Vladimir

Voronin

Président·e de la République de Moldova

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 27 juin 2001

M. Voronin est très heureux de revenir à Strasbourg et de saluer ses anciens collègues; il remercie le Président de pouvoir s'exprimer devant les parlementaires des démocraties européennes.

La République de Moldova a besoin de l'Europe, et l'Europe a besoin de la Moldova. En effet, il n'y a pas de petites ou de grandes nations en Europe; selon le grand écrivain Mihai Eminescu «l'Europe est un diamant et les nations européennes en sont les facettes qui lui permettent de briller de tous ses feux».

Six ans se sont écoulés depuis que la République de Moldova est devenue membre du Conseil de l’Europe. La République de Moldova a honoré la plupart de ses engagements et largement démocratisé la société; elle a ratifié de nombreuses conventions, notamment sur les droits de l'homme, sur la protection des minorités nationales, ainsi que la Charte sur la démocratie locale, ce qui a nécessité d'importantes modifications de la législation interne. La Moldova est fermement résolue à honorer l'ensemble des engagements pris en tant que membre du Conseil de l’Europe; dans le même temps, elle a adapté sa législation aux normes européennes afin de progresser sur la voie de l'intégration à l'Union européenne qui demeure l'un des grands objectifs de politique étrangère.

Dans ce contexte, M. Voronin exprime sa satisfaction devant l'esprit d'ouverture dont fait preuve l'Union européenne envers la Moldova; il se réjouit notamment de la décision d'admettre la Moldova au sein du Pacte de stabilité – l'événement aura lieu demain à Bruxelles – et de participer à la Conférence européenne. Il y voit une manifestation de confiance et la réponse à l'aspiration des Moldaves de devenir des Européens à part entière.

Le 27 août prochain, la République de Moldova célébrera le 10è anniversaire de sa proclamation d'indépendance. Durant cette décennie, les autorités politiques de la République moldave, à tous les niveaux, ont été élues démocratiquement; les dernières élections législatives n'ont pas fait exception à la règle, comme l'ont constaté de nombreux observateurs internationaux. Ces élections ont permis de dégager une majorité stable. Le nouveau gouvernement de la République est déterminé à poursuivre l'édification d'un Etat de droit.

La construction de la démocratie en Moldova est un objectif essentiel mais difficile. Le pays est en effet confronté à trois problèmes cruciaux: la Transnistrie, la pauvreté et la corruption.

Le problème de la Transnistrie n'est pas interethnique mais politique. Le conflit a pris fin depuis plusieurs années, mais ses conséquences se font encore sentir. Les autorités moldaves sont disposées à accorder à la région un très large statut d'autonomie à condition que l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République de Moldova soient préservées. Cela dit, seul le respect des décisions prises au Sommet d'Istanbul en 1999, au sujet du retrait des forces armées étrangères, permettra un règlement durable de la question. Les négociations, auxquelles participent la mission de l'OSCE et des représentants de la Russie et de l'Ukraine, avancent lentement. Dans la partie de la Transnistrie contrôlée par les autorités séparatistes, les droits de l'homme sont violés et la population exclue du système de protection offert par la Convention européenne des Droits de l'Homme: c'est un motif de préoccupation pour les démocraties européennes et pour le Conseil de l’Europe. Sans l'appui de l'Europe, il sera difficile de promouvoir les valeurs européennes dans cette région.

Depuis dix ans, la République de Moldova a accompli un effort considérable pour réaliser une restructuration économique fondée sur l'économie de marché, la liberté économique et la propriété privée. Le prix payé par les citoyens moldaves a été très élevé; la Moldova doit continuer dans cette voie, mais sans pour autant négliger le problème de la pauvreté, qui exige des mesures extraordinaires.

Un homme pauvre ne saurait être un homme libre. La Communauté européenne ne peut tolérer l'existence d'un Etat pauvre en plein cœur de l'Europe. La coopération devrait permettre d'atténuer le problème, mais seule la mobilisation des ressources internes permettra d'assurer le respect de la dignité de chaque citoyen.

Chacun sait que la pauvreté est source de corruption. La Moldova n'a pas été épargnée: les autorités moldaves font de la lutte contre la corruption l'une de leurs priorités, conformément à l'accord du Conseil de l’Europe instituant un groupe d'Etats contre la corruption, le GRECO.

La présente session du Conseil de l’Europe contient un thème très important pour la Moldova: le trafic des enfants et des adolescents. Ce phénomène constitue un défi pour de nombreux Etats européens; pour sa part, le gouvernement moldave a suspendu toutes les procédures d'adoption engagées par des étrangers afin de rétablir une certaine légalité.

La République de Moldova fait partie de l'Europe du Sud-Est; elle ne peut donc ignorer l'escalade de la violence en Macédoine, qui constitue une menace pour toute la région. L'Histoire du XXe siècle enseigne que toute révision des frontières, fondée sur des critères ethniques ou religieux, est une menace pour la sécurité. L'expérience moldave prouve que ce type de problème ne doit être résolu que par des moyens pacifiques: c'est bien pourquoi la Moldova s'oppose à toute tentation séparatiste ou nationaliste qui irait à l'encontre des réalités européennes. Tout le monde a intérêt à regarder vers l'avenir et non pas en arrière et à répondre à l'attente des peuples qui veulent la démocratie et la prospérité.

Les droits de l'homme constituent une des valeurs fondamentales de l'Europe dont le Conseil de l’Europe est dépositaire. C'est une chance donnée à tous les Européens pour leur permettre de clarifier leur rôle dans la nouvelle architecture du continent. Le Conseil de l’Europe est le premier organisme paneuropéen, il représente l'unité de l'Europe et constitue le lieu privilégié du rapprochement entre l'Est et l'Ouest du continent.

La République de Moldova, aux côtés des autres membres du Conseil de l’Europe, est prête à assumer toutes ses responsabilités. (Applaudissements)