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AS (2018) CR 18

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-huitième séance

Vendredi 27 avril 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. La tuberculose pharmaco-résistante en Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Kiral au nom de la commission des questions sociales sur «La tuberculose pharmaco-résistante en Europe» (Doc. 14525).

Je vous rappelle que le temps de parole des orateurs est de 4 minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – La tuberculose est similaire à la corruption à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps cette semaine : on ne la voit pas, mais elle est bien présente; tout aussi dangereuse, elle peut elle aussi être traitée. Elle devient dangereuse lorsqu’elle n’est pas dépistée, du fait des déficiences des systèmes conventionnels de détection précoce, du manque de mesures de prévention, de l’insuffisance des financements pour le développement de nouveaux traitements et de la lenteur de la transition vers des méthodes de traitement centrées sur les patients.

«Quand vous avez un cancer, tout le monde a mal pour vous; mais lorsque vous êtes atteint de tuberculose, les gens ont peur.», affirme Olga Klymenko, une jeune femme ukrainienne courageuse, ancienne patiente tuberculeuse. Elle exprime ainsi la stigmatisation dont sont victimes les patients atteints de la tuberculose et leur famille. La parole des patients nous a beaucoup inspirés dans la rédaction de ce rapport.

La tuberculose est la maladie infectieuse la plus meurtrière: on a compté 1,7 million de morts en 2016 à travers le monde, dont 250 000 enfants, et elle est responsable d’un tiers des décès dus à la résistance aux antimicrobiens.

Elle a fait partie des priorités des responsables politiques ces dernières années et sera au centre de toutes les attentions en septembre 2018, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies tiendra pour la première fois une réunion de haut niveau pour mettre fin à la tuberculose, alors que le monde entier semblait avoir oublié cette maladie. Le G7 et le G20 ont accordé une attention particulière à la tuberculose lors des réunions sur la résistance aux antimicrobiens qui se sont tenues à Hambourg en juillet 2017 et à Milan en novembre 2017. Le Caucus mondial sur la tuberculose réunit plus de 2 300 parlementaires appartenant à 130 pays. Il est présidé par Nick Herbert, parlementaire britannique. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures politiques prises dans le monde, en plus de ce qui est fait par l’Organisation mondiale de la santé, par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, et par d’autres grandes organisations internationales. L’Union réunit des milliers de délégués lors de ses conférences afin de discuter et d’analyser chaque aspect de la tuberculose, comme elle l’a fait lors du symposium au Mexique l’an dernier.

Ce rapport a pour objectif de préparer la contribution de l’Assemblée parlementaire à cet effort international en cours, et plus spécifiquement à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies prévue pour septembre 2018. Aujourd’hui même, des parlementaires de plus de cent pays et des organisations de la société civile se réunissent à New York afin d’échanger leurs expériences et de débattre des propositions qui seront présentées en septembre en vue d’une déclaration politique des Nations Unies sur la tuberculose. Je suis très heureux de dire que certaines conclusions de ce rapport figurent parmi ces propositions.

La tuberculose est une maladie transmise par voie aérienne, qui touche avant tout les poumons, mais cette bactérie peut être présente dans pratiquement toutes les parties du corps. Les symptômes peuvent inclure une toux, une perte de poids, la fièvre, des douleurs, une grande fatigue, et d’autres symptômes non spécifiques que l’on peut retrouver notamment chez les enfants. Ainsi, elle peut être prise à tort pour une autre maladie, tel qu’un rhume ou une grippe, ce qui explique le taux extrêmement élevé de diagnostics erronés. La difficulté de contrôler sa propagation en est accrue.

Le traitement peut durer de six mois à plus de deux ans. Les traitements de deuxième intention impliquent que les patients ingurgitent jusqu’à 14 000 pilules pendant au moins deux ans. Les effets secondaires sont à la limite de ce que peut supporter un corps humain et incluent des nausées, des problèmes digestifs, l’anxiété, et même des psychoses. La tuberculose ultra-résistante est le type de tuberculose le plus dangereux; bien souvent le patient se retrouve sans possibilité de traitement.

Le danger est également lié au fait que de nombreux patients sont également atteints par d’autres maladies, telles que le sida ou le diabète. En outre, la tuberculose est particulièrement présente dans certains groupes tels que les détenus ou les personnes vivant dans des zones de conflit. Il s’agit de groupes vulnérables qui réagissent souvent fort bien lorsque les organisations de la société civile les aident. Or de plus en plus d’initiatives de ce type sont appuyées par l’OMS. Elles constituent une priorité de premier ordre pour les gouvernements nationaux et pour les organisations internationales.

La tuberculose ne connaît aucune frontière, et ne se limite à aucune culture ou nationalité. En tant qu’Assemblée de 47 États membres, nous devons reconnaître que nous faisons partie de la même maison et nous devons faire preuve de solidarité à l’égard de nos voisins, au-delà des frontières. Nous devons développer des financements pour échanger les meilleures pratiques et favoriser l’accès aux meilleurs traitements. L’un des Objectif de développement durable des Nations Unies prévoit de reprendre le contrôle sur la tuberculose d’ici 2030.

L’inertie des systèmes de santé nationaux reste le problème principal. Ils ne parviennent pas à fournir un service de qualité. Les politiques de santé obsolètes, l’insuffisance des infrastructures et la mauvaise répartition des ressources financières, contribuent à la propagation de la maladie. Les pays ayant le PIB par habitant le plus faible souffrent de façon disproportionnée; c’est dans ces pays que la maladie se propage le plus rapidement. La tuberculose prend des formes pharmaco-résistantes là où il y a peu d’investissements dans de nouveaux traitements et peu d’efforts de recherche pour développer de nouveaux vaccins et de nouveaux outils de diagnostic. La tuberculose semblait appartenir au passé, mais elle est aujourd’hui de retour, comme nous l’a dit l’un des professeurs de l’Université d’Oslo lors de l’une de nos missions d’établissement des faits: plus de 900 cas de tuberculose sont enregistrés chaque année.

L’hospitalisation excessive, le manque de méthodes de soins centrées sur le patient et la stigmatisation des patients, contribuent à la propagation de la tuberculose pharmaco-résistante. Le patient doit aussi bénéficier du soutien de ses proches et d’aide psychologique et sociale pour l’aider à prendre le traitement, car c’est l’interruption du traitement qui renforce la bactérie. L’accès au traitement est essentiel. Dans la plupart de nos États membres, les traitements antituberculeux sont gratuits. Mais à cause des guerres actuellement en cours, par exemple à cause de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, l’accès à des médicaments plus performants, tels que la bedaquiline et la delamanide, a été limité, alors que le nombre de cas de tuberculose augmente parmi les personnes déplacées et dans les territoires occupés. C’est le cas en Géorgie et en République de Moldova. Les migrants, qui sont atteints de tuberculose latente, ont davantage de risques de développer la forme active de la maladie, à cause de leurs conditions de vie et de leur manque d’accès à des soins de santé.

La Conférence 2011 de Wolfheze a développé une trousse à outils minimale pour apporter des soins de manière transfrontalière. Cependant, pour l’utiliser, il nous faut absolument une volonté politique, des mécanismes financiers et des soins de santé adéquats. De bonnes pratiques, en Azerbaïdjan et en Norvège, ont été examinées, ainsi que les raisons qui expliquent le manque d’investissements dans la recherche pour développer de nouveaux médicaments. Toutefois, l’Union européenne a lancé le programme «New Drugs for bad bugs» en 2012, qui a permis d’ores et déjà d’augmenter le nombre de grandes compagnies qui travaillent sur de nouveaux traitements; ce nombre est passé de 4 à 11; plusieurs PME travaillent aussi sur la question, dans le cadre de l’Alliance BEAM.

Nous avons non seulement besoin de nouveaux médicaments, mais aussi de véritables avancées technologiques, notamment dans les services aux patients, pour les aider à suivre leur traitement. La thérapie à distance est en train d’être développée pour renforcer la bonne prise des traitements.

Nous recommandons aux États membres de veiller à un diagnostic efficace, à un accès à un traitement approprié et à des soins adaptés, y compris un soutien psycho-social. Il faut fournir des services de santé centrés sur le patient, faire des investissements dans la détection précoce et la recherche, pour le développement de nouveaux médicaments, de nouveaux outils de diagnostic et de vaccins, lutter contre la stigmatisation des malades, participer à la réunion de haut niveau des Nations Unies et traiter le problème à la source.

Je souhaite exprimer ma gratitude envers tous les membres de la commission et du secrétariat – Ayşegül, Tanja et les autres –, et tout particulièrement envers M. Schennach, qui m’a permis de me concentrer totalement sur le sujet. Je remercie également les délégations azerbaïdjanaise et norvégienne, Mme Schou et M. Seyidov, pour leur aide, pour la coordination qu’ils ont mise en place et pour leur hospitalité lors des missions d’établissement des faits. Je remercie l’ensemble des patients, dont la détermination et l’engagement vont permettre de changer les choses.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera moins d’une minute pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. FRIDEZ (Suisse), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Maladie très redoutée qui accompagne depuis de nombreux siècles l’histoire des hommes, la tuberculose est devenue, transitoirement, un problème presque secondaire de santé publique à la fin du XXe siècle. Je suis médecin généraliste depuis trente ans: je peux compter les patients atteints de tuberculose, rencontrés dans mon cabinet, sur les doigts d’une main. Sa fréquence a fortement diminué, avec – c’est l’hypothèse originelle – l’introduction dans les années 1920 du BCG, le vaccin de Calmette et Guérin, puis la découverte des premiers tuberculostatiques. Cette hypothèse est aujourd’hui remise en cause, le vaccin étant peu efficace et juste susceptible de réduire le risque de tuberculose miliaire et de méningite tuberculeuse.

Le facteur réel qui a été identifié réside dans l’amélioration des conditions de vie, d’hygiène et d’alimentation, c’est-à-dire globalement l’amélioration du niveau de vie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le nombre de cas de tuberculose par 100 000 habitants est un facteur utilisé pour évaluer le niveau de vie d’un pays et l’efficience de son système de santé. La tuberculose est une maladie de la pauvreté, c’est le premier message que je voulais envoyer.

J’ai précisé, au début de mon intervention, que l’amélioration des statistiques des cas de tuberculose n’avait été que transitoire. Le nombre de cas augmente actuellement, pour deux raisons: les brassages de populations, notamment avec les migrations, et le vieillissement de la population, avec des personnes âgées contaminées jeunes, mais dont la maladie n’a pas évolué durant leur vie, et qui, à la fin de celle-ci, du fait d’une baisse de leur immunité pour de multiples raisons – cancers, chimiothérapie, diabète –, redevient active.

Mon deuxième message est que la tuberculose pharmaco-résistante est devenue un problème en Europe. Des réponses médico-sociales claires doivent être apportées: les traitements sont longs et réclament des associations médicamenteuses multiples. Le respect du traitement par les patients et le respect des posologies sont essentiels, au risque de favoriser l’apparition de résistances. Pour cela il faut des moyens, des structures, un suivi. Nos systèmes de santé doivent mettre des moyens clairs à disposition.

Les conditions de vie des malades doivent être améliorées. Ne pas manger, vivre dans des conditions d’hygiène très mauvaises, voilà qui ne favorise pas l’efficacité du traitement. Le dépistage doit être plus efficace chez les personnes âgées. Quand une personne âgée tousse, ne va pas bien ou perd du poids, il faut savoir penser au bacille de Koch, tout comme pour les migrants, qui comptent beaucoup de cas, et les immuno-supprimés, tels les patients malades du VIH.

Mon troisième message est que la pharmaco-résistance ne concerne pas que la tuberculose. L’antibio-résistance est devenue un problème majeur de santé publique, et dans certains hôpitaux, dans certaines unités chirurgicales ou de soins intensifs, on ne sait plus comment traiter certains patients contaminés par des gènes multi-résistants. La raison? Trop de prescriptions, trop d’antibiotiques dans la nature, trop d’antibiotiques dans l’alimentation.

Nous pourrions penser que la solution viendra de nouvelles découvertes: des antibiotiques d’une énième génération. Cependant, je ne crois pas tellement à cette solution, qui ne fait que retarder le problème. Il faut surtout mieux traiter, prescrire à bon escient, libérer notre environnement de ces poisons, ou plutôt réduire leur présence. Pour la tuberculose, sujet de notre débat, il faut respecter les protocoles, surtout dans la durée, et combattre la pauvreté et les problèmes d’accès à l’eau. Une meilleure alimentation et un meilleur accès à l’hygiène ont démontré leur efficacité en Europe au XXe siècle.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je souhaite tout d’abord féliciter notre rapporteur pour cet excellent rapport sur un sujet extrêmement important. Mon groupe lui apporte tout son soutien.

Je voudrais également le remercier d’avoir rendu hommage à la qualité du travail que mon collègue, Lord Herbert, a mené sur ce même sujet, et d’avoir mentionné la tenue prochaine de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la tuberculose.

Lorsque j’étais enfant, dans les années 1950 et 1960, on ne parlait de la tuberculose qu’en chuchotant; les personnes atteintes étaient envoyées en Suisse, dans des établissements spécialisés, pour y suivre un traitement. Mais, au fur et à mesure de la mise au point d’antibiotiques, nous n’en avons plus du tout parlé, et pour cause: la maladie était devenue tellement rare que nous avions le sentiment de l’avoir vaincue.

Malheureusement, aujourd’hui, nous réalisons qu’il s’agissait là d’une erreur: la résistance microbienne est telle que près d’un tiers des décès par maladie infectieuse sont liés à la tuberculose multirésistante.

J’ai été choquée par l’absence de programme de recherche sur cette maladie: les traitements sont obsolètes, souvent inefficaces; les personnes atteintes de tuberculose doivent se soumettre à des protocoles de soin très contraignants, qui peuvent s’étaler sur plusieurs années et avoir des effets secondaires épouvantables – cela est souligné dans le rapport. Et même après un tel traitement, rares sont les issues heureuses.

Le 24 mars dernier, nous avons célébré la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, à l’occasion de laquelle le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le CEPCM, a dévoilé l’ampleur de l’augmentation de la tuberculose multirésistante, la TB-MR, passée de 350 cas à 5 000 cas entre 2012 et 2016. La majorité de ces cas sont concentrés dans les pays d’Europe centrale. Les chiffres montrent que le nombre de cas de tuberculose résistante aux deux principaux traitements de première intention a également augmenté, passant de 38 000 en 2012 à 51 000 en 2016. Voilà l’étendue du problème.

Marieke van der Werf, directrice du département Tuberculose du CEPCM, a confirmé que la propagation de la maladie en Europe est liée à la mobilité des porteurs de cette affection. Elle appelle donc les pays européens à la plus grande vigilance.

Je suis heureuse de pouvoir annoncer que la lutte contre la tuberculose multirésistante est devenue l’un des dix domaines d’action prioritaires en Grande-Bretagne. Notre stratégie collaborative s’appuie sur la feuille de route dressée par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS). Notre approche est fondée sur une plus grande sensibilisation de la population, un accès précoce aux services, l’amélioration de l’accès à des diagnostics rapides, le traitement des cas complexes dans un réseau clinique pluridisciplinaire et la garantie de la mise en œuvre des meilleures pratiques de contrôle des infections pour les patients, afin d’éviter que la maladie continue de se propager.

Nous ne saurions rester inactifs: pour lutter contre ce phénomène, nous devons regarder de très près ce qui se passe dans chacun des États membres. Pour vaincre cette maladie mortelle, nous devons mettre en place une action concertée dans tous nos pays, et en particulier dans les États membres du Conseil de l’Europe: car, comme le rapporteur ne le sait que trop bien, la maladie ne connaît aucune frontière géographique, politique ou financière.

Mme De BRUIJN-WEZEMAN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie M. Kiral pour son rapport très clair, qui constituera la contribution de notre Assemblée à la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la tuberculose, qui se tiendra en septembre prochain.

Mon groupe soutient pleinement ce rapport. Il est préoccupant de savoir que l’Europe compte parmi les taux les plus élevés de multirésistance microbienne: c’est un danger pour le traitement de nombreuses maladies infectieuses, et pas seulement de la tuberculose. Le taux de multirésistance varie d’un pays à l’autre, mais 18 pays d’Europe centrale et orientale sont les plus affectés par cette épidémie: ils représentent 85 % des cas de tuberculose et 99 % des cas de multirésistance.

La tuberculose touche principalement des groupes sociaux désavantagés, en particulier les personnes porteuses du VIH. Dans certaines catégories sociales, la peur est grande d’être touché par la maladie. Trop souvent, les personnes atteintes de tuberculose sont stigmatisées: cet isolement social entraîne une insuffisance des diagnostics et, partant, l’absence de traitement. Les systèmes nationaux de santé semblent dans l’incapacité de proposer des traitements de qualité, ce qui explique pourquoi la maladie existe encore aujourd’hui.

Mais si la tuberculose touche principalement des groupes sociaux désavantagés, elle peut néanmoins toucher tout le monde: il est temps de réagir. Le développement de la maladie et de la multirésistance laissent craindre une explosion du nombre de cas: en 2016, 1,7 million de décès dans le monde étaient dus à cette maladie. Nous devons en appeler à tous les États pour qu’ils modernisent leurs politiques de prise en charge de la maladie, totalement dépassées, au profit de traitements conformes aux lignes directrices de l’OMS. Les gouvernements doivent s’assurer que des financements suffisants et durables sont affectés à la prise en charge de la tuberculose.

Je souhaite également aborder le sujet de la résistance générale aux antibiotiques. Celle-ci touche essentiellement des pays dans lesquels de nombreux traitements antibiotiques sont administrés, y compris par la médecine vétérinaire. C’est là un développement très dangereux. Il existe beaucoup moins de résistance dans les pays où les antibiotiques sont rarement utilisés: il faudrait interdire la vente libre d’antibiotiques.

Enfin, le rapporteur appelle à plus de solidarité entre les pays à faible incidence de tuberculose et les pays à forte incidence. Pour moi, il ne s’agit pas tant de solidarité que de responsabilité commune: nous sommes une chaîne, il faut aider les maillons les plus faibles.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Pourquoi débattre aujourd’hui de la tuberculose pharmaco-résistante? Tout simplement parce que c’est un phénomène de société qui reflète un problème social. En 2016, pas moins de 1,7 million de décès étaient dus à la tuberculose.

Comme le montre le projet de résolution, les couches sociales les plus défavorisées et les pays dont le système de santé est le moins développé sont les plus durement touchés par cette maladie.

Dans les années 1980, j’ai étudié la médecine à Fribourg. À l’époque, la tuberculose, comme d’autres maladies, était perçue comme une pathologie appartenant au passé. Malheureusement, il n’en est rien.

Le rapport formule des propositions intéressantes, comme le renforcement des systèmes de prise en charge publics, et encourage les efforts des Nations Unies. Le rapport indique également que déséquilibres et inégalités au niveau mondial, questions dont nous avons souvent débattu dans le cadre de notre Assemblée, posent aussi problème. N’oublions donc pas que des inégalités croissantes ont aussi pour conséquences des phénomènes du type de celui dont nous débattons ce matin.

Quant à la multirésistance, M. Fridez et de Mme Bruijn-Wezeman l’ont déjà évoquée, et des propositions utiles ont été formulées. Le recours aux antibiotiques doit être régulé – dans mon propre pays, ils ne sont pas en vente libre – et leur utilisation dans l’industrie agro-alimentaire doit être plus rigoureusement réglementée.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne a déposé quelques amendements, qui visent à permettre aux plus concernés d’avoir accès aux traitements. Il n’est pas acceptable qu’ils soient réservés à ceux qui ont les moyens de les acheter. Je vous demande, chers collègues, de vous prononcer en faveur de ces amendements.

Mme SCHOU (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je félicite M. Kiral pour cet excellent rapport. Je le remercie également, au nom de la délégation norvégienne, pour ses propos aimables sur la Norvège.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai pensé que cette maladie appartenait au passé. J’ai été très perturbée en lisant que certains États membres du Conseil de l’Europe connaissaient la prévalence la plus élevée de tuberculose multirésistante. J’ai été directrice d’hôpital. Je n’ai donc pas vraiment été surprise, mais j’ai quand même été déçue d’apprendre que l’une des raisons de cette situation est l’insuffisance des financements alloués aux infrastructures, aux traitements et aux diagnostics. Le sous-investissement chronique dans la recherche et le développement de nouveaux traitements et vaccins est également décevant et inquiétant. Il ne devrait pas en être ainsi quand la tuberculose est la première maladie infectieuse mortelle au monde et qu’elle a causé 1,7 million de décès en 2016. Nous disposons pourtant des connaissances, du savoir-faire et de l’expérience pour renverser la tendance.

J’aimerais parler des vaccins. La prévention est souvent plus efficace et nettement moins coûteuse que le traitement de patients déjà malades. Comme le montre le rapport, la Norvège a mis en place un robuste programme de dépistage de la tuberculose. Il est évidemment plus facile de le faire dans un pays riche comme la Norvège, qui compte peu de cas de tuberculose, mais je pense que c’est surtout notre approche intégrée, avec une coopération efficace entre tous ceux qui prennent part à la lutte contre cette maladie, qui explique le succès que nous avons enregistré.

J’apprécie les efforts du rapporteur. Il importe cependant de ne pas refaire le travail déjà effectué par l’Organisation mondiale de la santé et les Nations Unies. À mon avis, ce thème, même s’il est très important, ne relève pas des principales missions du Conseil de l’Europe. Je suis convaincue que l’OMS et les Nations Unies font le nécessaire pour encourager les autorités nationales. Je soutiens l’appel adressé aux États membres du Conseil de l’Europe, afin qu’ils s’associent à leur action. Cela me paraît la principale contribution que nous puissions apporter.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – J’ai lu ce rapport avec grand intérêt. Je félicite et remercie notre rapporteur d’avoir rédigé un document aussi complet.

La tuberculose entraîne la stigmatisation. C’est aussi une maladie négligée, et peut-être avons-nous fait preuve d’une certaine complaisance. Ce rapport nous réveille et, je l’espère, pourra alimenter la discussion lors de la réunion des Nations Unies qui se tiendra au mois de septembre prochain. La tuberculose ne peut être ignorée. C’est la neuvième cause de décès dans le monde, et la maladie infectieuse la plus meurtrière, plus encore que le VIH. Un journal en ligne d’Asie indiquait hier qu’un patient souffrant d’une maladie multirésistante sur cinq n’achevait pas son traitement.

Nous savons que certains facteurs sous-jacents expliquent la propagation de la tuberculose et que certaines régions présentent des caractéristiques spécifiques, y compris en ce qui concerne la détection précoce et les traitements préventifs à destination des groupes vulnérables. Ce qui complique le problème est aussi l’existence de différentes souches et l’insuffisance des infrastructures et des politiques de santé.

Pour ma part, je me concentrerai sur la cinquième partie du rapport, «La voie à suivre pour l’Europe et le monde». Je souhaite remercier Public Health England, cité dans le rapport, qui a fourni des statistiques utiles et d’autres informations sur la tuberculose. En 2016, le Royaume-Uni connaissait le nombre le plus réduit de cas depuis 2000. Nous assistons à une stabilisation depuis 2015, mais nous comptons quand même des groupes vulnérables. La prévalence de la tuberculose est quinze fois supérieure au sein de la population née hors du Royaume-Uni par rapport à la population née au Royaume-Uni: 74 % des personnes atteintes sont nées hors du Royaume-Uni. De plus, le nombre de signalements a fortement décliné, ce qui reste inexpliqué. Il importe de poursuivre les efforts afin de réduire le délai de diagnostic grâce à une sensibilisation des communautés particulièrement touchées et des professionnels de santé. Il faut également maintenir la qualité des traitements et des diagnostics de la tuberculose, améliorer la qualité des services afin de parvenir à ce que les traitements soient menés à leur terme, et se concentrer sur les facteurs sociaux associés à la tuberculose.

Tout cela s’inscrit dans le cadre des recommandations du rapport, qui incite les pays à investir dans la détection de la tuberculose au sein de la population à haut risque et à développer des approches centrées sur les personnes. Il faut, pour cela, que les pays investissent dans de nouvelles politiques, car leurs politiques actuelles sont obsolètes. Nous devons aussi reconnaître que certains systèmes de santé souffrent de problèmes de financement, même s’il existe de bonnes pratiques. Il faut aussi que les gouvernements allouent davantage de ressources à la lutte contre la tuberculose; le rapport coût-efficacité serait sans doute intéressant.

M. DAVIES (Royaume-Uni)* – Je me félicite moi aussi de ce rapport que nous propose M. Kiral. Nous suivons l’avancée de ses travaux depuis le tout début.

Permettez-moi deux commentaires rapides.

Tout d’abord, ce rapport établit de nombreux liens de corrélation entre la pauvreté et la tuberculose, mais, au Royaume-Uni, un adage rappelle que «corrélation n’est pas causalité». Je veux simplement lancer un appel à la prudence. Ce n’est pas en distribuant des fonds que nous allons régler le problème. Comme le dit le rapport, comme le disent certains collègues, beaucoup de personnes souffrant de la tuberculose sont issues de groupes vulnérables. Neuf années durant, j’ai été agent de police à Londres, et j’ai rencontré des personnes dans cette situation.

Je n’essaie pas de faire porter le chapeau à qui que ce soit, mais il s’agit bien souvent de personnes ayant des vies très compliquées. Certaines sont des toxicomanes qui auraient beaucoup de mal à prendre durant deux années les quelque 14 000 comprimés parfois nécessaires au traitement. N’ayons pas peur de mettre en lumière les difficultés évidentes. Les patients doivent aussi prendre des dispositions pour hâter leur guérison.

Un élément prévaut au Royaume-Uni, en particulier dans la région que je représente, à savoir la prévalence de la tuberculose bovine. Il est dit dans le rapport que 10 % des cas de tuberculose humaine, dans les pays en développement, sont directement liés à la prévalence de la tuberculose bovine. Il est donc vital que nous fassions en sorte que la tuberculose soit traitée dans tous les secteurs et que toutes les souches soient traitées.

En outre, dans une partie du Royaume-Uni, la tuberculose est prévalente dans la population des blaireaux, ce qui conduit à imposer des abattages lorsque le nombre d’animaux malades devient trop important. Mais certains se refusent à prendre ce genre de décision pour des raisons politiques. Si nous voulons éradiquer la tuberculose, nous devons prendre des mesures parfois difficiles. J’en appelle à tous les groupes politiques du Conseil de l’Europe pour reconnaître cela. Puisqu’il est avéré que la tuberculose peut passer d’une espèce à l’autre, il convient d’agir sur tous les fronts. En cas de présence de tuberculose parmi la vie sauvage, il faut agir.

Enfin, je félicite vivement M. Kiral pour son rapport. J’espère qu’il sera bien accueilli par tous mes collègues.

M. NISSINEN (Suède) – Je tiens à féliciter notre rapporteur M. Kiral pour son excellent rapport, tant pour son intérêt scientifique que pour la passion de son appel. Nous, Européens, avons presque atteint la limite de notre lutte contre la tuberculose, dont l’épidémie est l’une des plus meurtrières de l’histoire de l’humanité.

De plus en plus de souches sont devenues résistantes à un nombre croissant d’antibiotiques et de médicaments, de sorte que pour certains patients, nous ne disposons plus d’aucun remède.

L’Europe se trouve en première ligne dans cette lutte dont l’enjeu est la vie de millions de nos concitoyens. Non seulement notre continent est densément peuplé, facilitant ainsi la contagion, mais nous accueillons beaucoup de migrants, dont certains sont susceptibles d’être porteurs de mutations de la maladie - des souches apparues dans leurs pays d’origine et pour lesquelles ils n’ont pas pu être pleinement traités à cause de la pénurie de ressources ou des conflits armés.

J’ai en main un article du New York Times paru la semaine dernière, intitulé «Le prochain super-microbe viendra-t-il du Yémen?». Il souligne que les mutations des microbes sont les plus rapides dans des pays ravagés par la guerre, là où des antibiotiques à large spectre sont distribués sans grand contrôle et où le choléra et d’autres épidémies sont répandus.

Ajoutons à cette vulnérabilité la stigmatisation dont souffrent beaucoup de ceux qui sont frappés par la tuberculose dans les prisons, dans les quartiers défavorisés, souvent dépourvus d’installations sanitaires, ou dans des camps de réfugiés, et nous obtenons tragiquement un terrain parfait pour la mutation génétique de cette maladie dans des directions imprévisibles.

Par conséquent, M. Kiral a parfaitement raison de sonner l’alarme pour que l’Europe se réveille enfin après plusieurs années de recherches sous-financées et poursuivies sans grand enthousiasme. Il est grand temps que soit développée une stratégie complète et cohérente de lutte contre la tuberculose. La réunion de haut niveau qui se tiendra à New York en septembre prochain en fournira l’occasion idéale. Je me félicite donc du fait que cet excellent rapport soit débattu au sein de l’Assemblée. J’espère de tout cœur qu’il ouvrira un nouveau chapitre dans notre lutte commune contre la tuberculose.

LE PRÉSIDENT* – M. Oehme, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. AMRAOUI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Alors qu’on croyait la tuberculose en déclin ou au moins maîtrisée dans les pays développés, elle redevient une menace sérieuse. En réalité, elle ne disparaît jamais. Cette maladie est un marqueur de précarité. Il suffit qu’il y ait des conditions de vie dégradées pour qu’un malade tuberculeux contamine d’autres personnes.

Même si elle reste limitée en Europe, la tuberculose multirésistante qui touche aujourd’hui des groupes de population socialement vulnérables, tels que les migrants, doit représenter une priorité sanitaire. Les spécialistes de santé publique jugent que les migrants doivent être considérés comme une population vulnérable et non comme une population propagatrice de la maladie, car la plupart des contaminations en Europe se font à l’intérieur de ces populations et dans le pays d’accueil. Il faudra donc lutter contre toutes les formes de stigmatisation envers ces malades et leurs familles. En l’absence de politique organisée de dépistage et de suivi thérapeutique, la plupart des cas ne peuvent être détectés et traités.

Au Maroc, malgré l’ampleur des efforts déployés pour prévenir, contrôler et maîtriser la tuberculose, qui fait toujours partie des principales priorités de notre système de santé, sa fréquence demeure malheureusement élevée. L’apparition de formes multirésistantes de tuberculose représente une forte menace et pourrait remettre en cause les avancées obtenues dans la lutte contre la maladie.

Elle demeure un problème de santé publique non négligeable au Maroc et partout dans le monde, dont les déterminants sont essentiellement représentés par les conditions socioéconomiques défavorables. De ce fait, les actions à entreprendre en vue de réduire significativement l’incidence de la maladie doivent dépasser le domaine médical pour cibler ces déterminants.

Le Maroc a une riche expérience, qu’il partage avec ses partenaires. Les efforts déployés ont permis de maintenir, depuis 1995, un taux annuel de détection des cas de tuberculose supérieur à 80 % et un taux annuel de succès thérapeutique supérieur à 85 %, ce qui a valu à notre pays la médaille d’or du partenariat «stop tuberculose» de l’Organisation mondiale de la santé.

De même, notre pays a réussi à contrôler la prévalence de la tuberculose multirésistante qui n’est que de 0,5 %, ce qui est une performance et correspond à l’atteinte de l’un des Objectifs du développement durable.

Le vaccin BCG n’est pas parfait. Il a été discuté, contesté. Des pays ont décidé de l’abandonner. Au Maroc, nous continuons à le généraliser dans toutes les populations. Nous pensons qu’il faut le maintenir au moins lorsqu’il y a un risque potentiel dans la population. Il doit être utilisé dans les zones à haute prévalence de tuberculose. C’est un sujet dont devra s’emparer la recherche scientifique, qu’il faut soutenir et orienter. Nous devons convaincre le lobby de l’industrie pharmaceutique d’être plus entreprenant face à cette maladie malheureusement considérée comme maladie des pauvres.

Enfin, il faut appuyer toutes les initiatives de solidarité, aussi bien envers l’Europe centrale et orientale, qu’envers les pays du Sud.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

Nous disposons d’un peu de temps. D’autres parlementaires souhaitent-ils s’exprimer?

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je souhaite à mon tour remercier le rapporteur, M. Kiral. Si je ne me trompe pas, il s’agit de son premier rapport à l’Assemblée. Je lui souhaite beaucoup de succès. Ce rapport témoigne de la diligence et du sérieux dont il a fait preuve.

En République de Moldova, on a coutume de dire: «Qui a la santé possède tout et qui en est dépourvu ne possède rien». D’où l’importance de comprendre la nécessité d’apporter tout notre soutien aux mesures relatives à la santé.

Je suis vraiment reconnaissant à M. Kiral d’avoir soulevé cette question ô combien importante.

Comme indiqué dans le rapport à juste titre, nous pensions que cette maladie appartenait au passé. Malheureusement, dans certains pays, dont le mien, des personnes sont frappées par cette maladie. L’accent mis sur le diagnostic et les mesures de prévention est donc primordial, et je suis extrêmement satisfait que M. Kiral l’ait particulièrement souligné.

Les efforts de sensibilisation et les campagnes d’information sont absolument indispensables. Dans mon pays, nous menons au quotidien des campagnes publicitaires de sensibilisation à la télévision et à la radio. Il est important que les citoyens aient été sensibilisés afin qu’ils réagissent dès l’apparition de certains symptômes – ou qu’ils soient aussi rassurés lorsqu’il ne s’agit pas de tuberculose.

En revanche, il est bien plus difficile de trouver les bonnes incitations pour pousser les compagnies pharmaceutiques à investir dans la recherche afin de découvrir de meilleurs traitements. L’appel que vous lancez à ce sujet, Monsieur le rapporteur, est aussi important, mais je ne vois pas quelles incitations pourraient motiver le secteur pharmaceutique à investir dans ce domaine.

Prévoir des stratégies nationales est effectivement important. Ce rapport m’apparaît comme une plateforme pour lancer une stratégie européenne. J’invite à mon tour tous ceux qui sont ici présents à apporter leur soutien à M. Kiral que je félicite de nouveau pour son rapport.

LE PRÉSIDENT* – Aucun orateur ne souhaitant encore s’exprimer, j’appelle la réplique de la commission.

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – Je remercie chacun d’entre vous, mes chers collègues, qui êtes intervenus pour vous exprimer sur ce rapport.

Une minute, c’est un temps bien court, insuffisant pour répondre à tous les commentaires, mais certaines questions soulevées sont communes à nombre d’interventions.

L’un des plus grands problèmes dans la lutte contre la tuberculose est, bien sûr, le caractère inadéquat des systèmes de soins de santé «traditionnels». L’accent doit être mis sur des soins centrés sur le patient. Le soutien psychosocial à apporter au patient est également d’une très grande importance.

Pour ce qui est de la recherche, nous avons en Norvège rencontré de grandes sociétés pharmaceutiques ainsi que les agences de développement international. Des mécanismes internationaux sont d’ores et déjà en place. Mais la tuberculose n’est pas du tout couverte par ces mécanismes.

Puis, il y a le travail que nous devons mener – nous, représentants élus – dans les cercles politiques. Je vous encourage donc, mes chers collègues, dans vos parlements nationaux, à mettre sur pied ces « caucus » de la tuberculose et à travailler avec vos gouvernements et les autres parties prenantes pour que nous puissions éradiquer enfin cette épidémie et nous en débarrasser d’ici à 2030, comme le prévoit l’Assemblée générale des Nations Unies.

Merci encore de toutes vos contributions. Je suis impatient de voir adopter mon projet de résolution.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je tiens à remercier M. Kiral pour son travail et son engagement ainsi que le secrétariat de la commission, mais j’aimerais également remercier Mme Olga Klymenko qui, dans le cadre de l’audition organisée par la commission, nous a raconté sa traversée de l’enfer et qui nous a montré son grand courage.

Chaque année, 1,7 million de personnes meurent d’une mort lente. C’est la population de ma ville, Vienne. Donc, une fois par an, disparaît un groupe de personnes équivalent à la population de la ville de Vienne. Cela rend les choses plus concrètes de s’exprimer ainsi.

Par ailleurs, il convient de souligner que c’est un véritable tandem que forment la tuberculose et la pauvreté.

Je suis né dans les années 1950 et, lorsque j’ai été scolarisé, fils d’agriculteur pauvre, j’ai contracté la tuberculose. Pour un enfant qui vivait au fin fond d’une vallée, c’était alors un véritable défi que de soigner la tuberculose.

Il est à cet égard préoccupant de constater que parmi les nombreuses prisons qui existent en Europe, certaines, que j’ai pu visiter, sont équipées d’appareils de radiographie obsolètes presque plus dangereux que la maladie elle-même. Il faudra donc aussi, dans le secteur de la santé, investir dans des équipements adéquats.

Demander au Conseil de l’Europe de s’engager dans le processus mis en place par les Nations Unies me paraît donc justifié. D’ailleurs, ce premier rapport de M. Kiral ainsi que les amendements ont été favorablement accueillis en commission.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 5 amendements ont été déposés. Les amendements 1 et 4 ont été adoptés à l’unanimité, mais, dans la mesure où ils font l’objet de sous-amendements, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. HUNKO (Allemagne)* – Cet amendement, comme les autres amendements que nous avons déposés a trait à l’accès à la prise en charge. Celui-ci doit être effectif puisque nous savons que cette maladie touche des couches de population qui sont déjà défavorisées. C’est la raison pour laquelle nous proposons que cet accès soit: «bon marché».

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi d’un sous-amendement présenté par la commission des questions sociales.

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – La commission souhaite remplacer les mots «et bon marché» par les mots «gratuits et, lorsque cela n’est pas possible, abordables», l’objectif étant d’aller dans le sens de la proposition des auteurs de l’amendement.

M. HUNKO (Allemagne)* – J’accepte ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

L’amendement 1, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. HUNKO (Allemagne)* – Il s’agit ici d’un sujet analogue: le soutien psychosocial qui est préconisé dans le paragraphe 6.1 doit être «gratuit ou subventionné par l’État».

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – Je m’oppose à cet amendement. Lors de la réunion de la commission, l’idée de modifier ce paragraphe a déjà été mise en avant. Il s’agit de souligner l’importance de rendre abordables les services et les médicaments, certains devant même être fournis gratuitement, mais c’est déjà ce qui se passe dans la plupart des États membres. C’est la raison pour laquelle la commission a décidé de rejeter cet amendement.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – La commission a effectivement rejeté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. HUNKO (Allemagne)* – Il s’agit, comme dans notre amendement au paragraphe 6.1, de faire en sorte que les services de santé soient «bon marché».

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – Je m’oppose à cet amendement pour les raisons que je viens d’exprimer.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4. Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, qui n’a de conséquence que dans la version anglaise du projet de résolution.

M. HUNKO (Allemagne)* – L’objet de cet amendement est, comme précédemment, de réduire le coût des services pour les patients.

LE PRÉSIDENT* – Nous en arrivons au sous-amendement.

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – C’est un sous-amendement mineur: il s’agit, dans la version anglaise du projet de résolution, de supprimer le mot: «these».

M. HUNKO (Allemagne)* – J’accepte ce sous-amendement.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – La commission est naturellement favorable à ce sous-amendement et à l’amendement ainsi sous-amendé.

Le sous-amendement est adopté..

L’amendement 4, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

M. HUNKO (Allemagne)* – Il est question, dans le paragraphe 6.4, de l’investissement «dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments, diagnostics et vaccins». Je pense qu’il est utile de rappeler que les nouveaux médicaments devront être «bon marché», afin que ceux qui sont concernés au premier chef puissent les acheter.

M. KIRAL (Ukraine), rapporteur* – Je m’oppose à cet amendement. Au point 6.1, tel qu’il vient d’être amendé, nous écrivons que les médicaments doivent être gratuits ou, quand cela n’est pas possible, «abordables». L’amendement 5 renvoie à la recherche et développement dans l’industrie pharmaceutique. Or cela coûte des millions d’investir dans de nouveaux médicaments, et le traitement de cas complexes de tuberculose suppose d’y consacrer des centaines de milliers de dollars. Il est donc difficile, ici, d’utiliser les mots «bon marché».

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – La commission s’est prononcée à l’unanimité contre cet amendement.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14525, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 44 votants.

LE PRÉSIDENT* – Je vous félicite, Monsieur Kiral et vous remercie, ainsi que la commission, pour le bon travail accompli.

M. Nick, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Jonas Gunnarsson au fauteuil présidentiel.

2. L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants
par la scolarité obligatoire

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme De Sutter au nom de la commission des migrations sur «L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire» (Doc. 14524).

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Mesdames et Messieurs, vous vous souvenez tous de la jungle de Calais, ce camp de réfugiés dans le Nord de la France, tout proche de la frontière avec la Belgique. Lorsqu’il a été fermé, nombre de réfugiés ont dû reprendre la fuite. Parmi eux, des familles avec des enfants en bas âge mais aussi des mineurs non accompagnés. Tant qu’ils résidaient dans le camp, ces enfants pouvaient se rendre à l’école pour suivre des cours mais personne ne sait si ces enfants, une fois sortis du camp, ont pu avoir un accès à l’éducation.

Ne pouvant effacer cette situation honteuse de mon esprit, j’ai donc décidé de rédiger un rapport sur cette question pour tenter de voir comment nous pouvons garantir l’accès à l’éducation pour tous les enfants réfugiés et migrants. Je me demande en effet ce qu’il est advenu de ces enfants, qui avaient atteint nos frontières sains et saufs, lorsqu’ils ont dû reprendre la fuite – pour retrouver quoi? Un autre camp dans un pays voisin? Ces enfants, qui avaient pris le chemin de l’intégration, avaient-ils eu la chance de commencer à construire une nouvelle vie?

L’éducation est la clé de leur avenir; c’est également la clé de l’avenir de l’Europe. Apporter une éducation de qualité aux enfants réfugiés et aux enfants migrants aujourd’hui, c’est préparer l’Europe de demain. Sur dix enfants réfugiés, seuls six ont accès à l’éducation primaire. La situation est encore pire pour l’accès à l’éducation secondaire: sur dix adolescents réfugiés, deux seulement sont scolarisés, et je ne parle même pas de ce 1 % qui aura peut-être la chance d’aller à l’université. Il y a dans le monde 6,4 millions d’enfants réfugiés en âge d’aller à l’école primaire ou secondaire, et plus de la moitié d’entre eux, soit 3,5 millions, n’ont aucune école dans laquelle se rendre. Si nous prenons cela vraiment au sérieux, si nous voulons vraiment empêcher que cette génération ne devienne une génération perdue, il faut faire beaucoup plus.

Une école devrait être un sanctuaire, où les enfants peuvent se rendre pour apprendre. Les forces de police, les forces armées ne devraient jamais y être vues, comme cela est énoncé dans la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, adoptée en mai 2015 à Oslo. Si vous avez participé à la cérémonie de remise du Prix du musée, mardi soir, vous avez sans doute entendu s’exprimer le fondateur du musée de l’enfance en temps de guerre à Sarajevo: ayant lui-même connu la guerre étant enfant, il a prononcé un discours très émouvant. Il a vu des enfants dans les rues et, dans certains lieux, comme en Ukraine, les enfants doivent passer à côté de patrouilles de police pour se rendre à l’école. Selon lui, ce n’est pas ainsi que les enfants doivent se rendre à l’école, ce n’est pas dans les rues que les enfants devraient dormir.

L’objectif de ce rapport est donc d’encourager les autorités à investir dans l’éducation pour autonomiser ces enfants migrants, pour pouvoir enfin atteindre les normes internationales sur lesquelles nous nous sommes mis d’accord. Celles-ci sont absolument limpides: l’éducation doit être accessible, adaptable, disponible et gratuite pour chacun. Mais la réalité est là pour nous rappeler que beaucoup d’États membres sont à la traîne: il y a un grand décalage entre ce que les États font à l’échelon national et ce qu’ils ont accepté de faire au travers de la législation internationale.

Dans mon rapport, je mets en lumière ce décalage entre les engagements pris par les États au titre de la législation internationale et même nationale dans les domaines de l’éducation primaire et secondaire, et ce qui est effectivement fait pour les enfants migrants et réfugiés. Des exemples pris dans les États membres du Conseil de l’Europe illustrent les bonnes pratiques mises en place mais indiquent aussi dans quels domaines il peut y avoir des améliorations.

J’ai donc rédigé ce rapport comme une check-list des conditions à mettre en place pour garantir l’éducation des enfants migrants. Il convient ainsi de fixer des objectifs nationaux de scolarisation des enfants migrants et réfugiés; d’assurer aux enfants migrants un enseignement scolaire accessible et gratuit dans les établissements primaires et secondaires, même lorsque l’éducation est dispensée par un système privé; de ne pas établir de distinctions fondées sur le statut de réfugié, comme en Suède et contrairement aux Pays-Bas ou à l’Allemagne; de permettre l’accès à la scolarisation dans des classes locales; d’assurer un mode de transport et d’accompagnement adéquat aux enfants se trouvant dans ces centres ou dans des camps; de dispenser une information précise et exacte aux parents et aux enfants quant à leurs obligations et à leurs possibilités de participer à l’éducation à l’école primaire; d’apporter une aide psycho-sociale pour diagnostiquer et traiter les situations de traumatismes et que les enseignants soient spécifiquement formés pour reconnaître très précocement les signes de détresse qu’envoient souvent les enfants réfugiés; de mettre en place des firewalls efficaces entre les systèmes d’information des écoles et des services de l’immigration afin de protéger les données sur le statut de migrants en situation irrégulière, évitant ainsi que ces informations soient utilisées pour refuser ou compliquer l’accès à l’éducation des enfants migrants.

L’apprentissage linguistique, notamment d’une deuxième langue, est un facteur d’intégration et conditionne les autres compétences d’apprentissage. Des cours de langue supplémentaires devraient être proposés gratuitement aux enfants et aux parents en cas de besoin. Si possible, un accès à des ressources pédagogiques dans la langue maternelle des enfants devrait être proposé.

L’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des incitations financières et structurelles pour encourager les migrants à participer à l’enseignement post-secondaire et supérieur, en s’appuyant sur des instruments comme la boite à outils du Conseil de l’Europe pour l’accompagnement linguistique des réfugiés adultes et en soutenant des projets tels que le passeport européen de qualification pour les réfugiés du Conseil de l’Europe, que la Grèce a expérimenté en 2017. Beaucoup d’outils sont donc d’ores et déjà disponibles.

L’éducation devrait être sensible à la dimension de genre. Les enseignants devraient être formés à la gestion de situations culturellement sensibles liées au genre, à reconnaître les problèmes de genre spécifiques, à rejeter les clichés et à éviter de les propager. L’enseignement de ces compétences devrait être généralisé mais l’Assemblée fait observer que celles-ci sont d’autant plus importantes quand les cultures, les coutumes et les croyances des migrants et des réfugiés diffèrent de celles de la majorité de la population du pays d’accueil. L’acceptation des différences, l’éveil de la curiosité pour d’autres cultures et même pour sa propre culture commencent à l’école.

Mesdames et Messieurs, la recommandation la plus importante de ce rapport est sans doute l’appel à des investissements de long terme. L’argent est toujours important. L’éducation pour ceux qui fuient une vie trop dure est principalement financée sur des fonds d’urgence ou dépend d’un financement lié à un projet, ce qui n’encourage pas l’investissement à long terme et les politiques pérennes. Nous avons besoin d’investissements à long terme dans ce domaine, notamment dans ces pays où les camps de réfugiés sont devenus de vraies villes.

Les réfugiés passent en moyenne 20 ans de leur vie en exil, selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Très clairement, le financement lié à un projet ne suffit pas: nombre de réfugiés ne rentreront pas dans leur patrie, resteront dans leur pays d’accueil et y construiront une nouvelle vie. Il est donc important de garantir les droits fondamentaux et les ressources de base pour chaque personne et pour leur famille. L’éducation est l’un de ces besoins fondamentaux et permet l’épanouissement du potentiel humain; c’est une condition du bien-être de l’individu et c’est un outil pour la vie en général.

Souvent, pour des raisons politiques, l’éducation n’est pas considérée comme une priorité parce que l’on a tendance à penser que si l’on forme les enfants, ils resteront plus longtemps dans le pays où ils sont arrivés, alors qu’ils devraient rentrer chez eux. Or même s’ils doivent rentrer dans leur pays, à terme, ils ont le droit à l’éducation: c’est un droit de l’homme fondamental.

Que peuvent faire les États membres de façon plus concrète? Ils peuvent intégrer l’éducation des enfants migrants et réfugiés ainsi que la formation spécialisée des enseignants dans le budget du ministère de l’éducation plutôt que dans le budget consacré à l’assistance humanitaire et au développement.

Pour conclure, l’Assemblée demande instamment à ses États membres de travailler activement à l’accomplissement des objectifs énoncés dans mon rapport.

Or le non-respect des engagements juridiques pris, qui passe par la mise en œuvre de mesures concrètes, constituerait une violation flagrante des droits des enfants. L’éducation est un outil puissant pour l’intégration des migrants et des réfugiés ainsi que pour l’autonomisation de jeunes gens qui sont déstabilisés par des situations dont ils ne sont aucunement responsables.

Comme je le disais, l’éducation est la clé de leur avenir, mais c’est aussi la clé de l’avenir de l’Europe. Fournir une éducation de qualité aux enfants réfugiés et migrants aujourd’hui, c’est préparer l’Europe de demain.

LE PRÉSIDENT* – Madame la rapporteure, il vous restera 3 minutes 30 pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je commencerai par féliciter Mme De Sutter pour ce rapport qui identifie un certain nombre de points essentiels. Nous pensons tous que l’éducation est importante, pour tous et pour ces enfants en particulier. Cependant le tableau qui nous est proposé est contrasté.

Mon gouvernement a clairement affirmé que la protection des enfants venant des zones de conflit restera l’une de ses priorités.

Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter de toutes les actions menées par l’un de nos partenaires pour la démocratie, la Jordanie, afin de proposer une scolarité aux enfants réfugiés de Syrie. La Jordanie a en effet consenti des efforts très importants.

Nous savons que la scolarité dès le plus jeune âge détermine le reste de la vie de la personne. Nous reconnaissons également la part que joue l’éducation dans l’établissement et la pacification des sociétés.

Certes, il est difficile d’intégrer des enfants qui ne sont pas capables de calculer ou de s’exprimer dans la langue du pays dans lequel ils se trouvent. C’est un fardeau considérable au niveau local.

Il faut aider au développement des infrastructures et de l’économie dans les pays d’origine. Nous nous félicitons des efforts que font les Nations Unies pour aider les réfugiés, notamment par le biais du Haut–Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR. Le Conseil de l’Europe peut mettre à disposition certains de ses outils, qui doivent être connus de tous.

La couverture médiatique des agressions qui ont lieu à Cologne durant la nuit du Nouvel an 2016 rappelle qu’il est important d’apporter des informations aux jeunes migrants en matière de comportement sexuel, afin de surmonter certaines difficultés culturelles.

J’en viens à la question de la sécurité des enfants. Le Hamas place des équipements militaires dans les écoles de Cisjordanie, utilisant les écoles et les enfants comme des boucliers humains. Cela détruit l’image de l’école, qui doit être un lieu sûr pour les enfants. Nous ne devons pas l’accepter.

M. COMTE (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je tiens, au nom du groupe ADLE, à remercier Mme De Sutter pour son excellent rapport qui dresse un tableau complet de la situation des enfants migrants en matière d’éducation.

Chacun doit être responsable de ses actes, et nul ne doit être tenu pour responsable des actes des autres. Par conséquent, si les parents doivent être responsables de leurs actes, les enfants ne doivent pas être tenus pour responsables des actes de leurs parents. Ils ne doivent donc pas subir de préjudices dans leur éducation du fait que leur situation est éventuellement irrégulière ou qu’ils se trouvent sur les routes, fuyant leur propre pays.

Le droit à l’éducation est un droit fondamental pour tous les enfants, quelle que soit leur situation juridique. Nous devons donc protéger les enfants migrants et faire de l’école un sanctuaire où ils pourront se développer dans les meilleures conditions possibles.

Le paragraphe 6.7 du projet de résolution parle de ces frontières hermétiques qui doivent être établies entre l’école et les services de l’immigration. En effet, si nous voulons que ces enfants puissent aller à l’école, il faut qu’ils aient l’assurance que les services de l’immigration n’utiliseront pas le fait qu’ils aillent à l’école pour repérer leurs familles et procéder ensuite à des expulsions. Il faut donc, en quelque sorte, que les autorités scolaires soient muettes si elles ont connaissance du cas d’un enfant en situation irrégulière. Les enseignants sont là pour enseigner et non pour jouer les délateurs.

En outre, il est nécessaire d’intégrer le plus possible ces enfants au système scolaire ordinaire. Certes, lorsque ces enfants arrivent, ils rencontrent des défis très importants, notamment dans l’apprentissage de la langue, qui peuvent justifier qu’ils ne soient pas immédiatement intégrés au cursus ordinaire. Toutefois, ils doivent l’être par la suite, car c’est le meilleur moyen pour ces enfants de s’intégrer et de comprendre le mode de vie ainsi que les traditions socio-culturelles du pays d’accueil.

Certains de ces enfants éprouvent non seulement le choc du déracinement, mais aussi un choc culturel, puisqu’ils arrivent dans un pays dont les traditions et le mode de vie sont très différents du leur. Pour qu’ils puissent appréhender ce mode de vie différent, il est essentiel de les intégrer dans les classes accueillant les enfants du pays d’accueil.

Enfin, comme l’expose le rapport, les enseignants doivent être conscients des besoins de ces enfants migrants et de l’attention particulière qu’ils requièrent. En effet, ils ont parfois vécu des atrocités, ils ont perdu une grande partie de leur innocence et gardent des séquelles psychologiques. Il est donc nécessaire de les soutenir psychologiquement.

En conclusion, de nombreux instruments juridiques existent qui définissent ce droit à l’éducation. Toutefois, nous ne devons pas en rester aux principes, ils doivent être appliqués dans la réalité. La migration est bien sûr une question politiquement très sensible, mais lorsqu’il s’agit d’enfants, c’est sans aucun doute le principe d’humanité qui doit prévaloir, comme ce rapport le rappelle fort justement.

M. PSYCHOGIOS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est fort dommage que ce rapport ne soit débattu que le dernier jour de la partie de session, car il y aurait beaucoup de choses à dire.

L’éducation est l’une des clés de l’intégration. C’est pourquoi il est essentiel d’aider les enfants migrants et réfugiés à acquérir des compétences dans tous les États membres.

Je souhaite vous parler de la Grèce, où nous avons effectué une étude de cas que notre groupe a pleinement appuyée. La Grèce, malgré un déficit de solidarité de la part de nombreux États membres et la crise économique, a fait preuve de solidarité dès 2015 et elle a d’ores et déjà pris des mesures importantes pour l’intégration des réfugiés. Je citerai : un accès libre au système de santé comme pour les Grecs, l’accès au marché du travail, le soutien aux familles.

Néanmoins, certains problèmes demeurent. L’initiative du gouvernement grec porte principalement sur l’éducation des enfants migrants. En 2016, le ministère de l’Education a créé un comité scientifique afin de préparer un plan pour l’intégration des enfants réfugiés dans le système éducatif. Un cursus et des écoles spécialisées ont été créés, des lignes directrices ont été établies pour l’enseignement du grec. Les mêmes règles s’appliquent désormais pour tous les enfants, sur tout le territoire, quels que soient les statuts juridiques ou le lieu de résidence. Des tutoriels sont aussi mis à disposition dans les classes du primaire et du secondaire.

De 2016 à 2017, des classes d’après-midi dans les écoles spécialisées ont été conçues afin de préparer les enfants à une transition. Le but est de veiller à une intégration graduelle des enfants dans les écoles grecques. Ces écoles primaires et secondaires accueillent des enfants de 6 à 15 ans. Le cursus porte sur la langue grecque, les mathématiques, les langues étrangères telles que l’anglais, les sciences informatiques, ainsi que d’autres matières. Le ministère a désigné un coordinateur dans tous les centres d’accueil de réfugiés; certains d’entre eux suivent les enfants qui bénéficient de ce programme. Les coordinateurs sont des enseignants professionnels du secteur public qui se sont portés volontaires et qui ont été sélectionnés sur la base d’une liste de compétences. Pour ce qui concerne l’éducation des plus jeunes, l’enseignement dispensé est identique à celui des enfants grecs, et peut être dispensé dans les centres d’accueil. Enfin, le ministère a lancé un programme de langue grecque pour les migrants âgés de 15 ans et plus, grâce à un financement européen, enseigné dans les universités sur tout le territoire grec.

L’éducation obligatoire pour les enfants réfugiés et migrants et essentielle pour leur intégration future. Il faut qu’ils puissent apprendre et qu’ils recommencent à avoir des rêves. Cela fait partie intégrante de la démocratie et d’une société égalitaire. Il nous faut lutter contre les discours de marginalisation, de discrimination et de xénophobie que l’on entend, dans certains États membres, chez certains partis politiques.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Nous avons pour obligation de protéger le droit des enfants migrants à l’éducation. L’éducation de ces enfants est essentielle. Elle leur fournit une certaine stabilité et un sentiment de normalité. Elle les accompagnera toute leur vie. C’est pourquoi nous devons désormais passer d’une réponse humanitaire à une réponse institutionnelle. Les dispositions juridiques visant à l’inclusion des enfants migrants dans le système éducatif doivent être concrétisées. Les systèmes éducatifs doivent recevoir des moyens en conséquence.

Le Parlement serbe a adopté récemment une loi sur l’asile et sur les étrangers. Ce texte inclusif donne des droits aux enfants migrants, et leur permet de jouir de leur droit à l’éducation. Mon pays accorde une attention particulière à ce groupe vulnérable. Cette année, 700 enfants migrants ont commencé leur scolarité en Serbie, et 500 enseignants ont été formés pour travailler avec eux. Dans mon pays, la question des migrations relève du respect des normes internationales. C’est une question de solidarité et d’humanité. La Serbie appuie pleinement toute solution durable pour répondre à ce défi mondial.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Madame la rapporteure, je vous remercie pour vos propositions concrètes, qui devraient permettre d’augmenter le niveau d’éducation des enfants migrants. Les intégrer n’est pas facile, mais une intégration réussie de ces enfants est essentielle pour assurer le développement économique et le bien-être des familles migrantes. En Europe, les enfants migrants ont des résultats scolaires bien inférieurs à ceux des enfants dont les deux parents sont ressortissants du pays d’accueil. Voilà un vrai défi. Non seulement leurs résultats sont inférieurs, mais leur taux d’abandon est aussi plus élevé. Ils sont moins susceptibles d’accéder à l’enseignement supérieur, ce qui les dépossède de leur droit à se forger un statut économique et social plus élevé au sein de la société.

Nous devons aussi faire plus pour que ces enfants aient accès à l’école maternelle. Une éducation précoce, à l’âge de deux ou trois ans, est très productive, et permet de combler le décalage entre les enfants issus de la migration et les autres. Je me félicite que le rapport mentionne ce droit à l’école maternelle, dans les pays où elle existe, et la nécessité de verser des aides quand elle n’est pas gratuite.

J’émettrai cependant quelques réserves s’agissant du point 9 du projet de résolution selon lequel « l’éducation devrait être sensible à la dimension de genre et les enseignants devraient être formés à la gestion de situations culturellement sensibles liées au genre, à reconnaître les problèmes sexo-spécifiques, à rejeter les clichés et à éviter de les propager. L’enseignement de telles compétences devrait être généralisé, mais l’Assemblée fait observer qu’elles sont d’autant plus importantes quand les cultures, les coutumes et les croyances des migrants et des réfugiés diffèrent de celles de la majorité de la population du pays d’accueil.» Une fois encore, on cherche à faire passer l’idéologie avant les besoins réels de ces enfants. Les résultats scolaires inférieurs et le taux d’abandon plus élevé n’ont rien à voir avec la question du genre dans l’enseignement dispensé. Voulons-nous offrir un avenir à ces enfants, où voulons-nous les endoctriner?

Je suis un fervent partisan de l’éducation. J’ai toujours encouragé mes enfants à obtenir les meilleurs résultats possibles à l’école, et je suis fier de ce qu’ils ont accompli. Je vais continuer à promouvoir des politiques qui garantissent que tous les enfants, migrants ou non-migrants, filles ou garçons, aient accès à une éducation de grande qualité. Je pense cependant que ne promouvoir que certaines visions du monde, qui véhiculent un programme politiquement correct, n’est pas la bonne façon d’atteindre ce noble objectif.

En conclusion, chers collègues, nous devons, à n’en pas douter, faire valoir les droits des enfants migrants et réfugiés – garçons ou filles – ce qui signifie qu’il faut rendre les parents autonomes, pour qu’ils puissent jouir pleinement de leurs droits, exercer pleinement leurs responsabilités, et proposer des choix éducatifs à leurs enfants. Avec Mme De Sutter, nous avons souvent des duels à fleurets mouchetés, mais nous nous sommes, au fil du temps, rapprochés sur certains sujets. Je demande aujourd’hui à mes collègues, au nom de mon groupe, de soutenir son rapport, même si j’ai pu formuler certaines critiques. Nous devons faire tout notre possible pour que les enfants migrants aient tous accès à l’éducation.

Mme OHLSSON (Suède), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Au nom de mon groupe, je remercie Mme De Sutter pour son excellent et important rapport.

Débattre de l’éducation des enfants migrants, c’est réfléchir à la façon dont nous pouvons travailler, ensemble, à l’intégration, à l’autonomisation et à la protection de ces enfants. Ces trois piliers sont indispensables pour leur vie au quotidien.

Il est triste de lire dans le rapport que 3,5 millions d’enfants, sur les 6,4 millions d’enfants migrants recensés dans le monde, n’ont pas la possibilité d’aller à l’école. Seuls 61 % des enfants réfugiés ont accès à l’école primaire, alors que 91 % des nationaux sont scolarisés. Pour le secondaire, la différence est encore plus marquée: 23 % seulement des adolescents réfugiés sont scolarisés, contre un taux général de 84 %.

À Södertälje, ville suédoise située non loin de Stockholm, plus de 50 % des habitants sont des migrants ou des enfants de migrants. Le maire a souligné combien il était important que chaque enfant puisse aller à l’école maternelle – y compris les réfugiés, dès leur arrivée sur le territoire. En effet, il estime que l’apprentissage du suédois – qui ne prend que quelques semaines aux enfants – est la clé pour que les enfants migrants puissent se sentir inclus, avoir des relations avec les autres enfants, jouer avec eux, et suivre un cursus pédagogique. Les écoles doivent être des lieux où les enfants se sentent en sécurité et où ils peuvent grandir, se socialiser, et apprendre ensemble.

Les procédures d’asile servent parfois d’excuse pour refuser l’éducation aux enfants migrants: la ségrégation est utilisée pour éviter d’avoir à s’attaquer à des défis linguistiques et culturels. Or, les enfants devraient être éduqués ensemble. Les enfants réfugiés ont été arrachés à leur foyer, à leur culture; ils ont fait face à des situations d’une extrême violence et à la criminalité. Pour eux, l’éducation est cruciale: elle leur permet de comprendre ce dont ils ont fait l’expérience et dont ils ne sont pas responsables, de retrouver une dignité et de découvrir le rôle qu’ils peuvent jouer dans la société. Les recherches scientifiques ont montré que le meilleur moyen d’aider les enfants qui ont subi de tels traumatismes est de les envoyer à l’école, où ils peuvent évoluer aux côtés d’autres enfants.

L’éducation joue également un rôle vital dans la protection des enfants migrants contre le travail forcé et l’exploitation sexuelle. Une éducation précoce, des salles de classe dans lesquelles les filles se sentent en sécurité, sont autant d’éléments qui permettent de réduire le nombre de mariages entre enfants, l’exploitation et les abus sexuels.

Ainsi, seul l’investissement dans un système mixte, où se retrouvent les réfugiés et les enfants de la communauté hôte, permettra à la communauté une amélioration sur le long terme. Construire de nouvelles écoles, former de nouveaux enseignants, c’est améliorer la qualité du système éducatif du pays et penser aux générations d’étudiants à venir.

Des instruments internationaux existent, qui prévoient l’accès des migrants à l’éducation; le droit à l’éducation et le devoir des États de garantir ce droit, en particulier pour l’accès à l’enseignement primaire ; ils sont consacrés dans plusieurs textes internationaux de référence qui émanent des Nations Unies et du Conseil de l’Europe.

L’éducation est un outil puissant d’intégration pour les migrants et les réfugiés et d’autonomisation de jeunes gens déstabilisés par des situations dont ils ne sont aucunement responsables.

LE PRÉSIDENT* – M. Badea, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – Je félicite sincèrement la rapporteure pour son excellent travail: le rapport, bien argumenté, fournit de nombreuses informations.

Les faits sont là: seuls 61 % des enfants réfugiés ont accès à l’école primaire, ce taux étant de 91 % pour la population générale. Près de la moitié des enfants ne sont pas scolarisés, alors même qu’ils ont besoin de trois piliers de soutien: l’intégration, tout d’abord, grâce à l’apprentissage de la langue et de la culture d’accueil; l’autonomisation, ensuite, qui leur permet d’avoir assez confiance en eux pour apprendre et s’intégrer; la protection, enfin, qui est due à toute catégorie vulnérable, pour les soustraire aux pièges de l’exploitation et du trafic. À cet égard, les compétences en langue et la capacité à communiquer sont de véritables atouts.

Le rapport souligne le manque de prévisibilité de la situation des enfants migrants: l’attente avant d’avoir accès à l’éducation, la barrière de la langue, l’insuffisance des informations données aux familles et de leur orientation, l’absence d’assistance financière. Le rapport le dit: l’éducation est cruciale pour que les enfants comprennent la situation qu’ils ont traversée et dont ils ne sont pas responsables. Elle leur permet de retrouver une nécessaire dignité.

Beaucoup de conventions internationales soulignent la nécessité de donner aux migrants l’accès à l’éducation – c’est le cas du Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Charte sociale européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne est chargée d’assurer le suivi de tous les problèmes relatifs à l’éducation. On peut également citer la Convention internationale des droits de l’enfant, qui garantit les droits de tous les enfants jusqu’à leur majorité.

L’éducation primaire est importante, mais l’accès à tous les niveaux de l’éducation est essentiel: trouver un emploi – condition essentielle à la survie de l’enfant et à celle de sa famille – nécessite des compétences qui, par ailleurs, permettent une meilleure mobilité sociale.

J’ai enseigné à Londres dans une école secondaire qui accueillait une forte proportion de migrants. La plupart d’entre eux étaient ambitieux, ils tenaient à s’en sortir – beaucoup y sont parvenus. D’après mon expérience, les enseignants identifient facilement les enfants qui ont du potentiel et ceux qui rencontrent des difficultés. À l’école où j’enseignais, nous discutions régulièrement des besoins particuliers que pouvaient avoir les enfants réfugiés, et ce que nous pouvions faire pour nourrir leur potentiel. J’ai suivi le succès de certains de ces enfants: certains sont allés à l’université, d’autres sont entrés en apprentissage ou ont trouvé un emploi. Tous ont pu s’intégrer, gagner leur vie et contribuer à cette nouvelle société sans pour autant oublier leurs origines culturelles. L’école est essentielle pour que les enfants reçoivent l’éducation et apprennent les compétences sociales nécessaires à une vie harmonieuse en société.

Je suis persuadée que l’éducation est nécessaire pour que les enfants apprennent à vivre cette nouvelle vie qui est la leur lorsqu’ils arrivent sur un nouveau territoire. Comme le dit si bien la rapporteure, éduquer les migrants et les réfugiés aujourd’hui contribue à construire l’Europe de demain et une coexistence pacifique. Je la félicite de nouveau pour son excellent travail.

Mme BARTOS (Hongrie)* – Je partage pleinement l’avis de la rapporteure: l’éducation est l’un des éléments fondamentaux de l’intégration. En effet, elle permet non seulement d’améliorer la connaissance de la langue du pays d’accueil, mais également d’établir des relations avec la communauté locale. L’éducation joue donc un rôle essentiel dans la réduction du risque de radicalisation.

Le Parlement hongrois a ratifié le point 2 de l’article 17 de la Charte sociale européenne. La politique d’intégration menée par la Hongrie consiste à mettre en œuvre les objectifs identifiés dans la stratégie promulguée par décret. La législation hongroise apporte un appui total aux mineurs non accompagnés qui souhaitent rester en Hongrie et y achever leurs études. Il ne s’agit pas uniquement de répondre aux besoins alimentaires et sanitaires ou de leur fournir un logement, mais aussi de les aider à pratiquer leur religion et à avoir accès à l’enseignement des langues.

Dans le souci de veiller aux intérieurs supérieurs de l’enfant, la Hongrie accorde aux mineurs qui ne sont pas hongrois les mêmes droits qu’aux enfants hongrois, à partir du moment où ils demandent le statut de réfugiés. Ainsi, ils ont accès à l’éducation primaire et secondaire. Une fois le statut de réfugié accordé, les mineurs non accompagnés et les jeunes adultes précédemment aidés en tant que mineurs non accompagnés peuvent accéder à l’enseignement public jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans – jusqu’à vingt-cinq s’il souhaite faire des études supérieures.

L’enseignement primaire est dispensé dans le cadre d’un plan personnalisé de développement, sur la base d’une directive unique, dans le cadre d’un système d’éducation interculturel. Au niveau des crèches et des écoles, des programmes interculturels peuvent être mis en place pour l’instruction des enfants migrants. Tout au long du processus éducatif, une importance particulière est accordée à l’apprentissage du hongrois comme langue étrangère. Les enfants dont ce n’est pas la langue maternelle reçoivent un enseignement dans le cadre d’un plan personnalisé qui tient compte de leur âge et qui recourt à des méthodes ludiques et des activités diverses.

La société civile et les organisations liées à l’Église jouent un rôle extrêmement important dans le processus d’intégration. Les organisations concernées reçoivent un soutien financier significatif du Gouvernement hongrois.

Au-delà de l’éducation dispensée dans les établissements scolaires, il est important de développer toutes les occasions d’apprentissage non formelles ou informelles, via des programmes artistiques d’institutions culturelles, qui visent à promouvoir la tolérance. La Hongrie accorde en outre une importance toute particulière à la formation des enseignants. Des formations bénéficiant d’une reconnaissance officielle sont disponibles. La faculté de médecine de l’université Semmelweis organise des formations visant à développer les compétences interculturelles et l’intégration sociale.

Les enfants sont le groupe le plus vulnérable, mais ils représentent également l’avenir de nos sociétés. Nous devons donc faire notre possible pour assurer leur bien-être physique, mental et spirituel.

M. DAVIES (Royaume-Uni)* – Puis-je tout d’abord faire observer que la jungle de Calais n’est pas un bon exemple pour un rapport tel que celui-ci? La réalité, c’est que tous ceux qui y vivaient auraient eu accès à l’éducation et au logement s’ils avaient demandé l’asile en France ou dans n’importe quel autre pays où ils se seraient rendus. La réalité, c’est aussi que la grande majorité de ceux qui étaient dans la jungle de Calais s’y trouvaient parce qu’ils voulaient aller au Royaume-Uni. C’est une chose, mais un système d’asile en Europe ne peut fonctionner si nous permettons à tous ceux qui le souhaitent de se rendre dans un pays précis. Ce n’est pas comme cela que nous pouvons concevoir une politique d’asile.

Et si beaucoup de principes énoncés «sonnent bien», le rapport n’aborde pas les obstacles à leur mise en œuvre. Ainsi de la lutte contre la ségrégation en milieu scolaire: je pense que nous approuverons tous ce principe, mais il existe deux obstacles majeurs. Tout d’abord, il faut que les enfants migrants maîtrisent jusqu’à un certain point la langue du pays où ils se trouvent avant d’être intégrés aux classes avec les autres enfants. Si les populations autochtones estiment que leurs enfants sont ralentis dans leurs apprentissages parce que les enseignants essaient d’apprendre la langue aux enfants migrants, une véritable frustration, que je comprends parfaitement, s’installe. La première chose que l’on devrait faire, c’est de veiller à ce que les enfants demandeurs d’asile et réfugiés en situation régulière se débrouillent dans la langue du pays. Je parle de ceux en situation régulière, parce que si la présence d’une personne dans un pays est irrégulière, il faut commencer par la renvoyer dans son pays d’origine… mais tant de personnes jugent charitable d’aider quiconque à arriver en Europe et à y rester pour toujours! Ce n’est pourtant pas du tout le cas: c’est encourager, entre autres, la traite des êtres humains.

Dans ma circonscription, la sécurité de tous les enfants est aussi une préoccupation. Nous savons, c’est un fait, même si personne au Conseil de l’Europe ne voudra le dire, que nombreux sont les hommes adultes prêts à prétendre qu’ils ont seize ou dix-sept ans pour bénéficier d’un meilleur traitement. On le constate dans certains pays scandinaves, et au Royaume-Uni. Le responsable d’un centre d’asile m’a ainsi déclaré avoir rencontré des personnes à la chevelure grisonnante qui lui soutenaient qu’elles étaient mineures. C’est ainsi que des hommes adultes peuvent se retrouver assis au milieu d’une classe d’enfants – c’est injuste pour ces derniers.

Je voudrais faire une dernière remarque. Il est question, dans le rapport, de l’égalité entre hommes et femmes et des différentes sensibilités culturelles, mais la réalité est que ce pour quoi nous luttons vaut mieux que ce qui a cours ailleurs dans le monde. Nous ne pouvons accueillir en Europe des personnes qui haïssent les Juifs, et il se trouve pourtant de ces personnes parmi certains migrants, c’est une mauvaise chose. Il n’y a pas non plus de place, en Europe, pour ceux qui n’aiment pas les homosexuels, ceux qui pensent que les femmes sont des citoyens de second rang, ceux qui placent leur propre interprétation de la religion au-dessus de la démocratie et de tout gouvernement démocratiquement élu.

Mme EBERLE-STRUB (Liechtenstein)* – Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport. La principale condition d’une intégration réussie des migrants et des réfugiés est l’apprentissage de la langue du pays. Il importe donc qu’ils apprennent, et surtout que les enfants apprennent, cette langue le plus rapidement possible.

Au Liechtenstein, un cours intensif d’allemand deuxième langue est ouvert à tous ceux qui arrivent, d’où qu’ils viennent. Ils apprennent l’allemand en groupes mixtes, réunissant des jeunes âgés de huit à dix-huit ans. En six à douze mois, ils apprennent la langue de notre pays et tout ce qu’ils doivent savoir sur le Liechtenstein, sa culture, sa population, après quoi ils peuvent être intégrés dans la scolarité normale. Ils n’en bénéficient pas moins d’un soutien individuel. Ils reçoivent également des cours d’allemand langue étrangère, cours obligatoires et gratuits pour les enfants en âge scolaire. Des après-midi ludiques sont organisés pour les enfants qui ont jusqu’à quatre ans et leurs parents. Les enfants âgés de quatre à six ans sont intégrés directement dans les jardins d’enfants, accessibles pendant deux ans. La deuxième année est obligatoire pour ceux qui ne sont pas germanophones.

À partir de l’âge de dix-huit ans, réfugiés et migrants peuvent s’adresser à l’association Neues Lernen. C’est là qu’est mis en œuvre le projet Liechtenstein Languages (LieLa), cours d’allemand qui applique une méthode spécifique.

Ce cours s’adresse à ceux qui n’ont pas, ou très peu, de connaissance de la langue allemande. Même parmi ceux qui arrivent fortement traumatisés, nous avons constaté des taux de réussite élevés.

Le matériel LieLa est livré en kit complet, car sans outils et matériels d’apprentissage adaptés, rien n’est possible. Il faut beaucoup de cartes, d’affiches, de jeux et d’autres équipements. La langue est apprise de manière ludique et par l’action.

LieLa est soutenu par le prince, le gouvernement et diverses fondations.

Cette méthode est maintenant utilisée aussi en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Depuis mai 2017, LieLa est un exemple de bonne pratique disponible sur le site du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD). Le FMMD a été créé par les États membres des Nations Unies pour qu’ils puissent échanger et se soutenir réciproquement en matière de migration.

M. KERN (France) – Permettez-moi d’abord de saluer le travail de notre rapporteure, Mme De Sutter. Le projet de résolution qu’elle nous soumet met le doigt sur les difficultés principales que connaît la politique de scolarisation des enfants migrants.

Mon pays, traditionnellement pays de migration, a tenté de mettre en œuvre, et je crois avec un résultat assez positif, des principes et des actions adaptés à cet enjeu.

L’inscription dans une école ou un collège est un droit pour tous les enfants résidant en France, quels que soient leur nationalité, l’ancienneté de leur présence, le statut administratif de leurs parents, leur lieu de vie. L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, âgés de 6 à 16 ans, qu’ils soient français ou étrangers, dès l’instant où ils résident sur le territoire français.

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant garantit à l’enfant le droit à l’éducation en dehors de toute distinction liée à sa nationalité ou à sa situation personnelle. De plus, et c’est important, l’inscription, dans un établissement scolaire d’un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d’un titre de séjour.

Pour les mineurs étrangers de 16 à 18 ans, même s’ils ne sont pas soumis à l’obligation scolaire, la scolarisation doit pouvoir être assurée, en prenant en compte naturellement leur degré de maîtrise de la langue française et leur niveau scolaire

Les mineurs de 6 à 16 ans passent en premier lieu des tests pour être correctement orientés: un centre académique dédié se charge d’accueillir ces enfants et d’évaluer leur niveau pour les répartir dans les classes des cycles primaire et secondaire.

Après leur évaluation, les enfants et les adolescents migrants sont donc accueillis dans une classe ordinaire correspondant à leurs acquis et à leur âge, avec un écart maximal de deux ans.

Les dispositifs de soutien linguistique permettent aux enfants migrants de se familiariser avec la langue et la culture scolaire françaises et d’entrer progressivement dans les apprentissages de toutes les disciplines. L’objectif poursuivi est d’arriver à une scolarisation à temps plein dans la classe du cursus ordinaire le plus rapidement possible.

Nous devons aussi porter une attention particulière aux mineurs non accompagnés. Par conséquent, tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation reconnu doit pouvoir poursuivre des études afin d’atteindre un tel niveau. L’État prévoit les moyens nécessaires à la prolongation de scolarité qui en découle. Les services de l’éducation veillent donc aussi à ce que la scolarisation des mineurs isolés de 16 à 18 ans, même s’ils ne sont plus soumis à l’obligation scolaire, puisse être assurée en prenant en compte leur degré de maîtrise de la langue française et leur niveau scolaire.

Je tiens à féliciter encore notre rapporteure, Mme De Sutter, pour son travail.

LE PRÉSIDENT* – Mme Aghayeva, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mes chers collègues, il vous est loisible d’intervenir même si vous ne vous êtes pas inscrits.

M. WHITFIELD (Royaume-Uni)* – Comme tous les orateurs précédents, je commencerai par remercier notre rapporteure pour son excellent rapport, ainsi que le secrétariat.

La vulnérabilité potentielle des familles migrantes arrivant dans un nouveau pays ne saurait être sous-estimée. Elle est démultipliée lorsque ces familles sont réfugiées et migrantes. Et que penser de la situation des enfants non accompagnés qui arrivent comme réfugiés dans un nouveau pays?

Comme ancien enseignant, je sais le rôle que peut jouer l’éducation pour fournir des réponses aux problèmes auxquels nous sommes confrontés et dont nous avons parlé ici cette semaine.

Je souhaite saluer le travail des électeurs de mon district, ainsi que le rôle joué par les organisations à but non lucratif d’East Lothian, notamment celle dédiée à l’accueil des familles et des enfants réfugiés. À East Lothian, nous avons eu le plaisir d’accueillir un certain nombre de familles réfugiées de Syrie. Dans ma circonscription, les enfants scolarisés en primaire ont accueilli leurs camarades de classe d’une façon dont je suis particulièrement fier. Les enfants ont en eux la volonté d’accueillir et de nouer des amitiés, une caractéristique sans doute propre à tous les enfants, même si leurs points de vue peuvent être faussés en grandissant.

C’est en contrant ce risque que nous pourrons agir. C’est pourquoi les recommandations du rapport sont si précieuses. L’éducation est la clé de l’intégration des enfants. C’est ainsi qu’ils ne perdront pas leur identité, ainsi qu’ils s’épanouiront sans perdre leurs capacités d’empathie, ainsi qu’ils pourront contribuer à la vie de la société sans perdre leur estime et leur confiance en soi. Cela aidera les pays d’accueil à trouver une solution à leurs problèmes. Ces enfants choisiront peut-être de faire de ce pays d’accueil leur patrie.

La proposition du paragraphe 6 du projet de résolution est particulièrement intéressante. J’appelle votre attention sur les points 6.3 et 6.12 où il est indiqué que les États doivent s’engager à mobiliser des ressources destinées à former les enseignants et à soutenir leur action. Le temps et les ressources que les États membres investiront en termes d’enseignement apporteront le soutien le plus précieux à ces enfants tout au long de leur éducation.

Je voudrais de nouveau saluer le travail de l’Institution écossaise pour l’éducation, qui s’efforce de former ses membres. Cette institution dont je suis membre a organisé des conférences au sujet de l’enseignement pour les enfants issus des communautés migrantes et réfugiées, concernant tous les niveaux, de la maternelle au secondaire.

J’appellerai aussi votre attention sur le point 6.4 du rapport, qui invite à ne pas établir de distinction dans l’accès à l’éducation fondées sur le statut d’asile. Un enfant qui arrive sur le territoire d’un pays reste un enfant. L’État concerné a l’obligation de s’occuper de lui, de le protéger et de l’éduquer. Rien ne doit entraver cette démarche.

Nous célébrons cette année le 20e anniversaire de la semaine des réfugiés au Royaume-Uni. C’est l’occasion de rendre hommage au travail des organisations bénévoles qui font tant. Il est juste et opportun que ce rapport nous soit soumis aujourd’hui. Qu’il soit le symbole de la sincérité de notre Assemblée! Nous transmettons ce message de façon unanime. Il met en avant les valeurs de l’éducation, il indique les défis auxquels sont confrontés les enfants migrants. Ce rapport va nous permettre d’autonomiser ces enfants, leur ouvrant les portes d’un avenir beaucoup plus radieux.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je souhaite féliciter Mme De Sutter pour l’immense travail qu’elle mène à bien et la remercier pour aborder tous ces thèmes. En tant qu’homme politique, j’ai conscience que s’il est un thème important pour le développement de toute société, c’est bien celui de l’éducation. L’éducation, c’est l’avenir. L’éducation, c’est l’espoir. Puisque l’éducation, c’est l’espoir et l’avenir pour les membres de notre communauté, comment ne pourrait-elle pas l’être pour tous ces petits garçons, toutes ces petites filles qui arrivent chez nous en quête d’un avenir meilleur?

Nombre d’intervenants ont souligné l’importance de l’apprentissage pour tous ces jeunes. C’est bien le cas, mais le plus important en matière d’éducation, dès lors qu’il s’agit de transmettre quelque chose à ces jeunes, ce sont les valeurs. Il est particulièrement important de se pencher sur le point 9. À l’instar d’un de nos collègues, j’avais du mal à comprendre ce que pouvait être une approche fondée sur le genre, mais nous revenons à un élément fondamental. La question du genre nous ramène à la démocratie. L’égalité dans notre société, et je ne parle pas ici d’endoctrinement, est une valeur intrinsèque à nos démocraties.

Tant que nous ne parviendrons pas à une totale égalité entre les genres, nous n’aurons pas de véritable démocratie mais ne ferons que viser à la démocratie. Par conséquent, il était important que ce point apparaisse dans le rapport parce que les valeurs que nous devons transmettre sont celles qui vont permettre à ces enfants de trouver leur place dans les sociétés dans lesquelles ils arrivent.

Un de nos collègues a considéré que ceux qui n’avaient pas obtenu l’asile n’avaient qu’à rentrer chez eux. À cela, je réponds par la Directive 2001/55/CE relative aux normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire, qui vaut dans l’attente de l’obtention d’un statut définitif. Dans son article 14, au point 1, il est indiqué que «Les États membres accordent aux bénéficiaires de la protection temporaire âgés de moins de dix-huit ans l’accès au système éducatif dans les mêmes conditions que pour les ressortissants de l’État membre d’accueil.»

Nous devons donc légiférer et donner aux professionnels les moyens dont ils ont besoin – à savoir la formation, la sensibilisation à l’importance de cette question et le soutien nécessaire – pour surmonter les difficultés auxquelles sont confrontés ces jeunes qui arrivent dans un monde qui leur est totalement inconnu afin qu’ils puissent pleinement se tourner vers leur avenir. Je vous invite à réfléchir à ceci: imaginez que l’un d’entre nous se retrouve dans une situation similaire et que nous ayons à nous rendre dans un pays inconnu dont nous ne parlons même pas la langue, ne pensez-vous pas que ce serait juste que nous puissions faire un choix? N’aurions-nous pas le droit que l’on nous enseigne la langue, les valeurs et les savoirs sur lesquels s’appuie cette société? Chacun doit pouvoir construire son avenir par la socialisation au sein de cette communauté d’accueil.

Permettez-moi à nouveau de vous féliciter, Madame, de ce travail que vous menez sans relâche au sein du Conseil de l’Europe, et du rapport que vous nous soumettez.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure* – J’ai écouté avec une grande attention le débat et les différents arguments développés par les uns et les autres. Je souhaiterais m’exprimer bien plus longuement, mais je limiterai bien sûr, Monsieur le Président, ma réponse aux 3 minutes qui me sont imparties.

Certains collègues ont parlé de l’importance des établissements préscolaires et de l’âge préscolaire pour les enfants dont nous parlons, estimant que cet aspect n’était pas suffisamment évoqué dans le rapport. Il est vrai en tout cas qu’il est important que les écoles soient sanctuarisées, et tout cela figure dans le rapport.

Nous avons entendu plusieurs exemples de bonnes pratiques. Je remercie M. Psychogios qui nous a expliqué en détail le système grec pour l’accueil des enfants migrants. Nous en avions déjà discuté, mais il était trop tard pour l’intégrer dans le rapport. Je le remercie d’en avoir parlé ici. D’autres exemples venant de la Serbie, de la France, du Royaume-Uni, de la Hongrie et du Liechtenstein ont également été fort intéressants.

Je souhaite revenir sur des points soulevés par MM. Davies et Howell. Je comprends le sens de leurs interventions, mais je n’ai pas voulu mélanger la question des migrations, et ce que l’on peut en penser, avec le droit des enfants d’avoir accès à l’éducation, quels que soient le statut ou les choix de leurs parents.

J’ai effectivement utilisé l’exemple de Calais, et je m’en tiens à ce choix, mais cela n’a rien à voir avec ce que disait M. Davies. Nous ne devons pas tout mélanger, nous ne pouvons retirer des droits à un groupe d’enfants parce que nous n’apprécions guère ce que font leurs parents à cause de notre position sur l’immigration.

Monsieur Ghiletchi, je me dois de répondre à vos remarques. Je comprends votre point de vue et je vous propose d’en discuter autour d’un café mais, pour ce qui est de ce rapport, lorsque nous parlons d’éducation sensible à la dimension de genre, il ne s’agit absolument pas de promouvoir une idéologie. Nous vivons dans une société où la liberté de culte est respectée. Vous avez entendu les autres interventions de ce débat et comprenez que nous parlons de tout à fait autre chose.

Vous serez d’accord, je pense, pour reconnaître que l’égalité entre les hommes et les femmes est une valeur importante que nous défendons ici. C’est de cette valeur que nous parlons. Si, venu d’une culture où l’égalité entre les hommes et les femmes n’est absolument pas une réalité, vous arrivez dans un pays où elle fait partie des priorités, vous allez subir un choc culturel. Il existe de la violence ou de la discrimination fondées sur le genre. Je comprends que l’on dise que ces réfugiés, ces enfants, ces adolescents, ces adultes viennent d’un contexte culturel différent, mais l’on ne peut tolérer certains comportements. C’est à l’école que nous devons commencer à éduquer les enfants et expliquer comment les hommes et les enfants doivent se comporter. Cela doit se faire en toute indépendance, quoi que vous pensiez des relations entre les hommes et les femmes, et de l’idéologie qui pourrait être derrière et même si nous ne sommes probablement pas d’accord à ce sujet.

J’aimerais également revenir sur les arguments présentés par M. Davies qui s’est exprimé de manière très ferme s’agissant de l’éducation sensible à la dimension de genre. Il a parlé d’antisémitisme, de comportements anti-LGBT, opposés à l’égalité des genres. Tout cela est important, si nous voulons éviter les chocs culturels et si nous voulons œuvrer pour l’intégration de ces enfants qui, s’ils restent sur nos territoires, grandiront et deviendront des adolescents et des adultes de nos sociétés.

Pour revenir au sentiment religieux et à la question de la radicalisation, bien évidemment, nous sommes pour la liberté de culte et acceptons ces enfants et adultes réfugiés qui arrivent dans nos sociétés. Mais jamais nous ne leur permettrons de glisser vers la radicalisation. Nous pouvons accepter des divergences de vue, mais nous ne saurions accepter la violence ou la discrimination fondée sur le genre. C’est la raison pour laquelle le paragraphe 9 est d’après moi, et d’après de nombreux autres collègues, un paragraphe important.

En tout cas, je vous remercie, Monsieur Ghiletchi, d’apporter votre soutien à ce rapport, malgré vos critiques.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – Un enfant migrant, quel que soit son statut ou le statut de ses parents, reste avant tout un enfant. L’enfance puis l’adolescence sont normalement des moments privilégiés de la vie, une période de découverte, d’émerveillements et de socialisation, le tout dans un cocon familial aimant et protecteur.

Cet idéal n’est malheureusement pas la règle, même chez nous. Les enfants migrants risquent tout particulièrement, vu le contexte souvent difficile de l’existence de leur famille, de ne pas bénéficier de ces conditions idéales pour se construire et s’épanouir. N’oublions pas non plus leur passé, les traumatismes subis, les plaies qu’ils conservent en silence au plus profond de leur âme; ils ont connu la guerre, vu la mort, subi les privations, assisté impuissants à la souffrance de leurs proches, parfois vécu la promiscuité et la terreur dans une frêle embarcation perdue au milieu des mers. Lorsqu’ils arrivent dans leur pays hôte, cela fait des mois, parfois des années qu’ils n’ont plus connu les bancs d’une école.

Or que nous apprend l’excellent rapport de Mme De Sutter? Que près d’un enfant migrant sur deux dans le monde n’est pas scolarisé. Pourtant, la scolarisation est essentielle pour tous ces enfants: pour réapprendre à vivre une vie d’enfant, tout simplement – jouer dans l’insouciance et la joie –; pour apprendre la langue du pays hôte; pour s’intégrer et jeter les bases d’une formation future, le sésame de leur avenir.

Le rapport de Mme De Sutter a été très favorablement accueilli au sein de la commission, qui vous demande unanimement de soutenir ce texte; pour preuve, aucun amendement n’a été déposé. Nous tenons à féliciter Mme De Sutter et à remercier le secrétariat de la commission, qui, une fois de plus, a fait un excellent travail. Merci à tous pour votre soutien.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc procéder directement au vote sur ce projet contenu dans le Doc. 14524.

Le projet de résolution est adopté (29 voix pour, 1 voix contre et 0 abstention).

M. Nicoletti, Président de l’Assemblée, remplace M. Nick au fauteuil présidentiel.

3. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons maintenant au rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente.

Au cours de sa réunion de ce matin, le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée la saisine de commissions. Un document récapitulant ces saisines a été mis en distribution (Doc. 14529, Addendum 3).

Ces saisines doivent être soumises à la ratification de l’Assemblée, aux termes de l’article 26.3 du Règlement.

Ces saisines sont approuvées.

LE PRÉSIDENT* – Nous devons maintenant nous prononcer sur les autres propositions du Bureau figurant dans son rapport d’activité (Doc. 14529, Addendum 3).

Les autres propositions sont approuvées.

4. Palmarès des meilleurs votants

LE PRÉSIDENT* – J’ai le plaisir de vous présenter maintenant le palmarès des membres ayant participé à tous les votes durant cette partie de session.

Le seul parlementaire remplissant cette condition est M. Ghiletchi.

Cher collègue, je vous félicite. Comme le veut la tradition, nous allons vous remettre un petit présent.

5. Clôture de la deuxième partie de la Session ordinaire de 2018

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de nos travaux. Je remercie ceux d’entre vous qui sont encore ici, ainsi que tous les rapporteurs et présidents des commissions, qui ont accompli un travail considérable.

Je tiens également à remercier tous les Vice-Présidents qui ont contribué au bon déroulement de nos séances : M. Amon, Sir Roger Gale, M. Jonas Gunnarsson, Mme Kyriakides, M. Nick, M. O’Reilly et Mme Trisse.

Mes remerciements vont également à l’ensemble du personnel et aux interprètes, permanents et temporaires, qui travaillent très dur pour contribuer au succès des sessions.

J’informe l’Assemblée que la troisième partie de la Session ordinaire se tiendra du 25 au 29 juin 2018.

Je déclare close la deuxième partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour 2018.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 25.

SOMMAIRE

1. La tuberculose pharmaco-résistante en Europe

Présentation par M. Kiral du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14525)

Orateurs: M. Fridez, Dame Cheryl Gillan, Mme de Bruijn-Wezeman, M. Hunko, Mme Schou, Baroness Massey, MM. David Davies, Nissinen, Amraoui, Ghiletchi

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution amendé

2. L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire

Présentation par Mme De Sutter du rapport de la commission des migrations (Doc. 14524)

Orateurs: MM. Howell, Comte, Psychogios, Mme Filipovski, M. Ghiletchi, Mme Ohlsson, Baroness Massey, Mme Bartos, M. David Davies, Mme Eberle-Strub, MM. Kern, Whitfield, Bildaratz

Réponse de Mme la rapporteure et de M. Fridez vice-président de la commission des migrations

Vote sur un projet de résolution

3. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

4. Palmarès des meilleurs votants

5. Clôture de la deuxième partie de la Session ordinaire de 2018

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ALEKSANDROV, Nikolay [Mr] (BOGDANOV, Krasimir [Mr])

BAKUN, Wojciech [Mr] (JAKUBIAK, Marek [Mr])

BARTOS, Mónika [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BENEŠIK, Ondřej [Mr]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BERNHARD, Marc [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

COMTE, Raphaël [M.] (FIALA, Doris [Mme])

CORSINI, Paolo [Mr]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DAVIES, David [Mr] (ECCLES, Diana [Lady])

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAILLOT, Albane [Mme]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTOLIN, André [M.] (LOUIS, Alexandra [Mme])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GRIN, Jean-Pierre [M.] (HEER, Alfred [Mr])

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAIDER, Roman [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (MARSCHALL, Matern von [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JENIŠTA, Luděk [Mr]

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KOPŘIVA, František [Mr]

LACROIX, Christophe [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MÜLLER, Thomas [Mr]

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

OSUCH, Jacek [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

PALLARÉS, Judith [Ms] (NAUDI ZAMORA, Víctor [M.])

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

SUTTER, Petra De [Ms] (VERCAMER, Stefaan [M.])

THIÉRY, Damien [M.]

VALENTA, Jiři [Mr] (STANĚK, Pavel [Mr])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VOGEL, Volkmar [Mr]

WENAWESER, Christoph [Mr]

WHITFIELD, Martin [Mr] (SHARMA, Virendra [Mr])

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ANTL, Miroslav [M.]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr]

Observers / Observateurs

DOWNE, Percy [Mr]

O’CONNELL, Jennifer [Ms]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

AMRAOUI, Allal [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan