Danilo
Türk
Président de la Slovénie
Discours prononcé devant l'Assemblée
jeudi, 1 octobre 2009

Monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, monsieur le Secrétaire Général, c’est un grand honneur pour moi que de m’adresser à vous le jour de la commémoration officielle du 60e anniversaire du Conseil de l’Europe.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est le berceau de la légitimité du travail politique du Conseil. L’Europe ne compte pas qu’une seule circonscription électorale. On dénombre toute une série de nations et de peuples. Il est essentiel que tous ces élus travaillent ensemble.
Je félicite M. Jagland pour son élection comme Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Il est confronté à un défi de taille. Il peut compter sur mon soutien et sur celui de tous les Etats membres, j’en suis convaincu. L’arrivée d’un Secrétaire Général dans une organisation insuffle une certaine dynamique et un regain d’optimisme.
Nous avons tous une responsabilité partagée pour relever les défis qui nous attendent. Mon intérêt pour les activités du Conseil de l’Europe est authentique. Il a été alimenté par mon travail en tant que défenseur des droits de l'homme, en tant que professeur de droit international, en tant que diplomate et en tant qu’homme politique. Je me suis efforcé de renforcer les valeurs phare de cette Organisation tant au niveau national qu’au niveau des Nations Unies.
On ne peut envisager le futur, sans comprendre le passé. Dès le départ, après les horreurs de la Seconde guerre mondiale, jusqu’aux premières années du XXIe siècle, au travers des défis que la société moderne lance, le Conseil de l’Europe a toujours travaillé de façon extraordinaire face aux événements dramatiques de l’heure. Il a joué un rôle essentiel dans la création de l’unité et de la sécurité du continent. Il a servi de bastion aux valeurs phare.
La chute du Mur de Berlin en 1989, constitue un jalon important de l’Europe. L’Organisation a joué un rôle particulier en se montrant la plus apte pour accueillir une nouvelle vague de démocraties afin de construire une nouvelle Europe. Des progrès de taille ont été réalisés. Aujourd’hui, nous sommes 47 à défendre la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Cet exploit mérite d’être célébré.
Pensons au passé récent, où nous avons assisté à des conflits graves et parfois dévastateurs, à l’intérieur des frontières des pays membres du Conseil de l’Europe. Certaines régions de la Grande Europe connaissent également des conflits qui n’ont pas encore été réglés. Mon pays, la Slovénie, a connu des moments difficiles. Nous avons vu également comment de tels différends peuvent et doivent être réglés. C’est pourquoi la poursuite d’une Europe unie doit rester la priorité du Conseil de l’Europe. Le monde d’aujourd’hui est incertain. Nous nous sommes adaptés aux défis du passé. Il faut être préparé à appréhender les nouveaux phénomènes. Le Conseil doit être confiant dans sa capacité d’adaptation.
Le Troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement a ouvert au plan politique la voie au Conseil pour qu’il puisse réaffirmer ses objectifs clés: préserver et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. C’est là que réside l’expérience du Conseil de l’Europe.
S’agissant du futur, on peut utiliser des outils précieux du Conseil de l’Europe. L’Organisation rassemble 47 gouvernements, accueille notre Assemblé et votre expérience collective très riche en tant que représentants élus des différents peuples. La base du Conseil et sa mission, ce sont les citoyens. Les représentants élus des citoyens doivent jouer un rôle de chefs de file pour élaborer la stratégie et la vie du Conseil.
Dans ce cadre, le Congrès constitue un forum unique pour les autorités locales et régionales. C’est une autre dimension du Conseil de l’Europe qui complète son architecture. Le rôle de ces autorités est essentiel à la base. L’Organisation a réservé une place unique aux ONG, ce qui complète sa légitimité. Dix ans après sa création, le Bureau du commissaire aux droits de l’homme est une institution très appréciée. Nous avons besoin de représentants aux droits de l’homme, nous avons besoin d’initiatives et le commissaire aux droits de l’homme incarne cette mission. Le Conseil de l’Europe est une organisation protéiforme. C’est la richesse de ses structures qui renforce son caractère particulier ainsi que son efficacité.
Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, c’est le joyau de la couronne. Mais il faut que ce joyau garde son lustre. Il doit bénéficier de notre attention ciblée et constante. Elle garantit aux citoyens le respect de leurs droits fondamentaux. On sait que la Cour bataille désespérément avec son arriéré judiciaire ce qui se comprend aisément avec l’élargissement du Conseil de l’Europe. Des mesures ont été décidées récemment à Madrid, dont l’adoption du Protocole 14 bis qui entre en vigueur aujourd’hui. Elles étaient nécessaires mais ne sont toutefois pas suffisantes Il est prioritaire d’assurer l’efficacité à long terme de ce mécanisme. Il faut que ce soit une priorité.
Le plus grand soutien que l’on puisse apporter à la Cour européenne des droits de l'homme, c’est de travailler inlassablement à l’amélioration de la protection des droits de l'homme à l’intérieur des Etats nationaux. C’est à l’intérieur des Etats membres que les violations des droits de l'homme interviennent et c’est là qu’il faut y porter remède. C’est là qu’une action préventive efficace doit avoir lieu. C’est là que chacun doit s’employer à respecter ses engagements.
Cela, qui ne vaut pas uniquement pour la mise en œuvre des arrêts de la Cour, suppose que l’on fasse attention à d’autres organes. Je pense notamment aux conventions, aux organes de suivi, à la commission contre le racisme et l’intolérance, au CPT, au Comité européen des droits sociaux, au Greta, au Comité consultatif pour la protection des minorités nationales. Tous ces organes contribuent à renforcer les dispositions en matière des droits de l'homme et ils assoient les garanties nécessaires au plan national. C’est à l’intérieur des Etats membres qu’une action percutante et décisive doit voir le jour. C’est vous les parlementaires qui pouvez apporter une contribution fondamentale à cette œuvre.
L’éducation, la sensibilisation, la tolérance, la non-discrimination, le pluralisme ethnique, l’intégration des immigrants sont autant de sujets indispensables pour développer une culture des droits de l'homme au sein des Etats membres. On formera ainsi des citoyens éclairés, qui connaissent nos principes et valeurs et qui sont disposés à les promouvoir pour les ancrer dans la réalité du terrain. La promotion d’une citoyenneté active à l’heure de la mondialisation est certainement un des défis les plus importants et l’Organisation peut y jouer un rôle essentiel. L’avenir de l’Europe n’est pas le consumérisme. Il est fondé sur ses citoyens, responsables, actifs et déterminés. Les responsabilités doivent être assumées par tous, gouvernement, parlementaires, autorités locales et régionales et ONG.
Si la nature du travail du Conseil de l’Europe est fondamentale, force est de constater que son action n’attire pas toujours l’attention de la presse ou d’autres acteurs. La presse fait partie de la société de consommation qui est la nôtre. Nous qui connaissons la valeur du Conseil de l’Europe, nous devons participer à sa promotion. Il faut parler de la liberté d’expression.
Je ne voulais pas entrer aujourd’hui dans des questions complexes liées à la démocratie, l’Etat de droit ou les droits de l'homme. Ces questions sont fondamentales pour l’avenir de l’Europe et du monde. J’ai juste voulu rendre hommage au Conseil de l’Europe, organisation qui prospère depuis plus de soixante ans et qui a «trimé» de manière parfois ingrate, pour apporter la paix démocratique et la sécurité sur notre continent. Il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que le Conseil de l’Europe, notre maison de la démocratie, poursuive son travail et continue à être le chien de garde des droits de l'homme sur le continent. J’espère que ce sera l’avenir du Conseil et je vous remercie de votre attention.