Madame la Présidente,
Mesdames les Présidentes et Messieurs les Présidents des Parlements,
Monsieur l'Adjoint au Secrétaire général des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mes chères et chers collègues,
C'est un honneur de m'adresser à vous à l'ouverture de cette conférence internationale coorganisée par l'Assemblée interparlementaire de la Communauté des Etats indépendants et plusieurs autres Assemblées parlementaires, notamment l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
C'est aussi un plaisir de revenir à Saint-Pétersbourg et de pouvoir m'exprimer à cette tribune du magnifique Hémicycle du Palais Tavritcheskii, berceau du parlementarisme russe. Permettez-moi donc d'emblée de remercier Madame Valentina Matvienko, Présidente du Conseil de la Fédération du Parlement russe, et Présidente de l'Assemblée interparlementaire de la CEI, pour son hospitalité et l'excellente organisation de cette conférence.
Mesdames et Messieurs,
Le terrorisme international, ainsi que l'extrémisme violent et la radicalisation, sont un danger global pour les sociétés démocratiques. Pour y répondre, nous devons toutes et tous unir nos forces. Par conséquent, la coopération internationale et interparlementaire est plus que jamais nécessaire et je me réjouis tout particulièrement de pouvoir participer à cette conférence interparlementaire.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que Présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, la plus large et la plus ancienne organisation pan-européenne, qui a pour objectif de protéger les droits et les libertés fondamentales de 830 millions de citoyennes et de citoyens européens.
Comme vous le savez, les questions de défense et de sécurité au sens strict (dite « sécurité dure ») sont expressément exclues des compétences de notre Organisation. Toutefois, cela ne veut absolument pas dire que nous n'avons pas un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme. Bien au contraire ! Notre rôle principal est celui de faciliter la coopération internationale dans le domaine juridique ainsi que de mettre en place des mesures de prévention du terrorisme et de l'extrémisme violent qui en est à l'origine.
Le premier thème – la coopération juridique – sera approfondi par M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général des Droits de l'Homme au Conseil de l'Europe. En effet, le Conseil de l'Europe et notre Assemblée ont développé de nombreux outils juridiques dans ce domaine, dont la Convention pour la prévention du terrorisme et son Protocol additionnel, mais ont aussi adopté de nombreux rapports et de nombreuse Résolutions de notre Assemblée. L'objectif de ces instruments juridiques est d'assurer que toutes les mesures prises pour lutter contre le terrorisme soient conformes aux obligations des Etats membres en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Pour ma part, je vais me concentrer sur les mesures de prévention, notamment le contre-discours face au terrorisme, puisque les parlementaires que nous sommes ont un rôle particulièrement important à jouer dans ce domaine.
Mesdames et Messieurs,
« La réponse apportée jusqu'ici par la communauté internationale face au terrorisme a principalement pris la forme de mesures fondées sur la sécurité. Mais force est de constater que ces mesures n'ont pas suffi à prévenir le phénomène des « combattants étrangers », la radicalisation ou la propagation de l'extrémisme violent, notamment par des terroristes agissant de manière isolée. »
Cette citation, faite par l'Assemblée parlementaire dans son rapport de 2018 sur les contre-discours face au terrorisme, est toujours d'actualité. Il est clair que pour combattre efficacement ce fléau, en plus de mesures juridiques et sécuritaires, nous avons besoin de nouvelles actions sous la forme d'un discours alternatif positif opposé à l'extrémisme.
Ceci est particulièrement vrai alors que les voies et les outils de radicalisation évoluent au fur et à mesure que la technologie progresse. Internet a transformé les moyens qui permettent aux organisations terroristes d'influencer et de radicaliser les individus, en diffusant un discours extrémiste facilement accessible à un large public à l'échelle mondiale.
Pour le contrer, nous avons donc besoin d'agir de façon beaucoup plus proactive et innovante, en ciblant mieux les groupes à risque, en adaptant notre discours aux différentes audiences, en nouant des liens plus forts avec la société civile et les organisations religieuses. Ceci implique un engagement soutenu sur le terrain : nous devons aller vers celles et ceux qui sont les plus susceptibles de tomber dans le piège des discours radicaux.
Qui mieux que les parlementaires pourraient accomplir cette tâche ?
En tant que représentantes et représentants de la plus large assemblée parlementaire pan-européenne, il nous revient la responsabilité toute particulière de défendre les valeurs qui forment le socle de notre « union plus étroite » : la démocratie, les droits humains et l'Etat de droit. Dans nos discours et nos actions, nous devons démontrer que ces valeurs appartiennent pleinement à l'ensemble des citoyennes et des citoyens, car si nous ne les respectons pas, nos sociétés ne peuvent pas se développer de façon optimale et harmonieuse.
Quels sont les outils à notre disposition ?
Permettez-moi d'énumérer 6 mesures identifiées par l'Assemblée, pour mieux structurer les contre-discours face au terrorisme.
Premièrement, nous proposons d'élaborer des stratégies nationales de prévention de la radicalisation, dans les pays où cela n'a pas encore été fait. Cela offre l'avantage d'avoir une approche globale et coordonnée face aux causes et aux origines du terrorisme.
Deuxièmement, en tant que femmes et hommes politiques, nous devons élaborer des discours alternatifs positifs, flexibles et adaptés à la propagande terroriste et à l'extrémisme violent. Ces discours doivent en premier lieu dénoncer les manipulations des dirigeants des groupes terroristes et viser à miner leur autorité, ainsi qu'à souligner le caractère calculé, hypocrite et irrationnel du discours extrémiste violent.
Troisièmement, il est impératif de travailler en priorité avec les communautés et les destinataires ciblés, ainsi qu'avec la société civile, les responsables religieux et les responsables communautaires, en ayant recours à des messagères et des messagers crédibles. Nous pouvons utiliser des exemples : notamment, les témoignages des victimes du terrorisme, ceux des ancien·ne·s terroristes repenti·e·s et les ancien·ne·s détenu·e·s. Nous devons également utiliser tous les médias à notre disposition : la radio, la télévision, la presse écrite, Internet et les réseaux sociaux.
Quatrièmement, - et ceci est particulièrement important – nous devons condamner fermement aussi bien tout recours au discours de haine que celles et ceux qui profèrent et ainsi propagent la haine et la violence. En tant que femmes et hommes politiques, il nous incombe de donner l'exemple : en tombant nous-mêmes dans le piège facile des discours de haine et de division, nous soutenons, même sans le vouloir, le discours des terroristes.
Cinquièmement, nous devons prendre des mesures pour promouvoir une éducation inclusive et assurer que les établissements scolaires jouent pleinement leur rôle dans la formation de citoyennes et de citoyens actifs doté·e·s d'un sens des responsabilités et d'aptitudes à la réflexion critique, et prêt·e·s à vivre dans une société plurielle et à défendre les valeurs de la démocratie. Ceci est très important, car si l'école et l'université ne peuvent pas toujours mettre les jeunes à l'abri des discours extrémistes, elles doivent leur donner des outils efficaces pour en découvrir les dangers et ne pas tomber dans le piège de la radicalisation.
Enfin, sixièmement, nous devons renforcer la coopération internationale grâce à la mise en commun des bonnes pratiques et à l'échange d'informations et notre conférence d'aujourd'hui représente en effet une excellente occasion d'aller dans ce sens.
Bien entendu, cette liste de mesures est loin d'être exhaustive et je me réjouis tout particulièrement d'entendre vos commentaires et vos propositions dans les débats.
Mes chères et chers collègues,
Le terrorisme est une grave menace pour nous et pour nos sociétés démocratiques. Mais, je suis convaincue que nous sommes toutes et tous conscient·e·s de l'enjeu qu'il représente et de nos responsabilités. Le fait d'être réuni·e·s ici pour discuter de la coopération internationale face à ce fléau, confirme notre détermination à contrer le terrorisme. Et si, malheureusement, nous ne pouvons encore l'éradiquer complétement, je suis convaincue qu'en joignant nos efforts, nous sommes capables de mettre en place des mécanismes de prévention en amont, afin de réduire considérablement les risques de la radicalisation et de l'extrémisme violent qui menacent nos sociétés. Ensemble, nous allons réussir, car les valeurs auxquelles nous sommes attaché·e·s – la démocratie, les droits humains et l'Etat de droit – sont plus fortes que l'idéologie réductive et destructrice que propagent les terroristes.
Je vous remercie pour votre attention.