Ugo
Mifsud-Bonnici
Président de Malte
Discours prononcé devant l'Assemblée
jeudi, 24 septembre 1998
«Noblesse oblige», cette expression a été créée à l’époque de l’aristocratie, mais la notion fait partie de la conception de la vie des Européens. De plus grands dons entraînent des devoirs plus importants. Cet impératif ne s’adresse pas seulement à la conscience individuelle, mais aussi aux familles, aux groupes, aux nations et même aux institutions. Le mot «noblesse» ne fait pas seulement référence à la possession de privilèges accordés par la richesse ou la naissance. Il englobe aussi la connaissance et la sagesse.
La philanthropie n’est pas simplement facultative, même si elle peut, de manière ostentatoire, être présentée comme telle, c’est l’attitude moralement nécessaire de ceux qui possèdent des richesses. La science et la sagesse ont une dynamique interne qui incite l’homo europeus à partager ses richesses avec autrui. Même l’expérience doit être partagée.
On peut objecter que tout cela procède d’un instinct individualiste qui incite à conserver égoïstement les richesses ou les connaissances acquises. On peut même remarquer qu’il existe une tendance à toujours considérer la générosité avec suspicion. Les électeurs ne semblent pas très favorables aux aides accordées à des pays étrangers. Mais, là encore, s’il est bon pour 1’«image» de passer pour un donateur éclairé, il est surtout évident que «posséder» implique nécessairement «donner». Il vaut mieux donner que recevoir, de même qu’il est plus respectable de se faire dépouiller que de voler autrui; et on pourrait aller jusqu’à suggérer que ce n’est pas simplement de l’orgueil. Saint François d’Assise – peut-être l’un des meilleurs produits du métissage européen – a exprimé cela de façon plus profonde en disant que c’est en donnant que nous recevons.
Permettez-moi de vous poser la question suivante. Qu’avons-nous, en tant que continent, donné, et qu’avons-nous reçu des autres? Pendant les cinq derniers siècles, nous avons été des explorateurs, des conquérants, des missionnaires, des exploiteurs, des commerçants, des dirigeants. Nous avons essayé de dominer l’Afrique de multiples façons. Nous avons peuplé l’Amérique du Nord et fait augmenter considérablement la population de l’Amérique du Sud et de l’Australie, et, dans une moindre mesure, celle de l’Afrique du Sud. Nos schémas culturels, notre mode de vie, nos idées ont captivé le monde. Plusieurs de nos langues sont devenues des vecteurs de communication utilisés dans le monde entier. A bien des égards, nous avons européanisé la planète.
Toutefois, au cours des derniers mois d’un siècle mouvementé, quel est le bilan de ce que nous donnons et de ce que nous recevons? Après des siècles de conflits internes, d’échanges avec l’extérieur et d’agressions, nous nous sommes, dans une certaine mesure, repliés sur nous-mêmes pour travailler à une meilleure intégration et à une meilleure harmonisation. Une version vulgarisée de notre civilisation se répand dans le monde entier, mais, actuellement, nous semblons avoir supprimé cette dimension de l’extraversion qui consiste à donner, à partager et à s’intéresser à autrui. Une mésaventure rend prudent à l’excès; nous avons peut-être goûté trop avidement la terre étrangère et en avons ressenti l’amertume.
La mission qui consiste à poursuivre l’intégration européenne et à ramener au sein de l’Europe les pays qui étaient restés isolés dans les eaux stagnantes du communisme nous fait dépenser beaucoup d’énergie intellectuelle. Mais nous pensons que les nations du Conseil de l’Europe peuvent et doivent faire davantage. Nous devons continuer à regarder vers l’extérieur, vers d’autres continents, notamment vers le plus proche, qui est l’Afrique. D’ailleurs, cette activité d’extraversion peut augmenter notre confiance à l’égard de notre propre vision du monde.
Actuellement, nous vivons peut-être une interruption provisoire d’un engagement séculaire en Afrique et en Asie. Peut-être traversons nous aussi une phase où nous doutons de notre civilisation, de notre culture, de nos traditions et valeurs, et de l’opportunité de les transmettre à nos voisins. Mais nous ne doutons pas de la supériorité de l’économie de marché. Nous sommes en train de faire souscrire le monde entier, du moins sur le papier, aux notions de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Nous ne proclamons pas assez fort qu’il existe un lien indissoluble entre les droits de l’homme, la prééminence du droit et la démocratie. Nous semblons croire que la démocratie ne convient pas aux autres peuples.
Nous avons constaté la vanité de tentatives qui visaient à favoriser le développement par l’envoi d’aide et nous sommes désespérés face aux dettes accumulées par de nombreux pays qui semblaient pourtant pouvoir se développer; il en résulte un sentiment général de désengagement. Nous perdons patience parce que la pauvreté semble impossible à éradiquer et que l’ignorance semble très difficile à combattre, surtout si l’on tient compte des ravages des luttes tribales, de la corruption et de la mauvaise gestion des affaires publiques. Pourtant, ces maux apparemment incurables, ajoutés aux épidémies, sont ceux dont nous souffrions, nous aussi, il n’y a pas si longtemps. L’inexorable marche en avant de l’Europe ne paraissait pas encore irréversible il y a seulement quelques décennies et notre propre évolution démocratique n’a pas été stoppée par notre engagement dans d’autres continents.
Les réalités africaines constituent, pour l’Europe, de grandes chances et de grands dangers. Nous ne pouvons laisser l’Afrique résoudre seule ses problèmes. D’ailleurs, ceux-ci ne resteront pas confinés à l’Afrique, mais nous rejoindront. On peut être tenté de ne voir que la dimension économique des problèmes de ces pays et de considérer qu’à ce titre ils ne relèvent pas de la compétence du Conseil de l’Europe. Mais les problèmes économiques sont aggravés par l’inadéquation des infrastructures éducatives, culturelles et politiques. Nous, peuples d’Europe, avons pour mission de collaborer le plus largement possible au développement véritable de l’Afrique. Si nous ne le faisons pas, nous en subirons les conséquences.
Tout d’abord, nous ne devons pas garder nos distances par rapport aux pays principalement arabes et musulmans de l’Afrique méditerranéenne. Nous commettrions une erreur fondamentale en diabolisant l’Islam sous prétexte qu’il est fondamentaliste. D’ailleurs, il convient de se méfier de cette tendance à voir dans les croyances religieuses un obstacle à l’évolution des sociétés humaines. Il n’y a aucune contradiction entre les principes de l’Islam et les valeurs qui nous unissent. La valeur transcendante de chaque être humain justifie la prééminence du droit. La démocratie pluraliste, telle que nous la connaissons, n’est pas incompatible avec la foi musulmane. De toutes les formes de gouvernement, c’est certainement la plus conforme aux valeurs humaines. Nous devons aussi garder à l’esprit qu’aujourd’hui de nombreux musulmans européens participent activement au processus démocratique.
La démocratie a changé. Elle a été proposée, elle a été pratiquée, elle a dû reculer, puis elle est revenue. Elle ne peut être imposée. Elle peut être stimulée, essentiellement par l’éducation et les conditions économiques appropriées. Elle se développe au rythme infiniment lent de la croissance. Elle progresse parfois soudainement en réaction aux événements. Une fois connue de la population, elle reviendra tôt ou tard. La démocratie évolue rarement de la même manière dans les divers pays. Les tragédies qu’a connues l’Europe au cours du XXe siècle, la perte de vies humaines, les souffrances infligées à l’humanité et l’arrêt brutal de son évolution «civilisée» sont dus à deux facteurs: d’abord, le rejet de la démocratie parlementaire et du suffrage universel par la gauche marxiste, ensuite la suppression du processus démocratique par la droite réactionnaire. D’autres régions du monde échapperont peut-être à ces tourments, mais il pourrait bien y avoir d’autres aberrations, et la lenteur et l’incertitude du processus de maturation subsistent. Assurément, le bénéfice que représentent, en termes de stabilité, la lutte contre la corruption, l’alternance du pouvoir, la réponse aux besoins des citoyens – tout ce qu’apporte la démocratie – séduira, par la force de l’exemple, des populations aujourd’hui de plus en plus exposées aux médias qui transmettent ce message.
Bien sûr, le Conseil de l’Europe n’est pas directement concerné par les questions économiques, mais il faut bien voir les conséquences politiques, et, en définitive, les retombées pour la sécurité, d’un non-développement économique et social sur le continent africain, et ce que cela signifie non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour l’Europe. Soyons clairs: les besoins en développement de l’Afrique nous concernent directement. Nous avons tout intérêt à aider l’Afrique à progresser sur les plans économique et social. Il existe des besoins; il faut mettre en place les structures qui permettront de les satisfaire. L’Europe a le potentiel requis pour contribuer à la mise en place de ces structures.
Dans son rapport provisoire soumis au Comité des Ministres en avril 1998, le Comité des sages a examiné la question des relations avec l’Union européenne et d’autres institutions internationales, notamment l’OSCE. Il s’est également penché sur les relations avec les Nations Unies. Peut-être pourrait-on s’attacher en outre aux relations avec l’Organisation des Etats africains et la Ligue arabe; peut-être pourrait-on suggérer d’inscrire la question à l’ordre du jour pour insertion dans les rapports finals. Dans le cadre général du dialogue euroméditerranéen qui retient l’attention de l’Union européenne, on pourrait engager un échange de vues davantage centré sur les valeurs, qui porterait sur le niveau des connaissances, les technologies, les idées et les idéaux. L’assistance dans le domaine de l’éducation est, de loin, le meilleur investissement pour œuvrer à la compréhension entre les peuples.
Nos efforts de persuasion pourront se focaliser, par exemple, sur l’extension du concept de liberté qui seule permet l’épanouissement de la personne humaine et sur l’abolition de la peine de mort, laquelle est totalement contraire au respect de la dignité humaine. Il est vrai, bien sûr, que les lois émanent d’un «habitat» humain particulier, mais la plupart des hommes et des femmes de ma génération, en Europe, ont vu au cours de leur vie s’accomplir l’un et l’autre des exemples cités, avec toutefois de longues périodes de déni, même dans les pays aux longues traditions culturelles. Les formulations juridiques des limites de la liberté individuelle et la limitation des droits de l’Etat restent des questions extrêmement polémiques, mais nous sommes d’accord, du moins en Europe, sur les concepts de base et nous sommes en mesure de développer nos acquis.
A l’intérieur de chacun de nos Etats, c’est le développement de l’éducation et la maturité du jugement politique qui sont l’enjeu essentiel. Nous nous sentons tous plus en sécurité lorsque les électeurs parviennent à un degré de discernement plus élevé.
Là encore, les nations ont tout intérêt à ce que la démocratie progresse dans les Etats voisins. Les institutions démocratiques garantissent l’équilibre, la stabilité, l’alternance du pouvoir, le changement sans heurts et sans effusions de sang. Le statut démocratique d’une nation a ses effets bénéfiques sur sa politique étrangère. Comme l’a dit fort justement Cicéron: «nullum bellum suscipi a civitate optima». La démocratie favorise la coopération dans tant de domaines, y compris la lutte contre la criminalité. La solidité des structures démocratiques, la stabilité et la continuité contribuent au développement de l’économie d’un pays, en ce qu’elles laissent le champ libre à l’esprit d’entreprise et à l’initiative. C’est là un scénario de progrès, dont toutes les variantes se produisent selon les circonstances.
Non sans hésitation, je propose humblement que nous chargions en outre la mission d’études et de programmation du Conseil de l’Europe de mettre en route un projet en vue d’offrir à nos voisins non européens une aide et une collaboration dans le domaine de l’éducation et de la culture, et d’œuvrer sans relâche en faveur des notions fondamentales que sont le respect des droits de l’homme, la prééminence du droit, la démocratie, la liberté et le pluralisme.
Permettez-moi de formuler quelques propositions concrètes que l’on pourrait inscrire au programme intergouvememental d’activités.
La liberté contient une dynamique. La démocratie est, elle aussi, contagieuse. Sans aucune intrusion extérieure, la proximité produit à elle seule des changements considérables. Il faut voir fonctionner le lien vital qui existe entre développement économique et liberté personnelle, entre stabilité, prééminence du droit et démocratie pour y croire. D’aucuns peuvent penser qu’il existe d’autres méthodes; en définitive, l’expérience de l’Europe est révélatrice. D’autres peuvent s’inspirer de cet acquis culturel.
Notre pays a une conscience aiguë de l’importance de l’Histoire dans laquelle il voit un moteur de l’évolution humaine. Nous croyons foncièrement au droit à l’autodétermination. En effet, ce que nous avons souffert pendant les guerres et sous la domination étrangère n’a fait que renforcer davantage la fierté que nous éprouvons pour notre nation. Nous avons également appris combien il est important de savoir recevoir et tirer parti des leçons qui nous viennent de l’extérieur. Nous protégeons jalousement notre indépendance, ce qui est fort compréhensible; mais, heureusement, nous ne sommes pas tentés par la xénophobie, car nous avons compris tout le profit que l’on peut tirer des échanges culturels avec autrui.
Nous, Maltais, sommes fiers de la richesse de notre patrimoine culturel qui doit tant aux multiples influences étrangères.
En tant qu’Européens, nous sommes tenus de partager; nous ne devons jamais nous retenir d’offrir notre aide, c’est là ma conviction. J’en appelle aujourd’hui au Conseil de l’Europe pour qu’il montre la voie à suivre pour partager toutes les connaissances et la sagesse que nous avons acquises.
LA PRÉSIDENTE (traduction)
Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour votre allocution fort intéressante. Certains membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser des questions.
Je rappelle à mes collègues qu’ils disposent, pour ce faire, de trente secondes au maximum. Il s’agit de poser des questions et non de faire des discours. Nous avons groupé les questions dont les thèmes sont voisins. Ainsi en va-t-il de la question de M. Hegyi sur l’intégration de Malte à l’Union européenne, de celle de Lord Grenfell et de M. Iwinski sur Malte et l’Union européenne. Vous avez la parole, Monsieur Hegyi.
M. HEGYI (Hongrie) (traduction)
Comme vous le savez peut-être, Monsieur le Président, la Hongrie a franchi une étape importante en vue de son adhésion à l’Union européenne. A la lumière des changements cruciaux intervenus dans la politique d’intégration de votre pays, j’aimerais connaître votre avis sur cet élargissement à l’est ainsi que sur la réactivation de la candidature de Malte.
Lord GRENFELL (Royaume-Uni) (traduction)
Merci, Monsieur le Président, pour votre discours fort éloquent. Pensez-vous que Malte ait une chance de bénéficier d’une procédure accélérée en vue de son adhésion à l’Union? J’aimerais également savoir si, à votre avis, le rapport favorable que la commission avait établi en 1993 est toujours valable.
M. IWINSKI (Pologne) (traduction)
J’aimerais savoir ce qui a occasionné le changement de cap de Malte eu égard à l’Union européenne. Le gouvernement de M. French-Adami, sous lequel vous avez été ministre de l’Education, espérait que Malte serait le premier pays associé à adhérer à l’Union européenne. Comment voyez-vous aujourd’hui le calendrier de l’élargissement de l’Union européenne?
M. Mifsud-Bonnici, Président de Malte (traduction)
Les trois questions portent sur le même thème. En réponse à la première question concernant la position de Malte à propos de l’élargissement à l’est, je dirais que pour nous celui-ci ne souffre aucune alternative. Le Conseil de l’Europe lui-même a montré que l’Europe devait être un concept unique. Nous ne pouvons envisager l’Europe comme une zone d’exclusion, un cercle restreint autour duquel graviteraient d’autres pays. Pour nous, la Hongrie et la Pologne sont aussi européennes que le Portugal, l’Espagne ou Malte. L’Europe n’est pas uniquement un espace géographique; elle est aussi un espace culturel et les Etats qui la composent partagent, notamment, des idéaux communs. Bien entendu, les notions de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit sont également communes à tous les pays d’Europe.
Nous ne pensons pas qu’en faisant acte de candidature nous entrons en concurrence avec les Etats d’Europe orientale.
Lord Grenfell, mentionnant l’avis rendu en 1993, a demandé s’il pouvait encore être considéré comme valable. Cet avis doit être révisé puisque trois ou quatre ans ont passé depuis, au cours desquels toutefois des progrès ont été effectués. L’ancien gouvernement, dont les membres font aujourd’hui partie de l’opposition, a toujours affirmé ne pas avoir retiré la candidature de Malte, mais l’avoir simplement gelée. Le nouveau gouvernement s’est contenté de la réactiver. Il convient aujourd’hui de faire le bilan de ce qui s’est passé entre-temps. Cette évaluation sera entreprise tant par le Gouvernement maltais que par l’Union européenne, mais je ne pense pas qu’on se heurtera à des problèmes particuliers. Il s’agira, entre autres, de redéfinir certains dossiers, mais, je le répète, la plus grande partie du travail de fond a déjà été effectuée.
On peut répondre à la question de savoir ce qui a occasionné le changement de cap du Gouvernement maltais en disant que cela relève en premier lieu de la nouvelle orientation donnée à la politique interne. En tant que Président de la République, je vois les choses avec un peu plus de recul et je constate qu’à Malte on s’accorde aujourd’hui à considérer l’Union européenne comme quelque chose de positif pour l’Europe tout entière et qu’il existe un consensus en faveur de l’intensification des relations avec l’Union, que ce soit en tant que membre à part entière de cette institution ou en tant que pays associé.
Il importe de garder à l’esprit que l’ancien gouvernement n’a jamais exclu l’éventualité d’une adhésion de Malte à l’Union. Il estimait simplement que notre pays n’était pas encore en mesure d’assumer certaines des responsabilités liées à une telle adhésion. Certaines difficultés subsistent; il s’agit aujourd’hui de peser le pour et le contre pour voir si les avantages l’emportent sur les inconvénients. Au cours des vingt dernières années, les électeurs se sont prononcés à trois ou quatre reprises en faveur de l’adhésion de Malte à l’Union européenne. Voilà qu’il convient également de prendre en considération en toute objectivité.
Je pense qu’avec un peu de bonne volonté de la part de l’Union et beaucoup de travail de la part de Malte, l’affaire devrait pouvoir être réglée dans ce sens que Malte devrait à nouveau pouvoir être considérée comme un candidat assez mûr pour faire partie de la première vague d’adhésions.
M. SCHREINER (France)
Monsieur le Président, malgré notre bonne volonté de partage, nous sommes confrontés en Europe au problème de l’immigration, et particulièrement à celui de l’immigration clandestine dont nos pays d’Europe occidentale souffrent tous.
Votre pays connaît-il également cette situation? D’où viennent les personnes que vous avez pu contrôler? Quelle est leur origine géographique? Quelle est l’importance de cette immigration? Quelles mesures réglementaires, de contrôle de police et de douane mettez-vous en œuvre pour lutter contre ce phénomène?
M. JASKIERNIA (Pologne) (traduction)
A l’approche du XXIe siècle, on observe une intensification du débat sur la restructuration des institutions européennes s’occupant de droits de l’homme, de questions juridiques et de développement de la démocratie. Il existe des chevauchements d’activités dont certains estiment qu’ils occasionnent non seulement une perte de temps, mais aussi un gaspillage de ressources. Pensez-vous qu’il suffit, pour remédier à cet état de choses, de veiller à améliorer la coordination entre les différentes organisations, ou bien considérez-vous qu’il faille envisager une nouvelle structure pour les institutions européennes du XXIe siècle?
M. Mifsud-Bonnici, Président de Malte (traduction)
Très proche des Etats de la rive sud de la Méditerranée, qui sont des terres d’émigration, Malte est exposée à l’immigration Nous sommes confrontés au problème de l’immigration en provenance de Tunisie et d’autres Etats voisins parce que, quand la mer est calme, il est très facile d’aborder nos côtes. La situation est la même pour certaines côtes italiennes, et notamment celles de l’île de Lampedusa.
Nos lois sur l’immigration sont très strictes – trop strictes même selon certains. Il faut tâcher de garder un certain équilibre. C’est quelquefois faire simplement preuve d’humanité que de venir en aide à ces pauvres gens qui sont venus chez nous sur des embarcations de fortune. Un rapatriement s’avère parfois extrêmement difficile, parce qu’ils n’ont pas de papiers et qu’il est presque impossible de savoir d’où ils viennent. Toutefois, mon pays s’est toujours montré extrêmement prudent à l’égard des personnes venant tant de l’est que du sud.
Il est facile de maintenir l’ordre dans un petit pays comme Malte. Le contrôle des côtes est assuré avec une extrême vigilance, notamment eu égard au trafic de drogue et autres activités illégales. Certaines personnes parviennent à entrer sur notre territoire, mais, je le répète, dans ce domaine, Malte fait montre d’une vigilance extrême. Etant donné la taille de l’île, tous les gouvernements successifs sont conscients du problème, d’autant que nous ne pouvons faire face à un accroissement de notre population.
Nous avons connu un certain nombre de problèmes, notamment avec des réfugiés en provenance de Bosnie et d’Albanie, ainsi qu’avec des réfugiés kurdes venant de Turquie. Nous avons pu les accueillir pour un temps, mais nous avons demandé à des pays plus grands – notamment aux Etats-Unis et au Canada – de prendre la relève. Ces réfugiés ne peuvent pas rester à Malte. L’île n’est pas un pays d’immigration. Certes, le taux de chômage y est très bas, mais elle ne pourrait faire face à un accroissement inconsidéré de sa population. Notre espace géographique est très restreint. C’est pourquoi nous restons très vigilants et, à Malte, on pourrait presque recenser les habitants chaque jour.
Pour ce qui est de la restructuration des institutions européennes, nous sommes parfois un peu inquiets de constater que celles-ci – y compris le Conseil de l’Europe et l’Union européenne elle-même – ne s’adaptent pas assez rapidement à l’évolution de la situation. Les personnes de ma génération se souviennent très bien de l’époque qui a vu naître l’idée européenne, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Nous nous demandions ce que nous réserverait l’avenir. Cependant, nous avons parfois aujourd’hui le sentiment que l’Europe n’a pas vraiment évolué comme le souhaitaient les fondateurs de l’Union.
Chaque génération doit repenser ces structures; et, à l’approche du nouveau millénaire, cela sera certainement nécessaire en ce qui concerne l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et l’OSCE qui a été appelée à réagir directement à des crises récentes. Nous ne pouvons laisser ces structures se fossiliser. Elles ont été créées pour faire face à d’autres problèmes et à d’autres situations. Les bouleversements intervenus sur notre continent depuis 1989 ont modifié les données; les institutions européennes doivent refléter les nouvelles réalités.
LA PRÉSIDENTE (traduction)
Merci beaucoup d’avoir fait souffler une brise d’air frais dans l’hémicycle, Monsieur le Président.