Abdou
Diouf
Président du Sénégal
Discours prononcé devant l'Assemblée
mardi, 26 janvier 1988
Je voudrais tout d’abord rendre hommage au Conseil de l’Europe qui nous offre cette heureuse occasion de célébrer la nécessaire coopération Nord-Sud à laquelle le tiers monde est profondément attaché. En effet, l’initiative de lancer cette campagne en faveur de la promotion des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud mérite le soutien et les encouragements de tous les pays attachés à la paix internationale car, pour être durable, elle suppose un dialogue fécond des cultures et des civilisations, en particulier entre celles complémentaires de l’Europe et de l’Afrique. Ces deux continents aux civilisations millénaires nourries aux mêmes sources de la tolérance et de l’acceptation de la différence ont su tisser à travers les siècles de solides liens de coopération culturelle fondés sur l’échange réciproque et constant, avec une claire conscience de leur rôle dans la recherche de solutions efficaces aux rapports déséquilibrés qui caractérisent le monde contemporain.
En égard à la crise économique internationale qui sévit depuis plus d’une décennie, les problèmes économiques sont au cœur des préoccupations de chaque nation au centre des relations Nord-Sud, particulièrement de celles entre nos deux continents. Dans ce contexte, la situation économique critique de l’Afrique revêt une gravité sans précédent qui requiert une attention particulière des pays développés. Devant l’étranglement de notre continent par la dette et la chute des cours des matières premières, l’Europe, avec sa sagesse et ses références aux droits de l’homme, a un rôle éminent à jouer en faveur de l’instauration de rapports économiques plus équilibrés entre le Nord et le Sud.
Cependant, ces relations économiques ne sauraient occulter celles d’ordre culturel, si importantes dans la compréhension entre les peuples du monde au sein duquel toutes les nations vivent dans le cadre d’une interdépendance qui devrait être mutuellement enrichissante. La promotion des relations Nord-Sud est, en définitive, une œuvre au service de la solidarité internationale à laquelle nos peuples restent profondément attachés, par-delà leurs différences naturelles et nécessaires.
Voilà pourquoi je reste optimiste quant à l’avenir de la coopération Nord-Sud, à la consolidation de laquelle nous devons tous, pays industrialisés et pays en développement, apporter le fruit de nos intelligences, la vigueur de nos volontés et l’efficacité de nos expériences. L’instauration de ce dialogue, au nom du nouvel humanisme, suppose naturellement que soient réunies les conditions d’une communication véritable entre tous les continents et toutes les nations, dans l’acceptation de la différence, donc dans la tolérance réciproque. D’où le rôle essentiel de la culture dans les rapports Nord-Sud.
Alors, nous devons nous évertuer à développer davantage notre coopération dans le domaine des industries culturelles et de la communication. C’est là, en effet, me semble-t-il, que va se jouer pour l’essentiel l’avenir et que, par là même, pourraient se résoudre les relations économiques internationales actuelles. C’est pourquoi nos pays doivent assumer collectivement trois impératifs: la qualité de la création culturelle, la vigueur des industries culturelles et le développement des moyens de diffusion pour que le Sud parle au Nord qui lui parle déjà.
Phénomène économique et sociologique majeur, phénomène moral et politique, le domaine des industries culturelles, appuyé sur un essor sans précédent des technologies de la communication, représente à la fois un espoir et une source d’inquiétude pour l’humanité. Le Sénégal, pour sa part, continuera d’apporter sa contribution à cette grande œuvre de dialogue des cultures et des civilisations, source de paix dans le monde et de solidarité active entre toutes les nations. Ce sont les objectifs majeurs de la campagne de promotion Nord-Sud que nous soutenons de toutes nos forces.