Bujar
Nishani
Président de l’Albanie
Discours prononcé devant l'Assemblée
jeudi, 4 octobre 2012
Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, je voudrais de tout cœur vous remercier de m’avoir invité à m’adresser à vous à l’occasion de cette session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, organisation basée sur les valeurs universelles que sont les droits de l'homme, la démocratie et la prééminence du droit. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle important dans le renforcement de l’unité de l’Europe en s’appuyant sur ces valeurs et en facilitant le processus d’intégration dans l’Union européenne.
C’est un grand privilège et un plaisir pour moi que d’être ici aujourd’hui, au Palais de l’Europe, et de m’y exprimer au nom de la première présidence albanaise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
Je voudrais saisir cette occasion pour remercier de tout cœur le Président Mignon pour l’accueil chaleureux et amical qu’il m’a réservé ainsi qu’à la délégation albanaise pendant notre séjour à Strasbourg.
Permettez-moi également d’exprimer toute ma considération et mon estime pour le Secrétaire Général, M. Jagland, pour l’excellente contribution qu’il a apportée avec son équipe à la réforme du Conseil de l’Europe afin d’en faire un acteur politique puissant, et d’accroître sa visibilité au-delà des limites de l’Europe.
Monsieur le Président, au cours de la première phase de notre période de transition, l’Albanie, qui avait survécu à la plus dure des dictatures du continent et à un isolement total avait un besoin urgent de se doter de véritables institutions démocratiques et d’un cadre juridique européen pour appuyer les fondations d’un nouvel Etat basé sur l’Etat de droit et une économie ouverte. Pour cette raison, au début des années 1990, nous avons pris de premiers contacts avec des institutions politiques européennes telles que le Conseil de l’Europe, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ainsi qu’une série d’institutions financières telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
Dans ce contexte, la communication avec le Conseil de l’Europe et ses institutions a été très intense, ce dont avait le plus grand besoin la fragile démocratie albanaise qui faisait ses tout premiers pas. Nous n’avons pas considéré l’adhésion de l’Albanie au Conseil de l’Europe comme un objectif en soi mais comme un instrument indispensable pour consolider les institutions démocratiques de l’Etat de droit au service de nos citoyens et de notre aspiration européenne.
En 1995, l’Albanie est devenue pleinement membre du Conseil de l’Europe, moment de grand encouragement pour la nouvelle démocratie albanaise et une étape considérable pour la consolidation des relations entre l’Albanie et le Conseil de l’Europe.
Au cours des six mois allant du 23 mai au 9 novembre 2012, nous connaissons un nouveau temps fort dans les 20 ans de notre coopération. Pour la première fois l’Albanie préside le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Au cours de ces 20 années, l’Albanie et la société albanaise ont connu la transformation la plus profonde et la plus intense de leur histoire millénaire. Le pays, autrefois champion de la violation des droits de l’homme, est aujourd’hui à la tête du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, ce temple européen des droits de l’homme. L’Albanie, autrefois connue pour son hostilité aveugle et fanatique à l’égard du monde occidental, est aujourd’hui membre de l’Otan et participe aux efforts des forces de paix en Afghanistan et ailleurs.
Autrefois consommatrice de sécurité, l’Albanie est aujourd’hui devenue contributrice à la sécurité des pays de la région et des pays démocratiques du monde entier. Autrefois complètement isolée, l’Albanie envisage aujourd’hui avec confiance, grâce à ses mérites, l’obtention du statut de pays candidat à l’Union européenne. Les citoyens albanais voyagent librement sans visa en Europe.
Autrefois économie profondément autocratique, l’Albanie est devenue aujourd’hui une économie de marché libre et dynamique. Aujourd’hui, mon pays gère avec succès l’impact de la crise économique et financière mondiale et connaît une croissance positive sur les plans économique et financier grâce à des réformes macro-économiques soigneusement réfléchies, à la libéralisation du commerce, à l’encouragement donné à l’esprit d’entreprise et à une série d’autres réformes profondes dans ce secteur.
De 2007 à 2012, la croissance moyenne du PIB a été de 5 %. Le rapport sur la compétitivité mondiale 2011-2012 du Forum économique mondial classe l’Albanie à la 78è place sur 142. Le rapport «Doing Business 2012» de la Banque mondiale classe l’Albanie à la 82è place sur 183 économies. Dans d’autres rapports, l’Albanie arrive 24è et 16è, dans le peloton de tête.
Nous savons ce qui est attendu des autorités albanaises: améliorer le niveau de ses normes et s’engager pleinement à les améliorer pour devenir capable d’intégrer dignement la famille européenne.
Les mesures concrètes que nous avons prises font du rêve éternel d’Europe des Albanais une réalité, conforme à l’aspiration exprimée par d’innombrables étudiants et citoyens qui remplissaient les rues et places pour dire: «Nous voulons que l’Albanie soit comme le reste de l’Europe!» Ce fut le slogan qui inspira les Albanais dans leur lutte finale contre la dernière dictature en Europe.
L’Albanie fête les 100 ans de son indépendance. Les efforts de la nation albanaise pour protéger son intégrité territoriale contre les risques de partition, d’épuration ethnique et d’occupation sont innombrables. Mais aujourd’hui nous fêtons les 100 ans de l’indépendance de l’Albanie comme nation libre qui a su comment faire usage des valeurs de la liberté pour réaliser de véritables conquêtes.
Chers membres de l’Assemblée parlementaire, depuis les premiers moments de l’adhésion de l’Albanie au Conseil de l’Europe, cette Organisation et ses institutions ont apporté à mon pays une contribution précieuse pour encourager le processus de consolidation des réformes démocratiques. L’Albanie a bénéficié en particulier du savoir-faire et de la coopération du Conseil de l’Europe dans divers domaines: la réforme constitutionnelle grâce à la coopération avec la commission de Venise, la tenue d’élections libres et démocratiques conformes aux normes européennes, l’établissement et la consolidation d’une justice efficace et indépendante, la lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics illicites, la croissance de la culture démocratique et d’autres réformes.
A l’heure actuelle, l’Albanie est un candidat potentiel à l’adhésion à l’Union européenne. A cet égard, le Conseil de l’Europe joue un rôle important comme vecteur de la politique européenne en matière de protection et promotion des droits de l’homme, de renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit. La réussite de l’Albanie est incontestablement liée aussi à la coopération fructueuse dont elle a bénéficié de la part du Conseil de l’Europe.
D’un autre côté, la présidence albanaise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe nous donne une grande occasion d’apporter notre contribution dans tous ces domaines et d’aller plus loin dans les progrès réalisés par les présidences précédentes, tout en contribuant à améliorer les valeurs dans notre pays. Grâce à ses politiques prudentes et modérées, l’Albanie joue un rôle stabilisateur dans la région. Petite nation, elle peut apporter un grand message. La tolérance et l’harmonie entre les religions, caractéristiques des Albanais, constituent un modèle de coexistence dans la diversité. Les sacrifices des Albanais pour accueillir et protéger les juifs en danger d’extermination montrent clairement comment une petite nation ayant un grand cœur peut faire la différence.
Nous comprenons tous que la diversité est le destin de l’Europe. Cette diversité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique a toujours caractérisé les sociétés européennes. Les pères fondateurs de l’Europe unie ont considéré que cette diversité constituait la force et l’avantage de notre continent. La présidence albanaise en exercice est convaincue que le Conseil de l’Europe, avec tout son savoir et son expérience, est l’organisation internationale appropriée pour promouvoir les sociétés démocratiques respectant et défendant la diversité et la coexistence pacifique dans la liberté.
Dans ce but, la présidence albanaise organisera à Tirana une conférence à haut niveau sous le thème: «Diversité en Europe, un outil puissant pour l’avenir». A côté des points qui seront discutés là-bas, il y aura également un dialogue avec nos voisins méditerranéens, qui servira à partager nos meilleures expériences en vue de créer des sociétés stables et ouvertes.
Je saisis cette occasion pour attirer votre attention sur un autre point: le patrimoine culturel européen. Celui-ci fait partie intégrante du système de valeurs de l’Europe. Le respecter et le protéger est essentiel pour développer une identité européenne. Mais rien n’est jamais acquis. Notre patrimoine culturel est très précieux, mais aussi très vulnérable. Pour le préserver, il faut agir ensemble, tous secteurs confondus, société civile, secteur du patrimoine, pouvoirs publics à tous les niveaux, institutions nationales et européennes, mais aussi toute personne intéressée par le patrimoine culturel.
La région des Balkans, qui s’inscrit dans la structure politique et institutionnelle actuelle de l’Europe, progresse aujourd’hui vers l’intégration européenne. Les pays qui la composent ont tourné le dos à leur passé et regardent résolument vers l’avenir. Dans les Balkans occidentaux, la coopération régionale, en particulier, constitue un instrument essentiel du développement de la région dans tous les domaines, qui permettra d’atteindre plus rapidement cet objectif commun qu’est l’intégration européenne.
La politique étrangère de l’Albanie se caractérise par un engagement résolu à développer les bonnes relations du pays avec ses voisins ainsi que l’intégration régionale. C’est un environnement de paix, de stabilité, de démocratie et de développement économique qui servira le mieux nos intérêts nationaux. La création d’un tel environnement suppose qu’un esprit de coopération et de compréhension mutuelle anime toutes les parties en présence dans la région, au niveau bilatéral et multilatéral. L’avenir de la région dépend de la stabilisation dans le cadre de l’intégration européenne et euro-atlantique, seule solution aux problèmes hérités de l’histoire. Nous encourageons donc le dialogue et le débat institutionnel, car ce sont ces mécanismes de communication qui permettront de résoudre les difficultés intérieures et extérieures.
À nos yeux, il ne suffit pas, pour parler de coopération régionale, d’exprimer la volonté politique d’entretenir des relations de bon voisinage. En nous engageant concrètement ensemble, nous pouvons construire une infrastructure régionale moderne. Voilà pourquoi nous supprimons tous les obstacles non physiques à la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux et encourageons les échanges entre nos pays. Parallèlement, en apprenant à mieux connaître la culture, l’histoire et les coutumes de nos voisins, nous améliorerons l’image de notre région, nous la rendrons plus attractive et plus compétitive, et nous favoriserons son intégration européenne. Dans cet esprit, nous jouons un rôle modérateur afin de préserver et de consolider la paix et la stabilité dans les Balkans.
La présence d’Albanais dans presque tous les pays de la région contribue selon nous à cette politique de modération. Nous avons toujours considéré qu’ils pouvaient servir de passerelles entre nos différents pays et nous les encourageons à promouvoir, dans un esprit de coopération, l’intégration européenne des pays où ils vivent.
Chers membres de l’Assemblée parlementaire, nous apprécions l’engagement du Conseil de l’Europe dans notre pays et dans les Balkans, un engagement fondé sur des projets spécifiques et thématiques. En particulier, l’implication du Conseil au Kosovo est essentielle pour y promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit et pour offrir une perspective européenne aux citoyens qui y vivent. Le Kosovo devrait être un pays sûr pour ses citoyens, respectueux des normes du Conseil de l’Europe, appliquant les instruments européens et leurs mécanismes de contrôle.
Notre position est très claire. La République du Kosovo est une réalité et un facteur de stabilité dans la région. Cela ne laisse aucune place au doute. La question de son statut et de son intégrité territoriale est close. Nous soutenons l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe, seul moyen de faire bénéficier pleinement ses citoyens des normes du Conseil de l’Europe et de leur assurer l’accès à la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’intervalle, et dans les conditions actuelles – un statut neutre pour le Kosovo, conformément à la Résolution 1739 (2010) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe –, tous les pays membres du Conseil de l’Europe, quoi qu’ils pensent du statut du Kosovo, devraient s’engager davantage sur place pour développer les relations directes entre les autorités kosovares et le personnel du Conseil à tous les niveaux. Les citoyens du Kosovo, citoyens européens, méritent de bénéficier des normes européennes incarnées par le Conseil de l’Europe.
Grâce au soutien de pays amis, le Kosovo a fait de grands progrès et commencé de consolider les fondations de son Etat. La récente décision, prise par le Groupe d’orientation sur le Kosovo, de mettre fin à son «indépendance sous surveillance internationale» le confirme et ouvre une nouvelle page de l’histoire du pays, désormais entièrement indépendant et souverain. Le Kosovo n’a cessé de prouver sa détermination à consolider cette indépendance, cette souveraineté et son intégrité territoriale. Il y existe désormais partout des institutions multiethniques et démocratiques qui fonctionnent, ce qui montre que le pays a résolument tourné le dos à son douloureux passé et souhaite permettre à tous les citoyens vivant sur son territoire d’y bâtir l’avenir de leur famille et de leurs enfants. La reprise récente des discussions avec la Serbie, dont dépend la normalisation des relations entre les deux pays, y contribuera.
Si le mandat du Conseil de l’Europe se concentre sur l’Europe, bien des problèmes actuels sont influencés par l’évolution des pays voisins en Méditerranée, au Proche-Orient et en Asie centrale. Dès lors, nombre d’activités du Conseil, dont celles qui concernent d’importantes conventions, visent à étendre la coopération au-delà des limites de l’Europe. Ainsi, la lutte contre le terrorisme, le trafic d’êtres humains, le blanchiment d’argent ou la cybercriminalité ne sera efficace que si nos voisins s’impliquent à nos côtés et si nous nous rapprochons d’autres organisations internationales. Je suis fermement convaincu que le Conseil de l’Europe dispose de tous les mécanismes nécessaires pour contribuer à l’édification de sociétés démocratiques durables dans les régions voisines. Les relations avec ces régions doivent être fondées sur le respect mutuel et l’attention à leur identité culturelle et religieuse. Nous apprécions en particulier le rôle de la Commission de Venise, qui assiste le Maroc et la Tunisie en matière de droit constitutionnel afin de les aider à conformer leur législation aux normes internationales en matière de droits de l’homme.
Mesdames et Messieurs, l’Albanie croit fermement au dialogue entre les civilisations et continuera de s’engager activement pour abolir les différences en matière de droits de l’homme. Voilà pourquoi la présidence albanaise du Comité des Ministres a choisi pour devise «L’unité dans la diversité». Ce dialogue doit être considéré comme un processus en chantier qui suppose engagement, bonne volonté et attention. Il n’est pas toujours facile de surmonter les différences culturelles pour parvenir à l’harmonie; ce peut même être très difficile. Nous sommes tous attristés par les lourdes conséquences qu’a entraînées la diffusion d’une vidéo dépourvue de toute valeur, irrespectueuse envers l’islam et envers ce que les musulmans considèrent comme sacré. Les citoyens albanais de toutes confessions religieuses, notre Etat et nos institutions religieuses ont délibérément ignoré cette vidéo.
Il est malencontreux que, dans certaines parties de monde, il n’y ait pas eu la même réaction face à cet événement et qu’au contraire, cette vidéo ait été utilisée pour alimenter une violence aveugle au sein de foules furieuses et sans espoir, avec les conséquences fatales que l’on sait.
Nous devons clairement dire que toutes les formes de terrorismes et d’actions extrémistes de la part de groupes isolés ne devraient jamais être confondues avec les positions de gouvernements et de sociétés dans leur ensemble. Aucune colère, même légitime, ne peut justifier des actes de violence illégaux. Toutes les institutions politiques et religieuses et toutes les sociétés doivent s’opposer fermement à de tels actes et s’engager plutôt dans la mise en place de mécanismes de prévention, sur le plan social, éducatif et juridique.
Nous condamnons avec indignation les actions terroristes contre l’ambassade américaine en Libye et demandons que leurs auteurs soient sanctionnés. Nous condamnons toute action de protestation violente contre les ambassades de pays occidentaux, dont la mission est de promouvoir la compréhension et la coopération entre les pays et les nations.
Mes chers amis, la paix et la sécurité restent attaquées par la tyrannie et l’oppression. Nous condamnons fermement la violence commise contre le peuple de Syrie, amoureux de la liberté, et les actes commis par un régime qui a incontestablement perdu sa légitimité. Personne ne devrait rester les bras croisés face aux terribles événements qui se déroulent, jour après jour, depuis un an et demi maintenant, et qui ont entraîné la perte de milliers de vies humaines, provoqué des destructions considérables délibérées et fait reculer ce pays pour des dizaines et des dizaines d’années.
Nous vivons tous dans un monde de plus en plus mondialisé, un monde qui, au cours de son histoire, a su surmonter bien des tragédies humaines. Dans l’intérêt de notre avenir commun, nous devons tirer les bonnes leçons du prix qui a dû être payé par ces effusions de sang.
Mesdames et Messieurs, pour conclure, je voudrais rendre hommage au rôle et à la contribution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour la préservation et la promotion des valeurs fondamentales de notre Organisation dans ses Etats membres et au-delà. Je tiens également à exprimer toute ma reconnaissance pour l’aide et le soutien que cette Assemblée a apportés à mon pays en vue de l’aider à satisfaire à tous ses engagements et à sa mission.
Je vous souhaite des travaux fructueux au cours de cette session et vous remercie de votre attention.
LE PRÉSIDENT (interprétation)
Merci, Monsieur le Président.
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Toshev, au nom du Groupe du Parti populaire européen.
M. TOSHEV (Bulgarie) (interprétation)
Notre Assemblée a adopté en 2009 la Résolution 1681 et la Recommandation 1881 sur les crimes dits d’honneur. A l’époque, nous avions évoqué les pratiques de vendetta constatées en Albanie mais nous voyons aujourd’hui que des crimes d’honneur sont aussi commis dans d’autres régions, comme le Caucase. Pourriez-vous nous dire ce que fait l’Albanie pour combattre les crimes dits d’honneur?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
En Albanie, ces cas de crimes dits d’honneur sont aujourd’hui très rares. Nous avons introduit certaines modifications en matière pénale et nous conduisons une politique pénale très stricte contre les auteurs de tels actes.
Dans ce domaine toutefois, nous avons choisi de faire participer divers acteurs de la société, car il ne s’agit pas simplement de mener des enquêtes et de sanctionner pénalement. Nous avons aussi cherché à faire un travail de sensibilisation culturelle dans les zones périphériques et isolées où pouvaient se produire de tels événements. Car, je le répète, il s’agit de cas rares, isolés.
En termes de criminalité, l’Albanie est aujourd’hui dans la partie basse des statistiques européennes. Je partage vos préoccupations, mais je puis vous assurer que nous sommes très attentifs à tous les types de crimes. Les taux de criminalité ont beaucoup décru au cours de la dernière décennie en Albanie.
M. HAUGLI (Norvège) (interprétation)
Monsieur le Président, au nom de mon groupe, je vous remercie de votre présence et je vous remercie d’avoir évoqué l’universalité des droits de l’homme dans votre discours.
A une époque où certains Etats membres du Conseil de l’Europe restreignent les droits de l’homme fondamentaux pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, des droits aussi fondamentaux que la liberté de parole, je félicite l’Albanie, qui a fait des efforts dans ce domaine. Votre pays mérite d’être cité en exemple. Beaucoup a été fait, mais il reste encore à faire.
Quelles mesures envisagez-vous donc de prendre pour les personnes LGBT en Albanie?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
Nous respectons pleinement les droits de chacun, quelle que soit son orientation sexuelle. Le Parlement albanais a approuvé une loi spéciale visant à protéger les minorités sexuelles et les personnes ayant des orientations sexuelles diverses. Nous avons maintenant un commissaire spécial chargé de la sauvegarde des droits de ces groupes. Ces personnes ont leurs organisations, qui peuvent s’exprimer librement. Il n’y a pas d’obstacle à leur représentation ni à leurs activités.
M. XUCLÀ (Espagne) (interprétation)
Nous nous félicitons, Monsieur le Président, de votre vision de l’Europe, de votre rêve européen qui comporte un élément très important: la consolidation de la primauté du droit. Je souhaitais aborder en particulier le sujet de la protection des biens privés, l’achat et la vente de biens et la mise en place d’un registre public permettant de protéger le régime de propriété.
Cette question a vivement concerné votre pays il y a quelques années. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
Effectivement, la primauté du droit est un élément fondamental de toute société démocratique et l’Albanie, dans le cadre du processus d’intégration européenne, attache une grande attention à un certain nombre de priorités, la primauté du droit figurant au premier rang de celles-ci.
Je voudrais vous informer d’un fait tout à fait récent, dont je me félicite en tant que Président: devant le Parlement albanais, la majorité et l’opposition ont voté par consensus un certain nombre d’amendements constitutionnels, visant à pouvoir lever l’immunité des députés, des parlementaires et des hauts fonctionnaires de l’administration. C’est un message, je pense, très positif, en matière d’Etat de droit, notamment pour la lutte contre la corruption.
Dans le même temps, l’Albanie dispose d’une législation très complète et conforme aux normes européennes. Nos institutions appliquent aujourd’hui ces lois. Le bureau du procureur est totalement indépendant: il peut appliquer la législation pénale contre toute personne qui s’est rendu coupable d’actes répréhensibles. Le système judiciaire est parfaitement indépendant et cette indépendance se renforce régulièrement.
Pour en venir à votre question touchant ce problème important, je peux vous dire que l’Albanie travaille aujourd’hui sur 12 priorités identifiées par la Commission européenne en matière de prééminence du droit – notamment du droit foncier. Nous avons créé au sein du ministère de la Justice un département qui s’occupe spécialement de ce problème. Ce projet, très important pour nous, a reçu un financement de la Banque mondiale. Il repose sur l’enregistrement électronique de l’ensemble des propriétés foncières.
La restitution des biens, dans un pays qui a souffert pendant un demi-siècle d’un isolement total et d’une spoliation systématique des propriétés, est un processus long et difficile. Néanmoins, nous sommes sur la bonne voie.
The Earl of DUNDEE (Royaume-Uni) (interprétation)
Monsieur le Président, en ce qui concerne le soutien fourni par le Conseil de l’Europe à la démocratie locale, de quelles actions votre pays a-t-il bénéficié? Avez-vous reçu une recommandation particulière à faire à la future présidence d’Andorre?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
La démocratie locale est une priorité en Albanie. Depuis un certain nombre d’années, nous avons commencé à transférer la propriété publique aux collectivités locales et nous avons fait en sorte qu’elles aient leur propre budget et qu’elles reçoivent le produit des impôts locaux. Nous avons développé cette stratégie dans le but de renforcer la démocratie locale. Nous apprécions tout particulièrement la coopération avec le Conseil de l’Europe dans ce domaine.
LE PRÉSIDENT
La parole est à M. Petrenco, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.
M. PETRENCO (République de Moldova) (interprétation)
Monsieur le Président, je suis de très près les événements dans votre pays depuis que je suis membre de l’Assemblée parlementaire. Compte tenu du fait qu’il y aura bientôt des élections chez vous, et en sachant que, par le passé, des protestations se sont élevées au sujet du manque d’impartialité de la commission électorale nationale, sans oublier certains problèmes en matière de liberté d’expression de l’opposition, pouvez-vous nous donner l’assurance que vous allez respecter les candidats de l’opposition?
Je voudrais aussi vous demander de nous dire quelques mots sur les mesures qui sont prises en matière de lutte contre la corruption, qui est l’un des problèmes majeurs de votre pays. Qu’en est-il, enfin, de l’application des arrêts rendus par les tribunaux?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
Au sujet des élections, je vous dirai que le processus est observé par des organisations internationales telles que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, le Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Divers rapports d’évaluation ont été rendus, formulant des recommandations.
Les dernières évolutions survenues dans notre Parlement sont encourageantes: la majorité et l’opposition ont voté de façon consensuelle une nouvelle loi électorale, qui s’appliquera au prochain scrutin. C’est une bonne nouvelle. Les améliorations apportées en la matière tiennent compte, bien sûr, des recommandations qui nous avaient été faites. Je me suis réjoui que ces modifications aient été approuvées par l’opposition et la majorité, tous partis confondus.
Une nouvelle commission électorale nationale est en cours de constitution. La précédente était déjà issue d’un vote consensuel des membres du Parlement. Nous espérons que ce sera également le cas de celle-ci.
En ce qui concerne l’exécution des décisions judiciaires, la situation s’est améliorée. Nous avons engagé des réformes pour résoudre les problèmes qui persistent dans ce domaine.
M. FOURNIER (France)
Monsieur le Président, l’Albanie a connu pendant de longs mois une crise politique nuisant au bon fonctionnement du pays au quotidien, mais aussi à son avenir à long terme, notamment dans la perspective d’une adhésion à l’Union européenne. C’est d’autant plus regrettable que l’Albanie connaît un développement spectaculaire, comme j’ai pu le constater encore très récemment.
Pouvez-vous nous donner des assurances quant à un retour progressif à la normalité, avec un échange régulier entre votre gouvernement et l’opposition? A défaut, comment le Conseil de l’Europe pourrait-il vous aider à réinstaurer ce dialogue indispensable?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
Tout d’abord, la coopération avec le Conseil de l’Europe est très importante pour nous. Ensuite, je voudrais vous dire que la vie parlementaire se porte bien depuis maintenant plusieurs années. L’opposition est revenue au Parlement il y a trois ans et nous travaillons ensemble. Evidemment, la vie politique suppose le débat, et celui-ci est parfois vif. En tant que Président de la République, j’encourage à tout instant la coopération directe entre les partis. Je mentionnais à l’instant deux exemples de cette coopération, à savoir la nouvelle loi électorale et la levée de l’immunité.
Une commission travaille pour améliorer les règles de la vie parlementaire. J’attends beaucoup, sur ce sujet, des deux grands partis. Je pense qu’ils voteront ensemble la proposition qui leur sera faite. Bien évidemment, chez nous comme ailleurs, le débat politique existe, mais je peux vous donner l’assurance que, jour après jour, la classe politique en Albanie s’améliore.
LE PRÉSIDENT (interprétation)
Mme Quintanilla, inscrite dans le débat, étant absente de l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Gaudi Nagy.
M. GAUDI NAGY (Hongrie) (interprétation)
J’ai constaté personnellement à quel point l’Albanie et le Kosovo se sont développés. Nous, Hongrois, partageons, d’une certaine manière, le même destin que ces deux pays, puisque nous avons dû vivre, du fait de l’histoire, dans un Etat rassemblant plusieurs pays. Les communautés traditionnelles ne doivent pas être dépourvues de statut. Que pensez-vous de l’autonomie territoriale, qui pourrait être un outil excellent pour prévenir d’autres conflits ethniques?
M. Nishani, Président de l’Albanie (interprétation)
Comme je l’ai dit dans mon intervention, les Albanais ont contribué à la paix, à la stabilité et au bon voisinage et ils continueront à le faire. L’Albanie n’entend pas soutenir quelque demande de modification des frontières que ce soit.
Notre région a un passé difficile, ne l’effaçons pas, mais tournons-nous vers un avenir qui sera commun.
Mme VASIC (Serbie) (interprétation)
Au nom de la délégation serbe, j’aimerais savoir quelles mesures concrètes les autorités albanaises envisagent de prendre pour faciliter les investigations sur les allégations contenues dans le rapport de M. Marty sur le trafic d’organes humains?
M. Nishani, Président de l’Albanie
D’un côté, il y a des rumeurs, de l’autre, la nécessité d’enquêter. Plus que tout autre pays de la région, l’Albanie a intérêt à ce que la lumière soit faite sur ce sujet et elle est d’accord pour qu’une enquête pleine et entière soit menée par l’EULEX sur les allégations contenues dans le rapport de M. Marty. Nous avons toute confiance dans le professionnalisme de l’Eulex. Pour faciliter son enquête et ouvrir nos institutions à ses demandes, le parlement albanais a voté une loi spéciale.
M. AGRAMUNT (Espagne) (interprétation)
Monsieur le Président, vous siégez à la présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Vous avez indiqué que vous étiez favorable à l’entrée du Kosovo au Conseil de l’Europe, contrairement à certains pays membres qui considèrent, en effet, que l’indépendance du Kosovo n’est pas une réalité et que son adhésion est contraire à tous les traités internationaux.
M. Nishani, Président de l’Albanie
Je souhaite que les normes européennes s’appliquent à l’humanité entière, car elles sont une réussite exemplaire.
Les citoyens du Kosovo, quelle que soit leur origine ethnique – Albanais, Serbes, Romsoiu autres sont des citoyens européens et à ce titre méritent d’avoir des institutions propres, fonctionnant conformément aux normes européennes, afin que leurs citoyens bénéficient de services fondés sur ces mêmes normes. Je voudrais donc que les organes du Conseil de l’Europe et ses compétences soient mis au service des autorités sur place pour promouvoir les valeurs du Conseil de l’Europe et pour les partager, afin que les institutions du Kosovo parviennent à les respecter.
LE PRÉSIDENT
M. Ivanovski, inscrit dans le débat, n’étant pas présent dans l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Ahmet Kutalmis Türkes, pour poser la dernière question.
M. Ahmet Kutalmis TÜRKES (Turquie) (interprétation)
L’Albanie est un pays important des Balkans et la trajectoire européenne de l’Albanie est essentielle pour la stabilité de la région. Il est donc important que l’Albanie défende les valeurs européennes.
Monsieur le Président, quelles incidences aura le code électoral révisé, qui est entré en vigueur récemment dans votre pays, sur les élections en 2013? Conduira-t-il à plus de transparence?
M. Nishani, Président de l’Albanie
Oui, j’en suis profondément convaincu. L’objectif du Parlement et des partis politiques était justement la transparence et la mise en place de meilleures normes pour les élections à venir. Les partis ont voté d’un commun accord ce nouveau code électoral, qui participe d’une plus grande confiance entre les partis.
LE PRÉSIDENT
Monsieur le Président, il me reste à vous remercier très chaleureusement pour votre intervention et pour avoir répondu à l’ensemble des questions qui vous ont été posées. Je remercie également mes collègues pour la qualité de leurs questions.
Monsieur le Président, je vous donne rendez-vous dans quelques instants, puisque nous allons avoir le plaisir de partager le déjeuner officiel qui est offert en votre honneur.