Milo

Đukanović

Premier ministre du Monténégro

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 22 juin 2010

Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, c’est un grand honneur de m’exprimer devant vous en ma qualité de Premier ministre du Monténégro, le plus jeune des Etats membres du Conseil de l’Europe, qui possède pourtant une longue histoire et une grande tradition de souveraineté.

Je remercie le Président de m’avoir invité à m’exprimer aujourd’hui devant l’Assemblée et je le félicite pour son action en cette période difficile pour l’Europe. Nous vivons une ère de réforme pour le Conseil de l’Europe, la plus ancienne des institutions politiques paneuropéennes, qui doit se transformer pour poursuivre son rôle en matière de droits de l’homme et de prééminence du droit. Je tiens également à remercier M. Çavuşoğlu pour sa visite au Monténégro. Mon pays fera tout pour rester une démocratie réelle dans la région.

Je voudrais également rendre hommage au Secrétaire Général, M. Jagland, pour toutes les actions qu’il mène avec beaucoup de dynamisme afin de faire du Conseil de l’Europe une institution moderne, sans oublier le renforcement de son partenariat avec l’Union européenne et les Nations Unies, ce qui est très important pour garantir la sécurité sur l’ensemble du continent en renforçant la prééminence du droit. Ainsi, notre région pourra elle aussi intégrer dans de meilleures conditions l’Union européenne.

Je suis aussi particulièrement heureux d’être à Strasbourg en cette année qui marque le 60e anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme. Ma présence ici est enfin une manière de reconnaître tous les pays de la région qui souhaitent s’intégrer pleinement à l’Europe.

Le Monténégro a rétabli sa souveraineté il y a quatre ans. Nous avons tout fait pour affermir l’ordre démocratique dans notre région. Nous avons noué un partenariat avec le Conseil de l’Europe et avec la Commission de Venise, qui se renforcera au fil du temps. Le Monténégro est aujourd’hui reconnu par les plus hauts responsables politiques de l’Europe comme l’un des bastions de la démocratie dans la région.

Nous avons œuvré à renforcer dans notre pays l’harmonie entre les divers groupes religieux et culturels. Nous avons assuré une stricte séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Nous avons œuvré pour renforcer nos institutions et l’Etat de droit, ce qui est fondamental pour combattre la criminalité et la corruption.

Nous nous efforçons également d’appliquer toutes les lois qui ont été adoptées. Nous avons préservé notre stabilité macroéconomique, y compris dans le contexte de la crise. Ainsi, nous avons connu l’année dernière une excellente saison touristique. Nous sommes l’un des pays d’Europe qui attirent le plus d’investissements étrangers directs, plus de 80% d’entre eux venant des pays de l’Union européenne. Cette tendance positive s’est poursuivie au cours de la première partie de cette année. Nous avons lancé par ailleurs de grands projets dans le domaine des infrastructures de l’énergie et du tourisme, qui relanceront encore le développement économique du pays. Je tiens d’ailleurs à saisir l’occasion pour remercier la Banque de développement du Conseil de l'Europe, qui a soutenu de nombreux projets dans mon pays.

Le Monténégro fait partie de la coalition internationale qui s’efforce de résoudre les problèmes et de réduire les tensions entre pays. Il souhaite participer aux activités de l’Alliance atlantique et a bénéficié de la libéralisation des régimes de visa. En outre, il a noué des liens privilégiés avec l’Union européenne et rejoindra prochainement les pays candidats à l’adhésion. Le 1er mai dernier, l’accord de stabilisation et d’association est entré en vigueur. Il y a quelques jours, la première assemblée constituante prévue dans le cadre de cet accord s’est tenue à Luxembourg.

Lors d’une réunion au sommet entre l’Union européenne et les pays de l’Ouest des Balkans, à Sarajevo, nous avons réaffirmé notre engagement réciproque à favoriser la pleine intégration de la région au sein de l’Union. Les encouragements de Bruxelles nous incitent à faire encore mieux. Nous ne devons pas relâcher nos efforts, car l’Union européenne va évaluer la situation dans chacun de nos pays. L’intégration au sein de l’Otan constitue, pour le gouvernement du Monténégro, une garantie de stabilité.

En peu de temps, notre pays a fait beaucoup pour assurer son intégration au sein de l’Union européenne et de l’Otan. Il a adhéré en décembre 2009 au plan d’action en vue de l’adhésion à l’Otan. La semaine dernière, nous avons finalisé le plan d’action individuel en vue de cette adhésion et le premier contingent monténégrin a rejoint la force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan.

Nous avons également renforcé notre partenariat avec le Conseil de l'Europe. Nous sommes devenus membre à part entière de l’Organisation le 11 mai 2007. L’importance de cette adhésion a été reconnue dans tous les secteurs de la vie politique et sociale du pays. Elle est essentielle pour nous permettre d’atteindre nos objectifs stratégiques. Nous fondons notre politique sur les principes et les valeurs du Conseil de l'Europe et nous souhaitons encourager le dialogue afin de garantir la démocratie, la stabilité, la prééminence du droit et le développement économique. Notre gouvernement souhaite mettre en œuvre de la manière la plus efficace possible tous les engagements que nous avons pris en adhérant au Conseil de l’Europe. Nous avons donc renforcé nos institutions et ratifié 73 des conventions dans le domaine des droits de l'homme. Une seule convention obligatoire reste encore à signer, et trois conventions à ratifier.

Le Conseil de l'Europe considère que nous avons obtenu d’excellents résultats s’agissant du respect de nos engagements, ce dont nous nous félicitons. Notre gouvernement estime que le plus important n’est pas tant de ratifier les textes que de respecter toutes les normes requises pour l’Europe du XXIe siècle. L’appui du Conseil de l'Europe est très important pour nous dans le cadre du processus de réforme en matière de droit électoral, de système judiciaire, de système éducatif et de système pénitentiaire. Nous souhaitons améliorer la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, œuvrer pour la tolérance, assurer une égalité de traitement à tous nos citoyens et améliorer les conditions de vie des Roms.

La collaboration avec la Commission de Venise est particulièrement importante pour l’amélioration des normes démocratiques au Monténégro. En 2008 et en 2009, huit lois ont été examinées par la Commission de Venise. Le code électoral va également être réexaminé, ainsi que la loi relative aux minorités. Le respect de la prééminence du droit est l’un de nos engagements fondamentaux. Le Commissaire aux droits de l’homme continue à suivre la situation dans notre pays.

Les travaux de la Cour européenne des droits de l’homme sont également très importants. La Cour représente un instrument essentiel pour la protection des droits humains. Nous sommes résolument favorables au processus de réforme engagé au sein de la Cour et nous nous félicitons des méthodes introduites pour filtrer les requêtes sur la base de la Déclaration d’Interlaken. Il convient, à nos yeux, pour favoriser ce processus, de renforcer les instances judiciaires au niveau national. L’indépendance du pouvoir judiciaire doit également être améliorée, ainsi que les capacités des juges. Les résultats obtenus à ce jour sont excellents. Nous avons rattrapé le retard des affaires en instance dans notre pays. Nous devons également œuvrer à la mise en œuvre du support du réseau des procureurs dans l'Europe du sud‑est (Proseco) et améliorer la formation des juges et des procureurs.

Nous avons fait beaucoup pour la prévention du blanchiment d’argent et la lutte contre la criminalité organisée.

Nous avons mis en œuvre 16 des 24 recommandations du groupe d’Etats contre la corruption; les huit autres l’ont été partiellement.

Nous avons adopté les recommandations et le rapport des experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Nous avons adopté 41 des 49 recommandations formulées dans ce rapport.

Le Monténégro soutient par principe toutes les activités visant à renforcer le système des traités, des conventions, du renforcement des droits et des libertés de l’homme. Depuis notre adhésion au Conseil de l’Europe, nous avons voté un grand nombre de lois nouvelles, harmonisé notre législation avec les conventions internationales sur les droits de l’homme. Nous avons renforcé la capacité de nos institutions pour mieux mettre en œuvre les conventions du Conseil de l’Europe. Nous avons aussi renforcé notre participation au travail des instances du Conseil.

En avril, votre Assemblée a adopté le premier rapport sur le respect par le Monténégro de ses engagements et obligations à l’égard du Conseil de l’Europe. Il a constaté l’amélioration de la situation dans le pays. Nous avons aussi mis à profit les recommandations contenues dans ce rapport pour poursuivre le processus de réforme.

Nous sommes déterminés à tout faire pour continuer à améliorer la législation et la sécurité au Monténégro. Nous souhaitons nous aligner pleinement sur les normes européennes. Nous avons accepté les principes et les meilleures pratiques. Nous souhaitons être à l’avant‑garde des Etats et des peuples européens dans ce domaine. Nous demeurons résolument engagés en faveur des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Nous souhaitons réaffirmer notre appartenance aux traditions européennes.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, parmi les diverses priorités de mon gouvernement, on trouve les relations de bon voisinage. Nous n’avons pas de différend avec nos voisins.

Nous avons pris trois initiatives régionales importantes: une initiative Adriatique‑Mer ionienne, une initiative de l’Europe centrale, un processus de coopération du sud‑est de l’Europe. Nous sommes donc un acteur clef pour la stabilité dans notre région. Nous nous félicitons des progrès réalisés par nos voisins. Nous sommes toujours favorables au dialogue car profondément convaincus que d’éventuels problèmes régionaux peuvent être réglés uniquement par des moyens diplomatiques et politiques.

Nous souhaitons continuer à assurer le respect de la prééminence du droit et mettre en place un système juridique efficace. C’est la clef pour l’amélioration et le progrès de tout Etat. Le Monténégro est déterminé à contribuer à la paix, la stabilité et la prospérité de l’Europe. Je suis persuadé que le Conseil de l’Europe continuera d’apporter son soutien au Monténégro.

Mesdames et messieurs, je ne doute pas que votre attitude responsable à l’égard de tous les engagements que nous avons assumés nous aidera à mieux nous intégrer dans l’Europe. Je sais que sur cette voie, nous pourrons compter sur votre Organisation.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur Đukanović, pour votre discours très intéressant.

Un nombre important de collègues souhaitent vous poser une question. Je rappelle qu’elles ne doivent pas dépasser trente secondes et être vraiment interrogatives. Il ne doit pas s’agir de discours.

La parole est à M. Gardetto, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. GARDETTO (Monaco)

Monsieur le Premier ministre, il reste aujourd’hui au Monténégro des réfugiés ou des personnes déplacées. Dans sa Recommandation 1802 (2007), l’Assemblée a insisté sur le fait que la recherche de solutions adéquates aux besoins des réfugiés et des personnes rapatriées et déplacées à l’intérieur de leur pays ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie nationale en faveur de solutions durables pour leur retour, volontaire et permanent, doit occuper une place importante dans l’agenda politique de tous les pays de la région.

Nous savons que votre gouvernement travaille sur ce problème. Dans ce contexte, pouvez‑vous nous faire part de vos idées quant aux actions concrètes de coopération régionale que les pays d’Europe du sud‑est pourraient entreprendre pour améliorer la situation des personnes concernées et promouvoir la recherche de solutions durables pour leur retour ou leur intégration locale?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur Gardetto, pour cette question fort intéressante ainsi que pour votre contribution comme rapporteur du Conseil de l’Europe pour le Monténégro.

Dans les années 90 et au début de ce siècle, le Monténégro a connu de graves problèmes à cause du flux de réfugiés. En 1990, 20% de notre population étaient composées de réfugiés. La situation était d’autant plus compliquée, qu’à l’époque nous avions une guerre dans les Balkans avec des tensions interethniques. Les réfugiés affluaient. Cela n’a pas remis en cause pour autant dans mon pays le multiculturalisme. Nous avons pu faire face et accueillir de nombreux réfugiés qui vivent encore chez nous, venant du Kosovo et de Bosnie. Nous avons considéré que c’était notre devoir de le faire.

L’Union européenne nous avait demandé des efforts. Nous avons rempli un certain nombre de nos obligations. Certaines doivent encore l’être. Nous le ferons. Nous sommes en contact étroit avec les autorités de l’Union pour progresser.

Vous me demandez ce que nous pourrions faire de plus. Comment régler ce problème de façon définitive? Il faut solutionner les conflits de notre région, renforcer la stabilité de la Bosnie-Herzégovine, améliorer les relations entre la Serbie et le Kosovo pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux.

La communauté internationale peut jouer un rôle important, actif. Jusqu’à présent il n’y a pas eu d’action structurée. Souvent la communauté internationale s’est demandé ce qu’elle pourrait faire mais il n’y a pas eu des mesures concrètes jusqu’à présent.

Nous pouvons envisager toute une série de mesures: retour des réfugiés, création des conditions leur permettant de s’intégrer dans leur pays d’accueil… Le Monténégro a consacré des sommes importantes pour l’éducation et la santé de ces réfugiés. Cela dit, si nous voulons que ces personnes s’intègrent durablement dans notre société, d’autres efforts doivent être réalisés. Mais alors notre pays aura besoin d’aide.

Nous avons beaucoup fait dans les années 90. Tout n’est pas résolu, et nous avons besoin désormais de l’assistance de la Communauté internationale.

M. FASSINO (Italie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises l’intégration, dans l’Union européenne et dans les institutions euro‑atlantiques, comme un objectif que poursuit le Monténégro ainsi que les autres pays de la région des Balkans, pour apporter définitivement la stabilité à cette région. Cet objectif, il nous appartient de le soutenir et de l’encourager.

Les accords de Dayton ont été signés il y a 15 ans, et les efforts de la communauté internationale ont visé pendant toute cette période à apporter la stabilité à cette région. L’intégration euro‑atlantique représente le parachèvement de ce processus. Nous souhaitons également tous que le Monténégro, comme les autres pays concernés, puisse rapidement devenir membre de l’Union européenne.

Ma question porte sur la sécurité dans cette région, qui est parcourue par des flux d’émigrations clandestines importants et qui est affligée par l’existence de trafics illicites et par des formes graves de criminalité organisée. Tout cela suscite l’inquiétude des populations ainsi que de l’opinion publique des pays européens.

Comment le Premier ministre du Monténégro aborde‑t‑il cette question, et quelles sont les mesures qu’il compte prendre afin d’instaurer la sécurité et la stabilité?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Je vous remercie pour cette question très pertinente. Vous soulevez un point qui constitue une priorité lors des discussions entre les dirigeants de notre région et les autorités européennes. L’Europe est de plus en plus sensible à ce sujet, dans le cadre des élargissements successifs.

Si nous tenons compte de l’histoire de notre région, nous pouvons constater qu’il subsiste un climat de violence; un certain nombre de comportements psychologiques n’ont pas évolué.

Notre région a connu, dans les années 90, des conflits violents, nous avons fait l’objet de sanctions, notamment d’un embargo, qui ont marqué les esprits et encouragé le développement d’une économie parallèle.

Il convient donc de s’attaquer sérieusement à la criminalité organisée. Mais sachez que nous avons commencé à régler ce problème. Un grand nombre de délinquants ont déjà pu être réintégrés dans notre société, et nos résultats sont parfois meilleurs que dans d’autres pays.

Le Monténégro accorde la plus grande importance à cette question. J’en veux pour preuve les négociations menées à Bruxelles sur ce sujet et notre coopération étroite avec Europol et Interpol. D’ailleurs, l’Union européenne s’accorde pour constater que des progrès réels ont été réalisés au Monténégro.

Je suis intimement convaincu que c’est en luttant contre la criminalité organisée que nous pourrons rendre notre pays plus stable. L’histoire nous enseigne que notre région a tendance, à intervalles réguliers, à sombrer dans l’instabilité; il convient donc d’en tirer les enseignements et d’y mettre un terme. Je suis convaincu que l’intégration des Balkans occidentaux à l’Union européenne aura pour conséquence une plus grande stabilité de la région et rendra l’Europe plus compétitive. Chacun doit progresser à son rythme et je suis persuadé que le Monténégro sera le prochain pays à intégrer à la fois l’Otan et l’Union européenne.

Mme KEAVENEY (Irlande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, vous avez à plusieurs reprises employé les mots «instabilité» et «histoire». Dans ce contexte, j’aimerais savoir quelle priorité vous accordez à l'enseignement de l’Histoire dans le but de nous permettre de minimiser les possibilités de conflits, en se concentrant, non pas sur les différences, mais sur les similarités.

Enfin, quel est le rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe dans ce contexte?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

J’ai déjà rappelé l’expérience que nous tirons de notre histoire récente, une expérience de conflits récurrents.

Quelle que soit l’origine de ces conflits, ils ont toujours pour fondement un manque de tolérance et de respect s’agissant de diversité ethnique ou religieuse. C’est pourquoi le rôle de l’éducation est si important.

Il convient de résoudre les questions politiques qui sont encore en suspens dans la région. Il y a peu, je me suis entretenu avec le Secrétaire Général, M. Jagland, à propos des relations entre la Serbie et le Kosovo, la Macédoine et la Grèce. Toutes les situations n’ont pas le même degré d’intensité, mais il est crucial de les résoudre pour consolider la stabilité dans notre région. L’essentiel consiste à concentrer les efforts sur la solution à apporter à ces problèmes avec l’aide des institutions du Conseil de l’Europe.

S’agissant de la réforme du système de l’éducation, il faut améliorer la tolérance vis‑à‑vis de la diversité. Au fil du temps, nous établirons les fondements nécessaires à une bonne intégration de notre pays dans la société européenne.

M. KUMCUOĞLU (Turquie) (interprétation)

La question que je désirais poser a été abordée par M. Fassino et a donc reçu une réponse. Toutefois, à titre personnel et en tant que membre de la fondation qui s’occupe de ces questions à Istanbul, je veux vous souhaiter le plus grand succès dans votre entreprise, Monsieur le Premier ministre.

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Je vous remercie de vos propos.

M. KOX (Pays‑Bas) (interprétation)

Le processus de l’intégration européenne prévoit également l’accession de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Le processus est en cours, mais il devra être ratifié par les 47 Etats membres. Pouvons‑nous prévoir que le Monténégro en tant que membre du Conseil de l’Europe soutiendra un processus de ratification sans heurts et sans accrocs comme l’a proposé notre Secrétaire Général, M. Jagland?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Je réponds: oui, absolument.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Voilà qui est précis et concis!

M. Ivanovski étant absent, la parole est maintenant à M. Petreski.

M. PETRESKI («L’ex‑République yougoslave de Macédoine») (interprétation)

Des opportunités s’offrent en ce moment au Monténégro. Quelle est l’importance de la coopération régionale dans le cadre des perspectives européennes et euro‑atlantiques et que peut faire votre pays et votre région pour réussir à réaliser ses aspirations?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

La coopération régionale est d’une importance extrême. Elle revêt quatre dimensions. Premièrement, c’est par la coopération régionale que nous réussirons à surmonter plus rapidement les obstacles que nous rencontrons et qui remontent aux années 90 et à la crise qui est intervenue alors. Deuxièmement, les initiatives et la coopération régionale constituent un pont approprié pour faciliter le processus de réconciliation. S’ajoute une autre dimension: la coopération régionale permet de préparer efficacement le terrain pour asseoir nos efforts dans le sens de l’intégration européenne. C’est pourquoi le Monténégro est très attaché à cette coopération.

Il bénéficie en outre de la confiance de la région. Cette année, nous présidons trois initiatives importantes: l’initiative d’Europe centrale, l’initiative euro-Adriatique et le processus de coopération en Europe du sud. C’est bien là une manifestation de la confiance dans le Monténégro qui a recouvré sa souveraineté il y a seulement quatre ans.

Nous devons le plus rapidement possible trouver la formule qui nous permettra de surmonter les problèmes récents, notamment en assurant la présence de représentants de la Serbie et du Kosovo. Si nous réussissons à travailler au sein d’enceintes régionales à part entière, nous parviendrons alors à nous acquitter des obligations qui seront les nôtres demain.

M. GALATI (Italie) (interprétation)

Les rapports d’Amnesty International font apparaître que le Monténégro a réalisé des progrès importants s’agissant de la poursuite des crimes de guerre et surtout du respect des droits de l’homme.

Le Monténégro pourrait en 2011 obtenir le statut de pays candidat à l’Union européenne, puisque l’accord de stabilisation et d’association ratifié par les 27 Etats membres de l’Union européenne est d’ores et déjà entré en vigueur. Cela dit, cette adhésion restera conditionnée à l’engagement des négociations sur la base de progrès ultérieurs.

Quelles sont les politiques de rapprochement que votre gouvernement adoptera pour faciliter l’adhésion vers l’Union européenne et pour s’aligner sur la politique des droits de l’homme en vigueur au sein des institutions européennes?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Il est important que l’on reconnaisse que le Monténégro a fait preuve de responsabilité pour assumer les obligations qui sont les siennes et respecter les normes requises pour accéder à une intégration. C’est ainsi que nous avons pu mettre un terme aux bruits qui circulaient et faire taire les doutes qui pesaient sur la possibilité du Monténégro d’être un Etat viable. Nous avons, en effet, scrupuleusement respecté toutes nos obligations aux termes de l’accord intérimaire et nous avons répondu de façon efficace aux questions qui nous étaient adressées par la Commission européenne. Cela dit, ce n’est qu’une toute petite partie du travail, car il reste encore beaucoup à faire!

Pour les pays de la région comme pour le Monténégro, l’essentiel consistera à assurer la prééminence du droit pour faire valoir les droits des minorités et pour lutter de façon efficace contre la corruption et la criminalité organisée. Ce sont là les questions placées au cœur du développement de la démocratie tout autant que du développement économique de notre région.

Au cours des trois années qui ont suivi le référendum, le Monténégro a connu une progression économique extrêmement dynamique et une croissance annuelle du PIB de l’ordre de 9%. Nous avons reçu des flux importants d’investissements étrangers. Notre système économique, semble‑t‑il, attire les investisseurs étrangers. Cela étant, la question essentielle reste la prééminence du droit. C’est pourquoi nous avons mis en place de nouvelles dispositions qui ont pour objet d’harmoniser le système juridique du Monténégro sur celui de l’Union européenne, afin de renforcer la confiance de nos partenaires étrangers, ce qui formera l’impulsion nécessaire pour rétablir une véritable croissance économique.

M. VAREIKIS (Lituanie) (interprétation)

Votre pays n’est pas encore membre de l’Union européenne, ni même candidat. Pourtant la monnaie de votre pays est l’euro. Envisagez-vous de créer une monnaie nationale ou comptez-vous rester dans la zone euro? Quelles sont vos relations avec la Banque centrale européenne?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Vous avez raison de dire que le Monténégro utilise l’euro. Je vais vous en expliquer les raisons.

Pendant un temps, le Monténégro formait une fédération avec la Serbie. A l’époque, une énorme inflation sévissait. C’est pourquoi nous avons alors demandé à utiliser une monnaie étrangère – le deutschemark – avant de passer à l’euro. Nous avons par ailleurs essayé de mener une politique responsable en nous conformant aux règles de la Banque centrale européenne. Certains prétendent que nous avons eu de la chance mais, outre que cela n’a pas été de soi, nous avons été contraints de mettre en oeuvre des réformes considérables et d’en payer le prix fort. Même si nous ne sommes pas obligés de respecter stricto sensu les critères de Maastricht, je note que notre dette ne représente que 36% de notre PIB et qu’elle est comme telle largement inférieure à celle de nombreux pays de l’Union européenne. De surcroît, même si nous sommes conscients de nos faiblesses dans le contexte économique actuel de la zone euro, nous considérons que nous avons fait le bon choix et que nous devons persévérer: Non seulement nous n’avons pas l’intention de créer une monnaie nationale, mais nous entendons nous conformer bientôt aux critères de Maastricht.

Mme LAVTIŽAR‑BEBLER (Slovénie) (interprétation)

Je félicite le Monténégro pour les progrès accomplis sur le chemin de l’intégration européenne. Outre que ce pays constitue l’une des priorités du programme slovène de développement, nous espérons que ses responsables parviendront non seulement à intensifier la lutte contre la criminalité organisée et en faveur de l’indépendance des médias mais, également, à obtenir le statut de candidat à l’Union européenne avant la fin de l’année.

Qu’attendez‑vous donc en priorité, Monsieur le Premier ministre, de l’adhésion à l’Union européenne?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous avons réalisé de grandes réformes institutionnelles et politiques afin d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Toutefois, si nous souhaitons faire partie de l’Union européenne le plus rapidement possible, il ne s’agit pas pour autant d’une finalité en soi, même si nous sommes en l’occurrence confiants.

Nous sommes également persuadés que nous manquerons très rapidement de main‑d’œuvre, la crise économique n’ayant guère eu de conséquences sur le taux de chômage dans notre pays. Outre que notre industrie est solide, chacun pourra vivre chez nous de son travail et donner libre cours à son esprit d’entreprise. Le Monténégro a en effet tous les atouts pour être l’une des républiques de l’ex‑Yougoslavie les plus prospères et développées – le revenu par tête d’habitant se situe autour de € 5 000, ce qui est très en deçà de notre potentiel; parce que nous pouvons encore progresser, nous entendons donc promouvoir nombre de projets – notamment en matière d’infrastructures routières et ferroviaires. La relance de notre économie est en bonne voie, étant entendu que la priorité des priorités demeure, je le répète, l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.

Je gage donc que les conditions sont remplies pour que nous obtenions cette année le statut de candidat et que commencent les négociations d’adhésion. Il existe, certes, un contre‑exemple, «l’ex‑République yougoslave de Macédoine» ayant obtenu un statut de candidat sans que les négociations, pour autant, ne commencent, mais j’espère que nous ne connaîtrons pas le même sort.

M. IWIŃSKI (Pologne) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, votre pays étant une oasis de stabilité dans la région, il n’est pas étonnant que les investissements y soient nombreux. L’instabilité de certains de vos voisins étant quant à elle le plus souvent due à une mauvaise approche du problème des minorités, où en êtes‑vous de votre projet – d’ailleurs pierre d’achoppement parmi vos propres concitoyens – visant à garantir trois postes aux minorités qui dépassent 5% de la population et un siège à celles qui en représentent moins de 5%?

M. Đukanović, Premier ministre du Monténégro (interprétation)

Je le répète: nous sommes fiers, non sans raison, de la façon dont nous abordons la question des minorités.

Nous avons été le seul Etat de Yougoslavie à n’avoir pas connu de guerre sur son territoire durant les années 90. Nous étions un petit territoire sous développé et multiethnique – nous comptons un grand nombre d’ethnies différentes. Nous avons toutefois réussi à éviter ces problèmes, malgré, difficulté supplémentaire, le très grand nombre de réfugiés qui ont afflué sur notre territoire. Le fait que le Monténégro n’ait pas de litige en cours avec ses voisins est un signe de la réussite de sa politique de protection des droits des minorités. Je pourrais m’exprimer très longuement sur cette question.

Nous ne sommes pas les seuls à avoir des mérites, car, par le passé également, nous avons connu une politique positive à l’égard des minorités. Il est arrivé que des tensions surgissent et que des problèmes se posent entre communautés, mais cela n’a jamais pris une très grande ampleur. Depuis des années, la coalition au pouvoir réunit le parti social‑démocrate et le parti d’inspiration socialiste. Mais nous avons aussi dans le pays des partis qui regroupent les personnes d’origine albanaise ou encore d’origine bosniaque. Nous avons toujours pu coopérer avec l’ensemble d’entre eux: ils considèrent que le Monténégro est l’Etat dans lequel ils souhaitent vivre et qu’ils veulent construire un Etat respectueux de chacun.

Notre code électoral comportait effectivement les dispositions auxquelles vous avez fait allusion. Cette solution était liée au droit d’une minorité spécifique: celle des Albanais qui, du fait de leur langue différente, avaient un statut particulier. Le code électoral leur garantissait un certain nombre de sièges au parlement – cinq, puis quatre. Aujourd’hui, nous pensons que le moment est venu de mettre en place de nouvelles dispositions plus intégrées traitant des droits de toutes les minorités au Monténégro. Nous avons donc élaboré un projet de loi, qui a été soumis à la Commission de Venise pour avis. Cette dernière s’est exprimée favorablement et ce texte sera prochainement adopté par le parlement monténégrin.

Je suis persuadé que l’on renforcera ainsi la stabilité politique du pays en réglant ces questions de manière optimale.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Mes chers collègues, il nous faut maintenant arrêter les questions à M. Đukanović que je remercie vivement au nom de l’Assemblée de sa présence ainsi que pour son discours et ses réponses à nos questions.