Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,
Dans le Statut du Conseil de l'Europe nous lisons que « la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d'un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation ».
Ces mots n'ont, aujourd'hui encore, rien perdu de leur importance, de leur pertinence et de leur actualité. Les pères fondateurs du Conseil de l'Europe nous ont enseigné que la paix est le socle fondamental pour la protection de toutes les autres valeurs : ni les droits de l'homme, ni la démocratie, ni l'État de droit ne peuvent être défendus en temps de guerre. Construire la paix constitue en ce sens la mission la plus ambitieuse du politique : ni l'économie, ni la religion, ni la culture ne peuvent à elles seules créer la condition propice à la paix.
A l'issue de la Deuxième guerre mondiale, pour faire la paix, l'humanité a choisi la voie du droit, la paix par le droit, selon la célèbre phrase de Hans Kelsen.
Comme il l'a écrit dans Peace through Law, publié en 1944, « la guerre est le meurtre de masse, la honte suprême de notre civilisation, et garantir la paix dans le monde est la mission politique la plus importante qu'il nous incombe de mener […] car aucun progrès social essentiel n'est possible tant que ne sera pas instaurée une organisation internationale qui préviendra effectivement la guerre entre les nations sur cette terre ».
Gardant cette idée à l'esprit, les pères fondateurs du Conseil de l'Europe ont créé notre organisation comme mécanisme multilatéral international destiné à prévenir les guerres sur le continent européen et à permettre aux peuples de l'Europe de vivre ensemble et de coopérer pacifiquement.
Ils ont trouvé le courage de surmonter les désaccords et les différences alimentés par des siècles de confrontations, de soif de suprématie, de revendications territoriales et de guerres civiles, afin de regarder vers l'avenir et de poser les fondations d'une Maison européenne commune bâtie autour de la protection des droits de l'homme selon une norme uniforme pour tous, où le pluralisme et la liberté politique serviraient de garde-fous contre le totalitarisme et la montée du populisme.
Ils étaient convaincus, selon les propos mêmes d'Alcide de Gasperi, « que l'avenir ne se ferait pas par la force, ni par le désir de conquête, mais par l'application patiente de la méthode démocratique, de l'esprit de consensus constructif, et par le respect de la liberté ».
Gardons-nous de sous-estimer aujourd'hui l'importance de ces paroles et de ces idées.
Notre Assemblée n'est pas un « champ de bataille » où s'opposeraient des intérêts nationaux. Au contraire, c'est une tribune permettant de bâtir des ponts entre peuples et entre gouvernements, et où les parlementaires de toute l'Europe défendent le « bien commun ».
Chers collègues,
Chaque fois que nos valeurs sont menacées – que ce soit sur nos territoires ou au-delà de nos frontières –, nous devons nous faire entendre.
Depuis plusieurs années, la guerre en Syrie est constamment au centre de notre attention.
La guerre en Syrie nous concerne tous directement parce que nous ne pouvons pas, au nom de l'universalité des droits de l'homme, rester silencieux lorsque des millions de civils endurent des souffrances inimaginables et subissent les pires atrocités de la guerre moderne, notamment les armes chimiques.
C'est totalement inacceptable.
L'État de droit doit être défendu et les responsables de ces atteintes atroces aux droits de l'homme doivent être traduits en justice.
En même temps, nous devons défendre l'État de droit, mais par des moyens qui respectent le droit international et dans le cadre des mécanismes multilatéraux qui ont été créés d'un commun accord – pour préserver la paix et la sécurité.
Comme l'a récemment déclaré le Secrétaire Général des Nations Unies, lorsqu'il en va de la paix et de la sécurité, les États membres sont tenus d'agir en cohérence avec la Charte des Nations Unies et avec le droit international en général, et c'est au Conseil de Sécurité des Nations Unies qu'incombe au premier chef la responsabilité de préserver la paix et la sécurité au niveau international.
Nous devons garder à l'esprit ces règles fondamentales de droit international et agir en conséquence. Nous devons mobiliser tout le potentiel de la diplomatie pour rechercher une solution politique à ce terrible conflit, car ce n'est que par des moyens politiques qu'une paix durable pourra être restaurée pour les Syriens.
Tous les États membres du Conseil de l'Europe devraient assumer leurs responsabilités internationales à cet égard. Et notre Assemblée devrait aussi apporter sa contribution en réfléchissant aux moyens permettant, dans la situation actuelle, de prévenir et régler des conflits dans et entre États, en restant fidèle à notre idéal de paix par le droit.
Nous ne pouvons accepter l'idée que la force brute est le seul outil pour résoudre les problèmes. Face à un nombre croissant de situations critiques, il nous incombe d'inventer de nouvelles solutions pacifiques. Les citoyens, les ONG, les gouvernements de toute l'Europe nous regardent. Ils attendent de notre Assemblée qu'elle ne se contente pas de condamner verbalement la violence, de se résigner à la Realpolitik ; ce qu'ils attendent de nous, ce sont des paroles de sagesse et d'espérance, ainsi que de l'action.
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Mesdames et Messieurs,
La confiance et la crédibilité sont un préalable important pour le fonctionnement effectif de nos institutions.
Les Européens qui – par le biais de leurs Parlements nationaux – nous ont donné mandat pour siéger à l'Assemblée parlementaire doivent pouvoir avoir confiance dans la force de notre engagement à défendre les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit.
Les États membres doivent avoir confiance dans nos institutions et mécanismes car, en vertu d'accords internationaux, ils ont donné à cette Assemblée d'importants pouvoirs et lui ont conféré le rôle de plateforme parlementaire paneuropéenne de dialogue où la pluralité des points de vue de 830 millions d'Européens est représentée.
A cet égard, nous avons été scandalisés par les allégations de corruption dans nos rangs proférées il y a un peu plus d'un an. Tout en condamnant fermement des pratiques qui ternissent la crédibilité de cette Assemblée, nous avons estimé qu'il était nécessaire de faire toute la lumière sur toutes les allégations de corruption et c'est pourquoi nous sommes allés jusqu'à demander une enquête approfondie et indépendante, confiée à un groupe d'enquête extérieur.
Dans le même temps, nous avons décidé de passer en revue notre propre Règlement et de renforcer considérablement notre code de conduite pour garantir que l'Assemblée se dote de mécanismes effectifs pour prévenir les conflits d'intérêt, en prenant l'avis du Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO).
Vous savez certainement que le Bureau a rencontré hier après-midi les trois membres du Groupe d'enquête extérieur indépendant constitué pour enquêter sur les allégations de corruption portées à l'encontre de certains membres et/ou anciens membres de l'Assemblée et qu'après cette réunion le rapport d'investigation a été rendu public et figure sur le site internet de l'Assemblée.
Vous avez accès à ce rapport, je ne chercherai donc pas à le résumer. Ce que je voudrais cependant faire, est de vous informer des décisions prises par le Bureau hier soir au vu de ce rapport et de ses conclusions. A cet égard, le Bureau a décidé :
- d'inviter les membres de l'Assemblée, actuels et anciens, dont le comportement a été jugé par le groupe d'enquête contraire à l'éthique ou en violation du code de conduite de l'Assemblée, ou qui ont refusé de coopérer avec le groupe d'enquête, à suspendre toutes leurs activités au sein de l'Assemblée avec effet immédiat ;
- d'inviter la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à envisager d'autres actions possibles ;
- d'inviter la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à assurer le suivi approprié aux recommandations pour le cadre déontologique de l'Assemblée formulées dans le rapport.
Je voudrais saisir ici l'opportunité de remercier publiquement les trois membres du Groupe d'enquête, Sir Nicolas Bratza, M. Jean-Louis Bruguière et Mme Elisabet Fura, ainsi que leur secrétariat, pour leur important travail, et je voudrais également remercier tous ceux qui ont coopéré avec le Groupe d'enquête, notamment les parlementaires, les membres du secrétariat, des représentants de la société civile et d'autres.
Chers Collègues,
La corruption n'est pas seulement un usage illégal ou contraire à l'éthique de l'argent ou du pouvoir. Cela peut être bien pire. Elle peut affecter la vie humaine de manière la plus négative qui soit : elle peut prendre des vies. Rappelons-nous les cas de journalistes enquêtant sur la corruption : leur travail d'investigation peut parfois produire des réactions violentes, y compris des pressions psychologiques, agressions physiques, voire même le meurtre. C'est pour cette raison que la corruption doit être considérée comme une maladie potentiellement mortelle.
Lors de la dernière partie de session, j'ai eu l'opportunité de rencontrer ici à Strasbourg les fils de la journaliste maltaise Daphne Caruana. J'ai été impressionné par leur dignité, leur calme, leur détermination à réclamer vérité et justice pour leur mère et pour chacun de ceux qui luttent contre la corruption dans le monde. Ils sont venus à Strasbourg, au Conseil de l'Europe, à notre Assemblée. Ils savaient que nous n'avons pas de super-pouvoirs pour résoudre l'énigme de la mort de leur mère. Ils étaient conscients de nos imperfections, d'autant que nous avons également été accusés de corruption. Néanmoins, ils ont demandé notre soutien ; notre solidarité envers les victimes, pas les auteurs du crime ; ils ont demandé notre engagement à utiliser tous les instruments à notre disposition pour les aider. Je pense que si nous voulons restaurer la confiance des jeunes générations dans les institutions démocratiques, nous leur devons cet engagement. C'est la seule manière pour une société civique et démocratique de louer et d'honorer ceux qui ont faim et soif de justice.
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Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Nous avons une partie de session chargée devant nous, incluant des visites d'importantes personnalités et des débats sur divers rapports traitant de droits de l'homme, le cœur de nos activités. Diverses propositions de débats d'urgence ou d'actualité ont été faites, et nous y viendrons dans quelques minutes.
Pour le moment, permettez-moi de vous souhaiter une partie de session fructueuse et de vous remercier pour votre attention.