Angelo

Sodano

Secrétaire d'Etat du Saint-Siège

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 26 septembre 1995

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, il y a sept ans, exactement, le 8 octobre 1988, le pape Jean-Paul II était reçu dans cet hémicycle, à l’occasion de sa visite aux institutions européennes à Strasbourg. C’est à moi qu’aujourd’hui incombe cet honneur et je me fais aussitôt un devoir de remercier vivement l’actuel Président de l’Assemblée parlementaire, M. Miguel Angel Martmez, ainsi que vous tous, dignes représentants des parlements des trente--six pays membres, observateurs et invités spéciaux.

Les paroles que m’a adressées votre président avec tant de cordialité sont, selon moi, destinées beaucoup plus au pape Jean-Paul II et à ses collaborateurs qu’à ma personne. Depuis sept ans, c’est-à-dire depuis la visite du pape à cette institution, beaucoup de choses ont changé en Europe. La configuration même de cette Assemblée parlementaire a changé et changera encore. Nous y voyons maintenant des parlementaires de nouveaux pays, qui lui donnent des perspectives plus larges et une détermination plus forte en faveur de l’unité européenne.

Il existe aujourd’hui une nouvelle Europe. Mais nous nous trouvons aussi face à de nouveaux défis. De nouvelles possibilités de progrès matériel et spirituel se sont présentées, mais de nouveaux dangers nous menacent. Le vieux chêne étend toujours ses branches vigoureuses, mais il est exposé à des vents qui le secouent de l’extérieur et à des maux qui le minent de l’intérieur.

Lors de sa visite à cette Assemblée, à la veille de l’effondrement du système des blocs qui a fait de 1989 l’année d’un tournant historique, le pape Jean-Paul II a eu cette expression heureuse: «Si l’Europe veut être fidèle à elle-même, il faut qu’elle sache rassembler toutes les forces vives de ce continent en respectant le caractère original de chaque région, mais en retrouvant dans ses racines un esprit commun. En exprimant le vœu ardent de voir s’intensifier la coopération déjà ébauchée avec les autres nations, particulièrement du Centre et de l’Est, j’ai le sentiment de rejoindre le désir de millions d’hommes et de femmes qui se savent liés par une histoire commune et qui espèrent un destin d’unité et de solidarité à la mesure de ce continent.»

Les souverains pontifes ont toujours suivi avec intérêt les activités du Conseil de l’Europe, de son Assemblée parlementaire, ainsi que de la Commission et de la Cour européennes des Droits de l’Homme. C’est pourquoi le Saint-Siège, présent depuis vingt-cinq ans au Conseil de l’Europe par sa mission permanente, connaît et apprécie les efforts déployés par cette institution appelée à devenir une organisation véritablement paneuropéenne. Ayant déjà mis en place, depuis sa création, un espace européen dans lequel les principes de l’Etat de droit, les principes constitutionnels démocratiques et les droits de l’homme sont respectés, le Conseil de l’Europe a su relever les défis de l’élargissement et s’est transformé en instance d’accompagnement, de soutien et de promotion des réformes démocratiques engagées par les pays de l’Europe centrale et orientale. Pour sa part, le Saint-Siège veut contribuer au progrès du continent en lui apportant ce «supplément d’âme» dont toute société a besoin.

Depuis 1990, une nouvelle Europe est née. La rencontre des deux parties de l’Europe, longtemps divisée en blocs caractérisés par des conceptions de l’Etat et des systèmes sociaux différents, ne peut se réaliser à sens unique. En un certain sens, les nouvelles adhésions configurent non seulement un phénomène d’élargissement, mais aussi un approfondissement important de cette institution européenne. Si nous voulons que la rencontre des cultures et des traditions soit féconde, nous ne pouvons que souhaiter qu’elle se fasse dans l’approfondissement des valeurs et des principes de droit qui sont communs aux peuples du continent.

Avec de nombreuses et éminentes personnalités politiques et diplomatiques du monde de la culture, des arts et des sciences, avec de nombreux représentants d’autres confessions religieuses, les pontifes romains qui se sont succédé dernièrement sur la chaire de Pierre ont toujours participé à la formation d’une identité européenne commune, fondée sur la civilisation qui, venant de la Grèce et de Rome, avec des racines celtes, germaniques et slaves, s’était intensément développée au cours des siècles grâce à l’apport de la sève chrétienne. Celle-ci a énormément contribué à forger une conception du monde et de l’homme qui est typique de ce continent.

Aujourd’hui, devant vous, dignes représentants de la plupart des peuples européens, je voudrais exprimer quelques souhaits pour l’avenir. Votre institution intervient en particulier dans le domaine juridique, favorisant la solution des problèmes de société les plus délicats, la modernisation du droit, l’ajustement de la loi aux besoins nouveaux de la société, la promotion et la protection juridique des valeurs communes, dans le rapprochement des différentes législations nationales. Il me plaît d’évoquer ici en particulier deux importantes conventions: la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Convention européenne de bioéthique.

La sagesse politique consiste à prévoir autant qu’à résoudre les conflits. Le Conseil de l’Europe a développé en ce sens un outil juridique en faveur des minorités dans le respect des prérogatives des Etats. Il s’agit là d’une contribution très appréciable en faveur de la paix, par l’instauration d’un ordre juridique qui ne sera pas sans répercussion sur l’organisation politique future de l’Europe.

Le projet de convention de bioéthique a le grand mérite de vouloir fixer un cadre normatif dans une matière où le vide juridique apparaît aujourd’hui préoccupant. C’est précisément la valeur exemplaire de la future convention qui fait d’elle un texte de grande importance, qui fera référence au-delà même du contexte européen. Les rédacteurs du projet et ceux qui sont appelés à l’adopter assument donc une grande responsabilité non seulement juridique, mais aussi éthique et politique.

L’Europe sociale est une préoccupation constante des églises en Europe. Face à la désagrégation du tissu social, à l’accroissement du chômage et à la marginalisation croissante d’une partie de la population européenne, je salue les efforts et les initiatives du Conseil de l’Europe en ce domaine, en particulier la Campagne contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance, lancée par le Sommet de Vienne en octobre 1993, et menée à bien dans le courant de cette année. Il me plaît de saluer également le travail du Conseil dans le domaine de la cohésion sociale et de l’action contre toute forme de pauvreté, d’exclusion et de marginalisation, et je me félicite de la bonne collaboration avec les ONG.

Dans cette entreprise passionnante autant que délicate, le Saint-Siège est heureux de participer à vos travaux et continuera d’offrir sa contribution spécifique. Il sera tout spécialement fidèle à rappeler la dimension transcendante de l’homme. En réalité, les droits de l’homme s’enracinent dans l’universalité de la raison humaine, qui n’est pas coupée de la transcendance. Ce réalisme des droits de l’homme ne nie pas mais confirme la pertinence du dévouement du Conseil de l’Europe à la cause de la démocratie pour traduire dans des conventions internationales, et ainsi protéger les droits de l’homme lorsque ceux-ci sont bafoués.

L’Eglise catholique ne confisque en rien les libertés démocratiques lorsqu’elle affirme la transcendance de l’homme, puisqu’elle est elle-même au service de cette transcendance. Elle a reçu la mission de servir l’homme dans son intégralité, notamment sa vocation spirituelle. L’Eglise offre sa vision de la personne, confiante dans le fait qu’elle puisse être partagée sur le plan de la raison et du droit, dans un dialogue sincère et respectueux de toute conviction qui vise véritablement la défense et la promotion de la dignité humaine.

Je voudrais donc formuler au nom du Saint-Siège le vœu que tous les responsables de l’avenir de l’Europe cultivent toujours cette vision supérieure de l’homme qui, du reste, constitue le patrimoine historique commun des chrétiens, des juifs et des musulmans. Ce sont les éléments qui ont permis aux peuples, de l’ouest et de l’est, du nord et du sud de l’Europe, de donner un sens à l’existence quotidienne, à la personne humaine, à la famille, fondement de notre civilisation. Malheureusement, au cours du présent siècle, ces valeurs ont été foulées au pied par des idéologies totalitaires qui nous ont conduits à des guerres fratricides et aux effroyables tragédies subies par des millions d’hommes et de femmes, victimes de ceux qui ne voulaient pas reconnaître la dignité de la personne humaine. En oubliant les valeurs éthiques fondamentales de la culture européenne, on en est arrivé à exalter le groupe ethnique, la classe, la race ou l’Etat, posant ainsi les prémices des tragédies que nous avons endurées.

Ce n’est qu’en redécouvrant les valeurs fondamentales de notre histoire bimillénaire que nous trouverons l’inspiration nécessaire pour bâtir un avenir meilleur à notre continent. Avec les hommes de bonne volonté qui s’efforçaient d’abord de réconcilier et de rapprocher les peuples du continent, le Saint-Siège n’a pas cessé, depuis les débuts du mouvement européen, d’encourager la construction de l’Europe.

Les Eglises chrétiennes elles-mêmes se sont donné des structures à l’échelle du continent. En ce qui concerne l’Eglise catholique, je voudrais citer le Conseil des conférences épiscopales d’Europe, le CCEE, constitué en 1971 avec la tâche de promouvoir la communication et la collaboration entre les épiscopats du continent entier. L’élection, il y a deux ans, d’un président venant d’un pays de l’Europe centrale, l’archevêque de Prague, témoigne de l’engagement de l’Eglise en Europe afin de parvenir à un échange effectif de dons entre l’Est et l’Ouest.

De nos jours, on peut même dire que la construction de l’Europe est devenue un facteur qui demande, encourage et manifeste l’œcuménisme entre les Eglises chrétiennes, ainsi que le dialogue et la coopération avec les autres confessions religieuses présentes sur ce continent. Dans la construction de l’Europe, le chemin de l’œcuménisme revêt une grande importance. Il me semble devoir évoquer à cet égard les démarches conjointes – même parfois au prix de beaucoup d’hésitations – entre les confessions religieuses présentes dans la région du conflit des Balkans; le rassemblement de Graz, prévu en 1997, autour du thème de la réconciliation, organisé conjointement entre la Conférence des Eglises chrétiennes et le Conseil des conférences épiscopales d’Europe.

L’encouragement donné au mouvement œcuménique par la récente encyclique Ut unum sint du pape Jean-Paul II, bien que visant en priorité le rapprochement des confessions chrétiennes à l’échelle planétaire, ne sera pas sans retombées positives et fécondes pour l’Europe.

Permettez-moi donc d’exprimer le vœu que catholiques et orthodoxes, protestants et anglicans, chrétiens de l’une ou l’autre confession, tous apportent leur contribution pour que le levain de l’évangile du Christ continue à vivifier notre civilisation. C’est là une œuvre digne d’estime à laquelle les responsables de l’avenir de l’Europe devront accorder plus d’attention, afin que l’arbre qui a déjà donné de si nombreux fruits continue à en donner plus abondamment encore, au service des peuples d’Europe.

Dans ce contexte, il vous sera facile de comprendre pourquoi le Saint-Siège est inquiet face à certaines dérives observables en matière de droit de l’individu, de la définition de la famille et du respect de la vie.

C’est pourquoi je voudrais exprimer le souhait que l’Europe continue à cultiver la valeur de la vie et de la famille. Vous connaissez bien les problèmes qui existent à ce sujet, et vous êtes souvent appelés à réfléchir sur des questions de nature essentiellement éthiques.

Le pape Jean-Paul II disait déjà ici même en 1988: «Il est nécessaire que le respect de la dignité humaine ne soit jamais perdu de vue, depuis le moment même de la conception jusqu’aux stades ultimes de la maladie ou aux états les plus graves d’obscurcissement des facultés mentales. Vous comprendrez que je redise ici la conviction de l’Eglise: l’être humain garde à jamais sa valeur comme personne, car la vie est un don de Dieu. Les plus faibles ont le droit à la protection, aux soins, à l’affection de la part de leurs proches et de la part de la société solidaire.»

Quand on pense aux familles européennes, il faut reconnaître que l’évolution de la société a rendu difficiles leur équilibre et leur stabilité. Et, avec la crise de la famille, nous ne manquons pas d’assister en Europe à un affaiblissement démographique impressionnant.

Vous savez l’importance que les catholiques accordent à la famille. Pour sa part, le pape a adressé au monde son exhortation apostolique familiaris consortia, et il a ensuite, par diverses initiatives, participé à la célébration de l’année de la famille promue par les Nations Unies. La célébration de cette année de la famille a également revêtu une certaine importance dans les pays européens.

Quand je considère la composition actuelle du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire, un autre souhait affleure à mon esprit: celui que d’autres Etats encore puissent, dans un bref délai, être associés à ce Conseil afin de faire en sorte que l’Europe devienne vraiment une maison commune pour tous les peuples du continent.

Evidemment, les Etats qui aspirent à cette adhésion devront s’engager au respect des droits de l’homme, sur lequel repose la participation à cette institution. Certes, ces droits, si clairement énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies en 1948 et dans la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950, sont devenus un patrimoine commun aux Etats modernes. Il faut cependant – et vous y insistez à juste titre – que ces droits soient effectivement inscrits dans les Constitutions et dans les législations des divers Etats, et qu’ils soient dûment appliqués dans la vie de chaque communauté nationale.

Le Saint-Siège est d’avis que la mise en œuvre des engagements pris par tous les pays membres au moment de l’adhésion est plus actuelle que jamais. En ce sens, il encourage les initiatives en cours au sein de cette institution, pour mettre au point des mécanismes de contrôle du respect des engagements pris et pour rendre plus rapide, et donc plus efficace, la justice rendue par la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Permettez-moi d’exprimer enfin un ultime souhait: que les droits de l’homme puissent aussi, dans un bref délai, être respectés dans les Balkans, dont les populations subissent d’effroyables violations de leurs droits fondamentaux. Ce qui est arrivé dans l’ex-Yougoslavie, ces quatre dernières années, représente un échec de la civilisation européenne et surtout une négation des principes juridiques qui doivent être le fondement de la convivialité nationale et internationale.

Tout a commencé durant l’été 1991 quand on a voulu remplacer le droit des peuples par le grondement des canons, quand on a prétendu résoudre par la force des armes ce qui devait se résoudre par la force du droit. Nous avons assisté ainsi à la tragédie la plus grande qui ait jamais éclaté en Europe depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Les violations des droits de l’homme les plus fondamentaux sont bien connues de tous. Il suffit de se référer aux rapports que M. Mazowiecki a présentés aux Nations Unies.

Face à cette prestigieuse Assemblée, il ne me reste plus qu’à formuler le vœu que la primauté du droit et la négociation prévalent désormais sur la force brutale et la méfiance, et que les peuples si éprouvés des divers Etats balkaniques puissent rapidement jouir de la paix à laquelle ils aspirent si légitimement.

Tels sont, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, les vœux qu’au nom du Saint-Siège j’ai voulu formuler aujourd’hui devant vous, tout en vous remerciant de la contribution que vous apportez déjà à la construction d’une nouvelle Europe, dans la liberté et dans la justice, dans la concorde et dans la solidarité, et en vous demandant de bien vouloir persévérer, avec détermination, dans cette voie.

Que Dieu tout-puissant bénisse votre travail au Conseil de l’Europe! (Applaudissements)

LE PRESIDENT

Eminence, je vous remercie.

Un grand nombre d’entre nous ont souhaité vous poser des questions. Compte tenu de l’heure tardive, il est heureux que certaines aient pu être groupées. Je remercie mes collègues d’avoir exprimé avec précision le sujet dont ils souhaitent traiter.

Je ne pourrai pas donner la parole pour poser une question supplémentaire. Le premier ensemble de questions regroupe celles de MM. Valleix et Pozzo, mais ce dernier n’est pas là. La parole est à M. Valleix.

M. VALLEIX (France)

Eminence, après cet entretien qui nous a passionnés et nous a fait rentrer en nous-mêmes, dans la méditation, je voudrais revenir sur le sujet de la famille, que vous avez vous-même évoqué, et surtout sur son rôle éminent qui, pour l’Eglise catholique, se traduit par le sacrement du mariage.

Trop nombreux sont ceux qui, en Europe, méconnaissent la mission naturelle de la famille par la nécessaire transmission de valeurs éthiques en vue d’un véritable épanouissement des jeunes, lequel ne va pas sans repères et sans règles.

Mais allons un peu plus loin. Face à une certaine dérive tendant à reconnaître des relations qui n’ont en fait rien à voir avec la famille et ce jusqu’à l’adoption, où se trouve le bon sens? Sur ce point, je crois que l’enfant doit être défendu, afin qu’il vive dans un environnement affectif sain et équilibré.

Comment l’Eglise peut-elle donc moderniser son langage, en quelque sorte, pour mieux se faire comprendre sur ces sujets?

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

Monsieur le Président, pour le Saint-Siège, la famille joue un rôle essentiel dans le développement harmonieux de la société; l’un des mérites des derniers souverains pontifes, des épiscopats et des organisations catholiques du monde entier a d’ailleurs été précisément d’insister sur ce pastorat familial.

Les Constitutions de tous les Etats modernes considèrent la famille comme le fondement naturel de la société que l’Etat s’est efforcé, à ce titre, de protéger et de promouvoir. Pour sa part, le Saint-Siège crée des organismes spéciaux – parmi lesquels, dernièrement, un conseil pontifical pour la famille – afin de promouvoir, dans le cadre de l’Eglise catholique, l’aide à nos familles. Par conséquent, je suis pleinement d’accord avec vous sur l’importance fondamentale du rôle de la famille aujourd’hui.

M. SCHWIMMER (Autriche) (traduction)

J’aimerais demander à Son Eminence le secrétaire d’Etat dans quelle mesure le Saint-Siège partage le point de vue de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la Convention européenne de bioéthique. .

M. ANTRETTER (Allemagne) (traduction)

Eminence, vous avez tenu sur la réconciliation des propos fort sages qui rappellent de manière éclatante le discours que le saint-père avait prononcé ici même il y a sept ans. Des propos réconfortants aussi, car ils s’inscrivent dans la droite ligne des valeurs européennes communes dont cette maison a été le berceau et qui ont continué de croître et de s’épanouir grâce, notamment, à l’engagement du Président en exercice de notre Assemblée.

Sans perdre de vue les risques que vous avez évoqués, et convaincu de me situer dans l’esprit des paragraphes pertinents de l’encyclique Evangelium vitae, j’aimerais savoir si le Saint-Siège continuera de soutenir le combat de tous ceux qui s’opposent aux interventions sur des personnes incapables sans leur consentement, le combat de tous ceux pour qui un être humain sera toujours une personne. Ceux-là ont d’autant plus besoin de votre soutien que le comité directeur compétent ne semble pas enclin à faire siennes les objections formulées par l’Assemblée parlementaire. Je vous remercie.

Mme MELANDRI (Italie) (traduction)

Je tiens tout d’abord à remercier le cardinal Sodano pour son discours inspiré et stimulant. Son Eminence a abordé de nombreux thèmes, mais il y en a un, en particulier, sur lequel je voudrais revenir. Je veux parler.de la bioéthique. Ces dernières années, ce haut dignitaire de l’Eglise a lancé des avertissements et s’est déclaré inquiet de ne pas voir condamnées certaines pratiques touchant aux nouvelles frontières de la biologie moléculaire et à ce que l’on qualifie d’essence de la vie. Je suis au nombre de celles et de ceux qui ont apprécié à maintes reprises ces vibrants rappels au respect de l’intégralité et de la dignité humaines.

Je rappelle que, dans cet hémicycle, lors de l’examen d’un projet de convention européenne sur la bioéthique, beaucoup d’orateurs ont souligné qu’il fallait toujours suivre le principe d’une science au service de l’humanité et non l’inverse. Alors que le XXe siècle s’achemine vers son terme, la science fait des progrès spectaculaires, surtout dans le domaine de la biologie moléculaire, et l’évolution de ces recherches fait naître de nouveaux espoirs quant au traitement de maladies qui, jusqu’à présent, semblaient incurables.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Madame, alors que vous aviez trente secondes pour poser votre question, vous avez déjà parlé pendant une minute et quarante secondes, ce qui empêchera d’autres collègues de poser leur question. Je m’excuse de tout cœur, mais je suis contraint de vous interrompre. La parole est à Msr Sodano.

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

J’ai compris le sens de la demande de Mme Melandri et de ses collègues allemands. Le Saint-Siège s’est associé, en qualité d’observateur, aux travaux du comité de bioéthique, convaincu qu’il s’agit là d’une initiative louable puisqu’elle vise à donner aux Etats membres un cadre de référence international sur cette question majeure en constante évolution. Nous avons, avec d’autres Etats, souligné la nécessité de protéger au mieux les personnes frappées d’incapacité et de se prononcer clairement dans un tel projet sur l’utilisation légale ou illégale des embryons humains dans la recherche. Nous avons aussi souhaité que la personne humaine ou l’être humain, comme l’on préfère, fasse l’objet d’une meilleure définition. S’agissant de la question de savoir quelle personne humaine doit être protégée face aux nouvelles techniques de la biologie, j’estime qu’il est plus que jamais nécessaire de clarifier la situation. En ce sens, notre contribution devrait vous aider à améliorer sans cesse le texte en préparation.

Baroness GOULD of POTTERNEWTON (Royaume-Uni) (traduction)

Dans un discours passionnant et invitant à la méditation, Son Eminence vient de nous faire part de façon extrêmement claire de l’intérêt qu’elle porte aux droits de l’homme.

Elle n’est certainement pas sans savoir que le Conseil de l’Europe souscrit pleinement à la déclaration adoptée par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue en 1993, selon laquelle les droits de la femme et de la jeune fille sont indivisibles des droits de l’homme universels.

Lors de la 4e Conférence des Nations Unies sur les droits de la femme qui vient de se tenir à Pékin et qui a constitué une plate-forme de dialogue pour les femmes du monde entier, il est apparu que l’une des objections du Saint-Siège concernait précisément ce point. J’aimerais que Son Eminence nous donne quelques précisions sur l’opinion du Saint-Siège sur le programme d’action adopté par la conférence. J’ajouterai que j’apprécie le fait que Son Eminence ait soumis quelques réserves par écrit.

M. SOLE TURA (Espagne)

Croyez-vous possible de mener avec efficacité la lutte pour l’amélioration du niveau de vie et pour l’exercice effectif des droits humains, et tout particulièrement des droits des femmes dans les pays sous-développés, sans une politique effective de planification démographique?

M. FIGEL (Slovaquie) (traduction)

Il ressort de la Conférence du Caire ainsi que de la Conférence de Pékin, toutes deux organisées par les Nations Unies, que nous ne cessons de parler d’un élargissement de l’Union européenne et de l’Otan, entre autres. Je représente l’un des pays candidats. Je crois que d’autres parlementaires aimeraient, comme moi, connaître le point de vue de Mgr Sodano sur la politique de l’Union européenne à l’égard de certaines questions délicates touchant à la dignité humaine. Faut-il, par exemple, adopter une approche différente pour un meilleur impact à l’échelon international?

Mlle GUIRADO (Espagne) (interprétation)

prend acte des déclarations de l’Eglise hostiles au contrôle des naissances, mais demande à Mgr Sodano s’il est possible de sortir sans cela du sous-développement.

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

Le Saint-Siège a accepté l’invitation de l’ONU à participer, en qualité de membre, à la Conférence de Pékin, comme il l’avait fait par le passé à l’occasion des trois premières conférences sur les femmes ou d’autres conférences qui ont abordé des thèmes touchant à la mission de l’Eglise catholique. J’ai moi-même représenté le Saint-Siège dans certaines de ces occasions, comme à la Conférence de Copenhague sur le développement ou à celle de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement durable.

Nous cherchons à apporter notre contribution et à transmettre notre vision de la vie, sans vouloir, bien sûr, imposer quoi que ce soit. De même que tout Etat est libre d’exposer sa politique, le Saint-Siège revendique pour lui ce droit de parole, ce droit de communication. Nous pensons faire œuvre utile en rappelant notre doctrine sur la vision de l’homme et de la femme, sur la famille. Je me rappelle toujours avec plaisir qu’après la Conférence du Caire sur la population un chef d’Etat non catholique, qui, au début, s’était montré pourtant très critique vis-à-vis de notre position, m’a déclaré: «Je vous suis reconnaissant, car votre délégation nous a obligés à réfléchir sur des choses sérieuses et vous l’avez fait sérieusement.» Ce fut pour moi une satisfaction.

On nous a demandé pourquoi l’Eglise catholique, dans sa doctrine, expose sa vision personnelle de la famille et de la planification familiale par des méthodes naturelles. Il y a, sur cette question, une littérature que vous connaissez déjà mieux que moi. L’Eglise ne prétend pas que les familles doivent avoir deux, quatre ou six enfants. Elle s’en remet au contraire aux parents qui sont libres de choisir le nombre de leurs enfants et rappelle simplement à la conscience de chacun que ce choix doit être fondé sur des critères moraux. Telle est notre position.

LE PRÉSIDENT

Il reste une dizaine de questions à poser, je vous demande donc, mes chers collègues, d’être extrêmement brefs afin que tout le monde puisse s’exprimer. La parole est à M. Liapis.

M. LIAPIS (Grèce) (traduction)

Eminence, depuis la restauration de la démocratie dans les pays d’Europe orientale, les Eglises orthodoxes ont pu reprendre leurs activités, mais elles sont encore extrêmement faibles. Est-il exact que l’Eglise catholique profite de l’occasion pour étendre son influence dans les pays orthodoxes? Quelle est la position du Vatican sur la propagande organisée dans ces pays, notamment dans le contexte des préparatifs du 400e anniversaire du Traité d’union de Brest-Litovsk.

M. JESZENSZKY (Hongrie) (traduction)

Eminence, vos propos fort avisés sont en parfait accord avec le discours prononcé par Sa Sainteté le pape Jean-Paul II lors de sa récente visite en Slovaquie, au cours duquel il a réitéré ses appels à la tolérance entre les populations de toute origine ethnique. Dans ce contexte et compte tenu des conclusions de Vatican II, j’aimerais savoir si l’on envisage de nommer, pour les quelque 400 000 catholiques hongrois de Slovaquie, un évêque auxiliaire de langue hongroise sorti de leurs rangs qui serait chargé de veiller à leur bien-être spirituel. Vous vous rappellerez sans doute la pétition signée par près de 50 000 personnes qui avait été présentée à ce sujet au Vatican lors d’un pèlerinage.

M. HEGYI (Hongrie) (traduction)

Eminence, comme vous le savez peut-être, la Hongrie a adopté, il y a cinq ans, sa loi relative à la liberté de religion. Cependant, il est plus facile de respecter la liberté de religion que de restituer à l’Eglise les biens qui lui avaient été confisqués par les communistes. Le processus se poursuit et l’Eglise s’est vu restituer plus de 1 000 bâtiments, mais à un rythme très lent étant donné les problèmes économiques que connaît le pays. J’aimerais savoir comment vous voyez la situation actuelle de l’Eglise catholique en Hongrie.

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

A M. Liapis, je répondrai ceci: pour nous, catholiques, le concept de liberté religieuse est fondamental. Tout homme, qu’il vive en Sibérie, en Afrique ou en Asie, a droit à la liberté religieuse. Par conséquent, pour lui permettre de vivre sa foi chrétienne dans l’Eglise catholique, le Saint-Siège doit lui apporter une aide religieuse en nommant des évêques et des prêtres. II ne s’agit pas de faire du prosélytisme, mais d’aider les individus à choisir librement la foi qu’ils entendent professer.

L’époque où l’on était obligé de professer une religion déterminée est révolue; le vieux principe cujus regio cujus religio, selon lequel il fallait professer telle ou telle religion en fonction de la région où l’on habitait, est désormais dépassé. Il me semble, par conséquent, que le Conseil de l’Europe doit favoriser le climat de liberté religieuse qui se développe, car l’Europe appartient à tous.

A M. Jeszenszky, je réponds que je connais bien le problème de l’aide religieuse aux Hongrois de Slovaquie.

Plusieurs évêques locaux parlent déjà hongrois et peuvent donc apporter une aide appropriée, mais il s’agit de toute façon d’un problème que le Saint-Siège s’efforce de régler avec les évêques slovaques, afin de soutenir plus efficacement les Hongrois qui, depuis les célèbres traités, sont restés en Slovaquie.

A Monsieur le député Hegyi, je dois dire qu’en Hongrie l’Eglise a fait de grands pas en ce qui concerne la restitution des biens. Le problème n’est pas encore complètement résolu, mais je tiens à souligner que, lorsque l’Eglise catholique demande la restitution des biens, elle pose un problème de justice, comme le font aussi les autres Eglises, les communautés israélites et divers Etats-nations. Par conséquent, nous formulons cette demande par seul souci de rétablir la justice du fait que les droits des catholiques de la région ont été violés par le communisme; il est donc normal que ces injustices soient réparées.

Mme SUCHOCKA (Pologne)

Ma question a trait au rôle du concordat dans le monde contemporain: combien de concordats le Saint-Siège a-t-il ratifiés depuis la seconde guerre mondiale?

M. LOPEZ HENARES (Espagne)

Etant donné la position du Saint-Siège à l’égard du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance, que vous avez d’ailleurs rappelée d’une façon très brillante, quelle est votre opinion, Eminence, sur les actions précises que l’Eglise devrait entreprendre pour lutter contre ces fléaux?

M. RODRIGUES (Portugal)

Eminence, le Saint-Siège, qui condamne la violence sous toutes ses formes, a déploré maintes fois la tragédie qui frappe l’ex-Yougoslavie et qui a fait des dizaines de milliers de victimes. Vous l’avez encore rappelé aujourd’hui. Je vous demande donc quel est votre jugement, en tant que secrétaire d’Etat, d’accord avec les principes de l’Eglise, sur les bombardements de l’Otan en ex-Yougoslavie qui, en tant qu’actes de violence, contribuent à augmenter le nombre de victimes.

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

A la question sur les concordats modernes, posée par Mme Suchocka, je réponds ceci: les concordats sont un moyen de régler les problèmes communs à l’Eglise et à l’Etat, comme ceux touchant l’école, les biens ecclésiastiques, l’assistance religieuse auprès des forces armées et toutes les relations bilatérales. Il existe naturellement d’autres formes de coexistence et les Etats sont libres de fixer, par des règles ou des conventions écrites, les rapports entre eux et l’Eglise. Par exemple, après la dernière guerre mondiale, nous avons signé un nouveau concordat en Italie et de nouvelles conventions en Espagne, comme dans les Etats postcommunistes en ce qui concerne l’aide aux militaires. Qu’il s’agisse de concordats, d’accords solennels, de conventions ou d’un motus vivendi importe peu. Ce n’est certes pas le seul mode de coexistence possible: on peut coexister de manière satisfaisante sans aucune convention. Parfois ces accords sont conclus parce qu’il existe certaines tensions entre les parties ou parce que l’on veut garantir la stabilité juridique à l’occasion d’un changement de gouvernement.

Par conséquent, l’histoire des concordats est l’histoire de la volonté de deux parties souveraines qui veulent régler certaines questions d’intérêt commun: ainsi sont nés les concordats.

En ce qui concerne le racisme, nous sommes, bien sûr, totalement solidaires de toutes les initiatives du Conseil de l’Europe et des Etats modernes, afin que ce fléau soit définitivement éradiqué de notre vieille Europe. Nous pouvons y contribuer en sensibilisant la jeunesse au grand idéal de tolérance réciproque, dans nos écoles, nos mouvements et nos associations.

Enfin, pour ce qui est des bombardements dans l’ex-Yougoslavie, je sais bien que tous souhaiteraient qu’il n’y ait plus de guerre. Après la fin de la dernière guerre mondiale, nous avons tous rêvé que cette hécatombe ne se reproduise plus. Les historiens ont, en effet, évalué le nombre de victimes à plus de 50 millions et nous ne voulons pas que se reproduise ce qui s’est passé à Hiroshima ou même à Dresde. Les papes de l’époque récente se sont toujours exprimés clairement en ce sens et leur mot d’ordre a été «guerre à la guerre».

Cependant, la paix a été maintes fois violée. Les Nations Unies ont alors voulu adopter dans leur Charte – il ne s’agit donc pas du Saint-Siège, mais de la volonté des Etats modernes – des mesures préventives et répressives pour maintenir la paix ou pour la rétablir. Les Etats sont, bien sûr, libres de prendre les dispositions qu’ils veulent et c’est à l’honneur des pays modernes d’avoir toujours exclu de leur arsenal juridique la possibilité de mener des actions contre les civils, même en temps de guerre. En conséquence, le Saint-Siège insiste lui aussi pour que se renforce toujours davantage le principe humanitaire selon lequel les bombardements contre les civils sont toujours iniques et immoraux. Nous sommes heureux qu’un droit humanitaire existe, même lorsqu’il y a la guerre.

Le Saint-Siège a signé la Convention contre les armes chimiques. Ces jours-ci, à Vienne, se tient la Conférence des Nations Unies contre l’usage des mines, initiative que nous approuvons. Cependant, les guerres continuent, il y a toujours des canons, des sous-marins et des avions qui mènent des actions de guerre: c’est malheureusement le triste sort du monde d’aujourd’hui. Nous devons unir nos forces pour abolir la guerre ou en limiter les conséquences catastrophiques.

Mme JAANI (Estonie) (traduction)

Eminence, on a souvent répété dans cette Assemblée que le Saint-Siège était le champion de la défense des valeurs humaines et que, à cet égard, son objectif rejoignait celui du Conseil de l’Europe. Que pensez-vous de l’élargissement de notre Organisation? Y voyez-vous, par exemple, quelque risque d’abaissement de nos valeurs?

M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

Ma question concerne l’avenir de Jérusalem. Hier, je demandais au roi Hussein s’il était en mesure d’accepter le plan du Vatican; il m’a répondu en disant que la vieille ville et les lieux saints devraient appartenir également aux trois religions et que personne ne devrait en avoir la souveraineté. J’aimerais savoir si le Saint-Siège est favorable à ce que l’internationalisation de la vieille ville de Jérusalem entre dans le cadre du processus de paix?

M. WIELOWIEYSKI (Pologne)

Eminence, dans les encycliques papales, on trouve une affirmation très nette au sujet du grand besoin de former des structures supranationales effectives. Nos grands prédécesseurs, les pères de l’Europe, étaient en majorité des chrétiens conscients, qui voulaient fonder l’unité européenne sur des traditions et des principes chrétiens.

Or, récemment, on a constaté, dans différents pays, une résistance forte, surtout de certains milieux chrétiens, notamment catholiques, contre l’intégration européenne. Les motivations en sont diverses. Comment jugez-vous ce phénomène?

M. LA RUSSA (Italie) (traduction)

Eminence, me référant au voyage que le saint-père a fait en Afrique, je pense que l’œuvre d’évangélisation de l’Eglise ne peut pas ne pas aboutir à une meilleure défense des droits de l’homme sur ce continent. Dans combien de temps l’Afrique pourra-t-elle disposer d’un organisme comme le nôtre, appliquant des critères rigoureux pour l’admission en son sein de pays authentiquement démocratiques? L’Eglise œuvre-t-elle aussi dans cette voie?

M. ARATA (Italie) (traduction)

Monsieur le Président, Eminence, je tiens à faire une brève remarque. Nous devons reconnaître que sous votre autorité, surtout lors des conférences de Copenhague, de Rio de Janeiro et de Pékin, le débat politique et culturel visant à tracer les grandes orientations du prochain millénaire a été fortement stimulé. En ce qui concerne la politique du développement, comment le Saint-Siège perçoit-il le Bassin méditerranéen, région actuellement déchirée par trois conflits religieux? Comment le Saint-Siège envisage-t-il le développement véritable du Bassin méditerranéen?

Son Eminence, Secrétaire d'Etat du Saint-Siège (traduction)

Monsieur le Président, à Mme Jaani, je réponds qu’il faut rassembler au sein du Conseil de l’Europe le plus grand nombre de pays possible pour tenter de créer une nouvelle Europe qui apportera beaucoup aux uns et aux autres. Le Saint-Siège ne peut qu’être favorable à cette idée.

A M. Atkinson qui a demandé des éclaircissements sur l’avenir de Jérusalem et surtout sur le fait que le Saint-Siège œuvre à l’internationalisation de toute la ville, je tiens à faire remarquer qu’il n’a jamais été question de l’ensemble de la ville, mais seulement de la vieille ville, de Jérusalem intra-muros. En outre, ces derniers temps, on n’a plus parlé d’internationalisation mais évoqué, en revanche, la nécessité d’instaurer des garanties internationales. Le Saint-Siège, en effet, propose une Jérusalem partagée par tous et non divisée.

A M. Jeszenszki, je dis «n’ayez pas peur». Certes, l’établissement d’une Europe unique peut engendrer des problèmes dans certains pays. Même si parfois les chefs spirituels expriment une opinion négative sur l’Occident. Il s’agit, de toute façon, de jugements moraux et non politiques.

A M. le député La Russa, je rappelle que le voyage du pape en Afrique a été très réconfortant. Le saint-père n’est pas «afropessimiste» mais «afro-optimiste», car il voit que les peuples progressent. Le pape a rappelé le drame des dictatures et de la violation des droits de l’homme à Nairobi, au Kenya, et il s’est aussi longuement étendu sur le drame des réfugiés du Rwanda et du Burundi. A mon avis, cette visite a été très constructive.

S’agissant de l’intervention de M. Arata, je précise que dans le Bassin méditerranéen se déroulent des conflits qui, à mon sens, ne sont pas d’origine religieuse. Le conflit des Balkans est un conflit de pouvoir; il s’agit d’une classe qui veut dominer l’autre et non d’une lutte entre religions: ce n’est pas une guerre civile, mais une guerre contre les civils. Je ne parlerai donc pas de guerre de religion, mais plutôt de la soif éternelle de pouvoir.

LE PRÉSIDENT

Eminence, vous venez d’accomplir une performance qui tient du record. Il est très rare que l’on pose vingt questions à l’un de nos interlocuteurs. C’est pourquoi nous avons dû un peu dépasser notre horaire.