Ivo
Sanader
Premier ministre de Croatie
Discours prononcé devant l'Assemblée
lundi, 2 octobre 2006
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, honorables parlementaires, Mesdames, Messieurs, c’est avec un grand plaisir que je prends la parole devant cette Assemblée. Je remercie M. van der Linden pour ses propos liminaires.
Aujourd’hui, nous célébrons le 10e anniversaire de l’adhésion de la République de Croatie au Conseil de l’Europe – une institution clé qui travaille à la promotion et à la protection de la démocratie, de la prééminence du droit, des droits de l’homme et de la coopération parlementaire à l’échelon européen. Ce sont là de nobles principes que nous partageons tous au sein de notre maison européenne commune dont les travaux sont couronnés de succès.
Je suis particulièrement fier, en cette importante occasion, dix ans après l’adhésion de la Croatie au Conseil de l’Europe, de pouvoir dire que nous sommes membres de cette famille permanente dont nous partageons les principes. Certains d’entre vous se souviendront que ce parcours a débuté avec les 21 engagements pris en 1996 envers cette Organisation. Aujourd’hui, nous sommes candidats à l’Union européenne. Je suis fier de voir les progrès que mon pays a su accomplir en une petite dizaine d’années. Je suis convaincu que vous partagez ma joie, car ces réalisations sont également dans l’intérêt du Conseil de l’Europe et de l’ensemble du continent.
La Croatie continuera de porter un vif intérêt aux activités de cette Organisation et de contribuer de manière constructive aux travaux qu’elle accomplit dans le cadre de son ordre du jour actuel et qui portent notamment sur la réforme de la Cour européenne des Droits de l’Homme et surtout sur le renforcement de la coopération avec l’Union européenne et d’autres organisations internationales.
Permettez-moi d’exposer brièvement les principales réalisations que mon pays a effectuées depuis son adhésion au Conseil de l’Europe ainsi que les progrès qu’il a accomplis sur la voie de son intégration dans l’Union européenne. La Croatie s’est engagée à réaliser toutes les réformes nécessaires sans sauter aucune des étapes de ce processus, mais, au contraire, en veillant à ce que chacune d’entre elles débouche sur des résultats concrets. Les progrès accomplis en matière de réformes intérieures ont renforcé les capacités générales de notre pays, ce qui a permis d’améliorer son profil politique et économique à l’échelon international et de le rendre attrayant pour les investisseurs étrangers.
Toutefois, l’objectif principal des efforts de réforme est, et continuera d’être, l’amélioration du paysage social et de la qualité de vie de nos citoyens ainsi que la création des conditions favorables à la croissance et aux investissements. Les réformes entreprises dans le cadre du processus d’adhésion sont pratiquement devenues un catalyseur pour l’achèvement du processus de transition. La mise en œuvre cohérente des réformes contribue à notre crédibilité en tant qu’authentique partenaire de l’Union européenne, parmi d’autres partenaires qui, tous, sont à la fois désireux et capables de partager et de promouvoir les valeurs communes de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit. Par principe, les pays qui aspirent à rejoindre l’Union européenne ne doivent pas être un fardeau sur le plan économique ni constituer une menace pour la sécurité. Voilà qui doit être le principe directeur non seulement du débat relatif à notre responsabilité, mais aussi du débat relatif à l’élargissement futur de l’Union européenne.
Si, gardant à l’esprit notre histoire européenne qui a été marquée par tant de confrontations, de guerres, de génocides, d’effusions de sang et autres tragédies, nous voulons prévenir la répétition de tels drames et donner, enfin, une autre orientation à notre avenir, l’unification européenne est le seul choix possible. En entendant parler de «nouveaux membres», nombreux sont ceux qui ont tendance à voir les pays candidats tels qu’ils sont à l’heure actuelle et non tels qu’ils seront à la fin du processus, c’est-à-dire une fois qu’ils auront amélioré leurs compétences et leurs capacités dans tous les domaines, qu’ils auront renforcé la protection des droits de l’homme, la bonne gouvernance ainsi que leur capacité à mettre en œuvre les normes environnementales les plus élevées. De tels pays constituent une valeur ajoutée pour l’Union européenne et viennent compléter les actifs communautaires existants.
L’expérience de la Croatie a montré que l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne constitue une étape particulièrement importante du processus. Elle indique clairement, en effet, qu’un pays a satisfait aux critères nécessaires, qu’il fait preuve de maturité et qu’il est définitivement devenu un partenaire de confiance. Avant de se voir octroyer le statut de pays candidat à l’Union européenne, la Croatie a dû fournir des preuves tangibles de son entière coopération avec le TPIY; et, comme vous venez de le mentionner, Monsieur le Président, elle a effectué cette démarche qui a permis d’asseoir sa crédibilité. Les négociations d’adhésion, qui avancent de manière satisfaisante, nous fournissent un certain nombre d’indicateurs (calendrier et normes) à l’aune desquels nous pouvons mesurer nos progrès.
Nous concentrons nos efforts sur un certain nombre de défis clés en vue de faire véritablement progresser le respect des normes européennes. Au nombre de ces défis, je soulignerai la réforme du judiciaire, qui a été engagée avec succès, souvent avec l’assistance de l’Union européenne et de ses pays membres, mais également avec celle du Conseil de l’Europe. Cette réforme inclut la modernisation du système d’enregistrement au cadastre et la réduction des retards dans le traitement des affaires judiciaires. La lutte contre la corruption et la criminalité organisée constitue une autre priorité. A cet égard, le gouvernement a adopté un plan d’action et un programme national qui doivent permettre de traiter ce problème de manière efficace et transparente au cours des prochaines années. Il déploie également des efforts considérables dans le domaine des droits de l’homme et de la protection des droits des minorités, qui est étroitement lié à la question du retour des réfugiés.
La Croatie a également engagé une vaste réforme en vue de moderniser l’enseignement et de le rendre compatible avec les normes de l’Union européenne et avec le processus de Bologne ainsi qu’avec l’orientation énoncée dans l’Agenda de Lisbonne. La modernisation des infrastructures dans le domaine de l’énergie et des transports a été opérée en partie grâce à la coopération régionale et au financement de l’Union européenne. La réforme du système de défense et des services de sécurité a bien progressé, dans le respect des normes de l’OTAN et de l’Union européenne ainsi que des principes démocratiques les plus élevés.
Les progrès notables que la Croatie a accomplis dans le domaine économique ont garanti une croissance du PIB de 4,4%, un faible taux d’inflation, une croissance des exportations, une augmentation des investissements étrangers directs et d’autres indicateurs macroéconomiques – par exemple une réduction du déficit budgétaire, de 6,2% lorsque nous sommes arrivés au pouvoir fin 2003, à 2,9 % cette année. Tout cela indique que nous progressons de manière constante en vue de satisfaire aux critères de Maastricht. Il nous faut encore achever le processus de privatisation, réduire le chômage, améliorer les exportations et faire en sorte que notre secteur des affaires soit en mesure de participer pleinement au marché commun européen.
Les importants investissements effectués par des pays de l’Union européenne montrent que le climat a été jugé propice, notamment parce qu’il est sous-tendu par la stabilité politique, un cadre juridique approprié établi dans la transparence et une infrastructure administrative qui va s’améliorant.
Le processus d’intégration européenne a également mis en lumière d’autres aspects importants du développement des sociétés européennes, tels que la coopération régionale, la coopération en matière de lutte contre les nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité, le développement de la société civile et bien d’autres domaines encore. Grâce à l’exemple positif des réalisations qu’elle a accomplies et grâce à sa participation active à la coopération régionale, la Croatie a déjà prouvé sa capacité à influencer d’autres pays de la région et, partant, de régler les problèmes politiques qui subsistent.
La coopération dans l’Europe du Sud-Est est efficace lorsqu’elle est ouverte, lorsqu’elle est équilibrée, lorsqu’elle répond aux besoins de la région et qu’elle sert ses intérêts, et lorsque, se fondant sur les principes européens, elle est conçue de manière à stimuler la coopération au sein de l’Union européenne elle- même. A cet égard, les questions qui subsistent dans le sud-est de l’Europe doivent être réglées de façon à accroître la stabilité de la région et à garantir la poursuite des processus démocratique et économique. Voilà un défi non seulement pour les pays de la région, mais également pour la communauté internationale tout entière, puisqu’il requiert à la fois son attention et sa contribution.
La synergie de la coopération bilatérale et régionale garantira la poursuite des processus de réforme démocratique dans l’Europe du Sud-Est et, partant, la stabilité durable de la région. Un authentique réseau de nouvelles relations existe aujourd’hui dans l’Europe du Sud-Est, qui se fonde dans une large mesure sur des piliers liés à l’intégration à l’Union européenne, sur le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est et sur le processus de stabilisation et d’association. Mais d’autres associations régionales de soutien participent également à ce succès. Par exemple, la CECP, dont la Croatie assure actuellement la présidence, est une initiative des pays de la région qui a pour objectif la réalisation de nos objectifs communs et le renforcement de la coopération et des relations de bon voisinage en vue de consolider la démocratie, la stabilité, la sécurité et la prospérité économique, et ce dans le cadre de nos aspirations à l’intégration européenne.
Il ne faut pas oublier non plus d’autres initiatives de coopération régionale, telles que l’initiative d’Europe centrale, l’initiative adriatico-ionienne ou l’initiative quadrilatérale qui est, elle aussi, actuellement présidée par la Croatie. Les pays de la région coopèrent également avec succès dans les domaines de la sécurité et de la défense ainsi qu’en matière de lutte contre la criminalité organisée. La Croatie a établi un régime ouvert de visas avec tous ses voisins de l’ouest des Balkans, ce qui montre non seulement que le climat politique a changé et que la confiance mutuelle s’est renforcée, mais également que nous avons amélioré nos capacités administratives et de sécurité en mettant efficacement en œuvre un cadre juridique approprié.
Nous enregistrons également des développements positifs dans le domaine de la coopération économique et commerciale. Un régime de libre-échange a été mis en place dans la région par le biais d’accords bilatéraux, mais nous nous employons aujourd’hui à apporter des modifications à l’Accord de libre- échange d’Europe centrale – le CEFTA – qui sera bientôt opérationnel. La région de l’Europe du Sud-Est est déjà dotée d’un système énergétique intégré et l’accent est aujourd’hui mis sur le développement des infrastructures routières et ferroviaires conformes aux corridors européens.
J’aimerais à présent, si vous le voulez bien, vous donner un aperçu de la situation dans la région pour ce qui concerne le processus d’intégration euro-atlantique et dire quelques mots sur les problèmes qui subsistent, mais qui ne peuvent être traités et résolus que dans un tel cadre.
Je tiens, en premier lieu, à féliciter la Roumanie et la Bulgarie pour leur prochaine adhésion à l’Union européenne. Cette adhésion est la preuve que le travail, l’engagement, la responsabilité et la crédibilité paient. Ces deux pays sont prêts à assurer le progrès futur de leurs sociétés ainsi qu’à contribuer à renforcer à la fois la région et l’Union européenne en jouant un rôle constructif dans les affaires mondiales.
«L’ex-République yougoslave de Macédoine» a bien mérité le statut de candidat à l’Union européenne: elle a tenu plusieurs élections démocratiques qui n’ont pas affecté sa stabilité politique. L’Albanie progresse fermement dans la bonne direction puisque le processus de ratification a été engagé pour l’accord de stabilité et d’association la concernant. Voilà qui met une nouvelle fois en exergue la nécessité de poursuivre les réformes et de promouvoir la contribution de l’Albanie à des questions telles que la stabilité régionale et la coopération.
Des négociations sur l’accord de stabilité et d’association ont été engagées au titre de la Bosnie- Herzégovine, mais le processus a accusé un ralentissement temporaire, non seulement en raison de la complexité générale des relations intérieures, mais également en raison de la récente dynamique préélectorale. Priorité doit être donnée – et ce point revêt une importance vitale – à la future Constitution et au soutien coordonné de la communauté internationale afin de garantir la stabilité régionale en Bosnie- Herzégovine. Il faut faire en sorte que les trois groupes ethniques – Serbes, Croates et Bosniaques – jouissent du même statut.
Il faut également renforcer et soutenir les nécessaires processus impliquant la Serbie et le peuple serbe, mais ils doivent se dérouler sous la houlette de la communauté internationale et être soutenus par les autres pays de la région. En tant que voisins, nous avons tout intérêt à ce que la paix et la stabilité soient instaurées à long terme dans la région. Pour parvenir à cet objectif, il y aura également besoin du soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
La Croatie porte un grand intérêt et affiche une grande satisfaction quant au rôle actif que le Conseil de l’Europe joue dans plusieurs pays de la région. Nous appuyons vivement les programmes d’assistance existants et encourageons le Conseil de l’Europe à continuer à fournir son expertise en vue d’aider les pays de la région qui en ont le plus besoin. Je suis fermement convaincu que, grâce à des efforts communs, nous serons en mesure d’éviter le retour au passé, de préserver l’élan de changement et de progrès, et de garantir à notre partie de l’Europe la place qui lui revient dans la grande famille européenne des nations et des valeurs. La Croatie peut contribuer de manière constructive à ces efforts grâce à sa propre histoire et grâce à son engagement envers la coopération fondée sur la démocratie et la vision européenne.
Dans l’Union européenne ainsi que dans d’autres institutions, y compris l’OTAN et le Conseil de l’Europe, il est un principe qui mérite qu’on lui accorde une attention particulière. C’est celui qui veut que chaque pays soit traité selon ses propres mérites. Eu égard à notre coopération au sein de la région de l’Europe du Sud-Est, je puis vous assurer derechef que la Croatie fera preuve d’un engagement sans faille au cours de ses négociations avec l’Union européenne. Le processus pertinent est bien engagé et nous pensons qu’il pourra aboutir d’ici à deux ans et demi.
Soyez également assurés que nous menons une politique à double détente: il s’agit, d’une part, de satisfaire à tous les critères pertinents et de mettre en œuvre l’acquis communautaire en Croatie dans le but d’accéder le plus rapidement possible tant à l’Union européenne qu’à l’OTAN, et, d’autre part, d’aider nos voisins à s’intégrer à ces deux institutions. Il ne devrait pas y avoir de pays de deuxième ordre pour les institutions européennes. Cela signifie, en clair, que chacun d’entre eux doit pouvoir devenir membre à part entière non seulement du Conseil de l’Europe, mais également de l’Union européenne.
Au nom de ma délégation et des représentants de la Croatie qui se trouvent aujourd’hui au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je me réjouis de voir que nous célébrons le 10e anniversaire de l’adhésion de notre pays à l’Organisation. Il y a dix ans, M. René van der Linden était rapporteur pour la Croatie. Je tiens ici à lui exprimer ma vive gratitude pour l’excellente – et fructueuse – coopération qui s’était alors engagée avec lui. Aujourd’hui, M. van der Linden préside l’Assemblée, mais, à l’époque, il travaillait en tant que rapporteur sur le dossier de la Croatie. Je tiens à le remercier de tout cœur pour le travail qu’il a effectué ainsi que pour celui qu’il accomplit aujourd’hui.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, nous croyons dans l’avenir de l’Europe. Les Croates savent ce que traverser des temps difficiles veut dire. Vous vous souvenez tous du bombardement de Dubrovnik, de la destruction de Vukovar et des événements de Srebrenica. Vous vous souvenez tous de ce qui s’est passé au Kosovo. Il n’y a pas d’alternative à la coopération, sauf à vouloir une nouvelle confrontation.
La Croatie sait combien son passé a été difficile et combien difficile également a été l’histoire de tous les pays européens. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cette éminente institution, le Conseil de l’Europe, gagne encore en importance pour tous les citoyens de notre continent. A notre sens, elle ne joue pas aujourd’hui pleinement son rôle et mérite que celui-ci soit renforcé. Cela dit, je n’établis là aucune comparaison avec l’Union européenne, à laquelle, comme vous le savez et comme je l’indiquais tout à l’heure, nous souhaitons adhérer. Il n’en reste pas moins qu’à mes yeux le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer et que ce rôle devrait être plus important encore qu’il ne l’est aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention.
LE PRÉSIDENT (traduction)
Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, pour votre allocution des plus intéressantes. Vous avez montré votre engagement à l’égard de la coopération euro-atlantique et évoqué le rôle de votre pays en matière de coopération régionale, notamment pour ce qui concerne le Conseil de l’Europe. Nous mettons tout en œuvre pour donner de la valeur ajoutée à l’Union européenne. Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe doit jouer ce rôle pour éviter l’apparition de nouveaux clivages en Europe. Nous devons rester fidèles à nos valeurs fondamentales, ce à quoi nous nous employons d’excellente façon.
La parole est à M. Evans, du Groupe démocrate européen, pour poser la première question. Je rappelle aux parlementaires qu’ils peuvent également soumettre des questions écrites.
M. EVANS (Royaume-Uni) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre contribution et tiens à vous féliciter pour les progrès que vous avez accomplis aux échelons politique, social et économique. Vous avez dit qu’aucun pays ne devait être laissé à l’écart des structures de l’Union européenne. Comme notre Président l’a indiqué dans son introduction, certaines préoccupations se sont fait jour à propos de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie et vous avez mentionné un certain nombre d’autres pays européens qui ont posé leur candidature à l’Union européenne. J’aimerais savoir si vous avez un message à transmettre à ceux qui craignent un nouvel élargissement.
M. Sanader, Premier ministre de Croatie (traduction)
Oui, j’ai un message. Permettez-moi de souligner un point que je n’ai pas abordé dans mon discours. Lors des négociations d’adhésion, la Croatie a pris conscience de ce que l’Union européenne était confrontée à un certain nombre de problèmes, y compris pour ce qui concerne le traité constitutionnel. Elle a également tenu, l’année dernière, un vaste débat sur les perspectives financières; il faut analyser les raisons de ces problèmes. Et puis, il y a la lassitude due à l’élargissement et la question de la «capacité d’absorption». Les gens demandent ce que signifie cette expression, parce que l’Union européenne ne va pas nous «absorber», mais nous intégrer.
Il faut reconnaître que l’Union européenne est confrontée à un certain nombre de problèmes. A ce propos, vous me permettrez de citer René van der Linden, Président de l’Assemblée, qui, lors de la conférence de presse commune que nous avons donnée il y a une heure, a indiqué que l’Union européenne avait demandé aux futurs pays membres – Bulgarie, Roumanie et Croatie, entre autres – d’engager d’immenses réformes ainsi que de veiller à leur mise en œuvre.
Nous pensons – et je soutiens fermement cette idée – que l’Union européenne, pour sa part, devrait achever ses réformes d’ici à la fin 2008, et nous espérons qu’elle y parviendra. Dans ce cas, rien ne devrait s’opposer à l’adhésion de la Croatie et d’autres nouveaux pays une fois qu’ils auront satisfait à tous les critères et négocié tous les chapitres, ce à quoi travaille aujourd’hui la Croatie. Dans le cas de mon pays, les processus se complètent mutuellement. Nous pensons que l’Union européenne pourrait et devrait clore tous ses débats sur la Constitution d’ici à la fin 2008, comme prévu, et nous estimons être en mesure d’achever nos négociations avec la Commission et les Etats membres à la même période.
J’aimerais dire quelques mots à propos des sondages d’opinion en Croatie. Il existe un «eurobaromètre» qui montre la manière dont les citoyens européens voient l’adhésion de nouveaux membres. Les derniers sondages font apparaître que dans tous les Etats membres, dont deux nouveaux, l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne est bien perçue. Il n’existe pas de lassitude de l’élargissement pour ce qui concerne la Croatie. Je suis reconnaissant à tous les citoyens des Etats membres qui perçoivent mon pays de manière positive.
Je pense que chacun d’entre nous, y compris les parlementaires et plus particulièrement le pouvoir exécutif, devrait réfléchir à la question de savoir pourquoi le traité constitutionnel a été rejeté par la France et les Pays-Bas. Ces deux référendums «négatifs» constituent un grand problème non seulement pour la France, les Pays-Bas et l’Union européenne, mais également pour la Croatie. Toutefois, il y a des enseignements à tirer du résultat de ces consultations. Il faut veiller à informer nos citoyens de quoi il retourne.
La Croatie va bientôt célébrer le 15e anniversaire de son indépendance. Le 15 janvier 1992, l’Union européenne a reconnu la Croatie et dans trois mois nous célébrerons le 15e anniversaire de la reconnaissance internationale du pays. Les jeunes nés à la fin des années 1980 ne se rappellent pas la Yougoslavie; pour eux, la Croatie est l’unique réalité. Ils ne nous comprennent pas quand nous évoquons le communisme yougoslave, le «titoïsme» et la dictature de Tito. Pour eux, cela fait partie de l’histoire – autant dire du XIXe siècle! Ce qu’il nous faut leur transmettre, ce sont les valeurs. Il faut expliquer pourquoi la Croatie devrait être intégrée à l’Union; pourquoi elle veut en devenir membre; et pourquoi il faut que l’Union poursuive son élargissement. Il n’y a pas d’autre alternative pour l’Europe unie. Je pense qu’il importe d’adopter une stratégie de communication.
Je suis optimiste pour la Croatie ainsi que pour certains de nos voisins de l’Europe du Sud-Est. Si, je le répète, tout se passe comme prévu – si toutes les questions relatives au traité constitutionnel sont réglées d’ici à la fin 2008 et si nous concluons nos négociations à peu près à la même époque (un ou deux mois de plus n’auront pas d’incidence majeure), je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la Croatie d’adhérer à l’Union.
M. EVANS (Royaume-Uni) (traduction)
Je veux que la Croatie devienne membre de l’Union européenne le plus rapidement possible et lui souhaite bonne chance.
M. PROROKOVIC (Serbie) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, dans votre discours vous avez mentionné les relations entre les pays de la région et la stabilité régionale. J’aimerais connaître votre point de vue sur la stabilité de la région occidentale des Balkans ainsi que sur le développement de relations et de politiques de bon voisinage dans le contexte de la définition du futur statut du Kosovo.
M. Sanader, Premier ministre de Croatie (traduction)
Permettez-moi d’emblée de vous indiquer notre position – non seulement la position de mon gouvernement, mais également celle de l’ensemble des partis représentés au Parlement croate. Nous voulons que la Serbie et tous les pays voisins deviennent membres de l’Union européenne et de l’OTAN dès qu’ils auront satisfait à tous les critères d’adhésion.
La Croatie, pays candidat, a engagé des négociations avec l’Union européenne. La Croatie, je le répète, ne décidera pas seule de la politique à mener à l’égard de la Serbie et du Kosovo. Nous voulons soutenir l’Union européenne et la communauté internationale avec nos connaissances. En tant que voisins de la Serbie, nous pouvons apporter une contribution utile parce que nous connaissons l’histoire, nous connaissons la mentalité, nous connaissons la langue et nous connaissons tous les problèmes et les aspects spécifiques de cette région de l’Europe. Bien entendu, j’ai un avis personnel, mais je ne le donnerai pas aujourd’hui. J’en informerai nos partenaires européens et tous ceux qui travaillent à la résolution de cette question qui, nous le savons, revêt une importance capitale pour la Serbie et le Kosovo. Ce que nous voulons, c’est une intensification du dialogue entre Pristina et Belgrade.
M. FASSINO (Italie) (traduction)
Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre discours, inspiré par une forte conviction européenne. Je vous connais depuis de nombreuses années et je sais que vous êtes l’un des dirigeants croates qui s’est le plus battu, et qui se bat encore, pour ancrer la Croatie, les Balkans et l’Europe du Sud-Est dans l’Union européenne. Je voulais vous poser deux questions; voici la première: dix ans se sont écoulés depuis les Accords de Dayton et, ces dernières semaines, la Bosnie a connu des échéances électorales importantes; comment voyez-vous l’avenir et l’engagement de la Croatie en faveur de la consolidation du processus de stabilité et de démocratie en Bosnie? Ma deuxième question est la suivante: comment votre gouvernement entend-il favoriser l’activité du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie? Je vous remercie.
M. Sanader, Premier ministre de Croatie (traduction)
Tout d’abord, je crois que les Accords de Dayton ont porté leurs fruits non seulement pour la Bosnie-Herzégovine mais aussi pour la communauté internationale, car ils ont mis fin à la guerre. Certes, ils ne sont pas parfaits, mais la vie non plus n’est pas parfaite, nous le savons tous; toutefois, ils ont atteint leur objectif, c’est pourquoi ils occuperont certainement à l’avenir une place toute particulière dans l’Histoire.
Aujourd’hui, onze ans déjà après leur conclusion, il faut voir comment fonctionnent ces accords de 1995. J’entends dire de divers côtés qu’ils ne fonctionnent plus bien. Il faut donc aussi faire des réformes constitutionnelles, mais des réformes ne sont possibles que si elles sont acceptées par les trois peuples qui composent la Bosnie-Herzégovine et qui doivent obtenir un même statut et le conserver.
Je crois que, avant tout, la communauté internationale, le Conseil de l’Europe et même les Etats-Unis, qui ont joué un rôle très actif dans ces accords, doivent s’employer, avec les représentants de ces trois peuples, à libérer de ses entraves la politique de la Bosnie- Herzégovine. Une autre question que nous ne devons pas oublier, c’est celle du Kosovo et de son incidence sur la Bosnie-Herzégovine, où des élections ont eu lieu hier; nous verrons bien quels seront les résultats – dont nous avons déjà une connaissance partielle.
Aujourd’hui, bien que la communauté internationale s’intéresse surtout à l’Irak, à l’Afghanistan et au Proche-Orient, elle ne doit pas oublier cette partie de l’Europe. Nous sommes voisins de la Bosnie- Herzégovine comme de la Serbie et nous voulons que tout aille bien; nous sommes prêts à contribuer et à collaborer aux initiatives de la communauté internationale pour déterminer si les Accords de Dayton sont toujours adaptés à la situation actuelle et future, ou s’il convient de les réformer.
Je crois que la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie n’est pas l’affaire d’un seul pays comme la Croatie, la Bosnie, la Serbie ou le Monténégro, mais que c’est avant tout une obligation que chaque pays doit faire sienne. La législation croate comporte cette obligation qui est inscrite dans les principes du droit. Nous n’avons pas coopéré avec La Haye parce que l’Union européenne nous l’a demandé, mais parce qu’il existe une loi en Croatie qui prévoit que tous ceux qui ont été accusés doivent rendre des comptes.
Je crois que, s’il prend sa propre législation au sérieux, tout pays doit l’appliquer en toutes circonstances et pas seulement lorsque l’Union européenne le demande.
LE PRÉSIDENT (traduction)
Désirez-vous poser une question supplémentaire? Ce n’est pas le cas.
Nous sommes arrivés au terme de notre dialogue avec M. Sanader, que je remercie vivement. Nous nous verrons plus tard, lors de la présentation de votre cadeau au Conseil de l’Europe à l’occasion du 10e anniversaire de l’adhésion de votre pays.