Albert II
Roi des Belges
Discours prononcé devant l'Assemblée
mardi, 23 juin 1998
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, voilà quelques semaines, le cinquantième anniversaire du premier congrès du mouvement européen a été commémoré à La Haye.
Voilà cinquante ans également que les Nations Unies adoptèrent la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Ce double appel, européen et universel, en faveur du respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques inspira dix pays, dont le mien, à créer en 1949 le Conseil de l’Europe et son Assemblée Consultative.
A l’heure actuelle, quarante pays de notre continent se sont engagés solennellement, d’après le texte du traité, «à sauvegarder et promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et à favoriser leurs progrès économique et social».
Avec la création prochaine de la Cour unique et permanente des Droits de l’Homme et de la fonction de commissaire aux droits de l’homme, votre institution se dote de puissants instruments permettant de garantir mieux encore le respect de la dignité humaine.
Je suis particulièrement heureux, Madame la Présidente, d’avoir l’occasion, à l’approche du cinquantenaire de votre institution, de m’adresser à cette Assemblée et de vous exposer quelques thèmes qui nous tiennent particulièrement à cœur en Belgique et qui sont d’ailleurs universels.
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, la dignité de l’être humain ne souffre aucun compromis.
Il est intolérable qu’elle soit bafouée. Elle est un fondement de notre civilisation européenne millénaire. Les plus faibles, au sein de notre société, ont le plus de difficultés à faire admettre leurs droits au respect de la personne et à la protection de leur dignité. C’est le cas tout particulièrement des sans-emploi, des pauvres, des enfants, des femmes maltraitées.
En Belgique, nous avons vécu des moments douloureux lorsque des crimes horribles perpétrés contre des enfants furent découverts. Une intense émotion et une grande solidarité ont uni la population aux parents et aux familles durement éprouvés par cette malfaisance.
De cette solidarité très marquée, mon pays a tiré les conclusions aux niveaux tant national qu’international.
A la fin du mois de mars, j’ai eu l’occasion d’inaugurer à Bruxelles le nouveau centre européen pour enfants disparus ou sexuellement exploités. Travaillant sous le vocable «Child Focus», cette institution fournit une assistance précieuse aux familles des victimes par la mise en place d’un important réseau de contacts à l’échelle nationale et internationale.
Le Conseil de l’Europe a, me semble-t-il, un rôle très concret à jouer dans l’élaboration de normes juridiques internationales contraignantes et pénales en cette matière. Ce sont là des instruments indispensables pour réprimer les abus contre les enfants et lutter contre la pornographie enfantine.
Le Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants, qui a eu lieu à Stockholm en 1996, fut considéré dans mon pays comme une étape cruciale dans la prise de conscience internationale de ce fléau de notre société.
Je tiens à remercier les autorités allemandes, la présidence sortante du Conseil de l’Europe, d’avoir bien voulu prendre l’initiative d’organiser à la fin du mois d’avril, ici à Strasbourg, une conférence européenne de suivi du Congrès mondial de Stockholm. Nous sommes heureux que cette conférence ait produit des résultats positifs et qu’elle ait confirmé l’engagement de la communauté internationale d’intensifier la lutte contre ces méfaits.
Lors de cette réunion, mon pays a proposé d’élaborer une nouvelle convention au niveau du Conseil de l’Europe. Elle devrait définir les normes communes internationales et les règles de compétence extraterritoriales, et renforcer la coopération judiciaire internationale dans le combat pour sauvegarder l’intégrité physique et morale des enfants.
(Sa Majesté le roi des Belges poursuit en flamand) (Interprétation)
il plaide pour une solidarité internationale accrue en faveur des femmes exploitées et maltraitées dans les pays en voie de développement et dans les pays d’Europe centrale et orientale. Il dénonce cette forme moderne d’esclavage et souhaite que les législations qui interdisent le commerce des êtres humains soient harmonisées et que l’assistance aux victimes et l’action des polices soient mieux coordonnées.
Lors d’une table ronde qui s’est tenue l’an dernier à Bruxelles, la mère d’un des enfants disparus a évoqué le «déficit éthique de nos sociétés». En cette fin de siècle, il apparaît que le progrès technique et l’argent ne suffisent pas pour régler les problèmes liés à l’existence humaine. Le matérialisme, l’individualisme, la perte du sens civique qui caractérisent la société postmoderne ont favorisé un égocentrisme dont l’intolérance et le manque de respect d’autrui sont les manifestations les plus courantes.
Le Conseil de l’Europe a été créé au lendemain de la guerre parce que l’on avait vu que la haine raciale conduisait à des crimes innommables. Cependant, certains semblent oublier les leçons de cette période lorsqu’ils font renaître sous de nouvelles formes le racisme, l’intolérance et le nationalisme. La lutte contre le racisme et la xénophobie doit être au premier rang des préoccupations des parlementaires. La Belgique vient ainsi de mettre en place un centre qui reçoit les plaintes des citoyens et qui peut engager des procédures devant les tribunaux. Mais le Conseil de l’Europe accomplit un travail de premier plan en proposant différentes réformes, au niveau national comme au niveau des autres organisations européennes, et il faut se féliciter de ce que le Sommet de Strasbourg, à l’automne dernier, ait décidé d’intensifier les activités de la commission contre le racisme et l’intolérance.
Sa Majesté souligne que depuis cinquante ans le Conseil de l’Europe déploie son activité au service des droits de l’homme et de la démocratie et observe que les nouveaux Etats membres qui l’ont rejoint depuis la chute du mur de Berlin ont accepté sans réserve les principes de l’Organisation qui constitue un forum paneuropéen idéal pour discuter des problèmes qui dépassent le cadre national.
(Il termine en anglais) (Traduction)
Mesdames, Messieurs, il nous appartient à tous de poursuivre ensemble le combat en faveur des droits de l’homme. Je vous remercie de votre attention.