Radu

Vasile

Premier ministre de Roumanie

Discours prononcé devant l'Assemblée

lundi, 20 avril 1998

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, chers collègues, ce n’est pas sans une profonde émotion – que vous comprenez tous, j’en suis sûr — que je prends aujourd’hui la parole devant vous.

Je voudrais, avant tout, exprimer ma gratitude envers notre Présidente, Mme Leni Fischer, et mes anciens collègues du Bureau pour avoir permis au Premier ministre de la Roumanie, que je suis depuis seulement quelques jours, de vous adresser quelques brèves paroles qui seront à la fois un message d’adieu et d’espérance.

Vous le savez, toute nouvelle étape dans la carrière d’un homme politique représente à la fois une renonciation à ce qu’il fut et un nouveau départ: une ouverture vers ce qu’il sera, vers ce que l’on voudrait voir s’accomplir dans un avenir prévisible et, en tout cas, pas trop lointain!

En effet, le gouvernement, dont le Président de la Roumanie vient de me confier la direction, prend son essor dans des conditions dont il serait vain et surtout irréaliste de se dissimuler la difficulté. Le programme de gouvernement que j’ai eu l’honneur de présenter au parlement lors de mon investiture, la semaine passée, pourrait être qualifié métaphoriquement de «chemin sans retour» vers la démocratie et l’économie de marché. L’accélération de la réforme institutionnelle, la restructuration et la modernisation de l’industrie et de l’agriculture, l’intensification du processus de privatisation en vue d’assurer un niveau de qualité de vie décent à l’ensemble de la population dans le cadre d’une croissance économique durable et dans un esprit de véritable solidarité sociale ainsi que la mise en pratique de mesures aptes à regagner la confiance des jeunes dans leur avenir en sont les «points forts».

Surtout, il est essentiel de retenir que ce programme s’articule autour de deux grands axes de référence, de deux objectifs majeurs qui doivent guider son action au cours des prochaines années: d’une part, le positionnement de la Roumanie, dans la dignité, au sein du monde démocratique de l’Europe développée, ce qui signifie notamment la continuité des efforts en vue de la pleine intégration de mon pays dans les structures euro-atlantiques comme aboutissement logique de son ancrage définitif à la grande famille des démocraties occidentales; d’autre part, la réforme en profondeur de la société roumaine qui doit assumer pleinement la reconnaissance des valeurs morales, démocratiques et humanistes.

L’affirmation de ces principes de portée universelle nous ramène de plain-pied au système de valeurs autour duquel s’est bâtie notre Organisation. En y adhérant, le 7 octobre 1993, la Roumanie a épousé ces valeurs, les nôtres – démocratie pluraliste, respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit – et elle s’est engagée à réformer son système politique et institutionnel en conséquence.

Ces engagements, vous le savez, ont été, pour la plupart, respectés, même si une partie du chemin reste encore à parcourir. Le 24 avril 1997, c’est-à-dire voilà presque un an jour pour jour, notre Assemblée a reconnu ces efforts en votant la Résolution 1123 et la Recommandation 1326 par lesquelles elle clôturait la procédure de suivi à l’égard de la Roumanie. Cette décision a connu un grand retentissement dans l’opinion publique roumaine, sur laquelle elle a agi comme un stimulant puissant pour nous encourager tous, gouvernants et gouvernés, à poursuivre dans la bonne voie.

Si j’ai tenu à rappeler ces faits, connus de nous tous, c’est parce que cela fournit au Premier ministre qui est aujourd’hui devant vous l’occasion de renouveler solennellement ces engagements et surtout de vous assurer que tout ce qui reste encore à faire sera fait et que, sous ma direction, les engagements restants, tous les engagements librement assumés, seront scrupuleusement respectés.

En effet, pour nous, Roumains, le Conseil de l’Europe a été, est encore la «haute école» de la démocratie qui, par sa lucidité et son action vigilante, devait nous permettre de réintégrer cette grande famille à laquelle nous avons été brutalement arrachés pendant quarante-cinq ans.

«Quiconque a beaucoup vu peut avoir beaucoup retenu», disait le fabuliste. Moi-même, membre de cette Assemblée depuis 1997, j’ai effectivement beaucoup vu à votre contact. J’espère avoir aussi retenu au moins l’essentiel: un certain courage politique – un courage politique certain, serait plus exact – un savoir- faire extrêmement utile au représentant d’une démocratie émergente et surtout cette tolérance, ce respect de l’autre qui nous permet parfois de prêcher par l’exemple.

Dans le dur travail qui m’attend et qui engage à la fois mes compétences, mon expérience et ma conscience, profondément attachée aux valeurs que nous partageons tous dans cette enceinte, j’espère ne pas vous décevoir comme j’espère ne pas décevoir mes compatriotes, même si je peux me résigner à accepter, comme l’écrivait Anatole France, qu’«il n’y a pas de gouvernement populaire, car gouverner, disait-il amèrement, c’est mécontenter».

J’aurai, de toute façon, appris parmi vous et avec vous à mener un vrai dialogue durant lequel, comme le disait récemment le Président Emil Constantinescu, «au lieu de nous donner les uns aux autres des leçons, nous pourrions apprendre les uns des autres».

Madame la Présidente, mes chers collègues, j’espère ne pas avoir abusé du temps de parole qui m’a été généreusement accordé et ne pas avoir retardé plus que de raison l’ouverture officielle de vos travaux qui doivent, comme toujours, contribuer à bâtir cette Europe dont rêvait déjà Montesquieu lorsqu’il affirmait, avec l’optimisme du visionnaire, que «l’Europe est un Etat composé de plusieurs provinces».

Mais nous savons tous que l’Europe, telle que nous la voulons, est une œuvre de longue haleine. (Applaudissements)

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Je réitère mes vœux de succès à M. Vasile, à son gouvernement et à son pays.