Georges
Vassiliou
Président de la République de Chypre
Discours prononcé devant l'Assemblée
mercredi, 31 janvier 1990
Monsieur le Président, Madame le Secrétaire Général, Messieurs, Mesdames les parlementaires, Mesdames, Messieurs, permettez-moi tout d’abord d’exprimer mes sincères remerciements au Président de l’Assemblée pour son invitation à prendre la parole en ce lieu aujourd’hui. S’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – le premier parlement international du monde – dans cette capitale parlementaire européenne qu’est Strasbourg, est un honneur pour mon pays comme pour moi-même.
Les liens entre Chypre et le Conseil de l’Europe sont étroits et anciens. Chypre a adhéré au Conseil de l’Europe en mai 1961, six mois tout juste après la déclaration d’indépendance de 1960, qui mettait fin à plusieurs siècles de domination de l’île par des puissances étrangères. De par son riche patrimoine culturel et historique, essentiellement enraciné dans un hellénisme classique et enrichi encore par toutes sortes d’autres influences, Chypre fait partie intégrante de l’Europe dont elle est l’avant-poste en Méditerranée et le relais naturel vers le Proche-Orient. N’ayant ni tradition ni expérience en matière de gouvernement indépendant, la jeune république s’est, fort logiquement, beaucoup appuyée sur le Conseil de l’Europe, comme sur un conseiller et un guide, en particulier pour élaborer le cadre juridique dans lequel fonctionneraient les nouvelles institutions de l’Etat. Après 1974, en particulier, le Conseil a joué un rôle notable dans la survie économique de la République de Chypre, grâce à l’assistance apportée par le Fonds de développement social.
Dans le domaine tellement important des idées, on peut faire remonter à plusieurs siècles les liens entre Chypre et le Conseil de l’Europe, à travers l’ensemble des principes et des idéaux humanistes que le Conseil a pour mission de défendre et de promouvoir. Le stoïcien Zénon, l’un des philosophes de l’Antiquité classique dont la doctrine est la plus directement associée à l’origine du code des droits de l’homme que le Conseil défend, était un natif de Kition, à Chypre.
Je dois ajouter que, tandis que je prononce ce discours, je suis un peu gêné à l’idée que les penseurs grecs qui, avec hardiesse et imagination, ont exploré les domaines des valeurs spirituelles et de la nature physique, et jeté ainsi les fondations de la pensée philosophique et scientifique de l’Europe moderne, n’avaient que dédain pour le discours écrit et ses dérivés, par exemple, le discours préparé des hommes politiques. En tant qu’instrument de présentation des idées, l’argumentation écrite leur paraissait bien inférieure à l’improvisation orale. Ce point de vue est d’ailleurs exposé avec beaucoup de mordant et d’éloquence par Platon, dans ses dialogues.
J’espère qu’aujourd’hui vous en jugerez avec davantage de bienveillance que Platon. Mais ce grand philosophe avait raison de souligner que, alors que la parole peut évoluer librement et s’adapter aux circonstances, le mot écrit est figé, qu’il n’est qu’un substitut artificiel de la pensée vivante. Ce point de vue dérivait lui-même de cette conviction fondamentale qu’avaient les Grecs qu’il n’était nul besoin de fixer les lois par écrit, qu’elles fussent du domaine de la justice, de la morale, ou de la religion. Elles représentaient, pensait-on, non pas une contrainte à imposer de l’extérieur, mais une force libératrice surgissant d’elle-même du moi véritable et rationnel de l’homme. Ce n’est pas une coïncidence si les lois et les constitutions des premiers Etats grecs n’étaient pas écrites et si, le plus souvent, elles n’ont été codifiées par écrit que quand se sont amorcés la décadence et le déclin de la vie civique.
Dans le siècle où nous vivons, les ravages de guerres mondiales ont pratiquement détruit toute foi dans l’idéal d’un monde pacifique, juste et ordonné qui serait une création spontanée de la nature humaine. Désemparée par la destruction sociale et économique causée par la seconde guerre mondiale, l’humanité a éprouvé le besoin pressant de réitérer les codes de comportement écrits, de régler les relations entre les nations et de sauvegarder les droits de l’individu, si grièvement bafoués. Elle a également ressenti la nécessité d’organes collectifs pour promouvoir l’adhésion à ces codes.
Le Conseil de l’Europe, qui a été la première Organisation politique intergouvemementale à voir le jour après la seconde guerre mondiale, s’est créé pour répondre à ce besoin. Son principal objectif était de favoriser l’unité de nations européennes en conflit, sur la base de cet ensemble d’idéaux communs qui constitue l’essence de l’identité européenne. Parmi ces idéaux se détachent ceux de liberté, d’égalité et de dignité de la personne humaine, et les valeurs de la démocratie pluraliste.
Comme l’a si bien dit le Président Mitterrand, dans le discours qu’il a prononcé devant cette Assemblée en mai dernier:
«L’identité de l’Europe, ce qui donne à notre civilisation sa portée dans le monde, repose sur les valeurs à partir desquelles le Conseil de l’Europe a fondé son action... les libertés, toutes les libertés; les droits de l’homme, tous les droits de l’homme.»
Nous avons eu l’an dernier la fierté de nous joindre à la France pour rendre hommage à ces valeurs, lors de la célébration du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Rien ne saurait mieux mettre en évidence le patrimoine humaniste commun de l’Europe que les changements politiques stupéfiants auxquels nous assistons actuellement. Si dramatiques qu’ils soient, ces changements tiennent aux principes humanistes qui caractérisent la culture et l’éducation européennes, ils en sont la conséquence naturelle. Unies par les idéaux communs des droits de l’homme et de la démocratie, les nations européennes progressent vers l’unité sous le toit unique de la maison commune européenne dans laquelle tous peuvent vivre dans la paix, le respect d’autrui et la prospérité.
Bien que ces événements aient pour épicentre l’Europe continentale, ils revêtent une importance capitale pour l’humanité tout entière. Non seulement toutes les grandes guerres du passé ont pris naissance en Europe, mais la division du continent qui a suivi la seconde guerre mondiale a abouti à deux conceptions radicalement différentes de tous les problèmes – politiques, économiques, culturels ou humanitaires. Ce qui est le plus important c’est que le démantèlement des barrières comme le mur de Berlin et la mise en route du processus de réforme démocratique dans une série de pays européens – réforme pacifique dans tous les pays à l’exception de la Roumanie – ont démontré que, même dans la situation de conflit apparemment la plus rigide, il ne faut jamais abandonner l’espoir d’un rapprochement et d’une amélioration. Ce message revêt une importance particulière et constitue une raison d’espérer pour Chypre et son peuple, enfermés depuis une décennie et demie dans une situation de confrontation et de division imposées.
Toutefois, l’évolution de la situation a également son côté sombre. Il s’agit de la résurgence du nationalisme, force qui, à d’autres époques et dans d’autres situations, a joué un rôle constructif dans la consolidation et la sauvegarde des droits des nations et des peuples, mais qui aujourd’hui a pris l’aspect destructif du chauvinisme. Nous autres, à Chypre, sommes particulièrement sensibles à cette évolution, car nous avons payé le prix du chauvinisme et nous savons combien ce prix est élevé. Il est impératif que nous comprenions tous que le nationalisme chauvin n’est pas le patriotisme et que rien de bon ne peut sortir de la recherche de la prospérité et du progrès d’un groupe ethnique au détriment d’un autre.
Le nationalisme extrême de ce genre peut être exacerbé par d’autres problèmes qui accompagnent la phase transitoire de reconstruction, en particulier les problèmes économiques. Comme l’a confirmé le Sommet de Malte des superpuissances, la guerre froide est terminée. Un effort conscient est toutefois nécessaire, si l’on ne veut pas que lui succède une guerre chaude dont les conséquences ramèneraient l’Europe non pas des années, mais des siècles en arrière. Je suis convaincu que l’on peut espérer que nous échapperons aux scénarios de catastrophe prédits par les «Cassandre» politiques. Une grande source d’espoir vient de l’initiative visant à créer une banque européenne pour financer la reconstruction de l’Europe de l’Est. Cependant, la solution ne réside pas dans la seule aide budgétaire; le secteur privé doit compléter cette assistance par des investissements directs, par des entreprises conjointes en particulier, car seule une coopération économique étroite à tous les niveaux peut cimenter les fondations de la maison commune européenne.
Outre l’examen des modalités de la coopération et de l’assistance dans le domaine économique, le dialogue est nécessaire pour envisager la coopération politique future.
Nous appuyons vigoureusement la proposition faite par M. Mikhaïl Gorbatchev, Président de l’Union Soviétique, dont la métaphore visionnaire de la maison commune européenne devient maintenant une perspective réaliste, de réunir une deuxième conférence d’Helsinki et nous espérons que cette conférence pourra avoir lieu le plus tôt possible.
Le Conseil de l’Europe, du fait de l’étendue de son aire géographique, qui englobe la Communauté européenne et l’Association européenne de libre-échange, les pays neutres et non alignés et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, pourrait également fournir une tribune extrêmement utile pour débattre des problèmes liés au processus de reconstruction politique et économique de l’Europe.
L’utilité du Conseil de l’Europe va même plus loin. Pour poursuivre la métaphore de la maison commune européenne, pour construire un édifice, il faut non seulement des matériaux solides et des ouvriers compétents mais aussi des plans bien conçus. Il ne saurait y avoir de meilleur canevas pour ces plans que le cadre juridique élaboré par le Conseil de l’Europe au fil des années pour sauvegarder les idéaux européens élevés que sont la dignité de l’homme et la démocratie. Il ne fait pas de doute que l’aspect le plus important de l’œuvre du Conseil est le domaine des droits de l’homme. La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et les mécanismes uniques que sont la Cour et la Commission européennes des Droits de l’Homme représentent des jalons importants sur la route qui mène à un monde plus juste. En outre, le Conseil a défriché un vaste terrain dans une multitude d’autres domaines – social, économique, de la santé, du travail, culturel, juridique et judiciaire, pour en citer seulement quelques-uns.
Chypre intervient activement dans le cadre des instances et des institutions européennes. Nous sommes membres depuis longtemps du Conseil de l’Europe; nous avons passé avec la Communauté européenne un accord d’union douanière qui constitue la relation la plus avancée entre un pays tiers et la CEE; nous sommes des membres actifs du groupe des pays neutres et non alignés, nous avons joué un rôle important dans les négociations de Vienne sur la sécurité et la coopération en Europe. Chypre participe ainsi, dans les limites de ses possibilités et de ses ressources, à l’effort de construction de la maison commune européenne.
Monsieur le Président, depuis les quinze dernières années, la République de Chypre et sa population souffrent d’une situation qui représente une grave violation du droit international ainsi que des codes et conventions existants sous l’angle du respect des droits de l’homme, notamment la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Cette situation résulte de l’invasion militaire en 1974 de la République de Chypre par la Turquie qui a utilisé pour prétexte le coup de la Junte grecque contre le Gouvernement de Chypre, ainsi que de la saisie par la force et de l’occupation d’environ 40 % du territoire de la République par les forces armées turques. La Turquie continue d’occuper ce territoire aujourd’hui.
Les communautés chypriote grecque et chypriote turque de l’île demeurent séparées par la force par une ligne de démarcation militaire pratiquement imperméable qui divise Chypre en deux parties. Les Chypriotes grecs qui ont été forcés de fuir leurs foyers et leurs biens en 1974 ne peuvent y retourner. Dans le secteur occupé, il y a eu un effort concerté pour modifier l’équilibre démographique, avec introduction sur une grande échelle de colons en provenance de Turquie. Les monuments culturels et religieux sont pillés et profanés.
La Turquie se refuse à retirer ses troupes de Chypre nonobstant les nombreuses résolutions des Nations Unies demandant le retrait des troupes étrangères de la République et la fin de l’ingérence étrangère dans ses affaires. De même, les décisions de la Commission européenne des Droits de l’Homme, devant laquelle Chypre a introduit un recours selon lequel la Turquie – membre fondateur du Conseil de l’Europe – a violé des articles fondamentaux de la Convention européenne des Droits de l’Homme à Chypre, sont restées lettres mortes.
A ce propos, j’aimerais dire combien nous avons apprécié les efforts de l’Assemblée qui a consacré énormément de temps à la question chypriote. Les résolutions de l’Assemblée ont préconisé, outre le retrait des troupes turques, la sauvegarde de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de Chypre et le retour des réfugiés dans leur foyer. Des missions d’enquête ont été menées sur les réfugiés et les disparus, et, plus récemment, sur la destruction de notre patrimoine culturel. Le groupe de contact sur Chypre, que je suis impatient de rencontrer demain, a abordé le problème avec un grand sens des responsabilités.
Je n’énumère pas ces faits pour condamner stérilement Ankara et m’appesantir sur le passé. Je crois vraiment qu’il faut regarder vers l’avenir, en ne tenant compte du passé que dans la mesure nécessaire pour éviter de répéter les erreurs commises. Chypre ne peut vivre dans la paix et la justice sans un effort conscient de la part de tous les intéressés pour pardonner ce qui doit être pardonné et pour oublier ce qui doit être oublié.
Je viens donc ici aujourd’hui, non pour croiser le fer avec la Turquie, mais pour l’inviter à faire face à ses responsabilités et à ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe, et, comme prétendant à la qualité de membre de la Communauté européenne, en intervenant activement pour aider, et non pour entraver l’effort, vers un règlement juste et viable pour Chypre.
Comme il ressort clairement de la réaction de la Commission des Communautés européennes à la demande de la Turquie en vue de son adhésion à la CEE, le problème chypriote est l’un des principaux obstacles à l’intégration de la Turquie dans la Communauté européenne. De fait, la sincérité et la légitimité de l’appartenance de la Turquie à une Organisation et à une institution européenne basée sur le respect des droits de l’homme et sur le droit international resteront soumises à contestation aussi longtemps que Chypre continuera d’être divisée et que les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs seront séparés malgré eux par les forces d’occupation turques.
Il ne m’appartient naturellement pas – ceci incombe au Gouvernement et au peuple turcs – de décider de la politique étrangère qui sert le mieux les intérêts de la Turquie. Mais je pense que les intérêts turcs et européens seraient bien servis si la Turquie, après avoir proposé une solution au problème de Chypre fondée sur les principes européens, était en mesure d’assumer sa place véritable dans la famille européenne des nations. Les avantages qu’Ankara tirerait de cette évolution seraient beaucoup plus grands que ceux qu’elle imagine pouvoir retirer en maintenant ses forces sur le sol chypriote.
A cet égard, je voudrais rappeler ma proposition de démilitarisation immédiate de Chypre: le Gouvernement chypriote s’engage à démanteler la Garde nationale si la Turquie accepte de retirer ses troupes du territoire de la République. La sécurité de toutes les parties s’en trouvera accrue et une étape importante sur la voie d’un règlement établissant une république fédérale démilitarisée à Chypre aura été franchie. Je renouvelle aussi l’offre d’utiliser les fonds dégagés pour le développement de Chypre notamment en faveur de la communauté chypriote turque qui a beaucoup de retard dans le domaine économique.
Le Secrétaire général des Nations Unies a demandé que le chef de la communauté chypriote turque, M. Rauf Denktash, et moi-même, nous nous rencontrions de nouveau pour traiter de questions de fond afin de mettre au point un projet d’accord sur l’institution d’une fédération à Chypre.
Ce projet d’accord se fait déjà attendre depuis longtemps. Les deux parties avaient accepté de poursuivre les travaux relatifs à ce projet en juin dernier; pour les aider, le Secrétaire général avait émis un certain nombre d’idées non contraignantes. Malheureusement, M. Denktash a rejeté ces idées et interrompu les négociations.
Notre partie a tout de suite accepté la dernière invitation du Secrétaire général. M. Denktash n’a toutefois pas encore donné de réponse claire et nette. Nous espérons que celle-ci sera positive et que, dans cette hypothèse, M. Denktash adoptera une attitude plus souple et plus conciliante lors des négociations.
Beaucoup dépendra de la position de la Turquie qui a jusqu’ici toujours soutenu M. Denktash. Lorsque le Président turc, M. Turgut Üzal, s’est adressé à l’Assemblée en septembre dernier, en sa qualité à l’époque de Premier ministre, il a affirmé dans son discours que les nations européennes devaient coopérer en s’appuyant sur un ensemble d’idéaux et de valeurs communes. Il a poursuivi en disant que nous devrions être capables de communiquer les uns avec les autres pour régler les litiges de manière pacifique. M. Üzal a ajouté plus tard dans son discours que la stricte adhésion aux règles de conduite agréées au plan international concernant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de l’individu était la seule base sur laquelle nous puissions construire et promouvoir des relations internationales stables.
J’approuve entièrement ces opinions et je dis ceci. Si M. Üzal est disposé en ce moment à traduire dans les faits les propos qu’il a tenus, le problème chypriote trouvera rapidement une solution. J’ai à maintes reprises proposé que M. Üzal et moi-même nous rencontrions pour discuter face à face du problème de Chypre, qui est fondamentalement celui de l’occupation d’une partie du territoire souverain de la République par la Turquie. A chaque fois, cette proposition a été éludée par Ankara. Je le répète ici aujourd’hui: je demande à M. Üzal de s’asseoir à côté de moi, en toute bonne foi, pour discuter de la solution du problème de Chypre dans le nouvel esprit qui traverse cette période de l’histoire et conformément aux principes énoncés ici par lui-même il y a quelques mois pour résoudre les litiges et stabiliser les relations internationales – de façon pacifique et dans le plein respect des droits de l’homme et du droit international.
Monsieur le Président, il est possible de trouver une solution au problème de Chypre. Tout cela demande l’acceptation des principes européens fondamentaux des droits de l’homme et de la démocratie. En ce moment où l’Europe progresse à grand pas vers l’intégration, il est à la fois tragique et anachronique qu’à Chypre, membre de la famille européenne et de cette Assemblée, des citoyens soient dépossédés de leurs biens et rencontrent des obstacles à la libre circulation et au libre établissement, dans un système de discrimination religieuse et ethnique imposé et maintenu par des forces armées.
Un règlement viable et juste du problème chypriote ne peut être fondé sur une situation d’apartheid, dans laquelle les Chypriotes font l’objet d’une ségrégation forcée sous prétexte que des musulmans et des chrétiens, des populations d’origine turque et des populations d’origine grecque, ne peuvent vivre ensemble. Cette ségrégation est non seulement en contradiction fondamentale avec la politique d’intégration dans la Communauté européenne souhaitée par la Turquie, mais constitue aussi un motif de suspicion, de ressentiment et de conflit.
L’amitié, la paix et la stabilité à long terme ne peuvent être fondées que sur un règlement fédéral s’inspirant d’une doctrine d’unité et non de division.
Nous nous attachons à établir une République de Chypre unie, fédérale, comprenant deux provinces dont l’une serait administrée par la communauté chypriote turque et l’autre par la communauté chypriote grecque.
La République fédérale de Chypre doit être libre de troupes et de colons étrangers, et protégée de droits unilatéraux d’intervention. Surtout, elle doit être un havre caractérisé par le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que par la sécurité de tous les Chypriotes, quelles que soient leurs origines ethniques ou leurs convictions.
Nous appelons nos compatriotes chypriotes turcs à œuvrer avec nous à l’établissement de la justice et de la paix à Chypre. Notre avenir commun ne peut s’édifier sur les conflits et la division; pour être sûr, il doit reposer sur les bases constructives de la coopération et de l’unité. Nous sommes encouragés par de récentes manifestations de soutien à un règlement fédéral, venant des forces politiques chypriotes turques qui représentent à notre avis l’opinion majoritaire dans la communauté chypriote turque, ainsi que par un développement des contacts ordinaires entre Chypriotes grecs et turcs au cours des derniers mois, dans le nouvel esprit de rapprochement. Nous joignons notre voix aux leurs, rappelant que nous partageons une partie chypriote commune et qu’à ce titre nous avons plus de liens et de points communs que de différences. En coopérant au développement du potentiel économique considérable de Chypre, nous pouvons obtenir la sécurité et la prospérité pour nous-mêmes et nos enfants.
Nous demeurons fermes dans notre engagement de ne jamais accepter le statu quo, qui va à l’encontre de tous les idéaux et principes dont cette Assemblée et le Conseil de l’Europe sont les défenseurs. De surcroît, le principe en jeu à Chypre revêt une importance énorme non seulement pour l’avenir politique de l’île, mais aussi dans la perspective de la structure future de l’Europe et du monde.
Il s’agit en effet de déterminer, à Chypre, si les Etats constitués de plus d’une communauté peuvent survivre et constituer des entités unifiées à l’intérieur de frontières sûres, ou s’ils doivent se fragmenter, chacune des communautés revendiquant le droit de faire sécession et de former son propre Etat distinct, y voyant la seule manière de protéger ses intérêts. Nous sommes fermement convaincus que cette dernière formule, si elle était appliquée, signifierait la fin de l’Europe et du monde tels que nous les connaissons.
Monsieur le Président, j’ai évoqué assez longtemps la situation de Chypre, m’efforçant aussi de montrer qu’elle intéresse non seulement les Chypriotes mais la communauté internationale tout entière. Cela ne signifie pas, cependant, que nous voulions à Chypre nous enfermer de manière introspective dans notre seul problème. Comme je l’ai indiqué au début de mon allocution, Chypre fait partie intégrante de l’Europe. En nos qualités d’Européens et de Chypriotes, nous sommes convaincus qu’il nous appartient, comme aux autres membres du Conseil de l’Europe, de tout mettre en œuvre pour contenir les dangers et renforcer les aspects positifs des changements politiques en cours. Nous ne savons pas encore avec précision quand et comment nous parviendrons à la confédération européenne envisagée par le Président Mitterrand. Nous savons, en revanche, qu’il est impératif de combattre les forces destructrices du chauvinisme et du nationalisme, et de rechercher activement l’intégration et la coopération. Chacun d’entre nous doit assumer sa part de responsabilité dans cette entreprise, pour l’avenir commun de l’humanité – pour une Europe et un monde nouveaux.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie de votre très intéressant discours, Monsieur le Président, et de l’appui que vous avez apporté au Conseil de l’Europe. Vous avez vécu pendant dix ans en Hongrie, et, parmi les nombreuses langues que vous maîtrisez, figure également le hongrois. Vous étiez en Hongrie en 1956 et vous avez assisté au soulèvement; vous avez donc pu voir ce qui s’est passé en Europe de l’Est. Vous étiez témoin de cet événement historique. Nous sommes donc très intéressés d’entendre votre point de vue sur la confédération européenne et sur le rôle du Conseil de l’Europe à cet égard.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je vous remercie de vos aimables paroles et de me donner la possibilité de m’exprimer sur les perspectives d’une confédération européenne. Non seulement j’appuie intégralement l’idée formulée par le Président Mitterrand tendant à ce que nous devrions prévoir la mise en place d’une confédération européenne, mais je suis convaincu qu’une telle institution est absolument nécessaire, compte tenu des bouleversements en Europe de l’Est qui ont créé un vide politique. La seule organisation dans le cadre de laquelle des problèmes relatifs à la coopération européenne peuvent être examinés – pas des problèmes d’intérêt mondial général, qui sont examinés au sein des Nations Unies – est la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe qui n’est censée aborder que des problèmes de sécurité. Il n’existe rien d’autre.
Mais, heureusement pour nous tous, nous avons le Conseil de l’Europe. Il est certain que, lorsque celui-ci a été créé, on n’avait pas prévu qu’il pourrait jouer un jour un rôle de médiateur entre l’Est et l’Ouest. Or, c’est ce qu’il est précisément en mesure de faire aujourd’hui. Personnellement, je suis convaincu qu’il est essentiel, dans ce climat nouveau, de créer un cadre nouveau permettant à toutes les nations européennes de se réunir, d’échanger des idées, d’examiner des problèmes et de tenter de trouver les moyens de tirer des enseignements de l’expérience de chacune d’elles, et d’appliquer ensuite ce qu’elles décident dans leur propre pays, si telle est leur volonté, sans que cela soit imposé de l’extérieur.
Nous avons besoin d’une confédération européenne, plusieurs pays de l’Est se considérant comme faisant partie de la grande famille européenne. Dans ce sens, l’idée de M. Gorbatchev d’une maison commune européenne et le projet de confédération européenne de M. Mitterrand ne sont pas contradictoires. Au contraire, l’une pourrait être conçue comme un développement de l’autre. Il faut que nous ayons le sentiment d’appartenir au même groupe et il faut que nous renforcions les liens entre les pays. Une confédération européenne pourrait servir de cadre pour le développement de ces liens.
En l’état actuel du monde, il nous faut choisir entre créer ex nihilo un cadre institutionnel nouveau ou élargir ce qui existe déjà. Or je suis personnellement d’avis que, de par ses origines et ses traditions, son attachement à la promotion et à la sauvegarde des droits de l’homme, et la promotion du respect des droits de l’homme et des processus démocratiques dans le monde entier, mais surtout en Europe, le Conseil de l’Europe et son Assemblée sont tout à fait à même de jouer ce rôle.
Le Conseil de l’Europe devrait prendre l’initiative et promouvoir la coopération entre les pays européens le plus rapidement possible. Nous n’avons pas besoin de décider à l’avance de la forme que revêtira une confédération européenne. Nous pouvons faire confiance à la capacité de tous ceux qui sont présents ici, et des membres futurs, de mettre en place des tribunes, lorsque le besoin s’en fera sentir. Deux choses sont, toutefois, importantes. Premièrement, il faut prendre l’initiative; deuxièmement, il faut que nous prévoyions une confédération européenne qui ne soit pas limitée aux problèmes politiques, sociaux et culturels. Nous avons besoin d’un cadre pour discuter de coopération économique. On peut faire valoir que la Communauté européenne fournit ce cadre. Nous avons la Communauté européenne, mais il faudra du temps pour que celle-ci décide des modalités de son développement futur et de la nature de l’association qu’elle proposera au reste de l’Europe. Entre-temps, il faut que nous puissions procéder à des échanges de vues et aborder des questions ayant également trait au développement économique.
En résumé, tout d’abord, je considère que nous avons besoin d’une confédération européenne, étant donné que celle-ci fournira le cadre requis pour renforcer les relations entre les pays européens. En même temps, elle aidera les pays d’Europe de l’Est à consolider leurs institutions et à se transformer en sociétés démocratiques ouvertes, qu’ils aspirent tous à devenir pour le bien de leur population et pour le bien de l’Europe.
Le Conseil de l’Europe est l’Organisation idéale qui peut utiliser son expérience pour développer et aider à créer cette confédération européenne, et c’est dans ce cadre qu’il devra servir de tribune pour débattre de tous les problèmes, y compris celui de la coopération économique.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie, Monsieur Vassiliou. Je puis vous donner l’assurance que l’Assemblée ne tardera pas à prendre toute une série d’initiatives allant dans ce sens. Pas moins de dix-huit questions parlementaires pour réponse orale ont été déposées. Je vous rappelle qu’on ne répondra qu’aux questions des membres présents.
Dix-huit questions à M. Vassiliou ont été déposées; elles figurent dans le document 6172. Certaines questions, portant sur le même sujet, ont été regroupées. Je propose d’inviter M. Vassiliou à répondre à ces questions globalement, puis à chaque question restante séparément. J’inviterai ensuite les auteurs des questions à poser une brève question supplémentaire, s’ils le souhaitent. Les questions supplémentaires ne donnent pas lieu à débat et, si les membres sont brefs, cela permettra de répondre à davantage de questions. Il sera peut-être possible de répondre par écrit aux questions qui n’auront pu être abordées faute de temps.
Les quatre premières questions, posées par MM. Martinez, Martino, Frangos et Speed, seront abordées ensemble. Elles sont relatives au système fédéral et sont ainsi rédigées:
«Question n° 1:
M. Martinez,
Demande au Président de la République de Chypre s’il pense que la solution au problème de Chypre en vue de la réunification de l’île puisse se trouver dans une formule de fédération, respectant l’identité et l’autonomie de chacune des deux communautés qui composent la population de ce pays.
Question n° 2:
M. Martino,
Rappelant que, pour garantir le respect des diversités ethniques et nationales, notre siècle favorise de nouveaux aménagements sur une base fédérale ou confédérale qui ont parfois des conséquences humaines importantes, notamment à l’Est;
Rappelant qu’en réalité, pour le moment, M. le Président Vassiliou ne représente pas l’ensemble de la population de Chypre, et que, sur la base du principe d’autodétermination, les Chypriotes turcs ont leur propre statut étatique, démocratique et pluraliste;
Rappelant que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Pérez de Cuellar, n’a pas réussi, à ce jour, à résoudre ni le problème délicat de droit international, ni celui du passé historique douloureux qui divise les deux communautés,
Demande au Président de la République de Chypre s’il ne pense pas que l’évolution des nouvelles générations puisse maintenant permettre de trouver une solution pour Chypre dans le respect des droits des individus et des communautés.
Question n° 3:
M. Frangos,
Constatant qu’à la suite du démantèlement du mur de Berlin, Chypre se retrouve seule dans l’espace européen à être divisée territorialement et démographiquement,
Demande au Président de la République de Chypre si celui-ci considère que le dialogue Est-Ouest, engagé actuellement, peut contribuer à mettre fin à cette discrimination à l’encontre de Chypre, qui implique une violation des droits de l’homme de tous les citoyens chypriotes; et quelle est sa position en ce qui concerne une solution fédérale du problème chypriote, fondée sur les accords à haut niveau entre les dirigeants des deux communautés chypriotes et les résolutions des Nations Unies.
Question n° 4:
M.Speed,
Demande au Président de la République de Chypre si son gouvernement continue à se considérer lié par la Constitution et les Traités de 1960.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Comme je l’ai mentionné dans mon allocution, la solution fédérale est celle que j’envisage. A mon sens, c’est la seule réaliste pour Chypre. Les Chypriotes grecs, qui ont toujours voulu un Etat unitaire, ont certes eu du mal à accepter cette solution. Pour parvenir à résoudre un problème, il faut cependant être prêt à un compromis. Le compromis historique, auquel la communauté chypriote grecque a dû consentir, a consisté à admettre que la solution fédérale est la meilleure pour résoudre le problème chypriote. Nous appuyons, par conséquent, intégralement la solution fédérale dans le cadre d’un seul Etat chypriote, et nous sommes prêts à œuvrer en sa faveur.
M. MARTINEZ (Espagne) (traduction)
Je vous remercie, Monsieur Vassiliou, de votre présence parmi nous et de votre remarquable discours. On a eu tendance, au sein de l’Assemblée, à considérer qu’il ne faudrait peut-être pas consacrer trop de temps au problème de Chypre, car cela risquerait de gêner l’initiative prise par le Secrétaire général des Nations Unies, qui demeure l’homme chargé de l’instauration de la paix dans votre pays. Sachant que la situation à Chypre constitue un traumatisme physique et moral pour l’Europe, estimez-vous que le Conseil de l’Europe doit continuer à s’occuper de ce problème et tenter d’y trouver une solution pacifique?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Non seulement je considère que le Conseil de l’Europe doit discuter du problème chypriote, mais je saisis cette occasion pour vous remercier de l’intérêt qu’il n’a cessé de témoigner à ce problème. Je tiens à souligner que celui-ci m'intéresse pas uniquement les Chypriotes, qu’ils soient grecs ou turcs. Compte tenu de l’évolution actuelle dans le monde, et des nationalismes qui se réveillent un peu partout, nous pouvons constater que le problème chypriote est un problème qui n’intéresse pas seulement Chypre mais le monde entier, car la solution adoptée pour Chypre pourrait éventuellement servir de modèle pour résoudre des problèmes similaires dans d’autres parties du monde.
Cela montre aussi comment des divergences entre deux communautés peuvent être exacerbées et devenir un problème international, parce qu’on tolère qu’un pays étranger, qui sympathise et a des intérêts communs avec l’une des parties, intervienne et assume le rôle de «faiseur de paix». Si nous étions amenés à évoquer des situations similaires en Europe – je suis certain que nous préférerions ne pas les citer – nous craindrions les conséquences de conflits ethniques de ce genre pour la paix mondiale.
Je considère que, dans ce sens, le problème chypriote n’intéresse pas seulement Chypre mais le monde entier et surtout l’Europe. C’est dans ce sens qu’il est opportun que le Conseil de l’Europe en débatte.
Par ailleurs, je considère que ces discussions ne peuvent en rien empêcher le règlement du problème. Au contraire, elles contribuent à attirer l’attention de tous les intéressés sur le fait que la solution ne doit plus tarder, et je considère que l’action du Secrétaire général s’en trouve plutôt favorisée qu’entravée.
M. MARTINO (Italie) (traduction)
Monsieur le Président Vassiliou, je ne peux me déclarer pleinement satisfait de votre réponse ni de l’exposé que j’ai entendu, malgré son caractère exhaustif, car je ne serai vraiment heureux que lorsque vous-même et M. Denktash vous vous serez serré la main, scellant ainsi votre accord. Je songe à la formule fédérative proposée qui tournerait la page d’une Histoire douloureuse et funeste, offrant une chance de paix comme l’offrit pour l’humanité entière la poignée de main entre Reagan et Gorbatchev.
Monsieur le Président Vassiliou, je voudrais simplement vous demander de nous donner une idée du temps qu’il faudra pour que cette poignée de mains se fasse. Je sais bien qu’elle ne dépend pas uniquement de vous mais, assurément, elle en dépend beaucoup.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je regrette que vous ne soyez pas totalement satisfait de mon exposé. J’ai fait de mon mieux pour être le plus objectif possible. Je suis, toutefois, surpris que vous me demandiez quand une poignée de main pourra avoir lieu. Cette poignée de main a eu lieu au mois d’août, à Genève, entre M. Denktash et moi-même, lorsque le Secrétaire général nous a invités à entamer une série de réunions dans le but de résoudre le problème chypriote. Nous nous sommes serré la main, et l’événement a été retransmis par les chaînes de télévision.
Depuis lors, nous avons eu des réunions analogues à Chypre, et huit heures de discussions. Malheureusement, lorsque le Secrétaire général a soumis ses propositions pour aider à aboutir à une solution, M. Denktash a semblé oublier la poignée de main et s’est éloigné. Depuis lors, il n’a toujours pas répondu officiellement qu’il reviendrait s’asseoir à la table de discussion. J’espère qu’il donnera une réponse favorable et se rendra à New York, où le Secrétaire général nous a invités, et que la nouvelle poignée de main à New York portera ses fruits.
Je puis vous donner l’assurance que, s’il y a une chose pour laquelle je me bats, c’est l’unité de Chypre. Je suis convaincu que cette unité profitera aux Chypriotes aussi bien grecs que turcs ainsi qu’à la Turquie, la Grèce, la Méditerranée – notre mer commune – et à l’Europe.
M. FRANGOS (Grèce)
Monsieur le Président de la République, votre discours et votre réponse étaient très satisfaisants. Je ne souhaite donc pas poser de question supplémentaire, mais je tiens à vous féliciter et à vous remercier pour votre contribution à la paix mondiale et à la solution du problème chypriote.
M. SPEED (Royaume-Uni) (traduction)
Pouvez-vous confirmer le point de vue de votre gouvernement, lorsque celui-ci déclare que, aussi bien actuellement que dans le cadre de toute constitution fédérale qui serait proposée, les communautés chypriote turque et chypriote grecque ont des droits politiques égaux?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Oui, nous considérons que la fédération à laquelle nous songeons – comme je l’ai souligné dans mon exposé – doit comprendre deux parties, l’une administrée par la communauté chypriote turque, et l’autre par la communauté chypriote grecque. Nous sommes prêts à aller plus loin qu’aucune autre constitution fédérale dans le monde pour trouver les moyens de garantir que chaque communauté aura l’assurance qu’elle sera en mesure d’administrer son territoire pour toujours. Elle aura l’assurance de ne jamais devenir une minorité, ni de perdre la capacité d’administrer son territoire. Ces deux territoires doivent être égaux en matière de compétences, comme dans toutes les fédérations, mais en même temps la République de Chypre doit garantir l’égalité à tous ses citoyens.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous en venons maintenant aux questions nos 5 et 6, posées par Mme Lentz-Cornette et par M. Ward, relatives aux Chypriotes turcs. Elles sont ainsi rédigées:
«Question n° 5:
Mme Lentz-Cornette,
Constatant que la Constitution chypriote de 1960 stipule, dans les articles 1 et 2, que la République est composée des communautés chypriotes turque et grecque,
Demande au Président de la République de Chypre si, vu la structure de cette loi fondamentale, on peut qualifier la communauté turque comme une minorité et comment on peut envisager dans l’avenir une fédération qui doit être basée sur l’égalité des Etats fédérés, tout en pensant que les chypriotes turcs forment une minorité.
Question n° 6:
M. Ward,
Demande au Président de la République de Chypre si celui-ci reconnaît que, pour la première fois depuis plusieurs années, la communauté chypriote turque se sent en sécurité; et s’il considère que l’on peut en conclure que le seul moyen de progresser est de reconnaître que chacune des deux communautés chypriotes doit pouvoir exercer un contrôle sur son propre territoire, assorti d’une coordination appropriée des relations internationales, aboutissant au respect mutuel des mêmes droits et libertés des deux principales communautés chypriotes.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
J’estime que ma réponse à M. Speed répond déjà pour l’essentiel à la question n° 5. J’ai confirmé que nous ne considérons pas la communauté turque comme une minorité mais comme une autre communauté. Il existe deux communautés à Chypre et dans le cadre de la fédération, chacune administrera un territoire. Je le répète, aucune fédération ne peut exister si ses citoyens ne sont pas tous égaux, quelle que soit leur origine ethnique ou leur confession. Ma réponse concerne également la question de M. Ward.
M. WARD (Royaume-Uni) (traduction)
Monsieur le Président, vous savez sans doute que vous accueillerez à Nicosie, au printemps, la Conférence de l’Union interparlementaire à laquelle, on l’espère, une centaine de pays seront représentés. Il importe que les participants puissent se rendre compte sur place des problèmes auxquels les deux parties de Chypre sont confrontées – or, cette conférence fournit une excellente occasion pour cela. Pourriez-vous prendre l’engagement que les représentants arrivant à Nicosie pour la Conférence de l’Union interparlementaire seront autorisés à se déplacer de part et d’autre de la ligne verte afin qu’ils puissent appréhender au maximum la réalité chypriote?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Monsieur Ward, je puis vous donner l’assurance que tous les parlementaires se rendant à Chypre auront la possibilité de rencontrer autant de Chypriotes turcs que possible et de discuter avec eux. Il ne faut, toutefois, pas oublier que tous les parlementaires arrivant à Chypre se rendront en République de Chypre. Le monde ne reconnaît que la République de Chypre et non pas ce que l’on appelle la République de Chypre du Nord, qui s’est autoproclamée. Nous ne pouvons donc en aucune façon favoriser des initiatives, aboutissant à des réunions revêtant un caractère officiel, qui pourraient impliquer une reconnaissance indirecte de cette entité autoproclamée. Nous favorisons, et nous continuerons à favoriser, les contacts avec des Chypriotes turcs, qu’il s’agisse de citoyens ordinaires ou d’hommes politiques, mais il est tout à fait exclu que nous favorisions des initiatives qui contribueraient à aggraver le problème au lieu de le résoudre.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous en venons à présent au prochain groupe de questions, posées par MM. Andreas Müller et Redmond, relatives aux contacts entre communautés grecque et turque. Ces questions sont ainsi rédigées:
«Question n° 7:
M. Andreas Müller,
Etant, à titre de corapporteur du rapport sur les réfugiés nationaux et les personnes disparues à Chypre (1987), directement intéressé par le processus d’élimination des tensions entre les habitants des parties nord et sud de l’île,
Demande au Président de la République de Chypre:
a. quelles mesures ont été prises depuis 1987 pour rétablir la confiance entre les deux communautés par des contacts directs à l’occasion de manifestations communes (Doc. 5716, Recommandation 1056, paragraphe 18.e);
b. quelles mesures le gouvernement a prises depuis 1987 dans le but d’encourager la coopération économique dans l’ensemble de l’île (Doc. 5716, Recommandation 1056, paragraphe 18J).
Question n° 8:
M. Redmond,
Demande au Président de la République de Chypre de quelle manière l’ouverture de Varosha est susceptible de favoriser la coexistence des Chypriotes dans l’intérêt des Chypriotes aussi bien grecs que turcs; s’il compte évoquer les contacts récents par l’intermédiaire de la ligne verte entre médecins, syndicalistes et journalistes chypriotes grecs et turcs, et quels sont, à son sens, les moyens d’encourager ces contacts.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je voudrais remercier M. Andreas Müller d’aborder le problème de la nécessité de développer les contacts entre les deux communautés. Depuis mon élection, j’ai fait de mon mieux pour promouvoir ces contacts. J’ai invité, et je continue à inviter, les Chypriotes turcs à se déplacer librement. Nous fournissons des possibilités d’emploi à de nombreux Chypriotes turcs qui peuvent travailler dans les mêmes conditions que les Chypriotes grecs. J’ai pris des mesures pour remédier à ce qui fonctionnait mal à la suite de la situation dans le passé. L’une tendait à assurer le versement des prestations sociales aux Chypriotes turcs, qui y ont droit. Nous avons commencé à effectuer les versements, et, avec l’aide des Nations Unies, nous avons pu prendre des dispositions pour que tous ceux qui ont droit aux prestations puissent les percevoir. Nous nous sommes employés à promouvoir les relations entre les partis politiques. Nous assurons aux Chypriotes turcs la gratuité des soins médicaux dans nos hôpitaux. Nous nous efforçons également de promouvoir la coopération dans le domaine de l’environnement, lorsque c’est nécessaire et possible. Cependant, une coopération économique plus étroite ne sera pas possible tant que subsiste la partition et que les propriétaires d’usines et de terrains ne seront pas autorisés soit à reprendre possession de leur bien, soit à aboutir à d’autres types d’arrangement. C’est pourquoi, nous faisons de notre mieux pour trouver au plus vite des solutions afin de permettre à tous les Chypriotes, qu’ils soient grecs ou turcs, de profiter de l'énorme potentiel économique de l’île.
Je voudrais aussi répondre à la question concernant l’ouverture de Varosha. Nous y sommes totalement favorables et considérons qu’une telle initiative est de nature à améliorer considérablement l’atmosphère à Chypre. Elle permettrait aussi aux Chypriotes grecs et turcs de collaborer sur une grande échelle, et d’apprendre à travailler ensemble après tant d’années. On parviendrait à créer un climat qui accélérerait l’acheminement vers un règlement définitif. Nous avons, par conséquent, soutenu cette initiative et demandé à la Turquie d’aider à assurer l’ouverture de Varosha à ses habitants, sous les auspices des Nations Unies.
M. Andreas MÜLLER (Suisse) (traduction)
Monsieur le Président, je vous remercie de tous les efforts que vous avez déployés pour promouvoir les contacts entre les deux communautés, et cela même si les résultats restent en deçà de ce qu’avait souhaité l’Assemblée lorsque nous avons adopté ici les résolutions à l’unanimité.
Une phrase de votre discours rejoint finalement ce qui est notre souci à tous: il faut oublier ce qui doit être oublié! Et voici, par conséquent, ma question complémentaire, qui est un peu délicate: Monsieur le Président, quelle est votre position à l’égard de la proposition d’une amnistie générale, également adoptée à l’unanimité dans cette enceinte?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je suis totalement favorable à l’amnistie en ce sens qu’on ne gagnerait pas grand chose à poursuivre ceux qui ont commis des crimes d’un côté ou de l’autre de la ligne de partage. Lors de mes réunions avec M. Denktash, lorsque nous avons discuté de la liberté de circulation dans une île unifiée, celui-ci n’a cessé de s’exclamer: «Nous ne pouvons quand même pas accepter de laisser des criminels en liberté parmi notre population!» Je lui ai rappelé que les personnes qu’il qualifie de criminelles sont maintenant pour la plupart fort âgées, qu’elles ne menacent personne, et que la même chose vaut pour les criminels de son camp. Je suis, par conséquent, d’avis qu’il faut oublier ce qui doit être oublié et renoncer aux représailles, mais cela ne signifie pas qu’il ne faut pas garder en mémoire ce qui s’est passé, afin de s’assurer que des événements similaires ne se reproduiront pas dans l’avenir. C’est dans ce sens que je souscris totalement à l’idée d’une amnistie.
M. REDMOND (Royaume-Uni) (traduction)
Je suis convaincu que vous reconnaissez, Monsieur le Président, que ce sont souvent la crainte et la méfiance qui divisent les hommes. C’est pourquoi, il importe que des représentants des deux communautés, à tous les niveaux et de tous les groupes, puissent se rencontrer. Je me félicite des progrès annoncés par M. Vassiliou dans sa réponse, mais peut-on nous donner l’assurance que des moyens supplémentaires seront prévus pour garantir la poursuite de ce dialogue?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je donne à l’Assemblée l’assurance que nous sommes prêts à mettre tous les moyens, pas seulement en matière de lieux de rencontre, mais également en matière de transport gratuit et de possibilités d’hébergement, à la disposition de tous les Chypriotes turcs qui souhaitent se rendre dans la partie chypriote grecque pour rencontrer des collègues, des voisins du même village ou d’autres connaissances. Les autorités militaires turques n’autorisent malheureusement pas toujours de tels contacts, de sorte que nous ne pouvons jamais être certains qu’ils ont lieu. Ainsi, l’autre jour, des médecins voulaient se réunir, mais ils en ont été empêchés. Des syndicats, qui voulaient se réunir, en ont aussi été empêchés. L’autre camp a malheureusement multiplié les obstacles et les interdictions. Nous sommes cependant des gens obstinés, et nous faisons preuve de persévérance. Je puis donner à l’Assemblée l’assurance que nous ferons tout notre possible pour favoriser au maximum les contacts à tous les niveaux.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous en venons à présent aux questions nos 9 et 10, posées par MM. Cox et Faulds, relatives à l’armement de la République de Chypre. Ces questions sont ainsi rédigées:
«Question n° 9:
M. Cox,
Demande au Président de la République de Chypre s’il est exact que, comme on le prétend souvent, la République de Chypre possède d’importants stocks d’armes et d’équipements militaires.
Question n° 10:
M. Faulds,
Sachant que le Gouvernement britannique a condamné expressément le stockage d’armement dans le sud de Chypre car ceci ne contribue pas à un règlement pacifique,
Demande au Président de la République de Chypre si celui-ci peut donner l’assurance que l’on mettra fin sans délai à ce stockage d’armes.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Oui, nous possédons des stocks d’armes et d’équipements militaires, mais il vaudrait mieux répondre à cette question en répétant ce qu’a affirmé notre ministre de la Défense au séminaire organisé, il y a quelques jours, à Vienne, sous les auspices de la CSCE. Il a affirmé que, bien qu’un pays comme Chypre ne devrait avoir ni doctrine militaire ni armée, si nous en avons une, c’est parce que c’est une nécessité imposée par la réalité. 35 000 soldats turcs, parfaitement entraînés – probablement l’élite de l’armée turque – sont stationnés à Chypre, plus de 350 chars, et de grandes bases aériennes militaires couvrent toute l’île. Chaque année, les forces aériennes et navales et l’armée de terre turques stationnées à Chypre participent à des manœuvres.
Dans ces conditions, le moins que l’on puisse faire, c’est de tenter de se doter d’une capacité de défense crédible. Actuellement, celle-ci consiste en 11 000 gardes nationaux, mais nous nous efforçons d’accroître cet effectif pour qu’il atteigne 12 000 ou 13 000 gardes. Ce chiffre, correspondant au nombre de jeunes en âge d’être recrutés, cet accroissement n’est, toutefois, pas facile à réaliser. Nous essayons aussi de mettre sur pied une armée de métier de quelques centaines de soldats pour prendre en charge les nouveaux canons que nous avons achetés, mais là également nous nous heurtons à des difficultés car, dans une situation de plein emploi, les jeunes gens préfèrent au port des armes la paix et le travail dans l’hôtellerie ou dans d’autres secteurs du tourisme.
Etant donné que nous éprouvons autant de difficultés à augmenter le nombre de gardes de 11 000 à 12 000 ou 13 000, nous voyons mal comment nous pourrions affronter les 35 000 soldats turcs. Il faut, par conséquent, que nous entraînions nos jeunes le mieux possible afin d’être capables de nous défendre. Nos tanks sont actuellement au nombre de 16, mais devraient passer à 30 ou 40, or les Turcs en possèdent 350. Prétendre que Chypre pourrait représenter un jour une menace ou un risque militaire pour la Turquie est une plaisanterie. Tout le monde le sait. Nous essayons simplement de mettre sur pied les moyens de nous défendre et d’échapper aux pressions qui pourraient résulter de la présence militaire turque, massive et inutile, sur le territoire de Chypre. Mais, je le répète, à tout moment, que ce soit aujourd’hui ou demain, nous sommes prêts à démanteler nos forces et à remplacer nos fusils par des socs de charrue.
M. COX (Royaume-Uni) (traduction)
Je vous remercie de votre réponse, Monsieur Vassiliou. Je me félicite vivement de l’engagement ferme que vous prenez en faveur de la démilitarisation de Chypre. Et je suis certain que nous nous en félicitons tous. Compte tenu de votre réponse à ma question, pouvez-vous me confirmer que le Gouvernement britannique, qui est l’une des puissances garantes de l’application des accords, a demandé à plusieurs reprises à M. Denktash de réduire substantiellement la présence militaire turque dans le nord de l’île, mais que celui-ci n’a malheureusement jamais donné suite à cette demande? Puisque vous avez mentionné que vous espériez rencontrer M. Denktash dans un avenir proche, pouvez-vous préciser à l’Assemblée si le retrait des troupes et de l’équipement militaire du nord figurera à l’ordre du jour de cette rencontre?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Le Gouvernement britannique a demandé à la Turquie de réduire les forces stationnées à Chypre – pas à M. Denktash, car celui-ci n’est pas habilité à prendre des décisions dans ce domaine – et le Gouvernement grec a, lui aussi, formulé de telles demandes. Lorsque le Premier ministre Papandréou a rencontré le Président Ozal pour discuter des moyens d’améliorer les relations entre leurs deux pays, le Premier ministre grec a demandé une réduction des forces turques stationnées à Chypre. Périodiquement, la presse turque annonce d’ailleurs aussi que la Turquie est prête à réduire sa présence militaire à Chypre, en tant que geste de bonne volonté. Si l’on revient un peu plus en arrière, lorsque la Turquie avait demandé au Congrès américain de lever l’embargo sur la livraison d’armes à la Turquie, imposé parce que des armes de l’OTAN ou américaines avaient été utilisées lors de l’invasion de Chypre, on relève que la Turquie avait promis que, dès que l’embargo serait levé, elle retirerait ses troupes et que le problème serait résolu. Or, l’embargo a été levé il y a plus de dix ans, mais les forces armées turques continuent malheureusement à être stationnées à Chypre.
Nous avons demandé le retrait des troupes turques, nous le demandons et nous continuerons à le demander. Nous espérons qu’en fin de compte Chypre ne se retrouvera pas dans la situation imaginée il y a quelques jours par le Times. Nous espérons que nous n’aurons pas l’honneur de figurer un jour dans le jeu du Trivial Pursuit par l’intermédiaire de la question: «quel est le pays du monde dont une partie du territoire continue à être occupée par un autre pays européen?»
M. FAULDS (Royaume-Uni) (traduction)
Vous savez, Monsieur Vassiliou, que je ne vous considère pas comme le Président de la République de Chypre – avec tout le respect que je vous témoigne, bien sûr – mais comme le chef du régime chypriote grec...
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Rappel à l’ordre, s’il vous plaît!
M. FAULDS (traduction)
J’interprète cela comme une approbation.
Vous venez de fournir quelques réponses, Monsieur Vassiliou, à propos de l’armement. Or, je constate que les chiffres dont je dispose ne concordent pas avec ceux que vous nous avez indiqués. D’après les informations que je possède, les Chypriotes grecs comptent actuellement 25 000 hommes en armes dans le sud de l’île et sont capables d’en mobiliser 75 000 autres en 24 heures. N’avez-vous pas induit le Conseil en erreur en parlant «d’invasion turque»? Comme vous le savez certainement, le stationnement des forces turques dans le nord de Chypre est conforme aux termes du Traité de garantie de 1960. Il n’y a pas eu d’invasion. Il n’y a pas d’occupation, mais une intervention nécessaire de la part du Gouvernement turc – voire une intervention légale dans le cadre du Traité de garantie de 1960. Comment pouvez-vous penser que le stockage de matériel militaire – nous ne sommes d’ailleurs pas d’accord au sujet des chiffres cités – soit de nature à créer, au sein de la communauté chypriote turque, le climat de confiance souhaitable?
J’ai entre les mains, Monsieur, une jolie photo de vous, bien que vous ayez l’air un peu harassé, arborant un badge de l’EOKA, l’Organisation nationale des combattants chypriotes. La presse souhaitera peut-être qu’on la lui communique par la suite, car les photographies en disent long et, à ma connaissance, généralement la vérité. Comment pouvez-vous expliquer que votre présence, récemment, à une réunion de l’EOKA, portant ce badge de l’EOKA – qui est le badge de l’organisation terroriste appelant à l’Enosis avec la Grèce – est de nature à gagner la confiance des Chypriotes turcs? Cela n’indiquerait-il pas plutôt que vous continuez à soutenir l’EOKA, et que vous continuez à soutenir ses objectifs, qui étaient, et continuent sans doute à être, l’Enosis avec la Grèce?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je ne sais pas par où commencer. Je sais que M. Faulds a des talents d’acteur. J’ignore d’où proviennent ces informations...
M. FAULDS (traduction)
C’est authentique.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Mais son numéro peut certainement être qualifié d’excellent. Il a réussi à présenter comme vraies des choses qui ne le sont pas. Il est inutile d’entamer une controverse pour savoir si ce que j’affirme est exact ou si ce qu’affirme M. Faulds l’est, mais je déclare devant cette auguste Assemblée que nous sommes prêts à accepter un contrôle international pour recenser le nombre d’hommes en armes dont nous disposons et le nombre de soldats turcs stationnés sur l’île. Cela permettra d’établir la vérité et de prouver à M. Faulds – je regrette de devoir le dire – que je dis la vérité et que les chiffres qu’il cite sont faux.
Quant à ma qualité de Président de la République de Chypre, je rappelle ce qui s’est produit lors de la première réunion entre M. Denktash et feu l’archevêque Makarios, en 1977, lorsqu’ils ont signé leurs accords. M. Denktash a dit à l’archevêque Makarios: «Vous savez, Votre Béatitude, que je ne vous reconnais pas comme Président de la République de Chypre». Avec son humour habituel, l’archevêque a répondu: «Ne vous en faites pas, Monsieur Denktash, il me suffit de savoir que le monde entier me considère comme le Président». Je suis dans le même cas aujourd’hui...
M. FAULDS (traduction)
Makarios était le président légitime.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je suis le président légitime, car la Constitution de 1960 prévoit que le Président de la République est choisi par les Chypriotes grecs, le Vice-Président étant choisi et élu par les Chypriotes turcs. Je suis donc le Président.
Quant à la fameuse photo en votre possession – celle-ci n’a d’ailleurs rien de secret – je tiens tout d’abord à préciser que ce sont les Britanniques qui qualifiaient l’EOKA d’organisation terroriste à l’époque; or, je regrette de devoir souligner qu’à l’époque coloniale les Britanniques avaient tendance à qualifier d’organisation terroriste tous les mouvements luttant pour l’indépendance et la liberté. Cela appartient au passé. Nous souhaitons désormais la coopération, et nous nous félicitons de celle qui s’est instaurée avec le Gouvernement britannique et entre les peuples britannique et chypriote.
L’EOKA était l’organisme qui luttait pour l’indépendance. Il est exact qu’elle souhaitait l’union avec la Grèce. Cela ne fait aucun doute. Il est aussi exact qu’elle a dû accepter un compromis: au lieu de l’union, elle a dû s’accommoder de la conclusion des accords de Zurich qui débouchaient sur l’indépendance et la création d’une république indépendante.
Tout Président d’un pays a le devoir de respecter ses traditions et le combat de son peuple pour l’indépendance. Au lieu de me critiquer, vous devriez, par conséquent, me féliciter. Lorsque vous parlez d’organisations terroristes, il existait à l’époque une organisation terroriste, le TMT, spécialisée dans les luttes entre les deux communautés. Comme on l’a vu et, je le répète, ce qui importe, c’est de ne pas s’attarder sur le passé et de ne pas trop insister sur les excès qui auraient pu être commis par certains membres de l’EOKA ou du TMT à un stade ultérieur, et non pendant la lutte pour l’indépendance.
On sait bien qu’il y a eu des luttes entre les communautés, et je suis le dernier à le nier. Ce que je tiens à souligner, c’est qu’on ne saurait bâtir l’avenir en ne cessant d’évoquer les luttes du passé. Il faut que nous tirions des enseignements du passé pour bâtir un avenir pacifique pour les deux communautés dans un Etat fédéral.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous en venons à la question n° 11, posée par Sir Dudley Smith. Elle est ainsi rédigée:
«Question n° 11:
Sir Dudley Smith,
Demande au Président de la République de Chypre pourquoi, dans l’attente d’un accord, il désapprouve le rôle de maintien de la paix des troupes turques dans le nord de Chypre.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Tout ce que je puis dire en réponse à cette question est que le ciel préserve le monde de ce genre de faiseur de paix. Si le maintien de la paix exige le rejet d’un tiers de la population, que des personnes deviennent des réfugiés dans leur propre pays, que l’on tue environ un pour cent de la population totale et que 1 600 personnes soient portées disparues, c’est une démarche extrêmement difficile. On pourrait poursuivre cette énumération, mais je préfère m’arrêter là. Je ne considère pas que c’est un effort en faveur de la paix et je pense que personne ne le considère. Nous sommes contre la présence permanente de troupes turques à Chypre. Nous souhaiterions les voir quitter l’île le plus tôt possible, car ce serait le meilleur moyen pour les Turcs de contribuer à la paix actuellement.
Sir Dudley SMITH (Royaume-Uni) (traduction)
M. Vassiliou sait-il que, loin d’être intimidés – j’ai pu le constater par moi-même – les Chypriotes du nord, les Chypriotes turcs, se sentent bien plus en sécurité grâce à la présence de l’armée turque? Cela leur a permis d’accroître, dans des proportions modestes, leur prospérité. Compte tenu de la réponse que vous venez de donner à mes collègues britanniques, force est de constater que depuis que les troupes turques sont là, on n’a enregistré aucun meurtre politique entre les deux communautés ni de blessé grave.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Il n’y a pas eu d’incident entre 1967 et 1974, bien que les troupes turques n’étaient pas stationnées dans l’île, et en 1974, lorsqu’à eu lieu le coup d’Etat inspiré par la junte grecque, aucun Chypriote turc n’a été victime d’un incident jusqu’à ce que la Turquie décide d’envahir l’île, prenant le coup d’Etat comme prétexte. Je suis convaincu qu’aucun pays du monde n’accepterait une telle intervention de la part d’un pays voisin.
Je vous renvoie à la formule que j’ai utilisée pour répondre à cette question lorsque j’étais en Malaisie. Je n’ai pas utilisé d’exemple européen. Comme vous le savez, la Malaisie est un pays multiracial, et environ un tiers de sa population est chinoise, mais les Chinois sont installés partout dans le pays. Dans le passé, il y avait des risques de conflit intercommunautaire. C’est un pays musulman. J’ai demandé à mon interlocuteur ce qu’il penserait si les Chinois débarquaient en Malaisie, occupaient la moitié ou un tiers du territoire, expulsaient tous les Malais, obligeaient tous les Chinois à venir s’installer dans cette partie du pays et leur donnaient les biens appartenant aux Malais, en leur disant: «Vous pouvez vivre là». Qu’en serait-il, s’ils disaient ensuite aux Malais ailleurs dans le monde: «C’est nous qui avons instauré la paix et vous devriez le reconnaître»? Mon interlocuteur m’a regardé et dit: «C’est bien cela la réalité». Sans autre commentaire. Je ne pense pas devoir m’étendre davantage sur cette question.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Suit la question n° 12 de M. Alemyr, sur le sort de la population turque en cas de réunification. Cette question est ainsi rédigée:
«Question n° 12:
M. Alemyr,
Demande au Président de la République de Chypre, dans l’éventualité d’une réintégration du nord de Chypre et de la République de Chypre, quel sera le sort, selon lui, de la population turque établie dans le nord de l’île depuis la division de celle-ci.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je considère que la population turque qui s’est installée dans le nord de Chypre doit obtenir des garanties pour son avenir. Je suis convaincu qu’à Chypre l’on s’achemine vers une coopération plutôt que vers une confrontation. Dans le cadre de la solution retenue, aussi bien les Chypriotes turcs que les Chypriotes grecs devraient pouvoir choisir entre retourner dans leurs villages ou rester là où ils sont. Il est probable que nombre de Chypriotes turcs sont devenus richissimes, étant donné que les terrains qu’ils possédaient, et continuent à posséder légalement d’après nos lois et nos règles, ont gagné énormément en valeur à la suite du développement du tourisme à Chypre. Chaque Chypriote, qu’il soit Turc ou Grec – mais ce qui vous intéresse ce sont les Turcs – devrait avoir la possibilité de choisir entre rentrer chez lui ou rester. S’il souhaite rester – or je pense que la majorité des Chypriotes turcs prendront cette décision – il devrait y être autorisé et être aidé à s’installer définitivement.
Si un Chypriote grec souhaite rentrer chez lui et que sa maison est occupée par un Chypriote turc, il faudra prendre des dispositions appropriées. Un nouveau logement, ou peut-être une nouvelle maison, devra être fourni au Chypriote turc afin qu’il n’ait pas le sentiment d’avoir été évincé de son domicile provisoire mais considère qu’on lui a donné une chance d’assurer son avenir, sur la base de la légalité de la fédération unie.
Autrement dit, nous n’envisageons pas de solution aboutissant à spolier qui que ce soit; au contraire, nous envisageons une solution garantissant que les Chypriotes turcs se sentent en sécurité et ont la certitude d’avoir un avenir, pas seulement pour eux-mêmes mais aussi, pour leurs enfants.
M. ALEMYR (Suède) (traduction)
Je vous remercie de votre réponse, Monsieur le Président. Ma question était motivée par le fait que la Commission des relations extérieures du Parlement suédois a reçu de l’un de vos fonctionnaires un message, mentionnant que si un règlement intervenait entre la Turquie et Chypre pour faire de Chypre un Etat libre et uni, tous les Turcs seraient expulsés par la force vers l’Anatolie. J’apprécie votre réponse et je vous en remercie. Je suis convaincu que nous sommes tous les deux d’accord pour considérer qu’il importe pour l’avenir de faire en sorte que tout le monde puisse coexister dans l’île, et vivre dans la dignité, et j’espère que nous pourrons tous coopérer pour le garantir.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Je crains qu’il n’y ait eu un malentendu de ma part. Dans mon esprit, il s’agissait des Chypriotes turcs qui sont allés s’installer dans le nord, et non pas des immigrants. Je considère qu’il vaut mieux faire bénéficier les immigrants d’une aide et d’un soutien pour qu’ils puissent retourner en Turquie, car ils ne sont pas arrivés à Chypre dans le cadre d’un processus légal, comme des immigrants arrivent actuellement en Suède ou dans tout autre pays européen. De surcroît, ils ont été utilisés et continuent à être utilisés pour contrôler la population chypriote turque, en leur accordant des droits politiques qui sont utilisés au détriment de la population chypriote turque autochtone.
Dans l’intérêt de tous les Chypriotes, ces personnes devraient bénéficier d’une aide pour se réinstaller en Turquie. Celles qui ont épousé des Chypriotes turcs devraient, toutefois, avoir la possibilité de choisir de rester. Il y a eu en fait de nombreux mariages entre Chypriotes grecs et turcs, et ces couples vivent en paix. Les personnes qui sont légalement mariées à un ou une Chypriote doivent, par conséquent, pouvoir continuer à vivre avec cette famille, mais les autres devraient bénéficier d’une aide pour retourner dans leur pays. C’est un point essentiel à nos yeux.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Nous en venons à la question n° 13, posée par M. Pahtas, sur le problème des disparus. Cette question est ainsi rédigée:
«Question n° 13:
M. Pahtas,
Rappelant que les événements tragiques de 1974, qui ont suivi l’invasion de Chypre par les forces militaires turques d’occupation, ont, entre autres, créé un problème majeur humanitaire, en ce qui concerne les personnes disparues, qui étaient en vie au moment de leur capture illégale par les troupes militaires turques et sur lesquelles on ne dispose d’aucune information depuis – il s’agit de 1 619 personnes, parmi lesquelles des citoyens grecs;
Constatant qu’aujourd’hui, seize ans plus tard, au moment où la liberté se retrouve dans toutes les parties de l’Europe et dans le monde entier, un pays membre du Conseil de l’Europe ignore toujours le sort de ses citoyens,
Demande au Président de la République de Chypre:
a. quelles sont ses informations à ce sujet, et
b. qu’est-ce que les institutions européennes pourraient faire pour le sort de ces personnes.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Les personnes disparues constituent une véritable tragédie. Nous souhaiterions que les cas soient résolus le plus rapidement et qu’ils ne fassent pas l’objet d’une exploitation politique. Il s’agit d’un problème humain que nous souhaitons voir résolu.
J’ai lancé un appel à M. Denktash et à la Turquie pour qu’ils nous aident à le résoudre, et j’ai affirmé à plusieurs reprises que nous n’avons pas l’intention d’exploiter cette question politiquement.
M. PAHTAS (Grèce)
Monsieur le Président de la République, nos principes s’expriment à travers notre total respect des droits de l’homme et de la démocratie ainsi que notre lutte pour les défendre.
Dans cette perspective, notre objectif est de contribuer à une Europe indépendante des blocs militaires, où aucune troupe étrangère ne stationne dans aucun de nos pays.
Malgré tout, nous nous trouvons devant un paradoxe, ou plutôt plusieurs paradoxes.
Vous, Monsieur le Président de la République, vous êtes le Président d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, dont plus d’un tiers du territoire est occupé par les forces militaires d’un autre pays, la Turquie, également membre du Conseil de l’Europe.
Récemment, la République Démocratique Allemande a levé tous les obstacles et supprimé toutes les barrières gênant la libre circulation des personnes. A Chypre, on soulève le mur d’une frontière inexistante.
Nous débattons de la construction de l’unité européenne d’une manière très approfondie: mais un pays européen reste toujours divisé en deux par d’autres forces militaires!
Tous les efforts sont faits dans un bon sens: il s’agit d’éviter un flux de mobilisation des populations – du genre de celui qui a provoqué la démocratisation des pays de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale.
A Chypre, nous «importons» des populations venant de l’intérieur de l’Asie. Si l’on continue de cette manière, dans peu de temps, la majorité de la population des territoires occupés n’appartiendra plus à la population d’origine. On assiste donc à un nouveau phénomène de colonisation. En même temps, on empêche des réfugiés des deux communautés de retourner dans leur foyer.
Tout cela conduit le Secrétaire général des Nations Unies à aller à l’encontre de sa politique générale, à prendre position et à mentionner qu’il n’était pas content de l’attitude de M. Denktash – plus précisément, qu’il ne comprenait plus le langage de celui-ci.
Que pensez-vous, Monsieur le Président de la République, de cette réaction du Secrétaire général des Nations Unies?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Nous souhaitons qu’une réunion ait lieu et qu’elle aboutisse à des résultats. Nous comptons sur la coopération et l’aide de M. Denktash pour que cette réunion soit couronnée de succès.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Voici à présent les questions nos 14 et 15, posées par MM. Atkinson et Lambie, relatives à M. Denktash. Elles sont ainsi rédigées:
«Question n° 14:
M. Atkinson,
Demande au Président de la République de Chypre à quelles consultations il a procédé avec M. Denktash pour préparer sa déclaration d’aujourd'hui.
Question n° 15:
M. Lambie,
Considérant qu’il est équitable, voire essentiel, que le Conseil entende les deux parties avant de pouvoir se faire une opinion sur une affaire,
Demande au Président de la République de Chypre si celui-ci voit un inconvénient à ce que le Conseil de l’Europe invite M. Denktash, leader des Chypriotes turcs, à prendre également la parole devant l’Assemblée parlementaire, comme il vient de le faire.»
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
On me demande quelles consultations j’ai eues avec M. Denktash avant de faire ma déclaration. Comme on l’a vu, j’ai essayé d’avoir des consultations avec M. Denktash au cours du mois dernier, mais celui-ci s’est refusé à exprimer une opinion sur quoi que ce soit, et encore moins sur une déclaration. Ces questions me surprennent.
M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)
Reconnaissez-vous que, dans un pays divisé comme le vôtre, lorsqu’on prépare un discours prononcé devant une assemblée aussi importante que la nôtre, il aurait été opportun que vous consultiez le leader de la communauté chypriote turque au lieu de ne parler qu’au nom d’une moitié de votre pays? Pouvez-vous confirmer que vous avez cherché à prendre contact avec M. Denktash pour la préparation de votre allocution devant notre Assemblée?
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Vos propos m’étonnent, Monsieur Atkinson. Vous savez que Chypre est une république et que son Président a été élu en bonne et due forme. M. Denktash et la communauté chypriote turque ont choisi de se retirer et sont séparés de nous actuellement. Nous avons toujours affirmé que nous serions heureux d’accueillir de nouveau les Chypriotes turcs en notre sein dans le cadre de la Constitution, si c’est ce qu’ils souhaitent. Ils s’y sont malheureusement refusé. Je pensais que vous le saviez. On ne peut consulter quelqu’un que dans le cadre d’institutions prévues à cet effet par la loi. Or ces institutions existent, mais les Chypriotes turcs ont malheureusement choisi de ne pas y participer. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas eu la possibilité de les consulter.
M. LAMBIE (Royaume-Uni) (traduction)
Je vous ai demandé si vous ne verriez pas d’inconvénient à ce que l’Assemblée invite M. Denktash à venir prendre la parole devant elle. Vous avez exposé aujourd’hui votre point de vue sur la question. Compte tenu du nouvel esprit de glasnost que j’ai cru percevoir dans votre discours d’aujourd’hui, verriez-vous un inconvénient à ce que M. Denktash soit invité à présenter sa version de l’affaire?
Depuis que je suis membre du Conseil de l’Europe, je n’ai rencontré dans un cadre officiel à l’Assemblée parlementaire, dans des commissions et des sous-commissions, que des représentants de la communauté grecque de Chypre. Dans votre allocution, vous avez affirmé qu’il fallait se préoccuper de l’avenir. Pouvez-vous nous donner l’assurance que dans un proche avenir, la délégation chypriote au Conseil de l’Europe comprendra des membres de la communauté turque? Cela permettrait de faire un grand pas en avant dans la perspective d’être tous réunis.
M. Vassiliou, Président de la République de Chypre (traduction)
Il ne m’appartient pas de décider qui peut parler devant l’Assemblée. Autant que je sache, les règles sont claires. C’est une Assemblée de vingt-trois Etats, et uniquement les chefs de ces Etats sont invités à s’exprimer devant elle; M. Denktash ne peut donc le faire à aucun titre.
Le point de vue des Chypriotes turcs est connu. Il y a eu de nombreuses occasions, notamment dans le cadre de visites d’information, d’entendre ce point de vue, et je suis convaincu que personne ne l’ignore. Je répète que nous sommes à la recherche d’une solution et que nous souhaitons la réunification de Chypre. Nous avons toujours souhaité que les Chypriotes turcs fassent partie de la délégation. Ce n’est pas de notre faute s’ils ne sont pas là: ce sont eux qui ont fait ce choix.
Cette Assemblée se compose de représentants des vingt-trois parlements de ses Etats membres. Les Chypriotes turcs ont malheureusement préféré se retirer de notre Parlement. Des sièges sont prévus pour eux, mais ils ne veulent pas participer. Ce qu’ils veulent, c’est imposer la partition de l’île et détruire la république. Le monde entier est contre la partition. Les problèmes ethniques ne sauraient être résolus par la partition. Comme je l’ai affirmé dans mon exposé – et je suis certain que vous partagez mon avis – cela ne servirait à rien si, au lieu de trente-cinq Etats, l’Europe était composée de trois cents nations; or c’est ce qui se produirait si chaque minorité ethnique pouvait, à son gré, faire sécession. Nous nous efforçons d’œuvrer pour le bien du peuple chypriote, mais nous participons également à votre lutte pour une Europe meilleure et un monde meilleur.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie, Monsieur le Président. Au nom de l’Assemblée, je vous adresse nos remerciements pour les réponses que vous avez données à toutes les questions qui ont été posées. Je vous remercie également du soutien que vous apportez à notre Organisation et je vous adresse, à vous-même et à Chypre, nos meilleurs vœux pour l’avenir.