Bamir

Topi

Président de l’Albanie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 23 janvier 2008

M. Topi remercie les membres de l’Assemblée pour leur invitation et félicite M. van der Linden pour la tâche qu’il a accomplie pendant sa présidence, à un moment où l’Europe connaissait d’importants bouleversements. Il souhaite par ailleurs bonne chance au nouveau président et l’assure de son plus entier soutien.

L’Assemblée parlementaire constitue la conscience de l’Europe. Le soutien que le Conseil de l’Europe a apporté aux jeunes démocraties de l’Europe centrale et orientale au début des années 90 s’est révélé décisif. En les associant à une véritable coopération parlementaire dans le cadre d’une grande Europe sans lignes de démarcation, l’Assemblée a conduit ces pays sur la voie de l’intégration à l’Union européenne. Les citoyens albanais et les responsables politiques du pays ont la volonté d’achever les réformes de la période de transition le plus rapidement possible afin que l’Albanie devienne une partie inséparable de l’Europe unie. L’adhésion de l’Albanie à l’Union constitue une priorité nationale, et fait l’objet d’un consensus politique fort et bénéfique du soutien total de l’opinion publique. En tant que Président de la République albanaise, M. Topi souhaite témoigner de l’unanimité des groupes sociaux et politiques du pays quant à la nécessité d’atteindre rapidement cet objectif. Le soutien constant et positif de l’Assemblée a permis à l’Albanie d’accomplir un travail de transformation résolu et dynamique, difficile mais nécessaire, sur la voie de la démocratie. L’assistance et l’expérience des autres pays du Conseil de l’Europe lui ont été précieuses.

L’Albanie a engagé avec détermination la réforme de l’administration publique, ainsi qu’une modification en profondeur du système judiciaire et du code électoral, de manière à respecter les normes européennes. Celles‑ci ne cessant d’évoluer et de s’améliorer, c’est bien sûr un défi important. Le pays a la volonté de mettre en œuvre les recommandations du Comité des Ministres pour ce qui concerne l’application de la Convention européenne des droits de l’homme au niveau national. M. Topi souhaite que la réforme judiciaire permette une éradication complète de la corruption dans son pays. Il travaille avec ardeur à l’instauration du pluralisme démocratique, par le biais d’un renforcement des débats de la société civile et d’une meilleure diffusion des médias. Le 5e programme de coopération entre le Conseil de l’Europe et la Commission européenne devrait permettre d’améliorer notablement le fonctionnement du système judiciaire en Albanie. La réforme du système électoral est également en cours et l’aide apportée par la Commission de Venise sur le sujet de l’immunité parlementaire s’est révélée très positive. Il s’agit de donner un meilleur cadre institutionnel à l’autonomie locale et régionale.

L’Albanie s’est engagée à mettre en œuvre la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales et a ouvert récemment une école de sciences politiques, qui favorisera la formation des élites du pays. La création de cette école représente un symbole important et ouvre une page nouvelle après des années de dictature. En ce qui concerne l’intégration de l’Albanie à l’Union européenne, le pays a passé la première étape de suivi et s’engage désormais dans le processus de post‑suivi, dans le cadre de l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union, ratifié par quinze pays. Le gouvernement albanais travaille d’arrache‑pied afin que chaque chapitre de cet accord soit respecté. C’est la condition pour que l’Albanie accède au statut de pays candidat. Elle souhaite appartenir à la grande famille européenne et y apporter son histoire, ses valeurs, son identité culturelle, dans un esprit de réelle diversité. L’unification de l’Europe ne sera pas achevée tant que les pays engagés dans le processus de stabilisation ne l’auront pas conduite à son terme.

M. Topi indique par ailleurs que les discussions entre l’Union européenne et l’Otan sont suivies de près par son pays, qui souhaite participer à un système de sécurité multilatéral. L’Albanie a la volonté de devenir membre de l’Otan et espère vivement recevoir une invitation pour le prochain sommet de Bucarest. Ce pays constitue l’un des rares cas dans lesquels les forces politiques et la population sont unanimes à soutenir l’adhésion à l’Otan. La démocratie a triomphé en Albanie quinze ans à peine après la fin de l’une des dictatures les plus dures de tous les temps. Le pays a déjà accompli une partie importante du processus d’intégration et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Si l’entrée dans l’Union européenne va dans le sens des intérêts nationaux de l’Albanie, elle permettrait également d’assurer la stabilité et la sécurité de la région en encourageant la confiance mutuelle et les relations de bon voisinage. L’Albanie est donc favorable à cette stratégie de coopération régionale. Elle se réjouit d’être un élément moteur de l’intégration régionale en raison, non seulement de sa situation géographique, mais aussi de l’exemple démocratique qu’elle constitue.

Le Kosovo demeure le dernier problème non résolu issu de la désintégration de l’ancien Etat artificiel qu’était l’ex‑Yougoslavie. La République d’Albanie est convaincue que la solution rapide pour le Kosovo serait l’indépendance qui apparaît nécessaire à la sécurité de ce pays comme de toute la région. Seul un Kosovo indépendant et démocratique, dans ses frontières actuelles, orienté vers l’intégration euro‑atlantique apparaît comme une solution durable et comme un facteur de paix, de stabilité et de prospérité pour les Balkans et au‑delà. Dans ce contexte, l’Albanie condamne toute tentative de partition qui raviverait les nationalismes dans les Balkans. L’Albanie est déterminée à respecter pleinement les frontières de ses voisins, y compris celles du Kosovo.

Les propositions du Président Ahtisaari constituent la seule solution de compromis pour ce cas unique. Elles offrent une solution juste, équilibrée, durable et réaliste et elle garantit le respect des droits des minorités. Elle a reçu le soutien de l’Union européenne, de l’Otan et de la majorité des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle ne garantit pas seulement l’intégrité territoriale du Kosovo, mais aussi l’intégrité fonctionnelle de ses institutions. Le Kosovo ne saurait demeurer l’otage d’un statut indéterminé. Si le Conseil de sécurité ne prend pas de décision, l’Union européenne, l’Otan et les Etats‑Unis doivent immédiatement prendre une initiative diplomatique en vue de l’application des propositions de M. Ahtisaari, afin que le nouvel Etat soit inclus dans la famille des nations et qu’il puisse avancer, conjointement avec les autres pays de la région, vers l’intégration dans l’Union européenne et dans l’Otan.

Depuis les dernières élections et la désignation d’un gouvernement de coalition, le Kosovo peut contribuer à l’apparition d’un nouveau paysage géopolitique dans la région et devenir un partenaire crédible des institutions européennes. Afin d’encourager la démocratisation et l’intégration dans la région, il faut encourager cet Etat.

Le monde est devenu beaucoup plus petit, non pas grâce aux nouvelles technologies mais en raison des nouvelles politiques intégrées et globales. L’Albanie est consciente de ces transformations essentielles qui modifient également les défis qui doivent être relevés. Face à des défis globaux, il faut réunir les énergies. L’Albanie joint ses efforts à tout ce qui est fait pour combattre la crise des valeurs, la pauvreté dans le monde, le terrorisme international, le crime organisé, la corruption, le trafic de drogue, les conflits ethniques ou religieux. Elle est pour cela forte de son expérience de cohabitation harmonieuse des religions sur le territoire albanais. Entre islam et chrétienté, catholique et orthodoxe, l’Albanie est un exemple vivant mais aussi une expérience porteuse d’espoir. Elle peut contribuer à la mise en œuvre des programmes stratégiques de l’Europe libre, une Europe sans conflits ethniques ou religieux, tournée vers les valeurs les plus profitables pour sa population.

L’idéal européen de Saint‑Simon n’est plus une utopie mais une réalité car les Etats rassemblés sont gouvernés par les principes de la démocratie, du droit à la liberté et à la justice, de paix, de vertu et de justice. Telle est aujourd’hui l’Europe. (Applaudissements)