Tomislav
Nikolić
Président de la Serbie
Discours prononcé devant l'Assemblée
jeudi, 3 octobre 2013
Monsieur le Président, Madame la Secrétaire Générale, chers membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames, Messieurs, je vous remercie de l’honneur que vous me faites aujourd’hui en m’invitant à intervenir devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je vous souhaite à tous une bonne santé et à vos pays le progrès et la réussite dans tous les domaines.
J’apprécie tout particulièrement cette possibilité qui m’est offerte de répondre aujourd’hui aux questions de mes anciens collègues. Je vous souhaite d’avoir un jour le même privilège. Intervenir devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe suscite une fierté très particulière. C’est ici, en effet, que sont ancrées les valeurs fondamentales de nos sociétés: les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit. C’est ici aussi que les futurs dirigeants acquièrent les connaissances indispensables qui leur permettront de défendre les valeurs essentielles de la civilisation.
Je tire une grande fierté d’avoir été membre de l’Assemblée pendant huit ans. Il est vrai que je n’appartenais à aucun groupe parlementaire. J’ai toujours figuré en fin de liste des orateurs et la plupart de mes interventions n’étaient connues que par leur publication.
«C’est une grande chance qui passe aujourd’hui à portée de main de la Serbie»
Nous célébrons cette année les dix années de l’entrée de la Serbie au Conseil de l’Europe. L’aide et l’assistance de l’Organisation sont précieuses pour le développement de la démocratie dans notre pays. Nous sommes engagés dans une collaboration durable et nous souhaitons œuvrer au même but commun, celui de permettre à tous les citoyens européens de jouir de la prééminence du droit, des droits de l’homme et de la démocratie, en vue de l’édification d’une stabilité et d’une prospérité durables sur notre continent.
Depuis son entrée au Conseil de l’Europe, la République de Serbie a beaucoup progressé et s’est quasiment acquittée de la totalité des obligations contractées lors de son adhésion. De nombreuses lois ont été adoptées et des initiatives ont été prises pour des réformes globales du droit et de la politique. Je citerai notamment la lutte contre la corruption, la réforme de la justice, l’interdiction des discriminations, l’amélioration de la situation des minorités nationales, la réglementation du statut des ONG et la coopération pour le jugement des crimes perpétrés en Yougoslavie.
Au cours des derniers mois, les activités du Gouvernement de la Serbie se sont concentrées sur une actualité brûlante dans le domaine judiciaire. L’Assemblée nationale a adopté et amendé de nombreuses lois, ainsi que deux stratégies nationales pour la réforme de la justice et la lutte contre la corruption, en coopération avec le Conseil de l’Europe. La réforme du système judiciaire est fondée sur la Stratégie nationale pour la réforme de la justice et s’appuie sur six principes: l’indépendance, l’impartialité, la qualité, le professionnalisme, la responsabilité et l’efficacité.
L’objectif général de la stratégie nationale de lutte contre la corruption en Serbie est de supprimer, dans la plus large mesure possible, toutes les barrières au développement économique, social et démocratique de la République. La corruption a non seulement pour conséquence l’appauvrissement de la société et de l’Etat, mais aussi une chute radicale de la confiance des citoyens à l’égard des institutions démocratiques. La corruption engendre également des incertitudes, la déstabilisation du système économique et la réduction des investissements. Des domaines d’action prioritaires ont donc été définis en se fondant sur les analyses du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO).
Les problèmes auxquels nous devons faire face ne sont pas simples, les résoudre sera difficile et demandera du temps. La plus grande partie de nos efforts est consacrée à adopter les normes européennes, à réformer fondamentalement les institutions et à créer une société moderne.
Monsieur le Président, la République de Serbie appuie l’initiative du Secrétaire Général pour la promotion du mécanisme de suivi du Conseil de l’Europe. Nous partageons l’idée qu’il faut en renforcer le fonctionnement et mieux le coordonner plutôt que de créer de nouveaux mécanismes. Nous sommes favorables à l’élaboration d’un système solide de protection contre les menaces que sont la corruption, les discriminations, le racisme, l’intolérance, la criminalité organisée et l’incitation à la haine.
Par ailleurs, nous sommes favorables à la fixation de critères plus clairs et mieux mesurables pour la décision de mettre un terme au processus de suivi.
Plus d’un an après l’élection du Président de la Serbie et la désignation d’un nouveau gouvernement, je suis heureux de pouvoir confirmer depuis cette tribune l’attachement de notre pays aux valeurs européennes, et je me réjouis de voir nos partenaires internationaux prendre acte de cette attitude. En d’autres termes, nous sommes devenus un partenaire fiable, sincère et responsable, et nous agissons dans un esprit de dialogue et de tolérance.
Nous pouvons nous féliciter d’avoir obtenu des résultats tangibles. La Serbie, malgré les nombreux obstacles auxquels elle a dû faire face au cours de cette année, a beaucoup avancé dans de nombreux domaines. Nous avons ainsi produit des résultats importants dans le dialogue entre Belgrade et Pristina – entamé l’année dernière dès la constitution du Gouvernement de la Serbie –, mais aussi en matière de lutte contre la corruption et la criminalité organisée, ou de réforme des institutions.
Outre ces questions, le développement de l’économie est un problème sur lequel nous allons fortement mettre l’accent à l’avenir. L’objectif est clair: il s’agit de faire de la Serbie un membre respectable de la famille des peuples européens, capable d’apporter le bien‑être à ses citoyens.
La République de Serbie accorde une importance considérable au dialogue constructif mené entre Belgrade et Pristina sous l’égide de l’Union européenne et, à Bruxelles, avec la participation et sous la direction remarquable de Mme Ashton. À notre initiative, ce dialogue est mené au plus haut niveau politique et les engagements pris ont un caractère contraignant. Ce processus a abouti à la conclusion du premier accord de principe destiné à normaliser les relations entre les deux parties. Nous sommes convaincus que cet accord apportera la stabilité et favorisera une coopération profonde dans la région, de même qu’il contribuera au processus d’intégration de la Serbie dans l’Union européenne. Nous sommes d’avis que les décisions fondées sur le compromis peuvent permettre le règlement de toutes les questions de longue durée.
En outre, la République de Serbie a accepté la proposition de Thorbjørn Jagland, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, d’intégrer au sein du Conseil les institutions provisoires du gouvernement du Kosovo‑et‑Métochie sur une base fonctionnelle, et d’utiliser un astérisque et une note en bas de page lors de la mention du Kosovo dans tous les projets et documents de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.
Nous sommes convaincus qu’il faut poursuivre les activités du Conseil de l’Europe au Kosovo‑et‑Métochie et nous sommes favorables à l’application des normes de cette organisation dans les domaines de la défense des droits de l’homme – en particulier ceux des minorités –, de la primauté du droit et de la préservation du patrimoine culturel.
Nous sommes d’avis que le Conseil de l’Europe doit conserver son statut de neutralité, et qu’une décision doit être prise au sujet de la majorité des habitants de nationalité albanaise, afin d’éviter toute sécession du Kosovo‑et‑Métochie par rapport à la Serbie.
La Serbie a appelé les Serbes à participer au scrutin, et nous aimerions que des organes légaux puissent être représentés. Elle est favorable à l’instauration d’un système par lequel les Serbes pourraient, directement et sans intermédiaire, exposer leurs problèmes, et qui permette de les aider à les résoudre. Peut‑être s’agit‑il là d’un problème pour Pristina, mais nous avons agi sincèrement, dans un contexte particulièrement difficile, au point d’être parfois considérés en Serbie comme de véritables traitres, et nous attendons donc la même sincérité de la part de l’autre partie.
Or le comportement de l’administration de Pristina vis‑à‑vis des Serbes est inadmissible: sa commission électorale efface leurs noms des listes alors qu’ils ont aussi le droit de vote. Elle refuse également d’avoir un représentant dans la commission électorale de Serbie et dans les bureaux de vote. Cela doit préoccuper le Conseil de l’Europe.
Sans participation de la Serbie, il ne peut y avoir de développement de la démocratie ni progression de la coexistence au Kosovo‑et‑Métochie. Le moment est donc venu, pour le Conseil de l’Europe, d’intervenir dans la surveillance du processus électoral afin de défendre la démocratie et de garantir la tenue d’élections régulières et impartiales. Si aucune des organisations auxquelles nous nous sommes adressés ne réagit, la Serbie reconsiderera sa décision d’appuyer la tenue d’élections qui ne seraient pas organisées de façon régulière, car c’est seulement ainsi que la position des Albanais pourra évoluer. Les principes démocratiques ne peuvent être bafoués, même par les partisans d’un Etat du Kosovo indépendant.
La Serbie a transféré le règlement de ce conflit territorial aux Nations Unies, et cela n’a rien à voir avec la reconnaissance ou l’absence de reconnaissance du Kosovo‑et‑Métochie. Si votre aide se fait attendre, cela signifiera que mon action aura été vaine au cours de cette année et demie de mandat, alors que je suis sûr qu’elle a contribué, dans le monde entier, à l’adoption d’une attitude différente vis‑à‑vis des Serbes.
Je ne peux croire qu’il puisse y avoir une démocratie et une justice sélectives. L’exemple que j’ai cité aura donc valeur de test: soit il entrera dans les annales comme un cas d’application des principes démocratiques, soit il restera au contraire comme un exemple de dévoiement de ces principes.
Une autre question particulièrement importante pour la Serbie est celle du trafic d’organes humains au Kosovo‑et‑Métochie. Nous devons mettre en œuvre les résolutions de l’ Assemblée réclamant une enquête sur les allégations de comportements inhumains or de commerce illégal d’organes humains au Kosovo. L’Assemblée parlementaire doit en effet s’intéresser aux suites données à l’adoption de ses résolutions et veiller à ce qu’elles ne restent pas lettre morte.
Monsieur le Président, le passé des pays de l’ex‑Yougoslavie est empreint de différends, de conflits lourds, de destructions dues à la guerre et, ce qui est le pire, de victimes humaines. La seule voie pour régler cet héritage est de résoudre les questions en suspens en faisant preuve de confiance mutuelle et d’esprit de coopération. La Serbie est pour la paix et la stabilité dans la région comme dans toute l’Europe, et souhaite développer des relations de bon voisinage. La résolution des problèmes en suspens est un élément très important de notre politique, et celle‑ci rencontre de bons résultats. Nos relations ont apporté une perspective européenne à la région. Nous devons tous participer à ce processus avec patience, dynamisme et ténacité.
L’Assemblée nationale de la République de Serbie a adopté une déclaration sur la condamnation des crimes à Srebrenica. Cela montre sa volonté réelle de participer au processus de réconciliation et à la coopération régionale. Cette déclaration condamne fortement les crimes et exprime un appui à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Bosnie‑Herzégovine.
Les autres parties doivent exprimer leurs sentiments et faire preuve de compassion envers les victimes serbes. La Serbie attend avec patience que ces parties fassent preuve de courage et de responsabilité. Nous œuvrons pour que cela n’ait pas d’incidences négatives sur la paix et nos relations de bon voisinage. C’est pourquoi nous aidons tous les pays de la région sur la voie de leur intégration européenne. Tout ce qui est bon pour la région l’est aussi pour la Serbie. Nous sommes convaincus qu’un progrès politique positif et le développement de nos voisins ne pourront que contribuer au bien‑être de nos citoyens.
Être membre de l’Union européenne est la voie du maintien du développement politique de la région. Nous sommes convaincus que la Serbie entraînera par son exemple, l’intégration des autres Etats de ce que vous appelez par erreur le Balkan occidental. Il est aussi à l’ouest de la Bosnie‑Herzégovine. C’est humiliant de penser qu’en entrant dans l’Union européenne, nous sortirions des Balkans. La Serbie en restera un des Etats.
Une société démocratique est inconcevable sans le respect des droits de l’homme et de l’égalité des citoyens dans toutes les sphères de la vie. La Serbie, ces derniers mois, a progressé dans l’élaboration d’un système de développement de l’égalité pour tous ses citoyens. Nous avons modifié le code pénal en instaurant une nouvelle incrimination pour haine. Nous avons dépénalisé la diffamation qui empêchait la liberté des médias, ce qui a contribué à la liberté d’expression en Serbie.
Depuis un an et demi, nous avons adopté une loi sur l’interdiction de la discrimination. Le gouvernement de la République de Serbie a adopté une stratégie de prévention et de protection contre la discrimination. Nous visons la promotion des groupes les plus soumis à la discrimination comme les femmes, les enfants, les LGBT, les personnes âgées ou handicapées, les minorités nationales, les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur, les groupes minoritaires et religieux.
Ne jugez pas trop sévèrement la Serbie pour ne pas avoir autorisé la parade LGBT pour des raisons de sécurité. Il ne faut pas qu’une année et demie de progression vers les normes européennes soit effacée à cause de cela. Nous sommes prêts à éliminer les difficultés. S’il vous plaît, il serait inhumain qu’il faille perdre des vies humaines pour justifier la décision du gouvernement. Beaucoup de groupes extrémistes voulaient participer à ce défilé pour exprimer leur mécontentement. Il y a encore chez nous beaucoup de xénophobes, de faux patriotes et de criminels dangereux.
Nous allons coopérer avec tous, les groupes LGBT, les médias, les ONG, les services de l’Etat. Nous allons promouvoir des droits égaux pour tous, modifier les lois. Nous avons aggravé les peines. Nous poursuivrons les organisations qui sont pour la violence envers ceux qui pensent autrement. Cela ne doit pas se renouveler.
La République de Serbie aura une attention soutenue pour améliorer la situation de toutes ses minorités nationales. Nous appliquons la Convention‑cadre pour celles‑ci et la Charte européenne des langues régionales. Les droits des minorités nationales sont intégrés dans tous les documents officiels. On prévoit une discrimination positive pour les minorités qui sont pénalisées.
Nous avons adopté une loi sur les conseils nationaux des minorités. Il y a eu des élections directes pour le conseil des minorités nationales. Cette loi définit les activités des conseils nationaux dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’information etc.
Toutes les minorités doivent être reconnues et jouir des droits accordés à tous. Cela est prévu par le comité de la convention‑cadre pour la protection des minorités nationales. Notre position fondamentale est que nos citoyens ne peuvent pas avoir des droits inférieurs en raison de leur appartenance nationale ou de leur langue. Il faut utiliser les normes internationales, notamment la convention‑cadre et singulièrement son article 3.
Nous poursuivons notre engagement pour l’amélioration de la situation des minorités nationales sur notre territoire en coopérant avec le Conseil de l’Europe. Réciproquement, tous les ressortissants serbes et les minorités nationales vivant dans d’autres territoires doivent disposer des mêmes droits que tous les habitants.
Monsieur le Président, la Serbie est devant une grande chance. Je vous assure que nous ne la laisserons pas passer. Tout notre potentiel sera mis en œuvre pour que notre pays dans tous les domaines soit totalement européen dans le cadre des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, de la protection des droits de l’homme, de la primauté du droit et de la démocratie.
La Serbie est engagée à poursuivre sa coopération et la promotion des relations avec le Conseil de l’Europe pour atteindre ces objectifs et assurer le bien‑être de ses citoyens. Nous comptons sur votre appui.
LE PRÉSIDENT
Monsieur le Président, un certain nombre de collègues souhaitent vous poser des questions. Ils ont trente secondes pour le faire.
M. AGRAMUNT (Espagne), porte‑parole du Groupe du Parti populaire européen (interprétation)
La Serbie a pris cette année des mesures importantes pour lutter contre la corruption qui est très répandue. Les autorités européennes ont préconisé des mesures pour endiguer le phénomène. L’opposition politique a porté diverses accusations. Quels sont, selon vous, les défis majeurs?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
En Serbie, la corruption est importante et ancienne. Il n’y a pas eu de changement de gouvernement ayant permis la lutte contre la corruption jusqu’ici.
On la trouve partout, chez les médecins, les avocats, les chefs d’entreprise. Nous avons lancé la lutte contre la corruption. Il est difficile de trouver une personne qui soit mêlée à la corruption sans avoir été au gouvernement. Dans ce domaine, il n’y a pas de droit sélectif. Nous avons eu vingt‑quatre privatisations qui ont été criminelles, et il y a eu une corruption et des criminels. Maintenant, quand des poursuites sont engagées dans le cadre de ces affaires, on trouve des gens qui ont occupé des fonctions importantes au gouvernement. Ce n’est pas lié à la politique, il n’y a pas de prisonniers politiques en Serbie; moi, j’ai été prisonnier politique, et je sais à quel point c’est difficile quand vous êtes tout simplement en prison parce que vous n’êtes pas d’accord avec les gens au pouvoir.
Nous allons condamner ces criminels et nous n’allons pas céder devant ceux qui ont été mêlés à des affaires de corruption, même s’il s’agit de gens de mon ancien parti politique ou d’anciens collaborateurs. Et si vous êtes désormais dans l’opposition après avoir fait partie du gouvernement, ce n’est pas un motif pour que vous soyez protégé, exonéré de poursuites pour les actes criminels que vous avez commis. Tout le monde a droit à un procès juste en Serbie, et les poursuites sont désormais beaucoup plus rapides que sous le précédent gouvernement. Je peux féliciter le Gouvernement serbe, qui a pris des mesures qui nous mènent sur la voie de la condamnation des criminels et de tous ceux qui ont été mêlés à la corruption.
M. GROSS (Suisse), porte‑parole du Groupe socialiste (interprétation)
Monsieur le Président, j’aimerais revenir sur un point que vous avez mentionné dans votre allocution. Pour la troisième fois, la parade des LGBT n’a pas pu avoir lieu. Savez‑vous ce que cela veut dire qu’un Etat cède devant de petits groupes extrémistes violents? Vous avez dit par anticipation, lundi dernier, que vous alliez préparer le prochain événement. Allez‑vous mener des enquêtes, identifier les auteurs, les sanctionner?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Je vous remercie de cette question, Monsieur le député. Je suis profondément conscient de ce qui s’est passé, encore plus que vous. Toutes mes activités politiques depuis un an et demi, et toutes celles de mon gouvernement, ont été menées pour qu’il n’y ait aucun motif qu’on empêche les entretiens avec les LGBT, mais cette manifestation n’a pu se tenir pour des questions de sécurité. Aucun défilé n’a été interdit par le Gouvernement de la Serbie pendant un an et demi, mais les services de sécurité du pays n’étaient pas prêts, à ce moment‑là, pour permettre la tenue de cette parade sans conséquences négatives. Les organisateurs sont identifiés, et on voit maintenant à quel point ils sont engagés dans cette organisation, et j’ai reçu l’information que l’on commençait la préparation d’une nouvelle manifestation.
Le pays se trouve dans une situation économique extrêmement difficile, et beaucoup de ce que nous faisons au Kosovo‑et‑Métochie n’est peut‑être pas évalué à sa juste valeur.
Il existe des gens qui font partie des LGBT et qui n’osent pas le dire. Et leurs opposants veulent, eux, montrer qu’ils n’appartiennent absolument pas au groupe LGBT; nous avons essayé de les neutraliser.
Il y a véritablement une lutte pour que l’on puisse être en sécurité dans les rues de Belgrade et du pays, et pas seulement pour les défilés des LGBT; il y a aussi des événements sportifs qui donnent lieu à des manifestations de passion extrêmes. Nous serons bientôt très organisés et pourrons anticiper et œuvrer comme il convient. J’espère, après tous les entretiens que j’ai déjà eus, que nous pourrons préparer une manifestation de ce genre qui se déroule normalement en Serbie, à l’abri de tous ceux qui n’en veulent pas. Mais, en ce moment, il y a beaucoup de groupes qui se distinguent les uns des autres en Serbie, et personne ne les maltraite.
Je peux vous promettre que, l’an prochain, vous n’aurez plus de raisons de poser cette question à propos de la Serbie.
M. XUCLÀ (Espagne), porte‑parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)
Monsieur le Président, je vous souhaite la bienvenue au nom de mon groupe politique.
J’ai une question à vous poser. Je souhaite encourager votre pays à adopter la convention sur les langues minoritaires, et ce le plus rapidement possible. Quelles mesures mettez‑vous en œuvre afin de protéger, en particulier, le droit des minorités à l’éducation? Autre chose, dans quelle mesure le gouvernement de Pristina respecte‑t‑il les droits des minorités?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
En ce qui concerne la Serbie, la Constitution va plus loin que la convention sur les minorités. Les ressortissants des minorités nationales peuvent soutenir leur doctorat dans leur langue. Toute leur scolarité, à l’école primaire, dans l’enseignement secondaire, dans l’enseignement supérieur jusqu’au doctorat, peut se dérouler dans leur propre langue. On promeut donc l’utilisation de la langue maternelle.
Il y a eu des problèmes sous le gouvernement précédent pour la minorité bulgare, ils ont été réglés. Pour de nombreux motifs, ils n’ont pas réussi, à l’époque mais je n’ai, pour ma part, reçu aucune plainte d’aucun conseil national comme quoi la langue maternelle n’aurait pu être utilisée. Nous avons plus de trente peuples différents en Serbie. Ce n’est pas quelque chose de nouveau pour nous. Cela fait des siècles que tout le monde coexiste. Il fallait simplement que le gouvernement appuie l’utilisation des langues. La langue administrative est le serbe, mais toutes les autres langues peuvent être utilisées, et on peut écrire en caractères cyrilliques ou en caractères latins pour répondre aux besoins des peuples de notre pays.
S’il y a des problèmes réglés en faveur des minorités nationales, j’en suis fier. Nous n’exigeons pas de leurs membres qu’ils soient serbes ni qu’ils s’expriment en serbe. Nous tenons compte des différences et la Constitution autorise une discrimination positive. S’il y a une minorité qui est un peu en retard pour le maintien de sa culture, de son histoire ou de son écriture, l’Etat lui accorde des droits supérieurs à ceux des autres minorités, et nous les mettons en œuvre. Le conseil des minorités nationales choisit ses représentants, qui œuvrent dans de nombreux domaines.
En ce qui concerne le Kosovo‑et‑Métochie, il existe deux milieux différents: un milieu où il y a des institutions sous administration de Pristina, qui sont autoproclamées, et l’administration des Nations Unies. Là, on peut utiliser une langue propre. Et il y a quatre communautés au Kosovo‑et‑Métochie où il n’y a pas d’autorité et où les Albanais ne vivaient pas, auparavant; il n’y a donc pas eu de mélange de la population, et il n’y a pas d’autre langue que le serbe, parce qu’il n’y a pas d’Albanais qui y vivent.
En ce qui concerne les intentions de la Serbie, elles ne sont pas négatives. Nous essayons de garantir, dans les villages serbes, les manuels de Belgrade, l’organisation des écoles. La situation et un peu confuse, car il y a des domaines où l’on peut coopérer et d’autres où l’on ne peut pas.
Mais nous avons maintenant une législation de Pristina, sans aucune influence de Belgrade et nous essayons de répondre à tous nos accords. Cette législation ne préconise pas de dispositions particulières. D’ailleurs, le Conseil de l’Europe pourrait peut‑être nous aider. Si vous avez décidé de coopérer avec les institutions de Pristina, alors vous devez donner une liste des obligations et Pristina pourrait prouver qu’elle respecte les principes du Conseil de l’Europe.
Personnellement, le Conseil de l’Europe m’a aidé à parfaire mes connaissances dans tous les domaines.
Earl of DUNDEE (Royaume‑Uni), porte‑parole du Groupe démocrate européen (interprétation)
Monsieur le Président, la Croatie fait partie de l’Union européenne. Quelles sont les conséquences de cette adhésion sur la Serbie? Ont‑elles été bien gérées? Je pense au passage des frontières, à la normalisation des normes techniques et aux modalités commerciales. N’y a‑t‑il pas des aspects où cela a une incidence un peu défavorable?
Et d’un autre côté, n’avez‑vous pas là davantage de possibilités pour améliorer les relations entre Belgrade et Zagreb?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Les relations dans les Balkans dépendent essentiellement des relations entre la Serbie et la Croatie. Nous n’avons pas encore tout fait – ni du côté de la Serbie, ni du côté de la Croatie – pour jeter les bases d’une coopération saine, mais ma rencontre avec le Président de la Croatie ce mois‑ci sera un bon signe pour la normalisation des relations.
Nous avons signé un accord commercial entre nos pays.
Quand la Croatie a engagé les pourparlers pour entrer dans l’Union européenne, nous n’avions même pas entamé le processus. Mais nous voulions qu’elle devienne membre pour que nous puissions, à notre tour, le devenir.
Avec la Croatie, nos relations ne feront que s’améliorer puisque nous avons un commerce, mais pas de production. Il va donc bien falloir que nous fassions appel aux ressources naturelles de la Slovénie et de la Croatie. Autrefois, dans les différentes unions, nous n’étions pas concurrents sur les marchés.
Il faut tirer les leçons du passé – mais on vit dans le présent et le futur. Nous avons trop longtemps fait la guerre pour que nous ne méritions pas la paix maintenant. C’est la raison pour laquelle je suis optimiste en ce qui concerne nos relations avec la Croatie, et avec tous les pays des Balkans et pas seulement les membres de l’ex‑Yougoslavie. Nous sommes favorables à la normalisation des relations.
Nous allons donc régler nos problèmes et sortir le pays des difficultés économiques. Et la solution passe par la coopération dans les Balkans.
J’aurais aimé que vous me posiez cette question dans un mois, lorsque nous aurons signé toute une série d’accords avec la Croatie.
M. PAPADIMOULIS (Grèce), porte‑parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)
Monsieur le Président, j’ai bien noté avec grand intérêt tous vos propos, leur tonalité surtout et le besoin de dialogue avec tous les pays voisins de la Serbie, afin de trouver une orientation identique.
Quelles sont vos initiatives et quel est votre agenda concernant votre adhésion à l’Union européenne?
Que comptez‑vous faire pour améliorer vos relations avec le Kosovo?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Nous avons de très bonnes relations avec l’Union européenne. J’espère que les pourparlers ne vont pas se prolonger trop longtemps – nous avions préparé le terrain avant même que le pays soit candidat.
Nous ne sommes pas membres de l’Union européenne, mais nous avons vécu la même crise que les autres pays, mais personne ne nous aide. Si sortir de la crise est difficile pour les grands pays, les petits pays, eux, doivent le faire seuls. Nous devons prendre des crédits, nous aggravons nos dettes et comme nos partenaires estiment que notre pays n’est pas sûr pour les investissements, nous payons les intérêts les plus élevés. Et ils risquent d’atteindre un niveau inacceptable pour nous.
Mais l’Union européenne est notre partenaire. Et si nous n’y entrons pas, cela voudrait dire que personne ne veut de nous! Si le Kosovo‑et‑Métochie constituait peut‑être un problème avant les élections de l’an dernier, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Certains des Etats sont nos amis, qui ont appelé à l’indépendance du Kosovo. Personne n’a de raisons pour ne pas la reconnaître. Pourquoi blâmer la Serbie qui a fait beaucoup de concessions? Ceux qui nous ont précédés ont accepté l’autorité du Kosovo‑et‑Métochie sur l’ensemble du territoire. Nous avons promu et encouragé l’indépendance du Kosovo‑et‑Métochie et nous avons transféré aux Nations Unies le règlement de cette question. Aussi, la situation est‑elle aujourd’hui totalement différente. Elle s’appuie sur la résolution du Conseil de sécurité, mais l’on continue à rechercher des solutions et à poursuivre les pourparlers. Il n’est pas vrai que nous n’acceptons pas la résolution du conflit, mais nous voudrions y vivre mieux. Ce territoire que nous qualifions d’autonome alors que les Albanais l’appellent «pays indépendant» n’est pas un Etat souverain. Les Serbes considèrent le Kosovo‑et‑Métochie comme faisant partie de leur pays. Qu’avez‑vous fait si ce n’est d’engager des pourparlers qui continuent de se poursuivre jusqu’à aujourd’hui? Nous sommes blessés, car l’on nous trompe dans le cadre de ces discussions. Cela d’ailleurs a eu des conséquences sur la police au Kosovo. Par ailleurs, des points n’ont fait l’objet ni de discussions ni d’accords à Bruxelles. Il ne peut y avoir d’armée sans l’accord de Belgrade. Si l’on se met d’accord sur des sujets comme la santé par exemple, pourquoi pas sur l’armée?
La Serbie n’a jamais attaqué personne et n’attaquera jamais personne. Nous ne reviendrons pas à une époque révolue. Qui nous attaquerait sans l’autorisation de l’Otan et qui attaquerions‑nous si l’Otan ne nous y autorisait pas? Il serait une bonne chose de dialoguer pour enterrer les armes et vivre mieux.
Nous ignorons comment évolueront les frontières dans le cadre de l’Union européenne. L’Europe, c’est la liberté de communication, la liberté de circulation des personnes comme des marchandises. Les migrations sont grandes en Europe, les populations évoluent, les personnes démunies migrent dans des pays plus riches. L’objectif n’est donc pas de s’enfermer dans nos frontières ou dans des blocs, il faut tout ouvrir. C’est pourquoi nous espérons entrer dans l’Union européenne.
Ce que vous considérez comme des valeurs le sont pour nous aussi. Nous connaissons des difficultés à la solution desquelles nous nous attelons. En Serbie, nombreuses sont les personnes qui pensent que l’on ne doit pas résoudre cette question. Peut‑être d’ailleurs serait‑il plus populaire de ne pas la résoudre. Mais j’ai conclu un accord et je ne m’appuie pas sur l’idée que je vais peut‑être perdre de la popularité. L’homme politique doit diriger le peuple et ne pas suivre l’air du temps. Il faut de l’audace, du courage et prendre des risques. Etre élu n’est pas uniquement un privilège et un prestige, ce sont aussi des obligations. Nous allons donc tout faire pour entretenir d’excellentes relations avec le Kosovo.
Je n’ose pas vous dire les problèmes que nous rencontrons dans le cadre de l’organisation des élections locales qui, si elles n’avaient pas lieu avec la participation des Serbes, ne permettraient aucune avancée.
J’aimerais participer à des entretiens avec mes interlocuteurs sur un pied d’égalité, j’aimerais qu’ils s’informent et comprennent. C’est comme si nous leur avions abandonné les Serbes. Pristina leur organise des conditions de vie qu’ils ne peuvent accepter.
Je suis beaucoup plus faible que la plupart d’entre vous, mais, peut‑être plus encore que vous, je comprends les principes du Conseil de l'Europe. Je souhaiterais qu’ils soient à l’œuvre dans tous les Etats du monde, car ce sont les seuls principes en mesure de régir nos vies.
M. MICHEL (France)
Monsieur le Président, votre pays a signé le 19 avril dernier un accord historique avec le Kosovo en vue de normaliser vos relations. Sa concrétisation constituera à n’en pas douter un signal important pour l’ensemble de la région.
Je relève cependant que cette démarche courageuse de votre part en faveur de la paix dans les Balkans conduit quelques personnalités de Tirana à voir dans cette normalisation une première étape vers la grande Albanie. Quelles sont donc vos relations avec l’Albanie qui doit, elle aussi, participer à conforter la paix dans les Balkans?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Je n’ai pas eu de contacts personnels avec des représentants de l’Albanie. Si j’ai rencontré son Président et son ministre des Affaires étrangères dans un cadre privé, je n’ai rencontré personne, si ce n’est bien sûr dans le cadre de la réunion des ministres des Affaires étrangères.
L’Albanie s’est engagée à ne pas insister sur la création d’un Etat unifié albanais. Au cours de la campagne pour les élections législatives, certains candidats ont évoqué ce rêve de former un Etat unique albanais dans les Balkans, ce qui ne serait acceptable ni pour nous ni pour l’Europe. La Serbie n’a pas d’influence sur les autres pays, nous avons besoin des organisations internationales et de l’Union européenne en la matière.
Des populistes albanais rêvent aussi d’une grande Albanie, mais les hommes et les femmes politiques connaissent la réalité. Ce ne serait pas une bonne chose pour l’Europe.
Que certains aient reconnu l’indépendance de pays en sécession est un précédent, mais autoriser la création d’une grande Albanie serait une mauvaise chose. Qui sait où cela nous mènerait? Des Albanais vivent en Macédoine, d’autres au Monténégro. Pourquoi seuls les Albanais vivant chez nous seraient‑ils attirés par un tel projet?
Peut‑être la création d’une grande Albanie est‑il l’objectif de certains. C’est la raison pour laquelle la prudence s’impose. Aux termes du droit international que nous devons tous respecter, une minorité ne peut faire sécession d’un pays souverain. Que se passerait‑il si tout mouvement sécessionniste de par le monde se voyait accorder le droit de créer un Etat indépendant? Et d’ailleurs que diriez‑vous si cela arrivait dans votre pays? Pensez aux populations concernées.
J’ai été témoin de conflits et de guerres tout comme les membres de ma famille et mes collaborateurs. Je ne voudrais pas que quelqu’un d’autre ait à vivre cela. Je ne le souhaite à personne.
M. GAUDI NAGY (Hongrie) (interprétation)
Rappel au Règlement. Monsieur le Président, il est déjà 13 heures, mais j’aimerais que tous ceux qui le souhaitent puissent interroger le Président Nikolić. Ne pourrions‑nous poser les questions que nous voulons absolument poser? J’ai une question sur les droits des Hongrois à laquelle il me paraît vraiment important que M. Nikolić réponde.
LE PRÉSIDENT
Il ne s’agit pas vraiment d’un rappel au Règlement, Monsieur Gaudi Nagy. J’ai sous les yeux la liste des orateurs, dans laquelle vos collègues se sont inscrits conformément au Règlement de l’Assemblée parlementaire, et je suis obligé de respecter l’ordre dans lequel ils l’ont fait et d’écouter les réponses du Président. C’est un peu frustrant, soit, mais je ne peux pas faire autrement! Il y a 38 inscrits. Nous devons respecter le travail de tous. Nous ne pourrons dépasser de plus de cinq minutes l’heure à laquelle il était prévu que la séance soit levée. Je vais donc donner la parole à l’orateur suivant, M. Díaz Tejera.
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
J’aimerais répondre, Monsieur le Président.
LE PRÉSIDENT
Avec l’accord de M. Díaz Tejera, vous avez la parole, Monsieur le Président.
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Monsieur le député, nous avons encore, vous comme moi, beaucoup à apprendre. Je ne sais pas sur quel point porte précisément votre question à propos des Hongrois. Peut‑être ne suivez‑vous pas de près les relations entre ces derniers et la Serbie, mais un jalon a été posé il y a un mois sur le territoire de la Vojvodine. Je rappelle que les Serbes ont été occupés et que les Hongrois ont gagné pendant la seconde guerre mondiale. Mais une amitié réelle est née entre les Hongrois et la Serbie. Nous avons fermé derrière nous les portes de l’Histoire. Il ne faut pas vivre dans le passé. En Vojvodine, aucun Hongrois n’est menacé et le parti des Hongrois y prend part au gouvernement. Ne m’interrompez pas; comportez‑vous correctement! Tout ce qui concerne les relations avec les minorités nationales, en particulier hongroise, a été réglé. Il y a vingt ans, on pouvait dire que la Serbie ne traitait pas bien les Hongrois en Vojvodine, mais vous ne vous êtes pas endormi il y a vingt ans, vous vivez aujourd’hui! Peut‑être peut‑on parler différemment pour des motifs électoraux ou en raison d’autres intérêts. Mais ne vous inquiétez pas: le peuple hongrois, en Vojvodine, vit comme les Serbes, modestement, mais dignement. Nous respectons nos minorités. Nous avons fait en sorte que leur langue, leurs écoles, leur système d’éducation soient respectés. C’est la région où il y a le moins de crimes. Les concours sont ouverts, les métiers où l’on porte l’uniforme sont accessibles à tous: s’il n’y a pas de Hongrois dans la police, c’est parce qu’ils ne veulent pas y entrer; personne ne les en empêche! Alors de quelle différence parlez‑vous?
LE PRÉSIDENT
Monsieur Díaz Tejera, je vous remercie d’avoir attendu.
M. DÍAZ TEJERA (Espagne) (interprétation)
Je maintiens la question que je souhaitais poser malgré le petit incident qui vient d’avoir lieu. Il n’y a pas de primauté du droit sans un pouvoir judiciaire et il n’y a pas de pouvoir judiciaire si les juges ne sont pas indépendants. La différence entre un fonctionnaire et un juge, c’est que le premier se soumet à la hiérarchie alors que le second est libre: il ne doit pas recevoir d’ordre des autorités, il ne se soumet qu’à la loi. Les réformes judiciaires que vous envisagez tendent‑elles à assurer l’indépendance de la justice?
M. Nikolić, Président de la Serbie (interprétation)
Nous avons beaucoup fait en la matière. La plupart des 600 juges qui avaient été révoqués parce qu’ils n’étaient pas membres du parti au pouvoir ont repris leurs fonctions, d’autres ayant pris leur retraite ou changé de profession. L’élection des juges a maintenant lieu au sein d’un organe judiciaire indépendant. Pour être juge, il ne suffit plus de faire des études de droit et de réussir un examen; maintenant, il faut en outre suivre une formation de deux ans, conformément aux normes de l’Union européenne. Aucun juge n’a dû quitter ses fonctions parce qu’il était membre d’un parti politique. Un juge n’est révoqué que s’il fait mal son travail. Le pouvoir exécutif ne participe plus à l’élection des juges. Car vous avez tout à fait raison: les juges doivent être indépendants et l’exécutif ne doit pas les influencer, ni d’ailleurs le pouvoir législatif, qui s’est beaucoup retiré de ce domaine. Nous avons adopté les normes européennes en la matière et nous espérons que le pouvoir judiciaire restera totalement indépendant. Des mécanismes de contrôle permettent de veiller au comportement des juges. Dans notre pays, on est juge à vie, précisément pour éviter l’ingérence du pouvoir. Simplement, quelquefois, des erreurs sont commises.
Hélas, pour avoir eux‑mêmes participé à ces privatisations criminelles, de nombreux juges ont ralenti la lutte contre la criminalité et la corruption.
Nous avons, bien entendu, compris qu’il fallait résoudre ce problème avant d’entamer l’examen du chapitre judiciaire avec l’Union européenne. Notre parti n’était pas au pouvoir à l’époque, il nous est donc plus facile de lutter contre les juges qui étaient impliqués dans des activités criminelles.
Mme DJUROVIĆ (Serbie) (interprétation)
En tant que membre de la délégation serbe au Conseil de l’Europe, je suis très heureuse de vous accueillir dans cette enceinte.
On se rappelle tous la résolution de Dick Marty. Mais pourquoi l’enquête n’a‑t‑elle pas abouti? Pourquoi personne n’a‑t‑il été traduit en justice? Et comment va‑t‑on découvrir la vérité?
M. Nikolić, Président de la Serbie
Je suis venu au Conseil de l’Europe pour trouver la réponse à cette question. J’ai aussi essayé de la trouver auprès des Nations Unies. Le Conseil de l’Europe se trouve en situation délicate. En tout cas, nous n’avons pas reçu d’informations sur ce sujet depuis longtemps. Peut‑être faudrait‑il mieux que les Nations Unies se saisissent de cette question. Mais je ne veux pas jouer de mon influence dans cette affaire.
Dans mon allocution, j’ai dit que cela ne devrait pas rester lettre morte. En fait, à l’époque, seuls les Serbes étaient assimilés à des criminels. C’était la tendance. Les autres étaient des victimes. Finalement, le nombre des victimes serbes et leurs souffrances ont été minimisés. On sait très bien que cette affaire n’est en rien inventée. Cette résolution a été adoptée ici. Mais une résolution, c’est une chose, encore faut‑il ensuite que des mesures soient prises. On s’attend à ce que le sénateur Dick Marty poursuive son combat, qu’il aille de l’avant. En tout cas, il s’agit d’un crime sans précédent en Europe. Ne nous demandez pas pourquoi le gouvernement est intervenu au Kosovo: des personnes ont été kidnappées pour qu’on prenne leurs organes! C’est cela qui explique la haine entre les deux peuples. On ne peut simplement pas fermer les yeux sur ces faits. Il faut que l’enquête soit menée.
Nous avons une confiance pleine et entière dans le Conseil de l’Europe. Nous ne vous critiquerons jamais parce que vous n’avez pas trouvé la solution. Mais vous devez servir de modèle aux autres Etats en Europe, qui s’attendent à ce que le Conseil de l’Europe joue son rôle dans cette affaire. Le Conseil de l’Europe est le temple où la démocratie et les droits de l’homme sont parfaitement défendus. Il faut que le message lancé à partir de ce temple soit clair.
Nous avons ouvert tous les dossiers, en pleine coopération avec le Tribunal de La Haye. Le Président Milošević a été extradé ainsi que d’autres, qui ont été jugés à La Haye. Le chef des services secrets aussi. Donc, faites le nécessaire, jouez de votre influence, exercez les pressions utiles pour que l’enquête sur ce trafic d’organes soit menée à bien. Car, sans réponses, il ne pourra y avoir ni paix durable ni stabilité.
LE PRÉSIDENT
Mes chers collègues, il nous faut maintenant arrêter les questions à M. Nikolić que nous remercions.