les animaux et les écosystèmes.

Le retrait très critiqué des États-Unis de l’Accord de Paris n’a pas eu les effets négatifs attendus, grâce aux États et aux grandes entreprises de ce pays. Même le Président Trump ne peut ignorer ces grandes tendances. Des mesures d’atténuation et d’adaptation sont mises en place au niveau local partout dans le monde. Le rôle des entreprises locales, de la société civile et des communes est significatif. L’immense transformation du secteur énergétique présente une opportunité pour le secteur privé de créer de nouvelles entreprises, grâce à l’innovation et aux nouvelles technologies. La décarbonisation de l’économie européenne doit être menée par le secteur privé. La mission de l’Union européenne est de créer un cadre légal et des incitations pour les entreprises. Nous devons encourager tous les acteurs du secteur privé, de la société civile, des universités et des autorités locales à coordonner leurs actions. Nous sommes tous dans le même bateau et nous devons réduire les oppositions entre l’industrie et l’État.

Je voudrais enfin dire quelques mots concernant l’élimination des industries fossiles, et notamment du charbon. Ce point est essentiel si nous voulons empêcher une augmentation de la température au-delà de 1,5° C. Nous avons déjà à disposition les technologies pour remplacer le charbon. Son élimination progressive est relativement facile et permettrait de réduire véritablement les émissions de CO2. Qu’attendons-nous? Notre climat ne peut plus supporter que l’on continue à brûler du charbon. Nous avons décidé, en Finlande, de fermer nos centrales à charbon au plus tard en 2029. Je vous invite tous à nous rejoindre et à prendre la même décision.

Mme RAUCH (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à partager avec vous l’honneur que je ressens en prenant la parole pour la première fois dans cette enceinte du Conseil de l’Europe, dont le rôle est de promouvoir et de protéger les droits humains sur l’ensemble du territoire des 47 États membres.

Ensuite, en tant que membre de la délégation française, je suis fière de m’exprimer sur le changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Je remercie le rapporteur, M. Prescott, pour son excellent rapport et la résolution jointe, auxquels j’adhère totalement tant sur la nécessaire solidarité entre les pays en voie de développement et les pays développés, que sur le constructif partage des bonnes pratiques entre États en matière de développement durable, sans oublier l’incontournable implication des parlementaires dans ce domaine.

Comme vous le savez, l’Accord de Paris est le premier accord universel sur le climat. Depuis sa signature historique à Paris en décembre 2015, la COP21, la COP22, la COP23 qui s’est déroulée en novembre 2017 à Bonn, et la COP24, qui aura lieu en décembre prochain en Pologne, perpétuent son esprit et permettent de réactualiser ses engagements. Cet accord représente un record en matière de droit environnemental et entraîne une véritable dynamique que même le retrait, très médiatique, des États-Unis, n’a pas réussi à enrayer. Et pour cause: il n’y a pas de «planète B»!

Mais, malheureusement, nous ne pouvons ignorer que les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le Président de la République française l’a déploré le 12 décembre dernier en ouvrant le One Planet Summit: «On est en train de perdre la bataille. On le sait» a-t-il reconnu.

Le 17 avril dernier, lors de son discours devant le Parlement européen – ici-même, à Strasbourg –, il a de nouveau insisté sur les conséquences du réchauffement climatique à l’échelle mondiale et sur l’obligation de répondre à ce désordre à l’échelle européenne, par exemple en revoyant à la hausse la contribution européenne dans le cadre de l’Accord de Paris.

La mobilisation doit donc être générale et, si vous me le permettez, je conclurai mon propos sur une note d’espérance concernant la mise en œuvre de l’Accord de Paris, en évoquant notre projet français d’inscrire la lutte contre le changement climatique dans notre Constitution – vraisemblablement dans son article 34, qui définit les domaines régis par la loi.

Si cela se fait, la France sera ainsi le premier pays du G20 à instaurer cette catégorie juridique dans sa Constitution. Un exemple transposable ailleurs, mais surtout une mesure permettant de sacraliser, à l’échelle de chaque État, les objectifs fixés en matière de lutte contre le changement climatique.

Alors oui, nous ferons en sorte que notre planète redevienne agréable ensemble!

LE PRÉSIDENT* – Félicitations, Madame!

M. COAKER (Royaume-Uni)* – Je tiens tout d’abord à féliciter mon collègue et ami, Lord Prescott, pour son brillant rapport. Comme bien d’autres ici, je suis père et grand-père; nous avons tous une famille, des amis, des communautés: ce rapport est un nouvel avertissement qui nous est adressé à tous.

Nous avons entendu d’excellentes contributions cet après-midi. Et si nous nous félicitons de ce rapport, nous sommes néanmoins tous frustrés et mécontents. Certes, il y a eu des progrès; certes, il y a eu des avancées. Mais ce que le Conseil de l’Europe dit cet après-midi, c’est qu’il faut que l’Europe et le monde entier réalisent que ce problème est véritablement urgent et que les choses avancent plus vite.

Nous assistons à la fonte des glaces, nous constatons les conséquences du changement climatique. Pourtant, souvent, la réaction est lente, bureaucratique; elle pose des obstacles au changement. Ce rapport est donc un rappel: il faut se réveiller, il faut parler haut et fort! Le Conseil de l’Europe doit en appeler à un changement plus rapide.

Il existe de nombreuses politiques en faveur de l’environnement: promotion des véhicules électriques, réduction de l’usage des énergies fossiles, diminution des émissions de CO2… Aucune de ces solutions ne parviendra, à elle seule, à changer la donne. Il faut toutes les mettre en œuvre.

J’ajouterai que le terme de «développement durable» apparaît dans le rapport de Lord Prescott: cela est de la plus haute importance. En effet, la plupart des pays signataires de l’Accord de Paris sont parmi les plus pauvres du monde, et ils attendent du développement qu’il leur apporte une richesse durable – et ce terme est important.

Voilà un exemple à suivre pour nous, pays développés, qui consommons la vaste majorité des ressources de la planète! Les pays les moins développés sont à nos côtés pour réduire les émissions, et nous avons envers eux une obligation morale: à nous d’agir pour que le changement soit durable. Dans le cas contraire, nous verrons affluer des réfugiés climatiques.

Réveillons-nous, ne laissons pas la catastrophe se produire! Soyons optimistes et adoptons le projet de recommandation pour que, en 2050, nos enfants et nos petits-enfants puissent féliciter cette Assemblée qui aura véritablement agi contre le changement climatique.

LE PRÉSIDENT* – M. Roca, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme SMITH (Royaume-Uni)* – Permettez-moi tout d’abord de féliciter Lord Prescott pour son excellent rapport. John est devenu membre de cette Assemblée parlementaire en 1973: depuis, il va, il vient, mais il s’est toujours intéressé au changement climatique. Il a d’ailleurs été l’un des moteurs du groupe qui a préparé le Protocole de Kyoto – il était alors vice-premier ministre du Royaume-Uni.

Le rapport le dit, le changement climatique est la principale menace pour l’humanité, car ce sont le développement durable de notre planète et l’avenir des générations futures qui sont en jeu.

Le véritable défi sera de gérer cette crise: c’est d’ailleurs l’objet de l’Accord de Paris de 2015. Le projet de résolution souligne à juste titre qu’il «n’existe pas de planète B». Pour agir efficacement, nous ne pouvons pas nous en remettre uniquement aux organisations internationales: il faut permettre et encourager le développement de stratégies à tous les niveaux pour lutter contre le changement climatique.

Comme je l’ai entendu dire au sein de la commission de l’environnement et du développement durable de la Chambre des Communes, il est bon de faire référence à l’agriculture durable et à l’adaptation des espèces. C’est une pratique qui devra être encouragée, dans les pays développés comme dans les pays en développement.

Il est important que les nations d’Europe soient unies pour faire vivre les objectifs du développement durable. N’oublions pas que le changement climatique trouve également sa source dans une expansion industrielle excessive: l’économie occidentale a ignoré pendant bien trop longtemps le besoin d’une action collective pour faire face aux problèmes environnementaux. À cet égard, le Brexit est à tout le moins malencontreux. En effet, les normes environnementales sont un sujet très important au Royaume-Uni, et l’incertitude demeure sur ce qu’il en adviendra après le Brexit – si toutefois celui-ci a lieu.

En tant que déléguée du Royaume-Uni, je tiens à souligner le rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe, qui pourrait éclairer les réponses individuelles des gouvernements et adresser un message à tous les pays qui n’ont pas encore ratifié l’Accord de Paris.

Cet Accord représente une solution globale pour le climat. Les parlementaires ont le devoir moral de veiller à son application, car la vie des futures générations dépend du succès de nos efforts: nous ne pouvons pas échouer.

M. GAVAN (Irlande)* – Je salue tout d’abord ce rapport et ce projet de résolution, et je félicite John Prescott pour son travail.

Ce n’est pas par une action unique que nous relèverons le défi du changement climatique et aucun État n’a le pouvoir d’en renverser le cours. Il faudra de nombreuses actions de tous les États pour protéger notre environnement. L’Accord de Paris a réuni 195 pays qui ont travaillé ensemble à la réduction des effets du changement climatique. Il a fixé un objectif de réduction à long terme des émissions pour que la température n’augmente pas de plus de deux degrés Celsius. Les nations qui ont participé à la COP21 se sont mises d’accord pour faire tout ce qu’elles pourraient pour y parvenir. Au-delà de ce point de bascule, les effets du changement climatique seraient massifs. L’Accord de Paris témoigne d’une reconnaissance de la réalité du changement à l’œuvre et constitue un engagement à réduire nos émissions de carbone. La décision américaine de sortir de cet accord est extrêmement décevante, elle procède d’une vision court-termiste stupide, tout à fait typique d’un capitalisme effréné: la cupidité du court terme l’emporte sur les intérêts de l’humanité à long terme. Les États-Unis sont le deuxième émetteur de gaz à effet de serre au monde.

L’Union européenne, pour sa part, s’est fixé des obligations. Ce que nous devons faire est simple: réduire autant que possible et le plus vite possible la pollution au carbone. Nous n’y parviendrons cependant que si nous accordons toujours au bien collectif le primat sur les avantages particuliers. L’investissement public et la réglementation devront l’emporter sur la cupidité des marchés. Nous savons ce qu’il en est des marchés dérégulés: ils sont eux-mêmes sources de dérèglement climatique. Nous savons où tout cela nous mène, nous en voyons déjà les effets.

Et ayons aussi conscience du fait que les pays en développement ressentent aussi, aujourd’hui, les effets du changement climatique. Les principes d’une justice climatique doivent être au premier rang des objectifs de l’Accord de Paris.

Dans cette bataille pour contenir le changement climatique, l’Europe doit être une source d’espoir.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – À mon tour, j’aimerais remercier M. Prescott de ce rapport extrêmement important. Le changement climatique est un fait. À moins que nous ne fassions ce qu’il faut, c’est fini! Tout est fini, pas demain, ni après-demain, mais très prochainement. Si nous ne réussissons pas à empêcher la température de la planète d’augmenter de plus de deux degrés, nous perdrons le contrôle. Nous avons donc une immense responsabilité.

Les populations veulent apporter leur contribution. En tant que responsables politiques, nous devons leur permettre de le faire, de contribuer à une transition systématique vers une économie circulaire durable, nous devons leur en donner les moyens.

En 1859, un scientifique fort controversé a publié une théorie sous le titre Sur l’origine des espèces. C’était Charles Darwin. Un siècle plus tard, sa théorie était chose acceptée. Aujourd’hui, l’humanité est en train de modifier l’hypothèse de base de sa théorie de l’évolution d’une façon qu’il n’aurait lui-même pu imaginer: l’évolution reposait sur la survie des mieux adaptés, mais le changement climatique remet en question la survie même de l’humanité. C’est effrayant.

En 1970, le groupe de rock The Moody Blues a sorti un album intitulé Question, à l’origine A Question of Balance (en français: Une question d’équilibre). Figurait sur la pochette une Terre recouverte par la pollution, avec la tête d’Albert Einstein. Les deux albums suivants étaient intitulés To Our Children’s Children’s Children (Aux enfants des enfants de nos enfants) et Days of Future Passed (Les jours de l’avenir déjà passés).

Vingt ans après la conférence de Stockholm sur l’environnement, tenue en 1972, l’Agenda 21, adopté lors du sommet de Rio, reconnaît que la planète Terre est notre foyer à tous. Et puis, il y a eu Kyoto, Buenos Aires, La Haye, Bonn, Berlin, Copenhague, Johannesburg, Rio+10, Rio+20, Paris 2015. Le ministre norvégien du Climat est inquiet: nous sommes en retard, les progrès sont insuffisants. Sur certains volets de l’Accord de Paris, nous sommes même complètement «à côté de la plaque». Nous nous concentrons sur des points techniques qui dépassent les populations, alors que nous savons très bien ce qu’il faut faire. Simplement, nous ne sommes pas prêts à en payer le prix, nous préférons acheter et vendre des quotas de pollution, mais le prix que nous aurons à payer au final n’en sera que plus élevé. Nous le savons depuis des décennies et nous n’agissons toujours pas.

Peut-être trouverez-vous que c’est là un discours de prophète de malheur, mais en fait je suis une optimiste. C’est à nous de prendre les choses en main. Il est temps d’assumer nos responsabilités.

LE PRÉSIDENT* – M. González Taboada, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KERN (France) – Mes chers collègues, l’heure est grave. En 2002, le Président de la République française, Jacques Chirac, déclarait: «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.» Aujourd’hui, avec l’Accord de Paris, la communauté internationale a décidé de se préoccuper de l’avenir de la planète. C’est une question de bon sens car de l’avenir de notre planète dépend l’avenir de l’homme.

Les conséquences du réchauffement climatique pourraient être dramatiques: la fonte des glaces provoque la montée des eaux, qui pourraient envahir des milliers d’îles, et de villes, comme Amsterdam, Miami ou Tokyo. Il pourrait également engendrer la disparition d’un sixième des espèces animales. Enfin, les mauvaises récoltes induites par le climat pourraient entraîner de nouvelles famines et une flambée des prix agricoles, et, avec des épisodes de froid polaire couplés à une hausse des températures, l’Europe ne sera pas épargnée.

Que se passera-t-il alors? Des déplacements massifs de population sont à craindre. En 2015 déjà, un millier d’habitants de l’atoll de Bikini, dans les îles Marshall, face à la menace de la montée des eaux qui risque d’engloutir leurs habitations, ont demandé à être relogés aux États-Unis. La situation sera difficile en Europe, mais elle risque de l’être encore plus en Afrique. Comment ferons-nous face à l’arrivée de millions de personnes fuyant la sécheresse en Afrique ou des cyclones de plus en plus violents en Asie? Il est donc urgent d’agir.

En 2004, la France a adopté la Charte de l’environnement, lui donnant valeur constitutionnelle. Celle-ci dispose que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, mais aussi que chacun a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. Ces deux principes doivent guider notre réflexion dans la lutte contre le changement climatique.

Je déplore le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, alors que ce pays produit près de 20 % des gaz à effet de serre. Certes, ils affirment faire des efforts pour limiter les quantités de gaz rejetées, mais je pense que la lutte contre le changement climatique nécessite une coordination mondiale. Les organisations internationales comme le Conseil de l’Europe ont un rôle important à jouer car elles favorisent le multilatéralisme. Par ailleurs, j’encourage la Fédération de Russie, Saint-Marin et la Turquie à ratifier au plus vite l’Accord de Paris. En effet, il est important que chaque État puisse contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. L’Accord de Paris ne peut être une fin en soi. Il doit ouvrir la voie à une coopération renforcée à l’échelle mondiale, mais aussi permettre de nouvelles initiatives au sein des États signataires. Mes chers collègues, chacun d’entre nous doit tenter de faire évoluer les législations nationales pour limiter les gaz à effet de serre, notamment en favorisant les énergies renouvelables. N’oublions pas la formule d’Antoine de Saint-Exupéry: «Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants.»

Mme TUȘA (Roumanie)* – Chers collègues, j’aimerais en premier lieu remercier le rapporteur pour ce rapport approfondi sur le changement climatique et sur l’application de l’Accord de Paris; il vient à point nommé. Le défi du changement climatique est d’une importance essentielle. L’Union européenne a reconnu le changement climatique comme représentant une menace existentielle pour l’humanité.

Au plan mondial, les événements météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents. Il faut le reconnaître, ces phénomènes causent de plus en plus de victimes et ont un impact gigantesque sur la vie de millions de personnes sur la planète. Ils provoquent des dégâts matériels massifs, détruisant non seulement les infrastructures mais aussi différents écosystèmes.

Cher collègues, le monde change, le climat change. Nous devons nous-mêmes modifier notre approche en tant que décideurs. Je sais que ce n’est pas facile pour les entreprises, qui se sentent directement concernées par les mesures contenues dans l’Accord de Paris. C’est la raison pour laquelle nous devons démontrer que nous sommes proches d’elles et que nous sommes à même de leur proposer une alternative durable pour abandonner les technologies anciennes au profit de technologies de nouvelle génération à faible impact carbone. Nous ne voulons évidemment pas provoquer la faillite de ces entreprises, mais il est essentiel de faire preuve de plus de responsabilité pour l’avenir de la planète et celui de nos enfants.

C’est la raison pour laquelle je pense qu’une nouvelle vision économique est nécessaire, qui représente réellement les intérêts de l’humanité. Pour atteindre cet objectif, le progrès technologique est notre principal atout. Plus que jamais, s’adapter aux effets du changement climatique devient nécessaire, en recourant à des mesures spécifiques et en développant ou en mettant à jour des stratégies nationales sectorielles. Ce faisant, nous ne devons pas faire abstraction des caractéristiques particulières de chaque État individuel.

Dans le même temps, la réalité montre que nous avons besoin non seulement de plus de solidarité entre les pays développés et les pays en voie de développement, mais aussi que nous devons encourager et soutenir toutes les initiatives de solidarité, aussi petites soient-elles. Outre les facteurs socio-économiques, l’innovation et le développement technologique, ce sont les décisions politiques qui peuvent réellement faire la différence si nous voulons lutter efficacement contre les effets du changement climatique sur l’environnement. Les parlementaires, en tant que décideurs politiques légitimes, doivent unir leurs efforts et se battre pour une planète saine pour leurs citoyens.

Pour conclure, je tiens à souligner qu’outre ces effets sur l’environnement, le changement climatique aura un effet négatif sur la vie des populations et augmentera la pression sur les ressources naturelles, ce qui débouchera sur une instabilité politique. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pourrons rendre notre planète meilleure pour nous et pour nos enfants.

M. DAVIES (Canada, observateur)* - La grande majorité des Canadiens comprennent que les émissions de gaz à effet de serre causées par l’être humain sont à l’origine du changement climatique. Ils souhaitent que leur gouvernement agisse de manière effective, non seulement pour éviter la catastrophe mais aussi parce qu’ils considèrent comme un devoir moral d’en faire plus.

Le Canada subit de plein fouet les conséquences du changement climatique, avec des effets clairs, coûteux qui vont en s’aggravant. Les températures ont augmenté du double de leur moyenne globale. On constate une migration des espèces, une évolution des époques et saisons propices à l’agriculture, des espèces allogènes envahissent nos espaces, détruisent nos forêts, font fuir les espèces indigènes. Les précipitations changent, la calotte glaciaire fond. Les biens et services doivent être adaptés. Des dizaines de milliers de Canadiens sentent déjà les répercussions des incendies de forêt, des inondations dus au changement climatique et à d’autres événements extrêmes qui apparaissent maintenant tous les 6 ans au lieu de 40 ans auparavant.

Pourtant le Canada a été et reste un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre. Nous n’avons pas mis en œuvre les objectifs de réduction prévus et, si la tendance actuelle se poursuit, nous n’atteindrons pas les objectifs de l’Accord de Paris prévus pour 2030.

Il existe néanmoins des raisons d’être optimiste.

Le Canada est un pays pionnier dans la mise en œuvre d’actions de lutte contre le changement climatique.

La Colombie britannique a mis en place une taxe carbone sur les combustibles fossiles, qui va devenir de plus en plus élevée. L’Ontario a éliminé la production d’électricité par le charbon. L’Ontario et le Québec participent à un système d’échange et de capture du carbone avec la Californie. L’Alberta a mis en place un autre système. Nous voulons que toutes nos politiques permettent de lutter contre le changement climatique. Même au Canada, où nous voulons une politique forte de lutte contre le changement climatique, il est difficile de faire les bons choix et les choix cohérents pour l’avenir. Notre fédération doit lancer une dynamique empreinte de coopération pour réussir ces politiques.

Une action concertée entre les États membres de l’Assemblée parlementaire à court et à long terme est indispensable si nous voulons réussir la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Merci, Lord Prescott, d’avoir soulevé des questions essentielles. Notre planète dépend de nous. À nous d’agir!

M. LACROIX (Belgique) – Lutter contre le réchauffement climatique, c’est avant tout lutter contre les inégalités sociales. Je plaide donc pour une transition visant à organiser une transformation de notre société vers une économie pauvre en carbone, juste socialement et porteuse d’un projet de société durable.

Pour que cette transition soit une réalité tangible, divers secteurs économiques vont devoir s’adapter à une production bas carbone. Ces évolutions ne devront certainement pas être synonymes de licenciements mais au contraire de reconversion par le biais de formations continues, donc d’une préparation à de nouveaux métiers.

Je pense aussi à la suppression, certes progressive mais réelle de toute subvention et réduction d’impôt en faveur des combustibles fossiles d’ici à 2030.

Un autre axe concret est celui du logement. L’écosocialisme que je défends entend renforcer la capacité de tous les citoyens à améliorer les performances énergétiques de leur logement ou à bénéficier d’un logement basse énergie quand ils sont locataires. La société de demain devra aussi garantir à toutes et à tous l’accès à l’énergie verte à un prix raisonnable.

Enfin, j’aborderai la problématique du changement climatique avec un point de vue trop souvent oublié, celui de la question du genre. Face à un phénomène global comme le changement climatique, on pourrait se dire que le genre importe peu. Pourtant rien n’est plus faux. Dans les pays du Sud, le changement climatique impacte directement les femmes, et de façon très concrète. La recrudescence de catastrophes naturelles tend inexorablement à exacerber les inégalités économiques et sociales, ainsi que les inégalités hommes/femmes, et cela plus durement dans les pays en développement, du fait même de la nature et des activités prises en charge par les femmes. Dans ces pays, les femmes sont traditionnellement très impliquées dans l’agriculture, dans la santé, dans l’énergie, dans l’éducation ou dans la collecte de l’eau et du bois. Ainsi les effets de la sécheresse, de la désertification ou, au contraire, des inondations et des fortes précipitations deviennent un lourd fardeau pour les femmes, au détriment de leur activité rémunératrice, de leur éducation, de celle de leurs enfants ou de leur propre santé.

À titre personnel, puisque nous sommes censés, ici, au Conseil de l’Europe et dans cette Assemblée parlementaire, adresser des recommandations tous azimuts aux pays membres et même au monde entier, en particulier à l’Europe, nous devrions nous-mêmes montrer l’exemple. Je donnerai deux exemples qui ne sont peut-être pas étroitement liés au changement climatique : ne plus fournir de gobelets en plastique pendant les séances de commission et, dans la cafeteria, plutôt que de vendre des sandwichs en triangle produits de manière industrielle et emballés dans du plastique, avoir recours aux producteurs locaux et au commerce équitable. Ce serait un geste qui montrerait que nous pouvons joindre les actes à la parole.

M. SHEPPARD (Royaume-Uni)* – Je félicite moi aussi John Prescott du travail qu’il a fait et du rapport qu’il nous a présenté. Il a fourni des précisions qui doivent être reprises dans nos parlements nationaux si nous voulons vraiment atteindre les objectifs auxquels ont souscrit nos gouvernements.

En Écosse, le gouvernement s’est vu transférer ses compétences et notre gouvernement a fait pas mal de progrès. J’en fournirai quelques exemples.

D’ici à 2030, chaque kilomètre de route sera équipé de bornes de recharge pour les véhicules électriques.

Nous investissons pour que les personnes prennent plutôt le vélo que la voiture.

Dans le domaine de l’énergie, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux: en 2020, donc dans deux ans, toute l’énergie générée dans notre pays sera issue de ressources renouvelables. C’est un changement total de mentalité. Nous sommes passés des combustibles fossiles aux énergies renouvelables à 100 % et nous avons décidé que la fracturation ne serait pas utilisée en Écosse. Nous espérons convaincre tous les Britanniques de cette bonne décision.

D’ici à 2025, 70 % de nos déchets seront recyclés et des mesures simples et pratiques peuvent avoir un effet important dans ce domaine. En 2014, nous avons introduit une législation interdisant l’utilisation des sacs plastiques. Des millions ont été levés pour toutes ces bonnes causes. Chacun de nos concitoyens a pris conscience de l’importance de ces politiques publiques.

Il importe aussi de travailler avec les communautés locales et de ne pas agir pour agir. C’est la raison pour laquelle nous avons constitué un fonds. Plus de 100 million de livres sterling ont été dépensées pour financer des projets locaux pour faire prendre conscience du problème.

Je voudrais vous parler de deux phénomènes.

Je commencerai tout d’abord par le Brexit. Comme vous le savez, le Royaume-Uni est sur le point de quitter l’Union européenne. Le peuple écossais a voté contre, mais cela s’impose à nous. Il est important que les deux parties à cette négociation fassent en sorte que, quel que soit le résultat de cette négociation, le Royaume-Uni puisse agir dans ce domaine.

Ensuite, s’agissant des États-Unis d’Amérique, je dirai que ce n’est pas la première fois que tout le monde reconnaît que le pays le plus puissant du monde a abandonné ses responsabilités en se mettant en marge de ces débats. Cela signifie que les nations européennes doivent plus que jamais agir ensemble et devenir les leaders de la planète, non seulement pour leurs propres citoyens mais aussi pour les citoyens américains.

M. THIÉRY (Belgique) – À mon tour de remercier le rapporteur Lord Prescott parce que, s’il est vrai que la communauté internationale a largement approuvé l’Accord de Paris qui indique la voie à suivre pour l’action mondiale contre le changement climatique, nous sommes encore loin du compte dans la mise en application des recommandations et il faut reconnaître que la position de retrait de l’Accord des États-Unis ne nous aide absolument pas.

Cet accord prévoit de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement au- dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels, tout en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 degré. L’Union européenne a aussi mis en avant un objectif minimal d’une réduction de 40 % des émissions internes d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990. Mais nous ne savons pas encore si elle sera en mesure de proposer auprès des Nations Unies un objectif plus élevé – ce qui est nécessaire – d’ici à 2020.

La mise en œuvre de l’Accord de Paris devrait aller de pair avec celle des Objectifs de développement durable, notamment dans les principaux domaines politiques, tout en soulignant la nécessité d’une plus grande solidarité entre les pays en voie de développement et les pays développés. C’est d’ailleurs bien noté dans le rapport.

Cette année, par exemple, la Belgique a émis l’une des premières obligations vertes d’État au monde. Par le biais de ces obligations, notre pays a pu attirer près de 4,5 milliards d’euros afin de financer ses politiques de transition dans de nombreux secteurs. Ainsi, ces obligations vertes couvrent des domaines tels que l’efficacité énergétique, les transports, les énergies renouvelables, mais aussi l’économie circulaire et la biodiversité.

On peut donc trouver des solutions si l’on s’en donne les moyens.

Je voudrais insister sur l’importance d’établir un cadre réglementaire adéquat pour permettre au secteur privé de prospérer et de devenir un acteur majeur de la transition vers une économie décarbonée ainsi que de favoriser l’adoption de mesures plus ambitieuses de marchés publics verts, en renforçant l’intervention du secteur public pour créer une demande du marché en faveur de solutions innovantes à faible émission de carbone.

L’objectif de la COP 23 était d’aboutir à des propositions concrètes, mais aucune décision n’a vraiment été prise sur le fond. L’objectif de la COP 24 sera donc de mettre en action la politique telle que définie lors de la COP21. La Belgique respectera ses engagements et rédige actuellement une résolution commune à tous les niveaux de pouvoir afin de définir et de répartir les tâches de chacun en fonction de ses compétences.

Mme DE TEMMERMAN (France) – Je remercie Lord Prescott pour la qualité de son travail et son investissement pour cette cause capitale de la lutte contre le changement climatique.

Il s’agit là d’un défi majeur de notre siècle et il est grand temps d’avancer en la matière. En 1988, l’Onu a créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le Giec. C’était il y a trente ans. Où en sommes-nous aujourd’hui? Nous avons progressé, certes, mais le chemin reste encore long. Les Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par l’Onu en septembre 2015, sont essentiels pour l’avenir de notre planète, pour notre avenir.

Le rapporteur souhaite – et j’en fais le souhait avec lui – que les différentes représentations parlementaires soient systématiquement et plus étroitement associées à la promotion de ces objectifs à travers l’Europe. Les ODD doivent s’inscrire à chaque étape du processus législatif, dans toutes nos politiques, sociales, environnementales et économiques.

En France, les ODD sont en marche. Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé sa volonté de les inscrire dans la construction de la loi lorsque cela est pertinent. Afin d’assurer la cohérence des politiques en faveur du développement durable et de renforcer la synergie dans la mise en œuvre entre l’Agenda 2030 et l’Accord de Paris, notre gouvernement a réaffirmé son engagement à mettre en œuvre les ODD sur le plan national mais aussi international. Plusieurs feuilles de route sont en cours d’élaboration sur l’économie circulaire ou, plus globalement, sur la mise en œuvre des ODD, sous la forme de grandes consultations avec toutes les parties prenantes, y compris les parlementaires.

De la loi sur l’interdiction des hydrocarbures à la loi Elan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), en passant sur la loi sur l’agriculture et une alimentation saine et durable, une grande transformation est à l’œuvre.

J’étais présente à la COP23, j’étais présente au One Summit Planet. J’y étais en tant que parlementaire. Les questions de finance verte étaient au cœur des discussions.

Vous le savez bien, Lord Prescott, car ce sont autant de thèmes abordés dans votre excellent rapport. Vos propositions sont donc réalistes et réalisables. J’espère qu’à la lecture de votre rapport d’autres pays nous rejoindront dans cette démarche.

Mme D’AMBROSIO (Saint-Marin)* – Je remercie notre collègue Lord Prescott pour son travail et pour le document aussi que nous examinons et sur lequel nous allons voter.

La question du changement climatique est un enjeu prioritaire pour chaque pays. C’est une question stratégique parce qu’elle détermine notre avenir en termes de qualité de vie, mais aussi de développement, dont le développement économique.

Il faut élaborer des politiques nationales qui correspondent aux normes inscrites dans l’Accord de Paris sur le climat et aux Objectifs de développement durable. Il faut créer des synergies de plus en plus fortes entre pays développés et pays en développement, échanger des compétences et des instruments. Ainsi, nous pourrions améliorer la situation à l’échelle globale et limiter l’augmentation de la température.

Je pourrais maintenant parler de façon générale du document et de la marche arrière opérée par l’administration américaine qui sape les résultats obtenus grâce aux actions entreprises dans le cadre de l’Accord de Paris. Mais je suis chef de la délégation de Saint-Marin et mon pays est l’un des pays mentionnés dans le rapport auxquels il est demandé de ratifier la convention. Je puis simplement vous dire que mon pays compte la ratifier au mois de septembre. C’est la première réponse que je peux vous apporter, une réponse également au document que nous examinons : nous nous engagerons à contribuer à la réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Il ne me reste pas beaucoup de temps pour développer ce point, mais je voudrais vous dire ce que Saint-Marin est déjà en train de faire pour apporter sa contribution à l’échelle locale et globale car, comme pour toute politique liée au climat, il faut agir localement pour avoir des effets à l’échelle globale.

Nous avons acquis plus de véhicules électriques et installé des bornes de chargement. Nous sommes en train de mettre en place des parcours verts sur tout notre territoire et de promouvoir la mobilité durable.

Nous avons développé deux projets importants à Saint-Marin: toutes nos cultures doivent être converties au bio et un plan vise à faire de notre République le jardin de l’Europe. Cela suppose un développement urbanistique et économique particulier.

En 2017, nous avons évoqué le jour du dépassement, le jour de l’année où l’on a épuisé les ressources que la Terre peut renouveler. Or le projet de résolution le dit: nous n’avons pas de «Terre bis». Il nous faut donc adopter des politiques de développement durable. On ne peut pas continuer à gâcher les ressources naturelles comme nous le faisons depuis des dizaines d’années.

M. Espen Barth EIDE (Norvège)* – En matière de changement climatique, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle.

La mauvaise nouvelle est que nous faisons fausse route et que, si continuons comme cela, nous allons rendre notre planète inhabitable. La bonne nouvelle est qu’il est de plus en plus probable que nous puissions faire de bons choix, car la technologie est de plus en plus de notre côté et peut nous apporter des bénéfices. Nous sommes entrés dans ce que l’on a appelé la «troisième révolution industrielle» et, contrairement à ce qui s’est passé lors de la précédente, nous avons la possibilité d’utiliser des sources d’énergie beaucoup plus propres: nous avons à notre disposition de nouveaux matériaux et nous pouvons nous engager dans ce que l’on nomme l’économie circulaire.

Toutefois, tout n’est pas lié à la technologie: il faut que celle-ci soit accompagnée de politiques éclairées. Dans le domaine de l’énergie, nous constatons que le solaire, l’éolien et l’hydroélectrique sont parfois moins coûteux que les énergies fossiles. Le problème est que ces sources d’énergie ne sont pas nécessairement disponibles là où le besoin s’en fait le plus sentir. Il faut donc créer des réseaux internationaux permettant d’obtenir de l’électricité indépendamment de l’endroit où celle-ci est produite. Cela suppose d’abattre les frontières nationales, qui sont autant d’entraves à un partage efficace des capacités de production. En Europe, nous avons de l’énergie propre en abondance, mais elle ne va pas vers les pays qui continuent à accorder des subsides aux énergies fossiles. Nous devons coopérer et œuvrer systématiquement dans ce sens.

Les transports connaissent eux aussi une véritable révolution. Très bientôt, en Norvège, sur dix nouvelles voitures mises en circulation, quatre seront électriques. Cela a été rendu possible par des allégements fiscaux très importants accordés à certaines catégories de véhicules: le marché a ainsi été créé, puis la demande a augmenté pour ce qui est des bornes de recharge. Nous travaillons maintenant à la question du transport maritime électrique: certains de nos ferries fonctionnent d’ores et déjà à l’électricité, et nous étudions ce qu’il est possible de faire pour les transports à longue distance – des solutions hybrides pourraient être envisagées.

Toutes ces choses sont donc désormais de l’ordre du possible. Il faut également réfléchir à notre façon de construire des villes. Il est possible de concevoir des manières beaucoup plus intelligentes de vivre ensemble et de se déplacer, de réutiliser et recycler les matériaux, pour éviter le gaspillage et entrer de plain-pied dans l’économie circulaire. Tout cela est à notre portée grâce aux outils industriels dont nous disposons désormais. Il faut que nous concevions ensemble des politiques permettant de traduire tout cela dans les faits. Il n’est plus temps d’attendre: nous devons augmenter notre capacité de changement si nous voulons atteindre les objectifs nobles que nous nous sommes fixés à Paris.

Mme PUPPATO (Italie)* – Je voudrais évoquer certains éléments positifs qui, il y a quelques années de cela, ne nous auraient pas semblé envisageables. Des efforts ont été faits, mais nous pouvons faire beaucoup plus.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre a été de 20 % par rapport au niveau de 1990. Dans le même temps, le PIB de l’Europe a augmenté de 3 %. Nous avons encore une marge de progression importante: nous pouvons faire beaucoup mieux.

M. Prescott nous propose d’adopter un projet de résolution rappelant un certain nombre de points très positifs et évoquant l’importance de certains sujets, par exemple le renforcement de l’économie circulaire et le passage à une économie bas carbone. Je voudrais appeler votre attention sur deux autres points qui me semblent tout aussi importants: il faut demander aux pays membres, d’une part, d’adopter des politiques fiscales faisant la distinction entre les processus de production entraînant peu d’émissions de gaz à effet de serre et les systèmes de production traditionnels, et, d’autre part, de mettre en œuvre une taxation supplémentaire pour lutter contre l’obsolescence programmée – car de tels produits sont toujours sur le marché.

Le Parlement européen a lui aussi fait un bon travail. Il faut promouvoir l’éco-conception en mobilisant tous les fonds européens disponibles. Il convient également de réduire les hydrofluorocarbures, dont l’impact sur l’atmosphère est particulièrement nocif.

Il importe d’établir en permanence le lien entre le PIB et la réduction des gaz à effet de serre, mais il faut aussi voir qu’un nombre important de pays ont déjà déployé des efforts considérables pour diminuer le gâchis. Toutefois, les marges de progression restent considérables pour ce qui est de réduire l’impact sur l’environnement. Nous devons absolument en tenir compte dans nos réflexions.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni), rapporteur* – Force est de constater que nous avons eu un excellent débat. On pouvait craindre des diagnostics pessimistes. Eh bien non: merci de vos propositions. Je vous remercie également de vos propos élogieux sur le rapport. Je n’en suis pas l’unique auteur: c’est le secrétariat et tous les membres de la commission qui l’ont conçu. Nous nous sommes assis ensemble pour écrire le meilleur rapport possible.

Un certain nombre de thèmes ont été abordés. J’en aborderai deux ou trois.

Premièrement, il a été souvent question du Président des États-Unis. Je me souviens qu’à Kyoto un autre président américain – George Bush – avait tenu des propos peu engageants: il ne croyait pas en la science. Or que s’est-il passé? Les gouverneurs de certains États et des capitaines d’industrie ont décidé qu’il était nécessaire de promouvoir ce grand changement et de participer à la révolution industrielle considérable qui devait permettre l’avènement de la lutte contre le tout-carbone. Si certains présidents ne participent pas à l’aventure, celle-ci n’en continue donc pas moins, et de plus en plus de politiques favorables à l’environnement sont engagées. En définitive, nombre de responsables politiques ont suivi les recommandations issues de Kyoto. La même chose se produira avec le Président Trump.

«Je ne suis pas d’accord»: c’est quelque chose que l’on peut dire assez facilement, et le président Trump le fait très souvent. Faut-il en tenir compte et considérer que cela a beaucoup de poids? Le président n’est pas d’accord, mais il doit se tourner vers le Congrès, et il ne sortira pas vainqueur du combat. Il ne sert à rien de s’arracher les cheveux. Ne vous méprenez pas: je préférerais qu’il nous suive, mais les choses avancent, beaucoup de mesures nécessaires sont adoptées et il faut s’en féliciter.

La question de la pérennité a été évoquée par de nombreux intervenants. Un grand nombre de changements se succèdent avec rapidité. À Kyoto, par exemple, nous n’avons pas accordé beaucoup d’attention au diesel, puis, subitement, il s’est retrouvé au cœur de nos préoccupations. Il ne faut pas se focaliser sur le carbone: l’important c’est, quoi que l’on fasse, de s’inscrire dans le temps.

Il s’agit de regarder ce qui se fait dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la religion. C’est très important et tout le monde le comprend. Ces grands changements nous permettent de regarder au-delà du tout-carbone. Il y a aussi d’autres paramètres dont il faut tenir compte et qui sont tout aussi importants. La durabilité de ce qui est mis en place est très importante.

Les énergies renouvelables sont un aspect très important de ce débat, qu’il s’agisse de l’énergie solaire ou de l’énergie éolienne. C’est la raison pour laquelle dans le rapport, je parle des estuaires. Certaines personnes vivant près d’un estuaire se demandent ce que cela a de si important: les estuaires représentent un accès aux nouveaux développements qui se font jour dans l’énergie éolienne. Allez voir ce qu’il se passe! Un Américain est venu dans la région du Humber pour s’en inspirer et voir ce qui pouvait être fait dans le Massachusetts où ils ont à peu près les mêmes infrastructures. Les ports, les estuaires, tout cela peut être utilisé, mais l’estuaire doit permettre l’accès à la pleine mer. Ces énergies que nous essayons de remplacer supposent que de grandes unités soient construites en pleine mer: les estuaires sont donc des couloirs de croissance qui s’appuient sur les énergies renouvelables. Ils permettent de générer une nouvelle forme de croissance.

Notre collègue du Canada a tenu des propos très intéressants. Cela étant, nous recevons des troncs venant du Canada dans des conteneurs qui passent par nos estuaires. Mais ces conteneurs sont tellement gros qu’ils ne peuvent pas passer dans certains chenaux: de nombreux ajustements d’infrastructures sont nécessaires.

Pour conclure, l’on dit que la technologie rend désormais possibles beaucoup de bonnes choses et que les économies sont moins dévoreuses de carbone. Oui, nous vivons une époque passionnante: plus j’apprends, et plus je me dis que tout cela est passionnant. Le chemin est encore long, certes, mais nous avons fixé le bon cap.

Je reviens sur les propos de notre collègue de Saint-Marin: nous avons réussi à conclure notre débat sur une note positive puisqu’un nouveau membre va rejoindre la famille de l’Accord de Paris. Il faut s’en féliciter: c’est une période riche de promesses et je suis heureux que tant d’intervenants aient souligné le fait que nous étions sur la bonne voie concernant le changement climatique.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel neuf amendements ont été déposés. La commission propose de considérer les amendements 1, 3, 4, 5, 6, 7 et 9, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons aux autres amendements.

Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Les systèmes insulaires doivent être évoqués dans le projet de résolution car ils peuvent servir d’exemple. Il faut que des recherches soient menées sur le développement durable, sur les énergies renouvelables, et peut-être sur la réduction des émissions. Nous avons parlé des zones urbaines et des zones rurales: il faut évoquer également les systèmes insulaires, qui sont très spécifiques.

LE PRÉSIDENT* - La présidence a été saisie par la commission des questions sociales du sous-amendement oral suivant:

Compléter l’alinéa 2 de l’amendement 2 par les mots:

«ainsi qu’une croissance faiblement émettrice de carbone et les énergies renouvelables». Je considère que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni), rapporteur* – Il s’agit de renforcer l’amendement, qui traite notamment des estuaires que j’ai évoqués plus tôt.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Je suis d’accord avec ce sous-amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement tel qu’il vient d’être modifié.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission des questions sociales* - Avis favorable de la commission.

L’amendement 2, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – La lutte contre le changement climatique ne passe pas seulement par le secteur public. Nous sommes tous responsables: le secteur public ne pourra financer seul tous les investissements nécessaires dans la recherche sur la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut que le secteur privé soit un acteur décisif. Par cet amendement, nous proposons un cadre règlementaire pour l’action du secteur privé. Celui-ci doit absolument commencer à investir dans ce domaine.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni), rapporteur* – Nous sommes au cœur de ce qui a été dit avant que l’on se rende au Maroc. Il faut des partenariats public-privé impliquant des accords civiques, notamment avec les universités.

On met l’accent sur le secteur privé. Or je ne suis pas absolument certain qu’il répondra à notre attente : il faut qu’il agisse mais en coopération avec le secteur public. On ne peut pas tout miser sur le secteur privé. Je suis donc contre l’amendement.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission* – L’amendement 8 a été rejeté en commission.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14521, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (78 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Félicitations, Lord Prescott !

5. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre du Monténégro (Résultats du scrutin)

LE PRÉSIDENT* – Je suis en mesure de vous donner les résultats du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro:

Nombre de votants: 167

Bulletins blancs ou nuls: 7

Suffrages exprimés: 160

Majorité absolue: 81

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

Mme Ivana Jelić: 101 voix

Mme Mirjana Popović: 48 voix

M. Boris Savić: 11 voix

Mme Jelić ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je la proclame juge à la Cour européenne des droits de l’homme.

Son mandat de neuf ans commence au plus tard dans trois mois à compter de son élection.

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Sir Roger Gale au fauteuil présidentiel.

6. Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements retenus

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Wilson, au nom de la commission des questions politiques sur «Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements retenus» (Doc. 14510).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires. Je vous rappelle que le temps de parole des orateurs est limité à 3 minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. WILSON (Royaume-Uni), rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Lorsque, voici deux ans environ, on m’a mandaté afin de préparer ce rapport, Daech était au faîte de sa puissance. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais cela ne signifie pas que Daech a disparu de la scène.

L’organisation terroriste Daech qui s’était installée en Irak et en Syrie, entendant imposer une interprétation particulière de l’islam, laquelle traduisait une vision nihiliste et meurtrière, a aujourd’hui perdu la majeure partie du terrain qu’elle occupait. Le califat qu’elle avait établi lui servait à recueillir des revenus afin de propager sa vision de l’islam.

Le financement de Daech était alors extrêmement important: l’organisation disposait de 3 milliards de dollars, ce qui faisait d’elle l’organisation terroriste la plus riche du monde et de toute l’histoire. Or, à la fin de l’année 2017, les revenus annuels de Daech seraient tombés à 200 millions de dollars. Certes, ce montant est encore extrêmement important, cependant il n’est absolument pas comparable à ses revenus deux ans plus tôt.

Depuis la fin de l’année 2017, Daech n’occupe plus que 2 % des territoires qu’elle occupait lorsqu’elle avait mené ses premières attaques en Syrie et en Irak. L’État islamique, l’EI, contrôlait alors 60 % des réserves pétrolières de l’Irak. Il contrôlait non seulement les champs pétroliers et gaziers en Irak, mais aussi la plus grande raffinerie du pays. Il touchait deux à trois millions de dollars par jour, soit 1 milliard de dollars par an, grâce à la vente de pétrole sur le marché noir. Ensuite, le prix du baril s’est effondré, passant de 110 à 30 dollars par baril en 2016. Daech a retiré de cette ressource 4 millions de dollars au cours du mois de juin 2017, ce qui représente une baisse de 97 % par rapport à 2014.

Une autre source de revenus pour l’EI, qui représentait des centaines de millions de dollars par an, était constituée par des taxes et des prélèvements en échange d’une protection. Cette source s’est également tarie, et Daech n’a reçu que 8 millions de dollars au cours du mois de juin 2017.

Ses revenus se sont donc véritablement effondrés, résultat des actions de la coalition contre Daech. Cependant cela ne signifie pas pour autant que la menace que représente ce groupe a également diminué. En Irak et en Syrie, Daech ne peut plus payer les salaires de l’ensemble des membres de son administration ni ceux des combattants. L’EI a donc perdu le contrôle de la plupart de ses territoires en Irak et en Syrie et n’a donc plus les ressources financières qu’il avait auparavant. Cependant, cette organisation peut trouver des financements ailleurs. En outre, elle se concentre sur des attaques à l’extérieur afin de s’attirer le plus de publicité possible à moindre coût.

De telles attaques requièrent tout un travail de planification, par lequel l’EI identifie des individus et les prépare petit à petit sur les réseaux sociaux, dans le monde entier. En effet, il ne faut pas oublier que Daech et d’autres groupes islamiques opèrent dans au moins trente pays de par le monde, y compris en Europe: ils mènent ainsi des opérations en Albanie, en Autriche, en Azerbaïdjan, en Belgique, en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, au Danemark, en France, en Géorgie, en Allemagne, en Italie, au Kosovo, aux Pays-Bas, en Norvège, en Fédération de Russie, en Serbie, en Espagne, en Suède, en Turquie, au Royaume-Uni. Daech a revendiqué des attentats en France, en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Turquie, au Bangladesh, en Espagne et dans de nombreux autres pays.

Un certain nombre de combattants étrangers luttent dans les territoires contrôlés par Daech, dont environ 5 000 retournent ensuite dans différents pays de l’Union européenne. Mais la menace principale vient des personnes radicalisées qui commettent des atrocités dans leur propre pays, comme à Manchester.

Quels sont alors les enseignements que nous avons pu tirer des financements de Daech? La source principale de revenus était le pétrole. Mais l’extraction de pétrole n’est possible que dans les terrains occupés par Daech. L’EI se finance également par l’agriculture, des mines de sel; il a ainsi levé plus de 600 millions de dollars en 2014. En outre, les enlèvements rapportent plus de 120 millions de dollars par an.

La communauté internationale essaie de couper l’accès de Daech au système financier international, mais en Syrie, le régime Assad permet aux banques de Daech d’opérer et fait également des affaires avec Daech.

Le pillage d’objets d’art est également une source de financement, lequel est cette fois individuel. Daech reçoit également des dons de riches individus, mais ceux-ci ne représentent que 5 % de ses revenus.

Daech voulait rester autonome. Comment déplaçait-il alors ses fonds? Différents services de transfert étaient utilisés pour déplacer du liquide jusqu’aux bénéficiaires. Or les transactions de Daech sont souvent impossibles à repérer parce qu’il n’y a pas de trace papier: ils s’appuient sur la loyauté des tribus.

En outre, cette organisation utilise des méthodes nouvelles, en particulier des cartes de prépaiement, comme lors des attaques de novembre 2015 à Paris. Ce système est particulièrement inquiétant, car, étant donné qu’il repose sur des petits montants, il est extrêmement difficile d’établir un suivi.

Ainsi, Daech a peut-être disparu sous la forme que nous connaissions, mais elle demeure une organisation terroriste reposant sur un réseau présent dans tous les pays du monde.

Il faut, aujourd’hui plus que jamais, que la communauté internationale fasse son possible afin de contrarier le financement de ces attentats. Le Groupe d’action financière (Gafi) a été créé par le G7 afin de lutter contre le blanchissement d’argent et le financement du terrorisme. Ses 40 recommandations doivent être mises en œuvre.

Nous avons besoin de coopération internationale, nous devons partager les informations. Des faiblesses existent dans le système international. Moins d’un pays sur cinq a déjà prononcé des condamnations pour des actes de financement du terrorisme. Le Conseil de l’Europe a adopté la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme en 2005. Elle est entrée en vigueur en 2008. Le travail doit se poursuivre. Nous devons veiller à construire un cadre international, pour que le financement des organisations terroristes soit bloqué et que le système financier se débarrasse de tels éléments. La coopération est nécessaire. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs beaucoup fait pour mettre en place un tel cadre.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 3 minutes 30 pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. GAVAN (Irlande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Mon groupe se félicite de ce rapport, mais nous souhaiterions émettre quelques réserves. Nous condamnons absolument l’idéologie et les pratiques de Daech. Nous devons tous nous lever contre l’extrémisme. Daech est né de l’insurrection qui a suivi l’invasion illégale de l’Irak menée par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003. Daech et d’autres groupes extrémistes se nourrissent du chaos en Irak, en Libye et en Syrie. C’est le résultat direct d’une ingérence politique et militaire venue de l’Ouest. Nous ne saurions l’ignorer.

De plus, des groupes djihadistes tels que Daech ont été secrètement soutenus par l’Arabie saoudite, la Turquie et d’autres pays. J’ai entendu hier un représentant du Mouvement pour la société démocratique qui indiquait que 3 000 membres de Daech se battaient aux côtés de l’armée turque à Afrin. Des questions graves doivent être posées sur le financement et l’armement de tels groupes. Le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales doivent fermement et clairement interdire à ces pays et à leurs citoyens de fournir un soutien logistique et financier à Daech et aux autres groupes wahhabites.

En 2016, cette Assemblée a adopté la Résolution 2090 intitulée «Combattre le terrorisme international tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l’Europe», présentée par Tiny Kox. Cette résolution renvoyait au besoin urgent de couper les sources de financement de Daech et mettait en lumière le rôle des combattants étrangers. Un certain nombre d’États membres ne se sont pas soumis à cette résolution et ne l’ont pas mise en œuvre.

Des armes envoyées par des États membres du Conseil de l’Europe aux rebelles syriens ont été saisies par Daech, ce qui a permis à ce groupe terroriste de conquérir des territoires et de mener des attaques génocidaires contre des chrétiens, des Kurdes et des yézidis. Je rends hommage aux forces de l’YPG kurde, qui ont mis Daech en échec en Syrie. Couper les sources de financement de Daech est essentiel, et je demande que les directives du Gafi soient rapidement mises en œuvre.

S’attaquer au soutien secret que reçoivent ces groupes de la part d’États est tout aussi important. C’est ce soutien qui leur permet de fonctionner. Nous devons nous unir, au sein de cette Assemblée, pour condamner l’utilisation de ces groupes djihadistes comme des forces qui agissent par procuration dans les conflits géopolitiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’Assemblée doit notamment condamner le soutien secret que le Gouvernement turc apporte à ces groupes, tout comme le soutien de l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe.

M. DIVINA (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – La situation actuelle en Méditerranée est le résultat de la politique erronée de l’administration américaine. Le but était de libérer une région du monde de ses dictateurs. Au lieu de normaliser ces pays, ils en furent déstabilisés. Les présidents sont tombés, mais il manquait le président syrien. En 2011, la guerre civile a éclaté en Syrie, tout comme des conflits latents: entre sunnites et chiites, entre l’Arabie saoudite et l’Iran, entre la Fédération de Russie et le bloc occidental, entre Israël et l’Iran et le Hezbollah, entre la Turquie et des entités kurdes. Ces conflits ont permis une coopération entre les différents groupes fondamentalistes, et la naissance du groupe État islamique.

Le Centre international de recherche sur la radicalisation et la violence politique nous permet de mieux comprendre les sources de revenus de Daech: taxes, prélèvements, rançons, pillages, vente de pétrole, de biens archéologiques et culturels, etc. Tout cela est lié à la dépendance de la population qui est contrôlée. Daech avait 1,9 milliard de dollars de ressources en 2014, et un peu plus de 800 millions en 2016. Ces fonds ont donc diminué, si l’on considère qu’en 2017 Daech a perdu deux grandes villes, Mossoul et Raqqa, sources de recettes fiscales importantes.

Daech a été défait sur le plan militaire, mais ce n’est pas terminé. Daech est encore présent dans 39 pays du monde, dont beaucoup d’États membres du Conseil de l’Europe. Nous avons des instruments d’action: la Convention anti-blanchiment de 2005, et la convention de Nicosie, signée l’an dernier, sur les infractions visant des biens culturels. Chypre l’a ratifiée l’année dernière, mais il faudrait qu’au moins trois États supplémentaires la ratifient pour qu’elle puisse entrer en vigueur. La résolution de M. Wilson doit être appuyée, mais lutter contre Daech nécessite la coopération de tous les pays, sur le plan militaire mais aussi financier, pour lui couper tous les vivres.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Daech doit être vaincu sur le terrain comme dans le domaine financier. Ses chefs doivent être traduits en justice. Daech est responsable de génocides. Cette Assemblée, en 2016 et en 2017, a décidé que Daech n’était pas seulement une organisation terroriste, mais aussi une organisation responsable de génocides. Nous sommes donc obligés de veiller à ce que Daech ne reçoive pas un centime. Cette lutte est extrêmement sérieuse. Je me demande si nous ne devrions pas demander à nos pays d’effectuer un suivi de leurs actions dans ce domaine.

Deux autres actions sont nécessaires pour que le plan soit complet. Nous devons essayer de comprendre qui a fourni des armes. Daech a été vaincu d’un point de vue militaire, mais le Centre international de recherche sur la radicalisation et la violence politique s’est rendu compte qu’un certain nombre de pays membres du Conseil de l’Europe produisaient des armes qui se retrouvaient entre les mains de Daech.

Ce qui ne signifie pas que ces pays les ont fournies directement. Mais les armes produites en Fédération de Russie, en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie, mais également, dans certains cas, en Belgique et au Royaume-Uni, se retrouvent entre les mains de l’État islamique. Allons-nous enfin savoir – ou au moins essayer de savoir – qui a fourni ces armes à Daech? C’est un groupe terroriste responsable d’un génocide! Jusqu’ici, le Bureau a décidé de ne pas écrire de rapport sur ce point, mais je ferai une nouvelle tentative la prochaine fois.

Ensuite, il y a la question du génocide. S’il s’agit effectivement d’un génocide, nous devons protéger nos citoyens. Vous avez dressé une longue liste des actions de Daech dans nos pays: pourtant, cela reste dérisoire au regard de ce que l’État islamique a fait subir aux chrétiens, aux yézidis… Nous devrions donc tous nous assurer que nos gouvernements nationaux traduisent en justice ces combattants, dont quelques milliers viennent de nos États.

Au milieu de toutes ces victimes de Daech qui tentent de se réfugier chez nous, on trouve malheureusement quelques-uns des auteurs de ces crimes, qui tentent d’atteindre nos rivages. Si nous ne renforçons pas notre lutte, nous n’arriverons pas à mettre un terme aux attaques de Daech. J’espère sincèrement que la prochaine fois, je serai en mesure de dire qu’un certain nombre de nos pays jugent des combattants de l’État islamique pour génocide. Jusqu’ici, je n’ai encore jamais vu de condamnation à ce titre.

M. BYRNE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Au nom de mon groupe, je transmets toutes mes félicitations au rapporteur: qu’il soit assuré de notre plein soutien.

Le rapport le dit, nous avons, dans une large mesure, mis Daech en échec et nous avons réduit à néant leur califat de carnage. Mais le plus important – et d’autres l’ont dit avant moi – est de rappeler ce à quoi nous nous sommes attaqué.

L’État islamique était un projet titanesque visant à mettre en place un super-État tyrannique de 1,1 milliard de musulmans représentant 67 nations. Cette population devait réduire à néant le legs de cette remarquable religion pour le remplacer par une micro-gestion religieuse articulée autour d’une idéologie simpliste: «Nous aimons la mort comme vous aimez la vie», ainsi que le disaient les dirigeants de Daech.

Au cœur du projet se trouvait la tentative d’éradiquer le consensus existant entre l’islam et les valeurs consacrées par la Convention européenne des droits de l’homme. Ils voulaient effacer toute idée d’universalité des droits et d’égalité devant la loi. Ils voulaient effacer l’idée d’un droit à la vie. Ils voulaient effacer l’idée d’un droit à la liberté, à la sécurité, à vivre sans contrainte. Ils voulaient effacer le pluralisme politique consacré par la charte de Médine, l’un des textes fondateurs de l’islam. Ils voulaient enfin, et par-dessus tout, effacer tout droit à la justice car, pour eux, la justice consistait à précipiter des hommes depuis le haut des immeubles.

Notre bataille contre le soulèvement de Daech n’a jamais été de celles dont nous pouvions assurer la réussite à coup d’attaques militaires. La victoire dépendait de la bonne gestion politique; la bonne gestion politique dépendait d’une bonne gestion économique. Si nous voulons éviter toute renaissance du mouvement, c’est donc maintenant qu’il faut agir et qu’il faut démanteler l’économie du mal. Partant, nous nous félicitons de ce rapport opportun, qui énonce clairement la multiplicité des sources de financement qui alimentent Daech. Certes, il existe encore une armée, mais les soldats n’avancent que le ventre plein! C’est pourquoi l’argent a toujours été le nerf de la guerre : si nous voulons lutter contre leur capacité à résister, il faut contrer leur capacité de financement.

Il n’existe pas de solution miracle: il faut mettre en place un arsenal de mesures pour attaquer l’organisation sur tous les fronts. Et nous devons également nous interroger sur la raison pour laquelle nos pays n’ont pas encore mis en œuvre l’ensemble des mesures proposées dans le rapport. La défaite de Daech prouve, une fois de plus, qu’aucune injustice ne peut durer pour toujours: essayons de faire en sorte que ce chapitre tragique de notre histoire ne se reproduise plus jamais. Plus jamais.

Lord RUSSELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je félicite à mon tour mon collègue Phil Wilson d’avoir été rapporteur d’un sujet peu plaisant: l’hydre État islamique.

L’Histoire nous a appris que ce genre d’organisation est long à disparaître, et qu’il a la mauvaise habitude de se réincarner, de renaître de ses cendres pour créer encore plus de destructions et répandre encore plus de sang. Mais personne ne peut vivre sans oxygène, pas même les organisations terroristes. Il est donc possible de les détruire: la preuve, l’organisation séparatiste basque, l’ETA, a récemment annoncé la fin volontaire de ses activités terroristes et présenté ses excuses pour tous les crimes commis.

Ce rapport se penche sur l’oxygène financier qui a permis à Daech d’exister. Il souligne les importantes leçons que nous devons tirer de ce qu’il s’est passé. Deux des recommandations formulées me semblent mériter toute notre attention. Nous devons être extrêmement prudents avec les gestes politiques, notamment au sein d’organisations comme le Conseil de l’Europe. Avant de décider d’élaborer une Convention, aussi bonnes nos intentions soient-elles, il faut veiller à ce que l’engagement des différents membres soit suffisant pour la ratifier effectivement: dans le cas contraire, nous risquons d’être ridicules!

N’oublions pas qu’un bateau qui prend l’eau finit toujours par couler. Et en tant qu’Anglais, je tiens à dire que la France est un exemple pour nous tous dans ce combat. Sa réponse à la menace Daech est un modèle d’action qui doit nous inspirer. Essayons de faire ce que la France a fait avec tant de succès.

Mme LUNDGREN (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* –Notre Groupe félicite également M. Wilson pour son important rapport, qui traite des enseignements retenus du financement de Daech. Jusqu’à aujourd’hui du moins, parce que lorsque je vois ce qui se passe autour de nous, je ne suis pas certaine que tout cela soit terminé.

Certains enseignements doivent être comparés avec les actions menées par d’autres structures au fil des ans. Il est évident que Daech utilise des voies criminelles – la drogue, la traite d’êtres humains, entre autres – pour se financer. Il a également inventé de nouvelles sources de financement, auxquelles s’ajoutent de nombreux actifs illégaux – nous aurons d’ailleurs un débat sur ce sujet au cours de la semaine. Les sources de revenus sont donc diversifiées, et c’est un enseignement que nous devons absolument intégrer.

Au fil des années, nous en avons vu d’autres suivre ce chemin, dans d’autres pays. Il y a donc des liens. Il s’agit cependant de déterminer qui a financé au début, quand Daech ne pouvait compter sur le pétrole. Comment tout cela a-t-il commencé et comment tarir ces sources? Tous ceux qui sont impliqués doivent être condamnés et pour y parvenir, une action est nécessaire au niveau mondial.

Il faut aussi combattre sur le plan des idées. L’exposé des motifs du projet de résolution évoque l’usage des nouvelles technologies à des fins de recrutement, mais si ce dernier était possible, c’est qu’était proposée une vision de nature à convaincre de rejoindre un combat. Il faut en tenir compte si nous voulons mettre un terme au phénomène. Gardons bien tous ces éléments à l’esprit dans notre lutte contre le terrorisme.

Et il ne faut pas uniquement faire des discours et promulguer des lois, il faut aussi faire attention aux mots employés. La notion de terrorisme est utilisée pour qualifier nombre de choses. On peut parler de terrorisme lorsque l’on accuse le président de son propre pays de quelque chose.

Et n’oublions pas que nous luttons aussi contre l’intolérance religieuse et pour la liberté de religion. Ce n’est pas une religion qui est en cause, ce sont des interprétations.

M. MANNINGER (Hongrie)* – En Europe, entre 2015 et 2017, ce sont 355 personnes qui ont été tuées dans le cadre de 35 attentats terroristes. Daech, Al-Qaida et d’autres organisations terroristes sont les ennemis communs de tous les États membres du Conseil de l’Europe, ce sont les ennemis communs de la planète entière. Certes, Daech a perdu 98 % du territoire qu’il a occupé, mais il reste une menace importante. Il continuera d’inspirer des terroristes, qui perpétreront des attentats dans le monde entier. Pour les mettre en échec une fois pour toutes, il faut que les sources de financement de Daech soient coupées. La communauté internationale doit décréter une politique de tolérance zéro à l’encontre du terrorisme. Cela suppose une coopération et une coordination étroites pour couper tout financement possible. Nous nous félicitons donc du rapport, complet, du rapporteur, et du projet de résolution qu’il nous propose.

Nous partageons les constats et les conclusions du rapport sur Daech et d’autres organisations. Nous sommes tout à fait d’accord avec l’idée énoncée dans les conclusions du rapport, en son paragraphe 107: il s’agit de mettre en place des contrôles encore plus rigoureux aux aéroports et aux frontières terrestres. Nous y ajouterions la nécessité de contrôles dans les ports.

De surcroît, et même si c’est très difficile, il faut absolument que les mécanismes de financement du terrorisme qui contournent les réseaux financiers soient l’objet d’un suivi très attentif. Nous nous félicitons de l’adoption de la Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant les biens culturels; elles sont bien sûr l’une des principales sources de financement du terrorisme.

La Hongrie est d’accord avec l’Assemblée parlementaire pour dire que des mesures doivent être prises par les différents pays. Nous devons également assurer le contrôle de nos frontières extérieures.

M. FRIDEZ (Suisse) – Mon propos ne portera pas directement sur le sujet central du rapport, à savoir la manière dont Daech a réussi à obtenir des sources de financement. Notre collègue en a dressé une liste exhaustive et pertinente.

Je tiens à mettre le doigt sur une autre question, qui prolonge la question du financement: comment Daech a utilisé cet argent? Outre l’entretien logistique de ses troupes, l’État islamique a utilisé les sommes faramineuses de ses revenus occultes pour acheter des armes, toutes les armes possibles pour étendre sa puissance militaire et perpétrer ses crimes abominables. Car le marché noir de l’armement est une activité très lucrative. Et nous devons bien en faire le constat: des armes produites dans nos pays démocratiques sont susceptibles de se retrouver entre les mains de n’importe qui. Il est impératif d’arrêter les exportations d’armes vers certains États, des États instables, des États faillis, des États situés sur l’arc de crise s’étendant du nord de l’Afrique aux confins de l’Asie.

Exporter moins d’armes vers les zones sensibles, c’est finalement tarir les sources d’acquisition illicites d’armes pour les groupes terroristes. Le sujet est complexe, car il ne faut pas oublier que les ventes d’armes et le trafic qui peut en résulter sont, je le répète, une activité très lucrative, non seulement pour les trafiquants mais aussi pour les producteurs.

Je terminerai par une remarque sur la Suisse. Mon pays est mentionné sur la liste, figurant au point 12.8 du projet de résolution, des pays qui n’ont pas signé la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. Je tiens, chers collègues, à porter à votre connaissance que le Parlement suisse a adopté au mois de décembre 2014 une loi portant sur l’interdiction des groupes Al-Qaïda et État islamique, ainsi que des organisations apparentées. En son article 2, cette loi interdit à quiconque de s’associer à ces organisations, et de leur apporter un soutien humain et matériel, elle leur interdit donc de les financer, que l’infraction soit commise en Suisse ou à l’étranger.

M. SOLEIM (Norvège)* – Je suis ravi que l’Assemblée ait inscrit ce sujet éminemment important à son ordre du jour. Lutter efficacement contre le financement du terrorisme est certainement fondamental pour lutter contre le terrorisme de façon générale. Il faut bien entendu une police et des services de renseignement efficaces. Il faut savoir ce qui se passe suffisamment tôt pour arrêter les terroristes avant qu’ils aient la chance de frapper des innocents dans nos pays. L’Europe a souffert de nombreux attentats terroristes. Nous devons être solidaires, coopérer autant que possible afin d’éviter que cela se reproduise.

Mais, bien sûr, n’oublions pas que notre objectif principal devrait être qu’aucun de nos jeunes gens ne soit recruté en vue d’activités terroristes. Nos jeunes ont donc besoin de se sentir utiles et responsables au sein des communautés locales. Il nous faut des emplois, de bonnes écoles, il faut que tous puissent participer aux processus de décision, y compris ceux qui ne se sentent pas à l’aise dans nos communautés. Déployons des efforts pour éviter la radicalisation, ce doit être une de nos priorités.

Ce rapport appelle l’attention sur des aspects très importants du financement du terrorisme. La coopération est fondamentale pour couper les flux financiers. La Norvège soutient ce type de coopération. Néanmoins, comme il est précisé au point 12.8 du projet de résolution, elle n’a pas encore signé la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. Elle le fera et ratifiera cette convention aussi rapidement que possible. Le gouvernement étudie les modalités permettant à cette convention d’être transposée dans notre droit interne. Nous en avions signé et ratifié la version de 1990, nous ferons de même pour la version de 2005. J’encourage tous les États membres à faire de même. La Norvège participe activement au Gafi. Nous en sommes membres depuis 1991 et nous en suivons très attentivement les travaux, que nous transposons dans notre législation. Notre parlement débat d’ailleurs d’une proposition visant à renforcer la législation relative au blanchiment et au financement du terrorisme. Nous avons également accompli des efforts considérables dans le cadre de l’Union européenne et du Gafi.

Aujourd’hui, nous réaffirmons notre engagement dans la lutte contre ce fléau. J’espère que cela permettra de renforcer nos efforts collectifs, particulièrement face aux monnaies virtuelles.

LE PRÉSIDENT* – Mme Zohrabyan, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Lord TOUHIG (Royaume-Uni)* – Trop souvent, quand nous achevons un travail, nous omettons d’essayer d’en tirer les leçons, bonnes ou mauvaises. Lors des débats qui ont eu lieu au Parlement britannique, tous les partis politiques s’accordaient à dire que la coalition luttant contre Daech avait besoin d’une réponse entière et globale, incluant l’interruption des sources de financement. C’est uniquement parce qu’elle disposait de sources de financement que cette organisation terroriste diabolique a pu payer ses hommes, encourager des flux de combattants terroristes étrangers à les rejoindre, acquérir les armes qui ont permis les massacres de Paris, de la Tunisie et du Sinaï.

Le pétrole est un élément déterminant. Mais qui achète le pétrole? Il faut que nous comprenions qui a ainsi réalisé des profits afin de les saisir. Ceux qui les ont empochés ne doivent pas en jouir. La ressource clé pour Daech est la vente de pétrole. Qui a acheté ce pétrole? Qui, ce faisant, a permis le financement de la terreur et des massacres? Ceux qui ont acheté le pétrole ont permis de faire de Daech l’organisation terroriste la plus riche de l’histoire. Daech a détourné le capitalisme pour servir ses fins. Cela a vraiment beaucoup aidé le mouvement.

Nos frappes aériennes ont réduit la capacité du terrorisme à vendre son pétrole, mais elles n’y ont pas mis un terme. Nos moyens de renseignement, nos capacités de lutte dans le cyberespace devraient être utilisés pour établir qui a acheté ce pétrole. Le partage d’informations par nos services financiers et par nos cadres règlementaires est un élément clé pour identifier ces personnes qui ont obéi à leur appât du gain. Si nous ne le faisons pas dès à présent, nous mobiliserons les mêmes armes contre nous.

La vente de ce pétrole a été très lucrative pour Daech. Elle a rempli les poches de ceux qui l’ont acheté. Qu’il ne leur soit pas permis de bénéficier de cette acquisition! Il est difficile de retrouver ces fonds qui circulent d’un coin à l’autre de la planète, mais à Londres, nous avons un centre financier de tout premier plan. Demandons à nos services de renseignement de trouver toutes les informations possibles sur les investissements de Daech afin d’identifier ces mouvements de fonds. Autant de questions, autant de leçons à tirer de tout ce chapitre.

Enfin, nous devons comprendre le rôle joué par le cyberespace dans ce conflit. Au-delà, force est de reconnaître que les outils cybernétiques doivent être utilisés non seulement dans une perspective offensive mais aussi dans une démarche défensive. Il nous faut utiliser ces outils cybernétiques pour dissuader ces terroristes.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je suis membre du parti nationaliste basque. Comme l’a dit M. Russell, dans notre région, nous savons très bien ce qu’est le terrorisme.

Monsieur Wilson, nous parlons d’une société et d’un monde globalisé et nous vivons dans une société à risques à l’échelle globale, ce qui signifie que nous devons impérativement travailler main dans la main. Nous soutenons votre rapport, car il s’agit de lutter contre le terrorisme en s’en prenant à ses sources de financement.

Vous soulignez que la situation actuelle n’a rien à avoir avec celle d’il y a deux ans. Comme l’a dit M. Russell, le terrorisme et le fondamentalisme trouvent toujours une façon de s’alimenter et de renaître. Le mode d’action contre les tours jumelles à New York était différent de celui de l’attaque qui a fait 192 morts en Espagne. Ces dernières années, Daech a mis en œuvre différents modes d’action. Mais le fondamentalisme trouve toujours un espace quelque part, ce qui signifie qu’il faut absolument coopérer pour lutter contre ce fléau en s’attaquant à son financement.

M. Russell a parlé du groupe terroriste ETA qui vient d’annoncer la fin de ses activités. Or celui-ci n’a pas présenté d’excuses, il s’est contenté de demander pardon pour ceux qu’ils considèrent comme des victimes par erreur. Jusqu’à présent, les responsables de l’ETA n’ont exprimé aucun respect à l’égard de toutes les personnes assassinées. Bien entendu, ils ont renoncé aux armes, mais ils devront un jour demander pardon à tous et montrer à la société basque qu’ils ont injustement fait beaucoup de mal.

Il faut parler d’extorsion, d’exploitation des ressources, de destruction de patrimoine, du trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains, des nouvelles technologies que ces groupes utilisent pour faire des transactions. Avec un kilo d’héroïne, il est possible d’acheter beaucoup de kalachnikov en Afghanistan. Avec peu d’argent, on peut faire énormément de mal. Nous devons tous être conscients qu’au Conseil de l’Europe, nous devons coopérer étroitement, travailler main dans la main afin que les anciens et les nouveaux terroristes comprennent qu’ils ne peuvent plus avoir accès à des sources de financement.

M. GROSDIDIER (France) – La lutte contre le terrorisme nous mobilise, en France et en Europe. Elle doit tarir les sources de financement du phénomène. Sans argent, Daech n’aurait jamais pu monter ces campagnes de recrutement sur internet qui lui ont permis d’enrôler tant d’Européens. Notre rapporteur, Phil Wilson, s’est saisi de ce sujet fondamental. Il en va de l’avenir de nos sociétés démocratiques.

J’entends certains sans cesse gloser sur le passé. Là n’est pas l’essentiel. Notre rapporteur analyse le présent et tire des conclusions opérationnelles. Je l’en félicite.

Assécher les ressources financières des organisations terroristes nécessite une solidarité internationale renforcée. Certains États européens ont été accusés d’acheter le pétrole de Daech. Si cela s’avérait, ce serait très grave, et des sanctions internationales devraient être envisagées.

La solidarité dans la lutte contre le terrorisme s’applique également aux grandes entreprises. En France, des cadres de l’entreprise Lafarge ont été mis en examen pour financement d’une entreprise terroriste. L’enquête est en cours et la justice devra faire preuve d’une grande sévérité si les faits sont prouvés. Les États doivent créer des cellules spécialisées pour enquêter sur ces questions.

Enfin, les banques impliquées dans le blanchiment d’argent destiné à financer le terrorisme doivent être sanctionnées. Il faut interdire toute relation commerciale internationale entre elles. Les transactions effectuées avec les banques syriennes, irakiennes ou libyennes doivent être scrupuleusement contrôlées.

Cette solidarité doit être mise en œuvre dans le cadre d’organisations internationales. Le Groupe d’action financière a fait des recommandations visant à accroître l’échange d’informations entre les États. Cela peut et doit se faire dans le cadre d’Interpol ou d’Europol. Il est regrettable de voir que peu d’États utilisent ces outils mis à leur disposition. Ainsi, concernant Europol, 85% des informations transmises proviennent de seulement cinq États membres. Or le partage de renseignements est crucial dans la lutte contre le terrorisme. On peut, on doit mieux faire.

Je me félicite de l’action de la France dans ce domaine. Durement frappée par le terrorisme, la France a pris de nombreuses mesures pour empêcher le financement de Daech et sensibiliser les établissements financiers.

Je me réjouis également de l’action du Conseil de l’Europe. Moneyval est un outil complémentaire qui permet de développer la lutte contre le blanchiment d’argent en Europe. Le protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme traite de la question du financement du terrorisme. J’encourage les États membres de notre Organisation à signer et à ratifier cette convention, tous les États membres, il ne doit y avoir aucune rupture dans la chaîne.

Mes chers collègues, il est nécessaire que nous, parlementaires, nous intéressions à cette question pour faire évoluer nos législations nationales de manière à sanctionner toujours plus efficacement les concours financiers aux organisations terroristes.

LE PRÉSIDENT – M. Özsoy, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Je félicite mon collègue Phil Wilson pour son remarquable rapport. Le seul changement que j’apporterais concernerait son intitulé, car ce rapport ne traite pas seulement des enseignements retenus, mais des actions à engager à l’avenir, alors même que la lutte contre Daech sur le terrain semble avoir été remportée.

Un paragraphe de ce rapport a retenu particulièrement mon attention. Il s’agit du paragraphe 13, où il est indiqué que Daech peut être considéré comme l’un des groupes terroristes les plus riches au monde. Peu importe qu’il ait dépensé la plupart de ses fonds en salaires versés à ses combattants: ce qu’essaie de montrer le rapport est que Daech a réussi à amasser des revenus grâce aux territoires qu’il contrôlait, ce qui a rendu plus difficile de lutter contre le financement. Cela signifie également que l’action sur le terrain doit être poursuivie. Le recours aux intermédiaires indépendants irakiens et syriens et l’implication de l’État syrien pour ce qui est de l’extraction de pétrole doit être, bien évidemment, déplorée.

En ce qui me concerne, je suis très préoccupé par les fouilles illicites pratiquées en matière culturelle. Pour être un archéologue de formation, je sais combien ces biens sont extrêmement précieux. Sans parler des destructions massives, ces biens culturels sont tombés entre des mains privées. Il faut tout mettre en œuvre pour les récupérer. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour lutter contre tout cela, mais il ne faut pas relâcher nos efforts. Il faut tout faire pour repousser Daech.

À la lecture de ce rapport, je m’aperçois à quel point le système de contrôle des fonds est poreux à l’échelle internationale. Il y a une longue liste de propositions dans ce rapport, expliquant la façon dont le Conseil de l’Europe, les organisations internationales doivent agir. Mais la tâche de Daech est extraordinairement simple: il lui suffit simplement de transférer les fonds d’un lieu à l’autre, tandis que la tâche qui consiste à intercepter et empêcher leur circulation est autrement plus ardue.

Le rapporteur souligne également le recours intensif aux réseaux sociaux. Daech s’en sert pour rendre plus aisé les versements et les paiements. Il faut réfléchir au moyen d’utiliser ces mêmes outils pour interrompre ses activités.

Je souhaite plein succès à ce rapport, et je tiens à nouveau à mettre en exergue que les pays, les organisations doivent prendre très au sérieux ses propositions et les mettre en œuvre dans les meilleurs délais.

M. AKTAY (Turquie)* – Je tiens à remercier le rapporteur pour cet excellent rapport, très détaillé, mais je suis très choqué par le langage utilisé dans cette Assemblée: dire que la Turquie appuie Daech est faux. Cela n’a rien à voir avec la réalité de la région. C’est juste de la propagande pour d’autres groupes terroristes qui agissent dans la région. Certains pays européens et les États-Unis n’appuient-ils pas des groupes terroristes comme le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, ou les YPG, les Unités de protection du peuple? Ce faisant, ils font une distinction entre les organisations terroristes, accordant leurs faveurs à certaines plutôt qu’à d’autres, et c’est bien le problème. À mon sens, il n’existe pas de différence entre les groupes terroristes. Si vous appuyez un groupe terroriste, vous ne pourrez jamais lutter contre le fléau dans son ensemble. Les terroristes vaincus ont juste changé de vêtements pour, le lendemain, rejoindre les rangs du PKK.

La plupart des attentats terroristes de Daech sont menés dans des pays musulmans et contre des populations musulmanes. La plupart des victimes de Daech sont musulmanes, ne l’oubliez pas quand vous parlez de terrorisme islamiste. Ces fondamentalistes terroristes visent avant tout des musulmans et le nombre de victimes musulmanes frappées par des actes de terrorisme fondamentaliste est des centaines de fois plus élevé que celui des auteurs de ces attentats.

Daech a touché la Turquie également. Nous avons perdu de nombreux concitoyens. Et Daech non seulement terrorise la région, mais sape également la transition démocratique en Syrie. Si Daech a pu causer tant de mal, c’est qu’il disposait des ressources le lui permettant. Il est donc essentiel de lutter contre son financement.

Nous devons prendre de l’avance sur les organisations terroristes. Ces organisations ont tendance à s’inspirer de leurs méthodes respectives. Une fois que nous aurons coupé les ressources à Daech, il suivra le modèle d’autres organisations terroristes, comme le PKK. Ce dernier dispose de nombre de recettes illicites qui proviennent, entre autres, du trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains, du trafic transfrontalier, de racket et d’extorsions. Il nous faut donc couper toutes les ressources pour empêcher toute perspective pour Daech. C’est ce que je veux dire quand je demande que l’on prenne de l’avance sur les organisations terroristes. Il faut donc bien étudier la façon dont d’autres organisations terroristes de la région se financent. Toutes les méthodes appliquées par le PKK sont des modèles possibles pour Daech.

Daech pourrait-il survivre comme d’autres l’ont fait avec leurs méthodes de financement? Le PKK l’a fait pendant plus de trente-cinq ans.

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés ont été créés par nous: Daech et toute l’instabilité au Moyen-Orient sont largement dus à l’ingérence des pays occidentaux qui pensent savoir comment gérer un État musulman. S’il est un enseignement que nous pouvons tirer de ces dernières années, c’est que nous n’avons pas la moindre idée de la façon de procéder.

Nous avons renversé plusieurs régimes autoritaires et, à la place, avons créé une véritable instabilité faisant de nombreuses nouvelles victimes et suscitant bien des problèmes. Je pense que c’est ce que nous pouvons conclure à la lecture de ce rapport. Mais nombre des problèmes liés à Daech tiennent au contrôle des territoires: 60 % de ses revenus sont tirés des ressources naturelles et 40 % proviennent d’activités liées au contrôle de territoires. J’espère que nous pourrons tirer des enseignements de cette situation.

Je serai intéressé d’entendre le rapporteur nous expliquer pourquoi David Lewis, le secrétaire exécutif du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux n’a pas pris le temps de le rencontrer ni de coopérer avec le Conseil de l’Europe. Il me semble que c’est un manquement à son devoir.

Nous lisons dans le rapport comment Daech a pu déplacer des fonds. À cet égard, il devient extrêmement facile de déplacer des fonds en Europe. À Londres, il y a beaucoup d’argent qui vient de l’ancienne Union soviétique, d’Ukraine et d’autres pays. Pratiquement aucun contrôle n’est exercé sur ces fonds. Il est urgent de se pencher sur toute forme de blanchiment d’argent. Sept pays n’ont pas signé la Convention du Conseil de l’Europe relative au financement du terrorisme et seuls 11 pays l’ont ratifiée. Quant à la Convention sur les infractions visant des biens culturels, 9 pays l’ont signée et seulement 1 l’a ratifiée; elle n’est même pas encore entrée en vigueur.

Les États membres du Conseil de l’Europe sont très fiers de dire à quel point ils travaillent bien les uns avec les autres et qu’ils sont supérieurs à l’Union européenne. Je leur dis qu’ils doivent réagir et faire en sorte que leurs conventions soient mises en œuvre et produisent des résultats.

Mme TRISSE (France) – Il est clair que l’organisation État islamique, plus communément appelée «Daech», a transformé le terrorisme en fléau mondial. Par ses modes opératoires, ses objectifs assumés de meurtres de masse mais aussi son mode de financement, Daech a montré que les desseins les plus sombres sont non pas l’apanage d’États tyranniques ou anti-démocratiques, mais bel et bien le modus vivendi de groupes de fanatiques prêts à tout pour imposer leur vision de la société et de la religion.

Le débat d’aujourd’hui s’intéresse à un aspect essentiel du sujet, l’argent. C’est grâce à ses ressources que Daech se permet de commettre tant d’atrocités et garde d’importantes capacités de nuisance. Cette organisation a bâti son expansion sur l’exploitation de ressources naturelles – pétrolières notamment – et agricoles, ainsi que sur le racket des populations locales, le commerce des otages ou encore le pillage des œuvres archéologiques des territoires placés sous sa férule.

Force est de reconnaître que la prise de conscience de cette réalité par les pays attachés au respect des droits de l’homme a tardé. Entre 2014 et 2015, bien peu de choses ont été entreprises pour endiguer ce phénomène qui ensanglantait pourtant un Moyen-Orient déjà passablement éprouvé par les violences. C’est seulement à partir de 2015, et à la suite de la multiplication des attentats en dehors de la zone irako-syrienne, qu’il y a eu un sursaut des démocraties civilisées. Outre leur réaction policière et militaire, nos pays durement frappés ont pris des dispositions pour endiguer et tenter d’assécher ce que l’on appelle le «nerf de la guerre», à savoir les ressources de l’État islamique.

En dépit des succès enregistrés, je pense, comme le souligne notre rapporteur, que la coopération internationale peut et doit encore progresser. Je tiens à cet égard à féliciter M. Wilson pour la qualité de son travail, très documenté et esquissant des pistes d’action intéressantes pour éviter que de telles situations ne perdurent.

Pour ma part, je souscris à l’appel pour une mise en œuvre rapide et efficace des normes du Groupe d’action financière, et plus spécifiquement de ses 40 recommandations sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. De même, il m’apparaît indispensable que tous les États membres signent et ratifient la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, dite «Convention de Varsovie», et la Convention sur les infractions visant les biens culturels.

Enfin, à l’échelle de l’Union européenne, les États doivent impérativement suivre le plan d’action présenté en février 2016 par la Commission européenne, qui s’attaque aux défis de demain, notamment au problème des crypto-monnaies.

Le combat contre le financement du terrorisme n’est pas achevé. Il faut le poursuivre et le gagner. Il est urgent d’éradiquer Daech.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – Je félicite le rapporteur, qui a adopté une approche très globale. C’est précisément ce type d’approche qui est nécessaire pour s’attaquer à Daech, cette organisation qui, depuis deux décennies, remet en question l’ordre international.

L’action de ses membres va à l’encontre de tout ce que nous essayons de promouvoir et essaient d’instaurer un nouvel ordre mondial. Sur quelle promesse? Celle de la modification de la foi islamique, à laquelle ils veulent substituer l’idéologie obscure d’une transition d’un monde vers un autre. Ils promettent d’ailleurs à leurs martyrs une transition rapide dans l’autre monde. Il s’agit d’avoir des individus qui luttent pour l’islam et pour promouvoir ses valeurs. Selon eux, le djihad est la forme ultime de libération de l’être.

Je m’exprime au nom d’un parti politique dont des centaines de membres ont été victimes des attentats-suicides de Daech. Ainsi, en 2015, 31 membres du Parti démocratique des peuples – le HDP – ont été victimes de Daech – pour citer l’un de leurs attentats. Le 10 octobre 2015, 109 militants ont été tués alors qu’ils manifestaient pour appeler à un règlement pacifique de la question kurde. Or les enquêtes sur ces attentats-suicides ont montré que leurs auteurs étaient membres de Daech, qu’ils étaient sous la surveillance des forces de police turques et que leurs mouvements avaient été surveillés de bout en bout, de leur point de départ jusqu’au lieu où les attentats avaient été commis.

Nous sommes confrontés à deux phénomènes, que le rapport essaie d’aborder mais en utilisant un filtre qui n’est pas adapté. Tout d’abord, il y a le soutien direct ou indirect des Etats-Unis qu’ont reçu les mouvements djihadistes afin de provoquer des bouleversements en Iran, en Afghanistan et en Syrie: des armes, des fonds, une doctrine et une formation militaire leur ont été fournis. Tout commence avec la stratégie de la «ceinture verte», initiée au Moyen-Orient dans les années 1980, qui a conduit à l’émergence d’Al-Qaida. Ensuite, il y a la souffrance de millions de personnes au Moyen-Orient et dans le monde arabe, dont la situation est telle qu’elles ont perdu tout espoir dans l’avenir. Daech n’aurait jamais pris sa forme actuelle si les États-Unis et les grandes puissances n’avaient pas apporté leur soutien aux mouvements d’opposition, s’ils ne les avaient pas armés pour les renforcer, dans le but d’augmenter leur sphère d’influence. Cette approche remonte à l’époque de la guerre froide.

Daech ne serait pas en mesure de pénétrer le tissu social turc si le Gouvernement turc n’avait pas dégagé le terrain pour qu’il puisse se livrer à toutes sortes de massacres en Syrie et en Irak. Nous devons éradiquer Daech.

LE PRÉSIDENT* – M. Tilson, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GOUTTEFARDE (France) – Monsieur le rapporteur, au cours des trente dernières années, comme votre rapport en fait clairement état, les autorités nationales et la communauté internationale ont dû s’adapter à l’augmentation de l’activité des groupes terroristes. Non seulement leur nombre s’est multiplié, mais leur présence au Moyen-Orient s’est également pérennisée. On considère que Daech et les autres groupes terroristes islamistes d’inspiration salafiste sont opérationnels dans au moins 39 pays, comme vous le mentionnez dans votre rapport.

En France, entre janvier 2015 et octobre 2017, les attaques terroristes revendiquées par l’organisation État islamique ont fait 241 morts.

Par ailleurs, le développement pérenne de Daech est indéniablement lié à sa capacité financière. Il est réputé être l’un des groupes terroristes les plus riches du monde, en dépit de la multiplication des initiatives internationales, européennes et nationales visant à tarir toute source de financement de masse du terrorisme.

Parmi ces initiatives, je mentionnerai les 40 recommandations du Groupe d’action financière, les travaux des deux comités d’experts du Conseil de l’Europe Moneyval et Codexter, le plan d’action contre le terrorisme du G20, ou encore le programme des États-Unis et de l’Union européenne de surveillance du financement du terrorisme. Demain, à Paris, près de 500 experts et 80 ministres de 72 pays vont travailler sur le financement du terrorisme dans le cadre d’une conférence intitulée: «No money for terror».

Si chacune de ces initiatives est louable et a nécessairement contribué à contenir, dans une certaine mesure, les activités des organisations terroristes, force est de constater la pérennité de ces dernières, en dépit d’un affaiblissement avéré, avec une adaptation de leurs modes de financement aux nouvelles technologies comme l’utilisation des cartes prépayées ou des monnaies virtuelles.

En janvier 2015, une chercheuse norvégienne, Emilie Oftedal, a publié une étude portant sur 40 cellules terroristes ayant organisé des attentats en Europe entre 1994 et 2013. Dans les trois quarts des cas, les sommes en jeu pour l’organisation de ces attaques n’ont pas dépassé 10 000 dollars. En outre, les terroristes collectent, transfèrent et dépensent l’argent de façon remarquablement ordinaire.

Monsieur le rapporteur, ma question est double. D’une part, pouvez-vous nous exposer quelles sont, selon vous, les raisons qui font obstacle à la signature et à la ratification par certains États membres de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme? D’autre part, pensez-vous que la multiplication – et donc la fragmentation qui en résulte – des initiatives tant nationales qu’internationales en matière de lutte contre le financement du terrorisme est de nature à diluer l’efficacité de ces dernières?

M. KLEINWAECHTER (Allemagne)* – Merci, Monsieur Wilson, pour ce rapport, qui contient énormément d’informations utiles. Des mesures ont été prises par l’Union européenne avec la nouvelle directive contre le blanchiment d’argent, qui traite des cartes prépayées. Cela pose des questions liées à la vie privée. Il existe un conflit entre la liberté et la vie privée, d’un côté, et la sécurité, de l’autre. Malheureusement, Daech a déjà réussi sur ce terrain: si nous les avons battus sur le plan militaire, ils ont réussi à installer des terroristes et des radicaux partout en Europe.

Cette résolution est par conséquent éminemment importante. Le point 12.12 préconise de vérifier les noms des clans et des tribus dans les aéroports et aux frontières terrestres, de façon à ce que l’on sache qui vient dans nos pays.

Le point 12.14 traite des prestations sociales utilisées pour commettre des actes terroristes: c’est un point très important. Si nous savons que les terroristes utilisent des prestations sociales pour financer des activités terroristes, nous ne savons pas très bien qui est venu en Europe en prétendant être réfugié. On parle d’un millier de personnes en Allemagne, mais l’Allemagne a accepté 1,6 million de réfugiés. Nous avons des registres avec leur identité, mais nous n’avons pas l’identité de tous car tous ne veulent pas la fournir. Au total, 728 000 personnes touchent des prestations sociales alors que leur statut n’est pas déterminé.

Des prestations sociales peuvent être transférées vers la Syrie. Ainsi, 67 millions d’euros auraient été transférés de l’Allemagne vers la Syrie: c’est un véritable problème. Pour des raisons humanitaires, nous finançons des personnes dont nous ne savons pas grand-chose et Daech en profite largement. Il faudrait favoriser la sécurité de nos peuples plutôt que de financer des groupes salafistes. Il faut être conscient que l’argent peut toujours être transféré: il faut donc arrêter de financer les mauvaises organisations. Il nous faut, en matière de droits de l’homme, conserver des normes très élevées.

J’espère qu’un rapport de suivi nous permettra de débattre de toutes ces questions. Votre rapport constitue déjà un excellent départ, Monsieur Wilson.

LE PRÉSIDENT* – MM. Albakkar, Sabella, Zayadin et Alqaisi, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. WILSON (Royaume-Uni), rapporteur* – Ce débat a été fort intéressant. Il en ressort avant tout que nous n’en sommes qu’au début du processus. Le terrorisme islamiste est une question de génération et ne prendra pas fin du jour au lendemain; c’est pourquoi le dernier orateur, à la fin de son intervention, a souhaité qu’il s’agisse du premier rapport d’une longue suite. Certaines recommandations nous orientent dans une direction que je crois bonne, mais je suis persuadé qu’ellles pourront être encore améliorées à l’avenir.

Mais pour l’instant je formulerai quelques remarques. Lutter contre le terrorisme est important pour préserver notre mode de vie. Daech et d’autres organisations constituent une menace pour notre vie, notre démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit, qui sont les principes fondateurs de notre Organisation. Nous devons donc faire notre maximum pour les défendre.

Pour ce qui est du financement et des revenus de Daech, il est évident que l’organisation a pu tirer des revenus du contrôle des territoires en Irak et en Syrie. Auparavant, ses membres se finançaient par la traite des êtres humains et les enlèvements. Ils ont également profité du marché noir et de l’effondrement du système soviétique. En Irak, des équipements militaires ont été utilisés par Daech contre l’armée irakienne.

Enfin, nous faisons face à une lutte des idées. Nous devons défendre notre façon de vivre car personne ne le fera à notre place. Daech, c’est un code de la mort: les terroristes croient davantage en la mort qu’en la vie. Nous devons donc continuer cette lutte dans tous les domaines, militaire ou financier.

Il s’agit également, au niveau de la gouvernance, de faire en sorte que les textes que nous avons travaillés ensemble entrent en vigueur. Nous devons réfléchir à la déradicalisation, en lien avec l’éducation. Il faut donner de l’espoir aux gens du monde entier afin qu’ils ne tombent pas entre les mains d’organisations terroristes telles que Daech.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Il s’agit du premier rapport de M. Wilson pour notre commission. Quand, en 2014, 74 partenaires internationaux sont devenus membres de la coalition mondiale visant à mettre Daech en échec, ils savaient que la désorganisation des modes de financement de Daech était absolument fondamentale pour neutraliser cette organisation. On ne saurait donc trop souligner l’importance de ce rapport rédigé par M. Wilson et soumis par notre commission à l’Assemblée.

Daech a une idéologie pervertie, qui est une tache sur la réputation de la religion islamique. Il a fallu deux années pour que ce rapport soit soumis à votre attention et nous savons que depuis que nous avons commencé à travailler à son élaboration, Daech a vu sa force bien réduite. Il s’agit peut-être du premier rapport de ce genre, mais cela ne sera sans doute pas, malheureusement, le dernier.

Je veux remercier les 19 collègues représentant 12 pays qui ont animé le débat de ce soir. Je souhaite également remercier tous ceux qui ont coopéré avec notre rapporteur et avec le secrétariat. Je remercie le secrétariat qui, comme toujours, a apporté un soutien décisif et des conseils inestimables à notre rapporteur.

Enfin, au nom de toute la commission des questions politiques, j’exprime notre reconnaissance à M. Wilson, qui s’est montré ô combien diligent pour rédiger ce rapport, donnant ainsi à nos États membres une feuille de route qui devrait leur permettre de continuer à réduire les capacités de Daech et à mettre en échec cette organisation.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions politiques a présenté un projet de résolution sur lequel 4 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait à l’Assemblée de considérer les amendements 4, 1 et 2, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la vice-présidente?

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’objection.

En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Nous pensons qu’il est évidemment nécessaire de renforcer la surveillance des personnes qui viennent de zones en guerre. Toutefois, nous devons faire preuve d’une grande vigilance afin d’éviter que la situation ne se dégrade.

Du reste, il nous semble nécessaire d’adopter une approche similaire à celle qui a été proposée par le rapport adopté par le Parlement européen sur le financement des organisations terroristes. Nous gagnerons alors en efficacité dans la lutte contre les organisations soupçonnées de se livrer à des trafics ou à des transactions frauduleuses. C’est le sens de cet amendement.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Je souhaite présenter un sous-amendement oral. L’amendement 3 est utile, mais il revient en réalité à supprimer le paragraphe 12.12 du projet de résolution. Pourquoi ne pas présenter l’amendement dans un paragraphe différent? Nous conserverions le paragraphe 12.12 dans sa rédaction originelle et nous ajouterions le texte de l’amendement 3 comme un paragraphe 12.13 en adaptant la numérotation des paragraphes suivants.

LE PRÉSIDENT* – Ce sous-amendement oral ne me paraît pas apporter une clarification, ni tenir compte de faits nouveaux, ni permettre une conciliation. J’estime donc qu’il n’est pas recevable au regard des critères du Règlement.

M. WILSON (Royaume-Uni), rapporteur* – Je crois comprendre ce qui motive l’amendement 3. Toutefois, sa formulation ne me paraît pas assez précise.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – Avis défavorable de la commission.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14510, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (50 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions).

7. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 55.

SOMMAIRE

1. Prix de l’Europe 2018

2. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro (suite)

3. Questions au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

M. Kandelaki, Lord Foulkes, MM. Leśniak, Terik, Nicolini, Mme Filipovski, MM. Gouttefarde, Rafael Huseynov, Kiral, Mme Hopkins, M. Omtzigt, Mme Şupac

4. Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris

Présentation par M. Prescott du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14521)

Orateurs: Mmes Rodríguez Hernández, Brynjólfsdóttir, De Pietro, M. Korodi, Mme De Sutter, M. Howell, Mme Hopkins, M. Schwabe, Mme Bartos, Dame Cheryl Gillan, M. Tornare, Mme Eberle-Strub, MM. O’Reilly, Blaha, Mme McCarthy, MM. Loucaides, Reiss, Grosdidier, Honkonen, Mme Rauch, M. Coaker, Mme Smith, M. Gavan, Mme Christoffersen, M. Kern, Mme Tușa, MM. Davies, Lacroix, Sheppard, Thiéry, Mmes De Temmerman, D’Ambrosio, M. Espen Barth Eide, Mme Puppato

Réponse de M. le rapporteur

Vote sur un projet de résolution amendé

5. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro (Résultats du scrutin)

6. Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements retenus

Présentation par M. Wilson du rapport de la commission des questions politiques (Doc. 14510)

Orateurs: MM. Gavan, Divina, Omtzigt, Byrne, Lord Russell, Mme Lundgren, MM. Manninger, Fridez, Soleim, Lord Touhig, MM. Bildarratz, Grosdidier, Howell, Aktay, Lord Balfe, Mme Trisse, MM. Kürkçü, Gouttefarde, Kleinwaechter

Réponses de M. le rapporteur et de Dame Cheryl Gillan, vice-présidente de la commission des questions politiques

Vote sur un projet de résolution amendé

7. Prochaine séance publique

Appendix I / Annexe I

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

AKTAY, Yasin [Mr]

AMON, Werner [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BAKUN, Wojciech [Mr] (JAKUBIAK, Marek [Mr])

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BALFE, Richard [Lord] (ECCLES, Diana [Lady])

BARDELL, Hannah [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

BECHT, Olivier [M.]

BENEŠIK, Ondřej [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BLAHA, Ľuboš [Mr]

BLAZINA, Tamara [Ms] (QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

BYRNE, Liam [Mr]

CHITI, Vannino [Mr]

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

COAKER, Vernon [Mr] (MASSEY, Doreen [Baroness])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORREIA, Telmo [M.] (MARQUES, Duarte [Mr])

CORSINI, Paolo [Mr]

COURSON, Yolaine de [Mme] (MAIRE, Jacques [M.])

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DE PIETRO, Cristina [Ms] (CATALFO, Nunzia [Ms])

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DI STEFANO, Manlio [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DUMERY, Daphné [Ms]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

EIDE, Petter [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme]

FIALA, Doris [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTI, Marco [M.]

GAVAN, Paul [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GLASOVAC, Sabina [Ms] (BALIĆ, Marijana [Ms])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (SOBOLEV, Serhiy [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GROSDIDIER, François [M.]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HAMOUSOVÁ, Zdeňka [Ms] (NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms])

HARANGOZÓ, Gábor [Mr] (MESTERHÁZY, Attila [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUOVINEN, Susanna [Ms] (GUZENINA, Maria [Ms])

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (OHLSSON, Carina [Ms])

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KIRAL, Serhii [Mr] (BEREZA, Boryslav [Mr])

KITEV, Betian [Mr]

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]

KOPŘIVA, František [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KOX, Tiny [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

LACROIX, Christophe [M.]

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (DZHEMILIEV, Mustafa [Mr])

LOUCAIDES, George [Mr]

LUPU, Marian [Mr]

MADISON, Jaak [Mr] (KROSS, Eerik-Niiles [Mr])

MANNINGER, Jenő [Mr] (GULYÁS, Gergely [Mr])

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (ZINGERIS, Emanuelis [Mr])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

McCARTHY, Kerry [Ms]

MIKKO, Marianne [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBREMSKI, Jarosław [Mr] (BUDNER, Margareta [Ms])

OEHME, Ulrich [Mr] (BERNHARD, Marc [Mr])

ÓLASON, Bergþór [Mr]

OMTZIGT, Pieter [Mr] (MAEIJER, Vicky [Ms])

O’REILLY, Joseph [Mr]

OSUCH, Jacek [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

PACKALÉN, Tom [Mr]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POLETTI, Bérengère [Mme] (DURANTON, Nicole [Mme])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PUPPATO, Laura [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

RAUCH, Isabelle [Mme] (SORRE, Bertrand [M.])

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RUSSELL, Simon [Lord] (EVANS, Nigel [Mr])

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SANTERINI, Milena [Mme]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHIEDER, Andreas [Mr] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHEPPARD, Tommy [Mr] (GALE, Roger [Sir])

SILVA, Adão [M.]

SMITH, Angela [Ms]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

SOTNYK, Olena [Ms]

STANĚK, Pavel [Mr]

ȘTEFAN, Corneliu [Mr]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

TERIK, Tiit [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (HEER, Alfred [Mr])

TOUHIG, Don [Lord] (DONALDSON, Jeffrey [Sir])

TRISSE, Nicole [Mme]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TUȘA, Adriana Diana [Ms]

USOV, Kostiantyn [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

VALLINI, André [M.] (CAZEAU, Bernard [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VOGT, Ute [Ms] (BARNETT, Doris [Ms])

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WILSON, Phil [Mr]

YEMETS, Leonid [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ANTL, Miroslav [M.]

AST, Marek [Mr]

BAYR, Petra [Ms]

DONALDSON, Jeffrey [Sir]

EVANS, Nigel [Mr]

GALE, Roger [Sir]

GATTOLIN, André [M.]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LUNDGREN, Kerstin [Ms]

MASSEY, Doreen [Baroness]

NICOLINI, Marco [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SUTTER, Petra De [Ms]

WHITFIELD, Martin [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

O’CONNELL, Jennifer [Ms]

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr]

TILSON, David [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALQAISI, Nassar [Mr]

AMRAOUI, Allal [M.]

MUFLIH, Haya [Ms]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan

Appendix II /Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of the Council of Europe Commissioner for Human Rights and in the ballot for the election of a Judge to the European Court of Human Rights in respect of Montenegro / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection du/de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre du Monténégro

ABAD, Damien [M.]/REISS, Frédéric [M.]

ARNAUT, Damir [Mr] 

BERTUZZI, Maria Teresa [Ms] /PUPPATO, Laura [Ms]

BILDARRATZ, Jokin [Mr] 

BILOVOL, Oleksandr [Mr] 

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr] 

BYRNE, Liam [Mr]

DONALDSON, Jeffrey [Sir] /TOUHIG, Don [Lord]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme] 

GAVAN, Paul [Mr] 

GHILETCHI, Valeriu [Mr] 

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme] /KERN, Claude [M.]

GROSDIDIER, François [M.] 

HOWELL, John [Mr] 

KAVVADIA, Ioanneta [Ms] 

KOX, Tiny [Mr] 

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr] 

LEIGH, Edward [Sir] 

McCARTHY, Kerry [Ms] 

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr] 

NISSINEN, Johan [Mr] /WIECHEL, Markus [Mr]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr] 

O’REILLY, Joseph [Mr] 

PAŠKA, Jaroslav [M.]/BALÁŽ, Radovan [Mr]

PISCO, Paulo [M.] 

SCHENNACH, Stefan [Mr] 

SCHOU, Ingjerd [Ms] 

ŠEPIĆ, Senad [Mr] 

SORRE, Bertrand [M.] / RAUCH, Isabelle [Mme]

STIER, Davor Ivo [Mr] 

SVENSSON, Michael [Mr] 

THIÉRY, Damien [M.] 

VEN, Mart van de [Mr]