Constantinos

Stephanopoulos

Président de la République hellénique

Discours prononcé devant l'Assemblée

lundi, 21 avril 1997

C’est avec un sentiment de profonde considération que je me présente devant le Conseil de l’Europe, Organisation vouée à la défense des grands idéaux de la démocratie, des droits individuels et sociaux, ainsi que de la coexistence pacifique et de la coopération entre Etats, domaines où elle peut se prévaloir de succès importants. En effet, pendant toute la période de la guerre froide, le Conseil de l’Europe s’est érigé en soutien inébranlable des principes démocratiques. L’effondrement des régimes communistes, en scellant la victoire définitive de ces mêmes principes, a justifié de la manière la plus éclatante son existence et son action.

Votre sensibilité à l’égard de ces grands principes, auxquels vous êtes tous profondément attachés, vous l’exprimez aussi bien au sein des parlements nationaux que de cette Assemblée, à laquelle j’ai l’honneur de m’adresser. Vous êtes les porte-parole les plus authentiques des idées démocratiques et les défenseurs les plus sincères des droits individuels. La vérité, le droit et les valeurs humanistes sont les critères sur lesquels votre Conseil se fonde pour juger des affaires qui relèvent de sa compétence. Néanmoins, d’autres influences parviennent parfois à l’emporter sur vos résolutions. En effet, les décisions des gouvernements, qui sont celles qui seront finalement appliquées, sont encore trop souvent dictées uniquement par des considérations d’intérêts géopolitiques ou économiques. Sans vouloir méconnaître l’importance légitime de ces intérêts, je partage votre ferme conviction que les grands principes humanistes ne doivent en aucun cas céder le pas aux intérêts matériels, si légitimes soient-ils.

Je me plais à rappeler du haut de cette tribune qu’il y a environ trente ans – donc à une époque où la guerre froide battait son plein et où la lutte contre l’expansion du totalitarisme communiste tendait à primer sur toute autre considération, y compris, il faut bien le reconnaître, sur les principes démocratiques eux-mêmes que cette lutte était pourtant censée protéger et servir – le Conseil de l’Europe eut le courage de ses convictions en faisant expulser le régime des colonels de cette enceinte vouée au respect des droits de l’homme, qui sont le fondement de tout véritable régime démocratique.

Le régime des colonels ne devait pas recevoir de plus grave camouflet que cette courageuse décision qui contribua à raffermir encore plus la volonté de résistance du peuple grec à une dictature rétrograde. Elle lui donnait, en effet, l’assurance qu’il existait encore des organismes internationaux fermement décidés à honorer leurs engagements et à ne pas suivre le cynisme dont s’inspiraient la plupart des gouvernements de l’époque, toujours prêts à sacrifier le respect des principes démocratiques sur l’autel de considérations à courte vue. Je tiens à vous renouveler à cette occasion les remerciements du peuple grec.

Mesdames et Messieurs les députés, la démocratie, après l’avoir emporté aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, et avoir vu sa victoire universellement reconnue, n’a plus d’ennemis visibles à affronter. Mais cette constatation et l’attachement pour nos institutions démocratiques ne doivent pas nous empêcher de relever les imperfections et les carences éventuelles de nos institutions. La démocratie idéale, nous le savons, est un but vers lequel il nous faut toujours tendre, par un perfectionnement constant de nos institutions. C’est dire que les Etats démocratiques se doivent de porter un regard critique sur les institutions existantes pour les rendre plus efficaces et davantage aptes à répondre aux besoins nouveaux de la société, et pour en créer, si nécessaire, de nouvelles qui soient mieux adaptées à la mutation rapide des conditions sociales. Un facteur qui contribue puissamment au bon fonctionnement d’un régime démocratique est l’existence de tribunaux constitutionnels et administratifs indépendants. Aussi, vous me permettrez d’exprimer du haut de cette tribune mon profond respect pour ces tribunaux et la mission dont ils sont investis.

En parlant des faiblesses de la démocratie, je me réfère aux régimes authentiquement démocratiques qui sont gênés par la conscience qu’ils ont de leurs imperfections et par les difficultés qui surgissent dans leur fonctionnement, entre autres par leur incapacité à répondre efficacement aux exigences des relations sociales contemporaines, d’une nature si complexe. Je ne fais pas allusion, il est clair, aux régimes faussement démocratiques qui n’ont de démocratique que le nom, régimes qui malheureusement ne sont pas rares, et qu’on tolère à cause d’intérêts économiques ou autres. Ce sont ces régimes pseudo-démocratiques qui rendent si importante la mission du Conseil de l’Europe. Je sais, en effet, qu’aujourd’hui encore, comme dans le passé, vous n’avez pas cessé de relever les faiblesses de certains pays qui pourraient tirer grand profit de vos observations.

Aussi, je n’ai pas besoin d’exprimer le vœu que le Conseil de l’Europe soit exigeant à l’égard de tout Etat membre, quel qu’il soit, sans en excepter, cela va de soi, mon propre pays. Par toute son action, le Conseil de l’Europe se doit de contribuer à ce que notre continent reste le porte-drapeau universel des grands idéaux de la liberté, de la démocratie, de la justice et de l’égalité, qui furent proclamés il y a quelque deux cents ans par la Révolution française et, avant elle, par la Révolution américaine, mais dont la source est à chercher dans la Grèce antique dont ils constituent peut-être le legs le plus précieux au monde contemporain.

Afin de contribuer au raffermissement des institutions et des pratiques démocratiques, compte tenu en particulier de la récente admission au sein du Conseil de nouveaux membres, je suis d’avis que le rôle de l’Assemblée parlementaire devrait être renforcé. Ainsi, l’application effective de la démocratie, pour la consolidation de laquelle nous luttons tous, deviendrait plus largement encore un bien commun.

La Grèce démocratique contemporaine, outre son attachement aux principes de la paix et de la coopération entre Etats, est également particulièrement attachée aux droits’ du citoyen. Aussi respecte-t-elle pleinement les. droits de l’homme. Ce respect, elle le prouve, d’une part, par sa pratique politique et, d’autre part, par son adhésion à la Convention européenne des Droits de l’Homme ainsi que par le soutien qu’elle vient d’apporter aux décisions du Sommet de Vienne. Ces décisions ont trait, comme vous le savez, aux mécanismes de contrôle de la Convention européenne des Droits de l’Homme en vue d’assurer la protection des minorités ethniques et de lutter contre les discriminations raciales, la xénophobie et l’antisémitisme.

Les problèmes qui concernent les minorités ne sauraient être résolus, à mon avis, que dans un milieu véritablement démocratique. A ce propos, je voudrais souligner le soin apporté par la Grèce à ce que soient respectés les droits de la minorité musulmane qui vit dans la Thrace occidentale. Cette minorité, qui est composée de personnes d’origine turque, pomak et tsigane, jouit pleinement de tous les droits et privilèges qui lui sont reconnus dans le domaine de l’enseignement de la langue turque et de l’exercice du culte musulman par le Traité de Lausanne. Ces droits et privilèges, je tiens à le souligner, vont bien au-delà des droits qui sont généralement reconnus aux minorités par les textes internationaux contemporains qui les concernent. Je me bornerai à rappeler à titre indicatif que la minorité musulmane de Thrace occidentale est la seule qui, dans toute l’Europe, y compris la Turquie, soit régie par la Charia, la loi sacrée musulmane, pour ce qui concerne les questions du droit de la famille et du droit de succession. Cette loi est appliquée par les chefs religieux, les muftis, qui, de ce fait, se trouvent être investis de fonctions judiciaires et administratives.

La Grèce serait heureuse si ses voisins respectaient de la même façon qu’elle leurs propres obligations, vis-à-vis de la minorité grecque, par exemple. Dans ce cas, en effet, les membres de la minorité grecque d’Istanbul, réduits aujourd’hui à quelque 2 000 personnes, pour la plupart des vieillards, seraient plus nombreux que les musulmans de la Thrace – qui sont aujourd’hui entre 115 000 et 120 000. Cette énorme réduction de leur nombre est le résultat de persécutions répétées et violentes subies pendant les années 1955 et 1964 ainsi que du régime de peur sous lequel les membres de cette minorité n’ont cessé de vivre depuis, comme il est relevé dans les rapports de l’organisation Helsinki Watch.

De même, la population grecque des îles Imbros et Tenedos, au lieu d’être réduite à 200 ou 300 vieillards, s’élèverait aujourd’hui à 10 000 personnes environ et jouirait du régime spécial d’autonomie administrative prévu par l’article 14 du Traité de Lausanne. De plus, le patriarcat œcuménique, centre de la chrétienté orthodoxe, n’aurait pas été contraint de fermer son imprimerie ni son école théologique.

Entre la fin de la décennie précédente et le début de l’actuelle, nous avons été les témoins d’événements historiques impressionnants, uniques en leur genre, qui ont complètement bouleversé les données politiques, militaires et idéologiques ayant régi, pendant plus de quarante ans, la scène politique européenne. Les Etats de l’Europe centrale et orientale ont adopté, par la libre volonté de leurs peuples, des formes démocratiques de gouvernement et d’organisation de leurs sociétés et de leurs économies. La coopération de ces Etats avec les institutions européennes et, à un stade ultérieur, leur intégration dans ces mêmes institutions, est apparue dès le début comme une nécessité impérative afin que soient réalisés deux objectifs.

Le premier était d’afficher, aussi clairement que possible, la solidarité des autres pays européens envers les peuples qui s’engageaient dans la difficile voie de transition qui devait les porter d’un régime totalitaire à un régime pluraliste de démocratie parlementaire, respectueux des droits de l’homme, régi par l’économie libre, par l’égalité devant la loi, et par l’Etat de droit.

Le second objectif était de minimiser les dangers provenant des troubles inhérents aux périodes de transition qui caractérisent les changements profonds.

A ce défi, le Conseil de l’Europe a su répondre avec un succès incontestable. En l’espace de six ans à peine, le Conseil a reçu en son sein dix-sept nouveaux membres tandis que cinq autres pays jouissent du statut d’invité spécial en attendant que devienne possible leur pleine adhésion. L’objectif de cette politique de portes ouvertes est de promouvoir l’union de tous les pays européens sur la base d’une vision démocratique commune et des valeurs de l’héritage politique et culturel européen, qui se résument dans le respect de la dignité humaine.

La réalisation de cet objectif s’avère pourtant bien plus ardue qu’on ne le croyait initialement, car les rêves de progrès rapide et de prospérité économique ont vite été confrontés à la dure réalité d’un chômage accru et d’une solidarité sociale réduite au minimum. Cette confrontation provoque des phénomènes d’instabilité politique qui mettent en danger non seulement les institutions démocratiques, mais la paix elle- même.

Ces phénomènes sont plus aigus dans les Balkans où ils ont revêtu la forme de troubles sociaux, voire de conflits sanglants, qui risquent de s’étendre à une région beaucoup plus vaste. Il est naturel que la Grèce, en tant que pays balkanique, s’inquiète tout particulièrement de cette évolution et qu’elle apporte son plein soutien à tout effort visant au raffermissement et à la consolidation de la démocratie dans les pays voisins. Par rapport à d’autres pays, la Grèce dispose de l’avantage d’être à même de mieux comprendre les problèmes et les besoins de la région, ainsi que les développements auxquels il faut s’attendre.

J’ai la ferme conviction qu’il est indispensable que les Etats balkaniques bénéficient d’une aide économique suffisante de la part de l’Europe afin de pouvoir faire face à leurs énormes problèmes économiques. Ce disant, je ne me réfère pas seulement à l’Albanie, où les difficultés économiques et les déceptions de la population ont causé des troubles graves qui durent encore. Je me réfère également à des pays tels que la Roumanie et la Bulgarie, qui, pour passer du régime de l’économie planifiée à celui du marché libre, ont, eux aussi, absolument besoin de recevoir l’aide des programmes de l’Union européenne, d’obtenir des prêts des organisations internationales et des investissements de la part d’entrepreneurs étrangers. J’espère que ces pays ne resteront pas sans secours et que l’Europe saura comprendre les responsabilités qui pèsent sur elle.

Ce ne sont malheureusement pas seulement les difficultés économiques qui engendrent des dangers dans les Balkans. On doit faire face également à des menaces de guerre ouvertement formulées. Exiger le respect absolu du droit international, aussi bien coutumier que conventionnel, à commencer par la Charte des Nations Unies, est, avec le respect des principes démocratiques, la seule façon de parer cette menace.

La Grèce est convaincue que le Conseil de l’Europe, en tant que gardien des principes et des idéaux démocratiques fondés sur le respect du droit, est appelé à jouer – de concert avec les autres organisations internationales – un rôle de premier plan pour la garantie de la coexistence pacifique entre ses Etats membres. Cette coexistence est menacée dans l’extrémité sud- orientale de l’Europe par le refus systématique d’un pays, la Turquie, d’accepter le droit international en vigueur et de se conformer aux obligations qui en découlent, au point de proférer des menaces de guerre ouvertement formulées dans des résolutions de son Assemblée nationale.

La tension qui s’est créée dans cette région était due initialement au refus de la Turquie d’accepter les dispositions du droit de la mer, telles qu’elles ont été codifiées par la Convention de Genève d’abord, puis par la nouvelle convention du droit de la mer de 1982, en vertu desquelles les îles possèdent un plateau continental au même titre que les parties continentales d’un pays. Le refus de la Turquie d’admettre ces dispositions est dû au fait qu’elle voudrait que le plateau continental de la mer Egée soit divisé en deux parties plus ou moins égales, suivant une ligne médiane, comme cela serait possible si la mer Egée n’était pas parsemée d’innombrables îles grecques.

Depuis s’y est ajouté le refus d’admettre que la Grèce puisse exercer le droit que le droit international reconnaît à tout Etat, sans exception, d’étendre ses eaux territoriales jusqu’à douze milles marins. Mais le comble a été la contestation soulevée il y a à peine un peu plus d’un an de la souveraineté de la Grèce sur les îlots rocheux d’Imia, dans le Dodécanèse, contestation qui devait être suivie de la «découverte», soixante-quatorze ans après la signature et l’application du Traité de Lausanne, de ce que ce traité laisserait exister en mer Egée des régions d’îlots rocheux dont le régime juridique, en ce qui concerne la souveraineté, ne serait pas précisé par ce même traité. Avec une inventivité enviable, la Turquie a dénommé ces régions «régions grises», alors qu’elle sait très bien qu’en vertu du Traité de Lausanne elle a renoncé à tout droit sur toute île ou tout îlot se trouvant à une distance de plus de trois milles marins de ses côtes continentales.

Un autre exemple de son comportement arbitraire est fourni par le cas de Chypre, dont, plus de vingt ans après l’invasion de 1974, les troupes turques occupent toujours la partie nord, en dépit des décisions du Conseil de sécurité et des résolutions de l’Assemblée générale de l’Onu, tout en empêchant la recherche d’une solution viable et juste du problème.

La Grèce, quant à elle – je puis vous l’assurer de la manière la plus catégorique – désire sincèrement parvenir à une normalisation de ses rapports avec son voisin. L’objectif de sa politique n’est aucunement d’être en litige avec la Turquie. Bien au contraire. Mais ce désir ne saurait aller jusqu’à la renonciation à des droits souverains qui lui sont reconnus par le droit international. Nul ne serait plus heureux que la Grèce si la tension entre les deux pays prenait fin, car elle subit et ne provoque pas cette tension. Elle subit de même, par la force des choses, les énormes dépenses requises par sa défense, puisqu’elle est obligée de suivre la Turquie dans sa course aux armements, malgré les difficultés que ces dépenses accrues ajoutent à l’effort de faire converger son économie avec celle des autres pays européens.

La Grèce, qui ne saurait accepter un dialogue qui porterait sur ses droits souverains, a proposé une procédure pas à pas, qui, par le recours à la Cour internationale de La Haye, conduirait assurément à la normalisation des rapports bilatéraux.

Ainsi que vous pouvez le voir, Mesdames et Messieurs les députés, la Grèce réagit avec modération aux contestations de ses droits et aux menaces ouvertes dont elle est l’objet en proposant la voie de la raison, qui, sans doute, est aussi celle de la justice. Puisque la Turquie estime être dans son droit en ce qui concerne le plateau continental et le statut des îlots d’Imia, qu’elle revendique ses droits devant la Cour internationale de La Haye! La Grèce s’en remet à son jugement.

Cela étant, je crois que la communauté internationale a le devoir de faire comprendre à la Turquie que le respect de la loi internationale et le recours aux procédures prévues par le droit international sont les garants de la sécurité et de la paix en Europe, conformément à l’Acte final d’Helsinki, qui impose à tous les Etats de respecter le régime territorial issu de la seconde guerre mondiale ou existant avant celle-là.

Mon pays, Mesdames, Messieurs, ne désire pas – il l’a solennellement proclamé – être un obstacle à l’orientation européenne de la Turquie. Il sait que l’intérêt commun lui commande une coexistence pacifique et une coopération. Que la Turquie entende la voix de la raison, et une ère nouvelle s’ouvrira dans les rapports entre nos deux pays, avec des conséquences bénéfiques non seulement pour les deux pays, mais pour toute l’Europe.

Permettez-moi de me référer brièvement à l’Union européenne, car j’ai la conviction que la politique qu’elle adoptera intéressera tous les Etats de l’Europe, y compris ceux qui n’en font pas encore partie.

Notre vieux continent, quoi qu’il ne soit plus en proie aux problèmes qui ont provoqué les deux guerres mondiales, se trouve néanmoins toujours au centre d’événements qui causent des remous considérables. L’Union européenne a été confrontée, surtout pendant les cinq dernières années, à la nécessité de prendre des décisions graves pour le présent et l’avenir de l’Europe. Elle a adopté et appliqué des politiques, qui tantôt se sont révélées des réussites, c’est le cas de la réunification allemande et de l’adaptation de l’Alliance atlantique aux nouvelles données du problème de la sécurité européenne, tantôt, au contraire, se sont révélées maladroites et précipitées, comme cela a été le cas avec certaines prises de position concernant la crise yougoslave.

Le Traité de Maastricht a créé une Union européenne qui va de l’achèvement de son intégration économique à une coopération intergouvemementale dans les domaines de la politique extérieure et de la politique de sécurité, et, dans un avenir plus lointain, de défense; coopération qui est bien moins acceptée, quand elle ne fait pas l’objet de fortes critiques, comme cela a été le cas, une fois de plus, avec l’attitude adoptée par l’Union européenne face à la crise yougoslave.

Nous savons tous qu’actuellement l’union politique de l’Europe est loin d’être réalisée. Néanmoins, je suis convaincu que l’idéal européen, qui se fonde sur la conscience d’une destinée et d’une civilisation communes, finira par l’emporter. Malgré les difficultés qui subsistent, l’Union européenne constitue à long terme une réalité irréversible.

Aujourd’hui où l’euphorie engendrée par la fin de la guerre froide est en train de céder la place à de nouvelles inquiétudes, l’élaboration d’une politique extérieure et de défense commune à l’Union européenne qui soit ferme et efficace apparaît comme une nécessité plus urgente que jamais. A la question de savoir dans quelle direction il faut aller pour réaliser le renforcement de l’action extérieure de l’Union, nous répondons, en ce qui nous concerne, que la coopération intergouvemementale paraît avoir atteint la limite de ses possibilités. Les faiblesses congénitales dont elle a fait preuve ont réduit la présence et l’influence de l’Europe lors des graves crises internationales des dernières années. L’union politique de l’Europe ne se construira avec succès que si l’on suit la voie qui conduit au dépassement de T Etat-nation, tout en respectant les particularités nationales, religieuses et culturelles propres à chaque Etat membre.

Il n’est certes pas facile de procéder à une description détaillée de cette union politique; d’ailleurs cela n’est pas nécessaire étant donné que la route à parcourir pour y arriver est encore longue. Mais nous devons dès à présent intensifier nos efforts pour consolider la stabilité dans toutes les régions de l’Europe et pour garantir la protection de l’intégrité territoriale de l’Union et de ses Etats membres au moyen d’une clause et d’un mécanisme d’assistance mutuelle.

En évoquant maintenant le grand chapitre des droits individuels, je rappellerai que, dans le passé, on entendait par là les droits politiques de l’individu, qui sont inscrits dans les différentes Constitutions depuis l’époque des révolutions française et américaine, droits qui sont bien connus de tous. De nos jours, et depuis longtemps déjà, cette notion des droits individuels s’est élargie et a été complétée par la notion de droits sociaux. On entend par là le droit reconnu aux citoyens d’exiger de l’Etat qu’il gère des problèmes qui les préoccupent au plus haut point, tels que la garantie et les conditions de travail, T allocation d’une aide en cas de chômage, la sécurité sociale, l’éducation obligatoire gratuite, la garantie d’un logement, la protection des personnes handicapées et les questions de santé publique auxquels sont venues s’ajouter les questions, d’une grande importance elles aussi, qui concernent l’environnement.

Aujourd’hui, les problèmes sociaux ne sont pas considérés, comme autrefois, sous l’angle de l’opportunité, et la nécessité d’une politique sociale de la part de l’Etat n’est pas contestée. Ce qui fait actuellement problème est le coût économique de cette politique sociale et la possibilité ou l’impossibilité pour l’Etat d’assumer ce coût. Des Etats qui avaient accompli des progrès considérables dans ce domaine en recourant, pour trouver les ressources nécessaires, à une lourde imposition des revenus élevés, se voient maintenant contraints, de par les difficultés économiques qui ont surgi, de limiter les prestations sociales; tandis que d’autres Etats sont contraints, malgré le désir de leurs gouvernements, de rester bien en deçà de leurs objectifs sociaux. Le chômage et l’incapacité d’y faire face de façon adéquate, la récession économique qui se poursuit, l’obligation contractuelle assumée par les Etats de l’Union européenne en vertu du Traité de Maastricht d’atteindre certains objectifs économiques, les progrès de la technologie et, sans doute, bien d’autres raisons encore créent les difficultés actuelles et empêchent de trouver des solutions acceptables. La prolongation de cette situation provoque de fortes tensions sociales, qui aboutissent souvent à des troubles sociaux. Les divergences idéologiques ont pu perdre, ces temps-ci, de leur intensité, mais les tensions sociales demeurent et les dangers d’explosion proviennent précisément de ces tensions-là.

Je n’ai pas de solution à proposer. Je me borne à observer que, tandis que l’on facilite l’action des entreprises et que l’on recherche, à juste titre, des profits élevés pour les capitaux investis, la conjoncture économique n’est pas de nature à faciliter la solution des questions qui concernent les travailleurs.

C’est donc à juste titre qu’après la fin de la guerre froide le Conseil de l’Europe a placé les problèmes économiques et sociaux au centre de son intérêt avec l’adoption de la Charte sociale européenne et avec l’insistance mise sur le respect des droits des travailleurs. En agissant de la sorte, il pourra aider efficacement les jeunes à surmonter l’indifférence et le manque de confiance dont ils font preuve à l’égard de l’idéal de l’intégration européenne dont ils ne semblent pas attendre de réponse immédiate aux problèmes qui les préoccupent. Privés de perspective et d’avenir, les jeunes s’adonnent à la violence, en embrassant les mouvements anarchistes et en recourant parfois à la drogue.

Je ne voudrais pas terminer mon discours sans évoquer, ne serait-ce que par quelques mots, le fléau du racisme qui menace à nouveau notre continent. Etre différent, appartenir à un autre groupe que la majorité – quel que soit celui-ci – ne saurait être un motif de discrimination. Respecter la particularité de l’autre est une marque de civilisation. Dans un monde où la communication entre les peuples s’est énormément accrue, il est inévitable que le monde de la culture européenne soit poussé à des adaptations continuelles par l’incorporation en son sein de nouveaux éléments. Le citoyen européen doit respecter dans les faits ce qu’il proclame en théorie, d’autant plus que ce qu’il proclame n’est pas le simple produit d’une pensée abstraite, mais le fruit de combats sanglants dont sont tributaires la survie et le progrès de la civilisation européenne.

En terminant, je voudrais vous assurer, une fois de plus, que je ressens une joie et un plaisir particuliers à me trouver aujourd’hui à cette tribune. Aussi, je voudrais vous adresser mes remerciements les plus chaleureux pour votre aimable invitation ainsi que pour l’attention et la patience dont vous avez fait preuve en m’écoutant.

Je répondrai volontiers à vos questions.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Stephanopoulos, pour votre exposé fort intéressant. Un certain nombre de parlementaires ont exprimé le souhait de vous poser une question, mais, avant d’ouvrir le dialogue, je dois donner la parole à M. Akçali pour un rappel au Règlement. La parole est à M. Akçali.

M. AKÇALI (Turquie) (interprétation)

souligne que le dialogue entre la Grèce et la Turquie est entré dans une phase constructive. Il lui est d’autant plus pénible d’avoir dû entendre les déclarations du Président de la République hellénique, qui ne réglera pas de la sorte le conflit de Chypre. Quant à la minorité de Thrace, il serait convenable d’attendre les résultats de l’enquête diligentée par le Conseil de l’Europe avant de se prononcer à son sujet.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Plusieurs membres de l’Assemblée ont désiré poser des questions à M. Stephanopoulos. Je rappelle que ces questions ne devront pas dépasser trente secondes.

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (traduction)

Puis-je répondre à l’honorable parlementaire?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Oui, bien sûr.

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (interprétation)

répond qu’il n’avait nullement l’intention de faire capoter les efforts de réconciliation entre les deux ethnies. Peut- être son ton a-t-il pu en donner l’impression, mais sans doute pas le contenu de son intervention. Il ne peut hélas que confirmer ce qui est tout à fait vrai, c’est qu’il existe une menace de guerre et qu’il faudra bien faire le nécessaire.

Le grand pays de l’orateur précédent foule aux pieds les règles du droit international, ne respecte ni les décisions du Conseil de sécurité ni les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. M. Akçali pourrait-il donner des éléments concrets à l’appui de ce qu’il vient de dire? Pourrait-il dire sur quels points la Grèce ne respecterait pas ses engagements?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci, Monsieur Stephanopoulos. Nous avons groupé les questions par thème. La parole est à M. Martinez Casan, dont la question a trait à la conférence euro-méditerranéenne.

M. MARTINEZ CASAN (Espagne) (interprétation)

souhaiterait connaître les impressions de M. Stephanopoulos à la suite de la dernière conférence euro-méditerranéenne qui s’est tenue à La Valette la semaine dernière et qui a insisté sur la coopération économique et financière, et sur le dialogue avec la société civile. Le contentieux qui existe à ce propos entre la République hellénique et l’Espagne pourrait-il trouver un début de solution?

M. BERG (Norvège) (traduction)

Les tensions permanentes entre la Grèce et la Turquie sont une source de préoccupation pour les autres pays européens qui en viennent parfois à se demander si le discours tenu dans ce contexte ne viserait pas plutôt à servir la politique intérieure de chacune des parties. Quoi qu’il en soit, on a enregistré récemment certains signes avant-coureurs d’une coopération pratique, notamment dans le cadre d’organisations non gouvernementales ainsi que dans le domaine des communications.

En dehors de toute considération de politique intérieure, j’aimerais savoir, Monsieur le Président, si vous êtes en mesure de confirmer que les deux pays s’acheminent vers un dialogue plus constructif et vers une coopération plus effective. Quelles mesures envisagez-vous de prendre à cet égard?

Mme ERR (Luxembourg)

Merci, Monsieur le Président, pour vos précisions concernant les droits de la minorité musulmane en Thrace.

L’Union européenne a récemment proposé une médiation pour trouver une solution politique aux problèmes existant entre la Grèce et la Turquie. Selon mes informations, la Grèce aurait refusé cette initiative. Pour quelles raisons?

M. TANIK (Turquie) (interprétation)

souligne qu’il avait préparé ses questions empreint de bonne volonté et qu’il a reçu l’intervention du Président grec comme une douche froide. Depuis l’école primaire, on lui a enseigné le respect du principe «La paix chez soi comme à l’étranger». Il souligne que la Turquie n’élève aucune revendication territoriale, mais, comme député d’Izmir, il voudrait savoir si M. Stephanopoulos veut que les habitants de cette région obtiennent un visa pour pouvoir naviguer sur la mer Egée.

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (interprétation)

insiste tout d’abord sur l’importance que la Grèce attache à la coopération en Méditerranée. Il rappelle que le Gouvernement grec avait pris une initiative lors du Sommet de Corfou. Hélas, les dernières discussions ont été perturbées par l’évolution du processus de paix au Moyen-Orient. Chacun doit avoir à cœur de le relancer et l’Union européenne doit jouer un rôle encore plus actif. Mme Papandhréou, ministre grec de la Coopération, effectue actuellement une visite en Israël et dans les territoires arabes.

En ce qui concerne le statut de la minorité musulmane en Thrace, le Gouvernement grec y est particulièrement sensible. Le Président pense être engagé sur la bonne voie, même si des imperfections subsistent. Il est fier des résultats obtenus, notamment en ce qui concerne le respect de l’enseignement et de la liberté religieuse.

L’orateur souligne que la Grèce aspire à une coopération pacifique avec la Turquie. C’est son désir le plus profond, même si cela n’est pas ressorti clairement de son discours. La Grèce n’entend menacer personne. Pourtant, elle se trouve face à des revendications territoriales et elle demande simplement le respect du droit international et des procédures qu’il prévoit. Elle ne refuse pas le dialogue, mais il n’y a pas lieu de discuter de sa souveraineté; quel Etat l’accepterait?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Je suggère que l’on en vienne aux questions relatives à l’Albanie. Je ne vois pas M. Van der Linden, la parole est donc à M. Selva.

M. SELVA (Italie) (traduction)

Monsieur le Président, à votre avis, quels sont les moyens de la mission internationale en Albanie, conduite par l’Italie et dont vous faites partie, je veux dire les moyens propres à contribuer à la reconstruction des structures de l’Etat albanais? Quel est le rôle que la Grèce a l’intention de jouer à cette fin?

Mme SQUARCIALUPI (Italie) (traduction)

Monsieur le Président de la République hellénique, il ne fait aucun doute que votre pays se trouve dans une partie du monde agitée, où certaines démocraties ont besoin d’être renforcées.

La Grèce, tout comme mon pays d’ailleurs, est à la fois membre du Conseil de l’Europe et membre de l’Union européenne. Toutefois, bien que le Conseil de l’Europe ait fait des propositions de tout genre – d’ailleurs très précises – sur la protection des droits de l’homme, la sécurité, la lutte contre la drogue, le renforcement de la démocratie, et ce à l’occasion justement de la première Conférence de Barcelone, aucune réponse ne nous est parvenue de l’Union européenne. En réalité, toutes les propositions émanant du Conseil de l’Europe sont restées sans réponse.

Tout comme mon collègue M. Selva, je voudrais moi aussi savoir de quelle façon il est envisagé de lier la présence de la force multinationale de protection en Albanie à des organisations telles que le Conseil de l’Europe justement, mais également l’Union européenne, qui offrent toute une série d’aides à caractère humanitaire mais aussi politique. Existe- t-il un lien entre cette force multinationale et les autres organisations, permettant d’harmoniser l’aide que nous pouvons apporter à l’Albanie?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Je vous remercie. Je rappelle aux membres de l’Assemblée que, pour permettre au plus grand nombre possible de délégations de poser des questions, chaque orateur dispose de trente secondes seulement. La parole est à M. le Président de la République hellénique.

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (interprétation)

indique que la Grèce est particulièrement concernée par la situation en Albanie, non seulement parce qu’elle en est voisine, mais aussi parce qu’une forte minorité grecque vit dans ce pays. Il juge l’envoi de troupes insuffisant car on ne sait pas quelles tâches leur seront confiées en dehors de l’aide humanitaire et du maintien de l’ordre public. Il faut aussi s’intéresser au développement du pays et il espère que des élections véritablement démocratiques pourront bientôt être organisées. C’est indispensable pour que la population albanaise exprime sa volonté, qui devra ensuite être traduite en actes. Les troupes devront rester jusqu’à ce moment-là pour consolider le processus démocratique.

En ce qui concerne la Conférence de Barcelone, le Président constate que ses conclusions n’ont guère été mises en pratique. U s’agit en effet d’une région particulièrement sensible concernant le trafic de drogue, et la Grèce fait ce qu’elle peut pour protéger sa propre jeunesse.

M. POPOVSKI («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (traduction)

Monsieur le Président, je me félicite des progrès enregistrés dans les relations entre la République hellénique et la République de Macédoine. J’aimerais savoir comment, à votre avis, on pourrait définir une stratégie de coopération à long terme entre nos deux pays.

M. IWINSKI (Pologne) (traduction)

Comme vous le savez, Monsieur le Président, il est presque certain aujourd’hui que le Sommet de l’Otan, qui se réunira à Madrid dans dix jours, invitera la Pologne, la République tchèque et la Hongrie à rejoindre l’alliance. J’aimerais connaître la position de la Grèce sur l’élargissement de l’Otan à certains pays d’Europe centrale et orientale.

M. BÜHLER (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, l’arrêt du tribunal supérieur de Berlin dans l’affaire de l’assassinat de membres de l’opposition iranienne fait clairement apparaître la participation de services gouvernementaux iraniens. L’Union européenne, dont vous n’avez pas manqué de souligner l’importance tout à l’heure, a adopté une déclaration dans laquelle elle condamnait fermement de tels agissements.

Parallèlement, elle a demandé à ses Etats membres de rappeler leurs ambassadeurs. A l’exception de la Grèce, tous ont suivi cette directive, donnant, ce faisant, un bel exemple de solidarité européenne. J’aimerais savoir quelle est la raison de cette défection de la Grèce. J’aimerais également savoir si la Grèce est, en principe, disposée à participer aux actions politiques engagées à l’échelon international pour lutter contre le terrorisme.

M. JIRINOVSKI (Russie) (interprétation)

constate que la Russie et la Grèce sont deux nations orthodoxes qui ont depuis longtemps des ennemis communs. L’orateur demande à M. Stephanopoulos si la Grèce est prête à un rapprochement sur la base de ce patrimoine commun et si elle est disposée à aider la Russie.

M. KELAM (Estonie) (traduction)

Je me félicite d’apprendre que le Parlement grec vient de ratifier le traité associant l’Estonie aux travaux de l’Union de l’Europe occidentale.

Ma question a trait à la coopération régionale en Europe. Pensez-vous, Monsieur le Président, que la coopération Nord-Sud, par exemple entre les pays baltes et les pays méditerranéens, devrait faire l’objet de mesures particulières? La Grèce serait-elle, le cas échéant, disposée à apporter sa contribution à une telle coopération?

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (interprétation)

observe avec joie l’amélioration des relations entre son pays et «l’ex-République yougoslave de Macédoine», même si le nom de cet Etat continue à poser problème.

S’agissant de l’élargissement de l’Otan, la Grèce estime que tous les pays européens ont le droit d’organiser leur défense en fonction de leurs intérêts, seuls ou dans le cadre d’alliances, mais que la Russie à des intérêts légitimes à préserver. A cet égard, M. Stephanopoulos se félicite du rapprochement opéré à Helsinki entre M. Eltsine et M. Clinton, et il espère qu’on parviendra à une solution définitive.

M. Stephanopoulos répond à M. Jirinovski, qu’il voit pour la première fois, que la Grèce est un petit pays et que la Russie est gigantesque, et qu’il ne voit pas comment la première pourrait aider la seconde. Cela dit, l’histoire et la religion ont tissé des liens qui peuvent être renforcés. La Russie a un rôle important à jouer et il faut espérer qu’elle résoudra ses problèmes.

En ce qui concerne l’Iran, M. Stephanopoulos prend acte de la décision du tribunal allemand qui accuse certains responsables du Gouvernement iranien de s’être livrés avec d’autres à des activités illégales. L’Allemagne a exprimé le souhait de voir rappeler les ambassadeurs européens sans abandonner le dialogue critique. La Grèce est disposée à s’associer à toute politique qui aura été décidée par le Comité des Ministres au plus haut niveau. Si l’Europe élabore une stratégie, la Grèce l’examinera. Elle note toutefois qu’on essaie déjà de renouer le dialogue et que personne n’envisage de mettre fin aux relations commerciales à cause de cet arrêt du tribunal allemand.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci, Monsieur Stephanopoulos. Je sais que votre emploi du temps est extrêmement chargé; pensez-vous être en mesure de répondre à cinq questions supplémentaires?...

M. KIRATLIOGLU (Turquie) (traduction)

Mon nom est Kiratlioglu. Le Président a dit que si des minorités musulmanes ou turques de Thrace occidentale étaient attaquées, il faudrait que cela se sache. J’aimerais mentionner deux choses, si vous m’y autorisez.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Je regrette, Monsieur Kiratlioglu, je ne puis vous donner la parole. Cinq orateurs attendent encore de poser leur question; de plus, vous ne vous êtes pas fait inscrire sur la liste.

(M. Kiratlioglu se lève pour parler.)

Je ne peux pas vous laisser la parole, Monsieur Kiratlioglu, d’autres personnes attendent pour poser leur question. Je dois donner la parole à M. Gürel, puis à M. Vishnyakov, M. Laakso, M. Malachowski et M. Szalay. Et je sais que le Président doit nous quitter dans cinq minutes. Monsieur Gürel, votre question s’il vous plaît.

M. GÜREL (Turquie) (traduction)

Certains des propos de M. Stephanopoulos m’ont semblé malvenus dans la bouche d’un homme d’Etat. Quoi qu’il en soit, je m’en tiendrai à la question écrite que j’ai déposée, qui a trait à l’article 19 du code grec de nationalité, dont, faute de temps, je me contenterai de citer la première phrase, selon laquelle toute personne d’origine non grecque quittant le pays pour s’établir ailleurs peut être déchue de sa nationalité grecque. Cet article vise les citoyens grecs d’origines macédonienne et turque. Plusieurs organisations internationales ont demandé la suppression de cet article pour le moins anachronique, fondé sur la discrimination ethnique. J’aimerais savoir ce qui, d’après vous, justifie le maintien d’une telle disposition dans la législation hellénique. Etes-vous en faveur de sa suppression?

M. VISHNYAKOV (Russie) (interprétation)

interroge M. Stephanopoulos sur ses initiatives concernant la coopération et la sécurité dans les Balkans.

M. LAAKSO (Finlande) (traduction)

Ma question n’est pas d’ordre politique. Les centaines de milliers de Finlandais qui se rendent chaque été dans votre beau pays en gardent un excellent souvenir, à ceci près qu’ils se plaignent très fréquemment du non-respect général du code de la route, devant lequel la police semble impuissante. J’aimerais savoir quelles mesures vous envisagez de prendre pour améliorer la situation, compte tenu notamment du fait que les routes grecques sont parmi les plus meurtrières d’Europe.

M. MALACHOWSKI (Pologne)

Monsieur le Président, vous demandez d’appliquer les règles de la démocratie pour la Grèce. C’est juste, mais pourquoi ne pas reconnaître le droit des Aroumains? Je cite:

«Les autorités grecques ne reconnaissent pas les Aroumains comme une ethnie différente. Elles les considèrent comme “des Grecs valachophones”.»

M. SZALAY (Hongrie) (traduction)

De temps en temps, on se livre à certaines spéculations quant à la position de la Grèce à l’encontre de l’élargissement de 1’Union européenne. Ainsi, selon un article du International Herald Tribune, des responsables politiques grecs laisseraient entendre qu’Athènes pourrait opposer son veto à l’adhésion à l’Union européenne des pays d’Europe de l’Est si Chypre n’y était pas elle aussi acceptée. J’aimerais connaître votre point de vue sur cette question. Sont-ce là élucubrations de journaliste ou bien l’élargissement de l’Union est-il réellement menacé?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

La dernière question vient d’être posée. Si vous voulez bien répondre, Monsieur le Président...

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (traduction)

Pourriez- vous me rappeler la première question?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

La première question, posée par M. Gürel, avait trait au code grec de nationalité.

M. Stephanopoulos, Président de la République hellénique (interprétation)

répond à M. Gürel que le Gouvernement grec s’occupe du problème de la perte de nationalité, même si des législations comparables existent dans d’autres pays. Il a conscience du fait que cette disposition peut être à l’origine de difficultés et il s’est engagé à la modifier. Il faut savoir cependant qu’une telle modification prend du temps. Cependant, la procédure devrait parvenir sans problème à son terme.

Les Balkans sont une région qui, tout naturellement, intéresse la Grèce et cette dernière a pris des initiatives pour trouver des solutions à la fois politiques et économiques. Les discussions sont sur la bonne voie et cette coopération devrait donner de bons résultats.

L’orateur est d’accord avec M. Laakso pour déplorer le nombre excessif de victimes de la route. Lorsqu’il était député, il a déposé une question orale à ce sujet et il a quelques idées à proposer. Les chauffeurs grecs ne respectent pas le code de la route, la police fait ce qu’elle peut, mais les accidents sont dus surtout au mauvais état des routes et aux excès de vitesse. M. Stephanopoulos constate lui-même ce comportement, le gouvernement s’en préoccupe et une commission y réfléchit. La solution consisterait à améliorer le réseau routier, avec l’aide financière de l’Union. Il faut mettre un terme à cette hécatombe.

Les Aroumains, c’est-à-dire les Valaques de Grèce, constituent un des éléments les plus précieux de la nation. Ils se sentent tout à fait grecs et nombre d’hommes politiques éminents, comme un ancien ministre des Affaires étrangères, sont aroumains.

En ce qui concerne l’Union, la Grèce a obtenu l’engagement que, six mois après la fin de la Conférence intergouvemementale, des négociations s’ouvriraient sur l’adhésion de Chypre. Les autres Etats n’ont que la promesse de conversations préliminaires, alors qu’ici c’est l’adhésion elle-même qui est d’emblée mise sur le tapis et M. Stephanopoulos est persuadé que ce processus ne souffrira aucun retard. Au demeurant, la Grèce ne s’oppose pas à un élargissement de l’Union dans une autre direction et notamment aux pays de l’Europe centrale et orientale ainsi qu’aux pays des Balkans, dont elle soutient les efforts.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur le Président. Nous avons eu un après-midi bien rempli, au terme duquel je tiens à vous remercier chaleureusement de votre allocution et des réponses que vous avez données aux questions des parlementaires.

(Mme Andnor, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Mme Fischer au fauteuil présidentiel.)

La parole est à M. Korakas, pour un rappel au Règlement.

M. KORAKAS (Grèce)

Je regrette que Mme Leni Fischer, la Présidente de notre Assemblée, ne soit plus là. J’ai, en effet, souligné, le procès-verbal le confirmera, que Mme Fischer et M. Baumel ont invoqué leur qualité de Président et de Vice-Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour donner plus de poids à leur proposition d’exclusion du Bélarus et de rejet de la demande de la délégation russe d’examiner à nouveau au Conseil de l’Union interparlementaire la question du Bélarus.

A aucun moment je n’ai dit dans mon intervention que la discussion portait sur l’exclusion du Bélarus.

LA PRÉSIDENTE

Je dois vous interrompre. Il ne s’agit pas d’un rappel au Règlement. Nous avons abordé cette question tout à l’heure, mais la discussion est close. La parole est à M. Jirinovski.

M. JIRINOVSKI (interprétation)

déplore une erreur de traduction qui doit être sanctionnée. Il a en effet demandé au Président Stephanopoulos comment la Russie pourrait aider la Grèce, et non l’inverse, comme il a été dit par l’interprète. Il est évident que la Russie n’a besoin de l’aide de personne.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Monsieur Korakas?...

M. KORAKAS (Grèce)

Permettez-moi de rappeler que Mme la Présidente m’a indiqué qu’elle interrompait la discussion parce que le Président de la République hellénique devait prendre la parole et que j’aurais ensuite la possibilité de répondre à M. Barsony, qui a prononcé des propos vexants à mon égard.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Vous aviez l’occasion de formuler votre observation tout à l’heure.

Je rappelle que les parlementaires inscrits qui, présents dans l’hémicycle, n’auraient pu prendre la parole faute de temps pourront déposer leur intervention dactylographiée au service de la séance pour publication dans le compte rendu.