Włodzimierz

Cimoszewicz

Premier ministre de Pologne

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 25 juin 1997

Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, chers amis, je suis heureux d’avoir l’occasion de prendre la parole en tant que représentant d’un Etat qui a célébré le cinquième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe l’an dernier, mais aussi en tant que député polonais ayant siégé dans cette Assemblée pendant quelques années.

L’admission, en 1991, de la Pologne parmi les Etats démocratiques réunis au sein du Conseil de l’Europe confirme que la détermination avec laquelle notre pays s’est engagé dans la voie de transformations politiques et économiques fondamentales a été reconnue. Au cours de ces premières années difficiles, les modèles élaborés par le Conseil de l’Europe nous ont guidés pour construire en Pologne un Etat de droit. L’ouverture du Conseil de l’Europe aux pays de notre région a offert une nouvelle dimension à la coopération européenne, puisqu’elle en a élargi la portée et a lancé de nouveaux défis.

Le Conseil sera appelé à jouer un rôle de premier plan dans l’instauration d’une Europe unie, pacifique et sans frontières. Nous souhaitons prendre une part active aux travaux qu’il entreprendra à cet égard. Nous soutenons, d’ores et déjà, les efforts qu’il déploie pour renforcer la paix et la stabilité en Europe centrale et orientale et nous continuerons à nous engager à l’échelon international afin de contribuer à la résolution des conflits en Bosnie et Herzégovine, en Tchétchénie, en Géorgie et ailleurs.

Mesdames, Messieurs, les activités menées par la Pologne dans le cadre du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire symbolisent notre volonté de renforcer l’unité du continent. Le Conseil de l’Europe devient un élément essentiel de la coopération paneuropéenne dans les domaines juridique, social et culturel, ainsi que dans des domaines concrets liés à l’intégration, tels que la coopération transfrontalière, les droits des minorités nationales et la protection de l’environnement naturel.

La Pologne met en œuvre avec succès le programme Eurorégions – elle en a déjà créé treize – en coopération, bien entendu, avec ses voisins. La Pologne participe également à la coopération internationale dans le cadre d’organisations régionales telles que l’Initiative centre-européenne, l’Association centro-européenne de libre-échange (ACELE) et le Conseil des Etats de la mer Baltique. Les organisations régionales constituent le fondement d’une coopération équitable entre les Etats d’Europe centrale et orientale, et contribuent à l’instauration de relations de bon voisinage.

En Europe centrale, la promotion des valeurs démocratiques, la protection et le développement des droits de l’homme et des libertés, y compris ceux des minorités nationales, constituent des activités d’importance majeure auxquelles le Conseil de l’Europe s’intéresse particulièrement. Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue les questions mondiales et les relations entre notre continent et les régions extra-européennes. C’est pourquoi nous apprécions les activités menées par le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales – le Centre Nord-Sud – dont le siège se trouve à Lisbonne et auquel la Pologne adhérera prochainement.

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, le 2e Sommet du Conseil de l’Europe qui aura lieu en octobre prochain sera consacré à l’examen du rôle du Conseil de l’Europe dans notre continent et à l’évolution de l’Organisation. D’emblée, la Pologne a été favorable à l’idée d’organiser cette réunion, d’autant qu’elle accueille avec intérêt toute proposition visant à discuter les questions de développement social qui revêtent pour nous une grande importance, surtout depuis que la Pologne a ratifié la Charte sociale européenne. Nous avons, certes, conscience que la ratification et la mise en œuvre de la Charte ne suffisent pas, à elles seules, à rendre la vie meilleure et plus facile pour la population. Mais elles marquent un tournant dans les activités internationales de la Pologne, tout comme l’examen des questions sociales en octobre donnera un nouvel élan à la recherche de solutions à l’échelle paneuropéenne. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union européenne qui se sont récemment réunis à Amsterdam ont reconnu l’importance de ce problème.

Mesdames, Messieurs, les réformes entreprises en Pologne ont été couronnées par l’adoption d’une nouvelle Constitution, à l’élaboration de laquelle nous avons travaillé pendant huit ans. Notre Constitution a été créée par le peuple pour le peuple au cours d’un processus véritablement démocratique qui s’est conclu par un référendum national. Conformément à toutes les normes européennes et à toutes les conventions internationales, la Constitution polonaise garantit les droits de l’homme et du citoyen, la protection de la vie, de la santé, de l’éducation et de la science, le droit au travail et à la propriété privée, tous domaines dans lesquels les réalisations du Conseil de l’Europe en matière juridique nous ont été une aide précieuse.

La Constitution confirme et reconnaît le rôle du tribunal constitutionnel et du médiateur. Elle garantit la pleine indépendance de la justice et la possibilité de recours devant toutes les instances en cas de violation des droits de l’homme. Elle s’appuie sur l’expérience polonaise, qui remonte à la Constitution du 3 mai 1791 et s’étend jusqu’à l’époque des transformations politiques, tout en se fondant sur les modèles et l’expérience des démocraties européennes. C’est la Constitution d’un Etat qui rejette l’autoritarisme. C’est pourquoi nous y avons inclus des dispositions visant à garantir la nation contre toute tentative de mettre en place un tel régime, dispositions au nombre desquelles figure le droit du citoyen à déposer une requête individuelle. C’est une Constitution qui, tout en reflétant l’identité nationale de l’Etat polonais, contient des clauses qui permettront son intégration dans l’Union européenne et dans l’Otan. La Constitution tient également compte des exigences européennes en matière d’indépendance de la banque centrale et de lutte contre les dettes et les déficits budgétaires excessifs.

La Pologne est un pays dont les citoyens connaissent fort bien à la fois les droits que leur garantit la Convention européenne des Droits de l’Homme et le fonctionnement de ses mécanismes de contrôle. Cette situation, qui n’est sans doute pas des plus confortables pour le gouvernement puisque le pays se trouve en tête des statistiques concernant le nombre de requêtes introduites auprès de la Commission européenne des Droits de l’Homme, montre cependant que le peuple polonais est très bien informé de ses droits.

Compte tenu de la progression rapide du nombre des affaires, il convient de poursuivre les efforts visant à améliorer l'efficacité de la Commission et de la Cour européennes des Droits de l’Homme. C’est la raison pour laquelle nous avons ratifié le Protocole n° 11 à la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Mesdames, Messieurs, la Pologne a relevé un immense défi lorsqu’elle a décidé, en 1989, de revenir au sein de l’Europe de la démocratie et du développement économique. Aujourd’hui, je puis affirmer que nous avons réussi à atteindre cet objectif ambitieux. L’économie de marché a été restaurée; elle fonctionne à présent grâce à des institutions et des mécanismes répondant à la fois aux normes du marché unique de l’Union européenne et à celles découlant de notre adhésion à l’OMC et à l’OCDE. Les efforts que nous avons entrepris pour adhérer à l’Union européenne et à l’Otan, en faveur desquels un consensus s’est dégagé tant au sein des principales forces politiques du pays qu’au sein de l’opinion publique, font partie de la stratégie menée par la Pologne pour s’intégrer totalement dans l’Europe unie.

Nous nous félicitons tout particulièrement des décisions du Sommet d’Amsterdam qui, conformément au calendrier précédemment adopté, ouvriront la voie aux négociations d’adhésion de la Pologne. Nous nous sommes d’ores et déjà préparés à ces négociations. Ainsi le Parlement polonais a-t-il adopté cette année une stratégie gouvernementale d’intégration nationale définissant les mesures à prendre pour atteindre les objectifs qui permettront au pays d’adhérer à l’Union européenne.

L’adaptation de l’économie polonaise en vue de son intégration au système européen a, considérablement progressé; se développant rapidement, elle ne cesse de se moderniser et de devenir plus compétitive. La croissance économique soutenue enregistrée au cours des quatre dernières années donne à penser que cette tendance sera durable. Le PIB a progressé à un rythme annuel de 6 % et ce taux devrait se maintenir au même niveau dans les aimées à venir. La part du déficit public – 2,8 % cette année – et le rapport dette publique/PIB de 48 % placent la Pologne au nombre des pays répondant aux critères de Maastricht.

La lutte contre l’inflation a également été couronnée de succès. Devant se situer, cette année, aux alentours de 12 % – soit trois fois moins qu’il y a quatre ans – l’inflation devrait, l’année prochaine, tomber à 9 %.

Conjugués à une discipline budgétaire rigoureuse, les résultats économiques obtenus ces dernières années ont fait de la Pologne un pays intéressant pour les investisseurs étrangers. Ceux-ci, qui ont déjà investi 15 milliards de dollars des Etats-Unis dans le pays, contribuant à la modernisation de sa technologie et de ses méthodes de production, se sont également engagés à y investir 9 milliards de dollars des Etats-Unis supplémentaires dans les années à venir. Cette confiance, déjà très marquée envers le marché polonais des capitaux, est attestée par le nombre croissant d’entreprises étrangères présentes à la Bourse de Varsovie.

Je tiens à souligner à cet égard que les investisseurs étrangers ont activement participé à la privatisation de l’économie polonaise. Selon les experts internationaux, les investissements étrangers en Pologne pourraient atteindre 25 à 30 milliards de dollars des Etats- Unis d’ici à l’an 2000.

La dynamique créée par les taux de croissance élevés a permis de réduire le chômage qui, au premier semestre de 1997, est passé de quelque 3 millions de demandeurs d’emploi en 1994 (soit 16, 9 % de la population active) à 2 millions (soit 12 %). Le taux de chômage est désormais comparable à celui de nombreux pays de l’Union européenne; toutefois, la situation n’en est pas pour autant satisfaisante, loin s’en faut.

Parallèlement à la lutte contre le chômage, mon gouvernement a entrepris de réformer le système de protection sociale. On vient de m’informer – et je m’en réjouis – que le Parlement polonais avait adopté aujourd’hui même trois lois qui constitueront la base d’un nouveau système de pensions. Ces textes permettront non seulement d’abandonner progressivement le système de pensions de vieillesse et d’invalidité actuel, fort peu efficace et représentant une charge budgétaire pour l’Etat, mais également de mettre en place un nouveau système de capitalisation de l’épargne qui permettra de maintenir la dynamique de l’investissement.

Mesdames, Messieurs, cette image actuelle et à venir de la Pologne ne serait pas complète si j’omettais d’évoquer les profondes mutations intervenues dans le régime de propriété. Aujourd’hui les deux tiers du PNB proviennent du secteur privé et on prévoit la privatisation des mines et des industries de transformation du cuivre, des télécommunications, des centrales électriques, des assurances et des grandes banques commerciales.

La Pologne est aujourd’hui un pays politiquement stable qui garantit à ses citoyens les droits et libertés démocratiques. Elle se distingue aussi par son dynamisme dans les domaines tant économique que social. L’avenir peut donc être envisagé avec confiance. Je vous remercie de votre attention. Je serais heureux de répondre aux questions des parlementaires.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de cette allocution fort intéressante. Un certain nombre de parlementaires ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je leur rappelle qu’ils disposent, pour ce faire, d’un maximum de trente secondes. Il s’agit, en effet, de poser des questions, pas de prononcer des discours. Les deux premières questions émanent respectivement de MM. Muehlemann et Jansson. La parole est à M. Muehlemann pour poser la première question.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, le Bélarus est un important voisin de la Pologne puisque le chemin de Varsovie à Moscou passe par Minsk. J’aimerais savoir comment vous évaluez la situation dans ce pays. Comment pourrait-on aider le pays à regagner son statut d’invité spécial auprès de notre Organisation? Que doit faire le Président du Bélarus pour regagner notre confiance?

M. JANSSON (Finlande) (traduction)

J’aimerais poser à M. le Premier ministre une question qui rejoint celle de M. Muehlemann.

Comme le faisait observer notre Présidente, la Pologne a continué d’entretenir d’excellentes relations avec notre Assemblée – même après votre départ. J’aimerais connaître votre avis au sujet de la situation fort préoccupante qui règne au Bélarus, pays voisin du vôtre.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Nous partageons vos préoccupations à ce sujet. Permettez-moi de vous rappeler que le Bélarus, voisin de la Pologne, compte une importante minorité polonaise estimée à près de 500 000 personnes. Dans ma circonscription, située au nord-est de la Pologne, vit une minorité bélarusse comptant au moins 250 000 âmes. Nous suivons de près l’évolution de la situation au Bélarus avec lequel nous nous efforçons d’entretenir les meilleures relations possibles. Pendant un certain temps, les relations économiques entre nos deux pays s’étaient rapidement accrues et les contacts politiques étaient fréquents. Mais tout a changé depuis les récents événements et nos relations, notamment politiques, se sont dégradées.

Je ne m’appesantirai pas sur la situation interne au Bélarus; vous me permettrez cependant de faire observer que si le Président polonais décidait de nommer lui-même le parlement, personne n’en reconnaîtrait la légitimité. Le droit d’élire ses représentants au parlement fait certes partie des principes fondamentaux de la démocratie – mais c’est au peuple qu’appartient ce droit et non au président. Nous estimons qu’on ne saurait parler de respect des principes et des normes démocratiques dans un pays où le président désigne lui-même les députés qui seront appelés à siéger au parlement.

Cela dit, il nous semble indispensable d’entretenir une certaine forme de coopération avec le Bélarus, notamment pour des raisons humanitaires. Nous ne pouvons abandonner la population de ce pays à son sort. Un jour viendra où le Bélarus, comme la plupart des pays européens, respectera les normes politiques et démocratiques qui ont cours en Europe.

C’est pourquoi je conseillerai au Conseil de l’Europe de garder avec le Bélarus des contacts étroits, de suivre l’évolution de la situation dans le pays et de tenter d’user de formes de pression internationalement acceptées pour l’amener à respecter les principes et les normes démocratiques.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, si j’ai bien compris, il s’agirait pour le Président du Bélarus d’organiser rapidement des élections afin qu’un parlement légitime puisse être constitué.

M. JANSSON (Finlande) (traduction)

Vous disiez, Monsieur le Premier ministre, qu’il importait de maintenir des contacts avec le Bélarus. J’en suis bien d’accord, mais avec qui?

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Avec la population. Sur l’initiative de la Pologne, des pourparlers ont été engagés avec le Bélarus en vue de l’organisation, en Pologne, de tables rondes, auxquelles devraient participer des représentants tant du gouvernement que de l’opposition de nos deux pays. Je pense que nous serons bientôt en mesure d’organiser la première de cette série de tables rondes au cours desquelles nous aurons l’occasion de discuter de nos problèmes et d’exposer directement notre point de vue et notre position aux intéressés.

A la deuxième question de M. Muehlemann, je répondrai qu’en l’absence de nouvelles élections – dont je ne sais quand elles pourront avoir lieu – il n’existera pas, au Bélarus, de parlement démocratique. C’est une question de principe.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Nous avons regroupé les deux questions suivantes, émanant respectivement de MM. Filimonov et Sinka. La parole est à M. Filimonov.

M. FILIMONOV (Russie) (interprétation)

demande si la Pologne approuve les demandes de la Russie concernant les populations non autochtones des Etats baltes.

M. SINKA (Lettonie) (traduction)

J’aimerais savoir, Monsieur le Premier ministre, comment vous envisagez l’évolution des relations de la Pologne avec les trois Etats baltes – l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Je souhaiterais répondre en russe, mais comme les questions ont été regroupées, je répondrai en anglais.

(L’orateur poursuit en anglais) MM. Filimonov et Sinka ont tous deux posé une question concernant les républiques baltes, le premier évoquant la protection des droits de l’homme dans ces pays et le second leurs relations avec la Pologne.

Nous attachons une grande importance à la protection des droits de l’homme, d’une manière générale, bien entendu, mais également parce que de nombreuses personnes d’origine polonaise vivent dans les trois pays Baltes, dont beaucoup n’ont, jusqu’à ce jour, pas encore obtenu la citoyenneté. C’est la raison pour laquelle nous entretenons des contacts à ce sujet, notamment avec la Lettonie et l’Estonie, où, nous en sommes convaincus, les problèmes de citoyenneté seront résolus dans un proche avenir.

Je comprends, certes, le raisonnement qui sous-tend certains des arguments avancés par les hommes politiques et les dirigeants russes, mais je suis également conscient de la complexité de la situation, par exemple en Lettonie et en Estonie, pays qui, par le passé, ont connu des mouvements de population et ont été intégrés contre leur gré dans l’Union Soviétique. Cette complexité exige de la patience. Je connais un certain nombre de responsables des trois Etats baltes, et je suis convaincu qu’ils souhaitent résoudre le problème conformément aux normes internationales.

Je suis heureux de pouvoir dire que les relations de la Pologne avec les Etats baltes sont excellentes. Nous entretenons des liens économiques fondés sur un accord de libre-échange avec la Lituanie et la Lettonie. Un accord similaire est en préparation avec l’Estonie. Sur le plan politique, nous travaillons en étroite coopération, notamment avec la Lituanie. C’est ainsi que les Parlements polonais et lituanien ont décidé d’instituer un comité d’Etat conjoint, et qu’une commission spéciale a été créée par les présidents des deux Etats. Lors de ma prochaine rencontre avec le Premier ministre lituanien, nous discuterons de la mise en place d’un forum de coopération intergouvemementale. Je crois qu’il s’agit là d’un niveau de coopération exceptionnel, non seulement à l’échelon de la Pologne, mais aussi à l’échelon international.

M. SINKA (Lettonie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, pouvons-nous compter sur le soutien de votre pays s’il devait être le premier à adhérer à l’Union européenne et à l’Otan?

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Ce serait avec le plus grand plaisir. Nous serons vraisemblablement bientôt invités à négocier les conditions de notre adhésion à l’Otan et, après le Sommet d’Amsterdam, il sera possible – disons dans six mois – d’entamer les négociations pour notre adhésion à l’Union européenne. Après-demain, je dois me rendre à Amsterdam, où M. Kok informera les pays associés des résultats du sommet.

Tant l’Union européenne que l’Otan doivent, selon nous, être des institutions ouvertes; leur élargissement – quoique long et difficile – ne pourra être profitable à tous les pays d’Europe. C’est pourquoi nous ne considérons pas notre adhésion comme une fin en soi: nous souhaitons, au contraire, que beaucoup d’autres pays en deviennent également membres.

M. GJELLEROD (Danemark) (traduction)

Je crois pouvoir dire que les relations entre mon pays et la Pologne ont évolué de façon extrêmement positive. En proposant la création d’un Conseil de la Baltique, le Danemark souhaitait renforcer l’économie de la région tout entière. La Pologne est en passe de devenir membre de l’Otan et de l’Union européenne. J’aimerais savoir si, une fois qu’elle aura rejoint ces organisations, elle continuera à travailler au renforcement de la coopération dans la Baltique.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

La meilleure façon de procéder c’est de poursuivre sur notre lancée. Comme je le disais tout à l’heure, nous avons déjà conclu des accords de libre-échange avec deux Etats baltes et espérons être en mesure de faire de même très prochainement avec le troisième. Nous soutenons ces pays dans leur désir de rejoindre la zone de libre- échange centre-européenne, sorte de marché commun pour l’Europe centrale.

Nous avons instauré, en matière de défense, une coopération étroite avec la Lituanie, que ce soit à l’échelon des fournitures militaires, de la formation des gardes-frontières, ou de la constitution d’un bataillon commun de maintien de la paix. Nous sommes déterminés à poursuivre cette coopération qui constitue, à mon sens, la meilleure façon d’aider ces pays à se rapprocher de l’Union européenne et de l’Otan.

M. GJELLEROD (traduction)

Oui. Pensez-vous qu’il soit nécessaire de renforcer la coopération entre les pays riverains de la Baltique?

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Si j’entends bien, M. Gjellerod fait référence au Conseil de la Baltique. La réponse est oui. L’an dernier, le Sommet de Visby en Suède, qui a été couronné de succès, a été l’occasion de préparer une intensification des relations dans les domaines de la culture et de l’éducation. Je rappelle à l’Assemblée qu’on y a notamment évoqué la mise en place, dans la région, d’un système de reconnaissance mutuelle des diplômes et des titres scientifiques. Voilà un exemple de mesures pratiques en faveur de l’établissement de liens directs entre les peuples de la région.

Depuis lors, nous avons déployé d’intenses efforts pour promouvoir la coopération dans le domaine de la lutte contre le crime organisé. Je pense que la région est politiquement et psychologiquement prête à continuer sur cette lancée, et peut-être même à passer à la vitesse supérieure.

M. DOMLJAN (Croatie) (traduction)

L’Europe tout entière a suivi avec une grande admiration l’évolution politique récente de la Pologne qui, avec un grand courage, a lutté pour recouvrer la liberté, la souveraineté et la démocratie. Son exemple a eu un impact considérable sur d’autres pays qui avaient souffert de la dictature communiste, y compris le mien. J’aimerais savoir si, une fois devenue membre de l’Otan, la Pologne continuera de plaider la cause de l’adhésion à cette institution des autres pays d’Europe centrale et orientale.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Merci, Monsieur Domljan, d’avoir respecté votre temps de parole à la seconde près. La parole est à M. le Premier ministre de Pologne.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Le minuteur électronique nouvellement installé constitue assurément une aide précieuse à cet égard. Nous pensons, je le répète, que l’Otan doit être ouverte à d’autres pays. Un élargissement de cette organisation permettra de renforcer le mécanisme de maintien de la paix qui a été mis en place avec succès sur le territoire européen. C’est pourquoi nous ne partageons pas le point de vue de ceux qui voient cet élargissement comme une menace. Nous pensons au contraire qu’il s’agit d’un processus positif visant à renforcer les structures de l’organisation et de la paix en Europe. Bien entendu, nous comprenons qu’on plaide en faveur d’un élargissement limité, si tant est cependant qu’on l’envisage comme la première étape d’une extension future.

M. DOMLJAN (traduction)

M. le Premier ministre a mentionné le rôle que joue l’Otan dans le processus de maintien de la paix. J’aimerais savoir s’il pense que l’Alliance devrait rester en Bosnie après 1998.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Je ne puis ici donner qu’un avis personnel, parce que la Pologne n’a pas officiellement pris position à cet égard. L’Otan n’est pas la seule organisation à s’être engagée en Bosnie et Herzégovine. Ce qui se passe dans ce pays constitue un bon exemple de coopération internationale à grande échelle – en l’occurrence entre l’Otan et des pays comme la Russie et la Pologne qui ne sont pas membres de l’Alliance – coopération qui semble plus fructueuse que certaines tentatives faites précédemment pour aider les Bosniaques à surmonter la situation très difficile de leur pays.

On ne peut pas s’arrêter en si bon chemin; il faut aller encore plus loin. Le processus doit donc se poursuivre. Bien entendu, je pense qu’il faut mettre pleinement en œuvre toutes les dispositions des accords internationaux, notamment des accords de Dayton. Toutes les parties éprouvent quelque difficulté à cet égard, et j’ai parfois le sentiment que les choses progressent trop lentement.

Comme vous le savez, la Pologne participe au processus de maintien de la paix en Bosnie et Herzégovine où elle a envoyé quelques unités de soldats. Comme les autres membres de la famille européenne, elle doit faire son devoir, et ce – vous ne serez guère étonnés de me l’entendre dire – malgré le lourd fardeau financier que représente une coopération d’aussi longue haleine.

M. KUZMICKAS (Lituanie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, que pensez-vous de l’élargissement vers le nord de l’Accord de libre-échange centre-européen? Quel rôle attribuez-vous à la nouvelle assemblée interparlementaire lituano-polonaise dans la coopération régionale en Europe centrale?

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Comme je l’ai déjà précisé tout à l’heure, la coopération entre la Pologne et la Lituanie a déjà donné d’excellents résultats dont la création d’organes interparlementaires ne représente qu’un des aspects. Je me réjouis tout particulièrement de ce que, dès sa constitution, le nouveau Gouvernement lituanien ait formulé un certain nombre de propositions pour renforcer la coopération entre nos deux pays. Nous y avons répondu favorablement et espérons continuer dans cette voie.

Nous appuyons la candidature de la Lituanie à l’Association centro-européenne de libre-échange, dont le bilan est d’ores et déjà très positif puisque, je tiens à vous le signaler, cette jeune institution a déjà permis de tripler le montant des échanges entre ses Etats membres. Voilà qui démontre l’efficacité de ce mécanisme dont la création procède assurément d’une sage décision.

La dernière adhésion en date est celle de la Roumanie. A présent, les Etats membres procèdent à l’examen de la candidature de la Lituanie. Puis viendra le tour de la Bulgarie et d’autres pays; mais l’admission suppose, bien entendu, le respect de certains critères.

M. HUGHES (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais connaître les mesures que vous prenez pour développer les échanges avec la Russie.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Je vous remercie de cette question. Les profonds changements intervenus il y a quelques années en Pologne et en Russie ont entraîné dans nos deux pays une grave crise économique en raison de laquelle les échanges ont accusé une forte réduction. Cette période a été extrêmement difficile, notamment pour les entreprises polonaises qui produisaient traditionnellement des biens pour le marché soviétique. Fort heureusement, ces quatre dernières années, les échanges avec la Russie ont crû à un rythme de 35 à 50 % par an et ce pays est aujourd’hui notre deuxième partenaire économique. On estime que le commerce porte actuellement sur un volume de quelque 6 milliards de dollars des Etats-Unis et continue de croître rapidement.

Nos entreprises sont à nouveau très actives sur le marché russe. Nous avons également discuté avec le Gouvernement russe des modalités d’une libéralisation des échanges. Il y a quelques mois j’ai effectué à Moscou une visite au cours de laquelle nous avons, M. Tchemomyrdine et moi-même, décidé la création d’un groupe d’experts chargé d’analyser les effets d’une telle libéralisation sur nos échanges et sur notre coopération économique. Ce groupe d’experts nous a d’ores et déjà fait parvenir un certain nombre de propositions. Il convient également de signaler les intenses activités déployées par les pouvoirs locaux et régionaux qui ont engagé, avec les gouverneurs des provinces russes, une coopération directe qui porte déjà ses fruits.

M. HUGHES (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je me réjouis de cette réponse. Je suis sûr que, comme moi, vous attachez une grande importance au développement de la coopération entre la Pologne et les pays de l’Ouest. Mais «Charité bien ordonnée commence par soi-même», dit un proverbe anglais. Je pense que vous reconnaîtrez qu’en développant les échanges avec la Russie, vous travaillez à accroître la prospérité et la stabilité en Europe de l’Est.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Cela n’était pas une question, mais une observation.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Je partage entièrement l’avis de M. Hughes.

M. VISHNYAKOV (Russie) (interprétation)

rappelle que son pays a, à plusieurs reprises et à différents niveaux, posé la question d’une modernisation et d’un renforcement des infrastructures de transports entre la Fédération de Russie et Kaliningrad. Il se demande pourquoi la Pologne a pour sa part obstinément refusé d’en discuter, fût-ce à l’échelon d’un groupe d’experts. Des mesures de ce genre seraient en effet dans l’intérêt de Varsovie et permettraient de résoudre des problèmes écologiques, par exemple. L’orateur estime que la position polonaise lèse les citoyens russes de Kaliningrad.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (interprétation)

ne peut laisser dire que la Pologne refuse toute discussion et que son attitude léserait les citoyens de Kaliningrad. Comme la Russie, la Pologne a des droits souverains et elle refuse l’idée d’un corridor «extraterritorial» reliant la Russie à V oblast en passant par son propre territoire. Aucun pays ne peut s’arroger le droit de ménager un tel passage. Au reste, le transit se fait déjà par d’autres moyens et 3 millions de poids lourds passent par le territoire polonais chaque année. Varsovie est prête à discuter de la réglementation de ce transit entre l’Europe occidentale et la Russie, mais elle fait sienne la politique européenne en matière de transports.

M. VISHNYAKOV (interprétation)

qui est juriste, n’a jamais entendu soutenir qu’ouvrir une route contreviendrait au principe de territorialité. Le transit des poids lourds entre l’Allemagne et la Russie n’a rien à voir avec la liaison entre Kaliningrad et la Fédération de Russie. L’orateur maintient que la position polonaise revient à violer les droits des citoyens russes de Kaliningrad car ils ont besoin de cette route.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (interprétation)

prie M. Vishnyakov de s’adresser en d’autres termes au représentant du Gouvernement de la Pologne. Il ne peut oublier qu’il y a soixante ans, un autre pays déjà avait déclaré qu’ouvrir une route sur le territoire polonais s’imposait au regard des droits de son peuple.

Mme POPTODOROVA (Bulgarie) (traduction)

Je représente la gauche européenne de Bulgarie, c’est-à-dire le Parti social-démocrate, plus jeune parti politique de mon pays puisqu’il a été créé en février dernier.

Monsieur le Premier ministre, je tiens tout d’abord à vous féliciter, vous-même et votre parti, d’avoir su démontrer avec autant de brio qu’un parti de centre-gauche était capable de mener à bien la réforme démocratique.

Je me rends compte que la question que je m’apprête à vous poser l’a déjà été à maintes reprises aujourd’hui, mais puisque ses excellentes performances ont permis à la Pologne de faire partie de la première vague des pays admissibles à l’Otan et à l’Union européenne, j’aimerais savoir si vous êtes disposé à offrir votre assistance à des pays qui, comme le mien, souhaitent faire partie de la deuxième vague d’admissions à l’Otan.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Pour la troisième fois aujourd’hui, je réponds par l’affirmative. La Pologne suit de près l’évolution de la situation en Bulgarie et c’est avec une grande tristesse qu’elle a accueilli l’annonce de la profonde crise économique qui secoue le pays. Comme vous le savez, la Pologne a probablement été le premier pays à réagir, il y a quelques mois, en faisant parvenir une aide alimentaire à la Bulgarie. Hier, j’ai tenu, avec votre Vice- Président, un entretien au cours duquel nous avons discuté de ces problèmes. Je suis heureux d’offrir à la Bulgarie le soutien de la Pologne dans les efforts qu’elle déploie pour devenir membre des institutions européennes.

Mme POPTODOROVA (traduction)

Il est difficile de faire le tour de la question en trente secondes. Monsieur le Premier ministre, j’aimerais savoir quelles mesures bilatérales pourraient être prises en contrepartie de l’aide que vous avez si généreusement offerte à la Bulgarie dans le domaine de la sécurité.

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Des représentants des deux ministres des Affaires étrangères doivent se rencontrer début juillet pour discuter de ces questions.

M. ARNAU (Espagne) (interprétation)

souligne à quel point le courage et les capacités du peuple polonais ont permis à ce pays de passer de l’économie centralisée à un modèle libéral. Il note que le Premier ministre a engagé de vastes réformes, notamment dans le domaine de la sécurité sociale, mais se demande si cette transformation en profondeur ne va pas créer également des problèmes. Quelles mesures le Gouvernement et le Parlement polonais envisagent- ils pour préserver les retraites, dans l’esprit de la Charte sociale européenne?

M. Cimoszewicz, Premier ministre de Pologne (traduction)

Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, le Parlement polonais a adopté aujourd’hui même trois nouvelles lois qui réforment en profondeur notre système de protection sociale. Bien qu’elles interviennent trois mois avant les prochaines élections en Pologne, je me félicite de ces adoptions qui permettront de jeter les bases d’une réforme sociale majeure et qui n’ont été possible que grâce à la conclusion d’un large accord avec l’opposition.

Il y a deux mois, le gouvernement déposait un projet de réforme auquel il avait longuement travaillé. Malheureusement, certaines circonstances personnelles ont fait que nous n’avons pas été en mesure, comme nous le souhaitions, de présenter ce projet six mois plus tôt. Nous avons toutefois décidé de poursuivre le processus entamé malgré l’échéance électorale; et le résultat a été très positif.

Le système actuel de protection sociale n’est guère efficace. De plus, il coûte cher, notamment aux employeurs qui doivent s’acquitter de contributions sociales extrêmement élevées. Il représente également une charge pour l’Etat qui, chaque année, doit en revoir le budget à la hausse.

Le nouveau système, dont la mise en place se poursuivra pendant plusieurs années, repose sur trois piliers. Le premier reprend le système actuel. Le deuxième comporte un fonds de sécurité sociale obligatoire financé par les ressources dégagées grâce au programme de privatisation – le plus vaste jamais entrepris en Pologne – que nous avons mis en place cette année, et qui concerne notamment le secteur bancaire et les télécommunications, dont une partie des recettes seront destinées à financer le nouveau système de protection sociale. Quant au troisième pilier, il institue un dispositif de cotisations volontaires dans le cadre du système général.

Je ne puis entrer ici dans les détails, mais je suis convaincu que cette restructuration permettra d’alléger les charges sociales et de répondre aux souhaits des salariés et des entreprises. Précisons que le nouveau système – qui repose, bien entendu, sur un compromis – ne constitue pas la réponse idéale à tous les problèmes puisqu’il n’entrera en vigueur que pour les personnes âgées de moins de 50 ans. Pour les autres, le système actuel demeure pour l’instant. On prévoit que d’ici à une quinzaine d’années le nouveau système de protection sociale sera appliqué à tous les citoyens.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Vous venez de faire une réponse fort détaillée à M. Arnau qui, je pense, renoncera volontiers à poser une question supplémentaire.

Nous sommes arrivés au terme de la série de questions à M. Cimoszewicz. Monsieur le Premier ministre, au nom de l’Assemblée, je vous remercie de tout cœur d’avoir si brillamment répondu aux questions des parlementaires. Merci beaucoup.