LA PRÉSIDENTE
Merci, Monsieur
le Président, de votre discours, qui a vivement intéressé les membres
de notre Assemblée.
Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait
de poser une question. Mes chers collègues, je vous rappelle que
les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes et que vous devez
poser une question et non faire un discours.
M. VAREIKIS (Lituanie), porte‑parole du Groupe du Parti
populaire européen (interprétation)
Monsieur le Président, les gens de
ma génération se rappellent la guerre froide et se souviennent qu’à
l’époque la Finlande était le lieu où l’Ouest rencontrait l’Est:
le processus d’Helsinki a été d’une immense importance pour la paix
mondiale.
On parle désormais d’une espèce de nouvelle guerre froide.
Le moment est‑il revenu, pour la Finlande, de redoubler d’efforts
diplomatiques pour assurer la paix mondiale?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Les circonstances sont‑elles similaires?
D’aucuns le disent; certains parlent même aujourd’hui d’une guerre
glaciale.
Ce que la Finlande essaie de faire, c’est de promouvoir et
de renforcer le respect et le dialogue. J’ai rencontré le Président
chinois la semaine dernière, ainsi que les Présidents Trump et Poutine
tout récemment. L’ordre mondial a changé: de ces trois présidents,
de leur vision du monde et de la conduite de leur politique dépendent 7 milliards
d’entre nous. Mais nous pouvons, nous aussi, essayer d’intervenir
et d’exercer notre influence par le dialogue, en exprimant notre
point de vue.
Nous formulons l’espoir de revenir à un ordre mondial fondé
sur des règles, lequel a été porteur de tant de bénéfices pour l’humanité.
Or renforcer cet ordre fondé sur des règles, c’est ce que vous faites
à chaque fois que vous vous rencontrez ici.
M. ÇEVİKÖZ (Turquie), porte‑parole du Groupe des socialistes,
démocrates et verts (interprétation)
La Finlande est le voisin direct
de la Russie, pays avec lequel elle entretient de bonnes relations.
Estimez‑vous avoir une chance d’améliorer la situation de crise
entre le Conseil de l’Europe et la Russie? Dès que la Finlande quittera
le Comité des Ministres, la présidence de l’Union européenne reviendra
à votre pays. Compte tenu de cette chance de double présidence,
quelle sont vos possibilités de développer ces deux grandes organisations?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
De fait, nous avons un grand voisin
avec lequel – je l’ai dit tout à l’heure – nous souhaitons le dialogue.
Personnellement, j’entretiens un dialogue avec le Président ukrainien, M. Porochenko.
Mon pays n’a qu’un seul objectif, qui est d’inspirer un dialogue
continu en renforçant la paix, ce qui est primordial pour nous tous.
Comme nous présidons aussi le Conseil de l’Arctique, il y
a donc une triple présidence finlandaise en 2019. La visite, hier,
de mon ministre des Affaires étrangères, la mienne aujourd’hui à
votre auguste Assemblée, témoignent du fait que nous estimons que
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont beaucoup en commun.
Nous sommes des Européens et nous voulons entamer cette présidence
de l’Union européenne, à partir du mois de juillet, dans le souci
de renforcer la coopération pour la paix. Votre institution est
tout à fait propice pour faire ce travail.
Lord BALFE (Royaume-Uni), porte‑parole du Groupe des
conservateurs européens (interprétation)
Monsieur le Président, vous
avez évoqué les trois présidences. J’évoquerai aussi la présidence
du Conseil de l’Arctique. Si le Japon, la Chine, l’Inde et la Corée
y ont le statut d’observateurs depuis 2013, la candidature de l’Union
européenne a été reportée. Le Conseil de l’Europe n’a jamais fait
acte de candidature. Monsieur le Président, estimez‑vous que le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne pourraient jouer un rôle
au sein du Conseil de l’Arctique ou entretenir un lien plus étroit
avec celui‑ci?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
S’agissant du rôle dévolu au Conseil
de l’Arctique, j’ai dit à maintes reprises que si nous perdions
l’Arctique, nous perdrions la planète. La protection de l’Arctique
revêt donc une importance vitale.
Quant à la composition du Conseil de l’Arctique, des raisons
historiques et géographiques expliquent la présence des huit membres
permanents. Nous avons, comme vous l’avez dit, des observateurs.
Nous notons une recrudescence d’intérêt de la part de parties qui
souhaiteraient également devenir observateurs, du Sud au Nord, de
l’extrême Sud à l’extrême Nord.
La possibilité pour l’Union européenne d’avoir le statut d’observateur
est sur la table depuis longtemps, on en parle année après année.
Peut‑être pourrions‑nous faire une nouvelle tentative, mais nous
savons tous qu’il y a eu à ce sujet un veto de la Russie. Tant qu’il
en est ainsi, il paraît difficile d’aller plus loin. Mais je souscris entièrement
à ce que vous venez de dire.
M. BILDARRATZ (Espagne), porte‑parole de l’Alliance des
démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)
Monsieur
le Président, ce matin, vous avez renvoyé à deux concepts très importants:
éviter la radicalisation et développer l’inclusion. Quel rôle peut
jouer en Finlande l’éducation afin de prévenir la radicalisation?
Quel niveau de rémunération générale est de nature à favoriser l’inclusion
en Finlande?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
En Finlande, confrontés au problème
de jeunes garçons – je dis bien de jeunes garçons – en voie de marginalisation
de la société, nous avons agi dans le droit‑fil de la lutte contre
la radicalisation. Chacun, y compris les jeunes, doit comprendre
qu’il fait partie intégrante de la société. Si vous avez le sentiment
d’appartenir à la société, vous vous comportez de façon tout à fait
correcte. Comment faire en sorte que les jeunes sentent qu’ils appartiennent
à la société? Cela passe bien sûr par l’éducation, mais aussi par
la mobilisation de moyens financiers pour leur venir en aide.
J’ai dit aussi que chaque individu avait une responsabilité
propre à assumer. Au temps de ma jeunesse, j’ai entendu dire: «Il
ne faut pas faire cela», ou bien: «Tu ne le referas pas!», ou encore: «Là,
tu t’es bien débrouillé». Ce type de réaction de la part de vos
proches permet de trouver votre place dans la société ou de vous
en sentir exclu. Nous avons tous eu des expériences comparables.
Souvenons‑nous de notre jeunesse! Des phrases de votre lointain
passé peuvent vous revenir à l’esprit des décennies plus tard, parce
qu’elles ont pesé lourd. Nous exerçons une influence parfois décisive
les uns sur les autres.
M. KOX (Pays‑Bas), porte‑parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)
Monsieur le président, je soutiens pleinement votre appel
à une responsabilité partagée entre l’Assemblée parlementaire et
le Comité des Ministres afin de surmonter nos problèmes, qui ont
beaucoup trop coûté à notre Organisation et surtout à nos citoyens.
Avec la présidence finlandaise, nous essayons de sortir de cette
phase.
En votre qualité de chef d’État d’un pays chevronné en matière
de négociation diplomatique, que proposez‑vous de faire vis‑à‑vis
du Président Poutine afin qu’il comprenne que nous attendons des
Russes qu’ils s’acquittent de leur contribution?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
J’ai discuté avec le Président
Porochenko et avec le Président Poutine de la situation actuelle
du Conseil de l’Europe. Mon espoir est de parvenir à améliorer la
qualité du dialogue pour ciseler une solution ensemble. Celle‑ci
dépend moins de moi que de vous… Comme je l’ai dit à la Présidente
Maury Pasquier et au Secrétaire Général Jagland, je serais toujours
à votre disposition, si cela est utile, pour vous apporter mon aide.
Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte‑parole du Groupe des
démocrates libres (interprétation)
L’avenir de l’Europe est menacé
par la xénophobie, l’antisémitisme et le racisme. La lutte contre
ces phénomènes constitue‑t‑elle une priorité de la présidence finlandaise?
En ce qui concerne la question des réfugiés, l’activité des
États membres et des institutions est‑elle adéquate? Quelles autres
mesures pourrait‑on prendre?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Dans différents pays, le populisme
se développe et de nouveaux types d’opposition apparaissent. Se
contenter de dire que ces mouvements ont tort est insuffisant. Il
nous faut nous regarder dans la glace et nous interroger: avons‑nous
contribué à l’émergence de ce phénomène? Il est difficile de trouver
des réponses.
Dans de nombreux pays, la situation est comparable à celle
qui existe en Finlande. Si l’on se reporte trente ans en arrière,
il est incontestable que pratiquement tout va mieux, la vie quotidienne
des gens s’est améliorée; pour autant, il n’est pas certain qu’ils
soient plus satisfaits.
Gardons à l’esprit que l’être humain s’habitue vite aux bonnes
choses et en veut toujours plus! Cette tendance rend la politique
bien difficile et ouvre la voie au populisme.
Un élément nouveau qu’il convient de prendre en considération
est l’existence des médias sociaux. Je suis plutôt optimiste sur
le sujet: ils véhiculent une certaine agressivité mais je pense
que les gens s’en lasseront et comprendront que la réalité est différente
de ce que ces médias présentent.
Je crois fermement à la démocratie.
Pour en revenir à l’expérience finlandaise, nous avons connu
deux périodes de populisme, l’une dans les années 1970, l’autre
il y a dix ans. Deux partis populistes sont apparus puis ils ont
accédé aux responsabilités gouvernementales et ils ont changé avant
de disparaître. Cela doit alimenter notre réflexion. Interdire à
ces mouvements de s’exprimer, leur intimer de se taire, ne fait
que les renforcer.
Sur la question des réfugiés, je vais répéter ce que j’ai
déjà dit. Le problème migratoire concerne spécifiquement le territoire
de l’Union européenne: elle doit donc jouer un rôle de chef de file
en ce qui concerne les modalités d’entrée sur le territoire européen,
l’interprétation à donner des législations sur l’asile, les modalités
de retour des personnes qui ne peuvent être accueillies. Si les
différents États membres mettent chacun en place leurs propres règles,
nous aboutirons au chaos.
M. FOURNIER (France)
Monsieur le Président, mes chers collègues, le 10 décembre
dernier, nous célébrions le 70e anniversaire
de la signature, à Paris, de la Déclaration universelle des droits
de l’homme. Alors que ce texte apparaît comme le bien commun de
l’humanité, il n’est pas du tout acquis qu’il serait de nouveau
accepté aujourd’hui. C’est ce qu’affirmait il y a peu la Chancelière
allemande, et je crains qu’elle n’ait raison.
Aussi, je souhaitais entendre votre point de vue sur cette
question, et plus particulièrement sur la remise en cause du caractère
universel des droits de l’homme à laquelle, hélas! nous assistons.
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Je n’ai pas eu l’occasion de prendre
connaissance des commentaires de la Chancelière allemande.
Les temps ont changé à n’en pas douter! Il est tout à fait
possible que si devait se présenter une situation nouvelle, il faille
envisager un nouveau type d’accord. Tout est question de contexte.
Le contexte serait assez différent car nous sommes dans une ère
différente où surgissent des phénomènes nouveaux.
Mais comme je le disais, je suis un fervent partisan de notre
ordre fondé sur les règles et je pense qu’il serait possible d’aboutir
à la rédaction d’une déclaration très comparable.
M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan) (interprétation)
Monsieur le Président, les échanges
entre votre pays et le mien ne cessent de croître. De nombreuses
entreprises finlandaises sont désormais établies en Azerbaïdjan.
Quelles perspectives y a‑t‑il de liens économiques plus étroits
encore entre nos deux pays?
En 1992, à l’occasion de la coprésidence des institutions
au sein de l’OSCE et du Groupe de Minsk, la Finlande a été choisie
pour trancher le problème du Haut‑Karabakh. La Finlande appartient
toujours au Groupe de Minsk, quel type d’efforts êtes‑vous prêt
à déployer pour résoudre ce conflit?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Je crois que le secteur industriel
finlandais va se réjouir de la possibilité que vous me donnez d’intervenir
sur cette question. Nous faisons tous face à un phénomène d’urbanisation,
qui représente un grand défi.
En Finlande, beaucoup d’entreprises coopèrent en vue de trouver
des solutions pour l’urbanisation, la gestion des eaux usées, l’approvisionnement
en eau propre et potable ou la lutte contre les embouteillages.
Sur ce front, nous pouvons faire beaucoup plus. Bien sûr, nous savons
qu’il y a encore une tendance à l’exode urbain, qui pose d’extrême
défis en termes de protection de l’environnement. Il faut absolument
que nous abordions ces défis frontalement.
S’agissant du Groupe de Minsk, la Finlande soutient entièrement
le processus qui est en cours dans ce cadre, et de ce que j’en comprends,
il existe à l’heure actuelle un peu plus d’optimisme que précédemment.
Il y a un espoir de solution entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, mais
ce sont ces deux pays qui sont les acteurs clés.
M. HOWELL (Royaume‑Uni) (interprétation)
Monsieur le Président, je comprends parfaitement ce que vous
avez dit à propos des migrations, mais la presse indique aussi que
la Finlande envisage de revoir ses traités en matière de migration.
Pourriez‑vous nous dire dans quel sens s’oriente la politique migratoire
en Finlande?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
À ma connaissance, la Finlande
n’envisage pas de modifier un traité. En revanche, la Finlande examine
les traités en vigueur et la façon dont ils sont interprétés.
Pour illustrer mon propos j’évoquerai l’Accord de Dublin.
Deux interprétations de cet accord coexistent, or il faudrait que
nous puissions nous appuyer sur des bases très solides pour déterminer
ce qui est exigé des États parties par ces traités internationaux,
et ce qui ne l’est pas. Voilà le travail que nous avons entrepris,
mais je ne crois pas que nous assistions à un véritable virage dans
la politique migratoire de la Finlande.
La difficulté est que nous avons reçu un certain nombre de
jeunes hommes qui n’avaient pas le droit au statut de réfugié. Pour
autant, ils ne quittent pas le territoire, ce qui nous place dans
une situation dangereuse. Eux‑mêmes se mettent dans une situation
dangereuse, et ils représentent un danger pour autrui. Car si vous n’avez
pas le sentiment d’appartenir à la communauté, que vous êtes dans
une espèce de vide, ce n’est pas bon; et ce n’est certainement pas
bon pour un jeune homme.
M. TILKI (Hongrie) (interprétation)
Monsieur le Président, je souhaite vous poser une autre question
concernant les migrations. C’est un problème grave, il y a beaucoup
de demandeurs d’asile en Finlande qui posent un risque sécuritaire,
qui mettent en danger votre dispositif d’aide sociale et attirent
d’autres migrants. Quelles solutions va appliquer la Finlande?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Je vous l’ai dit un peu plus tôt,
la situation est délicate, car lorsque des personnes résident illégalement
sur votre territoire, comme c’est le cas si elles n’obtiennent pas
le statut de réfugié, il est éminemment difficile de trouver des
solutions.
Il y a donc des personnes qui résident illégalement sur le
territoire, sans que nous soyons en mesure de répondre à leurs besoins
humains. C’est la situation que connaissent tous les États membres
de l’Union européenne, et il faut absolument que l’Union européenne
soit la figure de proue, pour éviter les solutions pays par pays.
Il faut vraiment une réponse collective.
M. KITEV («L’ex‑République
yougoslave de Macédoine») (interprétation)
Monsieur le Président, je
viens d’un pays des Balkans occidentaux qui a appelé l’attention
de la communauté internationale pendant des décennies au cours de
la phase d’intégration euro‑atlantique.
Quelle est la position de votre pays concernant l’élargissement
de l’Union européenne? Ce sujet reste prioritaire dans les ordres
du jour des institutions européennes. Êtes‑vous en faveur de ces
processus d’élargissement, qui sont particulièrement importants
pour mon pays et toute la région dont il fait partie?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
La Finlande était généralement
en faveur de l’élargissement, qui avait d’ailleurs été décidé à
Helsinki en 1999 sous présidence finlandaise.
Mais il nous faut également constater que l’Union européenne
connaît actuellement beaucoup de problèmes à propos de l’union monétaire,
d’ordre financier, ou concernant le budget. Et il faut aussi considérer
le rôle de l’Union européenne à l’échelon planétaire, qui se réduit.
J’ai l’impression que nos difficultés de parvenir à des compromis
ont obéré nos possibilités de jouer un rôle et d’avoir voix au chapitre
dans les négociation mondiales.
L’Union européenne doit vraiment revoir sa copie et améliorer
beaucoup de choses. Pendant la présidence finlandaise, nous souhaitons
vraiment revenir à cette question: où se trouve, à l’heure actuelle,
cet esprit européen qui existait dans les années 1990, lorsque nous
avons rejoint l’Union européenne? L’esprit n’est plus le même aujourd’hui,
me semble‑t‑il, mais il faut vraiment en avoir le cœur net. Cela
inclut la question de l’élargissement: élargir quelque chose qui
a vraiment besoin d’être réparé peut paraître paradoxal.
The Earl of DUNDEE (Royaume‑Uni) (interprétation)
Monsieur le Président, étant
donné la priorité essentielle que représente l’éducation pour l’avenir
des droits de l’homme, et compte tenu également des remarquables références
du système éducatif finlandais, qui est reconnu par le programme
Pisa de l’OCDE comme le meilleur système éducatif en Europe, quels
sont les plans que vous pourriez développer pour améliorer les systèmes
éducatifs ailleurs, notamment dans le cadre de votre présidence
du Conseil de l’Europe, et de votre prochaine présidence de l’Union
européenne?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Quelques mots sur ce succès, si
vous le permettez. Certains disent qu’il faut mobiliser beaucoup
de ressources pour ce faire, mais nous avons simplement utilisé
notre budget pour l’éducation, qui se situe dans la moyenne de celui
des pays de l’OCDE. Donc ce n’est pas grâce à l’argent qu’on réussit.
Nos enseignants ont une formation universitaire, ce n’est
pas le cas dans tous les autres pays, mais je crois que l’élément
fondamental est tout à fait autre: c’est le respect pour l’éducation
et le respect des enseignants. C’est parce que les élèves comprennent
l’importance du respect pour un enseignant qui a le savoir et qui
leur a transmis que nous avons obtenu des résultats.
Vous me demandez comment il est possible d’exporter cette
pratique. Nous avons réfléchi aux moyens de reproduire le système
éducatif finlandais dans d’autres pays. Cela a d’ailleurs été mis
en œuvre en certains endroits. Cependant, je le répète, l’essentiel
réside dans l’attitude et dans les comportements. Lorsqu’on a du respect
pour ce que l’on fait, on le fait bien.
M. Espen Barh EIDE (Norvège) (interprétation)
Monsieur le Président, je me réjouis
que vous ayez évoqué la conférence sur l’Arctique de Tromsø. Le
Conseil de l’Arctique, qui a été conçu en d’autres temps et fonctionne
de façon satisfaisante, n’a pas été affecté par les difficultés
entre l’Est et l’Ouest. Il a su se concentrer sur sa mission essentielle.
Nous pouvons le mettre au crédit de sa présidence. N’y a‑t‑il pas
là un enseignement dont pourrait tirer profit le Conseil de l’Europe?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Nous avions prévu d’organiser
un sommet de l’Arctique qui aurait permis aux chefs d’État de se
réunir. L’initiative était en bonne voie, jusqu'à ce que survienne
un incident dans le détroit de Kertch. Depuis, le projet semble
prendre une mauvaise tournure. Le climat s’est quelque peu rafraîchi,
et n’est plus vraiment propice aux pourparlers.
Le Conseil de l’Arctique est mis à l’épreuve non seulement
par des enjeux environnementaux – la fonte des glaciers et le danger
qu’elle représente pour l’ensemble de la planète –, mais encore
par d’immenses enjeux économiques. Comment les huit pays membres
du Conseil de l’Arctique peuvent‑ils gérer ces questions? Jusqu'alors,
cette institution n’avait pas rencontré de problème majeur, notamment
parce que ses grands États membres – les États‑Unis et la Russie
– s’efforçaient de ne pas y soulever des questions qui auraient
à coup sûr suscité des conflits. Cette attitude était saine. Toutefois,
les intérêts économiques en jeu et la prégnance des questions environnementales
risquent de susciter une nouvelle mise à l’épreuve du Conseil de
l’Arctique.
Mme GURMAI (Hongrie) (interprétation)
Monsieur le Président, parmi vos
priorités figurent la parité, la protection des droits des femmes
et la ratification par tous les pays de la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique. De votre point de
vue, comment pouvons‑nous inciter les parlements nationaux qui refusent
de signer cette convention à changer de position?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
La Finlande fut le premier pays
au monde à accorder aux femmes des droits politiques identiques
à ceux des hommes. C’est la raison du succès qu’a connu mon pays par
la suite. J’espère que tous les autres États prendront conscience
de cette vérité. Il a beaucoup été question du mouvement HeForShe
dont l’Onu a pris l’initiative, et de sa mise en application en
Afrique. Partout, les principes qui sous‑tendent ce mouvement peuvent
entrer en vigueur. L’Union européenne et tous les Etats membres
devraient en faire bien davantage dans ce domaine. J’ai des idées
assez précises sur la façon dont nous pourrions promouvoir l’égalité
entre les hommes et les femmes en Europe mais aussi sur d’autres continents,
notamment en Afrique. Ce sera une condition du progrès futur. Les
hommes doivent comprendre qu’ils ont tout intérêt à ce que les femmes
soient fortes. Ils en tireront des bénéfices. Il faut parfois savoir
être égoïste, mais il faut parfois aussi donner la possibilité aux
autres de vous aider.
M. JALLOW (Suède) (interprétation)
Monsieur le Président, nous voyons de nombreux mouvements
extrémistes prendre de l’ampleur, manifester dans les rues, mais
aussi accéder à des parlements. La Finlande a dû interdire des mouvements
néonazis. Maintenant que vous présidez une grande Institution, que
ferez‑vous pour endiguer la résurgence du nazisme et du fascisme,
et empêcher que ces mouvements reprennent le pouvoir en Europe?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Le racisme est inacceptable. Nous
l’avons écrit noir sur blanc, et ce doit être une ligne de conduite
pour tous nos gouvernements. Vous avez fait référence à des mouvements néonazis
en Finlande. Il est vrai que certains ont brandi des drapeaux nazis.
La police est intervenue immédiatement pour les arracher, et elle
continuera de le faire. Le problème est de savoir comment réagir
face à ces mouvements tout en respectant le cadre légal. Il est
difficile d’intervenir à l’encontre d’un groupe dénué d’organisation
définie et juridiquement établie. Contre qui la loi doit‑elle sévir?
Pour autant, il faut bien évidemment sanctionner tout comportement
qui contrevient à la loi. C’est la façon dont nous procédons à l’égard
des racistes et des néonazis.
M. FASSINO (Italie) (interprétation)
Monsieur le Président, vous avez
affirmé que le grand problème que rencontrait actuellement le Conseil
de l’Europe tenait à la présence de la Russie. Nous sommes tous
conscients que si la Russie quittait l’Organisation, cela changerait
la nature même du Conseil de l’Europe. La Finlande entretient avec
la Russie des relations très étroites, mais aussi très complexes.
À la lumière de votre expérience, comment pourriez‑vous aider le
Conseil de l’Europe à surmonter les difficultés qu’il rencontre
dans ce dossier critique?
M. Niinistö, Président de la Finlande (interprétation)
Nous faisons notre possible pour
aider l’Institution. À chaque fois que nous estimons pouvoir agir
utilement, nous le faisons. Je me dois néanmoins de souligner que
le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire tiennent la
solution entre leurs mains. Ces deux Institutions doivent travailler
de concert pour trouver une issue à cette difficulté. Nous vous
apporterons toute l’aide possible. Vous avez souligné avec raison
que l’Organisation ne serait plus la même sans la Russie. Je me soucie
de ce qui produit au sein du Conseil de l’Europe, mais je m’inquiète
plus encore du risque que représenterait la rupture du principal
lien institutionnel entre la Russie et le reste du continent. Comment poursuivre
le dialogue si cet échange ne peut plus se tenir?
LA PRÉSIDENTE
Monsieur
le Président, encore merci pour votre intervention et pour vos réponses
aux questions.