DISCOURS D’OUVERTURE

DE M. MEVLÜT ÇAVUŞOĞLU

PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE PARLIAMENTAIRE

PARTIE DE SESSION DE JUIN 2010

(Strasbourg, lundi 21 juin 2010, 11h30)


Chers collègues

Mesdames et Messieurs,

J’ai le grand plaisir de vous accueillir une fois encore à Strasbourg. Depuis notre dernière partie de session, deux mois à peine se sont écoulés ; cela peut paraître court mais ces deux mois ont été riches en évènements.

Cette semaine, nous allons accueillir parmi nous trois Chefs d’État et de gouvernement de l’Ouest des Balkans – le Président de la Croatie, le Premier Ministre du Monténégro et le Président de l’ex-République yougoslave de Macédoine. J’y vois un symbole du premier semestre de mon mandat, au cours duquel l’Assemblée a accordé une si grande attention à cette région – nous avons tenu des débats sur la situation en Albanie et en Bosnie-Herzégovine, nous avons discuté du rapport de suivi concernant le Monténégro et, durant cette partie de session, nous allons discuter de la situation au Kosovo. Je me suis rendu dans la région à plusieurs reprises, et j’ai eu des rencontres aussi intéressantes qu’enrichissantes avec ses dirigeants.

La partie la plus visible de cette « dimension balkanique du Conseil de l’Europe » est à l’évidence la présidence du Comité des Ministres assurée actuellement par l’ex-République yougoslave de Macédoine. En mai dernier, à Skopje, l’Assemblée a tenu des réunions très fructueuses. Nous avons félicité les autorités pour le programme de leur présidence, et l'importance qu'elles y attachent. Pour ce qui est des relations entre l’Assemblée et le Comité des Ministres, je suis sûr que la coopération très positive entre le Comité des Ministres et l’Assemblée, développée durant les présidences antérieures, sera encore consolidée sous celle de mon ami le ministre des Affaires étrangères Miloshoski.

Je saisis cette occasion pour dire à nos amis des pays des Balkans : nous sommes fiers des progrès que vous avez faits pour transformer vos pays en conformité avec les principes du Conseil de l’Europe, nous sommes prêts à vous aider encore plus dans ce processus et nous soutenons avec détermination vos efforts pour adhérer le plus vite possible à l’Union européenne.

Chers amis,

Comme vous le savez, j’attache une grande importance au dialogue interreligieux et interculturel. C’est pourquoi j’ai participé à la réunion de l’Alliance des Civilisations organisée à Rio de Janeiro en mai. Je suis très heureux que la contribution du Conseil de l’Europe à ce processus soit très appréciée au niveau des Nations Unies et j’estime que nous devrions saisir cette opportunité et intensifier notre partenariat avec l’Alliance des Civilisations. Comme je l’ai déclaré à Rio, j’aimerais utiliser le forum sans équivalent qu’est notre Assemblée pour organiser l’an prochain à Strasbourg avec les Premiers Ministres de l’Espagne et de la Turquie, à l’origine de cette initiative, un débat auquel participeraient différents responsables religieux.

A cet égard, j’attends avec grand intérêt notre débat sur le rapport « Islam, islamisme et islamophobie en Europe » au programme mercredi. Ce débat ne sera pas facile, mais je suis convaincu qu'il produira les bons résultats.

Mesdames et Messieurs,

Cette semaine, nous allons tenir notre débat – qui est déjà devenu une tradition - sur l'état de la démocratie en Europe. Ce débat vient à point nommé - dans bon nombre de pays européens, après le premier choc de la crise économique et financière, nous commençons à ressentir, et à craindre, les conséquences que cette crise peut avoir sur le fonctionnement de nos systèmes démocratiques.

Les conclusions de notre Conférence européenne des Présidents de parlements, organisée à Limassol il y a tout juste deux semaines, reposaient sur ce même constat. Cette conférence, qui a réuni quelque 300 participants, a été à mes yeux l'une des plus réussies à avoir jamais été organisée dans ce cadre. Je voudrais remercier le Parlement chypriote et son Président pour les excellentes conditions de travail qu'ils nous ont assurées et l’hospitalité qu’ils nous ont prodiguée.

La Conférence s’est focalisée sur les droits et responsabilités de l’opposition dans un parlement et sur le rôle des parlements nationaux dans la mise en œuvre du principe de non-discrimination.

Dans nos conclusions, le Président Garoyian et moi-même avons souligné qu’au moment où les démocraties européennes sont confrontées à un très grand nombre de défis - notamment l’impact de la crise économique -, il est extrêmement important que toutes les forces politiques fassent preuve du sens des responsabilités et aient le courage politique de soutenir des choix impopulaires.

Nous avons tout spécialement souligné le risque que certains groupes défavorisés soient encore plus fragilisés et le danger d'une montée de l'intolérance et de la discrimination. Ce sont là les problèmes qui sont au cœur de nos systèmes politiques - la démocratie doit exister pour tous, ou alors nous n’avons pas de véritable démocratie.

Chers amis,

Comme vous le savez, l'une de mes principales priorités en tant que Président consiste à promouvoir les valeurs du Conseil de l'Europe dans les États non membres. Quand je parle de promouvoir, j'entends aussi défendre, en particulier lorsque le danger s’aggrave dans des pays qui ont le statut d'observateur.

A cet égard, le raid israélien contre des navires civils apportant de l’aide humanitaire à Gaza, au cours duquel neuf personnes ont perdu la vie, m’a profondément choqué. Immédiatement après cet évènement tragique, j’ai prononcé une déclaration dans laquelle je condamnais cette action des forces israéliennes et déplorais l’usage disproportionné de la force. Rien ne saurait justifier que l’on prenne pour cible des personnes menant des activités humanitaires et pacifiques ; c’est là un acte contraire aux valeurs du Conseil de l'Europe. La demande pour un débat d'urgence sur le Proche-Orient a été soutenue ce matin par le Bureau et nous aurons donc sans doute une opportunité d’adopter une position de l’Assemblée sur ce sujet.

Deuxièmement, vous savez combien je suis attaché aux principes de tolérance et de non discrimination. Il est donc de mon devoir de joindre ma voix à toutes celles qui critiquent la loi sur l'immigration récemment adoptée en Arizona qui charge la police de contrôler si des personnes suspectes sont en situation régulière ou non, ce qui ne laisse pas de rappeler le "délit de faciès" de sinistre mémoire. Je me réjouis que beaucoup d’autres, y compris le Président Obama, aient également critiqué cette loi. Je vous demande instamment de rester unis contre de telles mesures, qui ont peut-être l’apparence formelle d’une loi mais n’en sont pas moins condamnables sur le plan moral. A certains égards, bien qu’il soit géographiquement éloigné, l’Arizona pourrait être plus proche de nous qu’il n’y paraît.

Enfin, je dois évoquer la crise humanitaire au Kirghizistan où des tensions ethniques, instrumentalisées à des fins politiques, ont fait des centaines de victimes et des milliers de réfugiés et personnes déplacées. Le Conseil de l’Europe n’est pas équipé pour traiter ce type de situation d’urgence, mais ne devrions-nous pas être plus proactifs avant qu’elles ne se produisent ? Ne devrions-nous pas mettre à profit plus généreusement notre statut de partenaire pour la démocratie et le proposer à des pays qui ne sont peut-être pas encore parvenus au niveau de nos normes mais où notre implication pourrait faire une réelle différence et sauver des vies ?

Une fois encore, je suis heureux de vous voir tous dans notre hémicycle, prêts à agir pendant cette semaine de session. Je vous encourage à ne pas relâcher vos efforts ; après tout, la coupure estivale est proche et je saisis cette occasion pour vous souhaiter de passer de bonnes vacances reposantes.

Je vous remercie de votre attention.