Vaira

Vike-Freiberga

Président de la Lettonie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 23 janvier 2001

Je suis d’autant plus heureuse d’avoir l’occasion de prendre aujourd’hui la parole devant vous que, pour la première fois dans l’histoire du Conseil de l’Europe, mon pays assume la présidence du Comité des Ministres. C’est avec un grand plaisir que la Lettonie a accepté cette responsabilité – qui est aussi un honneur – et elle se félicite de la possibilité qui lui est ainsi donnée de participer plus activement aux affaires européennes.

Je tiens à adresser mes chaleureuses félicitations à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan qui vont devenir membres à part entière du Conseil de l’Europe à la fin de la semaine. Nul doute que l’appartenance à l’Organisation ’ aidera ces deux nouveaux États membres à renforcer la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit sur leur territoire.

L’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan témoigne des progrès accomplis en matière de respect des normes élevées du Conseil de l’Europe, notamment dans le domaine des droits de l’homme. Ces normes doivent s’appliquer de la même manière à tous les États membres si l’on veut préserver la crédibilité morale et politique de l’Organisation.

La Lettonie est particulièrement reconnaissante au Conseil de l’Europe, qui, en maintes occasions, a fait la preuve de son équité et de son objectivité. En 1960, c’est-à-dire il y a plus de quarante ans, l’Assemblée parlementaire exprimait, dans une résolution, son opposition à l’occupation des États baltes par l’Union soviétique. Je me réjouis de voir qu’elle a décidé, ce matin, de clore la procédure de suivi relative au respect, par la Lettonie, des obligations et engagements contractés au moment de son adhésion à l’Organisation. Il va de soi que le Conseil de l’Europe doit continuer à défendre les valeurs démocratiques fondamentales dans l’ensemble du continent européen chaque fois que le besoin s’en fait sentir.

Le Conseil de l’Europe est la seule organisation paneuropéenne qui s’emploie à évaluer la maturité démocratique de ses membres, au nombre desquels on compte des pays candidats à l’Union européenne, des pays de l’Union et d’autres encore. L’Organisation offre un forum démocratique à une vaste région qui s’étend des côtes occidentales de l’Europe jusqu’au Caucase. En favorisant un dialogue ouvert, le Conseil de l’Europe travaille à la réalisation de ses objectifs majeurs: protéger et promouvoir la démocratie, le respect des droits de l’homme et la prééminence du droit au sein de ses États membres.

Pendant sa présidence du Comité des Ministres, la Lettonie entend poursuivre les activités engagées et maintenir les priorités que s’est données l’Organisation. C’est ainsi qu’elle s’attachera, entre autres, à garantir la permanence de l’efficacité de la Convention européenne des Droits de l’Homme; à renforcer le rôle politique du Conseil de l’Europe; à mettre l’accent sur le rôle normatif de l’Organisation, tant pour les États membres que pour les États candidats; à développer sa contribution en matière d’identité culturelle; et, d’une manière générale, à accroître l’efficacité du Conseil en tant qu’organisation. Nous sommes convaincus que la meilleure façon de garantir cette continuité à plus long terme, c’est de travailler dès à présent en étroite coopération avec les futures présidences du Liechtenstein, de la Lituanie et du Luxembourg.

La diversité linguistique est l’une des grandes forces de l’Europe, ce qui deviendra plus évident encore avec l’élargissement prochain des institutions européennes. Il est donc particulièrement approprié, opportun et symbolique que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne se soient associés pour organiser l’Année européenne des langues. Dans la déclaration commune qu’ils ont faite lors du lancement de cette campagne, Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et Viviane Reding, Commissaire européen pour l’éducation et la culture, indiquaient que – et je cite: «Chacun en Europe doit avoir la possibilité, tout au long de sa vie, d’apprendre des langues. Chacun mérite le droit de bénéficier des avantages culturels et économiques que peuvent apporter les compétences linguistiques. L’apprentissage des langues contribue également à la tolérance et la compréhension entre populations de formation culturelle et linguistique différente.»

En tant que pays dont la langue nationale n’est parlée, dans le monde entier, que par deux millions de personnes environ, la Lettonie souhaite, elle aussi, contribuer à la protection et à la promotion des langues les moins importantes de l’Europe au cours de cette Année européenne des langues. C’est ainsi qu’en avril prochain elle accueillera à Riga une conférence sur les langues les moins parlées, à laquelle participeront des linguistes et des hommes politiques, ainsi que des représentants d’organisations gouvernementales et non gouvernementales.

Étant donné que, depuis des siècles, la Lettonie abrite une société multiculturelle et en raison de la position géographique avantageuse du pays, situé au carrefour de l’Est et de l’Ouest, la plupart des ressortissants lettons parlent au moins une langue étrangère.

L’environnement multiculturel de la Lettonie se reflète dans son système d’enseignement primaire, qui offre un enseignement plus ou moins intensif en six langues différentes, dont le rom. On compte dans le pays près de 200 écoles de langue russe, ainsi que des écoles polonaises, juives, ukrainiennes et bélarussiennes. Dans un esprit de diversité culturelle et de tolérance, l’État offre aux enfants appartenant à des groupes minoritaires la possibilité de préserver leur identité culturelle d’origine tout en cultivant leur identité lettonne et européenne.

Depuis la fin des années 80, un certain nombre de minorités – Lituaniens, Estoniens, Russes, Bélarussiens, Allemands, Polonais, Juifs, Rom, Tartares, Hongrois et Moldoves, notamment – ont recommencé à cultiver leur identité en Lettonie. On a observé dans le pays une augmentation rapide du nombre d’associations culturelles, dont plusieurs se sont regroupées dans le cadre de l’Association des minorités ethniques et des sociétés culturelles de Lettonie. Ceux d’entre vous qui ont assisté le mois dernier à Riga à la cérémonie de clôture de la campagne du Conseil de l’Europe, «L’Europe: un patrimoine commun», auront peut-être noté l’esprit de bonne entente qui préside aux relations entre les groupes ethniques de Lettonie.

Si ces relations sont aujourd’hui satisfaisantes, l’héritage de cinquante années d’occupation soviétique continue de peser lourdement sur mon pays. Un nombre considérable de ses habitants n’ont pas encore acquis la nationalité lettone. Ils sont, toutefois, résidents permanents légaux et bénéficient du droit à l’emploi, du droit à la propriété et du droit de voyager librement. Certains d’entre eux ont choisi de devenir citoyens russes; d’autres ont préféré la citoyenneté lettone; mais il reste des indécis. Des sondages récents font apparaître que beaucoup de ces personnes ont peur d’échouer au test de langue mis en place par le Conseil de la naturalisation. Ces craintes sont en grande partie infondées, puisque le taux de réussite à cet examen est de 95 %.

Le Gouvernement letton, en étroite coopération avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, a mis en place une politique linguistique visant à l’acquisition d’une meilleure maîtrise de la langue sur l’ensemble du territoire. La loi sur la langue lettone ainsi que les décrets d’application correspondants ont également été élaborés en coopération avec le Conseil de l’Europe et l’OSCE.

Notre objectif est d’inciter les non-lettophones à apprendre la langue d’État tout en conservant leur langue maternelle. Je suis convaincue que cet objectif est réalisable. Le programme d’État pour l’apprentissage du letton a permis l’acquisition de cette langue notamment par des enseignants, des médecins, des agents des forces de police et des chômeurs non lettons.

Ce programme bénéficie du soutien du gouvernement ainsi que de celui de donateurs internationaux, au nombre desquels le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. Les résultats obtenus sont très impressionnants, puisque, en 2000, seuls 9 % de non-Lettons déclaraient ne pas connaître la langue du pays contre 22 % en 1996.

La langue nationale d’un pays est à la fois l’expression de son identité et un instrument de communication et d’intégration sociale. Nous encourageons les populations minoritaires à acquérir la maîtrise du letton, laquelle leur permettra, en fin de compte, d’accroître leurs qualifications professionnelles ainsi que leur aptitude à participer au processus démocratique en cours dans le pays. Mais n’oublions pas, toutefois, que l’apprentissage des langues dépend de l’engagement et de la motivation de chacun. Les initiatives prises par le gouvernement ne peuvent servir qu’à fixer le cadre qui permettra de favoriser à la fois l’apprentissage de la langue et l’intégration sociale. On peut mener un cheval à la rivière, mais on ne peut pas le forcer à boire.

La politique linguistique n’est que l’un des domaines dans lesquels la coopération entre la Lettonie et le Conseil de l’Europe a été fructueuse. L’Organisation a également mis toute son expertise à la disposition du Conseil letton de la naturalisation en vue de définir les critères des tests de naturalisation. La Lettonie a en outre bénéficié d’un financement international qu’elle a mis à profit pour mettre en place d’autres programmes que le gouvernement s’est ensuite chargé de mettre en œuvre.

Ces programmes ont, notamment, trait au renforcement de la démocratie, à la protection des minorités, à la promotion de la tolérance et de la compréhension mutuelle, ainsi qu’au renforcement de l’appareil administratif de l’État. A bien des égards, la Lettonie est devenue un modèle et d’autres pays sollicitent désormais ses conseils dans un certain nombre de domaines.

Ainsi, le Centre linguistique national de Lettonie partage-t-il son expérience avec la Moldova et l’École nationale lettone d’administration a-t-elle soumis des propositions de coopération à la Géorgie. Une coopération avec l’Ukraine se dessine en vue de partager les leçons que nous avons tirées de notre marche vers l’intégration à l’Union européenne et de la reconstruction de notre économie. On pourrait citer bien d’autres exemples de la large coopération amicale que nous avons engagée avec de nombreux pays, notamment à l’échelon parlementaire. Nous nous sentons honorés d’être consultés et sommes fiers de pouvoir apporter notre assistance à d’autres.

Pour conclure, j’aborderai la question de la Convention européenne des Droits de l’Homme. En novembre dernier, des ministres de tous les États membres du Conseil de l’Europe se sont réunis à Rome pour célébrer le 50e anniversaire de la Convention. Il est désormais largement admis que cet instrument est la cheville ouvrière du système européen de protection des droits de l’homme et qu’il constitue une réalisation majeure du Conseil de l’Europe.

Jusqu’ici, le succès de la Convention a été dû en grande partie à l’excellent travail de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Toutefois, en raison de l’augmentation considérable du nombre des requêtes individuelles enregistrées ces dernières années, cette dernière est aujourd’hui soumise à de très fortes pressions. Une révision approfondie des méthodes de travail de la Cour s’impose, qui pourrait, le cas échéant, s’accompagner d’une réforme du système de la Convention. Je me félicite des efforts déployés conjointement par le Comité des Ministres et la Cour des Droits de l’Homme pour résoudre ces problèmes.

L’efficacité du système de la Convention dépend aussi de la volonté des États membres d’appliquer les arrêts de la Cour. L’Assemblée parlementaire a établi à ce sujet un rapport extrêmement utile qui a fait l’objet d’un débat lors de sa session de septembre.

Je tiens également à souligner que les institutions nationales de chaque État membre, notamment les tribunaux, doivent tout mettre en œuvre pour protéger les droits énoncés dans la Convention. Le Conseil de l’Europe est investi de la noble tâche de garantir le respect, par les États membres, des normes les plus élevées en matière de droits de l’homme. Fournissons, cette année, un effort commun pour donner un souffle nouveau à la Convention et à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Ce faisant, nous permettrons au Conseil de l’Europe de rester à l’avant-plan de la lutte pour la dignité humaine et des droits individuels.