23.01.06

M. VAN DER LINDEN,

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE,

PARTIE DE SESSION DE JANVIER 2006

DISCOURS D’OUVERTURE

(Strasbourg, lundi 23 janvier 2006, 15 heures)

Je suis heureux de vous revoir à Strasbourg et vous adresse, ainsi qu’à votre famille, mes meilleurs vœux pour 2006. Que la nouvelle année vous apporte les succès escomptés dans votre vie politique et les réponses aux attentes de vos électeurs !

Je vous remercie également de la confiance que vous m’avez tous témoignée en me reconduisant dans mes fonctions. Soyez assurés que je continuerai à promouvoir les intérêts du Conseil de l'Europe, tout en veillant à répondre aux besoins de nos citoyens.

Avant de commencer mon discours, permettez-moi de rendre hommage à Ibrahim Rugova, Président du Kosovo, décédé ce week-end. Son énergie, son expérience politique et son attachement aux valeurs européennes nous auraient été précieux dans l'année à venir qui sera déterminante pour l'avenir du Kosovo. Notre Assemblée continuera à soutenir tous ceux et celles pour qui les négociations sur le statut futur du Kosovo ne sauraient être fondées que sur la non-violence.

C’est une fois de plus une semaine très chargée qui nous attend, elle sera éprouvante, mais elle sera surtout éclairante. Nous avons, en effet, une occasion exceptionnelle de montrer la véritable valeur de l’Assemblée parlementaire.

Elle représente un trait d’union entre les politiques nationales et le processus d’intégration européenne dont la force réside dans un engagement commun en faveur de nos valeurs partagées que sont la démocratie, les droits de l'homme et l’Etat de droit.

Notre débat sur l’existence présumée de centres de détention secrets suscite un vif intérêt au niveau mondial. Nous sommes, à n’en pas douter, l’Organisation la mieux placée pour mener cette enquête.

Seule l’Assemblée est juridiquement fondée à se consacrer expressément à la promotion du respect des droits de l'homme et de l’Etat de droit, principes sur lesquels repose notre recherche d’informations. Seule l’Assemblée rassemble des représentants politiques de toute l’Europe. Seule l’Assemblée se compose de députés nationaux et peut, par conséquent, soutenir et coordonner les enquêtes nationales.

Nous avons été la première instance politique à réagir. Nous avons, par nos interventions, fait en sorte que la question devienne une préoccupation majeure et contribué à sensibiliser l’opinion internationale. Nous avons bénéficié du soutien des médias internationaux et des ONG, ce qui tend à montrer l’importance de notre contribution. Notre action a abouti à des questions et enquêtes dans les parlements nationaux. Je vous encourage tous à continuer d’agir chez vous pour découvrir la vérité de cette affaire.

Nous ne pouvons accepter le recours à ces méthodes dans la lutte contre le terrorisme. L’objet de cette lutte n’est pas d’affaiblir, mais de défendre nos valeurs. Combattre le terrorisme est une priorité absolue. C’est un combat commun, pour la défense d’intérêts communs. Mais il faut que tous nos partenaires respectent l’Etat de droit international.

J’applaudis par conséquent à la position ancrée dans ces principes du Chancelier Merkel reprochant les pratiques de détention illégales à Guantanamo.

Le but de notre rapport devrait être de mettre en place des garanties contre la survenue de telles pratiques dans l’avenir. Il importe de renforcer le contrôle démocratique, pour veiller à ce que les gouvernements n’enfreignent pas les règles par le biais, par exemple, de principes directeurs sur le renforcement des mécanismes et procédures parlementaires.

Je me réjouis que le Parlement européen réagisse aussi aux allégations. Je lui sais gré en particulier de son soutien politique qui souligne l’importance et l’impérieuse nécessité de nos enquêtes.

Mesdames, Messieurs, chers collègues,

En 2005, le Conseil de l'Europe a imprimé un nouvel élan au processus de réflexion et de discussion sur nos relations avec l’Union européenne. Le Sommet de Varsovie aura marqué à cet égard le début d’une étape importante. Je suis fier de constater que c’est, en grande partie, grâce aux efforts de l’Assemblée parlementaire.

En réaffirmant l’importance des activités fondamentales du Conseil que sont la promotion et la protection de la démocratie, des droits de l'homme et de l’Etat de droit, le Sommet a excellemment et opportunément rappelé à chacun la valeur ajoutée qu’apporte notre Organisation, grâce à son expérience et à ses compétences, dans ces domaines essentiels.

Depuis lors, l’Assemblée s’est beaucoup préoccupée de questions comme la proposition de création, par l’Union européenne, d’une Agence des droits fondamentaux. Le projet de la Commission est inacceptable. S’il faut une agence, elle doit avoir pour tâche de recueillir et d’analyser des informations en coopération avec le Conseil de l'Europe. Elle ne saurait traiter avec des pays tiers ou faire double emploi avec le rôle fondamental du Conseil de l'Europe dans les relations avec la société civile.

Autrement, cette initiative engendrera le risque d’avoir deux poids deux mesures et de nouveaux clivages. Ce qui saperait l’ensemble du système de protection des droits de l'homme et conduirait à un gaspillage de fonds publics.

Nous devons rester vigilants et veiller à ce que notre message soit bien entendu.

J’incite vivement nos collègues des Etats membres de l’Union européenne à encourager leurs parlements nationaux respectifs à prendre fermement position.

Nos préoccupations concernant l’agence valent également pour la politique de voisinage de l’Union européenne. Il ne faut pas qu’elle se développe de telle sorte qu’elle compromette l’action que mène le Conseil de l'Europe pour promouvoir le respect et principes fondamentaux de notre Organisation sur tout le continent. Il faut, en particulier, que les rapports de notre Commission de suivi gardent toute leur importance.

La semaine dernière le Parlement européen a adopté une résolution sur la politique de voisinage, dans lequel il demande, et je m’en félicite, je cite, « le renforcement et le développement du Conseil de l'Europe pour qu’il devienne le principal forum paneuropéen de coopération, notamment en ce qui concerne le respect et la mise en œuvre de la démocratie et des conventions de droits de l'homme et qu’il puisse être confié de nouvelles tâches à cette Organisation démocratique active et efficace ».

Dans ce contexte, nous attendons avec intérêt la publication, au printemps prochain, du rapport du Premier ministre, M. Juncker, sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne. Au vu des conclusions du Sommet, les chefs d’Etat et de gouvernement ont pris une très sage décision en demandant de faire rapport sur cette question à l’un des hommes d’Etat parmi les plus respectés d’Europe.

L’Assemblée communiquera prochainement sa position à M. Juncker qui a accepté mon invitation de s’adresser à la Commission permanente, lorsqu’elle se réunira le 17 mars, à Paris. En outre, le Comité des Ministres devrait nous consulter lorsqu’il entreprendra ses travaux sur l’accord avec l’Union européenne.

La présidence roumaine a récemment distribué au Comité des Ministres, mais pas à l’Assemblée, un projet de mémorandum d’accord. Le document a été établi par la présidence britannique de l’Union européenne en collaboration avec la Commission. Je réitère la demande de l’Assemblée, que les travaux sur l’accord ne commencent pas avant que M. Juncker ait présenté son rapport. Et que dans l’intervalle, rien ne soit fait qui puisse compromettre ses travaux. En outre, l’Assemblée et le Parlement européen doivent y être pleinement associés.

Il est appréciable que les dirigeants des deux Etats qui adhèreront prochainement à l’Union européenne, la Roumanie et la Bulgarie, s’adressent à notre Assemblée. Dans le cas de la Roumanie, non seulement le ministre des Affaires étrangères en sa qualité de Président du Comité des Ministres, mais aussi son Président, seront présents. On voit par là que l’élargissement de l’Union européenne n’est possible qu’en respectant les normes du Conseil de l'Europe.

L’Assemblée place de grandes attentes dans la présidence roumaine. En raison de son histoire et de sa situation géopolitique, la Roumanie est bien placée pour œuvrer au règlement de conflits et à la démocratisation dans les Balkans, en Europe du Sud-est et dans le Caucase. Nous attendons également de la Roumanie qu’elle mette en œuvre les décisions prises au Sommet de Varsovie.

2006 sera aussi une année importante en raison de la présidence russe du Comité des Ministres. Ce sera la première fois que la Russie présidera une institution européenne. Ce sera la preuve que la Russie n’est pas simplement un Etat voisin de l’Europe, mais qu’elle en fait partie, que son avenir réside dans la coopération, à travers un partenariat fondé sur l’égalité et que l’Europe a besoin d’une relation stable et positive avec le pays le plus vaste et le plus peuplé du continent.

Notre débat sur la réponse du Comité des Ministres aux recommandations de l’Assemblée concernant la Tchétchénie montre que nous continuerons à prendre une position ferme, ancrée dans nos principes. En même temps, nous devons rester constructifs, compréhensifs et coopératifs.

L’année qui commence sera également importante pour le Bélarus. En rejetant nos valeurs communes, les dirigeants politiques de ce malheureux pays ont exclu le Bélarus de notre maison de la démocratie. Les faits récents ne font qu’ajouter à notre inquiétude.

Nous ne devons pas laisser le gouvernement du Président Loukatchenko persévérer dans sa folle conduite en vase clos. Nous devons, en particulier, continuer de soutenir ceux qui œuvrent au développement de la démocratie au Bélarus.

En 2005, j’ai inscrit le dialogue interculturel et interreligieux au nombre des activités prioritaires de l’Assemblée. Des événements comme la communication de M. Ihsanoglu et l’occasion qu’elle a fournie d’entrer dans le débat ont bien auguré de cette initiative. Il est, néanmoins, essentiel que nous avancions à présent avec une plus grande détermination.

Nous ne pouvons le faire que si nous engageons le dialogue avec la société civile européenne. Cette semaine, je rencontrerai les membres de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l'Europe.

Mesdames, Messieurs, chers collègues,

Notre mandat comporte de nombreux domaines dans lesquels nous pouvons apporter une contribution réellement précieuse. Avec le concours des groupes politiques, des commissions et des délégations nationales, je m’emploie à rationaliser les activités de l’Assemblée.

J’ai demandé à toutes les commissions de l’Assemblée de définir leurs priorités pour 2006. Pour être efficaces, nous devons axer nos travaux sur les questions qui revêtent véritablement de l’importance pour nos concitoyens et faire preuve de confiance, d’imagination et de courage. Il ne faudrait pas avoir à rappeler aux Européens l’importance et la valeur d’une Assemblée comme la nôtre : sachons utiliser nos ressources de manière à combler les attentes de l’opinion publique !

Avant de conclure, je me dois d’apporter une réponse à un problème apparu ces dernières semaines qui remet directement en cause les valeurs de notre Organisation.

A la même période l’année dernière, à l’occasion du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz, nous avons solennellement commémoré les victimes de l’holocauste. Les tentatives du Président de la République Iranienne de contester la vérité des faits sont absolument inadmissibles. A l’approche du 61e anniversaire, je vous invite, chers collègues, à réfléchir à cette tragédie historique qu’il ne faudra jamais oublier. Il faudra, au contraire, redoubler d’efforts pour faire en sorte qu’elle ne puisse jamais plus se reproduire.

Mesdames, Messieurs, chers collègues,

Je voudrais rappeler enfin aux membres de l’Assemblée que cette session sera la dernière pour Bruno Haller en qualité de Secrétaire Général de l’Assemblée. En témoignage du respect que nous inspire la remarquable contribution de Monsieur Haller à nos travaux, le Bureau est convenu, à titre exceptionnel, de lui donner l’occasion de s’adresser à l’Assemblée au cours du débat de cet après-midi sur le rapport d’activités du Bureau.