Waldemar

Pawlak

Premier ministre de Pologne

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 6 octobre 1994

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, je vous remercie cordialement pour votre accueil et pour la possibilité de pouvoir vous présenter certaines questions qui nous préoccupent, en tant que Polonais et membres de la famille européenne.

Le Conseil de l’Europe a été la première organisation ouest-européenne qui a accueilli dans ses rangs les nouvelles démocraties de l’Europe centrale et orientale. C’était une décision courageuse. Et ses effets sont considérables. La Pologne apprécie hautement le soutien et l’assistance que le Conseil de l’Europe a apportés à la construction d’un Etat démocratique moderne, à la création d’institutions démocratiques, à la consolidation de la légalité. Nous accueillons avec satisfaction le développement des contacts entre la Pologne et le Conseil aussi bien sur le plan gouvernemental que parlementaire. Les deux séjours de M. Miguel Angel Martinez, Président de l’Assemblée, cette année à Varsovie, ainsi que la visite officielle du Secrétaire Général du Conseil, ne sont que des exemples de ces contacts que nous apprécions hautement.

La coopération sur un pied d’égalité qui caractérise les rapports entre les membres du Conseil de l’Europe permet de mieux comprendre les problèmes et les besoins des Etats membres, et en particulier de ceux qui se sont engagés sur la difficile voie de la transformation politique et économique. De cette compréhension et de l’efficacité de la coopération, fondée sur cette compréhension, dépendra que l’Europe devienne un espace stable de démocratie et de marché libre et que nous sachions prévenir un nouveau partage, avec toutes ses conséquences que l’Histoire nous a fait connaître.

Depuis cinq ans, la Pologne réalise avec succès – bien que souvent non sans difficultés – un programme de profonds changements qui se fondent sur la démocratie, les droits de l’homme, la légalité et l’économie de marché. Le sens des réformes reste stable malgré les changements de parlements et de gouvernements, conséquence des élections démocratiques. Nous pouvons constater avec satisfaction les résultats de ce processus. Les procédures démocratiques ont été stabilisées. Le marché impose ses règles aux processus économiques et des institutions de base, rendant possible le fonctionnement efficace du mécanisme du marché, ont vu le jour. L’inflation est sous contrôle et continue à baisser visiblement. Le secteur privé domine dans l’économie, aussi bien en ce qui concerne la production du produit national brut que l’emploi. Nous voulons que la Pologne devienne de plus en plus attrayante pour le capital étranger.

Nous notons une croissance économique considérable. En 1993, le produit national brut s’est accru de 4 % et la production industrielle de plus de 8 %. Et cela au moment où dans l’ensemble de l’Europe le rythme de croissance était nettement inférieur, ce qui fait que la Pologne est devenue l’un des Etats européens au développement le plus rapide. De même, cette année, les tendances au développement dominent dans notre économie et dans certains domaines tels que l’industrie, les investissements et les exportations, le rythme de croissance est sensiblement supérieur à celui de l’année précédente. Au cours des sept derniers mois, la production industrielle s’est accrue de 11,2 %. Ces résultats ont été possibles grâce à la grande détermination de la société polonaise qui doit porter le poids des réformes. Le taux de chômage élevé et la baisse des revenus réels ne sont que certains phénomènes négatifs auxquels nous devons réagir. Il est beaucoup plus difficile de changer les habitudes des hommes que les principes de l’économie. Particulièrement importants sont donc aussi les changements dans la sphère de la conscience, surtout vu que de plus en plus de Polonais profitent déjà des effets positifs des réformes. Car les réformes ne sont efficaces que si elles sont acceptées par la société.

Je tiens à le répéter, le cours des réformes en Pologne est irréversible, bien que son rythme puisse dépendre, en périodes diverses, de la disposition de la société à accepter les frais périodiques qu’il entraîne.

Monsieur le Président, nous constatons souvent et à juste titre que la paix en Europe est indivisible. Nous devrions souligner avec la même fermeté la thèse selon laquelle la paix et le développement sont interdépendants.

Construire des institutions démocratiques, ce n’est pas seulement créer une nouvelle image politique de l’Europe, mais aussi créer d’importantes prémices de la paix. Le développement économique, ce n’est pas seulement la création de conditions pour une coopération paneuropéenne harmonieuse, mais c’est aussi la construction de la stabilité sur notre continent.

Soutenant la transformation, nous servons la sécurité du continent. Les risques qui peuvent résulter de l’effondrement de ce processus sont communs. Car il n’est plus possible aujourd’hui d’isoler les zones de déstabilisation et de conflits par de nouvelles frontières imperméables.

Le développement de la situation dans notre région a une signification clé pour l’avenir de l’Europe. C’est avec une attention particulière que nous suivons le déroulement des réformes chez nos voisins de l’Est. Notre tâche commune devrait consister à coopérer avec eux étroitement, et, dans la mesure des possibilités, de leur fournir un large soutien et une assistance. Nous estimons que cela devrait s’exprimer aussi par la présentation de perspectives précises quant à une rapide adhésion au Conseil de l’Europe. Nous nous réjouissons que le Conseil de l’Europe maintienne avec conséquence son courage et se soit montré déterminé à élargir le nombre de ses membres en accueillant les grands Etats de l’Europe orientale. C’est une tâche importante et de portée historique. C’est restituer à l’Europe ses véritables frontières. Mais cela exigera de l’Organisation de s’adapter aux nouvelles tâches et d’élaborer de nouvelles méthodes d’activité, prenant en considération l’échelle et la grandeur des besoins des futurs membres. Cela demandera aussi des efforts afin que les standards adoptés par le Conseil de l’Europe ne subissent pas d’érosion.

Monsieur le Président, nous créons ensemble une nouvelle réalité européenne, fondée sur la communauté des idéaux et des valeurs. Au lieu de partages artificiels, nous établissons de nouveaux liens politiques, économiques et humains, la conscience de l’avenir commun.

La Pologne n’escompte pas seulement une coopération future, elle s’efforce d’apporter sa contribution à cette nouvelle Europe.

Nous attachons une attention particulière à notre entourage le plus proche. Nous avons conclu avec tous nos voisins des traités bilatéraux qui affirment entre autres l’inviolabilité des frontières et établissent des systèmes de protection des minorités. Nous considérons ces traités comme une grande acquisition commune des Polonais, des Allemands, des Bélarusses, des Lituaniens, des Russes, des Slovaques, des Tchèques et des Ukrainiens. Nous sommes conscients de l’importance de ces règlements pour la stabilité de cette région de l’Europe, si durement éprouvée par l’Histoire.

Nous développons la coopération transfrontalière à une échelle sans précédent, y compris la coopération dans le cadre des eurorégions. Nous contribuons à la coopération régionale en Europe centrale et à la coopération dans le cadre du Conseil des Etats de la mer Baltique. Nous sommes des participants actifs de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

En même temps, l’idée de l’Europe unie qui inspirait les fondateurs du Conseil de l’Europe est pour nous plus actuelle que jamais. Nous Polonais, vu l’ouverture traditionnelle de la Pologne, nous avons toujours été un des éléments de la civilisation européenne. Pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous étions coupés de nos racines historiques. C’est pourquoi le mot d’ordre de réintégration dans le monde occidental a pour nous une importance politique, économique et civilisationnelle, considérable et prioritaire. Pour ces raisons, et vu les plus vifs intérêts de la Pologne, il n’y a pas d’alternative pour la future adhésion de la Pologne aux structures occidentales, pour sa place durable dans le système de liens créés par ces pays. Mais nous ne voulons pas une nouvelle division de l’Europe.

Nous ne voulons être ni «l’est de l’Ouest» ni «l’ouest de l’Est». Nous soutenons obstinément le processus qui lie l’Est avec l’Ouest pour en former une entité.

Nous voulons que soient mis en pratique les principes de l’indivisibilité de la sécurité de l’Europe tout entière et plus encore de l’ensemble de l’espace euroatlantique.

Nous estimons que la voie la plus simple vers l’Europe sans partages, c’est l’élargissement des structures existantes – de l’alliance de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne. Un tel élargissement ne crée pas de nouveaux partages, mais élimine les anciens. Pour la Pologne, l’adhésion à l’Union européenne signifie non seulement l’affermissement des changements démocratiques, la consolidation de la transformation du système et l’accélération du développement économique, mais elle est avant tout un acte d’autodétermination. L’élargissement de l’Otan, nous l’envisageons comme un des éléments de l’adaptation de cette organisation aux nouvelles réalités et aux nouveaux rapports en Europe.

Je tiens à souligner encore une fois que l’aspiration à adhérer à cette organisation ne résulte pas d’un sentiment de danger. Elle n’est dirigée contre aucun Etat.

L’affermissement des liens de la Pologne avec les institutions ouest-européennes et transatlantiques apportera des profits mesurables non seulement pour la Pologne, mais aussi pour l’Europe: il renforcera la sécurité, étendra la zone de stabilité. Nous sommes en même temps conscients que l’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan, ce ne sont pas uniquement des avantages. L’adhésion à ces organisations nous obligera à une participation active à leurs actions communes et à leurs efforts. Et nous sommes prêts à prendre ces engagements.

Nous comprenons qu’il est difficile de s’adapter tout de suite aux changements, surtout s’ils sont aussi fondamentaux que la défaite du communisme ou la fin de la guerre froide. Ces changements se sont effectués spontanément et en dehors des structures existantes. Cela explique en partie les difficultés d’adaptation des institutions européennes. Nous voudrions cependant que les institutions, qui ont joué un rôle clé dans le développement de la partie occidentale du continent, deviennent des instruments intégrant progressivement l’Europe tout entière. En fait, c’est la seule alternative.

L’économie polonaise, déjà aujourd’hui, s’intègre, en grande mesure spontanément, à l’économie de l’Union européenne, résultat du penchant économique naturel de ces deux espaces. Voilà une confirmation de plus de la thèse que la vie n’admet pas de vide économique ou politique. Naturelle est aussi la tendance à la coopération avec l’Otan dans le domaine de la sécurité. Nous sommes contents que cela soit de plus en plus visible. Le programme de l’Otan «Partenariat pour la paix» crée non seulement une nouvelle réalité, mais reflète aussi les besoins existants. Nous envisageons de profiter activement des perspectives qu’il crée et de développer une coopération militaire concrète avec les Etats de l’Otan. Les premiers exercices militaires communs, organisés récemment dans mon pays avec la participation de treize Etats de l’Otan et de l’Europe de l’Est, avec des forces armées qui récemment encore se trouvaient les unes en face des autres dans une Europe partagée, sont le symbole de la naissance d’une Europe nouvelle, et témoignent de la profondeur et – nous le croyons – de l’irréversibilité des changements dans notre région.

Dans ce changement, non seulement à l’échelle des nations, mais aussi à l’échelle du continent, le Conseil de l’Europe a un rôle particulier à jouer. Aujourd’hui il nous redonne le juste sens de la définition de l’«Europe». Maintenant les standards établis, il devrait contribuer efficacement à la coopération de tous les peuples de l’Europe. La Pologne accueille et soutient les démarches entreprises dans le cadre de cette organisation, démarches qui l’adaptent à l’environnement international en mutation. La protection des droits de l’homme et des minorités, la construction des systèmes démocratiques, les questions de culture et d’éducation restent des éléments fondamentaux de l’ordre stable intérieur et international.

Nous soutenons le développement de la coopération du Conseil de l’Europe avec les autres organisations européennes et transatlantiques, y compris la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, et surtout avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme qui fonctionne à Varsovie.

Je tiens à rappeler que la Pologne s’intéresse toujours à la présence permanente du Conseil de l’Europe à Varsovie – sous forme et à portée établies. Cela servirait une meilleure coopération entre le Conseil de l’Europe et la CSCE, et permettrait de mieux profiter des expériences déjà acquises dans cette partie de l’Europe, expériences de transformation politique, économique et sociale. J’espère que les rencontres de printemps du Conseil qui se sont tenues en mai dernier à Varsovie constituent aussi un pas dans ce sens.

Nous nous prononçons pour le développement de programmes intégrant divers pays et leurs sociétés et pour l’élimination des barrières qui rendent l’intégration plus difficile. Nous estimons que l’une des tâches les plus urgentes que l’Europe doit affronter, c’est la solution des problèmes économiques dans la région de l’Europe centrale et orientale. Il est d’importance primordiale que les Etats occidentaux témoignent d’imagination lorsqu’ils apportent leur assistance au processus de transformation. Sans un afflux accru de capitaux et d’investissements étrangers, nous ne serons pas en mesure de surmonter nos difficultés. Nous vous encourageons à agir ensemble au profit de nous tous. Le progrès du processus de changement, la consolidation de la démocratie et de l’économie de marché en Europe centrale et orientale, ce sont des défis historiques pour tous les Européens. Leur réussite ou leur défaite détermineront l’avenir de notre continent pour des dizaines d’années. Un plan, une stratégie d’action commune sont nécessaires. Cette stratégie devrait servir l’essor économique et la réduction des coûts sociaux de la transformation du système, assurer la stabilité intérieure et la sécurité extérieure des Etats en transformation. L’Europe, pour affronter les nouveaux défis, a besoin d’une telle stratégie.

Et c’est en premier lieu à vous, Mesdames, Messieurs, à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, que je m’adresse en signalant le besoin de son élaboration, à vous qui avez si souvent faits preuve de perspicacité, entre autres en ouvrant si rapidement vos structures aux nouvelles démocraties, en apercevant les nouvelles menaces pour l’Europe. Au Sommet de Vienne, le Conseil de l’Europe a adopté la Déclaration et le Plan d’action sur la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance, il a reconnu comme défis clés la résurgence des nationalismes agressifs et l’insuffisante protection des droits des minorités, défis que l’Europe contemporaine doit relever. Il faut continuer à penser aussi courageusement, nous en avons toujours besoin. Par votre effort commun, parlementaires de l’Est et de l’Ouest, vous pouvez et vous devriez élaborer une nouvelle forme du vieux continent.

Reconnaissant que tous les Etats sont interdépendants et ont des droits égaux, œuvrons afin de créer des conditions pour une croissance durable de l’ensemble de l’Europe. De nouvelles formes de coopération sont nécessaires. Il faut renoncer dans les rapports internationaux au schéma donneurs et preneurs. La faiblesse des programmes actuels résultait de la dispersion des moyens, de l’insuffisante coordination de leur utilisation et du manque d’une stratégie commune. Restent inquiétants aussi l’accroissement du protectionnisme et la création de nouvelles barrières, qui signifient pour nous la détérioration de notre situation économique. Passons des paroles sur la coopération européenne à une Europe consciente de sa véritable communauté, à une Europe où règnent la compréhension réciproque et une large coopération.

Merci pour votre attention.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur Pawlak. Il est compréhensible que, géographiquement parlant, la Pologne ne souhaite être ni l’est de l’Ouest, ni l’ouest de l’Est. Il est certain qu’avec les bouleversements actuels Varsovie est en train d’acquérir une position centrale dans la nouvelle dimension européenne et l’Assemblée en tient déjà compte.

Certains membres de l’Assemblée ont exprimé le désir de vous poser un certain nombre de questions. Je tiens à leur rappeler qu’ils disposent de trente secondes pour ce faire. Toutefois, dans ces limites, ils pourront, s’ils le souhaitent, poser une question supplémentaire. La parole est à M. Franck pour poser la première question.

M. FRANCK (Suède) (traduction)

Comment la Pologne progresse-t-elle vers l’abolition de la peine de mort? Comment pensez-vous, Monsieur Pawlak, parvenir à cet objectif?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

déclare que cela dépend de la décision qui sera prise par le parlement. L’opinion polonaise est divisée, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres pays. De toute manière, la peine de mort n’est plus exécutée en Pologne.

M. FRANCK (traduction)

Monsieur Pawlak, je vous remercie de votre réponse. Si j’ai bien compris, vous n’êtes pas libre de vous exprimer au nom de votre gouvernement. J’espère que vous avez pris note de la décision qu’a prise le Conseil de l’Europe il y a quelques jours, et j’aimerais savoir si, à votre avis, il est temps de prendre le chemin de l’abolition. D’autres pays d’Europe centrale l’ont fait. J’aimerais, même si vous ne pouvez-vous exprimer au nom du Parlement polonais, en savoir un peu plus.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

déclare qu’il répondra avec plus de facilité lorsqu’il sera redevenu simple parlementaire.

M. KELAM (Estonie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je suis heureux que vous vous déclariez prêt à participer au renforcement de la coopération en Europe. Selon vous, comment pourrait-on instaurer une coopération politique plus étroite entre les Etats du groupe de Visegrad – notamment la Pologne et les Etats baltes – en gardant à l’esprit leur souhait d’être intégrés dans l’Union européenne?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

déclare que la coopération du groupe de Visegrad offre de bonnes perspectives de développement. D’autre part, la Pologne préside actuellement le Conseil des Etats de la Baltique. Ces types de coopération doivent avancer. Une réunion du groupe de Visegrad est prévue pour la fin de l’année à Poznan. La Pologne vise à développer les contacts à tous les niveaux, y compris grâce au tourisme.

M. KELAM (traduction)

Il existe actuellement certains problèmes de circulation routière à la frontière polono-lituanienne. A la lumière des projets de Via Hanseatica ou de Via Baltica, quelles mesures le Gouvernement polonais envisage-t-il de prendre pour en faciliter le passage?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

annonce que la Pologne et la Lituanie comptent ouvrir de nouveaux postes frontière et ont déjà créé un service commun de dédouanement. La ratification du traité d’amitié entre la Pologne et la Lituanie devrait intervenir bientôt. Il mentionne enfin le soutien prêté aux minorité ethniques, qui implique notamment une exonération des droits de douane.

M. GRICIUS (Lituanie) (traduction)

Cette année, pour la première fois au cours de ce siècle, la Pologne et la Lituanie signeront un accord d’amitié et de coopération qui, je crois, sera ratifié la semaine prochaine à Varsovie ainsi qu’à Vilnius. Dans ce traité, les questions de sécurité et de coopération bilatérale ou multilatérale ne font pas l’objet d’un article séparé. Comment voyez-vous l’avenir de la stabilité et de la sécurité en Europe centrale? Pensez- vous que les Etats baltes devraient s’abstenir de rejoindre l’Otan si les pays du groupe de Visegrad en devenaient membres à part entière?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

rappelle que tous les pays concernés ont connu un même destin il y a cinquante-cinq ans et qu’il ne faut pas créer de nouvelles divisions. Il faut faire preuve d’imagination et utiliser aussi bien le partenariat pour la paix que l’Otan et la CSCE.

M. ZINGERIS (Lituanie) (traduction)

Il faut noter que, durant ces quatre dernières années, nos pays ont entretenu d’excellentes relations. J’aimerais cependant avoir une réponse plus détaillée à la question qu’a posée M. Gricius. La Pologne et la Lituanie cherchent toutes deux à garantir leur sécurité en rejoignant l’Otan. La Pologne est-elle favorable à l’idée que les deux pays rejoignent cette organisation en même temps?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

rappelle que les deux pays ont déjà participé à des manœuvres communes, mais que la décision sur l’adhésion à l’Otan sera en définitive prise par l’Otan elle-même. Il répète que les pays d’Europe centrale et orientale devraient faire partie d’un système commun offrant des garanties de sécurité pour tous. M. le Premier ministre espère que ces processus vont aboutir rapidement, mais il souligne que ces processus supposent une décision des partenaires de l’Otan.

M. ROMAN (Espagne) (interprétation)

demande quelle réponse le Gouvernement polonais donne aux critiques de l’opposition selon lesquelles il freinerait le processus de privatisation.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

ne veut pas engager de débat avec l’opposition polonaise dans cette enceinte, mais il rappelle que les faits sont têtus: la privatisation continue à avancer et elle est devenue plus profitable. Pour sa part, M. Pawlak vient d’un secteur, l’agriculture, qui a toujours connu la propriété privée. Il considère que la privatisation est un processus normal qui doit être simplement correct au plan économique. Son gouvernement a procédé avec précaution en ouvrant les capitaux aux étrangers mais aussi aux citoyens par des offres publiques d’actions qui ont suscité l’intérêt de l’opinion et des débats passionnés au Parlement. Il n’y a pas lieu de polémiquer. Actuellement, les deux tiers du PNB viennent du secteur privé, cette proportion sera encore plus importante l’an prochain et l’agriculture et le commerce sont presque entièrement privatisés. Il est vrai que les choses sont plus délicates pour l’industrie lourde, mais cela vaut aussi dans les pays occidentaux. M. Pawlak indique que, dès Tan prochain, les entreprises publiques seront elles aussi régies par le Code du commerce.

M. GÜNER (Turquie) (traduction)

L’Assemblée apprécie beaucoup la contribution de votre pays au processus de démocratisation en Europe centrale et orientale entrepris après la chute du régime communiste. L’Europe est en pleine mutation, et le Conseil de l’Europe accueille de plus en plus de membres. Actuellement, le plus grand pays d’Europe en taille et en importance, la Fédération de Russie, frappe à la porte de l’Organisation et nous souhaitons pouvoir l’accueillir bientôt. Monsieur le Premier ministre, le Conseil de l’Europe a-t-il sollicité l’avis de la Pologne à propos de l’accession de la Russie?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

demande à l’Assemblée de garder présents à l’esprit les événements d’il y a cinq ans. Ceux-ci ont conduit à des transformations profondes qui ont été bénéfiques pour les valeurs que défend le Conseil de l’Europe. Si celui-ci décide de s’élargir il pourra mieux défendre et promouvoir ses valeurs. Mais il ne doit pas oublier que l’ensemble des pays de l’Europe centrale et orientale ont formé un système et ont noué des liens nouveaux. Il est dans l’intérêt général que les pays d’Europe centrale et orientale, et notamment ceux qui se trouvent à l’Est de la Pologne, deviennent membres actifs du Conseil de l’Europe. La coopération avec la Russie est importante, mais elle n’est pas la seule.

M. LANDSBERGIS (Lituanie) (traduction)

J’aimerais à mon tour féliciter M. Pawlak. Je souhaiterais avoir plus de précisions sur la législation polonaise relative aux minorités nationales ainsi que sur les procédures adoptées par le Parlement polonais en vue d’améliorer la situation des minorités dans le pays.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

répond que la Pologne respecte les droits des minorités et qu’elle a introduit dans les traités qu’elle a signés avec ses voisins des clauses adéquates. Les minorités ne sont la cause d’aucune tension dans la région. Le traité de coopération qui a été signé le 26 avril avec la Lituanie comporte par exemple des garanties précises.

M. Pawlak précise qu’il existe une dizaine d’écoles lituaniennes, un lycée, que la radio publique diffuse depuis 1990 des programmes en lituanien et que l’Etat aide deux revues dans cette langue.

On peut dire que la coopération est donc exemplaire, qu’il n’existe pas de problèmes de voisinage, et le Gouvernement polonais souhaite des contacts plus fréquents entre parlementaires et collectivités locales des deux pays. Il espère que, du côté lituanien, on partage le même intérêt.

M. LANDSBERGIS (traduction)

Ma question portait sur la législation polonaise. Or le Premier ministre s’est borné à parler de traités.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

répond que son pays a ratifié la Convention sur les droits des minorités et qu’il applique les normes internationales en la matière.

M. INÖNÜ (Turquie) (traduction)

J’ai suivi avec attention les explications de M. le Premier ministre. Il a dit qu’un élargissement des organisations régionales favorisait la stabilité. Mais il existe aussi une organisation mondiale, celle des Nations Unies. Or, celle-ci a fait la preuve de son inefficacité lors des événements récents de Bosnie: il existe donc certaines défaillances structurelles. La Pologne a- t-elle des propositions à faire pour remédier à cette situation?

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

se réjouit qu’on apprécie le rôle joué par la Pologne dans le monde. Son pays est tout prêt à proposer des initiatives, mais l’ONU compte bien d’autres membres!

Il faut se féliciter de voir les Nations Unies tenter d’améliorer ses procédures et ses structures pour faire face aux nouveaux défis. Une intervention rapide de cette organisation est en effet nécessaire chaque fois que de besoin pour garantir la paix et la stabilité dans les diverses régions du monde, mais il faut aussi compter avec le sens des responsabilités de chaque pays, avec la détermination de tous les Etats membres à défendre les valeurs d’humanité et de démocratie.

Si toutes ces conditions sont réunies, il sera indéniablement bien plus facile de résoudre les grands problèmes de sécurité, de conjurer les menaces qui pèsent sur l’environnement. Dans ce contexte, la Pologne attache naturellement une grande importance au renforcement de l’efficacité de l’ONU.

M. INÖNÜ (traduction)

Je remercie M. le Premier ministre de sa réponse. J’ai encore une petite question: j’aimerais savoir si M. Pawlak a eu l’occasion de visiter le village polonais qui se trouve en Turquie.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

n’en a pas eu l’occasion. Il faut dire qu’il a très peu voyagé à l’étranger et que, sans les grandes mutations de ces dernières années, son horizon serait sans doute resté limité à son village. Mais le Premier ministre pense que l’existence de ce village est une preuve qu’il y a toujours eu entre les deux peuples une collaboration fondée sur le respect mutuel. Même à l’époque où la Pologne avait disparu de la carte, la Turquie a continué de reconnaître l’existence de cet Etat et les Polonais lui en sont reconnaissants.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en avons terminé avec les questions. Monsieur le Premier ministre, au nom de l’Assemblée, je vous remercie de votre exposé et des observations que vous avez faites en répondant aux questions des parlementaires. Ceux-ci se souviendront de votre présence. Je vous prie de transmettre au Gouvernement polonais, au Président Walesa et au peuple polonais nos sentiments d’amitié et de solidarité.

M. Pawlak, Premier ministre de Pologne (interprétation)

remercie le Président de lui avoir permis de s’adresser à l’Assemblée parlementaire. Il l’assure que le travail de la délégation polonaise et l’expérience qu’elle a acquise seront d’une grande utilité pour la Pologne nouvelle. Quant au Président lui-même, il est pour M. Pawlak un modèle dont il s’inspire dans sa tâche. (Applaudissements)