Robert
Kocharian
Président de l’Arménie
Discours prononcé devant l'Assemblée
jeudi, 25 janvier 2001
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, l’entrée de l’Arménie dans le IIIe millénaire s’accompagne d’une série d’événements remarquables, qui témoignent de la richesse de son histoire. Cette année, le pays va fêter le 10e anniversaire de son indépendance retrouvée. En faisant nôtres les valeurs de la liberté et de la démocratie, nous nous sommes engagés à transformer notre société. Cette année, nous célébrons également l’une des pages les plus importantes de notre histoire: le 1700e anniversaire de l’adoption, par l’Arménie, du christianisme comme religion d’Etat.
Cette célébration marque la pérennité de nos croyances et de nos valeurs, qui ont survécu à toutes les épreuves traversées au cours des siècles. Ces dix dernières années, l’Arménie a redécouvert son identité. En raison de la richesse de son patrimoine historique et culturel, la nation arménienne s’est toujours considérée comme faisant partie de l’Europe. Dès le lendemain de notre indépendance, nous avons déclaré ouvertement notre volonté de participer pleinement à la construction de la nouvelle Europe. Le fait d’entrer au Conseil de l’Europe au début du IIIe millénaire, en une période aussi importante pour le pays, est un véritable symbole. Cette adhésion illustre parfaitement la continuité entre le passé, le présent et l’avenir de l’Arménie.
L’Arménie s’est toujours sentie très proche de l’Europe, de son histoire, de ses valeurs et de sa culture. Au coins des siècles passés, l’histoire de l’Europe a été marquée par la peur de l’avenir. C’est sans doute par réaction que le continent a mis sur pied un système unique d’interdépendance. En devenant une terre de paix et de sécurité, l’Europe contemporaine a ouvert à tous ses habitants d’extraordinaires perspectives de prospérité.
Les structures européennes de coopération ont permis aux petits pays de mieux faire entendre leur voix. Elles ont réuni en leur sein des Etats souverains qui s’attachent à relever ensemble les défis du monde moderne. Plus important encore, l’exemple de l’Europe illustre de manière flagrante que prospérité et sécurité vont de pair avec démocratie et respect des droits de l’homme.
Les priorités et les objectifs de l’Arménie sont en tous points conformes aux valeurs et aux pratiques de l’Europe et de ses institutions. C’est ce qui nous a incités à présenter notre candidature au Conseil de l’Europe et à nous engager dans le long processus conduisant à l’adhésion. Nous considérons cette dernière comme une étape cruciale sur le chemin de notre intégration pleine et entière à l’Europe. Nous pensons que les développements institutionnels intervenant aujourd’hui sur le continent ouvrent des perspectives prometteuses pour notre pays. J’ai été très heureux de constater que l’écrasante majorité des forces politiques arméniennes était favorable à cette adhésion, comme en témoigne d’ailleurs la présence, dans cet hémicycle, des présidents de tous les groupes politiques siégeant au Parlement arménien, qui ont tenu à fêter avec moi cet événement remarquable.
Nous avons déjà bénéficié de votre coopération tout au long du processus d’adhésion. Celui-ci n’a pas été aisé, mais il a été extrêmement utile pour la transformation démocratique de l’Arménie. C’est ainsi qu’avec l’assistance et les conseils de la Commission de Venise et du Secrétariat une bonne partie de la législation nationale a été mise en conformité avec les normes européennes. Le Conseil de l’Europe a aidé différentes organisations et institutions arméniennes à assimiler les principes de la démocratie et des droits de l’homme. Les réformes ont été suivies de près par l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe a apporté une contribution significative au renforcement de la confiance dans l’ensemble de notre région.
De tout temps, l’antagonisme entre les différents empires et la complexité des relations interethniques ont été source de déchirement dans le sud du Caucase. Aujourd’hui, la région est toujours confrontée au problème des conflits non résolus, auquel vient s’ajouter la pression que fait peser sur elle la transition. Toutefois, nous sommes convaincus qu’en formulant et en poursuivant des intérêts communs les trois Etats de la région seront en mesure de surmonter leurs difficultés actuelles.
En d’autres termes, chacun devra, tout en cherchant à réaliser pleinement son potentiel, travailler également au service de la région tout entière. Les adhésions de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, à la suite de celle de la Géorgie, viennent confirmer l’engagement de la région envers les valeurs communes de la démocratie et des droits de l’homme. L’histoire de l’Europe ainsi que tout ce qu’elle a déjà réalisé jusqu’à présent constituent pour nous le meilleur des encouragements en vue de la réalisation de cet objectif.
L’Arménie se félicite des initiatives prises par le Conseil de l’Europe en vue de consolider sa société et de promouvoir la coopération régionale en matière de démocratisation. Nous attachons la plus grande importance à l’instauration de la sécurité dans le sud du Caucase. Malheureusement, la région reste le maillon faible du système européen de sécurité; les politiques adoptées par l’Arménie ont pour objectif de prévenir tout risque de nouveaux clivages et de nouvelles tensions dans la région. Nous avons clairement exprimé notre position à cet égard. La promotion du concept de sécurité régionale doit devenir un élément clé pour la résolution des conflits régionaux, y compris celui du Haut-Karabakh.
Le processus de paix pertinent s’est enrichi au cours de ces dernières années d’un certain nombre d’éléments positifs. Bien que le Groupe de Minsk mis en place par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) reste à l’heure actuelle l’organe le plus approprié pour le processus de paix, il ne faut pas négliger l’importance du dialogue engagé entre les Présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Nous avons déjà établi un bon niveau de compréhension. Dans le cadre de notre actuelle visite à Strasbourg, nous avons l’intention de nous rencontrer à nouveau. Ces réunions bilatérales ont également été étendues aux ministres des Affaires étrangères et aux ministres de la Défense, ce qui est extrêmement utile pour le renforcement du cessez-le-feu.
De plus, il convient de noter que, grâce aux efforts déployés par la communauté internationale, y compris le Conseil de l’Europe, les contacts entre les organisations publiques et gouvernementales de nos pays sont devenus plus fréquents. De tels contacts contribuent à accroître la compréhension mutuelle, à atténuer les sentiments d’hostilité au sein de nos sociétés et à instaurer un climat propice à la recherche d’un compromis.
Le processus de paix requiert à la fois beaucoup de patience et beaucoup de temps, mais il a de bonnes chances d’aboutir. Parallèlement, la position de l’Arménie est dictée par la nécessité de garantir l’égalité juridique des parties au conflit et de prendre en compte les réalités du Haut-Karabakh, ce qui implique de donner à la notion de souveraineté une définition plus large.
Gardant toutes ces considérations à l’esprit, nous continuons à être favorables aux principes contenus dans la proposition adoptée par les coprésidents du Groupe de Minsk, visant à la création d’un Etat commun. En devenant membre à part entière du Conseil de l’Europe, l’Arménie a accompli un grand pas vers la démocratisation. Elle sait qu’elle n’est encore qu’au milieu du chemin, mais elle entend remplir toutes les obligations fiées à son appartenance à l’Organisation.
J’aimerais profiter de cette occasion pour remercier tous les membres du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée – notamment son Président – pour le soutien qu’ils nous ont apporté tout au long du processus d’adhésion. J’éprouve une grande joie et une grande fierté en pensant que tout à l’heure seront hissées les couleurs de mon pays sur le parvis du Palais de l’Europe. Cela sera le signe que l’Arménie a repris la place qui lui revient de droit dans la famille des nations européennes. Cela signifiera aussi que les frontières institutionnelles de l’Europe se trouvent maintenant là où elles doivent être.
Quant à nous, si nous sommes aujourd’hui devenus membres de l’Organisation, c’est pour contribuer à donner tout son sens au terme «européen».