Janez
Drnovšek
Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
Discours prononcé devant l'Assemblée
mardi, 8 mai 1990
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole en ma qualité de Président de la Présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie devant cet éminent forum européen. Je me félicite de l’occasion qui m’est offerte de vous saluer, Mesdames, Messieurs les députés et parlementaires des pays européens au Conseil de l’Europe, vous, éminents partisans de la paix, de la coopération, des droits et des libertés de l’homme, du développement démocratique et des liens sur notre continent qui se fondent sur nos valeurs humanitaires, politiques et culturelles communes.
La période que nous vivons et le changement qui, je dirais, fait époque et dont nous sommes témoins, confirment et justifient les efforts que vous et votre forum avez déployés, ainsi que la valeur des objectifs pour lesquels nous avons, tous ensemble, opté.
Je crois que nous pouvons considérer avec un espoir justifié les évolutions internationales actuelles et l’avenir de l’Europe, mais aussi celui du monde dans son ensemble. A l’évidence, les relations entre les grandes puissances dont la tension a marqué les relations internationales durant toute la période suivant la seconde guerre mondiale se détendent. On voit se refouler les éléments de confrontation militaire et politique et les surenchères des grandes puissances.
En effet, le monde que nous connaissions encore hier – nous pouvons le dire – n’existe plus. De nouvelles données politiques, économiques et sociales déterminent de plus en plus le dynamisme et le contenu des relations internationales, et l’ensemble des évolutions mondiales. Notre continent figure au centre de ces transformations positives. Le processus de communication et de coopération des deux parties de l’Europe est ouvert. Les processus d’intégration existants s’intensifient et l’on en voit émerger de nouveaux souvent complémentaires.
La démocratisation vient s’affirmer dans la vie politique de tous les pays européens. Sur le plan économique, on voit dominer les lois du marché et s’instaurer les mécanismes assurant la satisfaction des besoins matériels et spirituels de l’individu, à un niveau supérieur.
Le respect des droits et des libertés de chaque individu, la protection de son environnement et la qualité de sa vie deviennent la mesure de l’humanisme et du degré de démocratie de chaque système.
Les relations et le dialogue entre les grandes puissances continuent à exercer une influence essentielle sur l’ensemble des développements au niveau des relations internationales.
Cependant, le tableau change rapidement, complété par la croissance de la puissance et de l’influence des autres pays et des autres facteurs. Nous avançons vers un monde multipolaire qui demande des mécanismes nouveaux de coordination des intérêts et de maintien des équilibres sur lesquels doit reposer notre sécurité commune.
Les tournants radicaux et de longue portée qui se sont opérés dans les pays de l’Est, unis aux changements qui ont touché l’Union Soviétique, ont modifié le tableau politique général de l’Europe; les cadres idéologiques et politiques longtemps inhibiteurs sont enlevés. Le champ est ouvert à l’économie de marché, aux élections libres et à l’expression de divers intérêts et besoins. La voie est tracée pour la réunification des deux Etats allemands, pour le dépassement des séquelles de la seconde guerre mondiale et du symbole de la division du continent. Le débat paneuropéen sur l’avenir commun a commencé.
Je crois partager votre avis en soulignant qu’en outre nous devons garder une attitude critique à l’égard de notre propre passé, de ses préjugés et de ses exemples d’égoïsme. Nous devons laisser derrière nous l’Europe des divisions et des guerres. Tel est notre devoir envers le monde et la civilisation. En retournant à notre histoire, nous rechercherons des exemples inspirateurs de créativité spirituelle, d’humanisme et de liberté, de compréhension et d’intégration des peuples dans l’ensemble de la civilisation européenne et mondiale.
Nous devons en être conscients dès à présent, car les brusques changements des relations et de l’équilibre risquent de causer des perturbations, de raviver les anciens antagonismes ou d’en provoquer de nouveaux en encourageant des ambitions chimériques et l’exclusivisme ethnique, religieux ou autre.
J’espère que la future Europe pluraliste que nous créons sera libre de ces dangers et que, dans sa pluralité et dans son unité, elle sera ouverte aussi aux problèmes des parties extra-européennes du monde. Le sentiment d’interdépendance, de solidarité et de destin commun qui relie les peuples européens impose à ces processus d’intégration, de démocratisation et de prospérité de ne pas demeurer limités dans un seul cadre géographique et politique.
La Yougoslavie, pays qui développe depuis des décennies la coopération et les relations amicales avec tous les pays, et qui a cherché dans la politique de non-alignement une issue et la garantie de sa sécurité et de son indépendance dans les circonstances les plus dures de la guerre froide, s’emploie aujourd’hui fermement au développement positif des relations politiques entre l’Est et l’Ouest, et à la coopération économique entre le Nord et le Sud. Cela résulte non seulement de la responsabilité que la Yougoslavie assume actuellement en présidant au mouvement du non-alignement qui réunit la majorité des pays en développement, mais aussi de l’expérience et de la connaissance à maintes reprises confirmées de l’interdépendance du monde contemporain. Il est incontestable que seul un monde qui partage des valeurs similaires et aspire à des objectifs similaires peut maintenir la compréhension entre les peuples et garantir ainsi la paix et la sécurité pour tous.
L’Etat que je représente est relativement jeune en tant qu’entité étatique commune. Cependant, l’histoire des peuples qui le constituent fait partie intégrante de la longue histoire européenne. Notre genèse et nos œuvres sont incorporées dans l’espace, l’histoire, la culture et la civilisation de notre continent. Je crois, Mesdames, Messieurs, que vous connaissez bien toute la richesse du paysage historique et culturel yougoslave, dans toute sa diversité nationale, linguistique, confessionnelle et autre.
Permettez-moi de souligner que, si dans le passé nous avons fait partie de l’histoire européenne et nous avons contribué à la richesse de son patrimoine culturel, si notre pays et ses peuples ont été, dans ce siècle, fermement liés au destin et aux épreuves de tous les peuples européens, il est tout à fait naturel qu’aujourd’hui aussi la Yougoslavie n’ait pas d’intérêt plus pressant que de rejoindre les processus démocratiques d’intégration européenne généralisée. D’autant plus que la Yougoslavie, même dans des circonstances de confrontations acharnées entre les blocs et malgré de nombreuses contraintes, a su garder son indépendance et l’ouverture de ses frontières, en cultivant une coopération culturelle, politique et économique avec tous les pays européens.
Il est dans notre intérêt de doter les modalités actuelles de la coopération européenne, leurs institutions et organisations, d’un cadre plus large afin d’aboutir, grâce à une plus grande ouverture envers les autres pays et associations, à une nouvelle qualité de la coopération européenne. C’est à cette lumière-là que nous réfléchissons sur le rôle de la Communauté européenne, du Conseil de l’Europe, du Parlement européen et de la CSCE.
Les changements qui secouent actuellement le monde, et notamment l’Europe, n’ont pas épargné la Yougoslavie non plus, bien que nos changements ne soient pas identiques à ceux qui s’opèrent dans les autres pays. La Yougoslavie est un pays de grandes diversités internes: ethniques, culturelles, religieuses et historiques. Tout en étant une entité étatique complexe, la Yougoslavie a toutefois réussi à assurer, pendant plusieurs décennies, un développement économique et social relativement fructueux, et un équilibre interne entre ses nations et nationalités avec toutes leurs différences. Les principes, auxquels la Yougoslavie cherchait à rester attachée durant son développement après la guerre, consistaient à garder l’autonomie de son activité internationale, qui s’est manifestée sous forme du conflit avec l’Union Soviétique stalinienne, à maintenir là ses distances face au bloc de l’Est, et à conserver sa politique de non-alignement. Sur le plan interne, la Yougoslavie se basait sur l’autonomie de ses peuples organisés en Etats- républiques, liés mutuellement au sein de la fédération yougoslave. De nombreux droits ont été garantis à toutes les minorités nationales. Dans le domaine économique, les entreprises ont bénéficié, à partir des années cinquante déjà, d’une autonomie relativement élevée, comprenant le droit des travailleurs à la gestion. Ce système s’est développé durant plusieurs décennies comme un système socialiste autogestionnaire dans lequel un accent important était mis sur la décentralisation du marché.
Le système politique a été, certes, celui du parti unique, mais il a toutefois été orienté vers une participation politique aussi large que possible de tous les citoyens. Après des résultats initiaux positifs, le système, qui reposait par ailleurs sur des principes humanistes de participation politique et d’autogestion ouvrière, commença à sombrer dans la crise, en l’absence d’éléments de concurrence tant dans la vie politique qu’économique. Les performances économiques s’avéraient insuffisantes dans un environnement économique international aggravé, caractérisé par le protectionnisme commercial et la crise résultant de l’endettement qui a secoué pratiquement tous les pays en voie de développement, sans épargner, bien entendu, la Yougoslavie. Ainsi, ces dix dernières années, la Yougoslavie à été confrontée à la stagnation économique et à un écoulement important des capitaux sacrifiés au service de la dette extérieure. La baisse du produit social destiné aux dépenses internes a donné lieu à la dispute de sa redistribution, qui, à son tour, a aggravé les relations entre les nations et les nationalités yougoslaves.
Cette situation s’est accompagnée de la baisse du niveau de vie, d’un chômage croissant, de problèmes sociaux toujours plus nombreux et d’un taux d’inflation toujours plus élevé. Pendant toutes ces années, la Yougoslavie a tenté de régler ces problèmes dans le cadre du système en place. Cependant, ces tentatives sont restées vaines. Au contraire, de nombreux phénomènes négatifs se sont multipliés. Les antagonismes ethniques surtout se sont aggravés. On peut dire que l’équilibre établi autrefois dans le cadre du système politique et économique a commencé à se perdre.
Depuis un an, nous avons radicalisé en Yougoslavie les réformes, tant politiques qu’économiques, au point que des changements substantiels du système politique et économique sont intervenus. Nous sommes en train d’achever les réformes économiques basées sur les principes du marché. En cette matière, nous bénéficions d’une circonstance atténuante qui découle de notre tradition de gestion décentralisée de nos entreprises et de leur expérience de marché appropriée. En procédant à une déréglementation interne généralisée et à la libéralisation du commerce extérieur, nous durcissons au maximum les conditions de concurrence de l’activité économique. Cela a marqué le début d’un processus pénible et douloureux de restructuration de notre secteur économique sur la base du principe du maximum d’efficacité économique.
Nous sommes en train de mettre en œuvre le marché des capitaux, nous avons établi l’entière égalité des différentes formes de propriété qui a pour effet la croissance de la forme privée de la propriété, nous garantissons des conditions égales aux investisseurs étrangers.
Au cours de l’année dernière, la crise économique en Yougoslavie a culminé par une inflation excessive dont le galop a été arrêté complètement grâce au programme anti-inflationniste que nous avons fermement mis en œuvre ces quatre derniers mois. En même temps, les résultats de la balance des paiements, qui ont été positifs pendant plusieurs années consécutives, nous ont permis d’assurer la libre convertibilité de la monnaie nationale yougoslave, laquelle convertibilité devrait servir de base à notre ouverture financière et économique générale au monde.
L’intention de ce bref aperçu a été de vous faire savoir que la Yougoslavie a déployé des efforts exceptionnels pour surmonter, par ses propres forces, les difficultés dans lesquelles elle s’était trouvée dernièrement. Les résultats que je viens d’évoquer ont été réalisés pratiquement sans assistance financière extérieure et en dépit d’un écoulement net exceptionnellement important des capitaux destinés au service de la dette extérieure.
Tout en cherchant à mettre en œuvre un système économique efficace par des réformes économiques de longue portée, qui serait compatible avec les systèmes européens et mondiaux les plus développés, la Yougoslavie se pose de plus en plus sérieusement la question de son adéquation aux processus d’intégration européens et mondiaux. Ce que nous cherchons aujourd’hui, ce n’est pas un système économique autarcique, mais notre entrée dans les processus d’intégration, en premier lieu européens. Depuis un certain temps déjà, la Yougoslavie bénéficie d’un accord spécial avec l’AELE. Nous avons intensifié dernièrement nos relations avec ce groupement et nous sommes prêts à en devenir membre à part entière. Depuis des années, la Yougoslavie est membre associé de l’OCDE, et maintenant nous souhaitons en devenir membre à part entière.
La majeure partie de nos relations économiques s’opère avec la Communauté européenne. Jusqu’ici ces relations étaient régies par des accords commerciaux et financiers spéciaux, et maintenant nous voudrions établir des liens fonctionnels et institutionnels aussi étroits que possible avec la Communauté européenne. Je crois qu’en maintenant le rythme actuel des changements économiques et politiques, la Yougoslavie pourra, dans deux ou trois ans, réunir les conditions nécessaires pour poser sa candidature en vue de devenir membre à part entière de la Communauté économique européenne.
Nous sommes conscients que la suite du processus de restructuration de l’économie yougoslave sera pénible, que nous aurons à faire face aux importantes difficultés de transition, mais nous voudrions toutefois concevoir notre future structure économique et notre nouveau cycle de développement en harmonie avec l’espace économique européen commun.
Nous opérons des changements également au niveau du système politique. Nous avons adopté l’idée de la nécessité de la concurrence politique, nous avons rejeté le monopole du parti unique. Divers partis s’organisent dans tout le pays. La cadence des changements politiques varie d’une république à l’autre, mais l’idée du pluralisme politique est adoptée partout. Des élections parlementaires pluralistes ont eu lieu récemment en Slovénie et en Croatie, et ne tarderont pas dans les autres républiques aussi. Nous espérons que le Parlement fédéral yougoslave, lui aussi, se constituera sur les principes pluralistes avant la fin de l’année. Le système plurinational et fédéral de notre pays entend aussi un processus assez complexe de changement du système constitutionnel et législatif, qui, parfois, marque des retards face aux changements déjà réalisés ou acceptés. J’estime qu’il n’est pas possible d’arrêter les processus démocratiques intenses, dans aucune partie de l’Etat.
En matière de changements constitutionnels et législatifs, une place de choix est réservée à la protection des droits de l’homme. Nous avons lancé l’initiative en vue des changements au niveau du Code pénal, qui sera désormais plus précis et épuré des dispositions idéologiques. C’est ainsi qu’il se conformera aux normes et aux acquis internationaux les plus élevés. Nous avons opté pour une justice autonome avec tous les attributs de l’Etat de droit. La Yougoslavie a adhéré aux nombreuses conventions internationales portant sur la protection des droits de l’homme et elle est prête à adhérer prochainement aux autres aussi, y compris à la Convention européenne des Droits de l’Homme, une fois qu’elle sera devenue membre du Conseil de l’Europe.
Tous les changements évoqués du système politique et économique s’opèrent dans les conditions qui sont celles des antagonismes ethniques internes aggravés, où, suite à la dégradation des conditions économiques et politiques, s’accentue la méfiance mutuelle, se ravivent les nationalismes et les différends du passé. Souvent, les émotions nationales voilent les causes objectives de nos problèmes et entravent la recherche de solutions rationnelles.
Dans ce contexte, je me permets de parler des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans notre province de Kosovo où, dans un espace relativement petit géographiquement parlant, nous devons faire face à de nombreux problèmes tels que les relations perturbées entre les nations et nationalités, les problèmes démographiques et de développement ainsi que la crise des institutions politico-juridiques. Les attitudes extrêmes nationales rendent impossible l’organisation d’une vie économique et politique normale dans cette province depuis déjà une décennie. Elles ont conduit également à des pertes tragiques de vies humaines et au recours involontaire à la force afin de garantir la paix élémentaire et l’ordre public légal. Nous sommes en train de rechercher la solution d’une telle situation par des moyens politiques, sur des bases démocratiques, et par la mise en œuvre d’un programme économique et de développement qui offre une possibilité pour la participation des institutions internationales. Nous sommes convaincus que cette dernière évolution se trouve dans la bonne direction et que les conditions se réunissent progressivement afin de trouver une telle solution.
Ce que nous tentons actuellement en Yougoslavie, c’est d’établir un nouvel équilibre entre nos nations et nationalités dans un environnement politique et économique changé, dans le cadre d’une démocratie parlementaire pluraliste et d’une économie de marché efficace, sans recours à l’autorité politique, qui viendrait, a priori, trancher les conflits interethniques d’une manière autoritaire. Les cadences différentes de la mise en œuvre des changements politiques et économiques dans différentes parties du pays accroissent davantage les antagonismes internes et aggravent les confrontations. Nous savons que ce problème n’est point typiquement yougoslave, que les antagonismes interethniques du passé ressuscitent dans différentes parties de l’Europe. Jusqu’à présent aussi, l’Etat yougoslave reposait sur une autonomie et une souveraineté larges des républiques qui le constituent. C’est sur ces bases que nous voudrions actuellement consolider les relations entre certaines de nos nations et nationalités. Nous espérons une issue fructueuse du processus des réformes économiques et politiques que nous sommes en train de mettre en œuvre, ce qui ne tardera pas à se répercuter positivement sur le règlement des relations interethniques au sein de l’Etat. A ce niveau, il est à noter la grande importance de la dynamique de notre adhésion aux processus d’intégration mondiaux, et plus spécialement européens. La majorité des Yougoslaves voient leur place dans la future Europe unie du point de vue économique, culturel, mais aussi politique. Je crois que la Yougoslavie peut contribuer à la constitution d’une telle Europe. Certes, l’Europe peut, à son tour, aider considérablement la Yougoslavie à surmonter ses actuelles difficultés internes, en premier lieu en intensifiant l’adhésion yougoslave aux différentes intégrations européennes.
Mesdames, Messieurs les députés, c’est avec un plaisir tout particulier que je constate que la Yougoslavie développe depuis plusieurs années déjà une coopération fructueuse avec le Conseil de l’Europe. Cette coopération s’est intensifiée notamment au cours de ces dernières années. La Yougoslavie participe aux travaux du Conseil de l’Europe en qualité d’invité spécial et nous avons exprimé, de notre côté, de manière officielle, notre intérêt à en devenir membre à part entière. En s’intégrant pleinement aux activités du Conseil de l’Europe, notre pays souhaite contribuer à la transformation de l’Europe en un continent de paix, d’une nouvelle stabilité, de coopération et de prospérité.
En m’adressant à cette auguste assistance, aux députés de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je tiens à souligner que nous apprécions hautement l’apport du Conseil de l’Europe aux actuels changements dynamiques qui s’opèrent sur notre continent. Nous apprécions plus particulièrement sa solidarité, son appui pondéré et en même temps déterminé à l’évolution démocratique qui s’opère à l’intérieur des pays européens qui traversent aujourd’hui la phase de restructuration de leurs systèmes économiques et socio-politiques. C’est pourquoi je considère que le Conseil de l’Europe, en tant qu’institution internationale unique dans son genre, qui assure le cadre juridique et politique des acquis de tous les Européens en matière de civilisation et de démocratie, mérite qu’un hommage approprié lui soit rendu. Le Conseil de l’Europe contribue à la consolidation des développements positifs en Europe et au renforcement de leur contenu démocratique. C’est dans l’intérêt de tous les pays européens, y compris le mien.
Mesdames, Messieurs, permettez-moi, aujourd’hui que j’ai l’honneur de présenter pour la première fois la Yougoslavie aux parlementaires du Conseil de l’Europe, d’exprimer l’espoir que très prochainement la Yougoslavie pourra, en tant que membre à part entière du Conseil et de concert avec vous, prendre part à la création de l’Europe de demain. (Applaudissements)
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Merci beaucoup, Monsieur le Président, de votre intéressant exposé. Nous avons écouté avec grand intérêt ce que vous avez dit non seulement au sujet des développements dans votre pays, mais aussi de vos activités internationales. Au nom de l’Assemblée, je vous remercie notamment de vos aimables paroles concernant le Conseil de l’Europe, nos activités et notre rôle futur.
Nous en venons maintenant aux questions orales. Nous vous sommes particulièrement reconnaissants, Monsieur le Président, d’avoir eu l’amabilité d’accepter de répondre aux questions des membres de l’Assemblée. Nous vous en remercions beaucoup, car cela nous donne une chance d’examiner des problèmes qui sont d’un intérêt particulier pour l’Assemblée. Je me propose de vous inviter, Monsieur le Président, à répondre à chaque question tour à tour. Je demanderai ensuite à son auteur de poser une courte question supplémentaire s’il le souhaite. Je souligne que la question doit être courte.
Je rappelle à l’Assemblée que, conformément aux directives qui ont été récemment approuvées par la Commission Permanente et qui sont imprimées à la page 105 du Règlement, toutes les questions orales et supplémentaires seront limitées à trente secondes chacune.
Jusqu’à présent, neuf membres ont exprimé le souhait de poser une question à M. Drnovsek et je me propose de leur donner la parole dans l’ordre suivant: M. Klejdzinski, M. Elmquist, M. Ruffy, M. Martinez, M. Portelli, M. Rokofyllos, M. Garcia Sanchez, M. Bruton et M. Pahtas. La parole est à M. Klejdzinski, de la République Fédérale d’Allemagne, pour poser la première question qui concerne les minorités.
M. KLEJDZINSKI (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)
Monsieur le Président, je voudrais seulement vous demander très brièvement et simplement comment vous jugez le problème des minorités et leur protection dans votre Etat.
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Comme je vais essayer de l’expliquer, la question des nationalités et des minorités est une des plus importantes questions à laquelle nous sommes confrontés en Yougoslavie. Dans le passé, je crois que nous avons réussi à établir un équilibre entre nos minorités et nos nationalités en nous fondant sur les principes de l’indépendance, de l’égalité et de la souveraineté des Etats républicains. Maintenant, alors que nous changeons à la fois notre système politique et notre système économique, nous sommes dans une période transitoire où les relations entre nos nationalités et nos minorités ne sont plus équilibrées. Nous nous heurtons à un problème de nationalisme. De nombreuses questions sont actuellement posées à propos de ces relations. C’est peut-être là le principal problème dans les changements constitutionnels que nous avons entamés en Yougoslavie. Nous essayons encore de suivre les principes que nous avons essayé de suivre auparavant, à savoir garantir les droits intégraux de toutes les minorités en Yougoslavie et confirmer la souveraineté de nos nations dans leurs Etats républicains et dans l’ensemble de l’Etat yougoslave.
M. ELMQUIST (Danemark) (traduction)
J’ai noté que dans votre allocution, Monsieur le Président, vous avez parlé du programme politique et du développement économique pour aider le processus du Kosovo où le problème des minorités est extrêmement compliqué. Voudriez-vous développer un peu le programme politique ou l’avez-vous déjà fait en réponse à la question de M. Klejdzinski?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
La situation au Kosovo est extrêmement complexe pour plusieurs raisons. Nous avons récemment levé l’état d’urgence qui avait été instauré dans la province dans le but premier d’empêcher des conflits nationaux qui auraient pu entraîner un nombre encore plus élevé de blessés. Nous essayons maintenant d’engager un processus pacifique de négociation entre les différentes nationalités de la province afin de trouver un nouvel équilibre. Notre intention est de la faire dans le cadre d’un multipartisme démocratique qui devrait être prochainement mis en place dans la province – dans toute la République de Serbie.
La loi sur un système de multipartisme dans la république est déjà soumise à l’Assemblée. Nous pouvons escompter que toutes les forces politiques qui sont prêtes à participer au processus politique normal en vue de la solution des problèmes du Kosovo pourront le faire légalement et pleinement, et pourront influer sur les solutions finales.
M. ELMQUIST (traduction)
J’ai cru comprendre que récemment un nombre assez important de policiers a été muté dans la province du Kosovo. Pensez-vous que s’il y avait moins de policiers d’une certaine origine et plus de policiers d’origine ethnique albanaise les tensions seraient atténuées?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Pour autant que je sache, ces mutations ont été effectuées pour consolider la situation juridique au Kosovo. Les institutions juridiques y étaient très faibles depuis de nombreuses années, de même que les tribunaux et les forces de police. Ces mutations n’influeront en aucune façon sur le processus démocratique que j’ai décrit et qui devrait intervenir au Kosovo.
M. RUFFY (Suisse)
Merci, Monsieur le Président, d’avoir abordé le problème du Kosovo. Je me permets de vous poser une question dans le prolongement de votre déclaration.
Peut-on imaginer qu’un jour le Kosovo constituera une république à part entière et que les rapports dissymétriques entre la Serbie et le Kosovo disparaîtront?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Je ne puis prédire ce qui se passera à l’avenir. Notre but maintenant est d’entamer le processus démocratique au Kosovo par des discussions et des négociations politiques. Comme je l’ai déjà dit, la Yougoslavie a élaboré une nouvelle constitution et chacun participera aux nouvelles discussions dans les institutions juridiques et au processus juridique lui-même. La solution finale et durable sera celle qui sera acceptée par toute la population au Kosovo et en Serbie. Nous avons parfaitement conscience qu’aucune solution n’est possible si elle est fondée uniquement sur les intérêts d’une partie ou d’une nationalité, et que chacun devra accepter un compromis permettant aux différentes cultures et nationalités de vivre ensemble dans la province. Nous aimerions beaucoup que les passions s’apaisent un peu et que des discussions rationnelles commencent afin de pouvoir trouver des solutions juridiques appropriées dans la nouvelle constitution.
M. MARTINEZ (Espagne)
Monsieur le Président, l’adhésion de la Yougoslavie au Conseil de l’Europe et, par conséquent, sa participation active et loyale au processus de construction européenne supposent-elles son renoncement à la vocation de non-alignement proclamée par la Yougoslavie pendant des années, ou bien cette vocation de non-alignement vous paraît-elle compatible avec la nouvelle Europe qui se fera en dépassant la structure des blocs ayant divisé notre continent depuis la fin de la seconde guerre mondiale?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
La Yougoslavie préside le mouvement des pays non alignés et nous sommes toujours actifs dans le domaine de la politique non alignée. Nous pensons que notre orientation vers l’Europe est désormais compatible avec nos activités au sein du mouvement des non-alignés. Nous savons parfaitement que maintenant il n’existe plus de tensions entre les deux blocs et que le mouvement non aligné doit changer. Nous avons déclaré de nouveaux principes pour le mouvement non aligné à la conférence de Belgrade et nous nous concentrons désormais essentiellement sur les questions économiques et sur le problème Nord-Sud qui nous paraît être encore grave. Il y a un point mort dans le processus de développement dans le monde entier et la Yougoslavie restera active en vue de résoudre ce problème. Le mouvement non aligné peut encore apporter une contribution aux processus mondiaux à une époque où il y a des problèmes politiques et économiques ouverts. Nous estimons qu’il constitue un forum supplémentaire pour la coordination internationale, qui peut parfois contribuer aux efforts des autres organisations, notamment des Nations Unies. La Yougoslavie ne pense pas que l’orientation du mouvement non aligné soit incompatible avec son intégration en Europe.
M. MARTINEZ
Je tiens à remercier le Président yougoslave et à lui indiquer que sa présence ici marque un jour de fête pour de très nombreux démocrates espagnols. Je pense notamment aux socialistes espagnols qui ont vu, en son pays, un symbole de l’unité nationale, un symbole d’amitié et de solidarité pour ceux qui ont lutté pendant des années contre la dictature fasciste dans mon pays. A Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César!
M. PORTELLI (Malte) (traduction)
Quel rôle envisagez-vous à l’avenir pour le mouvement non aligné compte tenu de l’évolution de la situation politique entre l’Est et l’Ouest?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Nous considérons les changements dans les relations entre les deux superpuissances comme une réalisation des objectifs et des souhaits de pays non alignés. Nous nous félicitons de ces nouveaux développements. Il y a encore des crises politiques régionales dans le monde entier, où sont impliqués différents pays, y compris des membres du mouvement non aligné. Le mouvement non aligné, en tant que forum pour la coordination internationale, peut contribuer à la solution de certains des problèmes politiques régionaux. Comme je l’ai dit, nous aimerions contribuer au dialogue Nord-Sud, principalement en ce qui concerne les questions économiques.
M. PORTELLI (traduction)
Voyez-vous un antagonisme entre l’appartenance de votre pays au mouvement non aligné et son aspiration à adhérer à la Communauté européenne? Dans la négative, comment établissez-vous une relation entre ces deux positions?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
J’ai répondu à cette question, tout au moins en partie. Nos aspirations à l’intégration dans la Communauté européenne et dans d’autres organismes européens ne sont pas en conflit avec notre rôle actuel de présidence du mouvement non aligné. La Yougoslavie a toujours été opposée à ce que le mouvement non aligné soit une organisation formelle avec des exigences formelles. C’est une organisation internationale informelle et elle n’empêche aucun de ses membres de participer à des intégrations économiques ou politiques régionales comme dans le cas de la Communauté européenne. Nous avons modifié la pratique du mouvement non aligné et nous sommes désormais prêts à coopérer avec chacun, et à nous associer avec tous les pays.
Nous évitons les confrontations idéologiques ou autres. A strictement parler, nous sommes un forum supplémentaire de coordination internationale, centré sur des intérêts spéciaux qui ne sont peut-être pas entièrement couverts par d’autres organisations internationales.
M. ROKOFYLLOS (Grèce)
Au-delà des relations bilatérales, traditionnellement du reste très amicales, la Yougoslavie et la Grèce ont su récemment jouer un rôle de tout premier ordre pour promouvoir la coopération entre les pays balkaniques.
Tout en saluant votre présence ici comme un signe précurseur de votre adhésion future au sein de ce Conseil de l’Europe, rempart des libertés, des droits de l’homme et des peuples, il est à mon avis tout à fait naturel de vous interroger sur les perspectives qui pourraient s’ouvrir dans un avenir très proche à cette coopération balkanique.
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
La coopération dans les Balkans est d’un intérêt vital pour la paix européenne et mondiale. La Yougoslavie est favorable au développement de la coopération entre les pays balkaniques. Nous participons activement aux différentes formes de coordination entre les pays balkaniques. Nous pouvons voir qu’il y a de nombreux problèmes dans ces pays. Parfois, nous nous heurtons à des problèmes analogues en Yougoslavie. Il y a des problèmes concernant les minorités et la coopération entre voisins. La Yougoslavie est prête à participer et à contribuer autant que possible à l’atténuation de toutes les tensions entre les pays balkaniques, notamment en ce qui concerne les minorités.
M. ROKOFYLLOS
Dans un autre ordre d’idée, je voudrais vous demander si vous comptez libérer totalement ou faciliter les transports terrestres à travers votre pays qui constitue, du reste, un passage obligé entre la Grèce et la Communauté?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Nous aimerions beaucoup nous intégrer pleinement à l’Europe et développer complètement notre infrastructure routière qui ne l’est pas suffisamment. C’est un des domaines les plus importants pour notre coopération, notamment avec la Communauté européenne. Nous n’avons aucune intention de limiter ou de fermer le transit par la Yougoslavie. Bien au contraire, nous aimerions trouver tous les moyens possibles de développer le trafic en coopération avec d’autres pays européens, en particulier nos voisins et la Communauté européenne, qui sont tout aussi intéressés que nous. Peut-être qu’une partie du retard dans l’extension de notre infrastructure routière a été due à nos problèmes de développement, surtout pour le service que j’ai évoqué, ainsi que j’ai essayé de l’expliquer dans mon allocution. La situation économique en Yougoslavie s’améliore et dans un proche avenir nous n’épargnerons aucun effort pour améliorer les facilités de transport et toute l’infrastructure routière.
M. GARCIA SANCHEZ (Espagne) (interprétation)
constate que la Yougoslavie a su juguler une inflation qui atteignait 180 % en 1988 pour renouer avec la croissance, mais il s’inquiète de savoir si ce progrès économique résistera à la réalisation du Marché unique, en 1993.
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (interprétation)
confirme que la Yougoslavie a mis un terme à l’inflation galopante constatée surtout en 1989 et qu’elle a pu proclamer la convertibilité de sa devise. Elle espère donc être à même de rendre son économie parfaitement compatible avec celle de la CEE au cours des prochains mois: c’est d’ailleurs la condition sine qua non pour toute coopération avec la Communauté et, a fortiori, pour une éventuelle adhésion.
M. GARCIA SANCHEZ (interprétation)
demande quelles mesures sont envisagées par la Yougoslavie pour essayer d’équilibrer son commerce extérieur: le déficit des comptes courants représente en effet 22 % du PIB et les importations de biens d’équipement vont sans doute s’accroître dans un proche avenir.
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (interprétation)
considère que la situation est maintenant relativement équilibrée. La Yougoslavie a d’ailleurs totalement libéralisé les importations. Il espère que le développement économique va se poursuivre.
M. BRUTON (Irlande) (traduction)
Je tiens moi aussi à vous féliciter, Monsieur le Président, pour le succès de votre politique économique qui a réussi à faire tomber l’inflation de 1 200 % à environ 30 % en pratiquement un an. Toutefois, j’ai lu que cela tient, entre autres, au fait que la Banque centrale de Yougoslavie a un statut pratiquement unique en Europe en ce qu’elle a le pouvoir de proposer directement une législation au corps législatif en court-circuitant le gouvernement. Cela témoigne-t-il d’une faiblesse des pouvoirs économiques de la présidence et du conseil exécutif? Comment cette proposition a-t-elle fonctionné? Souhaiteriez-vous que d’autres pays et institutions européens accordent d’autres formes d’aide à la Yougoslavie pour lui permettre de faire face aux effets de votre politique économique fructueuse, par exemple dans le domaine du chômage et de la main- d’œuvre excédentaire qui, à ce que je crois savoir, pose un problème assez important?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Nous essayons d’instaurer une banque centrale complètement indépendante parce que, dans le passé, nous avons fait une mauvaise expérience lorsque la politique s’intéressait de trop près à notre Banque centrale et à nos affaires économiques.
Maintenant nous voudrions séparer les deux. Il y a des autorités à la présidence qui peuvent parfois soutenir l’adoption par la Banque centrale de mesures urgentes lorsque le Parlement fédéral ne peut trouver une solution acceptable pour tous.
S’agissant de nos difficultés actuelles, nous avons parfaitement conscience que de nombreux problèmes nous attendent et que le processus de restructuration de l’économie yougoslave n’est pas encore achevé. Nous escomptons de nombreuses faillites dans un proche avenir et il est même possible que le chômage augmente. Toutefois, nous savons parfaitement que c’est un processus nécessaire auquel nous devons faire face et nous comptons insister sur les changements économiques. Nous aimerions que le nouveau cycle de développement débute dans les plus brefs délais. Nous escomptons une coopération internationale, principalement sous forme d’investissements étrangers directs.
Jusqu’à présent, nous avons exécuté notre programme économique sans aide étrangère. Certains crédits nouveaux seront probablement nécessaires, mais pas au point où cela entraînerait une nouvelle augmentation de la dette extérieure yougoslave. Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons réussi à diminuer notre dette extérieure de 20 milliards à 16 milliards de dollars et nous aimerions continuer ce processus de normalisation de nos relations financières internationales.
M. BRUTON (traduction)
Avez-vous déjà établi un système fédéral d’indemnisation du chômage pour aider les personnes qui deviennent excédentaires par suite de la restructuration?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Oui, nous avons établi un système fédéral en plus du système républicain qui existait autrefois. Nous avons créé des fonds spéciaux au niveau fédéral pour soutenir le processus de restructuration de l’économie, en particulier pour atténuer le problème du chômage. Ces fonds spéciaux, qui proviennent du budget central, sont maintenant affectés à cette fin.
M. PAHTAS (Grèce)
Notre Assemblée a adopté un point de vue très clair en ce qui concerne la division de l’île de Chypre, Etat membre du Conseil de l’Europe et aussi membre des pays non alignés. Nous déplorons son occupation et considérons qu’elle doit cesser.
Vous avez débattu au sein des Nations Unies de cette juste cause pendant des années, aidant énormément aux prises de décisions en ce sens.
Que pensez-vous, Monsieur le Président, des pays non alignés, du fait que les résolutions des Nations Unies ne soient pas encore respectées, alors qu’elles contiennent tous les éléments pour une solution juste et équitable du problème chypriote? Auriez-vous l’amabilité de dire deux mots de votre expérience sur les objections dans votre pays?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
La Yougoslavie, en sa qualité de président du mouvement des pays non alignés, s’efforce de soutenir les activités visant à résoudre le problème de Chypre sur la base de la déclaration des Nations Unies. Nous avons coopéré, parfois très étroitement, avec le Secrétaire général des Nations Unies et avec les autorités chypriotes. Nous soutenons toujours ces activités et cette orientation de la politique, mais nous ne pouvons influer sur toutes les différentes parties au processus, aussi sommes-nous limités à ce soutien et à l’octroi d’un nouvel appui pour une solution fondée sur la déclaration des Nations Unies.
M. PAHTAS
Pouvez-vous répondre en quelques mots à ma petite question sur l’autogestion?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
En Yougoslavie, nous avons mis au point un système complexe d’autogestion et d’autodétermination également à l’échelon local. Nous procédons actuellement au changement du système politique afin d’y introduire plusieurs partis politiques, mais nous essayons toujours de maintenir les institutions qui se sont révélées parfaites et qui ont permis de résoudre nos problèmes, notamment au plan local, compte tenu du fait qu’une grande majorité des populations participe au processus d’autogestion. Nous nous sommes efforcés de rationaliser au maximum toutes les activités d’autogestion afin de les rendre compatibles avec les possibilités matérielles du pays. Les changements sont principalement axés sur la rationalisation et le maintien des structures nécessaires; celles qui ne l’étaient pas ont été supprimées.
M. JESSEL (Royaume-Uni) (traduction)
Les membres de la commission des questions économiques et du développement, qui s’est réunie à Belgrade en mai 1989, ont beaucoup apprécié la chaleureuse réception qu’ils ont reçue. Nous vous en remercions beaucoup, Monsieur le Président.
En ce qui concerne la lutte contre l’inflation, j’aimerais vous féliciter, Monsieur le Président, de la forte réduction de l’inflation qui est tombée de 1 200 % à 30 % en un an. Comment cela a-t-il été fait? Comment le gouvernement a-t-il fait accepter au public les mesures drastiques qui ont dû être prises?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Je vous remercie de vos paroles aimables, Monsieur Jessel. Nous avons introduit un programme rigoureux de lutte contre l’inflation, fondé sur une politique monétaire stricte. Voilà la première mesure clé. Dans un deuxième temps, nous avons fixé notre monnaie – le dinar – en fonction du mark allemand, avec un taux de change de sept dinars pour un mark. Nous avons réussi à maintenir ce rapport jusqu’à présent.
Nous avons libéralisé les importations, ce qui a créé des approvisionnements supplémentaires sur notre marché et a assuré un équilibre nécessaire entre l’offre et la demande. Notre dernière mesure importante a consisté à introduire des contrôles des revenus personnels – les salaires – dans la première étape du programme. Le programme était essentiellement fondé sur des mesures relatives au marché, à la libéralisation et à la dérégulation, plutôt que sur des mesures administratives.
Cela a été accepté par la majorité de la population parce qu’il était pratiquement impossible de continuer à alimenter l’inflation. Il y avait un désordre total dans l’économie. Il n’était plus possible de mesurer notre devise nationale. On utilisait de plus en plus les devises étrangères pour les transactions générales dans le pays. Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles nous avons introduit la convertibilité et fixé le niveau du dinar en fonction du mark allemand, monnaie étrangère la plus utilisée dans les transactions parallèles au cours de la période d’inflation. Nous constatons maintenant que ce programme a réussi car il y a eu une inflation zéro en avril.
M. HARDY (Royaume-Uni) (traduction)
Je vous suis reconnaissant de m’avoir donné la parole, Monsieur le Président. Mon nom aurait dû figurer sur la liste initiale.
Puis-je supposer que le Président Drnovsek se rend compte du fait que, maintenant que la confrontation entre grandes puissances diminue, elle ne doit pas être remplacée par des manifestations grandissantes des formes les plus fiévreuses de nationalisme excessif? Sait-il que de nombreux membres de l’Assemblée éprouvent cette crainte? L’Assemblée est attachée depuis longtemps aux droits des individus et des minorités. Compte tenu de ce fait, le Président voit-il des perspectives pour que le Conseil de l’Europe puisse exercer des fonctions consultatives et, peut-être, servir de mécanisme de recours dans un effort pour lutter contre les poussées excessives du nationalisme?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (traduction)
Nous pensons que le Conseil de l’Europe, et notre appartenance à celui-ci, pourrait contribuer pour beaucoup à la solution des problèmes internes de la Yougoslavie en atténuant les tensions entre les nationalités et en nous aidant à surmonter les difficultés dans ce que nous estimons être une phase transitoire. Ainsi que je l’ai indiqué, nous avons changé les systèmes et les questions de nationalité se sont exacerbées. La perspective d’une Europe intégrée nous aiderait à surmonter les tendances à la désintégration dans le pays. Il ne serait pas logique que l’ensemble de la Yougoslavie entre maintenant dans le processus d’intégration européenne en tant que membre du Conseil de l’Europe, alors que le processus de désintégration intérieure fondé sur les différentes nationalités se poursuivrait. L’intégration serait psychologiquement importante pour notre pays et constituerait un puissant soutien pour nous. Nous apprécierons vivement tous les avis que vous pourrez nous donner au cours de cette période transitoire.
M. VALLEIX (France)
Monsieur le Président, en raison des problèmes de nationalités et de minorités, le système politique yougoslave est fédéral.
Tout naturellement, pour accompagner les profondes transformations économiques et politiques de votre pays, vous prenez des mesures difficiles, ainsi que vous venez de le rappeler, par exemple contre l’inflation. Le paradoxe, c’est que vous poussez la structure fédérale jusqu’à une présidence tournante, permettant ainsi à chaque province de s’exprimer à tour de rôle.
Ma question est celle-ci: comment conciliez- vous l’efficacité avec une telle procédure?
Après plusieurs réformes constitutionnelles auxquelles vous avez procédé depuis deux ans – ma question s’enchaîne avec celle posée par M. Hardy – voyez-vous la nécessité de réformer la Constitution de votre pays en ce qui concerne les pouvoirs du Président ou des autorités au plus haut niveau?
M. Drnovšek, Président de la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
Nous souhaiterions, bien entendu, améliorer l’efficacité de notre processus de gestion. Nous avons d’ailleurs, dans la nouvelle Constitution, prévu un renforcement de l’autorité des organes de la fédération. Toutefois, en l’absence de «confidences» entre les différentes républiques et nationalités, et compte tenu des conflits actuels, un système prévoyant un accroissement de l’autorité de l’Etat central paraît difficilement acceptable. Il est donc important que nous améliorions d’abord nos relations internes.
Dans le cadre de la présidence collégiale de l’Etat, les décisions à prendre posent véritablement des problèmes en raison du système du vote à la majorité. Il serait toutefois très difficile, en Yougoslavie, d’accepter un président d’une république pour une période plus longue. Tout en ayant conscience de la faiblesse de cette présidence collégiale, nous persistons à penser qu’elle est la meilleure façon de prendre des décisions politiques.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Il n’y a pas d’autres orateurs sur ma liste. Cela conclut les questions au Président Drnovsek.
Une nouvelle fois, au nom de l’Assemblée, je tiens à vous remercier chaleureusement de votre venue à Strasbourg et de vous être adressé à l’Assemblée. Je vous remercie également d’avoir répondu à toutes nos questions. Nous avons beaucoup appris sur la Yougoslavie ce matin. Je vous remercie à nouveau, Monsieur le Président, de tout ce que vous-même et votre pays avez fait dans le passé pour notre Assemblée et pour le Conseil de l’Europe.