Petar

Stoyanov

Président de la République de Bulgarie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 23 avril 1997

J’aimerais avant tout remercier Mme Leni Fischer, Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, pour son invitation et la possibilité qu’elle me donne aujourd’hui de m’adresser à vous. C’est pour moi un honneur, et néanmoins un défi. C’est en effet un défi d’essayer, par cette brève intervention, de vous convaincre, vous les représentants de toute l’Europe, que mon pays n’est plus le même depuis les événements survenus ces derniers mois. C’est pour cette raison que je suis venu ici en Européen fier de l’être, pour qui Strasbourg est le symbole d’une nouvelle Europe unie et de la réconciliation historique de notre continent.

L’idée d’une Europe unie n’a rien de nouveau. Ce qui est formidable avec les idées, c’est que, même si elles ne portent pas leurs fruits, elles survivent dans les aspirations des générations suivantes. C’est l’idée d’une Europe unie qui a inspiré la création du Conseil de l’Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale. Conçu comme une organisation rassemblant tous les pays européens, le Conseil de l’Europe n’a commencé à jouer son véritable rôle qu’à l’issue de la guerre froide, époque où a ressurgi la perspective d’une Europe vraiment unie. Le Conseil de l’Europe est alors devenu l’un des premiers ponts institutionnels reliant les deux parties nouvellement réunies de notre continent.

En tant que Président de la République de Bulgarie, je suis fier que mon pays, qui a pris le chemin de la démocratie, soit membre à part entière du Conseil de l’Europe depuis déjà plusieurs années.

Je suis également fier qu’en rejoignant la grande famille européenne la Bulgarie se soit activement impliquée dans la vie de l’Organisation. Il convient ici de mentionner certaines initiatives bulgares qui ont marqué une évolution dans la coopération entre les Etats membres, tels le projet relatif à l’amélioration de l’environnement bâti (un texte a, à cet effet, été incorporé à la Déclaration de Vienne de 1993) et le projet pour une meilleure coopération entre les pays du Danube. Comme vous le savez, ce dernier projet a poussé l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à travailler sur le projet de charte européenne du Bassin du Danube.

Je suis heureux de vous informer que, trois jours seulement après les élections législatives anticipées, la Bulgarie a irrévocablement opté en faveur des réformes et de la démocratie, en faveur de l’Europe. Ces trois derniers mois ont été capitaux pour la Bulgarie et la transition démocratique après les changements de 1989. Il a enfin été mis un terme aux tactiques des réformes factices. A première vue, tous les acteurs étaient en place; or les règles selon lesquelles ils devaient agir ont étouffé le marché libre en raison de contraintes non économiques.

La corruption a pris une ampleur sans précédent. En politique étrangère, l’intégration européenne et atlantique annoncée restait à l’état de discours. En fait, nous nous sommes retrouvés à la traîne derrière d’autres pays postcommunistes avec lesquels nous avions commencé la réforme. A l’exception' de la période pendant laquelle les forces démocratiques ont gouverné le pays, en 1991-1992, ces tendances ont malheureusement persisté jusqu’en janvier 1997.

La volonté d’un changement dans tous les domaines publics, notamment l’économie, la politique et la morale, et la volonté de provoquer un changement pacifique au niveau du pouvoir grâce à des élections présidentielles et législatives directes, libres et équitables ont fait naître un nouveau contrat social entre le peuple et le gouvernement. Des réformes vigoureuses et impopulaires ne peuvent être mises en œuvre qu’en maintenant un dialogue clair et honnête entre la nouvelle classe politique et le peuple bulgare.

Ma conviction que les réformes seront cette fois un succès se fonde sur l’accord signé le 4 février par l’ensemble des forces politiques du parlement, y compris le Parti socialiste bulgare, qui, le même jour, a cédé son mandat pour former un nouveau gouvernement socialiste. Cet accord, qui est unique dans la nouvelle vie politique de la Bulgarie, constitue un consensus minimal sur certains principes: la volonté de sortir de la crise et de faire ainsi avancer la réforme déjà engagée et les étapes qu’elle comporte, à savoir une privatisation plus rapide et transparente, l’appel aux investissements étrangers, la stabilisation financière, le renforcement de la lutte contre la corruption et l’économie «grise», et une rapide reprivatisation des terres.

En Bulgarie, l’opinion publique est plus que jamais favorable aux réformes démocratiques et à l’intégration européenne. Jamais plus les attentes du peuple ne devront être déçues et leurs espoirs anéantis. Il faut apprendre de ses échecs. La leçon catégorique que nous tirons de plusieurs années perdues est qu’il n’y a pas d’autre choix que de procéder à des réformes structurelles rigoureuses et difficiles. A présent, nous sommes déterminés à rompre avec les hésitations du passé et à rattraper le temps perdu. Notre situation actuelle nous rappelle la chute des fables d’Esope: «Hic Rhodus, his salta!»

Permettez-moi encore une fois d’affirmer clairement à partir de cette tribune que la Bulgarie a opté de manière irrévocable pour la pleine intégration aux organisations de la communauté euro-atlantique des nations. La société bulgare d’aujourd’hui s’est rassemblée autour de cette idée. La Bulgarie s’efforce d’être un partenaire respectable pour l’ensemble des pays européens. Elle rattache son avenir européen à une pleine appartenance à l’Union européenne, à l’Otan et à l’Union de l’Europe occidentale.

L’Europe devrait devenir un espace unique de sécurité dans tous les domaines, c’est-à-dire sur les plans militaire et stratégique, politique, social, économique, écologique et culturel. Je suis fermement convaincu que la Bulgarie, en tant que partenaire traditionnel des pays du sud-est de notre continent, apportera une contribution appréciable à l’Europe. Mais la porte ouverte de l’Europe ne doit pas rester une simple métaphore. Le mur de Berlin aujourd’hui détruit ne doit pas être remplacé par d’autres divisions, quels que soient les noms qu’on leur donne. Car il n’y aurait rien de plus décourageant que la méfiance et l’absence de perspectives. Les Bulgares ne figurent pas parmi ceux qui enlevèrent la mythologique Europe, fille d’Agénor, roi de Phénicie. Culturellement et géographiquement, nous avons toujours appartenu à l’Europe. Nous sommes désormais prêts à passer à la prochaine étape et à rejoindre l’Europe en termes de niveau de vie.

Je tiens à vous assurer que j’userai de tous mes pouvoirs constitutionnels pour être à la fois un garant des droits de l’homme de tous les citoyens bulgares et un champion de la lutte contre n’importe quelle forme d’intolérance, de xénophobie et d’antisémitisme. Toutes les forces politiques partagent d’ailleurs ces convictions aujourd’hui en Bulgarie, attitude reflétant la tolérance que le peuple bulgare a toujours cultivée au cours des siècles; ainsi n’est-il pas surprenant que la Bulgarie ait porté secours à ses Juifs pendant la seconde guerre mondiale.

La campagne de changement forcé des noms que le régime de Jivkov avait lancée contre les Turcs aura écrit l’une des pages les plus honteuses de l’histoire récente de la Bulgarie. Le peuple bulgare n’a jamais approuvé une démarche aussi scandaleuse. C’est pourquoi l’opposition bulgare est devenue le champion de la tolérance dès l’instant où elle s’est organisée. Cette blessure est désormais en voie de cicatrisation, ce à quoi la participation des Turcs au gouvernement du pays a beaucoup contribué.

Si je puis me permettre une remarque plus personnelle, j’ai moi-même grandi dans la vieille ville bulgare de Plovdiv, où Bulgares, Arméniens, Juifs, Turcs et Tziganes ont coexisté en paix durant des siècles, au point qu’il ne serait pas exagéré de parler de «cité de la tolérance» à propos de cette Babel bulgare.

Je voudrais vous assurer de la grande estime que j’ai pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le rôle qu’elle joue au sein du Conseil de l’Europe. Elle représente en effet une tribune irremplaçable pour les échanges de vues, les discussions et les actions collectives des parlementaires de tous les pays européens, un laboratoire unique pour les idées nouvelles. En outre – et cela n’est pas moins important – l’Assemblée parlementaire est devenue pour les députés de nos pays en mutation une véritable école de parlementaires, une école de démocratie. En tant qu’école de démocratie, le Conseil de l’Europe lui-même occupe une place d’honneur dans la doctrine bulgare des affaires étrangères. Nous tenons à prendre part à l’effort général accompli en vue de construire un espace juridique européen unique dont les principes sous-jacents seraient la démocratie et l’Etat de droit, et où les droits et libertés essentiels de tous les citoyens seraient garantis, y compris le droit d’être différent, le droit à la diversité culturelle.

Le Sommet de Vienne a défini par la formule «sécurité démocratique» le rôle que le Conseil de l’Europe devait jouer dans la nouvelle donne de l’unification européenne à la veille du XXIe siècle. Pour réaliser cette sécurité démocratique, il faut élaborer des formes stables de gouvernement démocratique dans tous les Etats d’Europe, garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et protéger les droits et libertés de tous les citoyens, quelle que soit leur identité ethnique et religieuse. C’est là un élément déterminant de la série de garanties à mettre en place pour assurer la sécurité et la stabilité de notre maison commune européenne.

Le Conseil a rempli le mandat que lui avait attribué le Sommet de Vienne. Aujourd’hui, pourtant, à l’aube du troisième millénaire, le moment est venu d’aller encore plus loin. Pour le Conseil de l’Europe, le processus d’élargissement est sur le point de s’achever. Tel ne sera cependant le cas que lorsqu’une culture démocratique active se sera fermement ancrée dans l’Europe tout entière. Cela nécessitera non seulement des institutions démocratiques efficaces, mais aussi un changement profond et irréversible des mentalités, c’est-à-dire – en d’autres termes – que la démocratie devienne l’état d’esprit et le mode de comportement de chaque citoyen!

La démocratie ne saurait être considérée comme acquise une fois pour toutes. Il faut que chaque génération nouvelle la redécouvre et la maîtrise. Il faut lutter pour elle, la construire et l’améliorer sans cesse. Pour citer le Président Havel, «la démocratie n’est jamais une tâche accomplie, c’est une route sans fin». Alors seulement nous pourrons parler d’une culture démocratique européenne, qui aura pour corollaire la sécurité démocratique de toutes les nations et de tous les Etats d’Europe!

Permettez-moi de dire que l’apport du Conseil de l’Europe à la construction et à l’affirmation de la culture démocratique européenne correspond à l’une des plus nobles missions de notre Organisation en cette aube du XXIe siècle. En effet, le Conseil de l’Europe comptera cinquante Etats membres en 1999 et aura dès lors les moyens d’être l’architecte de la culture démocratique paneuropéenne. Le 2e Sommet de l’Organisation, dont la date approche, pourra expliciter cette tâche et lui donner la forme d’un mandat spécifique du Conseil. Afin d’accomplir un premier pas dans ce sens, le Conseil de l’Europe devra étendre ses activités relatives à la culture et à l’éthique, en s’intéressant spécialement à l’enseignement vu sous l’angle du respect des valeurs essentielles de la démocratie.

Je voudrais souligner, en passant, combien la culture démocratique fait partie de l’identité culturelle européenne. Toute culture vivante recherche l’harmonisation plutôt que l’homogénéisation. Une identité culturelle ne peut se développer et se perfectionner que dans le libre espace d’une communauté juridique, ce qui vaut plus encore pour la culture démocratique et pour l’identité culturelle démocratique.

En cette époque placée sous le signe de la mondialisation et de l’interpénétration, où l’on assiste à l’entrée en contact et à l’imbrication des réseaux de communication, nous sommes fondés à éprouver plus que jamais le besoin de sauvegarder notre identité européenne au même titre que notre identité personnelle et nationale. Il est en train d’apparaître une identité plurielle que nous devons protéger. Si nous abandonnons les spéculations philosophiques pour faire face à la réalité, nous verrons qu’une identité refermée sur elle-même et foncièrement antidémocratique peut dégénérer en fondamentalisme. Il serait inadmissible de défendre une telle identité par tous les moyens, y compris la violence.

La reconnaissance de l’autre, de celui qui est différent représente une condition de la survie de toute culture. C’est pourquoi nous devons nous efforcer surtout de favoriser l’apparition de cette culture démocratique européenne générale sans laquelle une future Europe démocratique unie ne pourrait être qu’une simple utopie politique.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, permettez- moi d’évoquer à nouveau l’idée d’Europe unie. Cette idée est enfin sur le point de devenir réalité. Puisse le vent du changement nous être favorable! Je souhaite à l’Assemblée parlementaire tout le succès possible dans les travaux qu’elle conduit afin d’assumer ses responsabilités à la veille du troisième millénaire.

Je vous remercie de votre attention!

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Stoyanov, de votre exposé fort intéressant. Certains membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser des questions. En l’absence de M. Columberg, qui devait poser la première question, la parole est à M. Jaskiernia.

M. JASKIERNIA (Pologne) (traduction)

Monsieur le Président, vous avez parlé de la nécessité d’une réforme économique. J’aimerais savoir si vous avez l’intention d’appliquer en Bulgarie ce que l’on appelle une «thérapie de choc».

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

explique que le Gouvernement bulgare doit mettre en place des filets de sécurité pour protéger les couches les plus vulnérables de la population. Une réforme économique n’aboutira à un succès que si la protection sociale est convenablement assurée. A cet effet, la Bulgarie lance un appel à toutes les institutions internationales et financières. Déjà, le FMI et la Banque mondiale sont convaincus de la nécessité de mettre en place de tels filets de sécurité.

Le renouveau de l’économie bulgare va passer par plusieurs phases. Des modifications importantes sont en cours, comme la fermeture des grandes entreprises d’Etat et l’installation d’une commission de change, mais elles présentent toutefois un risque d’inflation. Pour juguler au mieux celui-ci, le pays a grand besoin de garanties sociales. La Bulgarie ne veut cependant pas passer par le stade d’une thérapie de choc.

M. RAMIREZ PERY (Espagne) (interprétation)

a représenté le Conseil de l’Europe lors des élections bulgares et témoigne de l’esprit démocratique qui y a présidé. Le nouveau gouvernement et le pays sont-ils prêts à accepter un accord national pour que le fossé qui s’est creusé entre les partis politiques n’ait pas de répercussion négative sur l’avenir?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

indique que, à la suite de la pression exercée par la population bulgare depuis le mois de février, tous les partis politiques ont signé un accord vital puisqu’il a permis la mise en route de la réforme dont le pays a tant besoin. Plus récemment encore, ces mêmes partis ont signé un nouvel accord permettant la poursuite de cette réforme. C’est donc une tendance durable qui s’installe à l’initiative de l’Union des forces démocratiques. Des négociations avaient en outre été prévues au sein du Parlement pour établir les bases communes de la coopération.

Le Président est heureux d’informer l’Assemblée que ces négociations ont été couronnées de succès hier. La majorité au pouvoir a pour premier objectif la réforme économique et la définition d’un cadre juridique plus solide. Elle est prête, pour ce faire, à admettre la participation de parlementaires d’autres tendances politiques.

M. REWAJ (Pologne)

Monsieur le Président, nous avons eu la possibilité de dialoguer avec vous, il y a quelques mois, à Varsovie. Après les élections législatives, êtes-vous plus sûr que les réformes rigoureuses et nécessaires en Bulgarie seront pleinement acceptées par une société qui s’attend à voir s’améliorer rapidement son niveau de vie?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

répond qu’il est sans illusions. Il sait que les réformes à entreprendre demanderont de nouveaux sacrifices à la population bulgare et que certains citoyens ne manqueront pas d’être déçus, d’autant que quatre années ont déjà été perdues en pseudo-réformes. Ce qui a changé, c’est que le gouvernement nouvellement installé a tiré les enseignements nécessaires des errements passés et qu’il sait que la seule voie à suivre est celle que les Polonais ont empruntée.

La Bulgarie se doit à présent de rattraper le temps perdu. D’aucuns jugeront sans doute le discours du Président de la République bulgare trop optimiste, étant donné la phase critique que traverse son pays. Mais, s’il se permet un certain optimisme, c’est que M. Stoyanov constate que la Bulgarie se trouve dans la meilleure situation possible pour entreprendre les réformes indispensables: elle vit dans la paix, sa population est convaincue de la nécessité des réformes et elle bénéficie du soutien des institutions financières internationales.

M. Andras KELEMEN (Hongrie) (traduction)

J’espère, moi aussi, que ma question fera l’objet d’une réponse optimiste. La Bulgarie risque de voir son économie s’effondrer en raison de la mauvaise gestion de l’ancien gouvernement communiste qui ne s’est retiré que sous la pression des manifestations massives de la population. J’aimerais savoir si vous pensez disposer de pouvoirs constitutionnels suffisants pour maintenir la Bulgarie dans le cadre du nouveau processus d’intégration de l’Otan. Pensez- vous que les pays occidentaux seront en mesure de vous accorder le soutien moral et financier qui vous permettra de mener à bien votre programme de redressement économique?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

répond que la question des pouvoirs constitutionnels du Président a fait l’objet d’un ample débat au cours de la campagne électorale. La seule personne qui n’y ait pas véritablement participé est M. Stoyanov lui-même! Son opinion personnelle est que les pouvoirs constitutionnels du Président sont correctement définis. Il reste à mettre un peu de chair autour d’un squelette satisfaisant mais l’essentiel est, bien entendu, une coopération de tous les instants entre les différents pouvoirs, dans un pays qui a pris conscience qu’il lui fallait retrousser ses manches et s’aider lui-même s’il voulait devenir membre de la grande famille paneuropéenne.

M. RUFFY (Suisse)

Monsieur le Président, je vous remercie pour le message que vous nous avez transmis et pour l’espoir que vous nous avez ainsi donné dans les destinées de votre pays.

Alors que les pays d’Europe centrale et orientale parviennent avec peine à attirer les capitaux publics et privés nécessaires à leur démarrage économique et qu’ils doivent s’endetter massivement, nous constatons que ces mêmes pays déposent des capitaux en abondance dans les banques d’Europe occidentale.

Comment expliquer de si incroyables mouvements? Quelles mesures sont envisageables pour mettre fin à de telles pratiques nuisibles, à tous égards et pour tout le monde, ou presque, et, je dirai même, perverses?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

reconnaît que M. Ruffy a mis le doigt sur la plaie. Bien que la Bulgarie ait ratifié la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, le problème demeure. La fuite des capitaux bulgares est un problème grave pour l’économie du pays, mais il demeurera irrésolu aussi longtemps qu’une coopération internationale véritable n’aura pas été instaurée pour mettre un terme à ce fléau économique.

Le cabinet ministériel bulgare qui a expédié les affaires courantes au cours des deux derniers mois a lutté avec énergie contre la corruption et la fuite des capitaux, dont il savait combien elles étaient dommageables pour l’image de la Bulgarie. Cela dit, même si une bataille est gagnée en Bulgarie, la guerre ne pourra l’être qu’au niveau international.

M. ONAINDIA (Espagne) (interprétation)

demande au Président quelles mesures les pouvoirs publics bulgares comptent prendre pour porter remède à la crise de l’agriculture. Pense-t-il, comme certains membres de l’Assemblée, que la remise des terres à leurs anciens propriétaires est une erreur?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

avait dit, en 1992 déjà, alors qu’il était ministre de la Justice, qu’il considérait la privatisation des terres comme indispensable. Malheureusement, beaucoup de temps a été perdu, puisque rien n’a été fait depuis ces premières déclarations. Son opinion n’a pas varié, mais il sait qu’il s’agit d’un processus complexe, car la privatisation des terres doit s’accompagner d’un programme d’aide aux agriculteurs, afin qu’ils puissent acheter le matériel et les engrais nécessaires. Il va sans dire que toute aide internationale sera la bienvenue et que le Conseil de l’Europe paraît être l’un des forums les plus appropriés pour en décider.

Mme FLEETWOOD (Suède) (traduction)

La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de me rendre en Bulgarie en tant que membre de la délégation du Conseil de l’Europe chargée d’observer le déroulement des élections législatives, dont je me félicite qu’elles aient été libres et équitables. Je me proposais, moi aussi, de vous poser une question d’ordre économique, mais elles ont déjà été si nombreuses que j’ai décidé de changer de sujet et d’aborder la question des partis politiques, notamment de ceux, assez peu nombreux, qui forment l’actuel gouvernement de coalition. Pensez-vous que la coopération des différents partis au pouvoir pourra se maintenir après les élections, notamment eu égard aux nombreuses difficultés qui ne manqueront pas, à mon sens, de se faire jour tant au sein qu’entre les différents groupes politiques?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

répond que les difficultés dans lesquelles la Bulgarie se débattait exigeaient l’union des partis politiques. Ils ont su la constituer et M. Stoyanov espère que la coalition se maintiendra et saura même s’élargir à d’autres forces politiques. Son optimisme foncier le fait imaginer que, si les partis politiques en venaient à s’affronter à nouveau, c’est que la crise aurait été surmontée.

M. BEHRENDT (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, à l’instar du gouvernement transitoire que vous aviez mis en place, vous avez souligné une fois de plus aujourd’hui le souhait de votre pays d’adhérer tant à l’Union européenne qu’à l’Otan. Or, lors d’une interview accordée à un magazine d’information allemand, vous aviez brossé un tableau très sombre de la situation économique en Bulgarie, déclarant notamment que les réformes entreprises par le passé n’avaient aucune consistance et que le pays souffrait d’une hyperinflation, d’une crise énergétique grave et du manque de pain.

Compte tenu de la grave crise économique qui sévit dans votre pays, j’aimerais savoir dans combien de temps, à votre avis, il vous sera possible de créer les conditions économiques qui permettront d’envisager l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne.

En ce qui concerne votre adhésion à l’Otan, comment pensez-vous qu’on pourra vaincre les réticences manifestées par le Gouvernement russe à l’égard d’un élargissement à l’est de l’Alliance?

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

note que les journalistes bulgares lui demandent sans cesse quand la Bulgarie se joindra à l’Union européenne, quand elle sortira de la crise économique, quand elle rejoindra l’Otan. Sa réponse est toujours la même: il est difficile de faire des pronostics. Tout en expédiant les affaires courantes, le gouvernement actuel fait déjà avancer la réforme, et le prochain, qui sera formé dans les jours qui viennent, devra l’accélérer encore de façon énergique. La stabilisation économique, qui se traduira moins par des indicateurs élevés que par un sentiment de sécurité dans la population qui comprendra ainsi l’utilité de ses sacrifices, pourrait être obtenue dès la fin de cette année.

Quant aux demandes d’adhésion à l’Otan et à l’Union européenne, elles relèvent de la stratégie. Les Bulgares ne sont pas les seuls à les avoir formulées et ils considèrent que les négociations avec les candidats devront être simultanées. Cela les encouragera d’ailleurs à accélérer la réforme.

A l’égard de l’Otan, la Bulgarie a des atouts évidents qui tiennent à sa situation géopolitique, à ses excellentes relations avec ses voisins dont deux, la Grèce et la Turquie, sont déjà membres de l’Organisation, à son comportement sans reproche au cours de l’embargo et de la guerre dans l’ex-Yougoslavie, au haut niveau général de la formation et du savoir- faire de la population bulgare.

Cette demande d’adhésion n’est pas un défi lancé à la Russie. Le développement des relations politiques et économiques avec ce grand pays voisin est une priorité, sous deux conditions: le respect mutuel de la souveraineté et l’avantage réciproque. Ce qui est certain, c’est que la politique étrangère bulgare se forge à Sofia. La volonté d’adhérer à l’Otan est parfaitement légitime et elle ne doit faire aucun doute, toutes les institutions bulgares se rejoignent sur ce point. Le Président considère même que cette adhésion serait de nature à améliorer les relations avec la Russie en les rendant plus honnêtes et plus directes.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Afin de permettre aux cinq parlementaires restants de prendre la parole, je vous invite à la concision dans les questions comme dans les réponses. La parole est à MM. Jirinovski, Dinçer, Bratina et Vangelov qui voudront bien limiter leur question à trente secondes.

M. JIRINOVSKI (Russie) (interprétation)

ne voit absolument pas la logique dans la réponse de M. Stoyanov sur l’Otan. Pourquoi la Bulgarie veut- elle absolument entrer dans l’Otan? Ce n’est pas cette organisation qui l’a libérée du joug ottoman ni sauvée en 1945, c’est la Russie! C’est à elle que les Bulgares ont acheté pendant des années ce qu’ils ne pouvaient pas acheter à l’Ouest. Et voilà qu’aujourd’hui ils veulent entrer dans un bloc militaire antirusse...

M. Stoyanov, qui a parlé de bonnes relations avec ses voisins, est originaire de Plovdiv, où l’on trouve un monument à la gloire d’un général russe. La volonté d’adhérer à l’Otan est inexplicable et l’orateur invite le Président à renouveler son explication.

M. DINÇER (Turquie) (traduction)

En tant que parlementaire turc né en Bulgarie, je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir tenu un discours constructif dans lequel vous marquiez votre soutien à la démocratie, aux droits de l’homme et à la stabilité de notre région.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Votre question, s’il vous plaît.

M. DINÇER (traduction)

La Bulgarie et la Turquie ont signé, en novembre 1992, un document interdisant les exercices militaires avec plus de deux bataillons à moins de 15 kilomètres des frontières, à la suite de quoi les deux pays ont réduit au minimum leurs effectifs militaires le long de leur frontière commune. J’aimerais connaître votre avis sur cette initiative bilatérale qui constitue, à mon sens, une importante contribution à la coopération dans les Balkans. Cet exemple pourrait-il être suivi par d’autres pays de la région?

M. BRATINA (Italie) (traduction)

Monsieur le Président, dans votre intervention, vous vous êtes exprimé avec une forte conviction en faveur de l’option européenne. Je voudrais par conséquent vous demander comment vous envisagez l’hypothèse de l’initiative proposée par les Etats-Unis concernant une nouvelle coopération entre les Etats sud- européens, ou plutôt les Etats du sud de l’Europe centrale, ce qui inclut l’ensemble des pays appartenant d’une façon ou d’une autre à la région balkanique dans son acception la plus large.

Pensez-vous que cette initiative soit compatible avec les intérêts européens?

M. VANGELOV («l’ex-République yougoslave de Macédoine»)

Monsieur le Président, je voudrais vous interroger au sujet d’une question qui trouble les relations politiques entre les Bulgares et les Macédoniens. Je veux parler de la question linguistique, qui a des conséquences politiques.

J’ai écouté votre discours et j’ai noté votre déclaration selon laquelle la Bulgarie d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier. Permettez-moi donc de vous poser, Monsieur le Président, une petite question toute simple: quelles mesures minimales, fructueuses, pouvez-vous proposer pour résoudre ce problème, qui existe depuis des années, aussi banal que difficile à régler? Je rappelle que ce problème bloque le comportement normal de deux pays voisins et aggrave même la situation politique dans la région.

M. Stoyanov, Président de la République de Bulgarie (interprétation)

regrette de ne pouvoir apporter que des réponses brèves à des questions aussi pertinentes.

Il répond tout d’abord à M. Jirinovski qu’il ne fait aucun doute que les relations historiques entre les peuples russe et bulgare ont toujours été plus qu’excellentes. En tant que Président bulgare, il aime le peuple russe, il admire la culture russe et les Russes, mais il aime plus encore la Bulgarie.

Il considère donc que l’intérêt national de la Bulgarie lui commande de faire exactement ce qui est fait actuellement. Les relations avec la Russie devront être renforcées. Mais aujourd’hui, alors qu’un diplomate russe qualifiera d’«excellentes» les relations de son pays avec la France, l’Allemagne ou les Etats- Unis, il indiquera en revanche que les relations avec la Bulgarie ou la République tchèque sont «coucicouça». Peut-être, quand ces pays auront déclaré leur volonté d’adhérer à l’Otan, les relations avec eux seront-elles aussi «excellentes».

En réponse à M. Dinçer, l’orateur indique que les relations entre la Bulgarie et la Turquie pourraient sans doute être prises comme modèle d’excellent voisinage. C’est le désir de permettre aux deux peuples de communiquer qui lie les deux pays. Tout a été fait ces dernières années en ce sens et le Président ne peut que s’en féliciter.

Il répond à M. Bratina que la Bulgarie appuie l’initiative des Etats-Unis dans les Balkans, qui a commencé à porter ses fruits. Il espère qu’elle permettra d’apporter de bonnes solutions aux problèmes rencontrés et qu’elle aura un impact favorable sur tous les pays de la région.

Enfin, la question posée par M. Vangelov revient à chaque fois qu’il y a un représentant de la Macédoine dans l’assistance. La Macédoine fait partie de l’histoire bulgare et ses luttes pour la liberté en marquent même l’aspect le plus romantique. Le problème de la langue devrait pouvoir se résoudre, sous les auspices de l’Europe, et le Président Stoyanov est prêt à entamer le dialogue.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Monsieur Stoyanov, ainsi s’achève notre dialogue. Au nom de l’Assemblée, je tiens à vous remercier très chaleureusement de votre allocution et des réponses que vous avez données aux questions des parlementaires.