M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Il y a
un problème. M. Thorn a d’autres fonctions que la présidence du
Comité des Ministres, et il doit nous quitter à 17 h 45. Il a été
déposé treize questions, et deux membres souhaitent intervenir dans
la discussion, ce qui nous donne au total quinze orateurs. Il est
maintenant 17 h 6. Si tous les membres ont une question à poser,
M. Thorn ne pourra évidemment leur répondre. D’autre part, nous
ne saurions attendre du Premier ministre du Luxembourg qu’il réponde
à des questions trop longues. Je demande donc aux membres d’être
le plus brefs possible, et nous verrons jusqu’où nous pouvons aller.
Les questions figurent dans le document 4110. La première est de
M. Margue et a trait au rapport de la Commission des Droits de l’Homme
sur la requête introduite par Chypre contre la Turquie. J’en donne
lecture:
«M. Margue
Demande au Président du Comité des Ministres quand le Comité
des Ministres prendra position au sujet du rapport de la Commission
des Droits de l’Homme dans l’affaire Chypre contre Turquie.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Monsieur le Président,
je voudrais répondre en même temps à la question de M. Margue et
à celle de M. Molin.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Dans ce
cas, voici le texte de la question n° 2 qui vous est posée par M. Molin:
«M. Molin
Demande au Président du Comité des Ministres:
– si le rapport de la Commission européenne des Droits de
l’Homme, de juillet 1976, concernant l’affaire Chypre contre Turquie
sera publié, ainsi que la décision du Comité des Ministres à ce
sujet;
– dans la négative, quelles en sont les raisons.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
L’affaire de Chypre,
introduite contre la Turquie, a été examinée par notre Comité des
Ministres. Ces discussion étant confidentielles, comme chacun le
comprendra je ne suis nullement autorisé à en divulguer ici le contenu.
Je tiens à préciser que la publication du rapport des droits
de l’homme ne peut être décidée par notre Comité que dans les conditions
prévues à l’article 32 de la convention. En l’occurrence, le Comité
des Ministres n’a pas pris une telle décision. Je ne puis donc rien
ajouter de plus.
Sous ma responsabilité personnelle, j’indiquerai néanmoins
que la conjoncture actuelle, notamment l’attitude adoptée tout récemment
par le nouveau Gouvernement turc, me semble permettre d’espérer
des progrès dans la voie d’une solution possible de ce pénible problème
chypriote. Des prises de positions publiques sur un aspect aussi
douloureux qu’important, mais partiel, ne seraient, je pense, pas
de nature à hâter ou à favoriser une telle solution.
M. MARGUE (Luxembourg)
Monsieur le
Président, je veux seulement poser une question additionnelle.
M. le Président du Comité des Ministres vient de nous rappeler
que notre Convention sur la sauvegarde des Droits de l’Homme est
le moyen le plus efficace de protection qui existe. Croit-il vraiment
qu’en mêlant le politique et le juridictionnel, le Comité des Ministres
qui, selon les options prises par les pays défendeurs, doit remplir
la fonction qui dans d’autres cas appartient à la Cour, ne risque
pas d’être accusé de déni de justice s’il persiste à ne rien faire
du tout?
Nous n’avons pas à lui donner d’instructions sur ce qu’il
doit faire. Mais un recours étant porté devant lui, M. le Président
ne croit-il pas que le Comité des Ministres doit prendre une décision?
M. MOLIN (Suède) (traduction)
La réponse du Comité
des Ministres est quelque peu décevante. Le Comité des Ministres
dispose actuellement de tout le temps nécessaire pour examiner le
rapport de la Commission européenne des Droits de l’Homme, qui lui
a été présenté il y a plus d’un an, en août 1976, et dont nous avons eu
des échos dans les journaux de plusieurs pays. Nous ne savons pas
si ces informations de presse sont fondées ou non; il serait donc
fort opportun que l’Assemblée discute ouvertement de ces éventuelles
violations de la Convention des Droits de l’Homme.
Je n’ignore pas qu’il incombe au Comité des Ministres de promouvoir
le juste règlement de la crise de Chypre, mais un débat ouvert dans
cet hémicycle peut contribuer également à la recherche de ce règlement,
qui devra être conforme aux principes des droits de l’homme et de
la souveraineté nationale.
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
J’ai l’impression,
Monsieur le Président, que tous les membres de cette Assemblée savent
bien, par définition, qu’une réponse du Comité des Ministres faite
à une question doit rester insatisfaisante pour ceux qui la posent.
C’est du moins la tradition en ce qui concerne les questions épineuses, depuis
de nombreuses années.
Les membres de cette Assemblée doivent par ailleurs se rendre
compte que je ne suis certainement pas, sur une question complémentaire,
autorisé à répondre au nom de mes dix-neuf autres collègues.
Le problème tel qu’il a été présenté dans toute son acuité
juridique, aussi bien par M. Molin que par mon compatriote M. Margue,
peut être renversé dans le domaine politique.
A titre personnel, je leur répondrai qu’en effet le risque
de déni de justice que M. Margue semblait viser existe, et existe
même délibérément. Cette possibilité a été donnée au Comité et je
crois que ceux, dont je n’étais pas, qui envisageaient cette procédure
envisageaient cette hypothèse.
Monsieur Molin, vous avez appris par l’intermédiaire de la
presse les éléments de ce document et vous souhaitez un large débat.
Le Comité des Ministres siège ici à la fois comme instance juridique
et comme comité politique et nous, savons que leurs intérêts peuvent
être contraires. La diffusion de ce rapport constitue déjà en elle-même
une sanction.
Vous êtes, Mesdames, Messieurs, des personnalités politiques,
et nous savons que, pour mettre un terme à une situation que nous
sommes tous prêts à condamner, il faut également mettre un terme
à la querelle politique. Nous devons donc choisir entre les deux
risques, les deux tendances auxquels nous sommes exposés: allons-nous
vouloir tout exposer en public dans les détails alors que nous savons
que l’une ou l’autre partie va s’en emparer? Il n’y aura pas alors
la majorité requise, ce pourquoi je ne peux rien. La procédure est ce
qu’elle est et demande un vote à la majorité des deux tiers. Allons-nous
insister pour que le Comité des Ministres prenne ce qui apparaîtrait
comme une sanction et qui ne rendrait que plus difficile une entente politique
à un moment où les hommes politiques que nous sommes constatent
qu’un rapprochement est peut-être possible?
J’essaye de vous faire comprendre, Mesdames, Messieurs, à
titre personnel, que ce n’est pas le moment où mes collègues du
Comité des Ministres sont prêts à vous suivre dans cette voie; ce
n’est peut-être pas, à ce stade, ce qu’il y a de plus indiqué.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous
remercie. Nous allons maintenant entendre la question n° 3 de M. Machete, dont
je donne lecture:
«M. Machete,
Notant avec satisfaction que le Premier ministre et ministre
des Affaires étrangères du Gouvernement luxembourgeois, dans sa
réponse à la question écrite posée par M. Hengel au Parlement du
Luxembourg au sujet de la Recommandation 821 de l’Assemblée du Conseil
de l’Europe et donnant l'analyse politique de la situation en Europe,
soulignait que dans le rôle futur du Conseil de l’Europe, la sauvegarde
et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales
figurent parmi les domaines d’activité prioritaires;
Se félicitant du fait que dans un message à la 61e Session
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le 24 novembre 1977,
M. Henri Simonet, ministre des Affaires étrangères de la Belgique,
a souligné que le domaine des droits de l’homme doit rester la «carte
de visite» du Conseil de l’Europe et a ajouté qu’il ne suffit pas
qu’il s’affirme et se renforce vers l’intérieur des Etats membres
mais qu’il montre également le vrai visage de l’Europe à l’extérieur,
qu’il soit un des canaux principaux par lequel l’Europe participe
à l’action qui, sur le plan mondial, se livre pour la défense des
droits de l’homme;
Notant avec intérêt l’accueil favorable donné à la proposition
belge par le Comité des Ministres,
Demande au Président du Comité des Ministres:
a. dans quelle mesure le rôle du Conseil de l’Europe dans
le domaine des droits de l’homme reste prioritaire pour ses vingt
États membres dans la perspective des activités accrues de la Communauté européenne
dans le domaine des droits de l’homme;
b. quelles actions concrètes seront entreprises par le Comité
des Ministres pour donner suite à la proposition belge qui vise
à faire du Conseil de l’Europe un des canaux principaux par lequel
l’Europe démocratique participe à l’action mondiale pour la défense
des droits de l’homme.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Je me permets en
premier lieu de féliciter M. Machete d’être aussi bien informé des
débats qui ont lieu au Parlement luxembourgeois. Cela fait toujours
plaisir. (Sourires)
Dans ma réponse à la question écrite que j’avais donnée à
M. Hengel sur la Recommandation 821 relative au mal européen, j’avais
répondu que:
«Il n’est nullement envisagé de diminuer le rôle qui revient
tout naturellement dans ce domaine au Conseil de l’Europe. En vertu
de la Résolution (74) 4 sur le rôle futur du Conseil de l’Europe,
la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés
fondamentales figurent parmi les domaines d’activité prioritaires.
Ce principe est concrétisé dans le Programme de travail sous la
forme d’activités visant, notamment, à l’élargissement des droits
prévus par la Convention européenne des Droits de l’Homme et à l’amélioration
de l’application de celle-ci.»
Ce point de vue est partagé par le Comité des Ministres.
En ce qui concerne les activités des Communautés européennes
dans le domaine des droits de l’homme, je tiens à dire d’emblée
qu’il ne saurait être question de compétition entre ces deux Organisations.
J’en vois une preuve dans la déclaration commune adoptée l’année
dernière par les trois institutions des Communautés européennes
sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ainsi que vous le savez, cette déclaration se réfère expressément
à la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui constitue ainsi
le texte de référence commun du Conseil de l’Europe et des Communautés.
J’estime que le Conseil de l’Europe a toutes les raisons de
se féliciter de cette évolution. Je suis persuadé que les Neuf,
de même que les autres Etats membres du Conseil de l’Europe, sont
pleinement conscients, non seulement de l’importance des réalisations
de cette Organisation en matière de droits de l’homme, mais également
du rôle qu’elle sera appelée à jouer à l’avenir dans le développement
des droits de l’homme et que le Statut lui a fixé comme objectif.
C’est à mon sens, dans ce contexte qu’il faut prendre en considération
les propositions très intéressantes faites par mon collègue belge,
M. Henri Simonet, à la 61e Session du
Comité des Ministres par l’entremise de son ambassadeur. Elles sont
fondées sur la reconnaissance du rôle du Conseil de l’Europe dans
le domaine des droits de l’homme, qui devrait revêtir, pour les
pays qui font partie de notre Organisation, une importance accrue
en tant qu’élément de leurs relations internationales.
Notre Comité étudie sérieusement les suites pratiques à réserver
à ces propositions, auxquelles j’ai personnellement déjà donné mon
accord et sur lesquelles je ne puis encore vous communiquer pour
le moment d’indications précises.
Toutefois, j’espère pouvoir vous donner de plus amples détails
d’ici à la prochaine réunion au cours de laquelle j’aurai le plaisir
d’être des vôtres.
M. LE PRÉSIDENT
La quatrième
question, de M. Karasek, est rédigée comme suit:
«M. Karasek,
Constatant que des propositions pour un programme d’action
communautaire dans le secteur culturel ont récemment été soumises
au Conseil par la Commission des Communautés européennes,
Demande au Président du Comité des Ministres s’il peut donner
l’assurance que:
a. la compétence du Conseil de l’Europe dans le domaine culturel
continuera d’être reconnue au sein de la CEE et non seulement au
niveau de la recherche mais aussi sur le plan des mesures concrètes;
b. les ministres de la CEE, lorsqu’ils examineront ces récentes
propositions, tiendront dûment compte du rôle du Conseil de l’Europe
dans le domaine culturel.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Le 22 novembre
1977, la Commission des Communautés européennes a effectivement
adressé au Conseil une communication intitulée «Actions communautaires
dans le secteur culturel». Cette communication sera examinée par
le Conseil lorsque le Comité économique et social et le Parlement
européen auront donné leur avis.
Cette proposition de la Commission ne vise nullement à mettre
sur pied une politique culturelle; cela découle déjà de la définition
donnée du secteur culturel, à savoir: «L’ensemble des personnes
et des entreprises qui se consacrent à la production et à la distribution
des biens culturels et des prestations culturelles.»
Notre Communauté a le devoir d’appliquer le traité de Rome
à ce secteur comme à tous les autres. Les actions que la Commission
propose d’engager concernant notamment le libre-échange des biens
culturels, la liberté de circulation et d’établissement des travailleurs
de la culture, l’harmonisation de la fiscalité, en matière de TVA,
par exemple, et le rapprochement des législations notamment sur
les droits d’auteur.
Cette action est donc essentiellement économique et subsidiairement
sociale. Elle n’est dès lors pas de nature à entraîner un double
emploi avec les activités du Conseil de l’Europe, ces dernières
ayant un caractère différent, plus vaste, je dirai même plus noble.
Il existe, d’ailleurs, une excellente collaboration, pour autant
que je sache, au niveau des services, entre le Conseil de l’Europe
et la Commission des Communautés en ce domaine. Il y a énormément
à faire à cet égard et toutes les initiatives doivent être et seront
les bienvenues, je le dis au nom du Conseil. Nous devons prendre
garde à ce que la crise économique et sociale du secteur culturel
ne dégénère pas en crise de culture. Cela, le Conseil de l’Europe
et la Communauté doivent s’employer ensemble, chacun dans sa mesure
et dans la limite de ses compétences, à l’empêcher.
M. KARASEK (Autriche) (traduction)
Je vous remercie,
Monsieur le ministre, d’avoir répondu à cette question.
Je ne suis pas entièrement convaincu, néanmoins, qu’il n’existe
pas un certain risque de double emploi, comme par exemple dans le
domaine qui a été mentionné des droits d’auteur, où le Conseil de
l’Europe a déjà accompli certains travaux préparatoires et devrait
pouvoir arriver à une unification, en Europe, dans le cadre le plus
large possible. Il serait très souhaitable que l’on parvienne, pour
ces questions, à une certaine délimitation des champs d’activité
avec les Communautés.
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Monsieur le Président,
je crois que ce n’est pas tellement une question complémentaire,
c’est un ajout, une déclaration de l’honorable député. Je dois dire
qu’il a mentionné ici le point de rencontre, de friction, où les
deux cercles risquent de se rencontrer. J’en prends note et je veillerai,
dans la mesure de mes moyens, à ce que cela soit pris en considération.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous
remercie, Monsieur le ministre. La cinquième question est de M. Ménard.
J’en donne lecture:
«M. Ménard,
Considérant que le Comité des Ministres, soutenu par l’Assemblée
du Conseil de l’Europe, a adopté une Convention européenne pour
la répression du terrorisme;
Constatant que le Conseil des ministres des Neuf élaborerait
simultanément un accord analogue;
Rappelant que les neuf États membres de la CEE sont également
membres du Conseil de l’Europe,
Demande au Président du Comité des Ministres, eu égard aussi
à sa qualité de grand spécialiste et praticien de la construction
de la CEE:
a. quelles nécessités précises ont rendu souhaitable l’élaboration
d’un texte communautaire, alors même que certains pays de l’Europe
des Neuf se sont déclarés très satisfaits de la convention européenne,
comme le prouve le fait qu’ils en ont pratiquement mené à terme
la procédure de ratification;
b. s’il estime qu’une telle procédure est de nature à rendre
les rapports entre l’Europe des Neuf et l’Europe des Vingt aussi
harmonieux, confiants et efficaces qu’ils devraient l’être.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
En tant que Président
en exercice du Comité des Ministres, je ne peux que me féliciter
d’une initiative prise par le Conseil dans la lutte contre le terrorisme,
tout particulièrement de l’ouverture à la signature de la convention
à laquelle l’honorable parlementaire a bien voulu faire allusion.
S’il n’est malheureusement pas tout à fait exact de dire que les
procédures de ratification sont pratiquement menées à terme, je
crois savoir qu’à part les deux gouvernements qui ont déjà déposé
les instruments de ratification, plusieurs gouvernements, parmi
lesquels les membres de la Communauté, se préparent à ratifier la
convention dans des délais rapprochés, ce dont je ne peux que me
réjouir.
En ce qui concerne le projet d’accord envisagé dans le cadre
communautaire, je pense qu’une telle action, si elle s’insère pleinement
dans le cadre de la convention européenne et ne fait pas obstacle
à l’application de celle-ci par le plus grand nombre possible de
membres du Conseil de l’Europe, pourrait faciliter la résolution visée
par la convention.
Dans ce contexte, je me permets de rappeler les prises de
position du Parlement européen qui s’est en effet, à deux reprises,
exprimé en faveur d’une ratification de la convention européenne
par les gouvernements des Neuf. J’ajouterai qu’un des membres de
la Communauté n’a pas signé la convention du Conseil de l’Europe, comme
vous le savez. Il y a lieu d’espérer que les travaux des Neuf auront
l’avantage de permettre de trouver une formule qui soit également
acceptable par le pays en question.
M. MÉNARD (France)
Je vous remercie,
Monsieur le ministre, de votre réponse, qui me donne satisfaction. J’étais
un peu inquiet. Il semblait y avoir discordance ou manque de coordination
entre le Comité des Ministres des Vingt et le Conseil des Ministres
des Neuf. Mais votre réponse semble indiquer qu’il n’en est rien.
Je vous en remercie.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Merci
beaucoup, Monsieur Ménard. La sixième question est posée par M. Pelletier.
J’en donne lecture:
«M. Pelletier,
Constatant que la jurisprudence récente de la Cour de justice
des Communautés européennes, à la suite de l’arrêt de principe dans
le cas Nolde, tout comme les récents travaux du Parlement européen,
illustrés notamment par le rapport Scelba sur les droits spéciaux,
tendent à montrer que la défense des droits de l’homme est de plus
en plus considérée comme de la compétence des institutions communautaires;
Constatant que, par une déclaration commune du 5 avril 1977,
le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont consacré
formellement cette tendance,
Demande au Président du Comité des Ministres:
a. s’il ne pense pas que la création de deux ordres juridictionnels
distincts, dont les compétences se chevauchent, risque de soulever
certains problèmes;
b. s’il ne pense pas en outre que, les méthodes de saisine,
les pouvoirs de décision et les jurisprudences des deux Cours étant
très distincts, il faudra tôt ou tard aborder au fond ce problème,
et déterminer de manière plus précise la répartition des compétences
dans un domaine où la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg
a pourtant fait ses preuves depuis un quart de siècle.»
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Monsieur le Président,
je ne pense pas qu’il convienne de répondre, comme l’honorable parlementaire
m’invite à le faire, en termes de «compétence» – peut-être même
pensait-il en termes de «concurrence» – des uns par rapport aux
autres, c’est-à-dire la Communauté d’une part, le Conseil de l’Europe
d’autre part. Bien au contraire, en tant que Président en exercice
du Comité des Ministres, je ne peux que me féliciter de l’appui
que la Convention européenne des Droits de l’Homme a trouvé auprès des
instances communautaires, que ce soit par le biais de la déclaration
commune des organes de la Communauté du 5 avril 1977, dans une résolution
votée par le Parlement européen sur les droits spéciaux en novembre
dernier, ou encore de la jurisprudence de la Cour de justice.
Il s’agit finalement ici de la pénétration dans l’ordre juridique
communautaire de principes dégagés au sein du Conseil de l’Europe
et consacrés par la Convention européenne des Droits de l’Homme,
convention qui constitue, je le souligne, et qui continuera à constituer,
j’en suis sûr, quels que soient les développements sur le plan de
la Communauté, le lien par excellence entre tous les membres du
Conseil, membres ou non de la Communauté économique européenne.
Que cette évolution, si elle devait s’affermir, puisse un
jour poser des problèmes sur le plan de la technique juridique,
c’est possible, dirai-je à mon ami M. Pelletier. Mais pour le moment,
une telle hypothèse reste d’ordre théorique.
De toute manière, les membres de la Cour de justice de la
Communauté et ceux de la Cour des Droits de l’Homme ont depuis longtemps
des contacts continus, et je sais que ces contacts existent également
avec les services compétents du Secrétariat du Conseil de l’Europe
et ceux de la Commission de Bruxelles. Je pense que dans ce domaine
nous devrions tous nous en féliciter.
M. PELLETIER (France)
Je remercie Monsieur
le Président du Comité des Ministres de sa réponse, mais je crois
quand même qu’il risque de se poser à terme un problème. En effet,
nous assistons depuis quelque temps à l’élargissement des compétences
de la Cour de justice des Communautés européennes. Pour ma part,
je m’en félicite car cela prouve que, malgré les obstacles rencontrés,
l’intégration des neuf pays de la Communauté s’effectue progressivement.
Cependant, je crois tout de même qu’il peut y avoir à terme
certaines difficultés, car l’existence de deux juridictions distinctes
dont les compétences se chevauchent et se chevaucheront de plus
en plus risque de soulever certaines difficultés dans l’avenir.
Il faudra, je crois, tôt ou tard, aborder ce problème au fond
et déterminer de façon plus précise la répartition des compétences
dans un domaine où la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg
a fait ses preuves depuis près d’un quart de siècle. Je crois vraiment
que le Comité des Ministres, sous la conduite de son dynamique Président,
devra se pencher rapidement sur ce problème.
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Monsieur le Président,
vous comprendrez que je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit M. le
sénateur Pelletier. Je lui indiquerai seulement que je suis sensibilisé
à la question et, s’il y avait le moindre péril, comme il semble
le penser – on ne peut pas l’exclure à priori – ce problème mérite
qu’on s’en occupe aussi bien au niveau du Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe qu’au niveau du Conseil des Ministres de la
Communauté.
Pour ma part, je ferai tout ce qui est dans la mesure de mes
moyens pour qu’on se saisisse de ce problème et que l’on évite ce
double emploi.
M. LE PRÉSIDENT
Je vous
remercie, Monsieur le ministre.
Je rappelle à l’Assemblée qu’il reste sept questions et que
deux membres désirent participer au débat. Comme chaque intervention
doit durer sept minutes, vous comprendrez que même s’ils sont très
brefs, nos collègues qui ont demandé la parole ne pourront pas tous
obtenir une réponse du Président du Comité des Ministres. La parole
est à M. Péridier.
M. PÉRIDIER (France)
Ma question concerne
Chypre, mais comme vous allez le voir, dans un cadre tout à fait
particulier.
Pouvez-vous me dire pourquoi Chypre, qui est membre du Conseil
de l’Europe, au même titre que le Luxembourg et que tous les autres
pays représentés dans notre Conseil; pourquoi Chypre qui participe
au Comité des Ministres par l’intermédiaire de M. Christophides,
ministre des Affaires étrangères de Chypre; pourquoi Chypre qui
a un bureau dans cette maison, qui a participé financièrement à
l’établissement de cette maison où nous sommes heureux de nous trouver;
pourquoi Chypre ne peut pas avoir de représentant au Conseil de
l’Europe? Pourquoi n’a-t-il pas le droit de venir ici, lui qui est
membre du Conseil de l’Europe, défendre sa politique et ses intérêts
comme peut le faire à l’heure actuelle la Turquie?
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Cette
question intéresse en réalité non pas le Comité des Ministres, mais
le Bureau de l’Assemblée. Vous comprendrez, je l’espère, qu’y répondre
prendrait tout le temps dont on dispose pour les autres questions,
qui sont au nombre de sept.
M. PÉRIDIER
Monsieur
le Président, le Comité des Ministres a le droit d’intervenir auprès
du Bureau, car jusqu’à maintenant le Bureau ne nous a jamais expliqué
les motifs de cette interdiction à l’égard d’un pays qui est membre
du Conseil de l’Europe.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Si le
Président du Comité des Ministres désire répondre à la question,
rien ne saurait s’y opposer.
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Monsieur le Président,
je tenais à dire à cette honorable Assemblée qui connaît les compétences
limitées du Comité des Ministres et qui a eu beaucoup d’occasions
de s’en plaindre plus ou moins à juste titre, qu’elle doit savoir
ce que vous venez de dire, Monsieur le Président, que la question visée
par l’honorable sénateur – et je rappelle que ce n’est pas la première
fois que je l’entends intervenir dans ce domaine qui lui tient à
cœur – ne relève pas de la compétence du Comité des Ministres. Au
niveau de notre Comité, Chypre est représenté. Comme vous venez
de le dire, il y a eu des difficultés pour que l’Assemblée valide
les pouvoirs de la délégation chypriote. Ce n’est pas le Comité
des Ministres qui est intervenu et je vois mal l’Assemblée où certains
de ses membres demandant au Comité d’intervenir dans ses compétences
alors que par ailleurs elle aurait souvent et très légitimement
tendance à faire le contraire. Alors ne me demandez pas de faire
ce que demain vous me reprocheriez.
Personnellement et, j’en suis sûr, mes dix-neuf autres collègues
aussi voudraient qu’entre les deux communautés ethniques et grâce
à vous, Mesdames, Messieurs de l’Assemblée, se trouve le consensus permettant
de valider et d’accepter les pouvoirs d’une délégation chypriote.
C’est là mon désir personnel. Cela répond à notre Statut, cela répond
à nos vœux, mais ce n’est pas ma faute si ce n’est pas le cas actuellement.
Sir Frederic BENNETT (Royaume-Uni) (traduction)
Si je puis
poser ma question en deux parties, je m’engage à ne pas en poser
d’autres.
Nous savons qu’il y a eu jusqu’à présent à Helsinki et à Belgrade
plusieurs tentatives d’harmoniser les positions des pays membres
de la CEE.
Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe s’est-il efforcé,
lui aussi, de parvenir à un consensus quelconque? M. Thorn pense-t-il
que le Comité des Ministres ferait mieux entendre sa voix dans les conférences
internationales de ce genre si les membres de cette Assemblée étaient
élus au suffrage direct au lieu d’être désignés?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
En ce qui concerne
les Conférences d’Helsinki et de Belgrade, il y a effectivement
au niveau gouvernemental la procédure à neuf que vous venez de signaler,
mais nous, aussi bien au niveau de nos représentants qu’à celui
du Comité des Ministres, nous essayons de dégager un consensus à
vingt, c’est-à-dire pas au niveau que vous imaginez puisque, ainsi
qu’il est apparu ce matin lors du discours de M. Kirchschläger et
des questions qui lui ont été adressées, cette Assemblée comprend
des pays dits alignés, d’autres qui ne le sont pas et d’autres qui
sont neutres, mais cependant fidèles à notre appartenance commune
au Conseil de l’Europe; nous essayons au niveau gouvernemental de
dégager une position commune et nous restons en contact les uns
avec les autres.
En ce qui concerne le deuxième point que vous avez abordé,
je souhaiterais que vous précisiez votre question.
Sir Frederic BENNETT (traduction)
En disant que je ne poserai pas d’autres questions, j’essayais
d’accélérer les choses.
Le Comité des Ministres se considérerait-il comme menacé s’il
adoptait une position commune sur des problèmes comme celui-ci face
à une Assemblée élue, et non pas désignée?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
A titre personnel,
j’estime que cela ne changerait pas la dimension du problème. J’ai
entendu ce matin la question posée à M. Kirchschlâger en ce qui
concerne une nouvelle élection. J’estime que certains pays membres
de la Communauté ont déjà suffisamment de difficultés en ce qui
concerne celle du Parlement européen, pour ne pas en ajouter en
leur demandant d’élire encore d’autres assemblées.
Si nous devions demain procéder à l’élection de l’Assemblée
du Benelux, du Parlement européen, du Conseil de l’Europe et du
Pacte atlantique, il risquerait d’y avoir inflation dans ce domaine.
Il est essentiel qu’il y ait une élection qui renforce les
pouvoirs d’une assemblée là où elle a un pouvoir de décision vis-à-vis
des exécutifs. Mais ce problème, pour si intéressant qu’il soit,
n’apparaît pas dans la même mesure pour les assemblées où ce pouvoir
n’existe pas.
M. CHRISTIANSEN (Danemark) (traduction)
Je voudrais
demander au ministre ce qu’il adviendra du projet de recommandation
du Conseil de l’Europe sur la sécurité des correspondants à l’étranger.
D’après ce que je sais, il est impossible de relancer la question.
Si tel est le cas, le ministre est-il partisan qu’elle soit inscrite
dans la troisième corbeille de la CSCE?
Enfin, en tant que membre de la Communauté, le ministre a-t-il
une suggestion à formuler quant à la date définitive des élections
au Parlement européen?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Pour ce qui est
du Conseil de l’Europe, un projet de convention européenne relative
aux correspondants étrangers a été examiné par le Comité des Ministres
au niveau des Délégués, début 1977. Ce projet a été renvoyé au Comité
directeur pour les droits de l’homme pour qu’il le mette au point.
Le Comité des Ministres ne manquera pas de tenir votre Assemblée
informée des développements ultérieurs.
En tant que ministre des Affaires étrangères du Luxembourg,
j’estime que ce problème est de ceux qui devraient être discutés
plus avant entre les pays participant à la réunion de Belgrade.
S’il y a des problèmes au sujet des correspondants de presse, ils
existent surtout du fait des politiques restrictives de certains
des pays faisant partie des Trente-cinq.
Une élimination de ces politiques et une réelle protection
des correspondants de presse sont donc l’objectif à atteindre dans
le cadre européen le plus large.
Vous m’avez également interrogé in fine sur la date possible
des élections européennes. Je suis particulièrement mal placé pour
y répondre en tant que Premier ministre du Luxembourg. Ce sont d’autres
de mes collègues qui seraient mieux placés pour le faire. Ne disposant
pas de boule de cristal, je ne puis vous dire quand ces élections
auront lieu mais les neuf chefs de gouvernement, lors du prochain
conseil européen, seront amenés à se pencher sur la question et
à décider d’une nouvelle date.
Sachez seulement que votre serviteur souhaite que cela ait
lieu le plus vite possible.
M. RADIUS (France)
Vous avez, lors
de votre visite à Vienne, indiqué que le Conseil de l’Europe a un
rôle particulier à jouer en tant qu’instrument de dialogue entre
l’Est et l’Ouest. A ce sujet, je vous poserai les trois questions
suivantes:
Pensez-vous que ce rôle ait été jusqu’à présent suffisamment
souligné?
N’estimez-vous pas que notre débat de l’année dernière aurait
dû débuter par des contacts constructifs entre membres des parlements
de l’Est et de l’Ouest?
Considérez-vous que votre Comité des Ministres fait suffisamment
preuve de volonté politique et d’initiative pour contribuer effectivement
à la détente?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Si j’ai bien compris
mon ami M. Radius, il me fait entendre de façon discrète que les
ministres devraient moins parler.
Je me permets de lui dire qu’interrogé par des journalistes
à Vienne j’ai indiqué très sincèrement les domaines où je voyais
plutôt un développement possible des activités du Conseil de l’Europe
par rapport aux Communautés et à d’autres institutions, où chacun
essaie de trouver son rôle à jouer.
M. Radius ne devrait pas me demander de porter un jugement
sur l’utilité des activités de cette Assemblée. C’est à elle qu’il
appartient de se manifester en ce sens.
Cette plus grande Europe que vous représentez, comme nous
en avons parlé depuis ce matin, et qui inclut des neutres, des non-alignés,
d’autres encore, devrait essayer, si elle le souhaite – toujours
d’après mon avis personnel – de définir sa politique, ses vues,
ses objectifs. Si l’Assemblée souhaite aller au-delà et être plus qu’un
pont entre d’autres pays, elle trouvera les voies et moyens nécessaires.
Personnellement, je l’encouragerai dans cette voie aussi longtemps
que nous resterons tous attachés à la détente, à l’ouverture vers
d’autres pays, mais aussi – ne nous méprenons pas sur ce point –
à la défense stricte des principes qui nous sont communs et que
nous n’entendons pas voir diluer.
M. MÜLLER (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)
Monsieur le Président, vous avez indiqué tout à l’heure que l’élection
directe du Parlement européen pourrait donner une heureuse impulsion
à l’Europe. Concrètement, ma question est la suivante: la fixation
d’une date pour ces élections et le report constant de cette date
ont-ils été favorables ou préjudiciables au processus d’unification?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
M. Müller, comme
tous les gens intelligents, pose seulement les questions dont il
connaît déjà les réponses! (Sourires)
Je crois, effectivement, qu’à partir du moment où on a décidé
que des élections européennes étaient nécessaires, essentielles,
et contribueraient au renforcement de l’unité européenne, le fait
de se refuser à les organiser ou à les reporter n’est pas particulièrement
favorable à l’œuvre d’intégration européenne. Telle est la réponse
sans équivoque que j’apporte à la question posée.
En disant cela, je ne veux pas porter de jugement sur les
raisons qui ont poussé tel ou tel gouvernement ou telle ou telle
assemblée souveraine à ne pas procéder à ces élections. Après vingt
ans, le péril ne réside pas tellement dans le report de un, deux
ou trois mois de ces élections, mais bien plutôt dans le fait qu’il
a fallu presque vingt ans pour aboutir à un accord de principe sur
ces élections et qu’une fois cet accord conclu on n’ait pas réussi,
après deux ans, à le mettre en pratique.
Plus grave encore: la réalité même de ces élections risque,
éventuellement, d’être remise en question et ce, par suite d’événements
qui pourraient survenir entre-temps.
En reportant ainsi éternellement la concrétisation des espérances
des populations européennes, espérances contenues dans le traité,
on risque de rendre l’Europe encore plus difficilement compréhensible
aux citoyens.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous
remercie, Monsieur le ministre.
Il nous reste encore deux minutes, après quoi le ministre
devra nous quitter. Il serait vain de nous lancer dans une discussion
alors que le ministre n’entendrait qu’une partie de l’exposé du
premier orateur. Nous ferions bien, semble-t-il, de procéder à cette
discussion à la première occasion, mais non pas aujourd’hui. Est-ce
aussi l’avis de l’Assemblée? En l’espace de deux minutes, il est
impossible d’entendre un orateur et la réponse du ministre. La parole
est à M. Coutsocheras.
M. COUTSOCHERAS (Grèce)
Monsieur le Président,
permettez que la séance continue afin que M. le Premier ministre
du Luxembourg puisse encore répondre à la question que je lui ai
posée en qualité de Représentant grec.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous pouvons
continuer, mais le ministre doit partir. Je l’ai déjà expliqué:
nous ne pouvons le retenir.
M. COUTSOCHERAS
Dans votre exposé, vous avez, Monsieur le Premier ministre,
dit votre foi dans la protection des droits de l’homme.
Après la décision prise le 21 octobre 1977, par le Comité
des Ministres, concernant la suite à donner au rapport de la Commission
des Droits de l’Homme concernant la violation de la convention européenne
par les autorités turques à Chypre, l’examen de cette affaire a
été suspendu pour une période de neuf mois. Aucune décision n’a
été prise bien que le rapport ait été soumis au Comité depuis un
an.
N’estimez-vous pas, Monsieur le Premier ministre, que cette
attitude est tout à fait contraire à l’esprit et à la lettre de
l’article 32 de ladite convention? Au surplus, cette attitude étant
motivée par des raisons politiques, n’ébranle-t-elle pas dangereusement
le système de protection des droits de l’homme au détriment, également, du
prestige et de l’efficacité du Conseil de l’Europe?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Je vous remercie
de tous vos efforts. Je ne peux que vous renvoyer à la réponse que
j’ai donnée à M. Margue et à M. Molin tout à l’heure, s’agissant
du même problème.
Je vous ai dit que cette délibération était secrète. Je ne
peux donc pas en dire davantage. Dans la mesure où elle a été prise
en application et dans le respect des règlements, quelles que soient
les conséquences, je ne peux pas accepter qu’elle soit contraire
à l’esprit des-dits règlements. Elle ne l’est pas.
Pour le reste, je me permets de vous renvoyer, je le répète,
à mes explications de tout à l’heure. Je reste à votre disposition
et j’espère pouvoir vous en dire davantage à notre prochaine réunion.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous
remercie. Monsieur le Président du Comité des Ministres, j’ai deux
orateurs sur ma liste: MM. de Koster et Otero Madrigal. Vous reste-t-il
assez de temps pour les entendre?
(M. Thorn fait un signe d’assentiment.)
La parole est à M. de Koster.
M. de KOSTER (Pays-Bas) (traduction)
J’ai écouté
avec beaucoup d’intérêt l’allocution du Premier ministre du Luxembourg,
en particulier ce qu’il a dit sur l’harmonisation des positions
et des votes à l’Assemblée des Nations Unies. Je voudrais savoir
ce qui a été décidé sur la manière d’améliorer la coordination entre
les Etats membres. Une réponse à cette question nous permettrait
de déterminer dans quelle mesure il sera donné suite à la recommandation
que la commission des questions politiques doit présenter demain
sur l’incidence des droits de l’homme dans les relations internationales.
Les résultats de ces échanges de vues sur les droits de l’homme
et les questions connexes relevant des Nations Unies seront-ils
transmis de Strasbourg à New York, et les délégations de nos Etats
membres y donneront-elles suite aux Nations Unies? Bien que l’on
constate souvent une certaine identité de vues sur les valeurs fondamentales
dont dépend l’ordre public dans les Etats membres du Conseil de
l’Europe, il est fréquent que ces derniers votent de façon divergente
à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Enfin, j’ai l’impression que la grande majorité des Etats
membres des Nations Unies s’intéressent tout particulièrement aux
droits socio-économiques collectifs, alors que le Conseil de l’Europe
semble avoir accordé plus d’attention jusqu’à présent aux droits
civiques et politiques.
Le Premier ministre considère-t-il que nos Etats membres ont
la faculté de s’intéresser davantage à la protection des droits
économiques et sociaux dans le cadre du Conseil de l’Europe, tout
en accordant la même attention que par le passé à la défense des
droits civiques et politiques dans le contexte des Nations Unies?
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Je crois devoir
répondre à l’honorable M. de Koster qu’effectivement il y a consultation
et échanges de vues entre les membres du Conseil de l’Europe, sur
ces problèmes politiques, mais, comme vous l’imaginez, vu nos objectifs
légèrement différents, il y a encore, oserai-je dire, plus de difficultés
à trouver des positions communes à vingt qu’à neuf, où nous en avons
déjà pas mal. A titre d’exemple, la semaine prochaine nos représentants
au niveau des ambassadeurs se rencontreront pour échanger leurs
vues sur des problèmes politiques et pour essayer de dégager des
vues communes.
A ce stade de la discussion, le maximum est fait, sur la base
des traités qui sont les nôtres. Mais j’ajouterai personnellement
que peut-être les répercussions ne sont pas ce qu’elles devraient
être. En effet, au niveau des ministres, des ambassadeurs et des
représentants permanents, il y a échanges de vues, mais aucune répercussion
n’est donnée à l’extérieur, par exemple aux Nations Unies à New
York.
Je me permettrai de préconiser, sans vouloir engager de procédures
contraignantes, qu’on demande à celui de mes successeurs qui exercera
la présidence du Comité des Ministres, lorsqu’il préparera un échange
de vues, d’en tenir au moins régulièrement informés les représentants
diplomatiques, au niveau des Nations Unies ou ailleurs, afin que,
s’il y a échange de vues au niveau des membres du Conseil de l’Europe
– sans que pour autant une position soit arrêtée dans le détail
et qu’un texte contraignant engageant les Vingt soit pris – on le
sache à l’extérieur.
Je pense qu’ainsi, pas à pas, on pourra améliorer la procédure.
Personnellement, je me suis déjà assez avancé dans mon discours
de tout à l’heure. Ainsi on pourra faire droit à votre demande dans
le cadre des discussions que nous serons amenés à avoir sur la base
des propositions de M. Henri Simonet.
M. OTERO MADRIGAL (Espagne) (traduction)
Je suis heureux
de me trouver dans cette magnifique ville de Strasbourg et je remercie
le Conseil de l’Europe pour l’accueil qu’il nous a réservé. Je saisis
l’occasion qui m’est offerte pour remercier M. Thorn, Président
en exercice du Comité des Ministres, des paroles très amicales qu’il
a prononcées envers notre pays et de l’accueil fait à la délégation
espagnole auprès du Conseil de l’Europe.
Nous aimerions également remercier tous les autres membres
de cette Assemblée. Nous aimerions mettre l’accent sur le fait que
si nous voulons interpréter les sentiments des délégués espagnols
auprès de l’Assemblée – et je crois ici être l’interprète de tous
les partis politiques représentés – nous soutenons tous les propos
de M. Thorn concernant le renforcement de l’Europe.
Maintenant, comme à tout autre moment décisif dans l’histoire,
l’Europe a besoin de toutes les bonnes volontés, de toute l’imagination
afin de poursuivre le chemin que d’autres grands Européens ont tracé
à notre intention.
L’un de mes compatriotes, hier, a cité M. Monnet et M. de
Madariaga. Nous, Espagnols, ferons tout ce qui est en notre pouvoir
en vue de promouvoir l’idée d’une Europe unie dans tous les pays.
M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg
Je ne peux que
remercier l’honorable parlementaire et vous remercier aussi, Monsieur
le Président.