Nicolae

Timofti

Président·e de la République de Moldova

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 3 octobre 2012

Monsieur le Président, monsieur le Secrétaire Général, madame la Secrétaire Générale adjointe, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, c’est un honneur pour moi d’être parmi vous pour prendre la parole au nom du peuple de la République de Moldova. Nous sommes un petit pays aux ressources naturelles limitées, mais notre peuple est déterminé à construire une société prospère, moderne et démocratique.

Les évènements d’avril 2009 ont mis à l’épreuve les capacités nationales et les aspirations européennes de nos citoyens. Aujourd’hui, après trois années de gouvernance démocratique, je suis fermement convaincu que la voie européenne choisie par le peuple de la République de Moldova est irréversible.

C’est pourquoi je souhaite vous exprimer ma sincère gratitude, chers parlementaires, ainsi qu’au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au Secrétaire Général et à la Commission de Venise pour avoir suivi les évolutions de la République de Moldova. Je vous remercie tout particulièrement pour votre implication et votre contribution personnelle à la résolution de la crise constitutionnelle de mon pays.

« La persistance du conflit transnistrien porte préjudice à notre sécurité nationale et à notre intégrité territoriale, freine le développement économique et divise la société »

La coalition gouvernementale de la République de Moldova, intitulée l’Alliance pour l’intégration européenne, promeut des réformes visant à renforcer l’Etat de droit. Aujourd’hui, après une courte période, les changements dans notre pays sont devenus visibles. Nous nous concentrons sur la réforme du système judiciaire, nous encourageons les entreprises et nous luttons contre la corruption. Ces actions relèvent d’un cadre plus vaste qui requiert des efforts considérables, et parfois des sacrifices, mais nous sommes déterminés à faire aboutir ces réformes importantes pour le bien‑être de la République de Moldova.

Les évolutions démocratiques dans mon pays sont rendues possibles par l’appartenance de la République de Moldova au Conseil de l’Europe. Les normes et les exigences de l’Organisation nous ont aidés à mettre en place des réformes institutionnelles modernes. Nous souhaitons également que la République de Moldova devienne membre à part entière de l’Union européenne. Ainsi nos citoyens bénéficieront de conditions de vie meilleures, ce qui renforcera la sécurité au niveau régional et international et jettera les bases de la confiance et de la prospérité.

Mesdames et Messieurs, lors de l’adhésion de mon pays au Conseil de l’Europe, il y a 17 ans, la République de Moldova s’est engagée à respecter un certain nombre d’obligations au regard du renforcement de la démocratie et de la prééminence du droit, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Afin d’assurer la transformation démocratique de la société, nous avons adopté des mesures concrètes et créé un vaste cadre législatif permettant de mettre en œuvre les mécanismes appropriés pour l’application des réformes.

Après avoir identifié les lacunes du système judiciaire, il nous a semblé nécessaire d’adopter une stratégie de réforme du secteur de la justice pour la période 2011‑2016, afin d’assurer la viabilité et l’intégrité de ce secteur par le biais d’actions concrètes.

L’objectif global de cette réforme est que la justice devienne accessible, efficace, indépendante, transparente, professionnelle et responsable à l’égard de ses citoyens. Elle doit également satisfaire aux normes européennes, garantir l’Etat de droit et restaurer la confiance de la société dans l’appareil judiciaire.

Depuis le début de l’année, les premières lois mettant en place ces réformes ont été adoptées, y compris des mesures de lutte contre la corruption. Des procédures claires pour la sélection des juges et l’évaluation de leur performance ont été envisagées. La législation a été amendée pour pouvoir lever l’immunité des juges du fait d’actes de corruption et pour rendre l’activité des tribunaux et du Conseil supérieur de la magistrature plus transparente.

Nous œuvrons aussi à la réforme du ministère public et des autres structures chargées des enquêtes pénales, ce qui inclut le ministère de l’intérieur et la police.

Le projet de budget pour 2013 qui a été approuvé par le gouvernement la semaine dernière alloue 55 % de fonds supplémentaires à la justice. Ce sera le plus important budget pour le système judiciaire de toute l’histoire de la République de Moldova.

Sur la question des droits de l’homme, un dialogue structuré a été lancé en 2010 entre la République de Moldova et l’Union européenne. Des experts moldaves et des représentants des principaux acteurs internationaux tels que la Commission européenne, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et les Nations Unies ont apporté une contribution précieuse au développement de ce dialogue. Le soutien offert par le Conseil de l’Europe afin d’améliorer la situation des droits de l’homme a été extrêmement précieux, notamment grâce au processus engagé sur la base des priorités politiques du partenariat oriental. Celui‑ci offre une valeur ajoutée et renforce les synergies entre les deux organisations, y compris la pérennité des valeurs européennes.

Nous pensons que les programmes conjoints des deux organisations européennes ne peuvent que renforcer les transformations démocratiques. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont adopté un programme conjoint de soutien à la démocratie pour la République de Moldova, en avril 2009. Les progrès ont été rendus possibles depuis l’établissement, avec le soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, d’un conseil de la presse et l’élaboration d’un code de déontologie pour les journalistes.

Par la même occasion, des lois relatives à la liberté d’expression concernant la dénationalisation des publications périodiques publiques, ont été adoptées en se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elles sont une avancée importante pour les médias nationaux. Visant à obliger les autorités publiques à dénationaliser les journaux financés par les fonds publics, elles encouragent une concurrence équitable au sein de la presse écrite. Au cours des trois dernières années, la liberté d’expression a été un des premiers acquis des citoyens de la République de Moldova.

Notre gouvernement a placé les droits de l’homme au cœur de ses priorités. Nous estimons que les citoyens et leur prospérité sont une priorité. Nous avons bien sûr suivi de très près les événements en Afrique du Nord et au Proche‑Orient. Plus récemment nous avons constaté des actes d’intolérance, d’incitation à la violence, d’homophobie et d’islamophobie. Cela confirme une fois de plus l’importance de maintenir les droits de l’homme comme une de nos toutes premières priorités.

Le Conseil de l’Europe est une organisation très importante qui dispose des outils et des capacités pour agir en ce sens. Nous suivrons de près le premier Forum mondial pour la démocratie qui s’ouvrira dans quelques jours à votre initiative. Il mettra l’accent sur l’importance du dialogue, de la négociation et des compromis à trouver aux niveaux européen et mondial.

Pour le Conseil de l’Europe et ses membres, y compris la République de Moldova, une institution occupe le premier plan pour la défense de la justice et de l’équité: la Cour européenne des droits de l’homme. Des plaintes ont été déposées auprès d’elle par des citoyens moldaves. Elles ont contraint l’Etat à revenir à ses responsabilités premières afin de garantir le respect de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans ce contexte, je souligne que nous soutenons la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que les recommandations des conférences d’Interlaken, d’Izmir et de Brighton. Nous comprenons que la qualité de cette réforme dépend entre autres de l’activité du Conseil de l’Europe et de la volonté de chaque Etat membre d’assurer une protection effective des droits de l’homme au niveau national. Je pense à l’adoption de la loi concernant les normes internationales et européennes mais aussi à leur mise en œuvre et à leur respect.

C’est le cas de la République de Moldova. Je puis vous confirmer, au nom de la classe politique tout entière et des dirigeants, que nous avons cette volonté politique de respecter et d’appliquer les normes pour les droits de l’homme.

Le conflit transnistrien sape notre sécurité nationale, mine notre intégrité territoriale, entrave le développement économique et divise la société. Notre politique vise à promouvoir le dialogue et la confiance entre les deux rives de la rivière Nistru afin de réintégrer la Transnistrie dans la République de Moldova pour qu’elle retrouve son intégrité territoriale dans le cadre d’une perspective européenne claire.

La région de Transnistrie devrait bénéficier d’un statut spécial au sein de la République de Moldova afin d’offrir à la région un niveau confortable d’autogestion. Définir un statut spécial est une des tâches fondamentales des négociations politiques dans le format (5+2) qui devrait permettre de dégager un compromis acceptable en matière de souveraineté et d’intégrité territoriale de la République de Moldova. Le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer par le biais des mesures de confiance pour les deux rives de la Nistru. Nous sommes très reconnaissants aux Etats membres du Conseil de l’Europe du soutien accordé. Nous estimons qu’il est fondamental de transformer le mécanisme de maintien de paix militaire en mission civile internationale pour rétablir la confiance, plutôt que de séparer les deux partis. Nous souhaitons que l’OSCE, la Fédération de Russie, l’Ukraine, l’Union européenne, les Etats‑Unis combinent leurs efforts afin de trouver une solution définitive au conflit transnistrien pour sa réintégration dans la République de Moldova.

Les forces russes sont présentes sur le territoire de la République de Moldova sans le consentement de la nation hôte. À ce sujet, nous nous félicitons de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adoptée hier avec le rapport relatif au respect des obligations et des engagements de la Fédération de Russie, laquelle affirme la nécessité du retrait des troupes et des munitions russes du territoire de la République de Moldova.

Mesdames, messieurs, nous avançons sur la voie de l’intégration européenne et nous poursuivons les négociations sur l’accord d’association. Nous avons lancé cette année des négociations visant à créer une zone de libre‑échange approfondie et globale. Nous souhaitons respecter le calendrier arrêté et atteindre l’objectif ambitieux défini, à savoir mener à terme les négociations pour le prochain sommet du Partenariat oriental qui se tiendra l’année prochaine.

Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la libéralisation des visas. Nous sommes reconnaissants pour les résultats obtenus dans le cadre du partenariat pour la mobilité entre la République de Moldova et l’Union européenne. Nous invitons tous les Etats membres à rejoindre ce partenariat pour renforcer la coopération dans le domaine de la migration.

Nous sommes tout à fait conscients que nous aurons de meilleures perspectives au niveau européen si la République de Moldova remplit avec succès ses engagements pris lors de son adhésion au Conseil de l’Europe. La priorité de notre pays, en coopération avec vous, est toujours de finaliser le suivi pour arriver à un dialogue de post‑suivi. Sur la base de cet objectif et afin de suivre de près la mise en œuvre de chacune de nos obligations, le parlement de la République de Moldova a adopté le 13 juillet 2012, un plan d’actions sur le respect des engagements pris à l’égard du Conseil de l’Europe.

Ce document est d’abord un message adressé au Conseil de l’Europe: nous respecterons nos engagements et nous mènerons des réformes systémiques en dépit des conséquences de la crise financière mondiale. Cet exercice fournit une plate‑forme d’action dans laquelle chaque institution joue son rôle.

Nous comptons également sur le soutien de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à l’avenir, pour nous aider à mener à bien les réformes. Le moment est venu de passer à l’étape du post‑suivi. Il s’agit pour nous d’un objectif naturel. La République de Moldova a un véritable potentiel; elle mérite une approche différenciée, car ses citoyens doivent être assurés d’avoir un avenir et de trouver leur place dans l’espace des valeurs démocratiques européennes.

Personnellement, j’attends avec impatience la visite des corapporteurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en République de Moldova, car je suis convaincu qu’ils se rendront compte sur place des progrès accomplis et du fait que nous respectons nos engagements, comme l’Assemblée l’a d’ailleurs reconnu dans sa Résolution 1895 (2012).

Enfin, je félicite l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et ses parlementaires de leur travail, très apprécié des Etats membres, et je les remercie de promouvoir les valeurs fondamentales de notre Organisation. Nous devons poursuivre la réforme de l’Assemblée parlementaire afin de rendre celle‑ci plus efficace et plus visible. Nous devons conjuguer nos efforts pour offrir aux citoyens de nos pays un avenir meilleur.