Victor

Ponta

Premier ministre de Roumanie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 24 avril 2013

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, c’est pour moi un très grand honneur et un privilège de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la plus ancienne et la plus prestigieuse institution politique européenne, créée par des politiciens visionnaires dans le but de mettre fin à la guerre et de garantir une paix durable sur le continent.

Il y a maintenant vingt ans que la Roumanie est devenue membre du Conseil de l’Europe. Depuis, des transformations démocratiques ont été réalisées avec votre soutien. Au début des années quatre‑vingt‑dix, la Roumanie, comme les autres pays de l’Europe de l’Est, était à peine sortie d’un régime autoritaire et dictatorial. Nous faisons aujourd’hui partie de cette Organisation ainsi que de l’Union européenne et du Traité de l’Atlantique Nord.

Je suis ici pour vous remercier de votre contribution à la démocratisation et à la modernisation de la Roumanie.

« Le défi le plus important est l’intégration de la communauté rom »

Avec votre permission, Monsieur le Président, je poursuivrai mon intervention en anglais.

(Poursuivant en anglais) (Interprétation) Laissez‑moi vous dire combien il est important d’être ici pour moi et pour ceux qui m’accompagnent – le président du Parlement roumain, le ministre des Affaires étrangères, mes conseillers et, surtout, M. Frunda, ancien membre de cette Assemblée. Je suis ici pour vous faire part de l’attachement de notre pays aux valeurs du Conseil de l’Europe ainsi que de notre volonté de tirer des leçons de nos erreurs du passé et d’envisager notre avenir commun, sous le signe de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme.

Je salue le rôle qu’ont joué M. le Président Mignon, M. le Secrétaire Général Jagland, ainsi que les représentants qui se sont rendus l’an passé et cette année en Roumanie, pour aider les responsables politiques roumains à définir la meilleure issue possible à notre crise et relever les défis auxquels nous avons été confrontés ces dernières années.

L’année 2012 a été très difficile pour notre pays, après une longue crise économique, politique et sociale. Votre rôle dans la recherche des meilleures solutions, y compris institutionnelles, pour notre pays a beaucoup compté. Grâce au dialogue, à la coopération et à l’assistance, les problèmes peuvent être résolus. Je vous suis extrêmement reconnaissant, Monsieur Mignon, de votre participation personnelle et de celle de tous vos collègues, pour définir la bonne voie et les bonnes solutions.

« Le défi le plus important est l’intégration de la communauté rom »

Comme vous l’avez dit, en décembre, nous avons eu des élections démocratiques. La volonté de la population a été entendue. A la suite de ces élections, nous, les responsables politiques, avons pris des décisions en nous tournant vers l’avenir de notre pays plutôt que vers son passé. Nous sommes dans une période de cohabitation entre le Président et le chef du gouvernement. Le nouveau parlement a une majorité claire et légitime. Toutes les décisions de la Cour constitutionnelle sont respectées et mises en œuvre. Le système judiciaire est indépendant et propose des solutions importantes dans différents types d’affaires. Nous avons tous des enseignements à tirer de nos expériences et nous devons travailler ensemble pour l’avenir de notre pays.

J’ai une pensée toute particulière pour les membres de la délégation roumaine auprès de cette Assemblée parlementaire, qui, ce matin, m’ont rendu très fier d’être Roumain. Il est rare, dans notre histoire politique, que tous les représentants des partis politiques, de la majorité ou de l’opposition, signent ensemble une lettre pour déclarer que la Roumanie est parvenue à régler tous ses problèmes politiques et institutionnels, et que nous sommes capables de travailler ensemble pour le bien du pays. J’évoquerai les quatre points au sujet desquels nous sollicitons votre aide, votre partenariat pour consolider les institutions de notre pays.

Tout d’abord, en réponse aux crises politiques que nous avons traversées, le gouvernement a décidé d’apporter un certain nombre d’amendements à notre Constitution. Il ne s’agit pas d’une remise à plat de la Constitution mais de quelques ajustements pour prévenir des crises politiques futures et pour montrer que nous avons tiré les enseignements du passé. Nous sommes résolus à faire en sorte que les instruments politiques et constitutionnels puissent empêcher la crise ou, du moins, la régler sans mettre en danger la stabilité du pays.

Je sollicite également le soutien de la Commission de Venise. J’ai déjà pris contact avec ses membres et je leur sais gré de leurs réponses rapides. Je sais que nous pourrons bénéficier de leur assistance et de leur expertise pour mener à bien les changements nécessaires. Nous avons la volonté d’adopter une Constitution solide, pleinement démocratique et conforme à toutes les normes du Conseil de l’Europe.

Le second domaine dans lequel nous serons amenés à coopérer concerne les affaires roumaines portées devant la Cour européenne des droits de l’homme. A ce jour, quelque 3 500 affaires roumaines relatives à la restitution des biens confisqués par le régime communiste sont pendantes devant la Cour. Grâce à votre assistance, nous avons réussi à adopter un nouveau texte de loi susceptible de résoudre la majorité de ces problèmes qui pèsent sur la société roumaine depuis plus de 70 ans et de permettre une restitution équitable des biens.

Enfin, la Roumanie applique les normes les plus élevées en matière de protection des minorités mais des progrès sont toujours possibles. Je compte aussi sur votre partenariat pour nous aider à respecter pleinement les droits des minorités dans le cadre de notre arsenal juridique.

Je profite de cette occasion pour exprimer ma reconnaissance à tous les représentants politiques légitimes de la minorité hongroise en Roumanie. Nous travaillons ensemble et avons pris, ensemble, des décisions très importantes, notamment sur la restitution des biens et les droits des minorités. Je suis résolu à continuer à travailler avec les représentants légitimes de la minorité hongroise et je suis convaincu qu’ensemble, nous serons à même de définir les meilleures solutions pour vivre et travailler ensemble dans ce pays qui est le nôtre.

Le défi le plus important pour mon gouvernement et les gouvernements à venir est, à mon sens, d’arriver à une meilleure intégration de la communauté rom. Nous avons adopté une stratégie plus adaptée, travaillant pour cela avec la Commission européenne et certains Etats membres. A cet égard, j’exprime ici ma reconnaissance aux gouvernements de la France, de l’Allemagne et des Pays‑Bas. Mais, pour obtenir des résultats, il faudra un véritable engagement et de la patience afin de pouvoir s’attaquer aux racines du problème.

Je suis très reconnaissant également au Secrétaire Général qui, lors de sa venue à Bucarest, a visité une école dans laquelle les enfants de la minorité rom peuvent désormais apprendre et préparer leur avenir. Nous avons toute la législation nécessaire pour pratiquer une discrimination positive dans les écoles, les universités et même dans certains secteurs économiques, dans lesquels nous recrutons des Roms. C’est un défi de taille pour toutes les autorités roumaines. Je suis fermement convaincu que tous les Roms de nationalité roumaine relèvent de notre responsabilité. Nous devons nous engager à trouver des solutions plus efficaces pour parvenir à une meilleure intégration et une meilleure éducation des enfants, pour que les membres de cette communauté accèdent à de meilleurs emplois et qu’ils se sentent chez eux et en sécurité, comme les autres habitants de notre pays.

Je vous serais très reconnaissant de votre aide et de votre partenariat dans ces quatre domaines, qui sont très importants pour mon gouvernement. Mais je suis également ici pour vous dire que la Roumanie, qui, l’année dernière, était considérée comme étant dans une situation instable, est aujourd’hui un pays particulièrement stable de la région. Il est de notre devoir de coopérer avec le Conseil de l’Europe et avec la Commission européenne pour trouver les meilleures solutions pour renforcer la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit dans toute la région.

Comme vous l’avez dit, Monsieur le Président, nous occupons une position stratégique sur la carte de l’Europe et nous pouvons également apporter une aide utile à la République de Moldova. Nous soutenons pleinement l’approche tournée vers l’Europe de la République de Moldova mais aussi de tous les pays de la mer Noire, et j’ai bon espoir qu’ensemble, nous définissions les meilleures solutions pour les pays des Balkans. Plus d’intégration, plus de démocratie, plus de droits de l’homme, plus de prééminence du droit, ce serait un énorme atout pour tous ces pays – et pour la Roumanie en tant que pays de la région. Vous pouvez faire confiance à notre pays, à nos possibilités et à notre bonne volonté. Nous avons la volonté de nous battre pour atteindre ces objectifs dans la région.

Pour conclure, Monsieur le Président, permettez‑moi de vous faire part de notre appréciation et de notre confiance dans cette importante institution. Nous sommes très fiers d’être membres à part entière de l’Union européenne et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, mais en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie, je suis convaincu que le Conseil de l’Europe a non seulement un grand passé, mais également un grand avenir. Je suis très fier d’être Roumain, de représenter un pays membre du Conseil de l’Europe depuis vingt ans et j’ai espoir dans notre avenir commun.

Je vous remercie et me réjouis d’entendre maintenant vos questions.

LE PRÉSIDENT

Merci, Monsieur le Premier ministre, pour cette intervention.

Nous allons passer aux questions, qui ne devront pas excéder trente secondes. La parole est à M. Santini, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. SANTINI (Italie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, jusqu’à son adhésion à l’Union européenne – je pense que vous comprenez l’italien puisque vous n’avez pas chaussé vos écouteurs –, la Roumanie était un paradis pour les entreprises occidentales, italiennes et françaises notamment, qui se sont en grand nombre installées dans votre pays. Quelle est la situation aujourd’hui, après cinq ans au sein de l’Union européenne? Les entreprises viennent‑elles encore vers votre pays? Quel est l’état de santé de celles qui se sont installées chez vous?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

(s’exprimant en italien) Je vous répondrais bien en italien car, pour nous, Roumains, parler italien est non seulement un plaisir mais aussi une source d’orgueil, mais je pense que je vais continuer en anglais (s’exprimant en anglais) étant donné que votre question concerne bon nombre d’entreprises européennes qui investissent en Roumanie, des entreprises qui ont placé leur confiance et leur argent dans mon pays en créant des milliers d’emplois. Croyez que j’apprécie l’effort qui a été fait.

Depuis le 9 décembre, après les élections, nous avons fait notre possible pour créer un climat et un environnement favorables aux investissements. Je viens de recevoir une excellente nouvelle à propos d’un investissement très important d’une société allemande, et non italienne, mais, à mon sens, le plus important pour la Roumanie et pour tous les Etats membres du Conseil de l’Europe est de créer l’aptitude à être compétitif dans le monde sans oublier l’impact social de la compétitivité.

Je suis très reconnaissant à toutes les entreprises qui créent au moins un emploi et qui versent un salaire. Je crois que la confiance des entreprises en Roumanie profitera aux citoyens roumains et européens.

M. GROSS (Suisse) (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, pour votre intervention encourageante. La dernière fois, devant le Comité des Présidents, vous avez promis de ne pas poursuivre cette mauvaise coutume que constitue la procédure d’urgence, qui, en fait, empêche un véritable débat démocratique. Je voudrais savoir si vous avez tenu cette promesse. Combien de fois avez‑vous utilisé cette procédure?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Je vous remercie de cette question. La Constitution roumaine prévoit deux situations dans lesquelles une procédure d’urgence peut être adoptée. Il existe, en effet, une disposition constitutionnelle sur la responsabilité à laquelle le gouvernement précédent a eu recours à seize reprises en l’espace de deux ans. J’avais critiqué acerbement cette méthode. Je n’y ai eu recours qu’une seule fois en l’espace d’un an pour une loi spéciale, portant sur la restitution des propriétés confisquées sous le régime communiste, car je considère qu’il ne s’agit pas de la responsabilité du gouvernement actuel. Je ne pense pas que mes parents étaient nés d’ailleurs à l’époque. C’est la responsabilité de l’Etat roumain. J’ai exprimé en son nom tous nos regrets et présenté des excuses à toutes celles et tous ceux qui ont souffert sous le régime communiste. C’est dans ces circonstances exceptionnelles que j’ai eu recours à cette procédure. Je n’ai pas l’intention d’y recourir de nouveau. Nous avons une vaste majorité au parlement, les bonnes lois sont adoptées non pas par les gouvernements mais par les parlements!

La seconde disposition constitutionnelle est celle qui donne au gouvernement le droit d’adopter des décrets ou ordonnances d’urgence. Ces dix dernières années, il y en avait en moyenne 200 par an, quel que soit le gouvernement – libéral, socio‑démocrate ou chrétien‑démocrate. Nous sommes au mois d’avril et je crois que 24 textes ont été pris selon cette procédure, ce qui représente, par projection sur l’ensemble de l’année, un nombre inférieur de moitié à ce qui se faisait avant. J’espère qu’il y en aura même encore moins.

LE PRÉSIDENT

La parole est à Mme Schuster, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme SCHUSTER (Allemagne) (interprétation)

Hier soir, nous avons débattu de la situation des enfants roms. J’en profite donc pour vous demander quelles sont les mesures concrètes que vous appliquez pour la protection des Roms et de leurs enfants, sans oublier celle des autres minorités.

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Je vous ai dit très honnêtement que l’intégration de la communauté rom était, à mes yeux, non seulement l’une des premières priorités, mais aussi l’un des plus grands défis pour notre pays. J’ai déjà évoqué la visite du Secrétaire Général dans une école où tous les enfants roms étudient dans leur langue maternelle. Les dispositions législatives et les projets financés par l’Union européenne sont autant d’instruments pour améliorer l’éducation des enfants roms.

En ce qui concerne les autres minorités, sachez que la minorité hongroise peut elle aussi recevoir un enseignement dans sa langue, non seulement dans les écoles primaires et secondaires, mais également à l’université. Cela montre bien que nous respectons toutes les normes du Conseil de l’Europe. Nous travaillerons toujours avec les représentants des minorités afin que notre législation soit corrigée pour répondre à leurs besoins.

Il ne suffit pas de s’occuper des enfants de la communauté rom; encore faut‑il convaincre les parents de les envoyer à l’école. Nous avons mis en place une stratégie ambitieuse, mais, en Roumanie comme ailleurs, la mise en œuvre de plans en la matière a toujours été un défi. Je me suis proposé d’être le premier à obtenir des résultats. Cela ne se fera pas en six mois ou un an, mais, à moyen et long terme, je suis profondément convaincu qu’une meilleure éducation et la discrimination positive permettront de récolter les résultats que tout le monde attend de nous.

Mme GILLAN (Royaume‑Uni) (interprétation)

En tant que membre important de l’Union européenne, vous avez conscience des polémiques au sujet de la liberté de mouvement et des abus possibles en la matière – d’où certains contrôles. Confirmez‑vous que votre gouvernement a l’intention d’accorder à des millions de Moldaves la nationalité roumaine, laquelle leur donnerait la liberté de circuler au sein de l’Union européenne? Avez‑vous conscience du fait que, si cette politique devait être adoptée, elle pourrait saper la confiance dans la liberté de mouvement?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

J’ai consulté brièvement mon ministre des Affaires étrangères avant de vous répondre. Le texte de loi qui accorde la nationalité à tous les étrangers a été adopté il y a fort longtemps – en 1991. Il existe une disposition qui s’applique spécifiquement aux ressortissants moldaves qui avaient autrefois la nationalité roumaine. Cela ne vaut donc pas pour tous les Moldaves. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’octroyer automatiquement la nationalité roumaine: c’est simplement une procédure accélérée. Jusqu’à présent, ce texte n’a en aucune manière influé sur les migrations au sein de l’Union européenne.

Vous savez que nous nous efforçons d’intégrer l’espace Schengen. Nous sommes donc en contact étroit avec la Commission européenne et les Etats membres. Pour parvenir à cet objectif, nous sommes prêts, si tant est que des améliorations soient nécessaires, à modifier notre législation.

M. KOX (Pays‑Bas) (interprétation)

D’après notre Secrétaire Général, M. Jagland, la lutte contre la corruption devrait être la priorité dans tous les Etats membres afin de protéger l’Etat de droit et les droits de l’homme. Or, en Roumanie, la corruption atteint un niveau très préoccupant. Qu’est‑ce qui rend si difficile en Roumanie cette lutte contre la corruption? Que pouvons‑nous espérer à l’avenir dans ce domaine extrêmement important?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Vous savez que je suis un ancien procureur. Si je ne puis vous dire pourquoi il est aussi difficile de lutter contre la corruption, je suis en mesure de vous assurer que des progrès significatifs ont été réalisés. Tous les mécanismes de coopération et d’échange d’informations proposés par la Commission européenne ont permis d’obtenir davantage de résultats de la part des organes chargés de poursuivre les personnes accusées de corruption.

La situation s’est améliorée en Roumanie au cours des dernières années. Je ne dirai jamais que tout est parfait, mais, sur la base de mon expérience personnelle et de mon engagement pour préserver et renforcer l’indépendance de l’organe de lutte contre la corruption et garantir l’indépendance absolue de la justice, je crois pouvoir dire que les résultats se confirmeront à l’avenir.

M. POPESCU (Ukraine)

La résolution du problème posé par le prétendu petit trafic frontalier de populations dans les régions frontalières entre l’Ukraine et la Roumanie a été ajournée depuis quelques années. Cela contribuerait pourtant à resserrer les liens entre les Roumains d’Ukraine et les Ukrainiens de Roumanie qui habitent de part et d’autre de la frontière. Faut‑il, selon vous, faire avancer les pourparlers?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Nous avons beaucoup investi dans ce domaine car nous voulons prouver que nos frontières sont extrêmement sûres. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des échanges culturels, économiques et sociaux quotidiens avec nos voisins.

La Roumanie veut jouer un rôle dans la région. Nos relations bilatérales avec l’Ukraine sont extrêmement bonnes; elles devraient d’ailleurs être développées de façon encore plus pragmatique. Avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur, nous souhaitons procéder à une analyse pragmatique pour engager des débats approfondis avec le Gouvernement ukrainien en vue d’améliorer la situation. Il s’agit non pas de choisir entre la sécurité et les échanges de part et d’autre de la frontière, mais bien de permettre les deux choses en trouvant la meilleure solution.

M. MICHEL (France)

Monsieur le Premier ministre, votre pays est l’un de ceux qui sont le plus souvent condamnés par la Cour européenne de droits de l’homme et plusieurs milliers d’affaires la concernant sont actuellement pendantes. Vous savez que la viabilité de la Cour suppose que les arrêts qu’elle rend soient exécutés dans les pays. Vous l’avez dit tout à l’heure dans votre excellente intervention, mais pouvez‑vous nous dire plus explicitement comment votre gouvernement entend remédier à cette situation qui date déjà de plus de vingt ans.

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie

Je parlais dans mon intervention du problème de la restitution des biens. Un grand nombre de propriétaires spoliés sous le régime communiste ont porté leur affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. Je suis très confiant. Nous avons discuté avec les représentants de la Cour de notre nouvelle législation et nous pensons résoudre ces affaires.

Deuxième point, nous avons coopéré avec la Commission européenne et adopté un nouveau code civil ainsi qu’un nouveau code pénal que nous continuons d’enrichir.

Troisièmement, je me préoccupe particulièrement des conditions de détention des prisonniers dans mon pays. Ce problème n’existe pas uniquement en Roumanie, bien sûr, mais nous devons faire des efforts pour offrir aux personnes condamnées des conditions plus conformes aux standards européens.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan) (interprétation)

Votre pays accorde une grande importance à la coopération avec l’Azerbaïdjan, en particulier dans le domaine de l’énergie et de la sécurité énergétique.

Votre visite à Bakou en tant que Premier ministre aura lieu au mois de mai et nous aimerions savoir les points sur lesquels vous allez vous concentrer.

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Il s’agit d’un des objectifs principaux de mon mandat: utiliser le potentiel que représente la région de la Mer noire dans le domaine énergétique. Le projet Nabucco est à cet égard tout en haut de la liste des priorités. Et je reste convaincu qu’une meilleure coopération entre tous les pays de la région de la Mer noire apporterait un grand nombre d’avantages à moyen et à long terme, aussi bien pour l’énergie que pour les secteurs financier et économique, dont tous nos pays ont besoin. Et c’est avec plaisir que je me rendrai dans votre pays.

L’énergie est un thème clé. Le 22 mai prochain, le Conseil européen se consacrera d’ailleurs à cette question particulière de l’énergie. Vous savez que nous sommes en contact étroit avec les autorités d’Azerbaïdjan pour assurer le plus grands succès au projet Nabucco.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur les nombreux Roumains pauvres qui mendient dans quantité de villes européennes, y compris chez moi en Norvège. Beaucoup d’entre eux sont des Roms.

Que peuvent faire les autorités roumaines pour lutter contre la pauvreté dans leur pays? Dans quelle mesure dépendez‑vous de la coopération avec d’autres pays européens pour résoudre ce problème?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

La pauvreté est bien sûr un défi majeur pour la Roumanie, mais pas uniquement pour nous. Après plusieurs années de déclin économique et de crise profonde, j’ai été satisfait de constater que nous avions renoué avec la croissance l’année dernière et cette année. Toutes les prévisions de la Commission européenne indiquent que nous allons encore connaître une croissance importante dans les années à venir. Mais elle ne sera pas forcément ressentie par tous. Nous avons pris un certain nombre de mesures sociales, nous avons amélioré notre législation sociale, mais il faudra des années pour combattre la pauvreté et pour apporter des solutions à toutes les personnes concernées. Comme vous l’avez dit, des citoyens roumains, peu importe qu’ils soient Roms ou non, qu’ils soient issus d’une minorité ou non, mendient dans plusieurs pays européens.

En matière de criminalité, nous avons travaillé en étroite coopération avec les forces de l’ordre et nous avons obtenu des résultats importants.

S’agissant des problèmes sociaux, des législations ont été adoptées dans certains pays pour restreindre les allocations sociales. Si je puis le comprendre, je pense que cela ne doit pas se faire de façon discriminatoire. La lutte contre la pauvreté demande un engagement et du temps – qui dépassera certainement mon mandat de Premier ministre.

LE PRÉSIDENT

M. Ghiletchi, inscrit dans le débat, est absent de l’hémicycle. La parole est à M. Kalmár.

M. KALMÁR (Hongrie) (interprétation)

Le Gouvernement roumain a annoncé qu’il entamerait une réorganisation territoriale du pays. La région habitée par les Hongrois depuis des siècles serait dans ce cadre coupée en deux, de sorte que la communauté hongroise soit rapidement assimilée. Un tel processus serait contraire à la Convention cadre pour la protection des minorités nationales et aux autres accords sur le sujet signés par la Roumanie.

Lors de cette réorganisation territoriale, comment le Gouvernement Roumain va‑t‑il respecter les obligations qu’il a prises dans ce domaine?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Nous les respecterons pleinement. Mais je vous remercie de me donner l’occasion d’apporter quelques éclaircissements sur ce point. L’administration roumaine a été organisée en 1968 par une loi qui a mis en place 41 comtés. Ceux‑ci vont continuer à exister et leurs limites ne seront pas modifiées. Deux d’entre eux sont habités par la minorité hongroise. Nous n’allons rien modifier en la matière.

Mais tous ces comtés sont trop petits pour être éligibles à des fonds européens, puisqu’ils ont en moyenne 500 000 habitants. Un plan de développement régional a donc été prévu sur la base de 8 régions. Il a été adopté en 1998, alors que le parti de la minorité hongroise était au pouvoir. Ce n’est pas mon parti qui a pris cette décision. Au final, je ne sais pas s’il y aura 8 régions, 10, 12 ou 16, mais je puis vous garantir que toute décision se fondera d’abord sur une consultation de tous les partis représentés au parlement et que rien n’ira à l’encontre des droits des minorités. C’est sur la base de la situation économique et sociale que ces régions feront l’objet, après consultation, d’un nouveau découpage.

M. JAPARIDZE (Géorgie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, la Mer noire revêt une dimension stratégique. Vous avez parlé de la sécurité énergétique, mais tout le monde sait que la région est propice à tous les trafics: trafic de petites armes comme de matériaux nucléaires, traite des êtres humains. Quelle est l’approche de la Roumanie vis‑à‑vis de ces questions?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

J’ai évoqué l’aspect positif de l’énergie et le potentiel économique de la région. Mais ces opportunités malheureusement s’accompagnent de dangers. C’est la raison pour laquelle, depuis les années 90, les autorités roumaines n’ont cessé de coopérer étroitement et de manière effective avec les autres pays qui bordent la Mer noire. Nous avons fait preuve d’efficacité dans la lutte contre la traite des êtres humains, le trafic de drogue, le crime organisé. Si le Secrétaire général me le permet, je dirai que nous relèverons le défi que constitue la lutte contre la cybercriminalité dans cette région avec l’aide du Conseil de l’Europe. Les expériences passées me rendent confiant et je pense que les succès passés continueront de s’affirmer à l’avenir.

M. M. JENSEN (Danemark) (interprétation)

En 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation sur la lutte contre la discrimination pour des raisons d’orientation sexuelle ou de genre. Mais il semble que le Gouvernement roumain n’ait pris aucune mesure pour transposer cette recommandation. Quelles sont les intentions de votre gouvernement à cet égard?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Nous avons mis en œuvre toutes les législations au regard des normes européennes et nous avons créé un conseil de lutte contre la discrimination qui s’est avéré efficace. C’est ainsi que des sanctions ont été prononcées à l’encontre de ceux qui tiennent des propos discriminatoires ou qui adoptent des attitudes discriminatoires.

Après les élections, un débat a eu lieu sur l’élargissement des droits de toutes les minorités. Il est d’ailleurs en cours au Parlement européen à l’initiative d’un membre de mon groupe politique. Des déclarations discriminatoires ont été condamnées par l’ensemble des forces politiques. Peut‑être le processus ne progresse‑t‑il pas assez rapidement, mais nous poursuivrons nos efforts pour transposer la législation et surtout pour faire évoluer les mentalités de la population et de certains élus. Cet avenir est proche.

M. GAUDI NAGY (Hongrie) (interprétation)

Connaissez‑vous ce symbole, Monsieur Ponta? Vous devez le connaître, parce que votre administration fait tout pour l’interdire! Il s’agit du symbole régional de 700 000 Széklers hongrois de Transylvanie qui revendiquent l’autonomie territoriale. Ils ont organisé une marche de plusieurs milliers de personnes pour demander ce statut qui, quoique conforme à plusieurs textes internationaux, leur a été refusé à deux reprises par le Parlement roumain.

A l’occasion du vingtième anniversaire de l’adhésion de votre pays au Conseil de l’Europe, ne pensez‑vous pas que la Roumanie devrait leur accorder cette autonomie territoriale et entamer immédiatement des négociations pour éviter tensions et conflits?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Je vous invite à refuser la confrontation. Je refuse l’extrémisme et je me battrai volontiers à vos côtés pour le combattre.

Le 9 décembre, la minorité hongroise a envoyé des représentants légitimes au Parlement roumain, ceux de l’Union hongroise de Roumanie. Nous travaillerons étroitement avec eux pour améliorer encore la représentation de la communauté hongroise et pour que tous ses droits soient pleinement respectés, conformément aux normes européennes. Encore une fois, le dialogue et la coopération sont la voie à adopter. L’extrémisme n’est une solution ni pour vous ni pour nous.

M. SZABÓ (Hongrie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, j’aimerais vous interroger sur les questions de l’éducation de la minorité hongroise, en particulier sur la création d’une université de médecine et de pharmacie en langue hongroise dans les comtés hongrois de Roumanie. Une solution peut‑elle être trouvée?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

C’est l’une des réussites de notre gouvernement dont je suis très fier. Après une discussion de trois longues nuits avec des professeurs hongrois et roumains de l’université de Târgu Mureș, un accord a pu être trouvé et les enseignants roumains et hongrois sont désormais représentés au conseil de l’Université. Les citoyens de langue hongroise peuvent suivre un enseignement dans leur langue, ce qui prouve une fois de plus que ce n’est pas par la confrontation mais par le dialogue et l’engagement mutuel que nous pouvons résoudre des questions qui peuvent, au départ, paraître insolubles. Je vous suggère de m’accompagner pour visiter l’université de Târgu Mureș, preuve des bons résultats d’un dialogue positif.

LE PRÉSIDENT

Mme Guţu et M. Petrenco, inscrits dans le débat, sont absents de l’hémicycle.

M. A. K. TÜRKEŞ (Turquie) (interprétation)

Les élections de décembre 2012 ont mis fin à l’instabilité politique en Roumanie. Sous votre impulsion, le gouvernement est prêt à résoudre les questions en suspens. Dans ce contexte, quelles sont les mesures prévues par votre gouvernement pour empêcher que la jeune génération ne parte à l’étranger pour raisons économiques?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Vous êtes ressortissant d’un pays que j’apprécie pour son développement économique.

Nous avons lancé des programmes concrets incitatifs et inclusifs pour les jeunes qui veulent créer de petites entreprises ou se mettre à leur compte. Nous avons en outre adopté une législation incitative fiscalement en faveur des entreprises qui les emploient.

Nous avons par ailleurs réussi à exploiter l’industrie des nouvelles technologies. Je pourrais citer de nombreux exemples d’entreprises de dimension internationale qui recrutent des milliers de jeunes en Hongrie. Ces jeunes touchent des salaires équivalents à ceux pratiqués aux Etats‑Unis ou en Europe occidentale alors qu’ils vivent en Roumanie. Si nous pouvions transposer cela dans tous les secteurs de l’économie, toutes les difficultés seraient résolues.

M. BENEYTO (Espagne) (interprétation)

Les Roumains constituent la première communauté immigrée présente sur le sol espagnol et nous vivons grâce à eux une magnifique expérience de coexistence. Leur intégration a été remarquable mais que pourrions‑nous faire encore pour en développer toutes les potentialités interculturelles dans le cadre d’une relation bilatérale ou du Conseil de l’Europe?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

J’exprime toute la gratitude de la Roumanie à l’endroit de l’Espagne et de l’Italie, pays dans chacun desquels vivent plus d’un million de mes compatriotes. Ces sont des citoyens honnêtes, qui travaillent dur, dont les enfants sont scolarisés et qui cohabitent fraternellement avec les autochtones, auxquels je suis très reconnaissant.

L’Espagne et l’Italie connaissent certes des difficultés économiques mais, malgré la crise, le refus de succomber aux tentations de la discrimination permettra de nous rapprocher encore plus et de continuer à travailler ensemble pour faire avancer nos pays respectifs dans la bonne direction.

Une fois encore, je vous remercie au nom de tous ces Roumains qui ont trouvé une vie meilleure dans votre pays.

LE PRÉSIDENT

M. Hancock, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. IORDACHE (Roumanie)

La coopération entre la Roumanie et le Conseil de l’Europe a constitué un facteur clé pour assurer le respect des critères politiques d’adhésion à l’Union européenne. Quelle est aujourd’hui la pertinence des valeurs du Conseil de l’Europe pour la Roumanie?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie

Nous sommes très fiers d’être membres de l’Union européenne mais je pense que le Conseil de l’Europe demeurera toujours la première autorité en matière de respect des droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie. Il est incontestablement bénéfique, pour la Roumanie, d’en être un membre très actif et de bénéficier de son assistance et de son expérience.

M. KORODI (Roumanie) (interprétation)

Quelles décisions envisagez‑vous de prendre dans l’esprit de la convention‑cadre du Conseil de l’Europe pour assurer à la minorité hongroise qui vit en Roumanie la possibilité d’user librement ses emblèmes et symboles alors que certaines communautés – pas toutes – subissent des discriminations? Le gouvernement doit continuer à chercher des solutions juridiques compatibles avec les normes européennes.

En outre, comment envisagez‑vous l’application du principe de subsidiarité en faveur des minorités après l’adoption de la nouvelle Constitution?

M. Ponta, Premier ministre de Roumanie (interprétation)

Je suis fier de constater que tous les membres roumains de l’Assemblée parlementaire sont présents, quelle que soit leur appartenance politique. Ils se montrent ainsi constructifs en acceptant de dialoguer avec le gouvernement et c’est dans le même esprit que je souhaiterais leur répondre.

Je suis prêt à engager un dialogue avec tous les partis politiques ainsi qu’avec les représentants de la société civile afin de définir une législation claire permettant, certes, de doter les pouvoirs publics des symboles nationaux et européens mais, surtout, de faire en sorte que tous les groupes puissent adopter les leurs dès lors qu’ils ne sont pas contradictoires avec les normes européennes.

La subsidiarité, quant à elle, sortira renforcée de l’adoption des amendements constitutionnels et dépendra bien entendu de l’action des autorités locales. Je suis en effet convaincu que plus ces dernières sont proches des citoyens, plus elles sont légitimes et efficaces pour les représenter et servir l’intérêt public.

LE PRÉSIDENT

Monsieur le Premier ministre, nous en avons terminé avec les questions que les parlementaires souhaitaient vous poser. Je vous remercie une fois encore et je vous félicite pour votre excellent discours ainsi que pour les réponses que vous nous avez apportées. Voilà vingt ans, j’étais au nombre de ceux qui ont voté en faveur de l’intégration de la Roumanie dans cette Assemblée parlementaire. J’étais aujourd’hui très fier de vous entendre et très heureux de mon choix!