Vlado

Buchkovski

Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine »

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 12 avril 2006

Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, René van der Linden, Monsieur le Secrétaire Général, Terry Davis, éminents membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames, Messieurs, permettez-moi d’abord de vous remercier de m’avoir invité à prendre la parole au Conseil de l’Europe, qui est le moteur de la démocratie européenne. Je dois reconnaître que je suis très heureux d’avoir l’occasion d’exprimer mon opinion sur les efforts d’intégration et les perspectives européennes de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» ainsi que de toute la région des Balkans.

Permettez-moi de transmettre également la gratitude de mon gouvernement et de la population de mon pays à tous les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à son Président, M. René van der Linden, ainsi qu’au Secrétaire Général, M. Terry Davis, pour leur soutien permanent.

Les Balkans entrent aujourd’hui dans une phase de redéfinition marquée essentiellement par les discussions en cours sur le futur statut du Kosovo, le prochain référendum au Monténégro et la redéfinition constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine. Dans ces circonstances, il faut être raisonnable et constructif. A cet égard, mon gouvernement a toujours été convaincu que, quel que soit le futur statut du Kosovo, seule l’application complète de toutes les normes en matière de démocratie, de droits de l’homme et de primauté du droit offrira une base solide pour la stabilisation politique et une paix durable dans toute la région.

La République de Macédoine soutient ce processus à la mesure de ses capacités. Sa politique est un modèle de bonnes relations de voisinage. La Macédoine offre l’exemple réussi d’une société pluriethnique et pluriculturelle. Nous pensons que notre modèle d’application de l’Accord-cadre d’Ohrid peut être reproduit dans d’autres pays de la région.

Dans un temps relativement court, la République de Macédoine a adopté tous les règlements d’application de l’Accord-cadre d’Ohrid, concernant notamment la décentralisation, l’utilisation de symboles ethniques, l’ouverture d’une nouvelle université d’Etat à Tetovo pour les représentants de la communauté ethnique albanaise, une représentation équitable des communautés ethniques dans les institutions d’Etat, l’emploi des langues des communautés ethniques minoritaires, etc. Aujourd’hui, nous avons obtenu en matière de décentralisation des résultats satisfaisants, qui ont été reconnus par les institutions internationales.

La République de Macédoine se trouve à un moment très important de son développement. L’acquisition du statut de pays candidat à l’Union européenne représente un signe fort non seulement pour la République de Macédoine, mais aussi pour toute la région des Balkans. Les profondes réformes entreprises dans tous les secteurs de la société – politique, judiciaire, administratif et commercial – sont pour nous des enjeux essentiels, auxquels nous consacrons tous nos efforts pour une efficacité maximale. Nous avons même modifié la Constitution de la République de Macédoine dans ce but.

Tous nos efforts précédents visaient à satisfaire les obligations liées aux différentes étapes de notre intégration dans l’Union européenne. Nous avons adopté de nombreuses lois de réforme qui ont fait l’objet de modifications importantes pour une mise en œuvre efficace.

La République de Macédoine est confrontée à une autre épreuve. Nous devons organiser des élections parlementaires qui, dans une large mesure, auront un rôle décisif pour notre avenir. Nous avons adopté un nouveau Code électoral, conforme aux recommandations européennes, et nous espérons qu’il contribuera à ce que ces élections soient équitables et démocratiques. Toutes les exigences de l’opposition sont prises en compte dans le Code électoral. Nous avons décidé que l’opposition proposera le nom du président de la commission électorale. Voilà qui ne laisse aucun doute quant à notre désir d’élections équitables et démocratiques. Mais des élections libres et démocratiques signifient aussi qu’il faut accepter les résultats des urnes, qui traduisent la volonté des citoyens.

La République de Macédoine joue un rôle clé dans la coopération régionale. Nous y attachons une grande importance et considérons la coopération régionale comme une condition préalable essentielle à un progrès commun. Nous avons adhéré récemment à l’Accord de libre-échange centre-européen et la création de cette zone de libre-échange sera un puissant moteur pour un développement rapide de la poursuite de la libéralisation du commerce de la région. Nous soutenons fermement ce processus et estimons qu’il servira de catalyseur pour le développement et l’intégration dans l’Europe.

En matière d’économie, nous avons pris des mesures visant à améliorer le climat des affaires. Notre statut de pays candidat à l’Union européenne a commencé à produire ses fruits. L’intérêt des entreprises étrangères pour des investissements en Macédoine ne cesse de croître. Tout cela nous donne le droit d’espérer que 2006 sera une année majeure pour l’amélioration de l’économie, la création de nouveaux emplois et l’élévation du niveau de vie.

J’aimerais mentionner quelques mesures prises par le Gouvernement de la République de Macédoine pour faire de ce pays une destination recherchée par les entreprises. Nous avons adopté une nouvelle législation, nous avons mis en place un système de guichet unique pour la création d’entreprise, nous avons lancé une réforme du cadastre et nous avons modifié de nombreuses autres lois. Toutes ces réformes seront très impopulaires lors des prochaines élections, mais auront un impact considérable pour les générations futures.

L’adhésion de la République de Macédoine au Conseil de l’Europe le 9 novembre 1995 représentait la première étape de la réalisation des aspirations européennes de la République de Macédoine. En devenant membre du Conseil de l’Europe, nous avons accepté de respecter les principes fondamentaux de l’Organisation: la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit, valeurs communes à l’ensemble des Etats membres du Conseil.

Pendant longtemps, la coopération, la solidarité et le consensus sur les questions politiques importantes entre les Etats membres de cette Organisation ont été les principales forces motrices du développement de l’Europe en termes politiques, économiques et culturels.

Au Sommet de Varsovie, le Conseil de l’Europe s’est fixé plusieurs priorités. L’une d’elles était la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Un des principaux thèmes de cette session de l’Assemblée parlementaire concerne les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. M. Juncker, M. Schüssel, M. Popescu-Tariceanu ainsi que le président de la Commission européenne, M. Barroso, se sont adressés à cette éminente Assemblée sur ce thème.

Le mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne devrait être la plateforme de la coopération future entre les deux organisations et contribuer à leur partenariat.

Le Conseil de l’Europe, authentique organisation paneuropéenne, donne l’occasion de développer le dialogue politique entre les Etats membres de l’Union européenne et les Etats qui se préparent à y adhérer, comme la République de Macédoine.

Plus ancienne organisation intergouvernementale d’Europe défendant les valeurs fondamentales, le Conseil de l’Europe a un rôle essentiel à jouer face aux défis du XXIe siècle que sont le terrorisme, la criminalité, la corruption, la traite des êtres humains, la xénophobie et l’intolérance.

La Cour européenne des Droits de l’Homme est une spécificité du Conseil de l’Europe. Le droit de recours individuel, qui permet à une personne de présenter un recours contre tout Etat pour la violation de ses droits individuels, est une réalisation majeure du Conseil de l’Europe. La République de Macédoine soutient les réformes actuelles de la Cour et nous attendons impatiemment le rapport du Comité des sages sur cette question. Je tiens à souligner que la République de Macédoine a fait partie des premiers Etats qui ont ratifié le Protocole no 14.

Je salue la présidence roumaine du Comité des Ministres et la remercie pour sa contribution à la mise en œuvre du Plan d’action du Sommet de Varsovie de 2005. Nous apprécions énormément toutes les activités entreprises dans le domaine de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour améliorer son efficacité, la protection des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, la cohésion sociale et la coopération avec les institutions européennes et les organisations internationales.

Je me félicite également de ce que la Fédération de Russie assurera la prochaine présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Nous sommes persuadés que la mise en œuvre des principes essentiels du Conseil de l’Europe s’en trouvera renforcée.

L’avenir européen des citoyens vivant sur le territoire géographique de l’Europe n’est pas seulement un droit naturel, c’est également un impératif dans nos relations modernes. L’idée européenne a entraîné un bouleversement radical de la conscience de la population des Balkans, qui préfère aujourd’hui la coopération et l’union des pays de la région. Aujourd’hui, plus que jamais, la population des Balkans s’intéresse à la perspective du développement économique et du progrès global de la région et de l’ensemble de l’Europe. Aujourd’hui, les citoyens sont davantage convaincus que la coopération et l’intégration constituent des avantages indéniables par rapport aux conflits politiques et aux guerres du passé.

Dans les Balkans, l’affiliation et l’intégration européennes constituent également des incitations importantes à assurer non seulement la paix et la sécurité de la région, mais aussi le développement général de l’Europe du Sud-Est et de l’ensemble de l’Europe. Il faudra continuer à progresser dans cette direction. Il est très important que les responsables politiques de la région qui sont sincèrement attachés à l’Europe soient davantage soutenus. Sinon, les responsables politiques d’hier, qui généralement ne proposent rien d’utile et qui instrumentalisent les questions ethniques de leur pays, tireront leur épingle du jeu.

Nos efforts pour faire de l’adhésion à l’Union européenne une priorité sont fondés sur la conclusion logique que l’Europe appartient tout autant à ses citoyens qu’aux nations. Chaque problème de chaque région d’Europe est en même temps un problème pour l’Union européenne. Selon les prévisions européennes, il faut que les Balkans importent la stabilité si l’on veut éviter que la région exporte son instabilité. Toutes les analyses considèrent la sécurité de l’ensemble des Balkans comme essentielle à la sécurité et au progrès de toute l’Europe. Malgré de nombreux problèmes, la République de Macédoine progresse vers les normes nécessaires pour devenir un Etat membre de l’Union européenne. Aujourd’hui, elle est un bon exemple de stabilité et de tolérance dans la région. En termes de relations interethniques, nous avons obtenu des résultats considérables en un temps très court et avons résolu nos problèmes très rapidement.

En moins de cinq ans, nous avons doublé le pourcentage de participation à l’administration publique des communautés ethniques minoritaires. En quelques années, la Macédoine a accompli ce que d’autres pays ont mis des décennies à réaliser. Le lancement des pourparlers concernant la pleine adhésion à l’Union européenne aura probablement un impact positif supplémentaire, non seulement pour notre pays, mais aussi pour l’ensemble de la région.

Nous avons travaillé intensément au rapprochement de notre système judiciaire avec le système européen. Nous nous efforçons de rapprocher notre nouveau système judiciaire de l’acquis communautaire, en tenant compte des réalités et des ressources ainsi que des garanties nécessaires à la réalisation de ces réformes.

Nous obtenons des résultats satisfaisants en ce qui concerne l’acceptation des valeurs du Conseil de l’Europe telles que la démocratie, les droits de l’homme, la primauté du droit et le respect et la promotion des valeurs culturelles. Dans la mise en œuvre des conventions du Conseil de l’Europe, nous respectons les normes les plus élevées en matière de protection des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, ainsi qu’en matière de décentralisation. A titre d’illustration, la Macédoine est le seul pays possédant une commune rom ayant la langue rom comme langue officielle.

Il est évident que la République de Macédoine cherche à renforcer encore cette dynamique pour accélérer la croissance économique, améliorer le fonctionnement des institutions de l’Etat et lutter plus efficacement contre la criminalité organisée et la corruption. Mais l’Union européenne doit aussi se montrer plus souple vis-à-vis des pays qui manifestent leur engagement en faveur des réformes, dans l’intérêt non seulement de ces pays, mais aussi de l’Union. L’énergie politique des Balkans sera inévitablement orientée vers un soutien accru des Etats membres de l’Union européenne et des institutions de cette dernière en tant qu’entité. De plus, il existe un consensus politique général dans le pays autour des questions de développement stratégique.

Dans ce contexte, il est logique que la République de Macédoine soit prête à accepter de la part de l’Union européenne un programme encore plus dynamique pour mener à bien le processus de réforme.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Buchkovski, pour votre allocution extrêmement intéressante. Vous avez pris clairement position pour la poursuite des réformes et pour une société pluriethnique.

Je rappelle aux membres qui ont posé des questions que ces dernières ne doivent pas excéder trente secondes. La première question est posée par Mme Papadimitriou, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

Mme PAPADIMITRIOU (Grèce) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, en tant que parlementaire grecque, je vous souhaite la bienvenue dans notre Assemblée. Le 7 décembre 2005, à Paris, en réponse à une question d’un membre travailliste du parlement, M. O’Hara, et de moi-même, vous avez déclaré: «Mon pays est prêt à se montrer constructif. Nous sommes très heureux que la Grèce fasse partie des pays qui soutiennent notre candidature à l’adhésion le 15 décembre... Je respecte la décision du Parlement grec de soutenir l’adhésion de mon pays à l’Union européenne, soit avec le nom provisoire de l’ex-République yougoslave, soit avec un nom de «compromis». Nous sommes disposés à poursuivre les négociations de New York avec la médiation de M. l’ambassadeur Nimetz pour trouver une solution dans les plus brefs délais.»

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à confirmer ces déclarations et votre souhait de poursuivre ces négociations dans un esprit ouvert?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Dans l’intervalle, j’ai rencontré le Premier ministre Karamanlis. Les réunions de ce type seront importantes pour notre avenir commun. Je vous remercie de votre soutien à notre candidature à devenir membre de l’Union européenne. Il est très important pour établir la confiance entre les responsables politiques, parce que les milieux d’affaires de Grèce et de Macédoine collaborent extrêmement bien; l’année dernière, la Grèce était encore le premier investisseur dans notre pays. Je rappelle que nous avons l’intention d’organiser après les élections parlementaires des réunions plus fréquentes avec des représentants du Gouvernement grec, pour essayer de trouver un compromis sur la grande question qui divise la Macédoine et la Grèce, en l’occurrence le litige concernant notre nom.

M. Ivan IVANOV (Bulgarie)

Le corridor de transport européen 8, qui relie la mer Noire et la mer Adriatique en traversant la Bulgarie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et l’Albanie, revêt une importance cruciale pour le développement économique de l’Europe du Sud-Est. A ce sujet, j’aimerais connaître les projets de votre gouvernement pour accélérer la réalisation de la partie de l’«eurocorridor» 8 sur le territoire de «l’ex-République yougoslave de Macédoine».

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

J’aimerais répéter notre intention concernant le corridor 8. C’est une priorité absolue pour le Gouvernement de Macédoine, mais nous devons être réalistes. Depuis dix ans, c’est la priorité de toutes les réunions organisées au niveau des Présidents, des Premiers ministres et des ministres. Nous répétons la même phrase, nous sommes intéressés par la construction du corridor 8, mais nous attendons un résultat concret. Après l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne au début de 2007, nous aimerions relier les deux capitales, Skopje et Sofia, le plus rapidement possible. Nous aurons probablement besoin d’une aide supplémentaire de la Banque européenne de reconstruction et de développement, mais nous continuons à promouvoir des projets communs.

M. Ivan IVANOV (Bulgarie)

Je remercie M. le Premier ministre. Dans le cadre du corridor de transport européen 8, est également prévue la réalisation d’un projet de construction d’un oléoduc entre la mer Noire et la mer Adriatique, nommé AMBO. A votre avis, quelles sont les possibilités d’accélérer ce projet tellement important pour la diversification de l’approvisionnement en pétrole de l’Europe du Sud-Est?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Il y a un an, à Sofia, l’ex-Premier ministre de Bulgarie, l’ex-Premier ministre d’Albanie et moi-même avons signé un protocole d’entente et nous travaillons sur le projet AMBO avec M. Ferguson. Je ne suis pas en mesure de vous dire si notre projet sera achevé en 2007. Je sais que pour le montage financier mis en place par les Etats- Unis il y aura une condition préalable liée à la rapidité avec laquelle nous commencerons à construire le pipeline entre la Macédoine, l’Albanie et la Bulgarie.

M. IWINSKI (Pologne) (traduction)

J’aurai deux questions. Tout d’abord, dans quelle mesure le difficile problème des réfugiés est-il encore important pour la Macédoine? A ce propos, nous avons eu une réunion très intéressante à Skopje, il y a deux mois.

Deuxièmement, vous venez de nous indiquer que vous vous attaquez au problème de la criminalité et de la corruption. Dans quelle mesure l’opération Concordia a-t-elle été utile et couronnée de succès?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Comme vous le savez, en ce qui concerne le problème des réfugiés, nous avons acquis une expérience considérable pendant la crise du Kosovo. Près de 400 000 Kosovars sont arrivés dans notre pays en qualité de réfugiés. Nous avons plus de 1 000 réfugiés d’origine rom en provenance du Kosovo et nous essayons avec la MINUK de trouver une solution pour le retour du dernier groupe de Kosovars sur le territoire du Kosovo.

En ce qui concerne notre intention de lutter plus fermement contre la criminalité organisée et la corruption, je suis satisfait de notre collaboration avec le Conseil de l’Europe et le Groupe d’Etats contre la corruption. Nous renforçons nos capacités pour améliorer notre efficacité dans ce domaine. Nous avons le projet d’établir des systèmes proactifs pour la gestion des frontières dans la région, ce qui implique une plus grande coopération entre les agents des douanes et diverses institutions. Je pense que cela constituera une des conditions préalables à un renforcement de notre lutte contre la criminalité organisée et la corruption dans toute la région.

En Macédoine, nous voulons promouvoir la coopération entre l’OTAN et l’Union européenne après la réussite de la mission entreprise par l’OTAN pendant la crise de 2001. L’Union européenne a remplacé l’OTAN dans notre pays pendant la période de stabilité et la formule «Berlin Plus» était une des raisons pour lesquelles la communauté internationale a encouragé la mission Concordia dans notre pays. Ce fut extrêmement positif et nous nous efforçons maintenant de développer nos relations avec nos amis européens en ce qui concerne les procédures de notre police. Nous préparons une nouvelle loi sur la police et nous espérons poursuivre la réforme avec l’aide d’experts de l’Union européenne.

M. IWINSKI (Pologne) (traduction)

Permettez- moi de poser une question différente et un peu plus délicate, qui est, selon moi, importante. Lorsque je me rends en Macédoine, comme je l’ai fait de nombreuses fois depuis vingt ans, je trouve que sa situation en tant que pays indépendant n’est pas assez connue ni comprise. Pour moi, une des raisons de cet état de fait réside dans l’insuffisance de représentations diplomatiques à Skopje. On ne compte pas plus de 20 ambassades, dont celle de la Pologne. Que pouvez-vous faire à ce sujet? Il me semble que nous pourrions demander à nos collègues d’autres pays de s’engager à mettre en place une représentation diplomatique en Macédoine. Si on n’est pas présent dans un pays on ne peut pas comprendre ce qui s’y passe.

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Pour votre information, je peux dire que plus de 40 ambassades étrangères sont accréditées dans notre pays, mais je reconnais que cela ne suffit pas. Si nous voulons divulguer la réussite de la Macédoine à toute la communauté internationale, il faut présenter notre modèle de société pluriethnique. Il serait plus facile de faire connaître notre expérience positive si des représentants des Etats membres de l’Union européenne et d’autres Etats étaient présents à Skopje.

M. DZEMBRITZKI (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Ministre, à l’occasion du discours d’ouverture, notre Président a évoqué le sentiment de «lassitude de l’Europe» qui se développe parmi les membres établis de l’Union européenne. Vos travaux et votre exposé, qui méritent reconnaissance et respect, ont au contraire démontré que l’Europe est tout à fait éveillée. Je souhaiterais donc que, sur la base de votre expérience, vous expliquiez quelles seraient les conséquences pour votre pays et pour la région dans son ensemble si l’entrée dans l’Union devenait plus difficile pour tous les nouveaux candidats ou si la porte venait à se fermer en raison du sentiment de «lassitude de l’Europe».

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Chers amis allemands, pour des responsables politiques pro-européens et partisans de la démocratie, il est certainement difficile de vivre dans l’ouest des Balkans sans une perspective européenne et euro-atlantique claire. Le débat au sein de l’Union européenne sur le processus d’élargissement a un impact direct sur l’euroscepticisme dans l’ouest des Balkans. Nous souhaitons que les mêmes règles continuent de s’appliquer, que le «principe de Thessalonique» soit respecté et que l’Union européenne laisse la porte ouverte aux Etats de l’ouest des Balkans. Après l’adhésion attendue de la Roumanie et de la Bulgarie, le chef de file reconnu de notre région sera la Croatie et nous espérons que ce pays deviendra membre de l’Union européenne en 2008, ou en 2009. La Macédoine sera alors prête à être le chef de file des autres pays de l’ouest des Balkans. Nous avons maintenant le statut de pays candidat et nous nous attendons à un rapport positif en octobre si les responsables politiques et les citoyens de Macédoine réussissent à mener des élections libres et démocratiques. Il faut reconnaître que la Macédoine est importante aujourd’hui non seulement pour la région, mais aussi pour le processus de l’intégration européenne. Nous continuerons les discussions avec l’Union européenne avec une énergie renouvelée pour nos procédures de réforme et nous plaiderons notre cause à Bruxelles et à Strasbourg pour que ces organisations gardent ouverte leur porte à la Croatie, à la Macédoine, à la Serbie, au Monténégro, à la Bosnie- Herzégovine et à l’Albanie.

M. GRZYB (Pologne) (traduction)

Quel est votre avis, Monsieur le Premier ministre, sur le processus de stabilité des Balkans et comment le Conseil de l’Europe et l’Union européenne peuvent-ils le soutenir?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Cher ami polonais, nous vivons dans les Balkans une période cruciale pour notre avenir. Il y aura sans aucun doute un référendum au Monténégro. Se pose la question du statut éventuel du Kosovo et aussi celle de la redéfinition de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine. Ce sont d’énormes défis non seulement pour les Serbes et les Kosovars, mais aussi pour les musulmans, les Croates et les Bosniaques de Bosnie-Herzégovine, ainsi que pour la communauté internationale. Le Conseil de l’Europe jouera un rôle important, avec notamment la Commission de Venise, en ce qui concerne la décentralisation. Une des questions essentielles est le processus de démocratisation et d’européanisation de l’ouest des Balkans. Dans notre modèle de société pluriethnique, trois volets font partie de l’accord-cadre: l’emploi de la langue maternelle – langue de la communauté albanaise -, la représentation politique active et la décentralisation.

Dans notre cas, nous voulons promouvoir une nouvelle organisation territoriale et des communes pluriethniques, et non pas monoethniques comme il a été proposé au Kosovo. Le référendum qui a été organisé a refusé une nouvelle organisation territoriale. Selon moi, c’était la dernière tentative des radicaux et des conservateurs de notre pays pour empêcher la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid. Après cette mise en œuvre, ce sera certainement plus facile. Cette question ne constituera plus le thème majeur des joutes quotidiennes entre le gouvernement et l’opposition. La situation est aujourd’hui analogue à celle de nombreux pays d’Europe occidentale, et la vie économique et sociale deviendra la principale préoccupation.

Quel sera le rôle du Conseil de l’Europe dans l’ouest des Balkans? Le rôle de l’Europe sera essentiel pour la région. Le leadership pose un problème majeur. Nous avons besoin de leadership et d’une vision claire d’un avenir commun pour tous dans une Europe unie.

M. IVANOVSKI («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (traduction)

Monsieur le Premier ministre, la coopération régionale est un des critères de l’adhésion pleine et entière à l’Union européenne. Quand on vit dans un Etat des Balkans, c’est le critère essentiel. Quelles sont les réalisations de la République de Macédoine dans ce domaine et quels sont ses plans pour l’avenir?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

La semaine dernière, à Bucarest, tous les Etats de l’Europe méridionale et orientale ont organisé une réunion avec le chancelier autrichien Schüssel, qui préside l’Union européenne, et le commissaire Mandelson. Le thème de la réunion était la coopération régionale, condition préalable à un rapprochement avec l’Union européenne. Une des idées avancées était que la Commission européenne favorise une zone de libre- échange de l’Europe du Sud. Nous avons besoin d’une réglementation économique plus forte entre tous les pays de la région. Non seulement ce sera une préparation à l’Union européenne, mais il est important que nous appliquions la même législation que les Etats de l’Union européenne afin d’être prêts à devenir un jour membre à part entière.

En tant que petit pays de l’Europe du Sud-Est, nous avons l’intention de promouvoir notre expérience positive. Pour collaborer en matière économique, une des conditions préalables est de promouvoir la stabilité dans la région. Après la mise en œuvre de l’Accord- cadre d’Ohrid, la Macédoine reste le seul Etat stable de la région – c’est en tout cas mon opinion. Nous avons besoin d’une stabilité entre les différentes communautés ethniques et d’une société multiculturelle, notamment aujourd’hui, où la société internationale se préoccupe des problèmes de la Serbie-Monténégro et du Kosovo. Nous devrions faire connaître notre expérience positive. Notre modèle est spécifique à notre situation, mais certaines réformes pourraient être reproduites dans d’autres secteurs de la région.

Nous insistons sur une coopération plus étroite entre les pays pour favoriser un climat positif pour les responsables politiques. Nous pouvons comparer la situation actuelle avec celle d’il y a quatre ou cinq ans. Il y a une atmosphère davantage pro-européenne dans la région parce qu’il y a plus de réunions formelles et informelles entre les responsables politiques régionaux et que nous avons les mêmes rêves – concernant l’Union européenne et l’OTAN. Sans cette perspective européenne et atlantique claire, la situation dans notre région serait totalement différente.

M. STEENBLOCK (Allemagne) (traduction)

Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Premier ministre, le 29 mars, votre parlement a voté une nouvelle loi électorale et je tiens à vous féliciter pour le rôle essentiel que vous avez joué dans son élaboration.

Cette loi apporte sans aucun doute un fondement solide au processus de démocratisation. Je souhaiterais néanmoins vous poser deux questions à ce sujet, à savoir: quelles autres mesures envisagez-vous non seulement pour améliorer le processus électoral en amont des élections, mais aussi pour garantir l’application systématique des recommandations de l’OSCE et des missions d’observation du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH)? Quels sont selon vous les problèmes majeurs et comment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et l’OSCE peuvent-elles vous aider à y faire face, notamment dans l’esprit des «meilleures pratiques»?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Cher ami, nous savons qu’une des conditions préalables pour que la Commission européenne envoie un signal positif à Skopje sur la date de lancement des négociations est la tenue d’élections parlementaires libres et démocratiques. En attendant, nous collaborons plus étroitement avec le BIDDH et l’OSCE pour rédiger une nouvelle loi électorale. Ce faisant, nous avons adopté toutes les recommandations du BIDDH. La loi a été adoptée par notre parlement il y a dix jours et nous allons bientôt annoncer la création et la composition de la nouvelle commission électorale d’Etat.

Nous avons l’intention de promouvoir une atmosphère amicale avant la fin de la campagne. Nous avons accepté une proposition de l’opposition concernant le président de la commission électorale d’Etat et notre parlement devrait annoncer vendredi la nouvelle structure et la composition de celle-ci. Dans l’intervalle, nous avons suffisamment de temps pour négocier avec nos partenaires internationaux – l’OSCE, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe – le nombre des observateurs qui suivront les élections parlementaires. Je suis persuadé que l’atmosphère entre le gouvernement et l’opposition dans notre pays est maintenant plus détendue et tous les responsables politiques savent combien ces élections législatives sont importantes pour notre avenir. Je suis sûr que tous les citoyens de notre pays sauront vous montrer lors de ces élections que les valeurs et les normes européennes existent dans notre pays.

Mme INCEKARA (Turquie) (traduction)

Cette année, la République de Macédoine organisera des élections législatives. Quelles mesures ont été prises par le gouvernement et l’opposition pour que ces élections soient libres et équitables? Comment, à votre avis, le Conseil de l’Europe pourra-t-il aider et suivre le processus électoral?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Selon les dernières informations dont je dispose, l’OSCE, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe enverront des observateurs à nos élections. Une vingtaine de parlementaires du Conseil de l’Europe y assisteront. Dans l’intervalle, nous essayons de lancer dans le pays un programme d’éducation visant à prévenir les irrégularités. Il faut reconnaître que les dernières élections locales ont mis en évidence l’existence d’un problème. Avec le soutien de nos partenaires internationaux, nous essayons de promouvoir une atmosphère positive. Nous pensons que les organisations non gouvernementales et d’autres institutions de notre pays accepteront de préparer l’opinion publique conformément à nos attentes. Il faut que ces élections parlementaires soient les plus correctes et les plus équitables que le pays ait jamais connues.

M. ERTSBORN (Suède) (traduction)

Comme vous le savez, Monsieur le Premier ministre, mon collègue Dick Marty, rapporteur de l’Assemblée sur les allégations de détentions secrètes, considère l’affaire Khaled Al Masri comme un cas possible de remise de prisonniers par la CIA impliquant des autorités d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Pourriez-vous indiquer à l’Assemblée la position officielle de votre gouvernement dans cette affaire?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Je répète la position officielle de notre gouvernement. Le Gouvernement macédonien est prêt à coopérer avec le Conseil de l’Europe, le Parlement européen et, notamment, les procureurs allemands. Nous avons envoyé des réponses complémentaires aux nouvelles questions posées par le Conseil de l’Europe et notre ministre de l’Intérieur attend la visite d’une commission spéciale du Parlement européen le 28 avril. Nous sommes directement en relation avec le procureur macédonien et le procureur allemand au sujet des enquêtes judiciaires officielles concernant l’affaire Al-Masri. Nous avons hâte de rassembler le plus rapidement possible toutes les informations à ce sujet et de renforcer notre coopération avec toutes les institutions du Conseil européen et du Parlement européen.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci. Avez-vous une autre question?

M. ERTSBORN (Suède) (traduction)

Je veux seulement remercier le Premier ministre pour sa réponse.

M. JOVASEVIC (Serbie-Monténégro) (traduction)

Votre ministre des Affaires étrangères a récemment parlé des frontières entre l’union d’état de Serbie-Monténégro et la Macédoine. Quelle est votre opinion personnelle sur les frontières entre l’union d’état et la Macédoine, quelles sont vos obligations découlant de ce contrat d’Etats et allez-vous modifier les principes fondamentaux confirmés par deux gouvernements?

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Notre gouvernement souhaite que la démarcation implique des questions techniques – et non des questions politiques. Nous respectons la Résolution 1244 et nous espérons résoudre le problème de la démarcation dans les plus brefs délais. M. l’ambassadeur Einik indique au paragraphe 72 de son rapport qu’il faudrait que le Kosovo ait le statut d’un Etat à part entière pour résoudre le problème de démarcation. Nous nous efforçons actuellement de trouver, au niveau technique, des interlocuteurs pour le processus de démarcation. Nous voulons que la communauté internationale nous aide à trouver rapidement une solution, peut-être lors de la négociation à Vienne entre Belgrade et Pristina. Il est important pour nous que Belgrade ait signé un accord spécial avec nous sur la démarcation, mais il n’y a aucune chance que Belgrade soit notre interlocuteur pour le moment. Par contre, les habitants du Kosovo aimeraient être nos interlocuteurs, mais ils n’ont encore aucune légitimité internationale.

La Macédoine se trouve dans une position très délicate. Nous devons être prudents, mais aussi pragmatiques et penser à nous. Nous aimerions trouver un interlocuteur le plus rapidement possible pour finaliser les questions techniques liées à la démarcation et aux frontières.

M. JOVASEVIC (Serbie-Monténégro) (traduction)

J’aimerais savoir si vous êtes en mesure de contrôler la frontière entre la Macédoine et le Kosovo.

M. Buchkovski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (traduction)

Nous ne pouvons pas avoir de contrôle officiel de la frontière, parce que notre interlocuteur actuel est la KFOR. Nous entretenons une excellente coopération avec la KFOR en ce qui concerne l’administration de la frontière entre Skopje et Pristina, et tous les citoyens de part et d’autre respectent la frontière de la Macédoine.