Mamuka
Bakhtadze
Premier ministre de Géorgie
Discours prononcé devant l'Assemblée
mercredi, 10 avril 2019
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Excellence, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, c’est un honneur pour moi de m’adresser à vous dans la maison de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit.
Nous venons d’entendre un magnifique chant polyphonique authentique géorgien, où différentes voix s’unissent, s’enrichissent mutuellement, se développent. C’est une véritable caractéristique forte de l’identité nationale géorgienne. Et lorsque je pense au fait que je suis Géorgien, c’est la première chose que j’entends dans ma tête. Un véritable symbole, alors même que nous fêtons le 70e anniversaire du Conseil de l’Europe et le 20e anniversaire de l’adhésion de la Géorgie.
Hier, la Géorgie a commémoré les 30 ans d’un événement dramatique. En effet, le 9 avril 1989, une manifestation pacifique, antisoviétique, exigeant la liberté et l’indépendance de la Géorgie, a été réprimée de façon violente par l’armée soviétique, avec des chars et des tirs, au centre de Tbilissi. J’étais alors très jeune, mais je m’en souviens comme si cela avait eu lieu hier.
Le 9 avril 1989, cette petite nation unie a voulu défendre ses libertés et sa souveraineté. Le 9 avril 1989, le peuple géorgien a osé exercer ses droits à la liberté d’association, de réunion et d’expression. Cette tentative de lutte, réprimée dans le sang, pour l’indépendance, la liberté et la démocratie, n’a pas été vaine, puisque, deux ans après, le rétablissement de l’indépendance a été proclamé. Grâce à la lutte et à ces sacrifices, la Géorgie a retrouvé son identité européenne. C’est la raison pour laquelle je dédie mon discours à tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour l’unité et la liberté de mon pays.
Depuis toutes ces années, et malgré les défis, nous avons réussi quasiment l’impossible. Des succès qui appartiennent à la fois à la Géorgie et au Conseil de l’Europe; nous pouvons donc tous en être fiers. Ensemble, nous avons créé un pays qui est devenu une véritable démocratie, établissant entre deux continents, un pont entre l’Europe et l’Asie. Et dans cette région pleine de défis, la Géorgie a l’ambition de vivre dans la paix et d’être un modèle de démocratie durable.
Mesdames et Messieurs, au cours de ces 20 dernières années, nous avons réussi à transformer profondément la Géorgie. Nous sommes en plein développement. Au moment de notre adhésion au Conseil de l’Europe, nous avions pris des engagements en vue de créer un véritable État démocratique, de renforcer l’État de droit, de mener une réforme du judiciaire, de lutter contre la corruption, de lutter contre les mauvais traitements et la torture, de garantir la liberté d’expression et des médias, de protéger les minorités et de renforcer les mécanismes des droits de l’homme.
Sur tous ces sujets, nous avons pu progresser grâce à une coopération étroite avec les différents organes du Conseil de l’Europe. Je saisis donc cette occasion pour exprimer la reconnaissance du peuple géorgien envers l’Assemblée parlementaire, le Comité des Ministres, la Cour européenne des droits de l’homme, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, la Commission de Venise, le Bureau de la Commissaire aux droits de l’homme et les autres organes de suivi des droits de l’homme, pour tout ce que nous avons réussi ensemble.
Après plusieurs années, la Géorgie a maintenant établi un véritable système de contrôle démocratique, et nos progrès sur la voie de la démocratie sont irréversibles. La Commission de Venise, qui juge des institutions démocratiques, a indiqué: «Le processus de réforme constitutionnelle met un terme à l’évolution du système politique géorgien pour aller vers un système parlementaire et constitue un pas positif dans la consolidation et l’amélioration de l’ordre constitutionnel des pays basés sur le principe de la démocratie, de l’État de droit et de la protection des droits fondamentaux».
Notre gouvernement a été le premier a refusé la domination par un seul parti. La nouvelle Constitution implique qu’il y ait un véritable système électoral et des élections à la proportionnelle, à partir de 2024.
Cela permettra, après une période de transition, de créer un meilleur équilibre politique; les partis minoritaires entreront au parlement. Avec l’introduction de ce système électoral à la proportionnelle, le gouvernement aura besoin de davantage de consensus. C’est le choix que nous avons fait, il est fondé sur des valeurs et nous ne dévierons pas de ce chemin.
Nous sommes fiers, pour la première fois dans notre histoire, d’avoir élu une femme à la présidence. Il s’agit d’un jalon important dans l’histoire moderne de la Géorgie. La Géorgie est désormais une démocratie parlementaire. En tant que Premier ministre, je suis responsable vis‑à‑vis du parlement et de ses membres, lesquels sont élus par le peuple. À la suite des réformes, notre parlement est devenu plus fort. Or un parlement fort est la colonne vertébrale de notre système. Nous comprenons à quel point il est important pour tous les citoyens d’être informés des initiatives que nous prenons au quotidien et des réformes que nous lançons. Nous sommes déterminés à engager des réformes pour favoriser le développement de la Géorgie et encourager le principe de responsabilité.
Il y a sept ans, la Géorgie a entrepris des réformes pour renforcer l’État de droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Nous avons fait d’immenses progrès, qui sont mesurés ici, à Strasbourg. La Cour européenne des droits de l’homme est le meilleur indicateur des manquements d’un pays, mais aussi des progrès qu’il a accomplis. Or le nombre de requêtes déposées par des Géorgiens auprès de la Cour a chuté. En 2011, il était de 395; en 2018, il ne reste plus qu’un quart de ce nombre. Quant à l’exécution des arrêts concernant la Géorgie, elle atteint 80 % depuis 2013.
Depuis 2013, le nombre de requêtes déposées auprès de la Cour constitutionnelle de Géorgie par les juridictions communes a été multiplié par plus de cinq. Il y a peu, ce nombre était nul. Je dis bien: nul.
En outre, nous avons ouvert nos tribunaux aux médias, ce qui garantit la transparence de notre système. Nous avons fait d’immenses progrès dans la lutte contre la corruption. Nous garantissons la responsabilité et la transparence du gouvernement.
Dans les années 1990, la Géorgie était l’un des pays les plus corrompus au monde. Nous sommes désormais l’un des pays les moins corrompus. Nous nous situons au 5e rang dans l’Indice du budget ouvert, juste derrière la Suède et la Norvège. Nous sommes fiers de faire partie du Partenariat pour un gouvernement ouvert, qui vise à la transparence et à la reddition de comptes.
Le système dont nous avons hérité était fondé sur une machine pénitentiaire oppressive, qui utilisait la torture et les mauvais traitements. Il nous a fallu le réformer. Le système pénitentiaire géorgien actuel peut prétendre figurer dans la liste des réformes réussies dressée par les Nations Unies et le Conseil de l’Europe.
La Géorgie a également transformé son paysage politique. Nous avons encouragé la liberté d’expression, ouvert le droit de manifester pacifiquement et développé la liberté des médias et d’internet. Les pratiques désastreuses telles que la répression violente des manifestations pacifiques ont pris fin. Le système judiciaire punit désormais les crimes de haine et les discriminations. Le mécanisme de protection a été renforcé dans ce domaine.
En avril 2017, la Géorgie a ratifié la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe. Enfin, notre pays a développé des mécanismes de défense des droits de l’homme solides. Pour la première fois au cours des dernières années, le Gouvernement géorgien a mis sur pied une stratégie pour protéger les droits de l’homme. Nous avons renforcé, par exemple, le bureau du médiateur et établi un système de contrôle parlementaire.
Nous sommes un pays européen et nous sommes le centre de gravité de notre continent. Nous voulons que toutes les voix de nos citoyens soient entendues. Le gouvernement doit être conscient qu’il doit répondre aux aspirations de son peuple. Les principaux défis de la Géorgie sont le chômage, la pauvreté et l’occupation de notre territoire par la Fédération de Russie.
La réforme du système éducatif va véritablement changer les choses. L’éducation a souffert pendant longtemps d’un véritable goulet d’étranglement. Nous allons augmenter la part du PIB dédiée à ce secteur. Cette année, il représentera 6 % du PIB, c’est‑à‑dire un quart de notre budget total. Nous allons inscrire cette exigence dans notre législation afin que tous les gouvernements aient l’obligation d’investir dans le développement du capital humain, c’est‑à‑dire dans les hommes et les femmes de Géorgie, qui veulent faire avancer notre pays. Le développement du capital humain nous permettra de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Des professionnels dotés d’un bon niveau de formation favoriseront le développement des générations futures de notre pays.
Malgré tous ces progrès, nous sommes confrontés, dans nos territoires occupés, à l’un des pires défis que l’on puisse connaître en matière de droits de l’homme. En effet, 20 % de notre territoire est occupé par la Fédération de Russie. Plus de 300 000 personnes déplacées ne peuvent pas revenir dans leur foyer. Tous les jours, nous faisons face aux barrières de fil de fer barbelé qui entourent les territoires occupés.
Il s’agit de la pire catastrophe humanitaire de notre histoire. La militarisation croissante de ces régions s’accompagne de leur dépeuplement. Du fait de la situation humanitaire et socio‑économique dramatique, la population géorgienne des régions occupées a beaucoup diminué. Des bases militaires russes sont implantées au cœur même de la Géorgie. Nos citoyens sont exposés à des menaces d’enlèvement, de torture et de mort. Archil Tatunashvili, Giga Otkhozoria et David Basharuli, qui avait tout juste 18 ans, sont les plus récentes victimes de cette situation.
Un citoyen géorgien, Irakli Kvaratskhelia, a été arrêté illégalement il y a quelques semaines. Il est mort dans des circonstances obscures. À son image, un certain nombre de citoyens géorgiens sont arrêtés de manière illégale et détenus dans les territoires occupés par la Fédération de Russie. Je remercie à cet égard l’Assemblée parlementaire d’avoir appuyé la liste «Otkhozoria‑Tatunashvili». Ces violations des droits de l’homme ne sauraient être tolérées. La Fédération de Russie tente de saper les initiatives pacifiques et de bloquer nos efforts. Par la discrimination ethnique, elle essaie d’éradiquer l’identité géorgienne. Elle n’y parviendra pas, car nous n’abandonnerons jamais.
Notre gouvernement a lancé une initiative de paix inclusive globale, intitulée Step2Better Future – la deuxième étape vers un futur meilleur. Cette initiative vise à tendre la main aux populations dans les territoires occupés à travers des actions en matière de santé et d’éducation. Nous voulons encourager les populations à créer des petits commerces et des entreprises, et les aider à mieux vivre. La Fédération de Russie ignore les obligations qu’elle a contractées en 2008 dans le cadre de l’accord de cessez‑le‑feu et refuse de retirer ses troupes.
Notre victoire commune, nous la fêterons quand les personnes déplacées seront de retour dans leur foyer, quand les passerelles auront été rétablies entre les peuples, lorsque l’État de droit et les droits de l’homme seront garantis sur l’ensemble du territoire géorgien.
Aujourd’hui, de cette tribune, je voudrais envoyer un message à tous nos citoyens d’Ossétie et d’Abkhazie: votre succès sera le nôtre; notre avenir, nous ne le voyons qu’avec vous, dans l’unité, la paix et la prospérité.
Je voudrais remercier le Conseil de l’Europe pour son soutien sans faille s’agissant de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie. Je le remercie d’avoir placé la question de l’occupation du territoire géorgien parmi les priorités de l’Organisation. Je remercie le Comité des Ministres pour ses rapports annuels, ainsi que le Secrétaire Général pour ses rapports consolidés sur la question.
Nous apprécions la coopération étroite, la coordination ainsi que les mesures visant à renforcer la confiance et à rétablir les ponts entre les communautés divisées. Nous formons un seul et même peuple. Nous voulons être un pays souverain, uni avec les autres nations européennes. Nous avons pour ambition d’instaurer la paix et la stabilité dans les régions occupées et nous devons saisir toutes les occasions d’y parvenir.
En ce qui concerne le cas de la Russie, nous pensons que les États membres du Conseil de l’Europe ne devraient pas accepter de revoir à la baisse les normes de l’Organisation et de dévaluer nos valeurs communes dans l’objectif de surmonter des difficultés, y compris d’ordre financier. La Géorgie soutient les efforts visant à résoudre les difficultés financières actuelles. Néanmoins, nous pensons que le non‑paiement par la Russie de sa contribution ne devrait pas entraîner la modification du Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
La Géorgie a bénéficié, depuis vingt ans, des efforts de tous les organes de cette Organisation. Nous en sommes reconnaissants. C’est pourquoi nous avons décidé de verser une contribution volontaire de 500 000 euros au Conseil de l’Europe.
Il faut souligner que les plans d’action du Conseil de l’Europe demeurent des instruments très importants pour aider certains États membres à appliquer les recommandations et avis indépendants des différents organes de suivi des droits de l’homme de l’Organisation. Il importe de poursuivre le travail dans deux directions: d’abord, identifier les lacunes des États membres; ensuite, continuer à aider ces États à combler ces lacunes. Les plans d’action sont à cet égard essentiels.
Mesdames et Messieurs, il y a vingt ans, en 1999, le président du Parlement de Géorgie, feu Zurab Zhvania, a pris la parole ici, dans cette belle ville de Strasbourg, au moment – historique – où la Géorgie a rejoint le Conseil de l’Europe. Ses mots étaient les suivants: «Je suis géorgien, donc je suis européen!». Depuis que ces paroles historiques ont été prononcées, vingt années se sont écoulées. Symboliquement, nous allons assumer la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, l’organisation qui nous a le plus soutenus dans le chemin que nous avons emprunté; c’est maintenant à nous de prendre ce flambeau et de le passer aux générations futures.
LA PRÉSIDENTE
Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, d’avoir rappelé tout le chemin parcouru et de nous donner aussi des perspectives pour l’avenir, notamment quand vous parlez de l’engagement de votre pays à développer son budget pour l’éducation.
Un nombre important de collègues a exprimé le souhait de poser une question. Je leur rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes, qu’ils doivent poser une question et non faire un discours ou une déclaration.
M. POCIEJ (Pologne), porte‑parole du Groupe du Parti populaire européen (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, je m’exprime en tant que porte‑parole du Groupe PPE, mais aussi comme représentant de la Pologne. Vous le savez, nous avons été impliqués dans le processus démocratique entamé par votre pays. Nous avons toutefois observé la dernière élection et souhaitons vous interroger à son propos, tout comme le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme – BIDDH – l’a fait. Des irrégularités et de nombreuses violences ont en effet été recensées. Pouvez‑vous nous assurer qu’elles ne se reproduiront pas à l’avenir? Que comptez‑vous faire pour cela?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
La dernière élection présidentielle en Géorgie a représenté un véritable tournant. Après ce scrutin, nous avons revu notre cadre démocratique. Les principaux enseignements que nous tirons de l’élection sont que l’environnement politique a été très polarisé. Malheureusement, la Géorgie n’est pas le seul exemple sur notre continent. Le Parlement géorgien est à pied d’œuvre pour mettre en œuvre dans notre système juridique les recommandations de l’OSCE et du BIDDH.
M. SCHWABE (Allemagne), porte‑parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, tout d’abord, je voudrais vous remercier pour votre collaboration si fructueuse avec le Conseil de l’Europe, et pour avoir accepté de verser une contribution supplémentaire au budget du Conseil de l’Europe. Bien que vous soyez très actif dans la lutte contre la corruption, beaucoup reste à faire dans ce domaine. Transparency International dit avoir fait l’objet de pressions de la part de hauts fonctionnaires et d’ONG au cours de son enquête sur des cas de corruption. L’organisation a été accusée de soutenir le fascisme. Quelles sont vos réponses aux allégations de corruption?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
Si vous observez les classements établis par les organisations les plus honorables, vous constaterez que la Géorgie figure en bonne place parmi les pays qui luttent contre la corruption. Nous voulons bien entendu progresser dans ce domaine. Notre société civile est très vivante. Nous avons naturellement l’intention de travailler en étroite intelligence avec elle pour mener les réformes nécessaires. Beaucoup de réformes importantes ont déjà été menées. Je peux vous assurer que nous allons continuer à progresser. Je le répète: les classements internationaux des organisations les plus respectables ont apporté la preuve de notre travail s’agissant de la lutte contre la corruption.
M. HOWELL (Royaume‑Uni), porte‑parole du Groupe des conservateurs européens (interprétation)
J’ai éprouvé un grand plaisir à travailler avec vos compatriotes, ici, au Conseil de l’Europe. Je voudrais revenir sur les propos de mon collègue citant The Economist, qui a qualifié la Géorgie de régime «hybride». Je n’irai pas jusqu’à vous féliciter, mais vous êtes donc sur la bonne voie, vous vous dirigez vers la démocratie. Des élections législatives se tiendront dans votre pays l’an prochain. Comment allez‑vous assurer la transition vers une véritable démocratie?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
La Géorgie est déjà une démocratie à part entière. Maintenant qu’a eu lieu l’élection présidentielle, elle aspire à devenir également une démocratie parlementaire. The Economist est bien sûr un titre de presse respectable, mais je peux aussi vous livrer d’autres informations.
J’ajouterai ainsi nos réussites dans des domaines comme la protection des droits de l’homme, le développement économique et la transparence. Dans mon allocution, j’ai rappelé que nous étions au 5e rang dans l’Indice du budget ouvert, qui mesure la transparence de l’action politique gouvernementale. C’est un indicateur important du succès de la Géorgie.
S’agissant de la démocratie et du respect des droits de l’homme, il me semble que le meilleur indicateur n’est autre que la Cour européenne des droits de l’homme, ici même, à Strasbourg, laquelle a enregistré une baisse de 80 % du nombre des cas concernant la Géorgie. De même, je le répète, l’indice de la Banque mondiale nous situe au 6e rang pour l’absence de corruption dans le monde des affaires.
Naturellement, il existe encore des faiblesses sur lesquelles nous allons nous pencher. Un projet de recommandation du Conseil de l’Europe est en cours d’élaboration. Le BIDDH de l’OSCE a émis une recommandation au sujet de l’élection présidentielle de l’an passé, à laquelle nous entendons donner suite. Le Gouvernement géorgien travaille dur pour mettre en œuvre ces recommandations dans nos législations nationales. Vous pouvez être certain que la Géorgie poursuivra ses efforts dans la voie de la réussite.
M. BULAI (Roumanie), porte‑parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, je vous poserai une question au sujet des élections de novembre 2018 en Géorgie. Pensez‑vous que, dans un État de droit, un dirigeant peut rembourser les prêts de 600 000 personnes de sa propre poche? Cette décision – à laquelle s’ajoutent des allégations concernant des pressions exercées sur des agents publics – fera‑t‑elle l’objet d’une enquête indépendante en Géorgie? Si ce n’était pas le cas, dans quelle mesure cela affecterait‑il les relations entre la Géorgie et l’Europe?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
Merci d’avoir évoqué ce sujet. L’idée d’annuler ces dettes vient de moi, lorsque j’étais ministre des Finances. Je vais vous livrer des chiffres significatifs. La population de la Géorgie est inférieure à 4 millions d’habitants et plus de 600 000 Géorgiens étaient sur ce que nous appelons la «liste noire», c’est‑à‑dire qu’ils étaient empêchés de participer à la vie économique du pays. En somme, la majorité des familles géorgiennes étaient concernées.
J’ai donc lancé l’idée avant l’élection. En tant que Premier ministre, au mois d’août 2018, j’ai annoncé que nous mettrions en œuvre ce projet à l’automne, et c’est ce que nous avons fait. L’idée avait donc été lancée bien avant. Le problème qu’elle visait à résoudre était d’ailleurs l’un des plus importants qui se posait pour notre économie; il faisait courir un risque systémique à notre économie nationale. Or la Géorgie a vu sa position s’améliorer dans la notation des grandes agences financières, notamment grâce au fait, ont‑elles dit, que nous avions pu mettre en œuvre ce projet. Encore une fois, je suis effectivement à l’origine de l’idée, alors que j’étais ministre des Finances de la Géorgie, et le projet n’a rien à voir avec l’élection qui a eu lieu à l’automne 2018.
Mme TOMIĆ (Slovénie), porte‑parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, vous avez beaucoup parlé de la protection des droits de l’homme. En 2018, les organisateurs d’une marche à Tbilissi à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie ont dû annuler cet événement à cause de menaces de la part de l’extrême droite et d’extrémistes et en l’absence de protection par la police. Ce fait est le dernier en date d’une longue liste de difficultés auxquelles se heurte la communauté des lesbiennes, gays, bi, transsexuels et intersexes – LGBTI – en matière de droit de réunion. Quelles mesures votre Gouvernement entend‑il prendre afin que la communauté LGBTI puisse jouir des droits les plus élémentaires?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
Vous le savez, il y a quelques années, le Parlement géorgien a adopté une loi anti‑discriminations; cela représentait un grand pas en avant. Les mouvements d’extrême droite dont vous avez parlé sont des groupes marginaux, comme il en existe dans tous les pays. Soyez convaincue qu’au niveau législatif, les droits de l’homme en Géorgie sont protégés de la meilleure façon qui soit, et nous en sommes fiers, comme nous sommes fiers des recommandations de nos amis européens pour aller encore plus loin en ce sens. Bien entendu, si d’autres dispositions devaient être prises afin de renforcer notre législation, la volonté politique ne manquerait pas pour suivre cette voie. Mais, je le répète, les modifications apportées à notre législation représentent déjà une très forte garantie.
Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte‑parole du Groupe des démocrates libres (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, je suis heureuse de vous rappeler que, depuis la restauration de leur indépendance, des pays tels que l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont renforcé leur coopération et leur confiance mutuelle. Cela se manifeste par la construction conjointe d’oléoducs, la libération de prisonniers et la possibilité pour les navires pétroliers qui traversent la mer Noire de transporter des hydrocarbures en toute sécurité. Dans ce contexte, quel peut être le rôle de votre pays en ce qui concerne la sécurité du continent européen?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
L’Azerbaïdjan est un partenaire stratégique de la Géorgie. Nous avons réalisé ensemble des projets historiques. Vous en avez mentionné plusieurs comme l’oléoduc Bakou‑Tbilissi‑Ceyhan, le corridor sud‑européen, et l’on pourrait citer nombre d’autres projets d’infrastructures. Nous considérons que nous n’exploitons pas suffisamment les ressources de la mer Caspienne. D’évidence, nous pouvons assurer encore davantage la sécurité énergétique de l’Europe. Nous sommes en train de parfaire le tracé Bakou‑Tbilissi‑Ceyhan et nous serions heureux d’explorer les possibilités de coopération avec l’Azerbaïdjan pour augmenter le flux d’énergie à travers ce corridor.
LA PRÉSIDENTE
Mes chères et chers collègues, je propose de prendre les questions suivantes par séries de trois, afin de permettre au plus grand nombre d’entre vous de prendre la parole.
M. RUBINYAN (Arménie) (interprétation)
Merci, Monsieur le Premier ministre, pour votre allocution.
La Géorgie est en pleine transition vers un régime pleinement parlementaire. D’après les membres de la délégation de votre parlement, le pays a mis en œuvre des réformes très vastes et se prépare à de nouveaux changements. Pourriez‑vous nous en dire plus à ce sujet?
Mme SCHOU (Norvège) (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, je suis consciente du fait que la Géorgie a beaucoup amélioré son cadre institutionnel en matière de lutte contre la corruption, mais beaucoup reste à faire. La Géorgie se situe au 41e rang au titre de l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International. Que fait votre gouvernement afin de poursuivre cette lutte importante contre la corruption, d’accroître la confiance de la population dans les processus institutionnels et d’améliorer les performances de la Géorgie dans ce domaine?
M. SCHENNACH (Autriche) (interprétation)
Félicitations pour vos efforts, Monsieur le Premier ministre.
Les statistiques montrent une forte diminution des saisines de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la Géorgie. Pourriez‑vous nous en dire davantage?
Pour ce qui est d’Afgan Moukhtarli, qui a été kidnappé dans votre pays, avez‑vous engagé une enquête sur les agents publics qui auraient été impliqués dans cette affaire?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
Si, comme je l’ai dit, la dernière élection présidentielle a été un moment historique pour notre pays, c’est pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est qu’après l’élection, nous sommes passés à une démocratie parlementaire. Jamais encore le parlement n’avait joué un rôle aussi important en Géorgie; jamais les relations et la communication entre le Gouvernement et le Parlement géorgiens n’avaient été aussi intenses. Nous pensons que la démocratie parlementaire est le meilleur modèle pour nous et qu’elle permettra à la Géorgie de devenir un État européen fort.
Madame Schou, dans les années 1990, la Géorgie figurait parmi les pays les plus corrompus au monde. Nous avons considérablement progressé en la matière. Nous sommes néanmoins conscients du fait que nous avons besoin de mécanismes plus efficaces, et nous travaillons en ce sens avec nos partenaires internationaux.
Je vous ai livré des informations concernant notre position dans les classements internationaux. Je voudrais préciser ce à quoi nous aspirons en la matière. Nous souhaitons que la Géorgie devienne une plateforme régionale en matière commerciale, touristique, logistique et éducative. Nous suivons donc de très près le classement de la Géorgie à l’échelle internationale. C’est pourquoi la lutte contre la corruption figure parmi nos priorités. Comme je vous l’ai dit, nous sommes classés au 6e rang dans l’indice du climat des affaires; nous sommes également très bien placés dans d’autres classements internationaux. Notre objectif est de figurer parmi les trois premiers dans tous les classements internationaux. Nous nous sommes dotés pour cela d’un plan d’action concret. Nous voulons vraiment que la Géorgie accède à un autre niveau de réussite, et cela implique la lutte contre la corruption.
Pour ce qui est des aspects judiciaires, les statistiques sont la meilleure réponse, Monsieur Schennach. Bien entendu, tout dépend de la volonté politique. En 2013, il y eut une véritable volonté politique pour engager une grande transformation du système judiciaire. C’est ce que nous avons fait. Nous avons mené à bien trois trains de réformes, qui furent des réussites. Nous nous préparons aujourd’hui à la quatrième vague de réformes. Comment cela a‑t‑il été possible? Grâce à la volonté politique.
L’enlèvement d’Afgan Moukhtarli est une affaire extrêmement sensible. Nous travaillons sur ce dossier en liaison avec nos homologues de l’Azerbaïdjan. Une enquête est en cours. Je ne pourrai m’exprimer sur le sujet qu’une fois qu’elle sera terminée.
M. CORLĂŢEAN (Roumanie) (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, tout d’abord, je veux vous féliciter pour ces vingt années d’appartenance de la Géorgie au Conseil de l’Europe. Tout au long de ces années, notre Organisation, ainsi que mon pays, la Roumanie, ont défendu l’indépendance et la souveraineté territoriale de votre pays, et condamné les agressions de la Russie non seulement contre la Géorgie, mais également contre la Moldavie et l’Ukraine.
Ma question porte sur l’un des engagements qu’avait pris la Géorgie au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe: il s’agit de la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Quelles sont vos intentions en la matière?
M. XUCLÀ (Espagne) (interprétation)
Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, pour votre communication et vous félicite pour ces vingt années d’appartenance de la Géorgie au Conseil de l’Europe.
L’éducation est un terreau pour une meilleure société, et le gage d’un meilleur avenir pour les générations futures. J’ai noté que votre gouvernement était sur le point de lancer un programme très ambitieux en vue d’améliorer le système éducatif dans votre pays. Cela pourrait être un modèle à suivre pour les pays environnants et l’Europe de l’Est. Pourriez‑vous nous dire en quoi consiste ce programme?
M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan) (interprétation)
La Géorgie est appelée leur «patrie» par les membres de différents groupes ethniques et religieux, qui coexistent depuis des siècles dans la paix et l’harmonie. Historiquement, la société géorgienne a offert un cadre propice à l’épanouissement des peuples vivant sur son territoire. Il n’est pas surprenant qu’en 1918 déjà, le Parlement géorgien ait élu députée une femme, Peri‑Khan Sofiyeva, citoyenne géorgienne d’origine azerbaïdjanaise. Pourriez‑vous nous dire quels sont les principaux facteurs qui menacent aujourd’hui la coexistence pacifique au sein de cette société plurielle? Comment votre gouvernement compte‑t‑il réagir?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
Les principes des différentes chartes sont déjà inscrits dans notre législation. S’agissant de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, nous devons procéder à des consultations entre les parties prenantes, pour essayer de trouver une solution acceptable pour tous.
S’agissant de l’éducation, je suis convaincu que la principale ressource dont nous disposons en Géorgie est notre peuple. Le développement du capital humain est l’une des priorités de mon gouvernement. Nous avons décidé de consacrer 6 % du PIB – ce qui représente un quart de notre budget – au financement de cette grande idée qu’est l’éducation. D’aucuns diront que ce sera difficile à concrétiser, mais nous nous sommes engagés à ce que cela devienne une réalité. Nous pensons que les 6 % du PIB que j’évoquais représentent l’enveloppe annuelle minimale qui doit être consacrée à l’éducation. Nous allons travailler plus particulièrement dans cinq domaines: l’éducation préscolaire, l’éducation scolaire, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et les sciences.
En ce qui concerne l’enseignement secondaire, nous avons d’immenses lacunes, notamment en ce qui concerne les infrastructures.
Nous devons investir au moins 7 milliards de laris pour que nos écoles soient à peu près au niveau des normes qui sont celles des écoles européennes. À cet égard, je voudrais souligner l’importance que nous attachons à la synchronisation de nos programmes scolaires avec ceux qui existent dans le reste de l’Europe. Nous devons aussi nous comparer aux meilleurs exemples.
Par ailleurs, nous nous situons au 61e rang en termes de développement du capital humain et nous entendons rejoindre les 10 premiers au cours des dix prochaines années. La seule façon d’y parvenir consiste à renforcer notre capital humain. C’est l’unique voie qui nous permettra de relever ce défi. Cette ambition doit être inscrite dans notre législation, afin que tous les gouvernements à venir soient soumis à la même obligation – en l’occurrence, investir 6 % du PIB dans le développement du capital humain.
J’en viens à la troisième question. Nous sommes très fiers de la constitution de la Première République géorgienne, qui était la plus progressiste de notre continent à l’époque. Nous continuons à être pleinement engagés à en défendre les valeurs. J’ai évoqué la réforme éducative. Celle‑ci vise en grande partie à garantir l’implication de tous les groupes ethniques dans la vie politique et économique de notre pays. Une fois encore, je le répète, grâce à cette réforme, nous prévoyons de faire tomber toutes les barrières qui existent encore en Géorgie vis‑à‑vis de certains groupes. Nous considérons que ce sera une façon pour notre société d’être beaucoup plus forte et beaucoup plus engagée.
M. GENTVILAS (Lituanie) (interprétation)
Nous souhaitons que votre réussite se poursuive, mais nous sommes tout de même quelque peu préoccupés, en particulier après l’élection présidentielle de novembre dernier et les commentaires du BIDDH. Celui‑ci évoque notamment l’achat des voix de 600 000 électeurs à travers l’octroi de prêts consentis par une organisation caritative. Il déplore aussi l’absence d’enquête sur les violences à l’encontre de personnalités politiques de l’opposition. Comment comptez‑vous y remédier?
M. O’REILLY (Irlande) (interprétation)
La Géorgie a accompli de francs progrès depuis 2003, notamment dans le domaine des droits de l’homme, et continue à les consolider. Pour autant, les poursuites engagées à l’encontre de vos prédécesseurs, en particulier l’ancien Premier ministre Vano Merabichvili, ont fait l’objet de nombreuses critiques. La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs conclu à la violation de l’article 18 de la Convention. Comment comptez‑vous régler ce problème?
M. KITEV (Macédoine du Nord) (interprétation)
Je salue votre présence parmi nous aujourd’hui. Elle est bien la preuve que votre pays a sa place au sein du Conseil de l’Europe. Je tiens aussi à souligner le récent établissement de relations diplomatiques entre la Géorgie et la Macédoine du Nord pour améliorer le dialogue et la coopération sur des questions d’intérêt commun, y compris des questions intéressant le Conseil de l’Europe. Quelle est la valeur ajoutée des actions menées par le Conseil de l’Europe dans votre pays?
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
J’ai répondu tout à l’heure à la question relative à l’achat de votes, qui ne correspond pas à la réalité. Je ne vais donc pas me répéter. Un an avant les élections, alors que j’étais ministre des Finances, j’ai lancé l’idée d’un programme d’effacement des dettes des plus pauvres. Et pour cause: cette situation constituait un risque systémique pour notre économie nationale. Puis, au mois d’août dernier, en tant que Premier ministre, j’ai annoncé que nous lancerions ce programme à l’automne 2018
ce que nous avons fait. Si c’était à refaire, j’agirais encore de la même manière. J’ai déjà cité les chiffres: plus de 600 000 citoyens géorgiens ne pouvaient pas participer à la vie économique du pays parce qu’ils étaient inscrits sur la liste noire. Le programme a été couronné de succès. Je serai heureux de vous fournir plus d’informations sur ses incidences positives, aussi bien sur notre conjoncture nationale que sur la vie des personnes concernées. Je le répète donc, ce programme n’avait rien à voir avec les élections. Nous l’avions d’ailleurs annoncé bien en amont.
Concernant les faits de violence, le BIDDH de l’OSCE a émis des recommandations. Je puis vous affirmer que la dernière élection a marqué une réelle amélioration en la matière. Ce n’est pas là mon avis personnel: c’est celui du BIDDH.
Pour ce qui est du cas de M. Merabichvili, celui‑ci a été condamné dans le cadre de plusieurs affaires criminelles. La Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’un fait précis constituait une violation de l’article 18. Le Comité des Ministres envisage d’exécuter sa décision. Nous nous conformerons à nos obligations, bien sûr. Toutefois, je le répète, M. Merabichvili a été condamné dans différentes affaires pénales.
Enfin, la Macédoine du Nord est un grand ami de la Géorgie et nous saluons toute initiative visant à l’amélioration de nos relations diplomatiques.
Lord ANDERSON (Royaume‑Uni) (interprétation)
Le rapport pour 2018 du Département d’État américain sur les droits de l’homme déclare que les juges géorgiens sont vulnérables et soumis à des pressions politiques à l’intérieur comme à l’extérieur du système judiciaire. Est‑ce exact? Le cas échéant, que pensez‑vous faire à ce sujet?
Mme ÅBERG (Suède) (interprétation)
Lors de l’élection présidentielle dans votre pays, le BIDDH a observé des pressions sur les fonctionnaires. Par ailleurs, 11 membres du Parlement européen vous ont demandé d’enquêter à ce sujet, mais aussi concernant la mort d’Ia Kerzaia, qui avait évoqué de façon claire les pressions auxquelles elle était soumise. Pouvez‑vous nous garantir que cette affaire tragique fera l’objet d’une enquête approfondie?
Mme CHUGOSHVILI (Géorgie) (interprétation)
Le Conseil de l’Europe n’est malheureusement pas à même d’exercer pleinement son mandat en Géorgie, ce qui est particulièrement frustrant. En effet, en raison de l’absence de suivi de la situation des droits de l’homme dans les parties occupées de votre territoire, un grand nombre de personnes voient leurs droits fondamentaux bafoués.
Pouvez‑vous assurer aux membres de l’Assemblée parlementaire que la situation humanitaire va s’améliorer, et que les violations des droits de l’homme n’auront plus cours en Ossétie du Sud? Pourriez‑vous nous transmettre des informations concernant l’initiative de paix pour un meilleur avenir, que le Gouvernement géorgien a l’intention de mettre en place pour faire face au problème des territoires occupés.
M. Bakhtadze, Premier ministre de Géorgie (interprétation)
En 2012, nous avons eu à faire face à un important problème de fonctionnement du système judiciaire. Nous avons lancé un processus de réformes complet. J’ai évoqué ce sujet tout à l’heure et vous ai fourni les statistiques tout à fait positives que nous avons enregistrées. Bien entendu, nous savons qu’il existe encore quelques problèmes et que la situation peut encore être améliorée. Je reviendrai cependant à mon argument principal: nous avons hérité d’une situation particulièrement difficile à gérer – je suis très diplomate en utilisant ces termes. Nous avons lancé un processus de transformation du système judiciaire. Nous avons mené trois vagues de réformes, couronnées de succès – ce n’est pas seulement moi qui le dis: c’est également l’avis des institutions européennes. Nous nous préparons désormais à passer à la quatrième étape.
Madame Åberg, l’affaire que vous évoquez est une véritable tragédie humaine et je voudrais présenter mes condoléances aux membres de la famille d’Ia Kerzaia. Malheureusement, certains partis utilisent cette tragédie à des fins politiques. J’espère que les enquêtes permettront de répondre à toutes les questions que pose cette affaire.
Dans les deux régions occupées de la Géorgie, nous observons des problèmes d’ordre humanitaire – il n’existe pas d’autre façon de parler de la situation, pour ce qui est du respect des droits de l’homme. Nous continuons, année après année, à observer la situation. La population, dans les deux régions, est cinq à six fois moins importante en nombre qu’auparavant. Voilà le défi principal auquel la Géorgie est aujourd’hui confrontée. Avec les initiatives que nous lançons en faveur de la paix, nous essayons de mettre un terme à cette catastrophe humanitaire. La dernière en date a été élaborée avec nos partenaires internationaux. Nous pensons qu’elle nous permettra de faire face aux défis auxquels sont confrontés les deux territoires occupés. L’idée principale qui sous‑tend cette initiative en faveur de la paix est de fournir aux personnes qui vivent encore dans ces territoires un accès aux soins de santé et à l’éducation, pour leur offrir de nouvelles opportunités, pour qu’ils puissent créer de petites entreprises, pour favoriser l’entreprenariat dans ces territoires.
Je profite de cette occasion pour vous remercier, pour remercier tous les amis de la Géorgie qui soutiennent cette initiative. Je suis convaincu que, grâce à elle, nous serons en mesure de changer la situation. J’espère que nous pourrons mettre un terme à cette catastrophe humanitaire dans les deux territoires occupés.
LA PRÉSIDENTE (interprétation)
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie.
(Poursuivant en français) Mes chers collègues, il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.
Avant de conclure la séance, je souhaite vous encourager toutes et tous à rester dans l’hémicycle, où vous aurez la possibilité d’assister à un court concert de l’artiste de rap finlandais Signmark, qui est né sourd. Il va interpréter pour nous quelques chansons en langue des signes. Celles et ceux d’entre nous qui se sont rendus à la réunion de la Commission permanente, l’automne dernier, à Helsinki, ont déjà eu le privilège, à cette occasion, d’assister à un court concert donné par cet artiste. Chacune et chacun d’entre nous en est sorti non seulement ému, mais aussi redynamisé par la musique, par les paroles, par la langue des signes comme mode de communication, par les messages transmis et par la personnalité de l’artiste.
Un concert de quinze minutes vous en dira finalement beaucoup plus qu’un rapport de quinze pages. Vous comprendrez ainsi d’autant mieux l’importance de reconnaître la langue des signes pour que les personnes sourdes puissent exercer leurs droits fondamentaux. Je remercie la Présidence finlandaise pour cette initiative et souhaite la bienvenue à Signmark et à son équipe.