Mikhail

Saakashvili

Président de la Géorgie

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 24 janvier 2008

déclare être particulièrement honoré d’intervenir aujourd’hui devant l’Assemblée et de contribuer ainsi à approfondir la coopération de son pays avec le Conseil de l’Europe. Il tient à exprimer toute sa reconnaissance à MM. Eörsi et Islami pour leur rapport sur la situation en Géorgie et remercie tous les membres de l’Assemblée qui ont participé à la mission d’observation organisée dans le cadre des dernières élections. Il est réconfortant de constater que les portes du Conseil de l’Europe sont ouvertes à la Géorgie dans les périodes fastes comme dans les périodes plus difficiles.

La Géorgie a la volonté d’instaurer des institutions démocratiques solides et, comme le souligne le rapport, a procédé il y a quelques semaines pour la première fois à des élections présidentielles ouvertes à une pluralité de candidats. Le pays se situe à un point critique de son histoire mais les progrès qu’il a accomplis sur la voie de la démocratisation des institutions sont bien réels. Les évènements survenus au cours des derniers mois ont montré qu’un long chemin reste à parcourir mais, quelles que soient les difficultés, le Gouvernement de la Géorgie ne déviera pas de son objectif.

La Géorgie constitue en quelque sorte aujourd’hui un laboratoire de la démocratie. L’Assemblée s’apprête dans quelques instants à poursuivre la discussion sur la manière dont le pays pourrait améliorer le processus électoral. Les responsables politiques géorgiens seront attentifs à ses recommandations. Les très nombreux observateurs internationaux présents lors des dernières élections ont reconnu l’engagement des autorités en faveur de davantage de transparence. Conformément aux valeurs du Conseil de l’Europe, qu’elle fait siennes, la Géorgie souhaite construire une société plus juste. Comme de véritables amis, les pays membres du Conseil de l’Europe formuleront des conseils pour améliorer le déroulement des prochaines élections législatives: ces conseils seront les bienvenus.

Après les dernières élections, le Gouvernement a pris plusieurs décisions afin d’améliorer le dialogue avec l’opposition, de renforcer la communication des médias et de garantir le pluralisme électoral. De nouveaux visages et des membres éminents de la société civile et du monde des affaires composent ce nouveau gouvernement, qui souhaite exercer ses prérogatives dans un véritable esprit d’ouverture. La question importante n’est pas de savoir pour qui les citoyens géorgiens ont voté, mais pour quoi. Ils attendent avant tout que la pauvreté soit éradiquée, que la société évolue et que le pays adhère à l’Otan. Les élections présidentielles du mois de janvier ont montré que la Géorgie était capable d’accomplir des progrès durables. Depuis quatre ans, elle a mené de grandes réformes pour moderniser le pays, avec l’aide notamment de la Commission de Venise, qu’il faut chaleureusement remercier.

Avant la Révolution des roses, la corruption était la règle en Géorgie et les coupures de courant généralisées. Ce temps est bien fini et c’est aujourd’hui le mérite qui permet l’accès à l’université. Depuis trois ans, et malgré l’embargo russe, la Géorgie connaît une croissance à deux chiffres. La Banque mondiale la considère comme l’un des premiers pays réformateurs. Il est vrai que peu d’États ont accompli en si peu de temps de tels pas de géants. La Banque européenne de reconstruction et de développement considère quant à elle que la société géorgienne est devenue sûre et qu’elle est aujourd’hui libérée de la corruption.

Au cours de son deuxième mandat, M. Saakashvili souhaite rendre irréversibles les changements intervenus depuis quatre ans. Il s’est rendu, tout au long de la campagne électorale, à la rencontre du peuple géorgien partout dans le pays, afin d’en comprendre les besoins et les espoirs. Les routes modernes ont remplacé les chemins boueux, des emplois ont été créés là où régnait le chômage, des villages abandonnés sont aujourd’hui florissants. La pauvreté reste cependant bien présente, rendant difficile pour les familles l’accès à l’éducation et à la santé. Depuis quatre ans, la part des citoyens vivant au‑dessous du seuil de pauvreté est passée de 52 % à 23 %, ce qui reste bien sûr beaucoup trop important. Le Gouvernement souhaite renforcer la compétitivité du pays et faire profiter chaque famille géorgienne des fruits de la croissance. Nous voulons construire une Géorgie sans corruption et exerçant une gouvernance responsable. Désormais, le grand défi est de résorber la pauvreté, les réformes devant profiter à chacun.

Telles sont les tâches que s’est fixé le nouveau Gouvernement. Il faudra beaucoup de volonté politique, mais cela ne suffira pas. La Géorgie se consacrera donc également prioritairement à la construction d’un système juridique plus efficace, car les droits de l’homme ne sont pas négociables.

En Abkhazie, on assiste à un véritable nettoyage ethnique. Des habitants se voient refuser les droits de l’homme les plus fondamentaux. Plus de 200 000 déplacés ne jouissent pas du droit fondamental de rentrer chez eux. Ceux qui demeurent dans ce territoire déserté vivent dans un climat de peur et d’oppression. Mettre fin aux violations des droits de l’homme est un défi pour la Géorgie, mais aussi pour la communauté internationale. Chaque jour qui passe sans progrès est un jour de souffrances humaines supplémentaires. Il n’existe pas de «conflit gelé» mais des personnes avec leurs souffrances, des gens à qui on dénie le droit de parler leur propre langue, des personnes que l’on terrorise simplement parce qu’elles veulent pouvoir voter. Malheureusement, le rapport n’évoque pas la situation de ceux qui ont risqué leur vie et essuyé des coups de feu en traversant une rivière pour pouvoir aller voter en Géorgie. Même le droit de téléphoner et d’envoyer une lettre leur est refusé. L’avenir passe par des négociations politiques garantissant l’intégrité du territoire de la Géorgie et le respect des droits de l’homme, y compris ceux des minorités, car la diversité n’est pas une faiblesse, mais une force.

Il y a trois ans, le Président avait présenté dans cet hémicycle son plan pour l’Ossétie du Sud. La Géorgie offre des solutions européennes modernes pour ces conflits, des solutions qui garantissent une large autonomie aux territoires ainsi que la protection des libertés de chaque citoyen, indépendamment de son origine ethnique. Dans les cinq ans à venir, la réussite du Gouvernement sera mesurée non seulement par ce qu’il aura fait dans le pays mais aussi par les liens qu’il aura noués avec ses voisins et alliés. Les frontières doivent être des ponts et non des murs.

La Géorgie est définitivement ancrée à l’Europe par des liens culturels, une histoire et une identité communes, ainsi que par des valeurs. Tout cela continuera à être renforcé. Le Président entend la voix du peuple géorgien qui souhaite massivement l’entrée du pays dans l’Otan. Le Gouvernement fera de son mieux pour achever le processus. Réaliser ses rêves va dans l’intérêt de la Géorgie, mais aussi de ses voisins. Il y a quatre ans, le Président avait tendu la main en direction de ses voisins russes; de même dimanche dernier. Le chemin de la transformation n’est jamais facile, mais on peut espérer que Russes et Géorgiens pourront s’engager ensemble dans la voie du changement, dans le respect mutuel et l’amitié.

Grâce à des projets pour toute la région, avec l’Ukraine, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et les autres pays d’Asie centrale, une nouvelle économie sera construite où chacun pourra prospérer et prêter aux autres ses talents et son énergie. Il est possible de faire beaucoup ensemble mais aussi de perdre beaucoup de temps. Pour sa part, le Président fera tout pour que ces actions soient couronnées de succès.

On a vu clairement, en novembre dernier, que le système politique géorgien restait fragile. Face à la menace pour les institutions, le Président a provoqué des élections anticipées et il a rendu le pouvoir au peuple, ce qui était la meilleure façon de préserver la démocratie. Il est important que la Géorgie sorte de cette expérience avec des institutions plus fortes, donc avec une opposition plus forte. Les prochaines élections législatives auront lieu au printemps. S’il n’est pas possible de promettre que tout se déroulera de façon parfaite, le Gouvernement fera tout pour préparer un processus aussi équitable et efficace que possible. Les observateurs étrangers seront présents pour garantir la transparence et la crédibilité de ce processus dont on peut espérer qu’il deviendra automatique pour les générations à venir.

Le Gouvernement a également l’intention de réformer d’autres institutions publiques afin que le Parlement puisse travailler dans les meilleures conditions. Si la Géorgie est prête à écouter avec attention les conseils que lui donnera l’Assemblée parlementaire, elle ne peut plus perdre de temps, la situation en Ossétie du Sud et en Abkhazie le montre. Tout le monde a intérêt à ce que la sécurité de la Géorgie soit garantie et à ce que les personnes déplacées puissent rentrer chez elles. Si l’on combine les efforts de la Géorgie avec l’expérience de l’Assemblée parlementaire en matière de démocratie et de Droits de l’Homme, ces défis ne seront pas trop grands. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT

Monsieur le Président, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée. Un grand nombre de collègues ont déjà exprimé le souhait de vous poser une question. Je rappelle que leurs questions doivent avoir un caractère interrogatif et ne pas dépasser trente secondes.

La parole est à M. Gross.

M. GROSS (Suisse) (interprétation)

au nom du Groupe socialiste, souligne qu’il tire des événements qui se sont déroulés en Europe la conclusion que l’on ne peut pas voler le résultat des élections. Or on a pu avoir l’impression que M. Saakachvili avait un peu volé le deuxième tour. Comment peut‑il réduire à néant cette impression?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

reconnaît que cette impression peut exister chez certains. Mais il faut regarder les événements tels qu’ils se sont déroulés en Géorgie et analyser les rapports des différentes organisations internationales qui sont intervenues dans l’observation des élections. Certains sondages pronostiquaient une victoire avec 60 à 65 % des voix, d’autres avec 53 à 55 % et c’est précisément ce qui s’est produit. Peut‑être certains sondages ont‑ils été truqués mais les résultats ont donc été conformes à certaines prévisions et le score final a été de 53,4 % des voix, ce qui est beaucoup. Aujourd’hui, la vie continue et chacun a le droit à une deuxième chance. Il faut que les perdants acceptent les résultats, ils pourront l’emporter la fois prochaine. Ce qui importe, c’est que les chances soient égales pour tous.

Pour sa part, le Président considère que ces élections sont les plus démocratiques que le pays ait jamais connues. Tout le monde pouvait se présenter. Malgré les scénarios pessimistes, il n’y a eu aucune violence ni pendant ni après le vote et il n’y a même pas eu d’incidents au cours du scrutin. La démocratie existe bel et bien. Les citoyens ont joué le jeu. La Révolution des roses a été un tournant pour le pays. Il faut accepter les résultats et repartir dans l’action.

M. Van den BRANDE (Belgique) (interprétation)

s’exprimant au nom du Groupe PPE/DC, observe que les attentes étaient énormes et que l’on nourrit aujourd’hui certains doutes. Certes, le Président a dit qu’il voulait construire une nouvelle démocratie mais cela ne passe pas seulement par un cadre juridique mais aussi par la façon de le mettre en œuvre, notamment en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, la parfaite indépendance du système judiciaire, qui n’était pas garantie jusqu’ici, la liberté des médias. C’est sur le terrain que l’on jugera de tout cela et que l’on verra si le Gouvernement géorgien entend substituer une véritable démocratie ouverte à un système non démocratique.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

pense que M. Van den Brande s’est sans doute rendu compte sur place que la démocratie n’était pas parfaite et que des progrès restaient à faire, notamment en termes de culture politique. L’échec le plus grave de la première présidence a sans doute été de ne pas réussir à mettre en place les conditions de l’émergence d’une véritable opposition. Mais la Géorgie est bel et bien un pays démocratique. L’opposition peut toujours accéder au pouvoir; la liberté d’expression existe; la presse est pluraliste; il y a eu pendant la période électorale une trentaine d’émissions de télévision en première partie de soirée; le débat a été tout à fait démocratique. En outre, respecter les droits de l’opposition à s’exprimer évite qu’elle manifeste uniquement dans la rue. La Géorgie a fait la preuve de son attachement à la démocratie. Les Géorgiens sont souvent passionnés et le débat est vif, mais ce sont des démocrates.

La réforme du système judiciaire concerne non seulement la magistrature mais aussi les autorités de police auxquelles la majorité de la population fait davantage confiance. Grâce à cette coopération, il a été possible de mener une lutte efficace contre la criminalité organisée. La réforme des procédures pénales et du statut de la magistrature a également été engagée. La lutte contre la corruption est un grand succès. Le budget de la justice a pour cela été considérablement augmenté. Désormais, la Géorgie dispose de magistrats compétents, jeunes, souvent formés à l’étranger, aux États‑Unis, en Allemagne, fiers de leur métier. Dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, des magistrats étrangers ont été invités à faire profiter leurs collègues géorgiens de leur expérience.

Le Gouvernement géorgien ne se contente pas de dire qu’il fait du bon travail: il opère en toute transparence et, si tout n’est pas parfait car il s’agit d’un long processus, il est fier des résultats obtenus.

M. EÖRSI (Hongrie) (interprétation)

au nom de l’ADLE, rappelle que des journalistes, lors d’une conférence de presse à Tbilissi, lui ont demandé, s’il considérait que le Président Saakachvili avait commis une erreur lors des événements de novembre dernier. Il a répondu que ce n’était pas à lui d’en décider et demande aujourd'hui au Président géorgien s’il a tiré des leçons de ces événements.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

répond que seul celui qui ne fait rien ne commet pas d’erreur. Pour revenir à ces événements de novembre dernier, il est clair que des provocateurs ont joué un grand rôle dans les troubles publics. Les enquêtes ont prouvé que des tentatives d’assassinat et des tentatives de corruption des dirigeants ont eu lieu. Il fallait réagir: une balle en caoutchouc reste une balle que ce soit à Amsterdam ou à Tbilissi.

Il est exact que des mesures impopulaires ont été prises mais les réactions ont parfois été exagérées. La Géorgie est une jeune démocratie qui manque encore d’expérience. Les autorités ont réussi à éviter un trop grand nombre de victimes. La campagne électorale qui s’est déroulée ensuite n’a pas connu de violences et, au contraire, les joutes politiques ont montré que la démocratie géorgienne était toujours vivante. Le Président a renoncé à ses pouvoirs et a démissionné pour montrer qu’il préférait protéger les institutions géorgiennes que ses prérogatives personnelles. Il a décidé de s’en remettre au jugement du peuple géorgien. Si une erreur a été commise, c’est donc le peuple géorgien qui l’a jugée.

Toutes les démocraties peuvent connaître des crises mais, en définitive, ce qui fait réellement la démocratie c’est la manière dont elle gère la crise. Le Président pense pouvoir affirmer que la confiance de la population géorgienne sort confortée de cette crise et que la démocratie géorgienne en est renforcée. (Applaudissements)

Baroness HOOPER (Royaume‑Uni) (interprétation)

s’intéresse à ce qu’a dit le Président à propos du dialogue interculturel. Elle aimerait connaître, au nom du Groupe GDE, les priorités budgétaires du Gouvernement géorgien pour les programmes culturels et les relations culturelles avec les pays voisins.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

remercie l’oratrice d’avoir posé cette question. Les Géorgiens comme leurs voisins sont fiers de leur patrimoine. L’Arménie a fait partie de la Géorgie pendant plusieurs générations. La Géorgie a été associée à la Russie pendant deux siècles. Il y a donc un vaste patrimoine commun. Beaucoup de figures importantes de la vie culturelle russe sont d’origine géorgienne. C’est le cas du président de l’académie des arts de Russie et de nombreux artistes et chanteurs d’opéra connus. Ces gens sont restés en Russie, même si, aujourd'hui, le vin géorgien est absent des tables russes.

Le ministre de la Culture géorgien est un homme très actif. A ce jour, deux cent cinquante églises ont été restaurées. De nouveaux musées ont été ouverts et les anciens ont été rendus plus populaires. Une artiste géorgienne a créé un monument controversé. Même si cette artiste a semé le trouble dans les esprits, cette manifestation montre que la vie culturelle est active en Géorgie. S’agissant du budget, il vaut mieux investir dans la culture que dans les armes et qu’il est préférable de construire un musée plutôt que d’acheter des tanks.

M. KOX (Pays‑Bas) (interprétation)

au nom du Groupe GUE, demande quelle différence voit le Président entre ses deux présidences au niveau de la démocratie et des conflits gelés. Comment compte‑t‑il regagner la confiance de l’Assemblée parlementaire?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

répond que la première fois qu’il s’est présenté devant l’Assemblée parlementaire, il venait présenter des promesses, la deuxième fois c’était un processus de paix. Aujourd'hui, il vient d’un pays qui a progressé de façon importante en termes de marchés extérieurs et dans la lutte contre la corruption.

Le processus de transformation a été très rapide et a bénéficié de la confiance de citoyens. La Géorgie était un pays divisé par des courants sécessionnistes. La coexistence est aujourd'hui bien plus pacifique. Le PNB par tête d’habitant a fortement progressé en quatre ans et la pauvreté a diminué de moitié au cours de ces deux dernières années. De plus en plus de jeunes ont accès à l’université car les systèmes de pots de vin ont été abolis. Les réformes du système judiciaire ont donné confiance à la population, dont les droits individuels sont mieux défendus.

Le Président ne nie pas que des problèmes subsistent. Le plus grand défi est certainement de lutter contre la pauvreté. Le second sera de faire participer l’opposition à la vie politique du pays. Il faudra trouver des modalités qui permettent de lui attribuer certaines prérogatives. Au cours de ses quatre ans de mandat, le Président espère pouvoir consolider les changements afin que les efforts engagés portent leur fruit.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan) (interprétation)

interroge le Président sur l’intégrité territoriale de son pays. Les conflits en Ossétie du Sud, en Abkhazie et dans le Haut‑Karabakh menacent la stabilité. Quelles sont les solutions possibles et quels obstacles rencontrent leur mise en œuvre?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

répond que les conflits sont toujours des tragédies humaines. De ce point de vue, on ne peut pas dire qu’ils sont gelés. Il faut garder à l’esprit que les solutions qui interviendront ne peuvent trahir les populations et leurs intérêts. La violence n’est pas une solution mais temporiser ne vaut guère mieux. En outre, il faut se garder de faire des promesses qu’on ne pourra pas tenir.

Comment peut‑on garantir le respect des droits des minorités? Le Président se dit fier de la bonne intégration des minorités en Géorgie, même si, comme dans les autres pays du Conseil de l’Europe, il convient de lutter sans cesse pour conserver ce degré d’intégration. Il y faut une grande patience. L’intégration est une œuvre à long terme qui mérite toute l’attention des gouvernants s’ils veulent donner à chacun une vie normale et éviter de sacrifier des générations entières. Il faut faire preuve de compréhension et de prudence en même temps que de fermeté pour sortir des conflits.

Mme HAJIYEVA (Azerbaïdjan) (interprétation)

indique que l’Azerbaïdjan et la Géorgie aspirent tout deux à une intégration européenne. Comment cela pourrait‑il être possible alors que ces pays sont encore aux prises avec des forces militaires étrangères qui pratiquent une épuration ethnique?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

répond que l’Azerbaïdjan a connu une croissance économique de 22 % grâce au pétrole et que la Géorgie, qui n’a pas de pétrole, a connu une croissance de 12 %. En grandissant, ces pays donnent à chaque citoyen sa chance dans des sociétés qui se développent de plus en plus. C’est ainsi que ces citoyens deviendront naturellement des Européens. Le Président sait que tous ne partagent pas cette opinion. C’est pourtant au niveau de l’Europe qu’il faut aborder les grands problèmes qui concernent tous les pays comme l’énergie, la violence, le trafic des êtres humains. Avec du temps et de la persévérance, il sera possible de gagner l’esprit et le cœur des Européens. Il faudra peut‑être une génération pour y arriver mais le Président se dit optimiste.

M. KOSACHEV (Fédération de Russie) (interprétation)

a remarqué que le Président préférait voir un musée s’ouvrir plutôt que d’acheter du matériel militaire. Il n’empêche que la Géorgie enregistre la plus haute croissance en matière de dépenses militaires. Son ministre de la défense a récemment parlé d’interventions en Ossétie du Sud. Comment le Président justifie‑t‑il cette situation sur le plan juridique?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

répond que les dépenses militaires ont augmenté de façon importante mais par rapport à un chiffre proche de zéro. Il n’y a donc pas lieu de comparer avec les pays voisins. Le Président n’est pas heureux de devoir acquérir du matériel militaire. Il préfèrerait ouvrir des hôpitaux ou des écoles, ce qui a d’ailleurs été fait en bien plus grand nombre ces dix dernières années que par le passé. Il en est très fier.

La décision du cessez‑le‑feu a été difficile à prendre. La Géorgie respectera ses engagements écrits. Certains ont dit qu’une guerre éclaterait après les élections législatives. La réalité a confirmé la bonne foi des autorités géorgiennes et démontré qu’il ne s’agissait là que de propagande. La Géorgie souhaite que la Douma ratifie l’accord-Cadre de 2004 qu’elle‑même a ratifiée. Si la Russie était prête à de véritables changements, il serait alors possible d’appliquer les normes internationales dans les territoires en question. En tout état de cause, la Géorgie est attachée à la recherche d’une solution pacifique et souffrirait beaucoup d’un conflit armé.

L’emploi de la force dans le Caucase pourrait, en outre, avoir de graves et durables conséquences sur toute la région, néfastes pour le développement du pays. S’il se confirme que la Russie n’a aucune intention de porter atteinte à l’intégration territoriale de la Géorgie, les relations économiques, culturelles et humaines entre les deux pays pourront se renforcer à l’avenir, dans l’intérêt de tous les peuples. (Applaudissements)

M. SLUTSKY (Fédération de Russie) (interprétation)

remercie le Président géorgien pour ses paroles et forme avec lui le vœu que la collaboration de la Géorgie avec la Russie se renforce à l’avenir. M. Saakachvili a enregistré lors des dernières élections quatre fois moins de voix que lors des élections précédentes alors que la participation aux élections était particulièrement faible. De plus, l’opposition refuse toujours de reconnaître le résultat de ces élections. Comment le Gouvernement envisage‑t‑il ses relations avec les partis de l’opposition à l’avenir?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

observe que les Russes sont mieux informés que les Géorgiens eux‑mêmes! Selon ses propres informations, la participation a au contraire été très élevée et il a d’ailleurs bénéficié de toutes les voix sur lesquelles il comptait. Les dernières élections ont fourni une fracassante démonstration de pluralisme et, malgré diverses déclarations, sur un mode dramatique, des dirigeants de l’opposition, plusieurs rencontres ont eu lieu entre les différents partis politiques du pays. Aucun cas de violence n’a été constaté. La campagne et les élections se sont déroulées pacifiquement, contrairement à l’image donnée par les médias. La démocratie constitue le meilleur des systèmes politiques et le seul à même de garantir la stabilité d’un pays. Le dynamisme de l’opposition est essentiel. Les autorités géorgiennes sont prêtes à faire part de leur expérience sur le sujet aux membres de l’Assemblée parlementaire. (Applaudissements)

M. ÇAVUŞOĞLU (Turquie) (interprétation)

félicite le Président pour son action efficace et pour les lois récemment promulguées qui autorisent le retour des Meskhètes dans leur territoire. La Géorgie aura‑t‑elle besoin d’une aide internationale pour appliquer cette loi?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

salue l’exceptionnelle coopération qui existe aujourd’hui entre son pays et la Turquie. Les contrôles aux frontières ont été supprimés entre les deux pays, un nouvel aéroport a été ouvert et les lignes ferroviaires facilitent désormais la circulation dans la région. Ainsi, les échanges commerciaux ont été multipliés par six. Lorsqu’il était enfant, M. Saakachvili avait appris que la Turquie était l’ennemie de la Géorgie. Il constate aujourd’hui que ce pays est l’un de ses meilleurs amis. Quant à l’aide internationale pour appliquer la loi sur les Meskhètes, elle ne pourrait être que bénéfique. Lors des élections en Géorgie, les observateurs internationaux étaient six fois plus nombreux que lors des élections ukrainiennes. Cette transparence a permis, outre l’afflux de touristes étrangers, de mettre fin à la désinformation et de démontrer que les élections étaient libres et équitables.

Au terme de ce débat, M. Saakachvili souhaite conclure son intervention devant l’Assemblée en remerciant chacun pour son aide, son soutien et son attention. Il indique qu’il y a treize ans, c’est à Strasbourg qu’il a rencontré sa femme Sandra, alors qu’il effectuait un stage à l’Institut international des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. A l’époque, Strasbourg paraissait très éloignée de la Géorgie. Les choses ont bien changé depuis et le Président géorgien se dit convaincu qu’un jour les relations entre son pays et la Russie seront cordiales et détendues. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT

Nous devons interrompre les questions à M. Saakachvili, que je remercie vivement.

Vous demandez la parole, monsieur Wodarg?

M. WODARG (Allemagne) (interprétation)

déplore de ne pas avoir eu la possibilité de poser sa question au Président géorgien, qui a purement et simplement monopolisé la parole…

LE PRÉSIDENT

Vous devez m’excuser, j’avais annoncé que nous en aurions fini avec les questions à 16 heures. J’ai tenté de résister à la pression pendant quinze minutes. Je ne pouvais pas donner encore la parole à d’autres intervenants! Dans cet hémicycle, je n’ai jamais vu un président de l’Assemblée interrompre le Président d’un Etat. Que l’on soit content ou non, il me semble que nous avons agi correctement.